Chapitre V
« Construyendo nuestra América » : dynamiques de coopération intellectuelle en Amérique latine
p. 121-139
Texte intégral
1Jusqu’ici, nous avons abordé les relations internationales en adoptant majoritairement le point de vue des États. Dans ce chapitre, ce n’est pas tant l’histoire des interactions entre États souverains qui nous intéressera que les dynamiques développées au-delà des frontières nationales par des individus ou des groupes, qu’ils soient ou non des représentants de leur gouvernement. C’est donc moins la méthodologie comparative que nous utiliserons dans ce chapitre qu’un cheminement entre histoire transnationale et histoire connectée. Notre parti pris consiste à mettre en évidence les allers-retours permanents entre le national, le régional et l’international tels qu’ils existent dans le sous-continent, à travers des discours et des pratiques qu’il convient de lire à plusieurs niveaux. La coopération intellectuelle, dans ses différents développements et configurations, constitue notre fil directeur, celui par lequel se tissent les contacts entre acteurs et sociétés. L’Amérique latine qui émerge alors n’est plus la somme de ses histoires nationales mais une construction, une « communauté imaginée », pour reprendre l’expression de Benedict Anderson.
2Les échelles ne sauraient donc ici être réduites à un facteur explicatif externe mais sont partie intégrante de l’analyse, tant d’un point de vue spatial – elles renvoient à la pluralité des scènes, des logiques et des interactions dont relève l’objet d’analyse – que temporel.
3Dans ce chapitre, nous lierons transnationalisme et internationalisme, partant du constat que « l’internationalisme a souvent reposé sur des structures ou des mouvements transnationaux – et qu’en retour, l’action transnationale était guidée par une interprétation particulière de l’internationalisme1 ».
4L’entre-deux-guerres constitue un moment particulier dans l’histoire de l’internationalisme, marquant l’émergence de « la compétition et de la rivalité entre différentes entreprises transnationales, le besoin de financement et de soutien institutionnel, ainsi que les notions de culture et de civilisation qui ont structuré et délimité l’internationalisme2 ». Les dynamiques mises en place par la SDN, autant que ses échecs, facilitent en effet l’émergence de nouvelles formes d’action internationale et de connexions transnationales. L’après-Première Guerre mondiale est assurément caractérisé par une certaine effervescence dans les milieux internationalistes et par la conjugaison entre nouvelles pratiques et continuités avec la période précédente.
5IICI et CICI réunissent idéaux pacifistes et préoccupations scientifiques et sont, dès leur naissance, affaire de réseaux, qu’il s’agisse de ceux qui ont contribué à leur création ou de ceux que ces organismes ont participé à mettre en place, notamment par le biais des commissions nationales de coopération intellectuelle. Ces dernières entérinent une conception de l’internationalisme comme coopération entre unités nationales, à la différence de l’universalisme cosmopolite de la « République des Lettres » du xviiie siècle. Ces commissions nationales ont pour fonction de faire entendre la voix de leur pays, certes dans une optique de collaboration à l’échelle internationale, mais sans pour autant oublier les intérêts nationaux. Martin H. Geyer et Johannes Paulmann soulignent que pour les États les plus petits, l’internationalisme constitue un moyen d’exister sur la scène internationale3.
6L’État-nation et ses intérêts ne sont donc jamais absents lorsqu’il est question de coopération internationale, qu’il s’agisse d’États puissants ou non : il suffit de songer au rôle de la France dans la création de l’IICI, perçu par le gouvernement français comme un outil pour son rayonnement à l’extérieur. Quant aux acteurs – les « membres éminents » de la CICI, les fonctionnaires de l’IICI ou les membres des commissions nationales –, s’ils sont censés être « représentatifs des différents domaines de la vie intellectuelle qui ont contribué à civiliser l’humanité4 », ils n’en restent pas moins conscients de la dimension nationale de leur travail. Francisco Walker Linares, acteur de premier plan de la Commission nationale chilienne, l’exprime d’ailleurs très clairement :
« La coopération intellectuelle est, par nature, tout autant internationale que nationale ; ses généreuses finalités, qui tendent à faire de la culture un patrimoine de l’humanité, ne sont pas incompatibles avec la mission d’exalter les valeurs spirituelles locales […]5. »
7Les acteurs de la coopération intellectuelle de l’entre-deux-guerres restent donc attachés à des identités locales, nationales et régionales. Il s’agit donc de montrer comment se tissent les interactions entre esprit internationaliste, pratiques transnationales et nationalisme dans les réseaux de coopération intellectuelle, que ces derniers soient d’origine européenne, panaméricaine ou latino-américaine. La prise en considération de ces trois échelles s’est imposée au fur et à mesure que nous avons identifié les acteurs latino-américains, majoritairement des intellectuels, présents dans nos sources ; il s’est en effet avéré qu’un certain nombre d’entre eux participait de plusieurs réseaux ou organisations et qu’il était donc nécessaire d’appréhender les toiles qui se tissaient au sein du « triangle atlantique » pour véritablement saisir les intérêts et dynamiques à l’œuvre dans le sous-continent tant dans l’émergence d’une identité latino-américaine toujours fluctuante que dans la définition des identités nationales. C’est donc de la coopération intellectuelle comme lien entre internationalisme, régionalisme et nationalisme qu’il sera question dans ce chapitre.
