Chapitre III
Le monde religieux de la Louisiane
p. 83-115
Texte intégral
1Durant la période coloniale française et espagnole du xviiie siècle, l’Église catholique de la Louisiane a beaucoup souffert de longues années de négligence, qui ont retardé sa croissance et son expansion. Déjà en 1802, tout juste avant que la Louisiane ne soit vendue aux États-Unis, le voyageur Charles-César Robin constatait l’ampleur de la tâche qui attendait les prêtres et les missionnaires dans une Louisiane où la nécessité faisait loi :
« L’immense région de la Louisiane n’a pas plus, en tout, d’une douzaine de prêtres séculiers ou religieux. […] Tous les établissemens isolés et peu peuplés ne voient que très accidentellement un prêtre, pas plus qu’en France nos campagnes ne voyoient leurs évèques. Dans l’absence des curés, baptise qui veut et comme il l’entend ; et, quoique sous le gouvernement espagnol, l’on meurt sans eux comme ailleurs, et l’on ne s’en aperçoit guère. […] Lorsqu’un prêtre parcourt ces contrées, il génère dans les eaux du baptême des gens qui sont déjà dégénérés par la vieillesse, et il appelle la multiplication sur des couples qui depuis longtemps ne sauraient plus multiplier [… ]1. »
2Durant les premières décennies du xixe siècle, les autorités religieuses vont d’abord tenter de régler les problèmes internes de l’Église en Louisiane ; recruter d’Europe des prêtres et des missionnaires, instituer des paroisses et des églises et rassembler en son sein les habitants blancs, « abandonnés », de la Louisiane. Mais qu’elles le veuillent ou non, elles devront également s’adapter au système esclavagiste alors en vigueur en Louisiane et développer des politiques concernant non seulement les maîtres, mais également les esclaves. Si les Noirs libres et les esclaves sont plutôt, dans un premier temps, laissés en marge de l’institution catholique – celle-ci ne paraissant pas s’intéresser outre mesure à leur évangélisation –, ils réussiront à s’approprier par eux-mêmes une place et un rôle à l’intérieur de l’Église. L’afro-catholicisme qui en résultera proposera une version originale et distincte du catholicisme traditionnel, tel que pratiqué par les Blancs. Il n’en demeure pas moins que les problèmes et les défis qui ont entravé le fonctionnement et l’évolution de l’Église catholique en Louisiane ont certainement eu des conséquences sur les pratiques religieuses des esclaves.
Darby William, Map of the United States including Louisiana, 1818, Bibliothèque du Congrès. La carte montre à la fois le territoire de la Louisiane concédé aux États-Unis en 1803 et les frontières de l’État de la Louisiane, constitué en 1812.
L’Église catholique sous la tutelle américaine
3En 1803, le territoire de la Louisiane, auparavant sous la tutelle d’empires catholiques, passe sous la juridiction d’un État sans religion officielle, qui garantit la liberté religieuse pour tous. Dorénavant sans protection gouvernementale, les autorités ecclésiastiques de la Louisiane perçoivent alors un grave danger, d’autant plus qu’avec les changements successifs de régimes et la pénurie de prêtres, la religion catholique a bien du mal à prospérer. L’arrivée massive d’immigrants américains, majoritairement protestants, durant les premières décennies du xixe siècle, rend la situation encore plus précaire. Malgré tous ces obstacles, il semble que la religion catholique ait pu s’accrocher et survivre, tant dans la ville de La Nouvelle-Orléans que dans les paroisses avoisinantes.
4En passant sous la garde américaine en 1803, l’Église catholique de la Louisiane entre dans une période trouble de son histoire. L’historien et religieux Roger Baudier parle d’ailleurs des années 1801-1815 comme des « années noires » de l’institution2. Alors que la Louisiane revient aux mains de la France en 1800, l’évêque du diocèse de la Louisiane et des Florides est transféré au Guatemala en 1801. Pendant quatorze ans, la Louisiane n’aura pas d’évêque. En septembre 1805, afin de régulariser la situation, Rome accorde la juridiction temporaire du territoire de la Louisiane à l’évêque John Carroll de Baltimore, jusqu’à ce qu’un nouvel évêque soit nommé3. Depuis sa création en 1789, cet évêché, qui deviendra archevêché en 1808, a à sa charge tout le territoire des États-Unis d’Amérique – qui constitue une seule province ecclésiastique – et a le devoir de superviser tous les diocèses américains, véritables circonscriptions ecclésiastiques placées sous le contrôle d’évêques. De 1805 à 1812, le diocèse de la Louisiane et des Florides est donc administré, de loin, par un évêque américain et, de près, par des vicaires généraux dont l’autorité est maintes fois remise en question4. La nouvelle administration ecclésiastique doit non seulement composer avec une population réfractaire, mais également avec un clergé clairsemé et indiscipliné, qui refusent tous deux d’être abandonnés de nouveau par la France et cédés à un pays anglo-protestant qui leur est étranger.
5En 1812, alors que le père Dubourg est nommé au nouveau poste d’administrateur apostolique du diocèse, il ne peut compter que sur une douzaine de prêtres pour répondre aux besoins des habitants de la Louisiane et plusieurs d’entre eux doivent prendre en charge deux paroisses à la fois, phénomène qui tend à se reproduire un peu partout en Louisiane durant les premières décennies du xixe siècle5. Il semble que le nombre avancé par Baudier soit vraisemblable, puisqu’en 1811, selon l’annuaire de Whitney, seulement quatorze prêtres se partagent l’immense superficie de la Louisiane6. Les besoins se font pressants, d’où la nécessité de faire appel en Europe pour recruter des volontaires. Certaines paroisses sont totalement laissées à elles-mêmes et Dubourg craint que les habitants ne se tournent vers le protestantisme7. Il est vrai qu’une nouvelle population anglo-protestante commence à s’installer en Louisiane, notamment à La Nouvelle-Orléans. Pourtant, selon le voyageur Schultz, la majeure partie des citadins sont, encore en 1810, catholiques : « The inhabitants of New Orleans are mostly French, and membres of the church of Rome, who, notwithstanding the great influx of Americans since the cession, still compose three fourths of the white population of the city8. »
6Le plan de Mgr Dubourg, qui est finalement consacré évêque du diocèse de la Louisiane et des Florides en 1815, se révèle ambitieux, comme il le dévoile quelques années plus tard à la Société de la propagation de la foi9 :
« Multiplier les bons prêtres, former un clergé indigène calqué sur les besoins et l’esprit de cette population, disséminer les moyens d’éducation chrétienne, construire de distance en distance dans les quartiers les plus délaissés de petites églises, fussent-elles de logs […] ; tâcher d’entretenir des missionnaires ambulans qui parcourent ces contrées avec des paroles de charité ; voilà le plan à suivre, celui qui m’occupe sans cesse, dans lequel je fais des progrès [… ]10. »
7Les desseins de Mgr Dubourg semblent viser tous les habitants de la Louisiane, dans les quartiers riches comme « dans les quartiers les plus délaissés ». Si l’expression qu’il emploie concerne les plus pauvres de la société, alors il parle très certainement des esclaves et des Noirs libres, qui constituent souvent les classes les plus démunies de la société louisianaise. Par ailleurs, lorsqu’il précise qu’il aura besoin de prêtres créoles aptes à répondre aux besoins et « à l’esprit » de la population de la Louisiane, il semble logique d’y voir une allusion au système esclavagiste. Qui d’autre qu’un prêtre né dans cet environnement, accoutumé aux mœurs et coutumes d’un État esclavagiste, peut davantage comprendre ses concitoyens ? Pour le rédacteur des Annales de la propagation de la foi, Mgr Dubourg est perçu comme l’auteur d’une juste et glorieuse aventure qui donne déjà, en 1827, de bons résultats :
« Catholiques, protestans de toutes sectes, Indiens, tous vivoient sans culte, sans croyance et dans un même oubli de Dieu, n’entendant rien, ne voyant rien qui pût les tirer de leur fatale indifférence. Telle étoit la situation de la Louisiane quand Mgr Dubourg y arriva, il falloit tout créer. […] Les missionnaires qu’il avoit amenés avec lui s’étoient répandus dans toute la Louisiane, catéchisant les peuples, élevant des chapelles, opérant des conversions11. »
8Il est à noter que le rédacteur évite, dans son énumération des peuples de la Louisiane, de parler des Noirs qui, pourtant, sont très nombreux à la fin des années 1820. Connaît-il vraiment le territoire qu’il décrit ? Le portrait idéalisant qu’il dresse de l’œuvre de Mgr Dubourg n’est certainement pas révélateur de la réalité. À cette époque, bon nombre de prêtres dénigrent la Louisiane et considèrent leur assignation comme une malédiction. Le père Portier, par exemple, ex-missionnaire à La Balise – établissement situé dans la paroisse Plaquemines à l’embouchure du Mississippi12 –, est contraint en 1818 de changer de poste. Sa nouvelle mission à La Nouvelle-Orléans, qu’il considère comme un foyer de corruption morale, un « cloaque de toutes les passions et de tous les vices », le rend amer13. Les autorités ecclésiastiques peinent à combler tous les postes vacants, et de tels commentaires ne contribuent pas à peindre une image attrayante de la Louisiane. La lettre du père Portier n’est pas anodine ; il y dénonce clairement le découragement des prêtres de la Louisiane. Il est possible que les esclaves aient bénéficié de cet état de fait. En les laissant formuler leurs propres croyances et leurs propres pratiques religieuses, par manque de main-d’œuvre et surcharge de travail, les prêtres auraient officieusement permis aux esclaves d’obtenir une certaine liberté et autonomie dans leur vie culturelle et religieuse.
9Avec tous les périls et les désagréments qu’encourent les missionnaires de la Louisiane, même les plus réfractaires d’entre eux doivent admettre que les besoins et les tâches qui les attendent sont immenses, comme le relève le père Paillasson en 1830, qui se désespère d’être stationné à La Nouvelle-Orléans plus longtemps :
« J’espère recevoir de jour en jour une lettre qui contraindrait ces MM. à me laisser partir. […] on leur a promis un prêtre et ils prétendent que je serai la victime ; je me croirai bien malheureux si je me voyais forcé à demeurer ici. Nos principes ne sont pas les mêmes. Je crois que ma captivité ne pourra durer que jusqu’après pacque [Pâques]. […] S’il y avait ici seulement une huitaine de bons prêtres amis de la solitude et non de la société, capable de prêcher de parade et d’exemple, il leur faudrait bien peu de temps pour emporter la ville d’assaut. […] Il me semble qu’un prêtre peut ici faire aussi bien son salut qu’en France par la raison : 1. qu’on est extrêmement occupé, 2. qu’on est extrêmement surveillé. Tous les jours j’ai à faire trois ou quatre enterrements, le double de baptêmes, continuellement de malades à visiter, un grand nombre qui meurent sans secours, faute de temps. […] On ferait tous les jours le catéchisme, qu’on aurait tous les jours une foule de grandes personnes qui y accourerait avec plaisir. […] On fait tout pour me retenir ici, priez le bon dieu afin que monseigneur Rosati puisse se raidir. […] Je vous assure que je suis effrayé d’entreprendre cette mission sans appartenir à un corps14. »
10Si le père Paillasson admet qu’un prêtre peut faire beaucoup de bien à La Nouvelle-Orléans et qu’il en faudrait plusieurs autres pour arriver à répondre à tous les besoins spirituels de la population, il ne se propose pourtant pas au poste, préférant être assigné ailleurs, pour la raison qu’il ne partage pas les mêmes principes que les habitants de la ville. À ses yeux, le vice règne à La Nouvelle-Orléans, où les principes catholiques ne sont pas toujours respectés. Il ose même se considérer comme un captif, soumis à la volonté des habitants de la ville, à l’image d’un esclave, lui-aussi en captivité – quoique de façon permanente – que son maître retient sur la plantation. Compte tenu de l’époque et du lieu, La Nouvelle-Orléans des années 1830, le père Paillasson semble mal percevoir le sens réel du terme « captivité ».
Un diocèse difficile à administrer
11En 1826, alors que Mgr Dubourg démissionne et que Mgr Rosati15, évêque coadjuteur pour la partie nord du diocèse de la Louisiane, le remplace, ce dernier se désespère de recruter suffisamment de personnel religieux pour pourvoir à toutes les paroisses :
« Malgré tous les efforts qu’on a faits pour former des prêtres dans le pays et pour en avoir de l’Europe, je n’ai pas encore le bonheur de voir toutes les paroisses, déjà établies dans la Louisiane, fournies de pasteurs. Il y en a dix-neuf. Dans ce moment il y en a deux de vacantes ; les autres ont chacune un prêtre ; mais il y en a qui en demandent deux, et quelques-unes encore trois. La paroisse de La Nouvelle-Orléans a un curé et trois vicaires ; l’église de l’évêché a un prêtre ; il en faudroit un autre. Les Ursulines ont un aumônier qui exerce le ministère et prêche pour les gens du quartier où est le couvent16. »
12Encore en 1835, le curé Moni écrit à l’œuvre de la Société de la propagation de la foi, à Paris, pour demander de l’aide afin de développer le diocèse de La Nouvelle-Orléans. Pour ce faire, il trace un portrait très détaillé de l’état de la religion à La Nouvelle-Orléans et déplore la faible proportion de prêtres et d’églises. Il semble pertinent de reproduire ici la majeure partie de sa lettre, puisqu’elle permet de mieux comprendre la réalité à laquelle sont confrontés les prêtres de la Louisiane :
« Sans doute l’Église Cathedrale St. Louis de La Nouvelle-Orléans, dans l’État de la Louisiane, aujourd’hui est assez bien montée en tout, et rien n’est négligé pour instruire et nourrir la piété des fidèles qui la fréquentent. Six prêtres y sont attachés, qui sont constamment occupés à prêcher, à catéchiser un très grand nombre d’enfants de deux sexes, à instruire les esclaves, à administrer les sacrements et à visiter les malades, qui sont en grand nombre toute l’année particulièrement pendant l’été […].
Nous bénissons le Seigneur qui nous […] envoie tous les ans quelques bons prêtres zélés. […] Mais cependant la ville et le diocèse de La Nouvelle-Orléans sont bien loin encore d’avoir ce qu’il faut pour instruire les fidèles […], n’ayant pas un nombre suffisant de prêtres et d’Églises. La ville de La Nouvelle-Orléans toute étendue qu’elle est, et peuplée de familles nées catholiques, se montant au nombre de trente mil au moins, n’a que deux seules églises dont une en bois, autre la Cathédrale St. Louis, où les fidèles puissent s’assembler à fin d’entendre la parole de Dieu et exercer leur culte […].
