Chapitre VI. Récits de vie des religieuses
p. 163-182
Texte intégral
1Après avoir questionné les formes d’adaptation des religieuses missionnaires aux cultures missionnées locales, ce dernier chapitre viendra clore l’étude comparative dans son versant relatif à ces femmes, religieuses et missionnaires. À travers leurs récits de l’interaction avec l’autre, les populations autochtones nord-amérindiennes, il sera possible de mettre en lumière une dernière fois les mémoires de mission. Au-delà de l’ethnographie des missions, en s’intéressant au discours que tiennent les religieuses sur leur fonction de femmes missionnaires, il est possible de mettre au jour certaines spécificités du féminin dans la pensée occidentale chrétienne. En confrontant le monde des religieuses à celui de l’altérité amérindienne à évangéliser, un portrait idéal de la femme catholique apparaît alors. À travers le prisme des considérations religieuses missionnaires en vigueur à la fin du xxe siècle, le constat qu’elles portent sur la diversité culturelle, dont l’une des variantes est ici établie par les populations autochtones, se révélera également.
Être femme en mission
2L’histoire des missions est avant tout une histoire masculine et écrite par des hommes. Dans ces écrits, les femmes missionnaires ont tendance à être laissées à la marge. Si leur statut de pionnières a pu être mis en avant par quelques récits héroïsés, c’est le statut d’auxiliaires précédemment défini qui perdurera malgré les adaptations qui devront être rendues visibles suite à la réunion du concile Vatican II. Le statut de femme religieuse et missionnaire jusqu’à présent décrit est révélateur du féminin dans sa construction culturelle dans l’Occident catholique. Le masculin et le féminin modélisés par le catholicisme sont d’autant plus mis en exergue qu’ils sont confrontés à la diversité culturelle. Le catholicisme propose une idéologie des sexes précise et une conception du masculin et du féminin qui trouve sa pleine expression dans le personnel ecclésiastique. En ce sens, la religieuse missionnaire est la figure idéale à retenir pour une description du féminin selon la doctrine catholique. Figure qui se veut être un modèle auquel doivent se conformer toutes les populations converties. Si l’image de ces femmes de terrain a été jusqu’à présent essentiellement décrite au travers du façonnage donné par l’Église catholique, il est temps désormais de s’appuyer directement sur leurs témoignages.
3Le statut de la religieuse en mission, femme de l’Église représentant son sexe en pays non évangélisé, se trouve pleinement défini dans les rapports qu’elles entretiennent premièrement avec les hommes missionnaires avec lesquels elles partagent leur obédience et secondement avec l’altérité culturelle représentée par les populations autochtones. Engagement et dévouement à autrui façonnent cette identité de religieuse en mission qu’elles donnent à voir.
4En ce qui concerne tout d’abord la place des femmes dans l’Église catholique, plusieurs religieuses mentionnent la hiérarchie ecclésiale exclusivement masculine. L’une d’entre elles, religieuse enseignante en école résidentielle dans les années 1950, va jusqu’à affirmer « moi là-dedans je suis juste un instrument1 ». Suggérant ainsi le peu d’autonomie des religieuses dans le monde catholique, elle poursuit en parlant des différents papes successifs :
« On ne peut pas dire que la femme a eu beaucoup de place quand même. On se bat pour avoir une place, partout. Pour que notre charisme ressorte davantage. On a besoin des mamans. La maman elle est tendre, elle a ses qualités. La qualité de la femme, ce n’est pas la qualité de l’homme, on est complémentaire2. »
5En échangeant sur le sujet des femmes dans l’Église catholique, la religieuse missionnaire propose une analogie entre féminin et maternité. Le féminin est immédiatement, voire exclusivement, réduit à sa valeur reproductrice. Devant la non-place de la femme dans la hiérarchie ecclésiale, la religieuse insiste sur l’importance des qualités féminines qui sont des qualités maternelles. Pour résumer, celles-ci sont de l’ordre du maternage et du care – de l’attention à autrui – qui semblent compléter les qualités masculines que la religieuse ne mentionne pas.
6Dans le discours de cette enseignante, le « besoin des mamans » s’inscrit alors en contrepoids de l’omniprésence du masculin dans l’Église. Ainsi, le féminin maternel n’est pas seulement complémentaire du masculin, il est équivalent. Là où le masculin dispose de l’autorité hiérarchique, le féminin quant à lui dispose de qualités relevant de la maternalité. Il est une fois de plus possible de souligner l’attribution « polymaternelle » comme étant indissociable du statut des religieuses. Dans le discours de cette même missionnaire, les capacités révélées par les activités des congrégations de femmes semblent uniquement féminines : « Je ne pense pas que les hommes auraient pu faire ce qu’on faisait3. »
7Les femmes excellent dans les domaines que les hommes ne maîtrisent pas. Les religieuses et leurs dispositions féminines au care contrebalancent et équilibrent dans un jeu d’équivalence les domaines masculins. À chaque sexe ses domaines de compétence privilégiés à tendance exclusive. Il ne s’agit pas alors d’une simple forme de complémentarité dans le sens de la recherche d’une complétude. Les deux sexes s’équilibrent en se compensant mutuellement. La religieuse susmentionnée emploie le terme de complémentarité pour décrire la relation entre les sexes dans laquelle son esprit a été formé. Cependant, la notion d’équivalence semble mieux représenter cet état de fait. Le rôle régulateur du féminin vis-à-vis du masculin a déjà été noté. Le poids des attributs féminins modérant les attributs masculins permet un équilibre dans la dissymétrie des sexes : l’un annulant l’autre, le principe d’équivalence se construit.
8Une seconde missionnaire de la même congrégation revient également sur l’importance des femmes dans les missions canadiennes et les qualités féminines qui semblent faire la différence avec le masculin :
« Nous autres, les femmes, on est plus délicates. La maman elle prend soin de l’enfant depuis la naissance. Je pense c’est ça la différence, on comprend mieux les enfants4. »
9Le rapprochement entre les femmes et leurs qualités maternelles qui les destinent à prendre soin des enfants est ici une nouvelle fois remarqué. Tout comme l’informatrice précédente, cette dernière est issue de la congrégation des Sœurs missionnaires oblates. Il serait alors possible de penser que cette assimilation automatique entre femme, maternalité et care est due à un discours acquis au sein de cette congrégation. Surtout lorsqu’on garde à l’esprit l’histoire de sa fondation : équivalent féminin des missionnaires oblats de Marie Immaculée, fondée en 1904 par Mgr Langevin à Saint-Boniface (Manitoba) dans l’objectif de soutenir l’effort missionnaire masculin sur le terrain canadien en apportant les qualités des activités féminines. Cependant, le caractère généralisant de ce rapprochement au sujet de l’attribution aux femmes des rôles issus de capacités relevant de leur valeur reproductrice a été noté à plusieurs reprises.