8Dans un premier temps, nous analyserons l’identité et la place des acteurs dans ce processus. Nous avons choisi d’étudier plus spécifiquement la communauté des scientifiques, d’une part parce qu’ils sont considérés comme les « pères » de la coopération intellectuelle latino-américaine dans certaines de nos sources, d’autre part parce que la science est un objet qui, très tôt, a été perçue comme intrinsèquement porteuse d’internationalisme. Par la suite, ce sont les pratiques de la coopération intellectuelle à l’échelle du sous-continent qui constitueront le cœur de notre analyse. De manière très pratique, nous tenterons d’identifier les lieux, les outils, les fils qui constituent la toile latino-américaine. Revues, congrès, échanges universitaire, traductions, entre autres, constituent autant de fils conducteurs pour cerner les différentes composantes de cette « communauté imaginée » au niveau de la région et pour identifier les tensions dont elle est porteuse. Autrement dit, la coopération intellectuelle ne relève-t-elle que de l’ordre du discours, d’un idéal, d’une symbolique ou bien aboutit-elle à de véritables « croisements » ? Il s’agit donc d’interroger, à travers le cas latino-américain, la place de la culture dans les relations internationales et la place de celles-ci dans la construction des identités nationales.
Les acteurs au centre de la toile
Les scientifiques, acteurs multi-scalaires
« La science n’a pas de patrie, mais l’homme de science lui en a une6. »
Bernardo Houssay7
9La coopération internationale révèle, sans doute plus que tout autre domaine, le caractère ambigu de la « neutralité » de la science. Si cette dernière est par nature universelle – les vérités que les scientifiques poursuivent ne sont pas des vérités « nationales » –, si la recherche et les découvertes forment un savoir commun, par la collaboration entre spécialistes et par la publication des travaux scientifiques, un certain nombre d’auteurs ont mis en évidence l’importance des contextes locaux dans la pratique de la science, remettant en cause l’idée selon laquelle les scientifiques seraient naturellement unis par un idéal de coopération pacifique. Jean-Jacques Salomon arrive ainsi à la conclusion que la science moderne est trop liée institutionnellement à l’État pour que l’idéal d’universalité transcende totalement les intérêts nationaux8.
« Construire la science a également signifié inventer des nations9. »
10L’émancipation des sociétés latino-américaines vis-à-vis de l’Espagne et du Portugal au cours des deux premières décennies du xixe siècle a conféré aux sciences un rôle particulier ; les nouvelles nations ont en effet placé beaucoup d’espoir dans la science, perçue comme la voie vers l’éducation des peuples, la transformation matérielle de la société, en somme, un instrument au service du progrès et de la modernité. La grande influence du positivisme d’Auguste Comte apparaît tout à la fois comme une origine et une conséquence des attentes vis-à-vis de la science. Celle-ci fait figure de panacée à tous les maux de ces États-nations aux contours encore flous. Ce qui explique que les scientifiques latino-américains, dont les activités reposent sur des moyens alloués par l’État, peuvent difficilement échapper aux exigences locales et aux impératifs définis comme nationaux. Les relations entre science et politique ont par conséquent un effet direct sur le développement scientifique en Amérique latine et l’histoire des sciences dans cette partie du monde a trait autant à l’établissement d’une tradition et d’une communauté scientifique qu’à la construction d’une identité nationale.
11La Première Guerre mondiale marque un tournant pour l’histoire des sciences en Amérique latine dans la mesure où elle contredit l’idéal de progrès porté par le positivisme. En outre, la période de l’entre-deux-guerres voit les sociétés latino-américaines être l’objet de profondes transformations sociales, dont l’un des éléments majeurs a été l’émergence d’une classe moyenne de plus en plus impliquée dans les débats autour des problèmes qu’avaient à affronter les États.