Quant à la campagne, c’est une pitié de traverser les cent et les deux cents lieues sans rencontrer ni prêtres ni églises. Depuis Baton Rouge jusqu’au territoire d’Archansas, où se trouve Mr. Dupuys (de Lyon) qui y est seul et qui y travaille en vrai Apôtre, il n’y a pas un seul prêtre, pas une seule Église catholique. […] Dans le mois d’octobre dernier, je fis une mission au bayou Bonfocas, et ce fut la première fois qu’on y entendit expliquer l’Évangile, célébrer la ste. messe, et administrer les sacrements. Les habitants de ces contrées pour baptiser leurs enfants sont obligés de traverser les lacs c’est-à-dire de faire huit jusqu’à vingt lieues de lac pour venir les faire baptiser à La Nouvelle-Orléans. De la ville de La Nouvelle-Orléans jusqu’à la Mer, espace de trente lieues sur les bords du Mississippi point de prêtres, point d’églises […].
Dans la vaste paroisse M. Blanc notre administrateur a de très bonnes intentions, mais les moyens lui manquent pour pourvoir à ce qu’il faut dans le diocese à fin de propager la foi […] l’œuvre de la propagation de la foi sera satisfaite d’en entendre les emplois utiles et nécessaires même dans ces pays, ou plusieurs sectes font tous leurs efforts pour s’y établir, où des temples se lèvent, et les missionnaires sont envoyés [… ]17. »
13Pour le père Moni, même si la rareté des prêtres est fréquemment décriée dans les paroisses de la Louisiane, la priorité devrait être accordée à La Nouvelle-Orléans, qui n’a pas suffisamment d’églises et de prêtres pour combler toutes les charges. Il insiste d’ailleurs sur le fait que les faubourgs Sainte-Marie, de la Course, Marigny et Montegut devraient avoir leur propre église. Il est vrai que la cathédrale Saint-Louis et la chapelle des Ursulines ne suffisent pas à subvenir aux besoins de la population de La Nouvelle-Orléans, qui passe de près de 50000 à plus de 100000 entre 1830 et 184018. Les six prêtres qui y sont assignés ne peuvent accomplir tout le travail qui leur est demandé ; il leur faut prêcher, catéchiser, instruire les esclaves, baptiser, administrer les sacrements, visiter les malades, célébrer la messe auprès de différents groupes, tant blancs que noirs. Toutefois, en regard de la situation qui a cours dans les campagnes, la cathédrale semble assez bien desservie. En milieu rural, comme dans la paroisse Saint-Jean-Baptiste, la situation demeure pressante, alors que les catholiques doivent souvent fournir beaucoup d’efforts pour aller à la rencontre d’un prêtre, et où la menace du protestantisme est bel et bien présente. Il apparaît que, même pour un Blanc, il est difficile d’avoir accès à une église et à un prêtre. Que peut alors faire un esclave, sans liberté de mouvement, dans ces conditions ? L’instruction des esclaves de la Louisiane devait donc, à première vue, être une tâche passablement laborieuse. Faut-il penser que le père Moni exagère la situation pour obtenir appui et moyens financiers ? Ou dépeint-il un état d’urgence réel, qui tend à se reproduire dans la plupart des paroisses de la Louisiane ? Il semble que son portrait soit assez fidèle, si on le compare à celui que fait le père Antoine Blanc pour l’année 1833 :
« L’État de la Louisiane était alors, comme aujourd’hui, civilement divisé en paroisses. Je ne puis préciser, en ce moment, le nombre des paroisses civiles à cette époque. Elles étaient toutes fort étendues, en territoire ; beaucoup ont été subdivisées, depuis. De ces paroisses civiles, il y en avait alors 18 qui étaient ecclésiastiquement organisées, c. à. d. qui avaient une église et un presbytère ; ayant […] un prêtre […] le clergé employé au service de ces 18 paroisses ecclésiastiques, c. à. d. de tout le diocèse, se composait de 24 prêtres, dont 8 étaient pour la ville et paroisse seule de La Nouvelle-Orléans dans laquelle il y avait alors 2 églises et 3 chapelles19. »
14Le nombre exact de paroisses semble difficile à chiffrer avec certitude dans les années 1820 et 1830. En 1828, le père Bouillier, stationné à La Nouvelle-Orléans, compte « environ vingt paroisses » dans le diocèse, « qui sont presque toutes, grâce aux soins de Mgr Dubourg, desservies par de jeunes et bons prêtres20 ». En fait, le père Bouillier compte plutôt 18 paroisses et paraît très mal les connaître. Il ne liste même pas les 19 paroisses originales, fondées en 180721. Son témoignage est cependant fort utile pour constater la carence ecclésiastique qui sévit en Louisiane. En filigrane, il révèle également une perception particulière de la Louisiane. Devant un territoire aussi immense, à la géographie parfois incertaine, il peut être fort difficile, même pour un prêtre qui est en Louisiane depuis longtemps, de décrire la réalité physique du diocèse. En ce sens, Bouillier a l’excuse de ne pas être un prêtre assigné à la Louisiane. Il n’y est venu que pour accompagner Mgr Rosati dans une visite des paroisses en 182822. Afin d’être en mesure de cerner avec précision les paroisses les plus importantes de la Louisiane, le tableau qu’en dresse le père Portier en 1827 est plus utile23. Vingt-six paroisses y sont décrites, avec moult détails sur les églises et chapelles qui y sont construites, les curés alors en poste, la population de chaque paroisse et, le cas échéant, les établissements religieux qui y œuvrent. La paroisse de La Nouvelle-Orléans, qui s’étend sur les deux rives du fleuve, comprend alors quatre églises ou chapelles, où sept prêtres, en plus des religieuses ursulines, offrent les services religieux à une population catholique d’au moins 25000 personnes. La paroisse Saint-Jean-Baptiste, pour sa part, ne possède qu’une seule église, où un seul prêtre suffit à la tâche, parmi une population franco-allemande et catholique.
15En 1807, la Louisiane compte donc 19 paroisses ; elle en dispose de 38 en 184024. Les autorités ressentent le besoin de bien installer prêtres et églises avant d’instituer de nouvelles paroisses. C’est ce que révèle un rapport de Mgr Blanc daté de décembre 1846 :
« Toutes les paroisses du diocèse qui ont des églises, au nombre de 27, sont, à l’exception de trois, qui le seront dans le cours de l’année prochaine, pourvues de prêtres. Les autres paroisses, au nombre de 18, n’ayant que très peu de catholiques […] n’ont encore ni prêtres ni églises. Elles sont visitées de temps à autre et les dispositions y sont bonnes. La difficulté de nous procurer des prêtres parlant anglais et le besoin de pourvoir aux paroisses organisées catholiquement ont été la seule cause de cet état arriéré de la religion dans ces quartiers. Le moment n’est pas éloigné où nous pourrons nous étendre jusque-là25. »
16Devant cette insuffisance, voire cette absence d’ecclésiastiques, il n’est pas rare qu’un prêtre doive s’occuper de plusieurs paroisses à la fois, parfois fort éloignées les unes des autres, et dont les cures sont encore vacantes. Alors que le père Antoine Blanc réside dans la paroisse de Baton Rouge en 1830, il doit également se rendre quelques fois par année à son ancien poste dans la paroisse de la Pointe Coupée, à plus d’une soixantaine de kilomètres à l’intérieur des terres :
« J’ai donné quelques jours de mission, la semaine dernière, à mon ancien poste de la Pointe-Coupée. Ce n’est jamais pour moi une visite de plaisir, je souffre trop de voir vaquer si longtemps une paroisse aussi populeuse. Elle contient près de deux mille personnes libres et quatre mille esclaves dont les trois quarts sont catholiques. Je ne puis la visiter que toutes les six semaines, ou même tous les deux mois [… ]26. »
17Il faut que l’Église catholique de la Louisiane vive une sévère pénurie de main-d’œuvre pour qu’une paroisse aussi populeuse et catholique que la Pointe Coupée ne puisse pas avoir son propre curé. Selon le recensement fédéral de 1830, la paroisse de la Pointe Coupée compte alors 5942 habitants27. L’exemple de la Pointe Coupée représente bien l’état des paroisses rurales de la Louisiane ; les esclaves y constituent les deux tiers de la population totale. Il est donc fort probable que l’œuvre du père Blanc, à cet endroit, concerne surtout des fidèles noirs qui sont, selon ses calculs, au nombre de 3000. Toutefois, puisqu’il ne peut y venir que toutes les six semaines, voire tous les deux mois, les esclaves – dont les trois quarts, selon lui, sont catholiques – doivent compter sur eux-mêmes, ou sur l’appui de leur maître, pour pouvoir pratiquer leur religion. Certains maîtres, dans ces paroisses éloignées, accordent à leurs esclaves un lieu et une période bien définis pour leurs pratiques religieuses. La majorité semble cependant laissée à elle-même. Les esclaves sont ainsi amenés à s’approprier des espaces et des moments distincts pour entretenir leur foi, ce qui les pousse à une certaine autonomie religieuse.
18Les autorités ecclésiastiques ne sous-estiment pas l’importance des missions en Louisiane, mais l’Église catholique de la Louisiane, durant la période étudiée – et plus particulièrement durant les années 1803-1830 – manque cruellement de prêtres et de missionnaires pour satisfaire à tous les besoins. Par conséquent, l’Église catholique doit négliger certains aspects de son entreprise. Les missionnaires ne peuvent à la fois dispenser les services spirituels et les sacrements à une population catholique et tenter de convertir les hérétiques, les Autochtones et, sans doute, les Noirs libres et les esclaves. C’est du moins ce que laisse entendre Mgr Rosati en 1824 : « Faute de prêtres nous sommes obligés de négliger les missions parmi les protestans et les catholiques éloignés des églises, et ce qui est plus fautes de sujets on ne peut pas envoyer des missionnaires parmi les Sauvages [… ]28. » C’est probablement le cas de la paroisse Saint-Jean-Baptiste, où certaines plantations – et bon nombre d’esclaves – sont éloignées de la seule église environnante. Dans bien des cas, et pour différentes raisons, les esclaves ne peuvent simplement s’y rendre ; à la suite de fortes pluies qui rendent les chemins impraticables, en fonction du rythme de travail qui varie selon les saisons, ou encore pour s’adonner à d’autres activités tout autant essentielles, comme le travail dans les jardins le dimanche.
19Lorsque Mgr Blanc est nommé évêque du diocèse en 1835, il a déjà compris l’urgence du problème et la nécessité d’implanter des séminaires aux États-Unis, et plus particulièrement en Louisiane. En 1830, alors qu’il est prêtre à Bâton-Rouge, il rapporte ses conclusions à la Société de la propagation de la foi :
« J’ai eu dernièrement l’occasion de visiter tous les diocèses des États-Unis (à l’exception d’un seul) et j’ai pu me convaincre par moi-même de la grande disette d’ouvriers dans le champ du Seigneur et de la moisson abondante qui se prépare, ou qui est déjà mûre sur tous les points [… ]29. »
20Dans les premières décennies du xixe siècle, il est clair pour les autorités religieuses qu’il y a un urgent besoin de missionnaires et de prêtres pour mettre un terme à l’irréligion dans laquelle baigne la population et pour faire face au nouveau défi que représentent les vagues successives d’immigrants anglophones qui arrivent des autres États américains30. Selon l’historien Randall M. Miller, le problème de recrutement vient du fait que l’Église catholique de la Louisiane est dépendante d’un clergé immigrant, provenant essentiellement d’Europe, qui ne dispose pas des outils linguistiques et culturels nécessaires à un travail évangélique en Louisiane31. Pour Roger Baudier, le problème est de taille : « The presence of so many foreign priests, practically the entire clerical body was composed of foreigners, only emphasized the current misconception that Catholicism was foreign, and the Louisianians sought to Americanize it by controlling it [… ]32. » Durant les premières décennies du siècle, des prêtres européens travaillent dans des régions très différentes de celles qui les ont vus naître et n’ont pas toujours le bagage linguistique et culturel nécessaire au travail apostolique. Mgr Blanc comprend fort bien l’importance de compter sur des prêtres nés au pays pour évangéliser la population louisianaise :
« Je n’aurais pas à désirer que l’association m’abandonne dans ce moment surtout où décidément mon séminaire s’ouvre, quoique les bâtisses ne soient pas finies. Ce sont mm. [messieurs] les lazaristes qui s’en chargent ; le supérieur est déjà rendu sur les lieux. Ils seront trois prêtres, en commençant. C’est l’œuvre la plus importante d’un diocèse, et du nôtre en particulier. Les commencements en seront bien petits, peu encourageants peut-être, mais enfin il faut bien commencer, tout retard à cet égard est une perte réelle […] ce sont des ouvriers parlant l’anglais, qui nous manquent. Les Européens qui arrivent déjà prêtres, sont déjà aussi trop âgés pour apprendre bien cette langue, surtout à la Louisiane où il y a trop d’occasion de parler français. Sous ce rapport nous devons désirer ardemment de trouver des vocations ecclésiastiques dans notre population, de là l’importance première d’un séminaire33. »
21Encore en 1838, la population de la Louisiane est essentiellement francophone. Il est ainsi très facile pour un prêtre de n’y parler que le français. Pourtant, le besoin de prêtres anglophones est visible, comme le fait remarquer Mgr Blanc. Depuis plusieurs décennies déjà, de nombreux immigrants anglo-saxons s’établissent à La Nouvelle-Orléans et dans les paroisses rurales. En outre, de nombreux esclaves « américains » ou « anglais », beaucoup plus nombreux que les immigrants anglophones blancs, arrivent en Louisiane à la même époque, notamment à la paroisse Saint-Jean-Baptiste. Ces arrivées exacerberont davantage les pressions envers l’évêché de La Nouvelle-Orléans en réclamant des offices religieux en anglais.