10Se pose alors la question du rapport entre religieuses et missionnaires masculins, hiérarchie la plus proche en territoire de mission. Une missionnaire animatrice pastorale et surveillante en école résidentielle qui a passé une vingtaine d’années dans les Territoires du Nord-Ouest livre ses impressions sur la cohabitation avec les missionnaires :
« Avec les prêtres, ça ne se passait pas toujours très bien. C’est un peu comme le rôle de la femme dans l’Église. Dans le temps où j’étais dans le nord [dans les années 1960 et 1970], il y avait des curés qui étaient bien ouverts. Mais il y en avait d’autres…, ça n’avait rien à voir5. »
11Encore une fois, tout est question d’individualités. De la même façon que certains missionnaires adaptaient leurs pratiques aux milieux autochtones, certains étaient ouverts à la présence des congrégations féminines, d’autres moins. Il semble donc que l’importance du travail missionnaire féminin ne soit pas toujours reconnue par les missionnaires masculins. Une autre religieuse ayant passé plus de vingt ans dans les territoires autochtones de l’Ontario décrit la relation avec les prêtres dans les écoles résidentielles :
« On travaillait ensemble. Alors, c’était eux autres [les missionnaires hommes] qui étaient vraiment les “boss”. Alors on les consultait. Pour que ça marche bien, faut bien consulter. Il ne faut pas être “boss” quand tu es à notre place. Tu ne peux pas “bosser” un homme6. »
12L’anglicisme prend alors le dessus dans le discours de cette religieuse bilingue pour décrire une certaine forme de domination des prêtres sur les religieuses. La religieuse doit négocier avec les représentants de la hiérarchie ecclésiale sur le terrain. Dans cet exemple, la complémentarité n’est plus d’actualité. Masculin et féminin sont bien deux forces qui s’opposent et tentent de s’équilibrer : le masculin voulant s’affirmer est modéré par le féminin qui négocie par consultation. Cette hiérarchie, prédominance du masculin sur le féminin, est tout de même amoindrie si l’on prend la mesure de l’indispensabilité des femmes missionnaires, auxiliaires de terrain. Devenue indispensable, la présence de ces femmes en mission est d’une valeur équivalente à celle des hommes. Si le travail missionnaire féminin peut ainsi être considéré comme l’équivalent du travail masculin, cet équilibre se trouve dans les activités respectives des missionnaires. Cependant, au niveau des interactions individuelles, le masculin tente de dominer le féminin par l’imposition d’une autorité hiérarchique. Le statut (et la nature communautaire) des congrégations de religieuses ne permet pas de passer outre ces enjeux hiérarchiques. Comme cela a déjà été mentionné, au sein du groupe de femmes missionnaires une première hiérarchie interne existe déjà.
13Cette superposition des strates hiérarchiques semble parfois avoir une influence eu sein de la relation qui se crée entre femmes missionnaires et populations autochtones. En effet, la présence religieuse féminine en groupe ne facilite pas toujours la relation avec les populations autochtones et ce, malgré les qualités naturelles, dites féminines, dirigées vers le soin d’autrui sans cesse rappelées par le discours du catholicisme. Constatant l’attention portée par les autochtones aux missionnaires masculins solitaires, vision sans doute édulcorée par les lectures de récits de mission, une religieuse ayant passé une vingtaine d’années dans les Territoires du Nord-Ouest dans les années 1960 et 1970, explique en quoi le fait d’être une congrégation féminine peut desservir le travail de missionnaire :
« Ils [les autochtones] ont une grande attache aux missionnaires. Ils en prenaient soin de leurs missionnaires. Parce qu’ils savaient qu’ils venaient de loin. Ils leur apportaient à manger, ils prenaient vraiment soin des missionnaires. Nous autres, les sœurs, parce que nous vivions en groupe, on n’était pas aussi près d’eux dans un premier temps. Les missionnaires arrivaient, parfois avec les Frères, ils étaient juste deux, trois et très souvent il y avait juste un prêtre. Tandis que nous autres, on a toujours été là en groupe. C’est notre vie communautaire. Les femmes n’avaient pas autant de proximité que les missionnaires hommes7. »
14Le constat semble faire sens. Si les missionnaires hommes allant seuls dans les contrées éloignées sont plus susceptibles d’interagir directement avec les populations autochtones, le spectre du cloître communautaire des religieuses instaure une certaine distanciation. Bien que les communautés missionnaires féminines ne soient plus soumises à la clôture et que Vatican II incite les missionnaires à se mêler à la culture locale, l’autonomie de déplacement et les libertés d’initiative sont tout de même restreintes, soit par leur statut de religieuses, soit par l’environnement des territoires isolés du lieu de mission. Arrivant toujours en groupe de quatre ou cinq dans un nouveau lieu de mission, elles sont installées dans une maison qui leur est dédiée. Seules les infirmières et animatrices pastorales sont mandatées par leur hiérarchie pour se déplacer dans les communautés satellites du lieu de mission principal8. De fait, et cela a déjà été noté, les enseignantes en écoles résidentielles sont les religieuses qui ont le moins d’interaction avec les communautés autochtones.
15Conscientes d’être « des femmes en mission », les religieuses ne cessent de présenter l’interaction et l’engagement dans l’attention portée à l’autre comme étant au cœur de leur identité, alors avant tout définie par leurs activités.
« On ne peut pas mettre les Indiens dans un coin et moi dans un autre, c’est une relation9. »
16La relation de vis-à-vis instaurée par le contexte des missions est consécutive au statut et à l’identité des religieuses missionnaires. Cette relation s’instaure dans le don de sa personne que fait la religieuse10. Ce don de soi au service de l’autre définit la vocation des religieuses en mission : femmes qui, par leurs activités relevant de leur nature féminine, doivent prendre soin de tous suivant les principes du care. En prononçant ses vœux perpétuels, la religieuse s’engage envers elle-même et envers autrui.
17Pour tous les ordres ou congrégations de religieux et de religieuses, les vœux sont centrés autour de trois thèmes : la pauvreté, la chasteté et l’obéissance. En ce qui concerne le vœu de chasteté, la Constitution de la Congrégation des Sœurs de l’Enfant Jésus du Puy précise :
« Pour conserver et faire grand en elles la belle vertu de pureté, elles fuiront les occasions dangereuses, elles éviteront l’oisiveté, les amitiés trop naturelles, la recherche dans les vêtements, le désir d’être remarquées ; elles s’adonneront sérieusement à la prière ainsi qu’à la pratique de la mortification et de l’humilité ; enfin elles auront une grande dévotion à Marie, la Reine et la protectrice des Vierges11. »
18Le vœu de chasteté, engage la religieuse avant tout dans son propre corps. Celui de pauvreté n’engage pas spécifiquement le corps ni l’esprit de la religieuse, mais sa matérialité : le renoncement à ses biens pécuniaires. Le vœu d’obéissance concerne sa soumission à la congrégation et régit ses relations avec l’autre : tout d’abord avec sa hiérarchie directe, la supérieure de la congrégation, mais également avec ses compagnes et les congrégations masculines, ainsi qu’avec le monde extérieur : « Elles éviteront les correspondances inutiles. Pendant l’Avent et le Carême elles n’écriront que les lettres indispensables12. » Par ces trois vœux, la religieuse s’engage ainsi à se restreindre et à accepter de devenir figure et représentation physique dans l’espace social du catholicisme féminin. En prononçant ses vœux, la religieuse passe un contrat avec l’Église. L’aliénation de la religieuse est décrite par Diderot dans son ouvrage publié à titre posthume en 1796. Certes anticlérical, l’auteur tend à dépeindre l’engagement comme un renoncement13. L’engagement de la religieuse est bien un renoncement de soi au profit d’autrui. Le vœu de chasteté est en effet la première marque de ce renoncement qui est un renoncement à une sexualité et à une maternité. Si le propre du féminin est, dans la conception catholique, de perpétuer l’espèce humaine, la vocation des religieuses – il s’agit toujours ici des congrégations actives et non pas contemplatives – est de prendre soin des autres.
19Ce renoncement s’exprime donc entre autres par le dévouement de soi et de son corps. Et quoi de mieux du point de vue de la religieuse que d’offrir à Dieu son bien sensible le plus intime, son corps. L’huile sur toile de Claude François, dit frère Luc, Hospitalière soignant le seigneur dans la personne d’un malade, réalisée en 1670 et conservée au monastère des Augustines de l’Hôtel-Dieu de Québec illustre un double engagement du corps : celui du corps de la religieuse déterminé dans le soin du corps de l’autre (cahier couleur, pl. VI, no 10). Le corps engagé de la religieuse s’inscrit tant dans l’espace social, par son dévouement auprès des plus faibles, que dans sa démarche personnelle de salut14. L’accomplissement des religieuses est intimement lié au dévouement de leur propre corps. C’est par ce dévouement que la religieuse se définit et donc s’accomplit comme telle. La privation sexuelle, inscrite dans les vœux prononcés par la religieuse, est l’exemple le plus explicite de cette démarche du renoncement. L’unique chose qui ne soit donnée qu’aux femmes, la maternité, est retirée aux religieuses par le principe de chasteté, sacrifice ultime du corps féminin. Le corps sexué et surtout sexuel de la religieuse doit s’effacer.