12Cette période correspond aussi au moment où les bases de la science expérimentale sont posées dans le sous-continent et où l’on observe que les contacts avec les scientifiques étrangers et la participation à des réseaux de coopération internationale sont de plus en plus importants. Ce processus est à remettre dans un contexte plus général, celui de l’après-guerre, qui voit fleurir de nombreuses actions internationales dans le domaine de la santé publique. L’Organisation de la santé de la SDN, des fondations philanthropiques comme la Fondation Rockefeller ou des organisations comme la Croix-Rouge impulsent en effet une dynamique de coopération qui doit participer à la construction d’un ordre nouveau, susceptible de panser les plaies ouvertes par la Grande Guerre10. L’Amérique latine n’est pas absente des activités déployées par ces organismes. Nous l’avons vu, elle est aussi, dans le même temps, un terrain où s’affrontent, notamment, la France, l’Espagne, l’Allemagne et les États-Unis, tous en quête d’hégémonie politique, commerciale et culturelle. Les relations scientifiques internationales n’échappent pas à cette concurrence.
13 Les différentes dynamiques scientifiques que l’on peut observer en Amérique latine entre la seconde moitié du xixe siècle et la veille de la Seconde Guerre mondiale apparaissent donc liées au mouvement global d’internationalisation des sciences, selon un processus que l’on peut qualifier de transculturel11 avec la transmission, la réception et la transformation de savoirs. La communauté scientifique latino-américaine s’est construite entre volonté d’incorporation au système scientifique international et désir de développer une voie/voix propre, autonome quant à la définition de ses intérêts, de sa légitimation et de son profil.
Les médecins et les scientifiques, « pères fondateurs » de la coopération intellectuelle latino-américaine
14Parmi les premiers échanges scientifiques entre pays latino-américains, figurent ceux qui ont eu lieu entre les musées de sciences naturelles, lieux où les États-nations inventorient et exposent les richesses de leur sol. Échanges de publications, prêts de collection ou de pièces spécifiques, correspondances entre les directeurs de musées, voyages de ces derniers, participation à des conférences ou des congrès… sont autant de modalités qui permettent de parler d’une dynamique régionale latino-américaine dans le cadre du processus en cours d’internationalisation des sciences. Cette dynamique s’observe principalement des années 1870 à la première décennie du xxe siècle. Cette période marque également leur ouverture toujours plus grande à un public qu’il s’agissait d’éduquer. Les circulations trouvent aussi leur origine dans les relations qui s’établissaient entre les chercheurs européens installés en Amérique latine.
15Par ailleurs, dans le processus de modernisation entrepris par les élites latino-américaines au tournant des xixe et xxe siècles, ces dernières se trouvent confrontées à des problèmes similaires et un certain nombre d’acteurs, parmi lesquels les scientifiques, se font les promoteurs d’une possible intégration latino-américaine. Le but est aussi de remettre en cause les publications produites en Europe et aux États-Unis sur l’Amérique latine par des chercheurs qui n’avaient jamais vraiment entrepris de travaux de terrain. Il y a donc tout à la fois la volonté de contester des savoirs considérés comme erronés et de montrer l’existence d’une science latino-américaine, ambition qui amène plusieurs protagonistes, notamment ceux des musées de sciences naturelles, à étendre leurs recherches au-delà des cadres nationaux.
16La collaboration scientifique prend enfin un visage diplomatique, par exemple avec la signature d’une convention sanitaire entre le Brésil, l’Argentine et l’Uruguay en 1887 : celle-ci montre la nécessité qu’il y avait pour ces pays de tenter de résoudre un certain nombre de questions de manière collective. Cette convention s’insère dans un processus qui voit les pouvoirs publics intervenir de plus en plus dans les questions sanitaires, dans une perspective à la fois hygiéniste et économique, les maladies endémiques comme le choléra ou la fièvre jaune étant un obstacle au commerce.
17L’attention portée aux questions sanitaires ainsi que les collaborations qui ont pu se nouer entre les musées de sciences naturelles se retrouvent dans les congrès médicaux et scientifiques qui sont organisés dans un cadre sud-américain d’une part et panaméricain d’autre part, avant de fusionner sous la bannière du panaméricanisme (1908). Xavier de Oliveira, médecin et promoteur brésilien d’un projet d’Institut interaméricain de coopération intellectuelle12, présente d’ailleurs ces congrès comme la preuve que les scientifiques sont des acteurs de premier plan dans la construction d’une coopération intellectuelle à l’échelle du continent :
« Depuis le premier congrès latino-américain, réuni au Chili en 1901, jusqu’au dernier, effectué à la Havane en 1922, tous nos scientifiques ont été habités par l’idéal de l’échange scientifique américain qui, incontestablement, incarne une valeur inestimable pour les bonnes relations entre les nations du continent13. »
18Ces congrès dénotent une volonté de faire circuler l’information scientifique et de contribuer à l’établissement de liens personnels entre les hommes de science du sous-continent. Ils peuvent être considérés comme la première initiative visant à l’élaboration d’une communauté scientifique au niveau régional.