22Avant même d’être placé à la tête du diocèse, Mgr Blanc comprenait parfaitement le dilemme de la langue en Louisiane : « la religion est ici, comme on peut naturellement le supposer, dans une population très mélangée de peuples de mœurs différentes qui se réunissent dans un même pays, avec le but principal et on pourrait dire souvent unique, de chercher fortune34 ». En effet, comment parvenir à évangéliser une population hétérogène, multiculturelle, en ne parlant qu’une seule langue, le français ? Comment faire face à cette diversité linguistique ? À partir de 1815, les paroisses reçoivent des prêtres provenant essentiellement d’Europe pour combler aux besoins des ministères. S’il n’y a pas de communautés religieuses masculines formellement établies en Louisiane avant 1837, on y recrute dans leurs séminaires en Europe ou dans les États américains voisins et quelques missionnaires prennent en charge des paroisses. Puisqu’une bonne partie du clergé louisianais provient d’Europe, bon nombre d’entre eux doivent apprendre l’anglais avant de pouvoir être assignés à certaines paroisses. À La Nouvelle-Orléans, il semble que les prêtres aient fait des efforts pour répondre aux besoins de la population anglophone : « À La Nouvelle-Orléans, dans l’église de l’évêché, on prêche maintenant le matin en anglais, et le soir en français. Le sermon anglais est beaucoup suivi ; nous avons été obligés d’agrandir l’église [… ]35. » Pour Mgr Blanc, seule l’ouverture d’un séminaire, où les pensionnaires peuvent apprendre l’anglais, peut résoudre ce problème :
« L’importance d’un pareil établissement [séminaire] est sentie de tout le monde et en effet, indépendamment de plusieurs postes déjà établis, et qui manquent de prêtre. Il me reste différentes nouvelles missions à ouvrir, dont je ne puis m’occuper, faute d’ouvriers parlant la langue anglaise ; le séminaire sera notre ressource pour l’étude de cette langue, et pourvoira, dans le temps, aux vides éventuels [… ]36. »
23En 1845, si l’on en croit Mgr Blanc, il semble bien que le séminaire ait porté ses fruits. Dans une lettre qu’il envoie à la Société de la propagation de la foi, il expose la situation qui règne en Louisiane et justifie la fondation du séminaire :
« Les paroisses, non organisées ecclésiastiquement, sont habitées par des Américains parlant exclusivement l’anglais, et généralement protestants, parmi lesquels cependant, il se trouve toujours plus ou moins de catholiques, isolés les uns des autres à de grandes distances, et auxquels, pour cette raison, on ne peut donner les secours spirituels que rarement et à grands frais. […] La difficulté de nous procurer, jusqu’à présent, des prêtres qui parlent bien l’anglais, a été aussi un grand, et même le plus grand obstacle à la desserte de ces missions américaines. Cependant, notre séminaire qui ne compte encore que six années d’existence, nous a été déjà, sous ce rapport, et nous sera encore plus à [l’avenir] d’un grand secours. Au point où nous en sommes, il ne nous convient plus de faire venir d’Europe, des prêtres formés, auxquels l’âge ne permet guère plus d’apprendre la langue anglaise, ou française (selon le pays d’où nous les recevons). Nous devons rechercher de jeunes séminaristes, qui, tout en complétant leurs études ecclésiastiques, apprennent la langue qui leur manque, et se forment aux mœurs et usages du pays. […] La langue anglaise, surtout, devient de jour en jour plus indispensable, dans la Louisiane, parce que les Américains s’établissent […] dans nos paroisses, qui, il n’y a que quelques années, étaient presque exclusivement françaises [… ]37. »
24Le danger que représentent les protestants résonne encore en 1845. Mgr Blanc le déplore dans une lettre qu’il envoie au Conseil central de la Société de la propagation de la foi. Il insiste une nouvelle fois sur la nécessité de ne plus engager de prêtres européens ne sachant parler un mot d’anglais :
« Les protestants, toutefois, ne [s’endorment] pas ; depuis deux ou trois ans, ils ont bâti, sans que nous nous en soyions apperçu, en quelque sorte, des petits temples, sur presque tous les points de la ville. […] Le nord et l’est des États-Unis leur fournit les fonds, nécessaires. Ceci nous implore la rigoureuse nécessité d’avoir des prêtres qui sachent l’anglais. Désormais, le français seul ne pourra suffire, aussi me suis-je décidé à n’admettre aucun prêtre venant de France sans savoir l’anglais. J’accepterai plus volontiers des jeunes séminaristes qui en fesant leurs études théologiques apprendront l’anglais dans notre séminaire. De tous ceux qui sont venus prêtres à la Louisiane, aucun n’est parvenu à y apprendre l’anglais, parce que la population française catholique y domine sur l’autre [… ]38. »
25Devant la masse grandissante d’habitants anglo-saxons qui pénètrent en Louisiane dans les années 1840, les prêtres ne peuvent que déplorer les constructions de temples protestants et la conversion de plusieurs citoyens. Il faut ici remarquer que l’adhésion des esclaves à la congrégation catholique, bien qu’elle ne soit pas clairement exprimée dans les lettres des prêtres, permet probablement de conserver une majorité à La Nouvelle-Orléans et dans plusieurs autres paroisses environnantes, du moins jusque dans les années 184039.
26C’est véritablement sous l’égide de Mgr Blanc, nommé en 1835, que l’Église catholique de la Louisiane se développe et croît rapidement40. Déjà, en 1840, la Louisiane comprend 36 églises ou chapelles et Mgr Blanc peut compter sur le travail de 53 prêtres et missionnaires. Le tableau 18 démontre bien l’évolution du nombre d’ecclésiastiques dans le diocèse de La Nouvelle-Orléans41 entre 1827 et 1851. Pour le vicaire général de La Nouvelle-Orléans, le père Rousselon, Mgr Blanc a entrepris une œuvre qui se révèle très fructueuse :
« Lorsque Mgr Blanc fut nommé évêque en 1835, on ne comptait alors que vingt sept prêtres séculiers disséminés sur ce vaste diocèse. Aujourd’hui plus de cinquante trois prêtres y exercent le St. ministère. Un collège tenu par les R.P. Jésuites a été établi, il est maintenant en pleine activité. Un séminaire diocésain dirigé par MM. les Lazaristes a été fondé par Mgr ; il y a dans ce moment douze séminaristes aux frais de l’Évêque et quelques autres qui payent leur pension. Ces deux superbes établissements assurent à perpétuité la Religion dans ce pays, soit en formant à la pitié la jeunesse louisiannaise, soit en préparant de jeunes lévites au sanctuaire. […] Dans la ville même de La Nouvelle-Orléans, une communauté de religieuses du tiers ordre du mont carmel a été depuis peu établie pour l’éducation des jeunes filles, il y a dans ce moment sept novices et plus de cent élèves [… ]42. »
27En décembre 1843, Mgr Blanc répond aux questions de la Société de la propagation de la foi sur l’état de son diocèse. Selon ses calculs, on retrouve 160 000 catholiques dans son diocèse, alors que « la population de l’État de la Louisiane qui est celle du diocèse de La Nouvelle-Orléans dépasse un peu 400000 ames43 ». Cela concorde avec le recensement de 1840 (352411 habitants). Mgr Blanc ne semble toutefois pas inclure les catholiques noirs, tant libres qu’esclaves, dans son calcul ; les habitants blancs, majoritairement catholiques, représentant à eux-seuls 158457 individus en 1840. Les 160000 catholiques que Mgr Blanc dénombre en 1843 ne sont probablement que des Blancs. À la question du nombre d’hérétiques et d’infidèles, Mgr Blanc répond d’ailleurs qu’« il est impossible de savoir ce qui est hérétique ou infidèle. Tous me disent appartenir à quelque secte chrétienne, quoique très certainement un très grand nombre ne soient pas baptisés. Il n’y a de sauvages que quelques individus. Il n’y a plus de tribus en corps ». Un peu plus loin dans le questionnaire, Mgr Blanc fixe le nombre de baptêmes d’adultes ou de conversions annuelles à environ 150, « blancs et noirs », et le nombre de communions pascales à 15000. Bien que le statut des adultes noirs qui se font baptiser ou se convertissent ne soit pas précisé, tout porte à croire qu’il englobe à la fois des Noirs libres et des esclaves. En effet, pour cette période, les registres de baptêmes d’esclaves, analysés en profondeur dans le chapitre v, dénombrent un nombre très minime d’adultes ; en 1845, sur 210 baptêmes d’esclaves, seulement neuf renvoient à des adultes de 14 ans et plus. Enfin, il calcule que le nombre de prêtres et de missionnaires est de 54 et que 28 églises et quatorze chapelles sont déjà construites. Le regard qu’il porte sur l’état de son diocèse est très satisfaisant. Il est certain que Mgr Blanc brosse un tableau fort agréable de son diocèse pour les administrateurs européens de la Société de la propagation de la foi, afin de susciter intérêt et financement. Mais il semble que son acharnement ait réellement porté fruit ; dans les années 1840, les problèmes de pénurie de prêtres et d’institutions scolaires insuffisantes sont presque entièrement résolus. Quatre décennies ont néanmoins été nécessaires pour normaliser l’institution catholique en Louisiane, et les prêtres qui y ont convergé ont dû faire face à de sérieux défis.
Tableau 18. – Évolution du clergé catholique du diocèse de La Nouvelle-Orléans.
Année | Prêtres et missionnaires 44 |
1827 | 26 |
1835 | 27 |
1840 | 53 |
1843 | 54 |
1845 | 56 |
1848 | 68 |
1851 | 88 |
Abandons et rappels des prêtres
28Si les maladies et le climat ont été des facteurs fréquents de découragement pour l’ensemble des missionnaires, il semble que l’irréligion qui règne parmi la population de la Louisiane, autant à La Nouvelle-Orléans que dans les paroisses avoisinantes, soit un facteur d’accablement supplémentaire, poussant plusieurs prêtres à démissionner ou à abandonner leur poste. Par exemple, le père Chartier, qui œuvre aux Avoyelles, déplore en 1843 le faible taux de présence à la messe dominicale :
« Hélas, Monseigneur ! Associés à V.G. [Votre Grâce] dans les travaux du ministère, nous le sommes bien aussi à vos amertumes, à vos dégoûts, à vos angoisses. Quel décroissement de la foi, quelle extinction de la piété chrétienne, ou pour mieux dire quelle irréligion dans nos paroisses ! Je pourrais facilement compter les deux ou trois dizaines seulement de personnes vraiment catholiques dans ma paroisse. Ce manque absolu de foi se trahit par l’absence presque totale des paroissiens à la messe du dimanche [… ]45. »
29Bien que la paroisse des Avoyelles soit réputée être une paroisse acadienne, ou du moins de culture française, et donc catholique, la lettre du père Chartier indique plutôt que la grande majorité des habitants ont délaissé leur église et leur religion. Alors qu’il se trouve à Alexandrie, dans la paroisse des Rapides, quelques mois plus tard, le père Chartier réitère ses plaintes à Mgr Blanc :
« On va indifféremment à l’église protestante ou à l’église catholique : on va à celle où l’on trouve mieux à passer le temps. C’est désolant, je suis entièrement découragé, dégoûté, et l’ennui du Canada, ce pays si religieux, me dévore. Si encore j’avais quelque voisin proche, avec qui je puisse de temps en temps me consoler, mais je suis éloigné de tout compère de près de 80 milles [… ]46. »
30Les paroles du père Chartier illustrent bien la crainte de tous les prêtres catholiques de la Louisiane à cette époque, celle de voir le protestantisme s’implanter, et triompher. Dans les années 1830 et 1840, les associations protestantes commencent à s’organiser et des églises sont bâties dans plusieurs paroisses. Dans le nord de la Louisiane, surtout, les Églises baptiste et méthodiste ont réussi à s’ancrer profondément. En 1850, les quatorze paroisses de cette région n’ont pas d’église catholique, mais plusieurs congrégations protestantes y oeuvrent déjà47. Le fait que les prêtres soient souvent isolés les uns des autres, sans communications fréquentes avec leurs confrères, ne permet pas de mettre sur pied une action concertée dans l’optique de former un projet commun, ce qui permet à d’autres dénominations religieuses de faire des percées.
31En effet, les prêtres européens qui arrivent en Louisiane au début du xixe siècle peuvent être affectés à des missions ou à des cures qui se trouvent dans une région fort distante de La Nouvelle-Orléans. Puisqu’ils ne sont pas très nombreux en Louisiane, il y a fort à parier qu’ils se trouveront seuls dans leur poste. Vivant le plus souvent en communauté dans une congrégation religieuse, ils ne sont pas toujours habitués à la vie solitaire qu’exige le travail missionnaire en campagne. Le père Jean-Baptiste Blanc, assigné à la paroisse des Natchitoches, s’en plaint d’ailleurs à son frère, le père Antoine Blanc, en 1827 :
« Ma paroisse est la plus étandue de tout l’État. Elle comprend presque le tiers de la Louisiane. […] La population est un mélange de Français, d’Amériquains, et d’Espagnols. Cependant la majorité est française. La plus grande partie de cette population est dispersée sur cette grande surface. […] J’ai à visiter de nombreuses stations, tout écartées et dans des directions différentes à 8, à 9, à 10, à 20 lieues de distance. […] Cependant j’ai presque fait toutes les courses, mais il est impossible qu’un prêtre seul puisse suffire à tout. J’attends de jour en jour un autre ecclésiastique pour partager la charge de mon ministère […] il me manque une église, mais j’espère l’avoir bientôt. […] En attendant j’officie dans une petite chapelle [… ]48. »
32Même si cette lettre ne mentionne pas les autres paroisses de la Louisiane, comme la paroisse Saint-Jean-Baptiste, il est probable que la même situation s’y reproduise. Plus réduite en territoire, la paroisse Saint-Jean-Baptiste compte une population majoritairement francophone, dispersée sur les deux rives du fleuve, au gré des plantations. Une seule église est à la disposition des habitants et seul le père Modeste Mina, un Oratorien de Saint-Philippe Néri, y est en poste. Le père Blanc, dans sa lettre, semble dire que sa charge de travail est immense, alors même qu’il officie dans une petite chapelle. La présence des paroissiens le dimanche doit, devine-t-on, être régulière. Rien ne laisse penser que la situation est différente dans la paroisse Saint-Jean-Baptiste. Ainsi, chaque prêtre missionnaire est confronté, dans sa paroisse, au même genre de problèmes, qui diffèrent somme toute très peu les uns des autres, et qu’il doit régler de son mieux, parfois sans directives ni conseils de la part de ses supérieurs. Même lorsqu’il reçoit une réponse à ses questions, il arrive que le délai soit trop long et que la situation ait évolué. Il doit donc faire preuve de débrouillardise dans bien des domaines.