20Pourtant, les discours encadrant la pratique de la chasteté par les religieuses au xxe siècle ne semblent pas décrire ce vœu comme un renoncement ou un sacrifice, mais plutôt comme une capacité à réguler et maîtriser la nature humaine15. Conserver le vœu de chasteté c’est dompter la nature humaine. Ce discours s’accorde alors parfaitement avec le contexte où les congrégations de religieuses s’activent dans le monde commun du fait de leurs fonctions et où les corps, jusqu’alors enfouis derrière les cloîtres, font surface dans l’espace public. Le corps matériel dont l’Église se dote à la fin du xixe siècle et au xxe siècle, formé de la main-d’œuvre des femmes religieuses, est ainsi dissimulé sous un discours spirituel justifiant la maîtrise de la faute originelle. La fonction de la figure féminine modératrice du masculin, en soulignant les capacités féminines à former les consciences au sein de la famille et à modérer les maris, a déjà été remarquée à plusieurs reprises et est une fois de plus réaffirmée au xxe siècle. Les manuels de confessions et les sources qui émanent de l’Église catholique expliquent aux femmes comment réguler la sexualité masculine16. Le féminin, qu’il soit profane dans l’espace domestique ou sacré par les vœux prononcés par la religieuse, se retrouve confronté à la tâche de réguler la nature humaine, sexuée et sexuelle, et de s’extirper de la relation charnelle pour contrôler et maîtriser la pulsion qui, quant à elle, est très généralement associée au masculin.
21Voici donc tout l’enjeu de l’engagement féminin : un renoncement de son propre corps, qui, dans les discours, n’en est pas vraiment un, au bénéfice de la régulation de la nature humaine. Ceci appliqué dans le monde des religieuses, s’exprime par un sacrifice non seulement du corps, mais également de sa capacité reproductrice consenti au profit de la collectivité. Seuls l’engagement envers autrui et les activités relevant du principe du care permettent aux religieuses de s’exprimer en tant que femmes. Elles ne sont pas mères biologiques, mais tentent de devenir les mères de chacun. C’est par ses activités au sein des communautés et par son dévouement à autrui que la religieuse se définit et c’est ainsi que la fonction de missionnaire serait l’un des exemples les plus aboutis de la féminité conçue par la doctrine catholique.
22Pour la plupart des religieuses rencontrées, la présence en territoire autochtone est l’engagement d’une vie. La grande majorité d’entre elles ont passé plus de vingt ans avec des populations autochtones canadiennes, soit une part importante de leur carrière de religieuse. Nombreuses sont celles qui ont choisi de s’engager envers l’altérité à la fois la plus marquée et la plus proche d’elles géographiquement. En demandant des obédiences en mission autochtone, ces religieuses canadiennes font le choix de représenter le catholicisme sous sa forme féminine auprès de ces populations qui restent à évangéliser. La rencontre avec l’autre, autochtone, plus faible et plus démuni, auquel les religieuses tentent de rendre service par l’apport de l’éducation, de l’instruction religieuse ou encore de soins médicaux, semble naturellement provenir d’une considération et d’un amour envers cette altérité à évangéliser. Si la distinction entre missionnaires et autochtones semble propice à manifester la supériorité des premiers sur les seconds, le discours des religieuses et de la théologie catholique transforme, par la notion d’« amour de l’autre », ce rapport inégal en positionnant religieux, religieuses et populations à évangéliser de façon équivalente.
« Ce sont des personnes d’une qualité extraordinaire. C’est un peuple attachant17. »
« Si j’avais l’expérience que j’ai aujourd’hui, je n’agirais pas comme ça. Ça ne serait pas pareil du tout, parce que maintenant, je les ai connus. On a été entraîné à aimer les personnes, à les respecter, on est tous égaux, il n’y en a pas plus haut que d’autres18. »
« On dit toujours missionnaires, mais pour moi c’est une présence, aimer les gens19. »
23L’amour de l’autre offert par les missionnaires ne fait pas de distinction entre convertis et non-convertis. Et les religieuses sont « entraînées » à donner cet amour ; à défaut d’être formées à la culture locale à évangéliser. De fait, l’amour de l’autre comme principe général de la religion catholique et l’affection envers des personnes particulières doivent se confondre l’un dans l’autre. « L’affectivité appartient à l’ordre naturel, mais elle ne doit plus être battue en brèche, elle doit être spiritualisée, orientée vers Dieu20. » La notion d’affect ne doit donc plus être réfrénée comme c’était le cas avant Vatican II, ni associée à l’amour naturel qui tend vers un caractère sexuel, elle doit être orientée vers Dieu et s’exprimer par l’amour des autres. « L’amour chaste se caractérise par la gratuité, l’absence d’égoïsme et le refus de l’attachement : l’autre doit être aimé en Dieu, pour l’autre et non pour soi21. » L’engagement est ici celui de la renonciation à recevoir quoi que ce soit en échange de cet amour de l’autre. C’est dans cet amour inconditionnel de l’autre que la religieuse doit interagir avec l’altérité, renonçant une fois de plus à soi au profit total de l’autre. Cet amour de l’autre tend aussi vers une neutralisation du désir sexuel et de fait de la sexuation. En latin, « amor » signifie le désir sexuel de l’autre. L’un des génies du christianisme est d’avoir repris et transformé cette notion d’amour en un médiateur universel désincarnant totalement l’objet du désir. Les notions d’amour de Dieu et d’amour de l’autre neutralisent totalement la dimension sexuelle de la notion originelle. Par la généralisation de la notion d’amour à l’humanité, le désir sexuel est étouffé.
24Être femme, religieuse et missionnaire tient donc du renoncement à soi accepté pour se mettre au service d’autrui. Le féminin, par sa sensibilité naturelle relevant de la maternalité, est mis en avant pour équilibrer les capacités masculines. Par leurs attributs de femmes potentiellement mères, les religieuses font contrepoids aux attributs des missionnaires masculins. Cependant, cette potentielle maternité ne doit pas se concrétiser, au contraire, le principe de chasteté est indissociable du statut de religieux. Entre renoncement à soi et à son corps et dévouement à l’autre, la figure de la religieuse s’identifie. Ces principes identificatoires fonctionnent aussi bien pour le regard ethnographique porté sur cette catégorie sociale, que pour elles-mêmes, lorsque les religieuses caractérisent l’accomplissement de leur statut par le dévouement au service de l’autre.
Définition dans la confrontation
25L’importance pour le catholicisme des questions de consanguinité et de filiation par le sang a été soulignée à plusieurs reprises, en creux, au regard du principe d’adoption fondamental dans le monde nord-amérindien. Ces deux notions sont au fondement du mariage chrétien et catholique et se trouvent mis en exergue par la diversité culturelle. C’est dans la comparaison avec l’altérité autochtone qu’il est possible de dégager des pistes de réflexion concernant le modèle féminin idéal qui, selon le dogme catholique, tend vers un principe de neutralisation des genres sexués.