19La médecine n’est pas absente des congrès scientifiques. Néanmoins, les médecins ont éprouvé le besoin d’organiser des rencontres qui leur fussent propres et qui participaient pleinement au processus de professionnalisation et de spécialisation que connaissait alors la discipline. C’est à un groupe de médecins chiliens, membres de la Sociedad Médica de Chile14 et occupant des postes en lien avec la faculté de médecine et la santé publique, que l’on doit l’initiative de l’organisation du Ier congrès latino-américain de médecine (1902)15. L’idée du congrès intervient à un moment où le Chili met en place un certain nombre de projets sanitaires ; elle répond donc à la nécessité éprouvée par les médecins de ce pays de multiplier les contacts à l’étranger afin de s’inspirer d’autres expériences.
20D’après leur règlement général, les congrès médicaux latino-américains doivent atteindre cinq objectifs : contribuer au progrès des sciences médicales ; diffuser les connaissances scientifiques qui présentent un intérêt pour les nations latino-américaines ; favoriser l’adoption de mesures uniformes dans le cadre d’une protection sanitaire internationale ; créer et maintenir des liens de solidarité entre les institutions, les associations et les personnalités médicales d’Amérique latine, en favorisant les échanges intellectuels ; enfin, n’avoir des buts que scientifiques16. Voilà qui répond parfaitement à la définition de la coopération intellectuelle. Avec pour corollaire la création de réseaux : de fait, on retrouve souvent les mêmes acteurs dans la composition des commissions organisatrices. Professeurs d’université, membres de sociétés savantes et/ou responsables dans des services publics d’hygiène, autant de postes-clés qui favorisent la divulgation d’informations relatives aux congrès, notamment par le biais de réunions ou de publications.
21 Ces espaces de sociabilité que constituent les congrès permettent à leurs participants de nouer des liens personnels, ouvrant la voie à de futurs contacts, institutionnels ou extra-institutionnels, dans le cadre de missions, d’échanges ou de recherches. C’est ainsi qu’une délégation de médecins et d’étudiants de la faculté de médecine de Buenos Aires se rend à Rio de Janeiro en 1917, invitée par la faculté de médecine de cette ville. Cette initiative peut être replacée dans le droit fil du IVe congrès de médecine latino-américain de 1904. Celui-ci a donné lieu à des articles parus dans la revue Brazil-Médico, dans lesquels il était fait l’éloge du bon accueil réservé à Azevedo Sodré (qui participe au congrès de 1904, et organise celui de Rio en 1909) et Afrânio Peixoto (présent également au congrès de 1904) par leurs collègues argentins. Par ailleurs, figuraient dans cette même publication des notices biographiques de médecins argentins, dont Gregorio Araoz Alfaro, secrétaire général dudit congrès, qui fait partie de la délégation argentine de 1917.
22Compte tenu des rivalités historiques entre les deux pays, cet événement est abondamment commenté et provoque l’enthousiasme de ceux qui y participent. En retour, Aloísio de Castro (directeur de la faculté de médecine de Rio de Janeiro), Nascimento Gurgel (professeur et président de la Société brésilienne de médecine et de chirurgie, ), Miguel Couto (professeur à l’université de Rio, membre de l’Académie nationale de médecine), entre autres, sont invités à Buenos Aires l’année suivante. Ces visites et les dynamiques de coopération qu’elles contribuent à mettre en place font dire au médecin argentin David Speroni en 1941 : « Nous les médecins avons l’habitude de dire, en exagérant un peu, que nous avons été à l’origine de l’échange intellectuel entre Rio de Janeiro et Buenos Aires17. » Elles sont aussi révélatrices de l’importance de certaines figures qui apparaissent centrales ; nous retrouvons en effet les mêmes acteurs du côté argentin comme brésilien : Gregorio Araoz Alfaro, David Speroni pour l’Argentine, Aloísio de Castro, Nascimento Gurgel, Antonio Austregésilo et Miguel Couto pour le Brésil.
23Circulation des hommes, établissement de liens personnels, de références communes, mise en perspective régionale des défis rencontrés… tels sont les ingrédients que l’on peut identifier en analysant les échanges entre médecins, qui constituent peu à peu des réseaux dont la portée est autant nationale que continentale.
24En revenant sur cette histoire de la science en Amérique latine, peu connue en Europe, c’est non seulement un visage de l’internationalisme qui se dévoile mais aussi l’émergence d’un espace de pratiques « caractérisé par son déploiement à la fois au-dessus et au-delà du national et inséré dans les interstices de la nation18 ». Nous l’avons choisi, renonçant par là même à l’étude d’autres acteurs et pratiques du transnational19, d’une part parce qu’un certain nombre de nos acteurs insistent sur le caractère pionnier de la coopération scientifique, nous permettant de faire le lien entre les dynamiques que l’on observe dans l’entre-deux-guerres avec celles qui parcourent la période précédente ; d’autre part car c’est un cadre d’étude particulièrement fécond lorsqu’il s’agit de « rendre visible les connected histories qui ont mis en relation des populations, des cultures, des économies et des pouvoirs20», de « saisir des relations, passages, influences, transferts, parentés voire continuités21 » au-delà des frontières nationales et de faire émerger des modes d’interaction.