33À la lecture de tous ces rapports, il n’est pas étonnant d’entendre des échos d’abandons et de démissions. En fait, si le missionnariat en Louisiane fait l’objet d’une vaste campagne de recrutement tout au long des premières décennies du xixe siècle, le problème d’une pénurie de prêtres et de missionnaires revient constamment dans les Annales de la propagation de la foi et dans la correspondance des évêques. Le décompte que fait Mgr Portier des arrivées et des départs des prêtres et missionnaires aux États-Unis est stupéfiant :
« En moins de dix ans, il [Mgr DuBourg] attire près de lui plus de quatre vingt prêtres, dont 54 exercent encore le St. Ministère dans les États-Unis ; treize ont succombé aux intempéries du climat ou dans les fatigues des missions, six sont revenus dans leur patrie, pour cause d’infirmité, quelques uns se sont dégoutés de leurs travaux et sont rentrés dans leurs diocèses primitifs49. »
34En Louisiane, plusieurs facteurs expliquent les abandons et les rappels en France. Selon le curé Boué, vicaire général de La Nouvelle-Orléans, les décès et les maladies dus à l’épuisement et au climat en sont des causes non négligeables : « Trois prêtres sont morts l’année dernière, trois autres ont été forcés de venir demander au climat de la France les forces perdues dans les fatigues du ministère et sous le soleil brulant de la Louisiane [… ]50. » L’isolement joue également un grand rôle dans ces abandons, comme le laisse entendre le père Bonniot de la paroisse Saint-Jacques, voisine de la paroisse Saint-Jean-Baptiste, qui écrit un émouvant plaidoyer à Mgr Blanc en 1842 :
« pour ne pas surcharger le compte épouvantable de mon ministère, j’ai fait ce me semble mon possible pour y faire quelque bien. J’ai même fait des efforts, connaissant votre volonté, pour m’habituer à ce genre de vie entièrement nouveau pour moi jusqu’à présent, mais avec un caractère tel que le mien et à quarante ans cela m’était impossible. C’est un ennui une tristesse à me donner des crises. Chaque jour je vais dire la sainte messe seul le cœur serré de douleur et il ne me reste plus le reste du jour qu’à méditer, bien souvent les yeux pleins de larmes […] Je vous demanderai, Monseigneur, la permission de croire qu’il ne doit pas résulter un grand mal de mon départ de St. Jacques. J’avais commencé une suite d’instructions sur le sixième commandement et sur le mariage, connaissant le triste terrain sur lequel je marchais51 ».
35Si le père Bonniot respecte le droit canonique en tenant une messe chaque jour, il avoue toutefois sa déception devant l’absence de ses paroissiens. Cette absence ne devrait cependant pas le surprendre. En 1842, dans la paroisse Saint-Jacques, la grande majorité des habitants sont propriétaires d’une plantation sucrière. Ils ne peuvent se permettre d’aller à l’église chaque jour. Les esclaves, surtout, n’ont certainement pas ce loisir ! La même absence est sans doute reconnue, et décriée, par les prêtres des paroisses avoisinantes, dont celle de Saint-Jean-Baptiste. La situation demeure fort différente à la ville de La Nouvelle-Orléans, où le père Bonniot était vicaire dans les années 1830. Plus de citadins peuvent se rendre quotidiennement à l’église, dont un grand nombre de personnes de couleur libres et d’esclaves. La lettre de Bonniot est également éclairante sur les relations sexuelles des habitants. En effet, il déclare sans ambages que le sixième commandement, l’adultère52, et le mariage sont dans un triste état à la paroisse Saint-Jacques, et probablement un peu partout en Louisiane. Comme cela sera expliqué au chapitre iv, les relations interaciales entre Blancs et Noirs posent problème, tout comme le mariage au sein de la communauté esclave.
36Pour l’Église catholique américaine, chaque abandon a un effet sensible sur les troupes et sur l’influence de l’institution au pays. Le travail et la présence de chaque individu dans sa mission sont d’une importance cruciale. Lorsque Mgr Blanc annonce à Mgr Rosati, évêque de Saint-Louis, que le père Roux démissionne, Mgr Rosati sermonne quelque peu son collègue, lui reprochant d’accepter trop facilement les désistements et de donner un mauvais exemple aux autres prêtres :
« Je vous dirai donc qu’au sujet de M. Roux, j’accède à votre demande. Mais ce sont des pertes qui ne manqueront pas d’être suivies d’autres. En voilà un autre qui m’écrit qu’il a besoin d’un climat plus chaud. Il est triste de voir partir des prêtres qui ayant déjà appris l’anglais peuvent exercer partout dans le diocèse le St. Ministère, car il nous faut ici l’anglais et le français. Vous avez, mon cher Frère, un grand avantage : la plus grande partie de vos paroisses peuvent être desservies par des prêtres qui parlent seulement le français, de manière qu’aussitôt que vous recevez un prêtre de France vous pouvez le placer. De plus toutes vos paroisses ont des ressources temporelles et il n’y a pas chez vous l’occasion de désirer un déplacement à cause de la pauvreté. Dieu soit bénit ! Qu’il est difficile d’établir un diocèse dans cette pauvre Amérique53 ! »
37Mgr Rosati exprime ainsi ce que bon nombre d’évêques et de prêtres ont pensé avant lui. Durant les premières décennies du xixe siècle, la Louisiane semble avoir été un territoire fort dangereux, voire carrément hostile, pour les prêtres et missionnaires catholiques, qui ont dû faire face à de nombreux défis. Même à la fin de la période antebellum, le vaste diocèse de la Louisiane, « par le mélange de nationalités et de langage, par le grand nombre d’esclaves qui s’y trouve et par les épidémies désastreuses auxquelles il est sujet » semble encore être « un des plus pénibles et des plus difficiles à administrer de tous les diocèses d’Amérique54 ». À la veille de la guerre de Sécession, le père Rousselon remarque ainsi que l’institution de l’esclavage, au même titre que les épidémies et la diversité linguistique, complexifie grandement l’entreprise missionnaire en Louisiane. Non seulement le nombre d’esclaves ne cesse de s’accroître, mais il semble difficile de leur proposer une évangélisation dans cette période si trouble de l’histoire états-unienne. Les effectifs du clergé catholique demeurent impuissants devant l’ampleur du travail qu’exigerait l’instruction religieuse de tous les esclaves.
38Non seulement l’Église catholique doit-elle se battre pour maintenir des effectifs suffisants dans chaque diocèse, mais elle doit également se battre pour protéger son avenir. En 1830, Mgr Whitfield, archevêque de Baltimore, calcule que la population catholique américaine ne représente qu’un mince 5 % de la population totale :
« le nombre des catholiques dans les États-Unis s’élève à plus de cinq cent mille, et s’accroît tous les jours, soit par les émigrations, soit par les conversions. Quelque grand qu’il paroisse en lui-même, ce nombre est cependant peu de chose, eu égard à la population générale qui est d’environ dix millions, et qui est divisée en une infinité de sectes différentes55 ».
39Bien que nombreux, les catholiques demeurent minoritaires face aux protestants qui peuplent le pays. Durant toute la période antebellum, la marginalité de l’Église catholique aux États-Unis est un poids constant sur les épaules des autorités ecclésiastiques, et la Louisiane sera le témoin privilégié des tensions qui en découlent.
Des « Églises étrangères » en Louisiane
40En 1836, un petit pamphlet intitulé « Coup d’œil sur l’Œuvre de la Propagation de la Foi » est publié en France56. Dès la première page, les auteurs mentionnent le nombre grandissant d’hérétiques et de païens, ces hommes « assis à l’ombre de la mort57 », qui ne demandent qu’à être convertis, particulièrement en Amérique. Un chapitre entier est d’ailleurs consacré à l’« Ardeur incroyable des Protestans pour propager leurs erreurs58 ». En 1804, un an après l’achat de la Louisiane, il n’y a cependant encore aucune église protestante sur le territoire59. Mais les habitants catholiques de La Nouvelle-Orléans ont tôt fait d’apposer l’étiquette d’« églises étrangères » aux nouvelles congrégations protestantes qui s’implantent peu à peu dans la ville. Comme le révérend presbytérien Theodore Clapp l’illustre dans son autobiographie, ce surnom provient surtout du fait que les églises protestantes vont attirer bon nombre de voyageurs de passage à La Nouvelle-Orléans, des étrangers anglo-saxons venus des autres États américains qui occupent les bancs laissés vacants :
« The first Protestant church in New Orleans was built about forty years ago [1818], belonging to the Episcopal denomination. The second was founded by my predecessor, the Rev. Sylvester Larned, and was first opened for public worship on the 4th day of July, 1819. On the lower floor there were one hundred and eighteen pews. The galleries were spacious, and capable of accommodating about four hundred persons. Both sides of the galleries contained free seats, which were always filled by strangers. On this account, our place of worship was often called the Strangers’Church. […] The pews were always taken by residents of the city, and there were more applicants than could be accommodated60. »
41Il est possible de penser que certains esclaves et Noirs libres, à la recherche d’une autre forme spirituelle que le catholicisme, aient assisté à ces prêches protestants et rempli les bancs de l’église.
42Le terme d’églises étrangères revient également dans l’autobiographie du prédicateur méthodiste William Winans, qui est le premier ministre du culte à être nommé à la mission de La Nouvelle-Orléans en 1813 et 1814, et qui perçoit La Nouvelle-Orléans comme une immense cité, où il se sent, et est considéré, comme un parfait étranger61. Il faut dire qu’encore dans les années 1830 et 1840, les missionnaires des principales églises protestantes (presbytériens, épiscopaliens, méthodistes, baptistes) ne résident toujours pas en Louisiane et proviennent essentiellement de la côte atlantique, de La Nouvelle-Angleterre ou des États voisins, notamment du Mississippi. Pour l’historien Walter B. Posey, il ne fait aucun doute que les protestants ont échoué en ce qui a trait au travail missionnaire et à l’implantation d’églises protestantes en Louisiane, et plus particulièrement à La Nouvelle-Orléans : « By the middle years of the 1830’s New Orleans had some fifty thousand people, but only the Presbyterians and the Methodists among the Protestant denominations had regular preaching62. » Sans être aussi catégorique, il faut dire que la cohabitation entre protestants et catholiques, qui se développe progressivement durant les premières décennies du xixe siècle, ne s’est pas toujours effectuée de façon conciliante. Pour l’historien Ray Holder, des frictions naissent rapidement à La Nouvelle-Orléans : « It was therefore only natural that Catholics and Protestants often engaged in sharp encounters during the early years of the nineteenth century. No more fertile ground could be found for waging theological wars than in New Orleans63. » En cela, la lettre qu’écrit le père Thèses, curé de la ville de Thibodaux dans la paroisse de Terrebonne, à Mgr Blanc le 14 avril 1840 est révélatrice. Bien qu’il rassure l’évêque au sujet de sa mission, qu’il dit être « riche et abondante », où la religion qui semblait mourir « renaît de toutes parts », il le prévient également des succès des protestants, le pressant d’élever rapidement une église à Houma, puisque les protestants y ont déjà bâti un temple64. Aux Opelousas, où réside une forte population anglophone, plusieurs habitants catholiques préfèrent assister aux prêches méthodistes, qui sont offerts en anglais, plutôt que d’assister aux offices catholiques francophones : « If you could possibly send an English priest by his instrumentality there would be hundred of souls who would go the catholic church that now go to the Methodist. There are two hundreds of the inhabitants of this parish who speak altogether English [… ]65. » La requête est réitérée en français :
« La Corporation Catholique des Opelousas a donné à notre ville un terrain à la condition que notre corporation y ferait ériger une église. […] La distance qui nous sépare de la ville des Opelousas de notre endroit empêche les habitants d’élever leurs enfants dans la vraie croyance et les suites peuvent en être facheuses, puisque pour leur donner une idée de religion, les Catholiques suivent les meetings protestants et lorsque cette église sera batie il serait à craindre que faute d’une église catholique tout le monde s’y portat [… ]66. »
43Il semble bien que la menace protestante pèse lourdement sur les esprits des prêtres catholiques. Mgr Portier, cependant, se veut rassurant. Il ne compte qu’une dizaine de prédicateurs en Louisiane en 1829 et il remarque que les habitants qui ont été tentés par le protestantisme reviennent dans les rangs de l’Église catholique dès lors que l’on s’attarde à les instruire :
« On ne compte qu’une dizaine de ministres protestants dans la Louisiane. Ils ont [tenté] de faire des prosélytes parmi les anciens habitants qui conservent un grand attachement pour la vénérable croyance. Les mœurs, il est vrai, sont en général très corrompues, mais on peut en trouver la cause dans l’ignorance ou ils avaient vécu et dans le malheur de l’esclavage. On remarque que dans les paroisses qui jouissent constamment des bienfaits de l’Église, un retour consolant vers la vertu. Les sacrements commencent à y être fréquentés avec dévotion67. »
44Mgr Portier justifie l’intérêt des habitants pour le protestantisme non seulement par leurs « mœurs corrompues » et par « l’ignorance où ils avaient vécu », mais également par le fait qu’il s’agit de paroisses esclavagistes. À ses yeux, le « malheur de l’esclavage » pousse les individus à s’éloigner de la vraie religion. Étant vicaire apostolique de deux États esclavagistes, la Floride et l’Alabama, et ayant œuvré à La Nouvelle-Orléans pendant les années 1820, Mgr Portier ne semble pas abolitionniste, mais il convient que le système esclavagiste mène souvent à la corruption des mœurs, une corruption probablement accentuée par la promiscuité qu’engendrent les relations maîtres-esclaves. Bien que rassurant sur les progrès de la religion catholique, remarquant lui aussi en général un « retour consolant vers la vertu », le père Portier présente cependant les méthodistes sous un très mauvais jour :
« Nous n’avions pas en France, mon cher ami, des notions assez justes sur l’état de ce pays. Je rencontre ici des gens sensés, respectant la vertu, et, malgré leurs préjugés de secte, pleins de vénération pour les Prêtres catholiques, à qui ils donnent le pas, pour les honneurs et les civilités, sur leurs propres ministres. Tous les jours les préventions contre la Religion catholique diminuent. On ne nie plus les vertus de ses Prêtres. […] Les hérétiques les plus fanatiques sont les méthodistes, espèce de convulsionnaires qui chantent, pleurent, prêchent, méditent, poussent des soupirs et des cris, élèvent les mains au ciel et se frappent la poitrine, et pour faire des prosélytes, entourent ceux qui paroissent touchés, les secouent, les frappent doucement, il est vrai, jusqu’à ce que la conversion soit complète. Voilà nos plus grands ennemis. Ce sont les pharisiens modernes68. »
45Il va sans dire que le modèle spirituel protestant, surtout méthodiste, dérange les prêtres catholiques. D’une part, le fait que les églises évangéliques connaissent un succès éclatant dans les États du Nord, puis dans l’Upper South, durant le Second Réveil religieux, qui débute aux environs de 1800, alerte les autorités catholiques de la Louisiane69. D’autre part, les méthodistes étant les premiers à dénoncer publiquement l’esclavage, les prêtres catholiques redoutent que les Afro-Américains s’engagent massivement dans leurs rangs70. Un extrait d’une lettre du père Bouillier, alors en poste aux Barrens, au Missouri, et datée de 1825, illustre bien, si l’on écarte le sarcasme de l’auteur, la crainte d’un prêtre catholique envers l’engouement des Afro-Américains pour le méthodisme :
« J’ai passé à St. Louis quelques jours, c’est une petite ville de cinq ou six mille ames sur le Mississippi. J’y ai été témoin un jour de dimanche de la prêche des méthodistes nêgres, car ils ne se mêlent pas avec les blancs. C’est une chose digne de pitié, c’est un nêgre qui préchait la tête appuyé sur la paume de sa main faisant de profondes inclinations devant et de côté et dans cette singulière attitude il a crié pendant plus de trois heures sur la présence de dieu. À la fin ces pauvres negres et negresses etourdi de ce bruit se sont imaginer voir dieu. l’une criait le voila, je le vois, je le vois, je le tiens en ouvrant les bras comme pour le saisir. Une autre se pamait tandis que les autres s’efforceait de la faire revenir [… ]71. »
46Pour les historiennes Betty Wood et Sylvia R. Frey, la pratique de rituels spécifiques, autres que ceux des Blancs, permet aux Afro-Américains de définir et d’établir leur propre communauté religieuse72. Dans le Sud américain, c’est d’abord grâce aux efforts combinés des missionnaires blancs et des convertis afro-américains que le méthodisme se propage au début du xixe siècle, passant des villes – où le mouvement prend racine – vers les campagnes – où les esclaves surpassent en grand nombre les Blancs73 – : « So central to the Methodist mission were these black and colored leaders that they, rather than English missionaries, were the chief spokesmen for Christianity74. » Cette réclamation d’un espace culturel bien distinct dérange parfois les observateurs blancs, qui la qualifient de comportement impie et sauvage, culturellement inférieur au leur75.