26Dans les Codex Historicus de la mission de Saddle Lake du xxe siècle, tenus par les prêtres responsables de la mission et mis à jour plusieurs fois par semaine, sont notés les aspects de la vie quotidienne ainsi que des observations au sujet des pratiques religieuses de cette population Cree des Plaines. Le 12 juillet 1904 par exemple, le crucifix observé dans une maison que le prêtre visite est mentionné. Suite à la visite d’une seconde maison ce même jour, il écrit :
« Nous arrivons à la maison du vieux Matsuk. C’est là que se trouve une vieille sauvagesse qui a été baptisée autrefois par le P. Thibeau et qui reste toujours attachée à sa religion. J’ai pris l’habitude d’aller la voir au moins une fois l’an. […] Chez le vieux Matsuk, un chapelet pend à côté de la cheminée22. »
27Citant une personnalité de la réserve, le prêtre de manque pas de décrire l’ensemble des relations qu’entretiennent tous les membres de la famille avec la religion catholique. On apprend ainsi ensuite que la femme de Matsuk a elle aussi été baptisée par un missionnaire catholique, mais qu’elle n’a jamais pratiqué réellement cette religion. Au sujet de la mère de cette dernière, le prêtre note que « son scapulaire pend ostensiblement sur sa poitrine découverte23 ». Matsuk, pour sa part, a été baptisé protestant mais le prêtre indique qu’il a beaucoup de difficultés à se situer entre les deux religions chrétiennes, considérant « qu’il n’y a qu’un Bon Dieu24 ». Dans ces observations, le prêtre qui rédige le codex historicus fait état de la présence de la religion catholique au sein de sa mission. L’exemple de la famille de Matsuk permet de relever une nouvelle fois la grande diversité de l’attachement aux religions, chrétiennes et autochtones, parmi cette communauté Cree des Plaines. Le codex historicus se présente alors comme une compilation de relations, familiales ou individuelles, avec les religions chrétiennes et particulièrement avec le catholicisme.
28Lors d’une autre visite, « au vieux Akamasinis », une altercation entre concubins ayant conduit à l’expulsion de la femme hors de la maison est mentionnée. Akamasinis explique son geste en des termes retranscrits par le prêtre : « elle me réprime trop dit-il et elle ne veut pas prier catholique comme moi25 ». Dans son rapport quotidien, le prêtre suggère que la division de confession au sein d’un couple peut mener à de sérieuses discordes. La question de la confession dans laquelle ont été baptisés deux futurs époux et leurs pratiques respectives de ces religions occupent une place importante dans les observations des religieux. Le codex historicus de cette mission relate plusieurs épisodes où le prêtre s’interroge sur l’attitude à avoir lorsqu’un tel problème se pose à lui. Relevons ainsi l’exemple d’un homme catholique et de sa future femme baptisée par les anglicans. La mère de celle-ci tend à s’opposer à la conversion au catholicisme de sa fille (conversion préalablement nécessaire à l’union). Le prêtre transcrivant les propos de la mère écrit :
« J’aime la religion catholique, mais je sais qu’il faudrait mieux suivre la Religion dans laquelle on est né26. »
29Une nouvelle fois, relations de parenté et religions sont indissociables. Le mariage est occasion de conversion. Il s’agit d’une problématique de chiffre et d’une politique de statistique pour les prêtres : avoir le plus de catholiques possibles dans la réserve et convertir, par le mariage, des baptisés anglicans est l’un de leurs principaux objectifs.
30Les mentions de conversion d’adultes à l’occasion du mariage sont donc communes dans le codex historicus et font l’objet de plusieurs questions du formulaire « Rapports spirituels » rempli annuellement par le prêtre responsable de la mission. Dans ces rapports, après la question « combien de mariages célébrés durant l’année », la suivante est « combien des deux conjoints étaient catholiques », suivie de « combien de couples vivent dans le concubinage27 ». Ainsi, se remarque de nouveau l’attention portée par l’Église catholique au sacrement du mariage puisque celui-ci est un indice du progrès de l’évangélisation et d’une forme d’acceptation du catholicisme et des modes de vie consécutifs. Les cérémonies de mariage n’existant pas dans le mode d’alliance traditionnel autochtone, la pratique de ce sacrement par les populations autochtones est un indice fort pour les missionnaires, qu’ils n’omettent donc pas de mentionner.
31Depuis la colonisation du Canada, qu’il s’agisse de l’époque de la Nouvelle-France ou de la période du second élan missionnaire qui débute dans les années 1840, le mythe du bon sauvage tend à se dissiper du fait des écrits des missionnaires décrivant l’immoralité des pratiques autochtones. Olivier Servais parle « d’une sorte de schizophrénie missionnaire28 » pour exprimer le tiraillement dû à l’évangélisation entre, d’un côté le ton moralisateur nécessaire pour transmettre la foi chrétienne, fortement affirmé au xixe siècle par la pensée ultramontaine et d’un autre côté, l’adaptation des missionnaires aux cultures locales qui prend parfois des allures de pratiques syncrétiques. S’il y a bien un aspect que les missionnaires ne peuvent admettre et sur lequel ils insistent avec un ton moralisateur, c’est celui des pratiques sexuelles et du mariage. La sexualité et les pratiques d’alliances comme la polygamie sont, aux yeux des missionnaires, les premières choses à éradiquer des habitudes amérindiennes pour en faire de bons chrétiens29. Au chapitre précédent, avec entre autres les missionnaires des xviie et xviiie siècles Lafitau et Sagard, l’importance des degrés de parenté autorisant l’alliance entre deux individus a été soulignée. Pourtant, l’alliance entre cousins est permise, voire préférentielle, parmi de nombreuses nations autochtones, essentiellement au sein de celles où la nomenclature de parenté crée du dualisme : les nations de nomenclature dravidienne. Rappelons alors que, jusqu’au concile de Latran en 1215, la prescription exogamique de l’Église catholique en vigueur nécessitait de trouver un conjoint au-delà du septième degré de parenté compté en droit canon, réduit à quatre degrés à partir de cette date30. La question de la consanguinité (et donc de l’endogamie) est au cœur du propos. La consanguinité est l’une des problématiques principales de la société occidentale et n’a pas de valeur égale dans la pensée autochtone. Le sang et les substances corporelles, vecteurs d’une hérédité biologique, sont centraux dans le système de parenté occidental31. La transmission biologique doit être garantie et seul le mariage monogame unique peut résoudre ce problème en évacuant la question de la présomption de paternité. Par l’institution du mariage et avec la prescription des degrés de parenté, l’Église catholique se débarrasse du problème de consanguinité et érige du même coup la question héréditaire comme fondement essentiel de la société occidentale32. Un modèle de la relation entre les sexes dans la société euro-occidentale catholique est promu : le mariage par consentement mutuel qui implique l’exclusion de la consanguinité et qui instaure une filiation biologique unique : celle de l’époux et d’aucun autre homme. Cependant la rencontre avec l’altérité amérindienne et ses pratiques d’alliance fait prendre conscience aux missionnaires que le modèle de mariage définissant alors consanguinité et hérédité n’est peut-être pas aussi universel qu’ils l’auraient souhaité. En effet, le mariage comme sacrement chrétien suppose quatre aspects : l’exogamie, la monogamie, le consentement mutuel et l’indissolubilité de ce lien de mariage. Dans le cadre des alliances traditionnelles des populations autochtones, aucune de ces quatre caractéristiques n’a valeur de règle.
32Cette supposition d’une universalité des questions de consanguinité dans la parenté ne doit pas seulement être imputée aux missionnaires. Les anthropologues ayant pour objet d’étude la parenté n’ont pas échappé à cet écueil, positionnant l’alliance et la consanguinité au centre du débat33. Il faut pourtant se détacher de cet ethnocentrisme pour comprendre les alliances nord-amérindiennes, parfois très proches en degré de parenté. C’est ce qu’essaient de faire certaines religieuses missionnaires de la seconde moitié du xxe siècle.