25Alors que ce premier temps de notre chapitre revenait sur les origines de la coopération intellectuelle en Amérique latine, plaçant au centre de notre analyse la figure de l’homme de science, pivot entre internationalisme et nationalisme, c’est désormais sur les pratiques que l’on peut observer à partir des années 1920 que s’appuiera notre propos.
Les fils de la toile : pratiques de la coopération intellectuelle latino-américaine
Revues et congrès : la coopération intellectuelle par et pour les élites
« Ce sont les revues, les illustrations, les journaux, formes triomphales
prises de nos jours par la publicité, les messagers les plus aptes à porter
sur leurs ailes l’appel à la fraternité susceptible de réunir en un seul foyer
les irradiations de l’intelligence américaine22. »
José Enrique Rodó
26Dans la perspective qui est la nôtre, à savoir la mise en lumière des toiles tissées en Amérique latine par les intellectuels, l’objet revue nous intéresse car il
« structure le champ intellectuel par des mécanismes antagonistes d’adhésion – par les amitiés qui la sous-tendent, les fidélités qu’elle s’attache et l’influence qu’elle exerce – et d’exclusion – par les positions prises, les débats suscités et les scissions apparues23 ».
27Nous n’avons pas ici l’ambition de dresser un panorama exhaustif des revues latino-américaines – des revues culturelles en particulier24 –, mais de montrer en quoi elles participent à faire de la région un espace de sociabilités transnationales et de circulations d’idées. Ces revues ont été l’objet de travaux25 dont une grande partie souligne l’intérêt pour l’étude des intellectuels comme acteurs sociaux mais aussi pour une analyse des débats autour de la question de l’identité latino-américaine, des va-et-vient entre appartenance nationale, régionale et continentale.
28Des années 1920 aux années 1930, on assiste en effet à un foisonnement de revues culturelles dans le sous-continent, en particulier dans les grandes capitales. On y retrouve souvent les mêmes auteurs et la conscience d’une spécificité américaine comme fil directeur. Pour beaucoup, le but est de créer des ponts entre littérature, pensée sociale et philosophique, réflexion politique. Quelques-unes sont à l’origine d’un réseau intellectuel transnational dont l’une des préoccupations est de « doter l’Amérique latine d’outils théoriques qui permettent d’enraciner son existence sur le plan imaginaire26 ».
29L’étude de ces publications montre la prégnance du thème de l’identité latino-américaine. Pour Jussi Pakkasvirta, « l’idée d’une communauté continentale était renforcée par la faiblesse des communautés politiques locales, régionales ou nationales » et « les intellectuels continentalistes » tentaient en fait de « combler le vide produit par la déficience ou l’inexistence de la nation par l’utopie continentale27 ». Les perspectives régionales mises en avant dans les pages de ces revues ne peuvent donc être appréhendées si l’on ne tient pas compte des questionnements qui agitent les scènes nationales.
30Parmi les nombreuses revues culturelles de ces années-là, figure Repertorio Americano, publiée à partir de 1919 et jusqu’en 1958 à San José de Costa Rica et dirigée par Joaquín García Monge28 ; cette revue a eu un rôle central non seulement dans l’histoire intellectuelle du Costa Rica mais aussi dans l’histoire générale des revues en Amérique latine. Le succès de cette publication tient en grande partie au fait que les thèmes de prédilection de García Monge sont également ceux d’un grand nombre d’intellectuels latino-américains. On peut notamment relever l’accent mis sur l’importance de l’éducation comme solution aux problèmes d’ordre social, mais aussi la conjugaison d’influences européennes, de l’ariélisme et de l’anti-impérialisme. Enfin, García Monge est à la fois capable « d’ausculter le cœur de l’Amérique », tout en étant un « Costaricien de souche, qui fait honneur à notre vieille tradition de civilité et de culture29 ».
31Véritable institution culturelle, cette revue offre aux intellectuels latino-américains un espace de communication et d’interaction, renforçant de la sorte une conscience collective autour d’une « communauté imaginée » hispano-américaine. En reproduisant dans ses pages des idées et des images relatives à cette communauté, elle donne à voir les utopies nationales et continentales des intellectuels de l’époque rêvant d’une patria grande. Ce désir de bâtir une identité ample n’est cependant pas dénué de présupposés excluants. Jussi Pakkasvirta montre en effet qu’entre 1919 et 1930, existaient deux types d’exclusion. La première a trait à l’image donnée du Costa Rica dans les pages de la revue ; le pays y est présenté comme une sorte de modèle. Or ce modèle est blanc ; dans le monde du Repertorio Americano, les indiens ou les noirs sont absents. La deuxième exclusion concerne la non-incorporation du Brésil et du Portugal. De fait, García Monge défend un américanisme dont l’un des traits marquants est l’importance accordée aux liens culturels qui unissaient l’Amérique à l’Espagne.