47Si le culte méthodiste, fort émotionnel, choque le père Portier, les prêtres catholiques sont également offensés par la hiérarchie sociale que privilégient les congrégations protestantes. En effet, comme le souligne les Annales en 1831, chaque rang social possède sa propre congrégation :
« Les Américains regardent la religion comme une affaire de convenance et de mode. Ainsi, il y a des sectes pour les hautes classes de la société, il y en a pour la moyenne bourgeoisie, il y en a pour le peuple, et même pour les basses classes. Les nègres et les mulâtres, par exemple, sont tous Méthodistes. Si un homme a de la fortune, de l’éducation ; s’il remplit quelque fonction élevée dans le gouvernement, on peut en conclure qu’il appartient à l’église épiscopale, ou au moins qu’il est Presbytérien, Quaker, ou Unitaire. Il ne conviendrait pas plus à un pauvre homme d’être membre de l’une des sectes réservées à l’aristocratie du protestantisme, que d’avoir un équipage et des laquais. Le haut prix auquel se louent les bancs dans les prêches épiscopaux, presbytériens, etc. en éloigne le peuple, qui d’ailleurs n’oseroit pas se mêler avec ce qu’il appelle les gens de qualité : il préfère les sectes où l’on se trouve associé avec ses semblables sur un pied d’égalité, et qui permettent de s’asseoir à peu de frais. La secte des Méthodistes est sans contredit la plus populaire et la plus nombreuse [… ]76. »
48Une telle lettre témoigne de la connaissance qu’ont les prêtres catholiques de l’influence et de la popularité du méthodisme chez les Noirs hors des frontières de la Louisiane, par le biais des lettres de leurs confrères ou de la presse catholique. Pour eux, il semble même que le méthodisme soit pratiqué par une large portion, voire par la totalité de la population noire des États-Unis, qui s’associe ainsi « avec ses semblables ». Mais même en Louisiane, l’attrait du méthodisme est ressenti chez les Noirs, alors que des prédicateurs méthodistes y font de la propagande à partir des années 1810.
49Le père Jean-Baptiste Blanc critique également les protestants sur leurs pratiques. Il dénonce l’utilisation qu’ils font des textes sacrés : « vous les voyez les dimanches, tous la Bible à la main, la lisant et la relisant, la plupart sans y rien comprendre ; mais peu importe, ils y trouvent toujours le sens qu’ils y cherchent77 ». À La Nouvelle-Orléans, les protestants sont sans église où prêcher avant les années 1830 ; ils doivent plutôt se rassembler dans des maisons privées pour effectuer ces lectures. En fait, il semble que les autorités municipales, en majorité franco-catholiques, n’aient pas toujours favorisé l’implantation d’églises ou de communautés protestantes entre les murs de leur ville. En 1813, le pasteur méthodiste Lewis Hobbs se plaint par exemple à un collègue du fait que le Conseil de Ville lui refuse sa demande de prêcher dans l’un des bâtiments publics de la ville78. Les pasteurs doivent ainsi négocier constamment leur installation et trouver par eux-mêmes un endroit pour prêcher. Hobbs finira ainsi par louer une chambre pour quinze dollars par mois pour y officier.
50Les protestants contestent bien certains dogmes du culte catholique, mais ils saluent également quelques traits propres au catholicisme louisianais. Le premier de ces traits est l’aspect égalitaire de l’Église catholique. En 1838, la journaliste britannique Harriet Martineau décrit une messe catholique, et met en lumière cet élément. Elle note dans son carnet qu’à la cathédrale Saint-Louis, tous les habitants s’y rencontrent, dans une atmosphère de fraternité. S’ils demeurent séparés aux portes de l’église, chacun se tenant avec son propre groupe racial, une fois à l’intérieur, aucune séparation n’est faite, et une foule diverse, de toutes les nuances de teint possibles, prie ensemble :
« Then there is the cathedral to be attended, a place which the European gladly visits, as the only one in the United States, where all men meet together as brethren. […] There are groups about the cathedral gates, the blacks and the whites parting company as if they had not been worshipping side by side. Within the edifice there is no separation. Some few persons may be in pews; but kneeling on the pavement may be seen a multitude, of every shade of complexion, from the fair Scotchwoman or German to the jet-black pure African [… ]79. »
51 Cette perception du catholicisme par des protestants européens ou américains n’est certes pas nouvelle. Theodore Clapp, en 1822, relève cette dimension égalitaire, qui tranche de manière radicale avec la religion protestante. Selon lui, chaque individu, sans distinction, peut recevoir les sacrements catholiques et ne peut mourir sans avoir reçu la bénédiction de l’Église, ce qui contraste avec l’église protestante, plus élitiste :
« Indeed, the Roman Catholic Church is infinitely superior to any Protestant denomination in its provisions of mercy and charity for the poor […] the most fallen are incomparably less degraded than the worst of those who live in Protestant lands. […] No one is permitted to die without the rite of the church […].
But with us the poor die without a clergyman, without a prayer. […] No Protestant denomination, with the exception of the Methodists, have suitably remembered the poor. […] In our Northern cities, New York, & c., there is an actual rivalry as to which church shall be the most exclusive. And one congregation has erected a separate building for the poor to worship in. Churches are constructed on purpose to shut out the poor. The pews are sold, like the boxes of a theatre, to the highest bidder. The poor can never enter there80. »
52Une grande différence, à l’avantage des catholiques, réside ainsi dans le traitement des pauvres. Selon Clapp, l’Église catholique est supérieure aux dénominations protestantes en ce domaine ; il la désigne même sous l’appellation de la « maison des pauvres81 ».
53Un prêtre catholique offre un bon exemple de ce refus des protestants de s’occuper des pauvres. En 1829, le père Clicteur écrit que le refus des ministres d’aller visiter les malades lorsqu’ils sont pauvres est un motif qui engage beaucoup de protestants à se convertir au catholicisme. Il donne l’exemple d’une femme noire méthodiste, très malade, qui se fait baptiser par un prêtre catholique sur son lit de mort. Le père Clicteur en vient donc à la conclusion que beaucoup de protestants pauvres – noirs ou blancs – meurent catholiques, de peur d’éprouver un refus de la part de leur ministre :
« Il est un motif qui engage beaucoup de protestans à rentrer dans le sein de l’Église : c’est le refus que font les ministres d’aller visiter les malades lorsqu’ils sont pauvres. Une femme négresse et méthodiste, comme sont presque tous les nègres, envoya ses enfans prier le prédicateur méthodiste de venir la voir ; celui-ci ayant appris que c’étoit une femme de couleur, renvoya brusquement les enfans, en leur disant qu’il n’avoit pas le temps d’aller voir leur mère. La négresse envoya demander un Prêtre catholique, qui, cinq minutes après, fut chez elle ; il y passa plusieurs heures, y revint plusieurs fois par jour pour l’instruire, et finit par la baptiser la veille de sa mort… . Beaucoup de protestans pauvres, lorsqu’ils sont près de mourir, pour ne pas éprouver un refus de la part de leur ministre, envoient chercher un Prêtre, et meurent catholiques82… »
54Bien que l’Église catholique de la Louisiane se sente menacée par l’essor des prédicateurs et des communautés protestantes, il semble néanmoins que les protestants ne soient pas très nombreux au début du siècle et que leurs efforts aient été assez tardifs, se concentrant surtout dans le nord de la Louisiane. D’ailleurs, la faible présence des protestants à La Nouvelle-Orléans est l’une des raisons qui expliquent l’importance et l’omniprésence du catholicisme. Malgré quelques divergences d’opinion, il semble bien que les protestants et les catholiques, du moins à La Nouvelle-Orléans, aient cohabité pacifiquement ensemble, ce que l’historien Andrew Stern va qualifier de « Southern Harmony83 ».
Les esclaves et les églises réformées
55Durant les premières décennies du xixe siècle, la grande majorité des habitants de la Louisiane, et particulièrement de La Nouvelle-Orléans, ont intégré les rangs de la communauté catholique. Les esclaves y ont été convertis et baptisés en grand nombre, avec ou sans leur consentement. Pourtant, le zèle protestant demeure une réalité très inquiétante pour les prêtres catholiques de la Louisiane, dès l’achat du territoire par les États-Unis. Cette présence protestante a probablement eu un impact sur les pratiques religieuses des esclaves et, bien qu’il soit très difficile de cerner avec précision son degré d’influence, les journaux et la correspondance de certains prédicateurs itinérants permettent de forger quelques hypothèses. Ils offrent surtout un regard neuf sur la Louisiane antebellum, une version très différente de celle des prêtres catholiques.
56C’est sous l’impulsion du Second grand réveil religieux, qui débute à la fin du xviiie siècle, que le nombre d’églises noires indépendantes, surtout baptistes et méthodistes, augmente considérablement dans les États du Sud américain84. Il s’agit en fait d’une période critique dans la lutte des Noirs américains contre le « génocide culturel » des esclavagistes afin d’obtenir leur propre culture religieuse85. Pour les historiennes Sylvia R. Frey et Betty Wood, l’apparition d’églises noires à la fin du xviiie siècle est surtout un symbole du désir d’indépendance culturelle parmi la population noire :
« The remarkable number of independent black churches that appeared after 1790 arose out of black Christians’need to claim a cultural space of their own, where they could define morality, ritual, and social behavior on their own terms. If the black churches were never totally independent of white religious and social culture, neither were they totally dominated by the white establishment86. »
57Selon Sylvia R. Frey, si les églises noires possèdent au départ une certaine autonomie, l’idée que le christianisme puisse servir à contrôler les Noirs s’impose progressivement à partir des années 1830, tout comme l’activité missionnaire auprès des esclaves. Ce sont les révoltes d’esclaves des vingt premières années du xixe siècle (que l’on songe à la révolte de Gabriel en 1800 en Virginie, celle dite communément de Charles Deslondes en 1811 en Louisiane, ou celle de Denmark Vesey en 1822 en Caroline du Sud) qui vont presser les autorités à incorporer les Noirs dans des églises biraciales, contrôlées par des Blancs87. À la fin des années 1820, la religion devient ainsi un moyen de contrôle social et contribue à renforcer le pouvoir disciplinaire des maîtres, qui espèrent ainsi dominer et diriger la spiritualité de leurs esclaves88. Dès lors, les pasteurs du Sud s’engagent pleinement dans le mouvement missionnaire envers les Noirs, notamment en prêchant dans les plantations89.
58Le mouvement missionnaire protestant est cependant fort tardif en Louisiane. À partir de 1803, avec le changement de régime, le catholicisme perd son statut d’exclusivité et la liberté de culte, propre aux États-Unis, est promulguée. Mais l’installation de congrégations protestantes y demeure ardue. Si plusieurs missionnaires protestants itinérants effectuent quelques séjours à La Nouvelle-Orléans dans les années 1810 et 1820 pour tenter de solidifier leur base et d’implanter des églises, il faut attendre quelques années avant que leurs congrégations ne s’organisent officiellement, dans les années 1830 et 184090. En effet, selon l’annuaire de Gibson, daté de 1838, La Nouvelle-Orléans ne comporte alors que quatre églises protestantes, qui n’ont pas toujours de pasteur permanent91. Albert J. Raboteau note d’ailleurs qu’il n’existe que quatre églises méthodistes noires à La Nouvelle-Orléans durant la période antebellum et les prédicateurs, esclaves ou non, sont placés sous la supervision de ministres blancs92. À la même époque, la congrégation catholique possède également quatre églises, qui sont cependant plus imposantes et, probablement, plus populaires, puisque la population de la ville est encore à forte majorité franco-catholique dans les années 184093. Ainsi, si l’on prend l’exemple du méthodisme – puisque la correspondance inédite de deux prédicateurs pour la période étudiée a pu être analysée et qu’il s’agit d’une des dénominations les plus populaires chez les Afro-Américains94–, l’Église méthodiste n’est constituée que tardivement à La Nouvelle-Orléans. En 1812, William Winans est le premier ministre du culte à être nommé à la mission de La Nouvelle-Orléans, mais il n’y reste qu’un an (1813-1814) et ne produit pas les résultats escomptés95. Ses successeurs ne réussissent pas davantage à ériger un véritable ministère. Il faut attendre 1826 pour que la New Orleans’s First Methodist Church soit fondée, avec l’appui du révérend Benjamin M. Drake96. Durant les premières décennies du xixe siècle, la religion catholique semble donc être le premier, voire le seul choix spirituel possible pour les Noirs de La Nouvelle-Orléans et de ses environs. Toutefois, elle aura vraisemblablement incorporé des pratiques culturelles africaines, issues de la traite transatlantique et préservées par une population consciente du besoin de posséder sa propre culture.