« J’ai beaucoup aimé la culture. J’ai gardé mes convictions à moi, mes principes. Mais il faut faire du chemin pour arriver à comprendre que ce n’est pas pareil. C’est eux autres34. »
33Une nouvelle fois, la tolérance de la différence s’applique dans le discours de la missionnaire. Pourtant, au chapitre précédent, avec l’exemple des Cree, il a été clairement montré que le régime du mariage catholique et les principes de choix du conjoint qui en découlent peuvent être un frein à l’adoption de cette nouvelle religion. Dans le cas des nations qui appliquent une nomenclature de parenté de type dravidienne comme les Cree, les missionnaires doivent lutter contre les formes d’alliances traditionnelles souvent contractées dans un degré de parenté proche puisque l’alliance est potentiellement permise avec les cousins croisés. Il a également été établi que les notions d’endogamie et d’exogamie, corollaires et indissociables du principe de consanguinité tel que défini par le catholicisme, n’ont pas d’équivalent dans le monde autochtone nord-amérindien. Ces notions ne résonnent aucunement avec des principes préexistant à l’introduction du catholicisme dans ces territoires.
34Cependant, depuis la sédentarisation et la politique assimilationniste menée au xxe siècle, les populations autochtones canadiennes empruntent de plus en plus ses modalités de mariage au modèle chrétien. Les mariages à l’Église catholique sont courants. Par exemple, entre cinq et dix mariages sont célébrés chaque année à l’église catholique de la réserve de Saddle Lake entre les années 1959 et 196735. Les rapports indiquent également qu’en moyenne, seule une dizaine de couples (catholiques, pratiquants ou non) vivent dans le régime du concubinage. Par contre, les rapports ne mentionnent pas le nombre de couples non convertis. Il est donc complexe de saisir la proportion de couples mariés et de couples non mariés dans cette communauté. Mais il est intéressant de souligner que, dans ces rapports, se trouve inscrit le nombre de couples déjà catholiques au moment du mariage et le nombre de conversions qui ont eu lieu à cette occasion. Selon les missionnaires, et plus généralement l’Église catholique, mariage et conversion sont indissociables. À une alliance autochtone qui est avant tout une relation socio-économique, le mariage catholique impose une dimension religieuse dont il n’était nullement question dans le monde traditionnel nord-amérindien. De fait, le mariage catholique introduit différents aspects étrangers à l’alliance autochtone : un principe de consanguinité, la question résolue de l’hérédité biologique (alors que celle-ci ne se pose pas dans le monde autochtone où le principe d’adoption l’emporte sur celui d’hérédité) et de surcroît la participation à une religion dogmatiquement définie.
35Ajoutons que le mariage catholique érige le consentement mutuel (positionnant homme et femme à égalité) en élément fondamental sans lequel la dissymétrie entre les sexes serait trop importante. Cette dissymétrie proviendrait de la nature masculine et de son impétueuse et constante pulsion sexuelle, le féminin ayant pour rôle de la réguler :
« Mais les hommes, se sentant poussés à l’acte charnel, ont établi le mariage ; ils épousent une femme et peuvent alors faire ce que permettent les lois du mariage et donner satisfaction à cette passion d’une manière légitime et sans qu’il en résulte le moindre désordre36. »
36Le mariage, par le consentement mutuel qu’il implique, permet de résoudre la pulsion masculine par le devoir des femmes de répondre à celle-ci.
« Exhortations aux femmes qui refusent de rendre le devoir conjugal à leurs maris :
Si vous achetez un vase, un plat, etc., et que vous en preniez possession, vous vous en servez quand il convient ; il est devenu votre propriété et a cessé d’appartenir à celui qui vous l’a vendu. Il en est de même des choses qui ont trait au mariage. Lorsque vous vous êtes mariée, vous avez fait un contrat avec votre mari ; celui-ci vous a cédé sa personne, et vous lui avez cédé votre corps ; alors la personne de votre mari est à vous et votre corps lui appartient ; chacun de vous a droit de se servir du corps de l’autre, mais d’une façon licite et raisonnable. Vouloir se soustraire à cette obligation serait vouloir commettre une injustice qui entraînerait des dissensions et qui deviendrait l’occasion de péchés37… »
37Cette exhortation confirme le règlement d’une dissymétrie des sexes par le mariage : l’homme donne sa personne, la femme donne son corps, mais dans le mariage chacun a le droit d’user du corps de l’autre. La double dichotomie ici mentionnée (femme/corps – homme/personne) est évocatrice de la valeur du féminin concédée par l’Occident catholique. Cette valeur provient uniquement de la capacité reproductrice naturelle des femmes : être femme par la potentialité d’être mère et par ses dispositions relevant de la maternalité consécutive. Le masculin, quant à lui, est une personne à part entière. Le féminin est premièrement corps et ne devient que potentiellement individu qu’à travers les aptitudes offertes par ce corps. Cette dissymétrie induite par la nature des sexes féminins et masculins est alors réglée par le consentement mutuel qui se développe dès le xive siècle avant de devenir l’un des piliers de l’institution à partir du xviie siècle38. Le consentement mutuel se fait à deux, l’homme et la femme ne formant plus qu’une seule et même chair dans le mariage. Hommes et femmes sont alors sur un pied d’égalité, ils s’équivalent. Ce consentement concerne un non-dit généralisé dans le catholicisme, la sexualité, et les rapports sexuels sont bien le sujet central des extraits d’exhortations rapportées plus haut. Entre autres, le consentement mutuel confirme la légitimité des époux à entretenir des rapports sexuels39. Or, nul besoin de consentement mutuel formalisé par le mariage pour entretenir des rapports sexuels dans le monde autochtone.
38Nous arrivons ainsi à une dernière incompatibilité entre mariage catholique et alliance autochtone. L’importance accordée au consentement mutuel par le catholicisme suggère qu’en son absence les sexes masculin et féminin seraient inégaux, entre autres face au mariage ; ce qui sera l’occasion de voir au chapitre suivant que la complémentarité du masculin et du féminin autochtone n’implique aucune dissymétrie ou hiérarchie demandant d’être comblée par une modalité comme celle du consentement mutuel. Masculin et féminin deviennent équivalents face à l’institution du mariage et tendent à être régulés, voire annulés, par une mise en équilibre des sexes dans celle-ci. Le mariage catholique résout la dissymétrie des sexes masculins et féminins. La confrontation entre alliance traditionnelle autochtone et mariage catholique a pour résultat que la relation entre les sexes telle que pensée par l’occident catholique se dessine. Et à travers cette relation entre les sexes, le féminin se définit à son tour progressivement.
39En effet, avec la mise en confrontation de la diversité culturelle, les variations émergent. De la même façon, le regard des religieuses sur le monde amérindien dans lequel elles évoluent permet de mettre en lumière la différence et la diversité des cultures. Emprunter le regard que les religieuses missionnaires portent sur cette altérité évangélisée permet de mettre en relief la connaissance qu’elles ont acquise de la culture nord-amérindienne, ainsi que leur vision du féminin et du masculin dans ces sociétés.
Mémoire et reconnaissance de l’altérité autochtone
40Cette dernière section consacrée aux religieuses missionnaires amènera un retour sur leur point de vue concernant l’autre, les autochtones nord-amérindiens, objets de l’évangélisation. Prenant en compte les considérations faites précédemment sur la figure et l’identité des religieuses, il nous semble désormais possible d’observer le monde autochtone à travers le prisme de leurs regards. Dans leurs discours, la mise en évidence de leur propre ancrage culturel lorsqu’il s’agit de parler du masculin et du féminin autochtone émerge inéluctablement.