32De même, les rapports à l’Europe, à l’Amérique anglo-saxonne et leur incidence sur les contours de l’identité de la région constituent tant l’objet de questionnements partagés que de prises de position diverses. De multiples définitions et démarcations sont ainsi proposées, mêlant histoire, géographie, culture et démographie. On peut citer celle que le Colombien Germán Arciniegas30 pose dans les pages de la revue Sur en 1940 ; pour lui, ce n’est pas tant l’opposition entre l’Amérique du Nord et l’Amérique du Sud qui est pertinente, mais plutôt la distinction entre une Amérique des villes (New York, Buenos Aires, Rio de Janeiro, La Havane, Montevideo), tournée vers l’Atlantique, et une Amérique regardant vers le Pacifique31, définition révélatrice du caractère mouvant des frontières identitaires en Amérique latine.
33L’analyse de ces différentes revues montre enfin comment ces intellectuels envisagent leur fonction dans le contexte de l’entre-deux-guerres et dans le débat identitaire qui se joue aussi bien au niveau local que régional :
« À la lecture des opinions exprimées dans le Repertorio, il apparaissait fondamental de donner aux intellectuels, et non aux gouvernants, un rôle majeur dans la formation d’une conscience collective. En s’attribuant le rôle d’interprètes légitimes du peuple latino-américain anonyme, les intellectuels se sont penchés sur les problèmes du continent et sur des possibles solutions, à la manière de véritables guides […]32. »
34Si les revues « autorisent le transitoire, l’éphémère33 », relèvent de l’ordre de la conviction, le congrès relève de celui de la persuasion. S’intéresser aux congrès permet de prendre en compte les formes et les mécanismes de la vie intellectuelle. Pour Christophe Prochasson, il convient de ne pas réduire les congrès à leurs ressorts institutionnels car, « lieux de légitimation, lieux de pouvoir aussi où la prise de parole et le jeu présence/ absence ont tout un sens, les congrès sont aussi des lieux où s’établissent parfois de vrais débats. Leur rôle épistémologique ou idéologique n’est pas nul […]34 ». C’est cette dimension idéologique autant qu’identitaire qui nous intéresse ici. Nous avons précédemment analysé les congrès de type scientifique à l’aune de leur portée en termes de sociabilités intellectuelles. Or ces rencontres ont aussi été
« un espace constitué par les élites latino-américaines pour mettre en scène, au nom de la science et de la technique, leur adhésion aux idéaux de civilisation et de progrès et ainsi contrecarrer les différentes représentations de l’Amérique latine aux États-Unis, celles qui en faisaient un territoire où prédominait le passé hispanique, la nature sauvage et l’absence d’expertise technique35 ».
35La comparaison ne se joue pas uniquement avec l’Amérique du Nord : l’Europe constitue aussi une référence que l’on cherche à égaler, la source d’un sentiment d’infériorité qu’il s’agit de conjurer.
36Hugo Rogélio Suppo et Ana Maria Ribeiro de Andrade ont en outre montré à quel point il était difficile de distinguer clairement, dans ces congrès, ce qui relevait de la science et ce qui concernait le politique, les nécessités relevant de la collaboration scientifique internationale et les relations de pouvoir entre États nationaux36. Si la rhétorique qui prédomine dans les discours met l’accent sur le caractère universel de la science, la compétition implicite entre les pays du continent est la toile de fond de ces congrès : au cours des interventions lors des événements officiels notamment, on observe une « explosion de nationalisme scientifique américain37 ».
37Les médecins et les scientifiques, comme leurs homologues littéraires, ont de plus le sentiment de remplir une mission, celui de guérir les maux du sous-continent, de le guider sur le chemin qui le mènerait vers un futur prometteur. Certains, à l’image de l’Argentin Emílio Coni dans le discours inaugural qu’il prononce pour le IIe congrès de médecine latino-américain (Buenos Aires, 1904), en font même une véritable bataille :
« Que les nations latino-américaines, en s’associant dans un commun effort, en formant un seul corps d’armée, en conservant ses chefs, ses armes, ses tactiques de combat, se lancent dans la bataille contre les grands ennemis de l’humanité : la tuberculose, l’alcoolisme, l’habitat insalubre et la mortalité infantile38. »
38Cependant, malgré l’invocation de problèmes communs et l’affirmation d’une union latino-américaine pour les résoudre, les différences entre pays, la revendication du statut de nation privilégiée, conduisent à fissurer ce bel édifice oratoire. Comme le note Marta de Almeida, les maux auxquels Emílio Coni fait référence sont propres aux préoccupations argentines du moment et très proches de ceux qui existent en Europe à la même période. N’est pas évoquée, par exemple, la fièvre jaune, qui sévit alors au Brésil. Mais cette maladie « exotique » ne pouvait, dans la perspective des médecins argentins, être une préoccupation digne d’un pays « civilisé »39.