59Si les prédicateurs protestants ne sont pas nombreux en Louisiane dans les premières décennies du siècle, ils vont tout de même exprimer leur propre perception du système esclavagiste et vont proposer un tout autre modèle d’expression religieuse aux esclaves. Comment les prédicateurs protestants ont-ils revendiqué un espace religieux dans la Louisiane catholique antebellum ? Comment ont-ils perçu la participation des esclaves aux rites chrétiens ? Surtout, quels jugements ont-ils porté sur l’institution particulière et quels ont été leurs efforts d’évangélisation auprès de cette population ?
Le protestantisme et la question de l’esclavage
60À partir des années 1830 et 1840, alors que s’implantent en Louisiane quelques églises protestantes, il semble que le protestantisme, et le méthodisme en particulier, ait été très populaire chez les Noirs, un peu partout aux États-Unis. Les historiennes Betty Wood et Sylvia R. Frey estiment que le nombre de méthodistes noirs aux États-Unis a plus que doublé entre 1800 et 1815, passant de 20000 à plus de 4000097. Si le catholicisme demeure la religion majoritaire en Louisiane, du moins durant les premières décennies du xixe siècle, l’influence protestante y est particulièrement évidente, et les contacts entre ces deux religions sont constants tout au long de la période étudiée. Pour Elizabeth Mills et Gary Mills, aussi longtemps que le catholicisme a été la seule religion légale en Louisiane, les Noirs s’en sont contentés, mais la tendance a vite été renversée98. Les pasteurs protestants itinérants sont alors devenus des concurrents sérieux aux missionnaires catholiques99. Pour certains auteurs, c’est même le mouvement évangélique protestant qui va le mieux réussir à s’adapter aux religions traditionnelles africaines et qui permet aux Afro-Américains de s’approprier le christianisme, de le réinterpréter et de le transmettre100. En 1815, le père lazariste Felix De Andreis concède d’ailleurs ce fait aux méthodistes : « The Methodists, a sect dating from only the middle of the last century, is a composite of the two first churches [Episcopalians and Anglican Church] and still attaches itself to the members of the following ones. This is a popular sect for the people and for the blacks101. » Et il n’est pas le seul à relever cela. Plusieurs voyageurs vont remarquer la participation accrue des Noirs louisianais au méthodisme. Pour Timothy Flint, qui visite la Louisiane en 1826, il est clair que le niveau de langage des prédicateurs est facilement accessible aux esclaves :
« Wherever the Methodists come in contact with them [slaves], their earnest and vehement address softens the obduracy of the blacks at once. They have gained many converts among the slaves. They use a language that falls in with their apprehensions, and possibly their popularity with them is enhanced by the prevalent impression, that the Methodists are the exclusive friends of slaves, and of emancipation. In the region where I live, the masters allow entire liberty to the slaves to attend public worship, and as far as my knowledge extends, it is generally the case in Louisiana. We have regular meetings of the blacks in the building where I attend public worship [… ]102. »
61D’ailleurs, devant la popularité du méthodisme chez les Noirs de La Nouvelle-Orléans, l’église méthodiste de la rue Gravier est vendue aux personnes de couleur libres en 1837103.
62Que les esclaves se soient tournés vers le catholicisme ou le méthodisme, il n’en demeure pas moins que ces deux confessions sont des institutions qui ont pratiqué et soutenu l’esclavage. Pour certains protestants abolitionnistes, il semble paradoxal que des esclaves embrassent le catholicisme, alors même que les prêtres et les évêques possèdent eux-mêmes des esclaves. Pourtant, il s’avère que de nombreux pasteurs protestants approuvent le système esclavagiste et possèdent des esclaves. Le prédicateur méthodiste William Winans, qui séjourne à La Nouvelle-Orléans en 1813 et 1814, possède ainsi 160 acres de terre au Mississippi, où pousse du coton, et six esclaves pour la cultiver104. Même s’il avoue ne rien connaître dans l’administration d’une plantation, c’est essentiellement la gestion de ses esclaves qui lui pose le plus de problèmes :
« My Mother-in-law and my wife had, between them, what might be considered Eight Fieldhands, besides servants about the house. It was believed by all, whose opinions were taken upon the subject, that it would be greatly conducive to my health to engage actively in the business of the plantation […] we should jointly cultivate her plantation, and that I should manage the business. I knew little about planting, and less about the management of Negros. […] I found the management of negros the most unpleasant occupation in which I was ever engaged. Education, principe and feeling rendered punishment so utterly repugnant to me, that often, I have no doubt, I omitted it, when it would have been advantageous as well to the servants as to the business of the plantation, and to the authority and quiet of the owner [… ]105. »
63En 1836, alors qu’il fait un discours lors de la Conférence générale de l’Église épiscopale méthodiste à Cincinnati, Winans clame sa position en faveur de l’esclavage : « when I thought the Church should cast slaveholders from her bosom, as wicked and polluted. These views have been changed ; or, never would I have owned a slave. But how was this change effected ? I answer, by sober reason, in the fear of God, upon a full acquaintance with the subject106 ». Bien que Winans considère l’esclavage comme un grand mal, qu’il espère voir abrogé, il estime toutefois que condamner l’esclavage ne fait pas disparaître pour autant les esclaves, qui ont toujours existé. Si les Chrétiens refusent de posséder des esclaves, ceux-ci tombent alors entre les mains des hérétiques, qui les traitent durement, sans aucune bonté ni possibilité d’affranchissement. En outre, la Bible ne condamne l’esclavage dans aucun de ses textes ; elle enseigne plutôt comment prendre soin de ses esclaves. Puisque l’autorité biblique ne peut être utilisée pour accuser les propriétaires d’esclaves d’être des pécheurs, le seul espoir des esclaves réside en la clémence de leurs maîtres. Plusieurs abolitionnistes vont donc percevoir Winans comme un esclavagiste « par principe107 ».
64Les perceptions de William Winans se reflètent dans celles qu’exprime le révérend presbytérien Theodore Clapp, qui œuvre à La Nouvelle-Orléans de 1822 à 1833, et qui considère les Noirs comme des êtres inférieurs : « True, they [the negroes] are not as elevated in the scale of intelligence and enterprise ; if they were, they would not be slaves108. » Selon lui, les représentations des esclaves faites par les écrivains abolitionnistes ne sont pas le reflet de la réalité : « the slaves in our Southern States were well fed and clothed, not over-worked, and mercifully treated in all respects. […] they were quite as well off, both as to their temporal and spiritual interests, as any class of operatives, either in the field or shop, that existed in Great Britain [… ]109 ». Après avoir passé de nombreuses années dans les États esclavagistes du Sud, en tant que prédicateur itinérant, Clapp est convaincu que l’esclavage est viable à la fois moralement et économiquement110. Selon lui, ce ne sont pas les États du Sud qu’il faut blâmer pour avoir mis en place le système esclavagiste. Ce sont les États du Nord qui sont les principaux coupables ; ce sont eux qui leur ont imposé ce mode de vie. Pour Clapp, sans esclaves, le pays serait ruiné :
« The blame of African bondage in your land, if blame there be, belongs chiefly to us. We set up the institution among you by the force of law. […] We live by slave labor. What feeds our immense cotton manufactories? Destroy them, and we should be ruined. All those communities that use the cotton, rice, sugar, coffee, & c., produced by slave labor, are just as much implicated in the wrong as slaveholders themselves [… ]111. »
65Notons toutefois que le presbytérien congrégationaliste Elias Cornelius ne semble pas partager les conceptions du révérend Clapp. Contrairement à Clapp, qui demeure à La Nouvelle-Orléans pendant plus d’une décennie et qui a le temps de s’adapter aux mœurs et coutumes des habitants de la ville, Cornelius ne passe qu’une année à La Nouvelle-Orléans, en 1818, et la vue d’une vente d’esclaves au marché semble le troubler profondément, assez pour qu’il remette en question l’impartialité de Dieu :
« The miserable objects of the slave-traffic are bought in the old States, and driven like cattle to a western market, where they are sold and bought with as little compunction of conscience, as if they were so many swine or sheep. One of these sales I witnessed at. A number of Africans were taken to the centre of the public square, and soon a crowd of spectators and purchasers assembled. The scene to my feelings was shocking to the last degree. I stood and beheld as long as I could. I was ready to cry out with indignation, and weep over the miserable wretches who had been brought from afar, and who were exposed in this manner. At an interval of silence I exclaimed, “Well did Mr. Jefferson remark on such a subject, I tremble when I think that God is just,” and immediately left them112. »
66Cornelius n’est certes pas le seul à se demander ce qui attend ces esclavagistes, pourtant chrétiens, lorsqu’ils se trouveront devant Dieu. Le capitaine Amos Stoddard, du Connecticut, partage également son point de vue :
« The scenes of misery and distress constantly witnessed along the coast of the Delta […] torture the feelings of the passing stranger. […] Why permit those, who call themselves christians, to trample on all the rights of humanity, to enslave and to degrade, the sons and daughters of Africa113 ! »
67En fait, il semble que la grande majorité des prédicateurs itinérants protestants qui, originaires des États libres du Nord, entreprennent des missions dans les États du Sud esclavagistes, subissent un choc brutal lorsqu’ils sont confrontés pour la première fois au système esclavagiste. C’est le cas pour Cornelius, mais également pour certains de ses confrères, toutes confessions confondues.
68Paradoxalement, bien que plusieurs figures emblématiques des courants méthodiste et presbytérien de La Nouvelle-Orléans soient publiquement reconnus comme esclavagistes, il semble qu’ils soient également de fervents partisans d’une meilleure évangélisation des esclaves. C’est du moins ce qui ressort de plusieurs lettres de William Winans et de Benjamin Drake, pasteurs de la congrégation méthodiste néo-orléanaise dans les années 1810 et 1820. Ainsi, en 1827, alors que Drake a dû délaisser la Louisiane pour le Mississippi, son remplaçant, Peyton Graves, lui donne de bonnes nouvelles de son ancienne mission, spécifiant que les Noirs sont dans le même état où Drake les avait laissés et que, lors du dernier dimanche, il a pris le soin tout particulier de les interroger sur leur conduite individuelle114. Presque tous avaient eu une conduite irréprochable, sauf une, que Graves a écartée de la congrégation. Il semble en effet qu’à La Nouvelle-Orléans, tout au long de la période étudiée, les prêches méthodistes soient fort populaires auprès de la communauté afro-américaine de la ville, même si les autorités de la ville n’y sont pas toujours favorables. À la lumière d’une lettre du pasteur Lewis Hobbs, datée de 1813, les autorités municipales, dont les membres sont certainement catholiques, semblent en effet réfractaires à l’idée d’offrir un prêche aux Noirs de la ville, surtout passé l’heure du couvre-feu, lorsque le soleil se couche115 :
« I feel like a dry branch cut of and thrown in this place to be burnt with the fire of persecution for I hear the distant thunders the mear [mayor] and corporation of the town forbid my preaching at 7 o’clock because the negroes would come. I told them I did not tell the negroes to come and it was not my [purpose] to drive them away and that I should preach and if they wanted them kept away to come and keep them away and after they found they could not do any thing with me, they told me I might preach [… ]116. »
69Les autorités municipales craignent peut-être le prêche d’idées abolitionnistes, qui sont populaires chez les congrégations protestantes évangéliques du Nord117. Pourtant, le mouvement abolitionniste au sein des courants évangéliques protestants s’avère lent à se développer dans le Sud américain. Les prédicateurs vont davantage tenter d’atteindre les Noirs pour les instruire dans la religion, sans prôner leur affranchissement. Généralement, ils considèrent que l’abolition, en libérant des individus dans un milieu insécure et hostile, n’apporterait rien de bon. Ils tendent plutôt à privilégier l’exode des anciens esclaves au Liberia, en Afrique :
« Previous to entering the traveling connexion I wrote you on the subject of the degraded condition of the afracan race, and proposed a plan for relieving them. I now have a second plan to propose, and hope for better success. I have read all the statements relative to the opening for missionary labour, in the vicinity of Liberia, as published in our magazien. […] I would sugest one more thought, the formation of societies whoh shall transfer the children of their female slaves, such slave named in the obligation, all the children born of her after a certain date; and a certain age, to be given up to the African Colonization Society [… ]118. »
70 Si les églises méthodistes et baptistes ont accordé aux Noirs leurs propres lieux de cultes, en leur offrant la possibilité d’exercer eux-mêmes le ministère, les prédicateurs protestants blancs n’ont pas pour priorité d’évangéliser les esclaves. Ils doivent d’abord et avant tout réussir à s’implanter à La Nouvelle-Orléans, et plus largement en Louisiane, et maintenir leur auditoire blanc. En ce sens, les prêtres catholiques ont probablement davantage réussi à évangéliser la population noire esclave de la Louisiane.
71Tout au long de la première moitié du xixe siècle, les prêtres de la Louisiane ont été confrontés à de multiples problèmes qui ont pris racine au cours du siècle précédent, sous le régime français, mais surtout espagnol. Si les autorités ecclésiastiques espagnoles ont réussi à fonder paroisses et églises, elles ont toutefois dû, dès leur prise de pouvoir, faire face à une pénurie de main-d’œuvre et de matériel apostolique dans de nombreuses paroisses éloignées les unes des autres, avec un contrôle souvent chaotique. Bien que les autorités religieuses tentent de réguler la situation au début du xixe siècle, en nommant des vicaires généraux et des administrateurs apostoliques et en fondant un nouveau diocèse, l’administration ne s’organise réellement que sous l’intendance de Mgr Blanc, dès 1835. Les problèmes persistent cependant jusqu’à la fin des années 1840. La période antebellum est donc une période de défis qui remettent en question l’existence même de l’Église catholique en Louisiane, une période cruciale où les prêtres et missionnaires luttent pour la pérennité de l’institution.