Regards sur l’altérité
41Les modifications de la perception des autres cultures, encouragées par le concile Vatican II ont été notées au chapitre quatre. Partant de la proscription des pratiques culturelles autochtones, le catholicisme de la seconde moitié du xxe siècle souhaite s’inscrire dans une rupture en suggérant l’acceptation de l’altérité par l’adaptation à celle-ci. La tolérance, l’adaptation et la reformulation des pratiques autochtones en des termes acceptables par l’Église et ses missionnaires ont suscité malaises et incompréhensions décrits au travers des discours des religieuses. Mais ce renouveau a également permis à de nombreuses religieuses missionnaires de relativiser les milieux dans lesquels elles travaillaient. Une religieuse enseignant en école résidentielle en Ontario dans les années 1950 exprime les préjugés qu’elle a pu avoir relativement aux populations autochtones durant son enfance :
« Nous autres, on les considérait comme du monde étrange, auxquels on ne pouvait pas se fier. On n’avait pas vraiment confiance. C’était du monde qui vivait de la chasse et puis de la pêche. On ne les voyait pas beaucoup, mais quand ils arrivaient on avait un petit peu peur. C’est donc triste quand même, parce que c’est une opinion générale. On ne les considérait pas beaucoup40. »
42La religieuse poursuit ensuite son discours en expliquant que c’est par l’entraînement à l’amour de l’autre qu’elle a reçu lors de sa formation de religieuse qu’elle a pu progressivement abandonner ses préjugés et reconsidérer ses voisins autochtones. Le regard de cette religieuse sur l’altérité s’est donc, selon ses dires, modifié par son engagement dans les ordres. Dès lors, les autochtones n’étaient plus « du monde étrange », mais bien des communautés à comprendre pour les aimer, les servir et de fait, mieux les évangéliser.
43L’après-Vatican II invite les religieux et les religieuses à prendre en considération la diversité culturelle. Si le missionnaire masculin a toujours dû apprendre de la culture locale avant de missionner41, les discours des religieuses au sujet des populations autochtones montrent un intérêt similaire une fois au contact de celles-ci. En effet, plusieurs religieuses décrivant les populations autochtones auprès desquelles elles ont travaillé soulignent l’hétérogénéité de cette culture :
« Les Chipewyan, les Cree, les Saulteaux, tous sont différents. Ils ont différentes mentalités42. »
« Il y a beaucoup de variétés. Les Cree vont faire d’une manière, les Saulteaux vont faire d’une autre manière, alors on ne peut pas généraliser facilement43. »
44Il y a ainsi chez les religieuses une véritable conscience de la diversité du monde autochtone. À travers leurs différentes obédiences, les religieuses saisissent une non-uniformisation des cultures nord-amérindiennes. Ce constat est fait très facilement par les enseignantes ou les surveillantes en écoles résidentielles où sont alors regroupés de jeunes autochtones de nations différentes.
45Ces observations permettent aux religieuses de s’adapter en fonction des divers groupes régionaux avec lesquels elles travaillent, mais également de dégager certains traits culturels qui leur semblent spécifiques de la culture autochtone canadienne.
« Les Amérindiens ils ont une caractéristique : ils sont très lents à parler. Ce sont des sages, et le non verbal est très fort chez eux. Alors un mot ici, et puis un mot là44. »
46À travers l’interaction avec les populations autochtones et par l’observation de celles-ci, cette enseignante en école de jour dans les années 1960 constate l’importance de l’oralité dans cette culture. Lors de sa mission chez les Cree des Plaines dans laquelle elle était épaulée par une autre religieuse d’origine autochtone, la religieuse poursuit ses multiples observations sur la culture amérindienne :
« Vivant pendant trois ans avec une Amérindienne [compagne religieuse d’origine autochtone], ça a été très riche pour moi parce que j’étais constamment introduite à leurs manières. L’une des premières choses que j’ai découvertes, c’est qu’ils sont un peu comme les Orientaux, ils sont circulaires dans leur façon de réfléchir. Par exemple, moi si je pense noir, puis un autre pense blanc, jamais il ne va dire blanc, il va dire gris pâle, puis moi je vais dire gris foncé. C’est toujours circulaire et ça prend du temps. La dernière parole, on ne peut jamais être certain que c’est réellement la dernière de l’autre côté, parce qu’ils peuvent cheminer encore. Alors ça, ça demande toute une adaptation de notre côté, parce que nous on est dialectique. C’est vraiment quelque chose que j’ai découvert très vite. Et puis ma compagne amérindienne elle me le montrait en me disant : “là tu as été trop vite, attends, laisse-les dialoguer”. Petit à petit, il faut cheminer avec eux45. »
47La religieuse missionnaire entreprend ici un discours à vocation anthropologique. Par l’analyse des faits observés, elle prend en considération la différence culturelle. Grâce à ces observations, elle déduit les moyens par lesquels elle peut s’adapter à la culture autochtone. L’engagement, le don de soi et l’amour de l’autre, ainsi que l’adaptation franche préconisée par le concile Vatican II permettent sans aucun doute aux religieuses qui le souhaitent de poser un regard neuf sur l’altérité, tout en acceptant les variations culturelles.
Regards sur le masculin et le féminin autochtone
48Si elles sont conscientes de la diversité et de certaines spécificités de la culture autochtone, les religieuses portent également leur regard sur la conception des rapports entre les sexes dans cette culture différente de la leur. En tant que femmes dans un monde bousculé par l’émergence et l’affirmation du féminin dans la sphère publique depuis les années 1970, elles observent avec d’autant plus d’attention le féminin autochtone. Une religieuse animatrice pastorale en différentes missions du Manitoba durant près de trente années note ainsi la prise de pouvoir récente des femmes dans les communautés nord-amérindiennes :
« De plus en plus, la femme autochtone prend le dessus et des initiatives. La femme peut devenir leader, chef. Elles ont la délicatesse que l’homme n’a pas. Et puis, elles sont plus constantes. La femme est souvent plus constante dans ses décisions46. »
49À partir d’une remarque au sujet de ce qui se déroule en réserve, à savoir la valorisation progressive du féminin au même titre que du masculin dans le leadership, le propos de la religieuse s’écarte de la spécificité autochtone pour conclure sur une généralité relevant de la conception occidentale et catholique de la relation entre les sexes, déjà mentionnée : le féminin constant, celui qui est régulateur. L’observation de la culture évangélisée ne semble donc pas ici suffire à détourner cette religieuse de son propre ancrage culturel.
50Lorsqu’il s’agit d’interroger le rapport du féminin et du masculin autochtone au catholicisme, et particulièrement quand il s’agit des pratiques de la religion, deux types de discours se présentent : un premier discours sur la relation entre les sexes qui situe le masculin et le féminin dans le rapport à l’autre à travers le prisme de la conception occidentale et catholique ; et une seconde forme de discours dans laquelle les religieuses tentent de caractériser chaque sexe, masculin et/ou féminin, mais en les situant cette fois-ci dans la culture autochtone avec un essai de spécification au sein de celle-ci.
51L’animatrice pastorale susmentionnée note de façon évocatrice la présence plus fidèle des femmes amérindiennes aux réunions de catéchisme.
« Quelques hommes sont venus de temps en temps, mais c’étaient surtout des groupes de femmes. La plupart c’étaient des femmes. Les hommes sont plus difficiles à attraper, je suppose47. »
52Ici encore se distingue le prisme occidental et catholique de la conception du masculin et du féminin : les femmes plus constantes étaient plus souvent présentes aux rendez-vous, alors que les hommes, sauvages, étaient « difficiles à attraper ». Même en tentant de noter des particularités autochtones qui caractériseraient le masculin et le féminin, le discours d’une enseignante en école de jour ne peut s’écarter totalement de son ethnocentrisme en soulignant les compatibilités avec le catholicisme :
« J’essaie de regarder mon expérience, à Goodfish Lake et à Saddle Lake. Les femmes sont très pratiquantes, elles sont très religieuses. C’est un senti global. Mais le père a quand même un rôle symbolique important. Je pense à certains hommes qui avaient un rôle important dans la communauté chrétienne parce que justement le lien se faisait entre leur rôle de père de famille et le catholicisme. […] Je serais portée à dire qu’il y a différentes façons d’aborder la religion. Et il faut noter que la pratique est relative chez les Indiens, alors on ne peut pas trop comparer avec régularité. Les femmes, comme la mère, sont très importantes. La grand-mère l’est encore davantage, elle est très importante autant pour les hommes que pour les femmes48. »
53La religieuse évoque une analogie entre le chef de famille masculin autochtone et la résonnance patriarcale du catholicisme et de l’Occident du xixe et de la première moitié du xxe siècle. La question de la hiérarchie en mission a été soulevée à plusieurs reprises, et il est alors possible de remarquer que cette dimension patriarcale est transmise aux populations autochtones. Ce discours est révélateur de la construction des genres autochtones effectuée par les missionnaires. Les rapports entre les sexes, masculin et féminin, dans leur forme occidentale et chrétienne sont transposés dans le monde autochtone. Les missionnaires proposent non seulement l’établissement d’une nouvelle religion, mais également de nouveaux traits culturels : tel celui de l’homme et son rôle inhérent de chef de famille.