39 Parallèlement, on assiste au mouvement qui voit fusionner les dynamiques panaméricaine et latino-américaine selon un processus intimement lié à ce que Ricardo Salvatore nomme « l’entreprise de la connaissance40 » menée dans le cadre de « l’empire informel » construit par les États-Unis.
40L’effacement de la dénomination « latino-américain » au profit de « panaméricain » pour les congrès scientifiques et médicaux ne procède pourtant pas d’une demande des États-Unis ; lors du congrès scientifique de Santiago du Chili (1908), le premier à être considéré comme « panaméricain », les participants nord-américains sont d’ailleurs en nette minorité. C’est la volonté des scientifiques latino-américains de bâtir une science capable de rivaliser avec l’Europe et de résoudre les problèmes de santé publique propres à l’Amérique qui a conduit à une continentalisation des réunions scientifiques… mouvement que les États-Unis s’empressent d’encourager. Le caractère panaméricain des congrès offre en outre la garantie d’une audience élargie pour les participants.
41Alors même que les différents horizons – national, latino-américain, panaméricain – ont pu être porteurs de rivalités ou de compétition, on assiste à une mise en scène qui se veut performative d’une dynamique proprement américaine. L’analyse faite par Leo S. Rowe du Ier congrès scientifique panaméricain (Santiago 1908) en est une bonne illustration :
« L’historien du développement intellectuel du continent américain, dressant le bilan de l’œuvre des assemblées scientifiques, attribuera sans doute au congrès de Santiago l’honneur d’avoir clairement démontré que les républiques du continent américain, à cause de leur situation géographique, à cause des conditions particulières prévalant lors de leur colonisation et à cause des problèmes de race qu’elles présentent, affrontent des problèmes spécifiquement américains. Le seul fait qu’existent ces problèmes implique pour nous, mais aussi pour le monde civilisé, l’obligation de tout faire pour les résoudre. En les résolvant, nous pourrons apporter la meilleure des contributions au progrès de l’humanité, ce que le monde est en droit d’attendre de nous41. »
42L’étude des congrès scientifique donne à voir la diversité des acteurs, des intérêts et des pratiques qui constituent le maillage de la coopération intellectuelle en Amérique latine. Dans cette optique, les présupposés de l’histoire croisée, privilégiant l’analyse des points de contact, attentive aux évolutions et à « la complexité d’un monde composite et pluriel42 », permettent d’entrevoir comment se rencontrent, se chevauchent, et s’opposent parfois, dynamiques nationales, régionales et continentales selon une partition qui n’exclut ni l’harmonie ni les dissonances.
L’élargissement de la coopération intellectuelle
43Qu’il s’agisse des revues, des congrès et des échanges scientifiques, nous sommes dans le cadre d’une coopération intellectuelle restreinte à une élite. Il existe néanmoins un certain nombre de pratiques qui élargissent son champ d’action et touchent un plus large public. Elles s’appliquent en particulier au domaine de l’enseignement, universitaire en premier lieu, mais aussi primaire et secondaire, ce qui montre que les promoteurs d’un rapprochement entre nations latino-américaines ne se sont pas cantonnés aux cénacles qui sont les leurs. Cette préoccupation pour l’éducation est aussi révélatrice des impératifs qui sont ceux des jeunes États-nations du sous-continent : le chemin qui mène vers le progrès passe par l’organisation de systèmes d’enseignement efficaces, susceptibles de leur fournir les cerveaux et les cadres dont ils ont besoin. Dans cette perspective, la recherche de modèles à suivre constitue un objectif pour les gouvernements et les intellectuels des pays concernés. Si ces derniers se tournent bien souvent vers les États-Unis pour y puiser une expertise dans ce domaine, il n’est pas rare que d’autres pays latino-américains – en particulier le Mexique, le Chili et l’Argentine – soient sollicités.