72Durant toute la période, le clergé de la Louisiane a dû œuvrer dans la pauvreté et l’isolement, parfois sans appui extérieur, confiné dans une région méconnue, mais dont la réputation la précède. Confrontés à une réalité parfois très dure, et submergés par toutes ces difficultés, les prêtres de la Louisiane semblent avoir souvent mis de côté la question de l’évangélisation des esclaves, du moins durant les premières décennies du xixe siècle, se concentrant d’abord à instruire et à catéchiser la population blanche, dispersée à travers de nombreuses et populeuses paroisses. Cette négligence aura nécessairement des répercussions sur les pratiques religieuses des esclaves. La perception qu’ont les prêtres et les missionnaires catholiques de l’esclavage modifie également le traitement réservé aux esclaves. Après tout, ce sont leurs conceptions du système esclavagiste, et leurs relations avec les esclaves, qui détermineront l’accès des esclaves aux rites catholiques.
Notes de bas de page
1 Robin C.-C., op. cit., p. 122-123.
2 Baudier R., op. cit., p. 247-324.
3 « Lorsque ce pays appartenoit aux Anglais, il étoit soumis à la juridiction du Vicaire apostolique de Londres ; mais après la révolution de 1776, on sentit la nécessité d’établir aux États-Unis un siège épiscopal, afin que le centre de l’autorité étant moins éloigné, son action fût plus prompte et plus efficace. Le pape Pie VI, par sa bulle du 6 octobre 1789, créa un évêché à Baltimore, et y nomma Jean Carroll, ancien jésuite. M. Carroll étoit né dans le pays même […]. » Voir les Annales de l’Association de la propagation de la foi. Recueil périodique des lettres des évêques et des missionnaires des missions des deux mondes, et de tous les documents relatifs aux missions et à l’Association de la propagation de la foi (ci-après Annales), no XX, avril 1830, p. 222.
4 À la suite du décès du père Walsh en 1806, Mgr Carroll nomme le père Jean-Baptiste Olivier vicaire général du diocèse de la Louisiane et des Florides. Le père Antonio de Sedella rechigne toutefois à se départir de sa charge de pasteur de la cathédrale Saint-Louis et les marguilliers, pour la plupart d’origine française, se rangent derrière lui, rejettant la légitimité de Mgr Carroll et désirant élire le père Antoine au poste de vicaire général. La contestation s’essoufflera peu à peu sous la direction du père Sibourd, le remplaçant du père Olivier au poste de vicaire général en 1810. Voir Baudier R., op. cit., p. 260 ; et Pasquier Michael, Fathers on the Frontier. French Missionaries and the Roman Catholic Priesthood in the United States, 1789-1870, New York, Oxford University Press, 2010, p. 78.
5 Baudier R., op. cit., p. 267, 289.
6 WhitneyT. H., op. cit., p. 59. Le père Jean Olivier est le vicaire général du diocèse ; le père Antonio de Sedella est le curé de la paroisse de Saint-Louis de la ville de La Nouvelle-Orléans, alors que les pères Thomas et Kuen (Koüne) en sont les vicaires ; le père Deleveau est à la cure de la paroisse Saint-Charles ; le père Bustin est curé à la Terre aux Bœufs ; le père Janin est le curé de la paroisse Saint-Jean-Baptiste ; le père Lusson est curé à La Fourche ; le père Bernard est le curé de la paroise de l’intérieur de La Fourche ; le père Ysabey est curé de la paroisse des Attakapas, alors que les pères Viel et Barriere y sont prêtres ; le père Bucu est curé de la paroisse des Opelousas ; et le père de l’Espinasse est missionnaire dans la paroisse de Cabaanac (Cabanocé).
7 Baudier R., op. cit., p. 267.
8 Schultz Christian, Travels on an Inland Voyage through the States of New York, Pennsylvania, Virginia, Ohio, Kentucky and Tennessee, and through the Territories of Indiana, Louisiana, Mississippi and New Orleans ; performed in the years 1807 and 1808 ; including a tour of nearly six thousand miles, with maps and plates, New York, Isaac Riley, 1810, vol. II, p. 192-193.
9 Cette association, fondée en 1822 à Lyon, est chargée d’amasser des fonds pour les missions catholiques étrangères et d’intéresser les catholiques européens à l’œuvre d’évangélisation des missionnaires en Occident comme en Orient. Voir Rops Daniel, L’Église des Révolutions. En face de nouveaux destins, Paris, Arthème Fayard, 1960, p. 750-752. Fondée le 3 mai 1822 à Lyon par Pauline Jaricot et l’abbé Philéas, l’Œuvre de la propagation de la foi devient bien vite internationale, disposant de filières dans les autres pays catholiques. Le pape Pie VIII la reconnaît officiellement en 1826 et la Sacrée Congrégation de la Propagande, sise à Rome, s’intéresse de très près à ses actions, la dirigeant à partir de 1922. Se voulant universelle, l’Œuvre de la propagation de la foi aide toutes les missions qui en ont besoin, dans « toutes les grandes zones missionnaires du xixe siècle, dépendant de la juridiction de la Congrégation Romaine de la Propagande. […] D’une façon générale, durant les premières années de l’œuvre, les lettres proviennent surtout des États-Unis et de l’Asie orientale (Chine et Vietnam) […] ». Voir Baumont Jean-Claude, « Une source de l’histoire du xixe et du début du xxe siècle : archives et publications de l’Œuvre de la Propagation de la Foi », History in Africa, vol. 3, 1976, p. 167-168.
10 Lettre de Mgr Dubourg, évêque de La Nouvelle-Orléans, à M.… de Lyon, Washington, 29 janvier 1823, Annales, no II, 1823, « Missions de la Louisiane », p. 60.
11 Annales, no XII, novembre 1827, « Mission de la Louisiane », p. 332 et 341.
12 Leeper Clare D’Artois, Louisiana Place Names. Popular, Unusual, and Forgotten Stories of Towns, Cities, Plantations, Bayous, and Even Some Cemeteries, Lafayette, Louisiana State University Press, 2012, p. 27-28. Le fort de La Balise est un avant-poste français construit en 1723, sur une île dans l’une des entrées du fleuve Mississippi. Aujourd’hui sous l’eau, le nom est resté pour désigner le bayou. L’architecte Benjamin Latrobe décrit La Balise dans son journal en 1819 : « Balise gives its name to one of the most wretched villages in the country. The regular population consists of ninety men and eleven women. The tavern, which is the principal building, and a few others houses, are built on United States land. There is nowhere a more convenient spot from which smuggling may be carried on and connived at » (p. 28).
13 Lettre du père Portier, diacre-missionnaire, au frère Cholleton du séminaire de Lyon, La Balise, 15 avril 1818, collection « Correspondance de la Congrégation pour la propagation de la foi » (ci-après CCPF), AANO.
14 Lettre du père Paillasson, La Nouvelle-Orléans, au grand vicaire, 18 février 1830, CCPF, AANO.
15 Le lazariste Joseph Rosati quitte l’Italie en 1816 pour les États-Unis. Après deux années passées au séminaire de Bardstown, au Kentucky, il fonde son propre séminaire au Missouri en 1818. En 1822, il est nommé vicaire apostolique du Mississippi et de l’Alabama, puis en 1823, évêque-coadjuteur pour le diocèse de la Louisiane. De 1826 à 1829, il occupe le poste d’administrateur du diocèse de La Nouvelle-Orléans. Voir Baudier R., op. cit., p. 306-307.
16 Lettre de Mgr Rosati, administrateur apostolique des diocèses de Saint-Louis et de La Nouvelle-Orléans, à M. l’abbé Perreau, vicaire général de Mgr le Grand-Aumônier, La Nouvelle-Orléans, 7 juin 1827, Annales, no XII, novembre 1827, p. 414.
17 Lettre du curé Moni, La Nouvelle-Orléans, à Mr. D. Petit, membre de l’œuvre de la Congrégation de la Propagande, Paris, 25 août 1835, collection « Société de la propagation de la foi » (ci-après SPF), AUND.
18 Selon les recensements fédéraux, la ville de La Nouvelle-Orléans compte 46692 habitants en 1830, et 102193 habitants en 1840.
19 Lettre de Mgr Blanc à la Congrégation de la propagation de la foi, La Nouvelle-Orléans, sans date, CCPF, AANO.
20 Lettre de M. Bouillier, La Nouvelle-Orléans, à M.…, 1er mars 1828, Annales, no XVIII, 1828, « Missions de la Louisiane et du Missouri », p. 517-518.
21 Voir Lislet L. M., op. cit., p. 280-335.
22 Baudier R., op. cit., p. 308.
23 Le père Portier décrit 26 paroisses de la Louisiane. Il est, selon ses dires, la personne idéale pour faire un tel portrait : « Neuf années de séjour à la Nvelle Orléans m’ont mis à même de connaître ce diocèse aussi bien que personne, et quoique je cite tous les faits de mémoire, j’en garantis l’authenticité. » Il précise toutefois, d’entrée de jeu, qu’« il ne faut pas se dissimuler que le poste de la Nvelle Orléans est difficile à remplir […] les mauvais catholiques y sont nombreux et puissants ». Voir son « Mémoire sur le diocèse de la Nvelle Orléans, États-Unis d’Amérique, présenté à son Éminence le cardinal M. Capellari, préfêt de la Congrégation de la Propagande, par l’évêque d’Olenna, vicaire apostolique de l’Alabama et des Florides, Rome, 20 mai 1829 », collection « Sacra Congregatio de Propaganda Fide » (ci-après SCPF), AUND. La Congrégation de la Propagande (Propaganda Fide), fondée en 1622, est une congrégation romaine chargée de propager la foi chrétienne dans les nouveaux territoires. Elle sera responsable des missions catholiques aux États-Unis jusqu’en 1908 (29 juin), date à laquelle le pape Pie X annonce que ce pays n’est plus considéré comme une terre de mission. Voir Guilday Peter, « The Sacred Congregation de Propaganda Fide (1622-1922) », The Catholic Historical Review, vol. 6, no 4, janvier 1921, p. 481.
24 En plus des 19 paroisses fondées en 1807, il faut compter : Catahoula (1808), East Baton Rouge (1810), St. Tammany (1810), West Feliciana (1810), St. Helena (1810), St. Mary (1811), Washington (1819), Terrebonne (1822), Lafayette (1823), East Feliciana (1824), Jefferson (1825), Claiborne (1828), Livingston (1832), Carroll (1838), Caddo (1838), Madison (1838), Caldwell (1838), Union (1839) et Calcasieu (1840). La Louisiane disposera de 48 paroisses en 1850. Voir Baudier, R., op. cit., p. 373. En 1846, on y comptera 45 paroisses.
25 « Tableau de la répartition du diocèse de La Nouvelle-Orléans de décembre 1843 », rédigé par Mgr Blanc, envoyé au Conseil de Paris de la Société de la propagation de la foi, SPF, AUND.
26 Lettre de M. Blanc, missionnaire apostolique, à M. l’abbé Boué, Bâton-Rouge, 8 août 1830, Annales, no XXIV, avril 1831, p. 668-669.
27 Population schedules of the fifth census of the United States, 1830.
28 Lettre de l’évêque auxiliaire Rosati, séminaire de Sainte-Marie, Perry County (Missouri), à la Congrégation de la propagation de la foi, Lyon, 9 juin 1824, CCPF, AANO.
29 Lettre du père Antoine Blanc, Baton Rouge, au père Cholleton, Lyon, 6 janvier 1830, CCPF, AANO.
30 Lemmon Alfred E., « Spanish Louisiana : In the Service of God and His Most Catholic Majesty », dans Glenn R. Conrad (dir.), Cross Crozier and Crucible. A Volume Celebrating the Bicentennial of a Catholic Diocese in Louisiana, La Nouvelle-Orléans, The Archdiocese of New Orleans/Center for Louisiana Studies, 1993, p. 26-29.
31 Miller Randall M., « The Failed Mission : The Catholic Church and Black Catholics in the Old South », dans Randall M. Miller et Jon L. Wakelyn (dir.), Catholics in the Old South : Essays on Church and Culture, Macon (GA), Mercer University Press, 1999, p. 152.
32 Baudier R., op. cit., p. 323.
33 Lettre de Mgr Blanc, La Nouvelle-Orléans, à M. Choiselat, Œuvre de la propagation de la foi, conseil central de Paris, 7 avril 1838, CCPF, AANO.
34 Lettre du père Antoine Blanc, Pointe Coupée, à son cousin, 17 novembre 1823, CCPF, AANO.
35 Lettre de Mgr Rosati, évêque de Saint-Louis et administrateur de La Nouvelle-Orléans, séminaire de Sainte-Marie, Perry Counti, Missouri, à M. l’abbé P., 3 août 1828, Annales, no XVIII, 1828, « Missions de la Louisiane et du Missouri », p. 549.
36 Lettre de Mgr Blanc, La Nouvelle-Orléans, au président du conseil central de Lyon pour l’Œuvre de la propagation de la foi, Lyon, 7 juin 1838, CCPF, AANO.
37 Lettre de Mgr Blanc, La Nouvelle-Orléans, au Conseil de Lyon pour l’œuvre de l’Association de la propagation de la foi, 15 décembre 1845, CCPF, AANO.
38 Lettre de Mgr Blanc, La Nouvelle-Orléans, au Conseil central de Lyon, sans date, mais entre le 15 oct. 1845 et le 1er juin 1846, CCPF, AANO.
39 Bourdelais M., op. cit., p. 259 et 266.
40 Mgr Blanc s’emploie à établir des séminaires et à ouvrir des institutions d’enseignement dans son diocèse. Les Jésuites, qui avaient été chassés en 1763, reviennent en Louisiane en 1837 pour ouvrir des collèges à Grand Coteau et à La Nouvelle-Orléans et les Lazaristes érigent leur séminaire à Plattenville, dans la paroisse de l’Assomption, en 1838. C’est le père Armengol, appelé du séminaire des Lazaristes du Missouri, fondé en 1818, qui en assume la direction. De 1834 à 1844, le nombre d’églises en Louisiane est passé de 26 à 44, et, pour les administrer, le nombre de prêtres a évolué de 24 à 56. Le nombre de paroisses est également passé de 19 en 1815 à 48 en 1850. Voir Baudier R., op. cit., p. 328-329, 373, 382. Voir également une lettre postée de La Nouvelle-Orléans adressée à un correspondant de France (Lyon ?), 11 janvier 1832, CCPF, AANO : « Les p. jésuites ont déjà 3 beaux collèges dans les états unis et ils sont à la veille d’en fonder un dans la Louisiane même […]. »
41 En 1826, les autorités ecclésiastiques se rendent à l’évidence qu’il faut revoir l’organisation du diocèse de la Louisiane pour contribuer à son plein développement. Mgr Rosati ne peut s’occuper à la fois de la Haute et de la Basse-Louisiane. Par ailleurs, la population grandissante du Missouri requiert davantage d’attention. Deux nouveaux diocèses sont donc créés : le diocèse de Saint-Louis du Missouri et le diocèse de La Nouvelle-Orléans. Les frontières ecclésiastiques rejoignent enfin les frontières politiques. En 1812, le territoire d’Orléans, ou Basse-Louisiane, était devenu l’État de la Louisiane et en 1821, une partie de la Haute-Louisiane avait constitué l’État du Missouri.