54Dans son regard sur les sexes autochtones, cette religieuse propose ensuite une seconde analogie entre l’importance de la grand-mère qu’elle décrit ici et celle du culte à sainte Anne marquée par la popularité du pèlerinage au lac Sainte-Anne. Dans ses paroles, comme dans celles de plusieurs autres religieuses, la concordance entre la figure de la grand-mère autochtone et celle de la grand-mère de Jésus se fait automatiquement. Aucune religieuse rencontrée n’envisage de prendre en considération une explication alternative de l’adoption du culte à sainte Anne autre que celle d’une attention spécifique portée aux grands-mères. Le prisme de la parenté héréditaire occidentale est alors intuitivement calqué sur les systèmes de parenté autochtones. Si les religieuses observent et font preuve d’un certain relativisme culturel pour certaines pratiques, il semble bien plus complexe pour elles de faire de même pour ce qui concerne les thèmes de la famille, à savoir ceux de l’alliance et de la filiation.
55Poursuivant la question de la considération des sexes chez les autochtones, certaines religieuses missionnaires s’inscrivent dans une seconde forme de discours tentant de catégoriser le masculin et le féminin par la recherche de spécificités relevant autant que possible d’un trait culturel autochtone :
« De ce que je connais les femmes sont plus pratiquantes que les hommes. Même si, dans les années où j’y étais [années 1970], dans les églises c’était encore les femmes d’un bord et les hommes de l’autre. […] Est-ce que les affaires d’église, de prières, tout ça, c’est quelque chose de plus féminin, qui existe autant chez l’homme et que l’homme ne laisse pas le pénétrer ? C’est peut-être réel quelque part, c’est culturel. Tout ce qui est compassion, dans sa sensibilité, on est plus naturelles si je peux dire. Ce n’est pas que ça n’existe pas chez les hommes, parce que je connais une multitude d’hommes qui sont doux, charmants, compatissants, mais la démonstration est moindre. Les hommes démontrent moins, ils montrent moins. La femme exprime plus49. »
56Cette religieuse infirmière dans les Territoires du Nord-Ouest dans les années 1960 et 1970 s’interroge sur la perméabilité des hommes aux discours et aux pratiques de l’Église. Une fois de plus, la nature sauvage et non convertie de l’homme ressort du prisme à travers lequel la religieuse regarde la pratique catholique chez les autochtones. Cependant, elle questionne la part culturelle de ce phénomène : la femme qui éduque, régule et équilibre la sauvagerie de l’homme. Si la religieuse soulève une hypothèse concernant la variation culturelle en ce domaine, elle ne s’aventure pas plus loin sur cette piste, préférant revenir à l’archétype de la femme sensible, caractéristique de la culture occidentale. La tentative de décentrement culturel du discours est un échec. Elle conclut avec une scission classique appliquée au féminin dans sa relation au catholicisme : la femme exprimant sa dévotion que l’homme réfrène.
57Dans le discours des religieuses missionnaires, il semblerait donc que les femmes s’expriment plus que les hommes dans le cadre du fait religieux. Pourtant, lorsqu’il s’agit d’expression verbale, le masculin semble l’emporter. Un échange entre deux enseignantes en écoles de jour ayant travaillé en Alberta auprès des Cree des Plaines dans les années 1960 exprime l’importance de la verbalisation pour le masculin autochtone :
« S. Aurore — Ce qu’on réalisait aussi, c’est que quand ils faisaient une réunion un pow-wow ou quelque chose, l’homme parle beaucoup. Il fait des discours, de long discours.
S. Virginie — Oh, oui. Ce n’est pas dit ouvertement, mais on l’a bien compris. Plus il parle longtemps, mieux c’est.
S. Aurore — C’est très important pour eux le discours. Le long discours50. »
58Il vient pourtant d’être remarqué à travers les propos précédents d’une autre religieuse que « la femme exprime plus ». La contradiction entre ces deux discours s’évanouit lorsque l’on s’attache à la nature du discours autochtone concerné. La femme s’exprime plus quant aux choses relevant de la piété et du catholicisme ; alors que le long discours masculin concerne les affaires autochtones traditionnelles et publiques. Ainsi, ces deux dernières religieuses semblent décrire et saisir ce qui peut être considéré comme une caractéristique de la culture autochtone nord-amérindienne. Enfin, dans une dernière remarque, l’une des deux enseignantes en école de jour tente de souligner une nouvelle particularité du masculin dans la culture autochtone :
« Et puis il y a une fierté aussi chez l’homme. L’homme indien est un homme, ils en sont fiers. C’est sûr que quand ils glissent dans l’alcoolisme, c’est difficile, mais il y a une fierté chez l’Indien. Le rôle de la bravoure est important chez eux. Un exemple très concret, quand l’infirmière venait donner des piqûres, des vaccins, bah c’était entendu que les garçons ne pleuraient pas. Il ne fallait pas pleurer. Les filles, elles pleuraient un peu, mais elles essayaient d’être fortes. Les garçons, il fallait qu’ils soient braves. Et ça, ce n’est rien nous autres, chez les blancs, comparé aux Amérindiens51. »
59Pensant relever une spécificité plus marquée chez les autochtones que dans la culture occidentale, la religieuse ne fait que réactiver un discours stéréotypé datant du xixe siècle au sujet de la bravoure du masculin. Stéréotype existant alors en Occident et déplacé dans le monde autochtone dès cette période.
60Il est ainsi possible de conclure ces descriptions des sexes autochtones dans les propos des femmes missionnaires en soulignant que, si les sexes masculin et féminin tentent d’être situés dans la culture autochtone, l’ancrage idéologique des religieuses ne permet pas une réelle distanciation. Un effort de décentrement de la pensée est mené par plusieurs d’entre elles, peut-être plus facilement face au masculin qu’au féminin. Cette nuance peut, peut-être, être expliquée par le fait que les religieuses, elles-mêmes femmes, envisagent difficilement un féminin autre que le leur. En portant un regard sur l’altérité autochtone, les religieuses nous en apprennent un peu plus sur elles-mêmes par effet de miroir. Les discours des religieuses missionnaires permettent alors d’observer l’évolution de leurs propres considérations relatives aux populations autochtones. Le portrait des religieuses missionnaires se complète dans leur confrontation à l’altérité. Idéal du féminin le plus abouti du catholicisme, la religieuse est un modèle, voire un archétype de la société dont elle est issue. Malgré des efforts de décentrement, la reconnaissance de l’autre, altérité culturelle et sexuée, se fait souvent à travers leur propre prisme culturel, tout en prenant désormais en considération et en affirmant la différence culturelle.
61Consciente de la diversité culturelle avec laquelle elles sont amenées à interagir, une enseignante dans une école résidentielle de l’Ontario durant une vingtaine d’année précise :
« Il a fallu quand même qu’on apprenne à accepter leurs traditions, leurs manières de voir et leurs manières de réagir52. »
62En reconnaissant une forme de non-incompatibilité entre les pratiques autochtones d’essences traditionnelles et le catholicisme, les religieuses entrent pleinement dans un processus postcolonial de réconciliation consécutif à la politique assimilatrice dont elles ont été complices, volontairement ou non. Guérison et réconciliation53, thèmes sur lesquels le chapitre suivant propose de revenir, sont désormais un enjeu politique, culturel et identitaire pour le monde autochtone comme l’indique cette discussion entre deux anciennes missionnaires, enseignantes en école de jour auprès des Cree des Plaines :
« S. Aurore — Il y a une espèce de “healing”.
S. Virginie — Éternellement.
S. Aurore — Ils sont toujours en train de guérir.
S. Virginie — Ils parlent beaucoup de guérison, mais c’est comme si pour eux : “tant que je suis dans le processus de guérison, je revendique, je peux obtenir des choses, je peux”54. »
63La guérison et la réconciliation sont les termes vecteurs d’unité de l’actuelle cause autochtone au Canada. C’est à travers ces notions, entre autres, que l’autochtonie contemporaine se redéfinit.
Notes de bas de page
1 S. Marie-Anne, mo., entretien réalisé le 2 juillet 2013 à Winnipeg (Manitoba).
2 Ibid.
3 Ibid.
4 S. Germaine, mo., entretien réalisé le 3 juillet 2013, Winnipeg (Manitoba).
5 S. Cécile, sgm., entretien réalisé le 13 juin 2013, Montréal (Québec).
6 S. Germaine, mo., entretien réalisé le 3 juillet 2013, Winnipeg (Manitoba).
7 S. Cécile, sgm., entretien réalisé le 13 juin 2013, Montréal (Québec).
8 Il s’agit généralement des directives provenant de la supérieure de la congrégation en réponse aux évêques et archevêques locaux.
9 S. Marie-Anne, mo., entretien réalisé le 2 juillet 2013, Winnipeg (Manitoba).
10 Ricœur Paul, « Devenir capable, être reconnu », Esprit, no 316, 2005/7, p. 125-129.
11 ASCJ, dossier 207 : Constitution de la Congrégation des Sœurs de l’Enfant Jésus du Puy de 1925, p. 18.
12 Ibid., p. 11.
13 Diderot Denis, La religieuse, Paris, Buisson Imprimeur-Librairie, 1796.
14 Laurin Nicole, « Le sacrifice de soi. Une analyse du discours sur la chasteté dans les communautés religieuses de femmes au Québec, de 1900 à 1970 », Société, no 20, 1999/2, p. 213-251.
15 Ibid.
16 Ibid.
17 S. Aurore, op-dma., entretien réalisé le 18 juin 2013, Beauport (Québec).
18 S. Marie-Anne, mo., entretien réalisé le 2 juillet 2013, Winnipeg (Manitoba).
19 S. Juliette, sgm., entretien réalisé le 12 juin 2013, Montréal (Québec).
20 Laurin Nicole, art. cité, p. 239.
21 Ibid.
22 AOMI, dossier 71.220 – 122 : 5405, Mi 23 : Saddle Lake – Codex Historicus.
23 Ibid.
24 Ibid. Il faut remarquer que la concurrence entre les anglicans et les catholiques a toujours été importante dans la réserve de Saddle Lake (Alberta).
25 Ibid.
26 Ibid.
27 AOMI, dossier 71.220 – 122, 5414 : Saddle Lake – Rapports spirituels annuels 1959-1967.
28 Servais Olivier, « Sexualité et mœurs des Ojibwés selon les missionnaires jésuites du xixe siècle (1842-1900) », in Gilles Havard et Frédéric Laugrand (dir.), Éros et Tabou. Sexualité et genre chez les Amérindiens et les Inuits, Québec, Septentrion, 2014, p. 431-460, p. 432.
29 Ibid., p. 444-445.
30 Bologne Jean-Claude, Histoire du mariage en Occident, Paris, Hachette, 1995.
31 Désveaux Emmanuel, « La consanguinité, Horizon indépassable de la raison parentaire ? », L’Homme, no 164, 2002, p. 105-124.
32 Désveaux Emmanuel, « Destins du mariage, au miroir de la prostitution », Grief, no 1, 2014, p. 95-106.
33 Désveaux Emmanuel, « La consanguinité, Horizon indépassable de la raison parentaire ? », art. cité.
34 S. Louise, op-dma., entretien réalisé le 18 juin 2013, Beauport (Québec).
35 AOMI, dossier 71.220 – 122, 5414 : Saddle Lake – Rapports spirituels annuels 1959-1967.
36 Mgr Claret, « Pieuses exhortations. La clé d’or offerte aux nouveaux confesseurs pour les aider à ouvrir le cœur fermé de leurs pénitents », in Léo Taxil, Les livres secrets des confesseurs. D’après les traités de luxure destinés aux séminaires, Paris, Éditions de la France laïque, 1901, p. 28-29.
37 Ibid., p. 45-46.
38 Bologne Jean-Claude, op. cit., p. 127.
39 Désveaux Emmanuel, « Destins du mariage, au miroir de la prostitution », art. cité.
40 S. Marie-Anne, mo., entretien réalisé le 2 juillet 2013, Winnipeg (Manitoba).
41 La connaissance de la culture à évangéliser est indispensable pour le missionnaire. De nombreux missionnaires ont été par la suite affublés du titre d’ethnologue. Soit par une véritable conversion, soit en ayant laissé des descriptions de nature ethnographique importantes, les relations entre missionnaires et ethnologues sont étroites. Voir à ce sujet, Laugrand Frédéric et Servais Olivier (dir.), Du missionnaire à l’anthropologue. Enquête sur une longue tradition en compagnie de Michael Singleton, Paris, Karthala, 2012. Cette nécessité pour les missionnaires de connaître la culture locale est explicitée dès les premiers articles de la revue Anthropos, déjà mentionnée au chapitre second. Voir entre autres, Le Roy Alexandre, « Le rôle scientifique des missionnaires », Anthropos, no 1, 1906/1, p. 3-10.
42 S. Marie-Anne, mo., entretien réalisé le 2 juillet 2013, Winnipeg (Manitoba).
43 S. Germaine, mo., entretien réalisé le 3 juillet 2013, Winnipeg (Manitoba).
44 S. Aurore, op-dma., entretien réalisé le 18 juin 2013, Beauport (Québec).
45 Ibid.
46 S. Archange, mo., entretien réalisé le 3 juillet 2013, Winnipeg (Manitoba).
47 Ibid.
48 S. Aurore, op-dma., entretien réalisé le 18 juin 2013, Beauport (Québec).
49 S. Cécile, sgm., entretien réalisé le 13 juin 2013, Montréal (Québec).
50 S. Aurore et S. Virginie, op-dma., entretien réalisé le 18 juin 2013, Beauport (Québec).
51 S. Aurore, op-dma., entretien réalisé le 18 juin 2013, Beauport (Québec).
52 S. Germaine, mo., entretien réalisé le 3 juillet 2013, Winnipeg (Manitoba).
53 Ces deux termes – guérison et réconciliation – sont les principaux termes employés pour décrire la phase postcoloniale à laquelle s’attelle le gouvernement canadien et les Églises chrétiennes canadiennes ayant contribué à l’évangélisation et l’assimilation des autochtones.
54 S. Aurore et S. Virginie, op-dma., entretien réalisé le 18 juin 2013, Beauport (Québec).
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Espagnols et Araucans-Mapuches dans le Chili colonial, fin XVIIe siècle
Jimena Paz Obregón Iturra
2015
Capitales rêvées, capitales abandonnées
Considérations sur la mobilité des capitales dans les Amériques (XVIIe-XXe siècle)
Laurent Vidal (dir.)
2014
L’imprimé dans la construction de la vie politique
Brésil, Europe et Amériques (XVIIIe-XXe siècle)
Eleina de Freitas Dutra et Jean-Yves Mollier (dir.)
2016