42 Lettre de E. Rousselon, vicaire général de La Nouvelle-Orléans, à M. Meynis, secrétaire du Conseil central de la propagation, 28 décembre 1840, CCPF, AANO.
43 « Tableau de la répartition du diocèse de La Nouvelle-Orléans de décembre 1843 », rédigé par Mgr Blanc et envoyé au Conseil de Paris de la Société de la propagation de la foi, SPF, AUND. Selon le recensement fédéral de 1840, la ville de La Nouvelle-Orléans compte 102193 habitants et la population de la Louisiane se situe à 352411.
44 Pour l’année 1827, le chiffre provient du « Mémoire sur le diocèse de la Nvelle Orléans, États-Unis d’Amérique, présenté à son Eminence le cardinal M. Capellari, préfêt de la Congrégation de la Propagande, par l’évêque d’Olenna, vicaire apostolique de l’Alabama et des Florides, Rome, 20 mai 1829 », SCPF, AUND ; pour 1835 et 1840, voir la lettre de E. Rousselon, vicaire général de La Nouvelle-Orléans, à Mr. Meynis, secrétaire du Conseil central de la Propagation, 28 décembre 1840, CCPF, AANO ; pour 1843 et 1845, l’information est tirée des Tableaux de la répartition du diocèse de La Nouvelle-Orléans de décembre 1843 et de décembre 1845, rédigés par Mgr Blanc, envoyés au Conseil de Paris de la Société de la propagation de la foi, SPF, AUND ; pour 1848, le chiffre provient d’une lettre de Mgr Blanc datée du 7 janvier 1848, CCPF, AANO ; pour 1851, l’information vient d’une lettre de Mgr Blanc datée de 1851, CCPF, AANO.
45 Lettre du père Chartier, Hydropolis, Avoyelles, à Mgr Blanc le 4 octobre 1843, PAAB, AANO.
46 Lettre du père Chartier, Alexandrie, à Mgr Blanc le 10 décembre 1843, PAAB, AANO.
47 Carriere Jr. Marius M., « Anti-Catholicism, Nativism, and Louisiana Politics in the 1850s », Louisiana History. The Journal of the Louisiana Historical Association, vol. 35, no 4, automne 1994, p. 459.
48 Lettre du père Jean Baptiste Blanc, Natchitoches, au père Antoine Blanc, 21 août 1827, CCPF, AANO.
49 Ibid.
50 Lettre du curé Boué, pasteur de Saint-Juste et vicaire général de La Nouvelle-Orléans, aux membres du Conseil de l’Association à la Propagation de la Foi, Lyon, 1 avril 1841, CCPF, AANO.
51 Lettre du père J. M. Bonniot, paroisse Saint-Jacques, à Mgr Blanc le 13 juillet 1842, PAAB, AANO.
52 A Catechism : Or Short Abridgment of Christian Doctrine. Newly Revised for the use of the Catholic Church. To Which is Prefixed a Short Daily Exercise, Québec, Évêché de Québec, 1818, p. 36, AUND.
53 Lettre de Mgr Joseph Rosati, Évêque de Saint-Louis, à Mgr Blanc, le jour de Pâques [en 1838 ?], CANO, AUND.
54 Lettre d’Étienne Rousselon, administrateur du diocèse, au président de l’Œuvre de la propagation de la foi de Paris, La Nouvelle-Orléans, 8 mars 1861, CCPF, AANO.
55 Lettre de Mgr Whitfield, archevêque de Baltimore, au Rédacteur des Annales, 18 janvier 1830, Annales, no XX, avril 1830, « Missions de Baltimore », p. 244. En janvier 1831, les Annales publient un nouveau calcul : « Lors du concile provincial tenu à Baltimore en 1829, on a calculé le nombre de catholiques dans le pays à un demi-million. La population des États-Unis est de 12 millions […]. » En 1827, le diocèse de La Nouvelle-Orléans comprend à lui seul 100000 catholiques. Annales, no XXIII, janvier 1831, p. 599 et p. 650.
56 Coup-d’œil sur l’œuvre de la Propagation de la Foi, et motifs puissants pour tous les bons catholiques de soutenir et propager cette excellente institution, Lyon, Éditeur des Annales, 1836.
57 Ibid., p. 5.
58 Ibid., p. 23.
59 Hicks William et Eakin Sue L., History of Louisiana Negro Baptists and Early American Beginnings from 1804-1914, Lafayette, Center for Louisiana Studies/University of Southwestern Louisiana, 1998, p. 17.
60 Clapp T., op. cit., p. 126.
61 Autobiographie de William Winans, Collection J. B. Cain sur le méthodisme au Mississippi (ci-après CMM), archives du collège Millsaps (ci-après ACM), p. 98.
62 Posey Walter B., The Baptist Church in the Lower Mississippi Valley, 1776-1845, Lexington, University of Kentucky Press, 1957, p. 145-146. Les missionnaires et prédicateurs protestants se concentrent essentiellement à La Nouvelle-Orléans. Ils sont plus rares hors des frontières de la ville et doivent souvent s’occuper de plusieurs églises à la fois, parfois fort éloignées les unes des autres, dispersées le long du fleuve Mississippi et aux abords des bayous. Voir également Reilly Timothy F., « The Louisiana Colonization Society and the Protestant Missionary, 1830-1860 », Louisiana History : The Journal of the Louisiana Historical Association, vol. 43, no 4, automne 2002, p. 445.
63 Holder Ray, William Winans. Methodist Leader in Antebellum Mississippi, Jackson, University Press of Mississippi, 1977, p. 182.
64 Lettre de A. Thèses, curé de Thibodaux, à Mgr Blanc, 14 avril 1840, CANO, AUND.
65 Lettre de John Budd, habitant des Opelousas, paroisse de Saint-Landry, à Mgr Blanc, Collection de Mgr Blanc sans-date (ci-après CBSD), AUND.
66 Lettre de A. Follain, W. N. Banett et D. C. Sittig, ville de Washington (Opelousas), à Mgr Blanc, CBSD, AUND.
67 Lettre de Mgr Portier, vicaire apostolique de la Floride et de l’Alabama, à la Congrégation de la Propagande, Rome, 20 mai 1829, CPF, AUND.
68 Lettre de M. Portier, Baltimore, à un de ses amis, peu de temps après être arrivé en Amérique, Annales, no V, mars 1825, « Amérique. Missions de la Louisiane », p. 61.
69 Frey S. R., op. cit., p. 250.
70 Ibid., p. 244.
71 Lettre du père Bouillier, The Barrens (Missouri) au père Rousselon, cathédrale Saint-Louis de La Nouvelle-Orléans, 29 novembre 1825, CPF, ANO.
72 Frey Sylvia R. et Wood Betty, Come Shouting to Zion : African American Protestantism in the American South and British Caribbean to 1830, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 1998, p. 147.
73 Ibid., p. 134.
74 Ibid., p. 136.
75 Ibid., p. 147.
76 Annales, no XXIV, avril 1831, p. 653-654.
77 Lettre de Jean-Baptiste Blanc, Annales, no XII, novembre 1827, « Mission de la Louisiane », p. 354-355.
78 Lettre de Lewis Hobbs, La Nouvelle-Orléans, à William Winans, Natchez, 23 mars 1813, Papiers de William Winans, CMM, ACM.
79 Martineau Harriet, Retrospect of Western Travel, Londres, 1838, vol. 2, p. 128-130.
80 Clapp T., op. cit., p. 121-122.
81 Ibid., p. 122 : « I may say that Catholic churches are the homes of the poor […]. »
82 Lettre de M. Clicteur, missionnaire apostolique, à Messieurs les membres du Conseil central de l’Association de la propagation de la foi, à Lyon, Cincinnati, Ohio, 28 juin 1829, Annales, no XXIII, janvier 1831, p. 515.
83 SternAndrew, « Southern Harmony : Catholic-Protestant Relations in the Antebellum South », Religion and American Culture : A Journal of Interpretation, vol. 17, no 2, été 2007, p. 165-190.
84 Frey S. R., op. cit., p. 285. Ces églises noires sont menées par des prédicateurs noirs charismatiques. Par comparaison, l’Église catholique américaine n’aura pas de clergé noir avant 1891. Voir Caravaglios M. G., op. cit., p. 96.
85 Frey S. R., op. cit., p. 285.
86 Frey S. R. et Wood B., op. cit., p. 180-181.
87 Frey S. R., op. cit., p. 285.
88 Ibid., p. 325. L’auteure fait de 1829 une date charnière dans son ouvrage. Le gouvernement, sous la présidence d’Andrew Jackson, va mettre en place une législation répressive, qui vise à détruire les églises indépendantes noires et les écoles pour Afro-Américains, jugées dangereuses pour l’ordre social et racial. 1829 marque ainsi l’avènement du mouvement missionnaire dans les plantations, un mouvement évangélique dirigé par les Blancs, ayant pour but d’éteindre tout vestige des traditions et des religions africaines (notamment la danse et la musique).
89 Raboteau A. J., Slave Religion, op. cit., p. 152-153.
90 C’est le cas pour l’Église baptiste. Si une petite église baptiste est construite à La Nouvelle-Orléans en 1818, elle est vite abandonnée avec le départ de son ministre en 1820. Il faut attendre 1837 pour que la Louisiana Baptist Association soit créée et 1843 pour que la First Baptist Church soit officiellement fondée. Du côté des presbytériens, la New Orleans’s First Presbyterian Church est fondée en 1818, mais ne connaît un réel développement qu’avec le révérend Joel Parker en 1832. Voir Reilly T. F., op. cit., p. 453-458 ; Hicks W. et Eakin S. L., op. cit., p. 31 ; Holder Ray, « Methodist Beginnings in New Orleans, 1813-1814 », Louisiana History : The Journal of the Louisiana Historical Association, vol. 18, no 2, été 1977, p. 181 ; Posey W. B., op. cit., p. 145-146.
91 Il s’agit de la Christ Church, première église presbytérienne, érigée en 1816 ; la First Congregational Church, construite en 1819 ; la Second Presbyterian Church, fondée en 1835 ; et la New Methodist Episcopal Church, instaurée en 1837.
92 Raboteau A. J., Slave Religion, op. cit., p. 205. En 1848, ces quatre églises vont s’affilier sous la bannière de l’African Methodist Episcopal Church.
93 Bourdelais M., op. cit., p. 259 et 266.
94 Frey S. R. et Wood B., op. cit., p. 151-154. Les archives du collège Millsaps (ci-après ACM) sur le méthodisme au Mississippi (collection J. B. Cain), qui comportent les papiers des révérends William Winans et Benjamin Drake, seront analysées.
95 Holder R., William Winans, op. cit., p. 26-38. Il y reviendra pour un court séjour en 1834. Voir p. 113-114.
96 Reilly T. F., op. cit., p. 453.
97 Frey S. R. et Wood B., op. cit., p. 149 et p. 150-151.
98 Mills Elizabeth S. et Mills Gary B., « Missionaries Compromised : Early Evangelization of Slaves and Free People of Color in North Louisiana », dans G. R. Conrad, Cross Crozier and Crucible, op. cit., p. 35.
99 Ibid.
100 Voir notamment l’ouvrage de Frey S. R. et Wood B., op. cit. Albert J. Raboteau partage également cette perception. Contrairement au protestantisme, le catholicisme n’offre ni contrôle ni rôle pour les esclaves, c’est pourquoi les esclaves se sont majoritairement tournés vers le protestantisme évangélique. Raboteau A. J., Slave Religion, op. cit., p. 275.
101 Felix De Andreis, « Important Notices Concerning the Mission of Louisiana in North America », cité dans l’ouvrage de Rybolt John E. et Michaud Nathaniel (dir.), Frontier Missionary: Felix De Andreis, 1778-1820. Correspondence and Historical Writings, Chicago, Vincentian Studies Institute, 2005, p. 416.
102 Flint T., op. cit., p. 345.
103 Lettre de M. Curtiss, La Nouvelle-Orléans, à Benjamin Drake, Natchez, Mississippi, 6 décembre 1837, papiers de Benjamin Drake, CMM, ACM.
104 Journal de William Winans, CMM, ACM, p. 124 : « I began the world, for myself and family, with a Quarter Section, or 160 Acres of land, with seven Servants, six of them old enough to earn a livelihood, and one a little girl, two horses, with a cow and with a few necessary articles of household and kitchen furniture […]. » Voir également le chapitre xiii, « Slaveholder “On Principle” », dans Holder R., William Winans, op. cit., p. 148-159.
105 Journal de William Winans, CMM, ACM, p. 122.
106 Kyker Rex Paxton, William Winans : Minister and Politician of the Old South, thèse de l’université de la Floride, 1957, p. 87.
107 Ibid.
108 Clapp T., op. cit., p. 54-55.
109 Ibid., p. 144.
110 Ibid., p. 44.
111 Ibid., p. 144.
112 Edwards B. B., Memoir of the Rev. Elias Cornelius, Boston, Perkins, Marvin & Co., 1834, p. 112-113.
113 Stoddard A., op. cit., p. 333.
114 Lettre de Peyton Graves, La Nouvelle-Orléans, à Benjamin Drake [probablement Washington, Mississippi], 17 janvier 1827, papiers de Benjamin Drake, CMM, ACM.
115 Ordonnance concernant les esclaves de la ville, des faubourgs et lieux circonvoisins de La Nouvelle-Orléans, et autres personnes y mentionnées, approuvé le 15 octobre 1817, article 6, NOPL.
116 Lettre de Lewis Hobbs, La Nouvelle-Orléans, à William Winans, Natchez, Mississippi, 23 mars 1813, CMM, ACM.
117 Frey S. R., op. cit., p. 244.
118 Lettre d’Alexander Talley, Opelousas, à William Winans, Mississippi, 14 mai 1827, CMM, ACM.
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