44De fait, si l’Europe, et de plus en plus les États-Unis, continuent d’attirer dans leurs universités des étudiants latino-américains désireux non seulement d’y poursuivre une formation mais aussi d’y puiser la garantie d’un futur prestige social et intellectuel dans leur pays d’origine, ils sont chaque fois plus nombreux, surtout à partir des années 1920, à traverser les frontières du sous-continent, souvent précédés ou accompagnés par des professeurs. Ainsi, lorsqu’Eloise Brainerd, alors à la tête du Bureau de coopération intellectuelle de l’Union panaméricaine, dresse, en 1931, un bilan de la coopération intellectuelle en Amérique, ce sont les échanges scolaires et universitaires qu’elle met en avant43.
45On a là affaire au résultat d’un double processus : d’une part, celui de la quête identitaire qui traverse le sous-continent depuis la fin du xixe siècle et prend de l’ampleur au lendemain de la Première Guerre mondiale ; d’autre part, celui qui agite les milieux universitaires et éducatifs latino-américains désireux de répondre aux défis qui se présentent à ces nations vieilles d’un peu plus d’un siècle, confrontées, entre autres, à l’effondrement de la référence européenne. Ces deux dynamiques sont intimement liées l’une à l’autre et ne peuvent être comprises de manière séparée.
46L’impact de la révolution mexicaine et de la mise en place, dans ce pays, d’organisations étudiantes proposant des programmes à vocation continentale44, ainsi que le mouvement de réforme universitaire parti de la ville argentine de Córdoba en septembre 1918 et ayant eu des répercussions dans quasiment tout le sous-continent45 contribuent à créer un climat d’effervescence. Ce contexte n’est pas étranger au fait que l’Amérique latine est, pendant la période qui nous intéresse, le théâtre d’intenses circulations dans le domaine éducatif sous la forme de missions éducatives, de voyages d’étudiants et de professeurs, de correspondances scolaires ou encore d’échanges de livres… autant de pratiques transnationales et de circulations qui donnent corps et sens à l’Amérique latine comme communauté imaginée et pratiquée.
47Les échanges universitaires sont ainsi de plus en plus nombreux et sont d’ailleurs l’objet d’une pléiade d’accords, bilatéraux ou régionaux. La première résolution visant à développer l’échange de professeurs et d’étudiants est adoptée en 1910 lors de la IVe Conférence interaméricaine (Buenos Aires). C’est néanmoins dans la seconde moitié des années 1930 que se multiplie ce genre d’accords, bilatéraux pour la plupart. Notre perspective consistant à privilégier ce qui touche à l’Argentine, au Brésil et au Chili, ce sont principalement les textes les concernant que nous avons pu consulter.
48C’est, semble-t-il, à l’Argentine que revient l’initiative d’établir des conventions pour l’échange de professeurs et d’étudiants. Ainsi, en mai 1935, un premier accord est passé avec le Brésil, à l’occasion de la visite de Getúlio Vargas à Buenos Aires. Un deuxième, cette fois-ci avec le Chili, est signé en juillet. L’Argentine signe plus tard, en septembre 1938, une convention semblable avec l’Uruguay, dont nous reproduisons ici le premier article :
« Le Ministère de la Justice et de l’Instruction Publique et de la Prévision sociale, sur proposition des universités respectives, des Commissions Nationales de Coopération Intellectuelle et de l’Institut Argentino-Uruguayen, organisera une délégation de professeurs, de promoteurs et de connaisseurs des arts, des sciences et des techniques, qui dispenseront des cours aux étudiants et des conférences pour le public de l’autre pays. La délégation d’Argentins exercera en Uruguay une année, et l’année suivante ce sera le tour en Argentine de la délégation uruguayenne, et ainsi de suite. Ce travail scientifique, pédagogique et artistique sera publié en volumes successifs, pour être diffusé dans toute l’Amérique46. »
49Il est intéressant de noter la volonté de faire connaître « dans toute l’Amérique » les résultats scientifiques de ces échanges. La mention de journalistes, tant dans le cadre de cette convention avec l’Uruguay que dans celle qui avait été passée en 1935 avec le Chili, indique d’une part le rôle qu’on attribue à ces derniers. Il s’agit d’autre part de mettre en scène, dans chacun des pays concernés, cette solidarité américaine que l’on souhaite promouvoir mais aussi le rôle joué par les institutions et gouvernements qui y contribuent.
50De manière générale, les accords de ce type contiennent la plupart du temps des considérants rappelant les liens étroits entre les pays signataires, occultant de la sorte les anciens motifs de discorde. Ainsi, à propos d’une convention entre le Chili et la Bolivie, dont les différends ont empoisonné les relations jusqu’à la fin des années 1920, est-il écrit, dans le Boletín bimestral publié par la Commission chilienne de coopération intellectuelle, que « les relations culturelles avec ce pays ont toujours été constantes47 ».
51Les échanges universitaires sont aussi un moyen de consolider des liens existants, de passer de la sphère diplomatique et commerciale au domaine des relations intellectuelles ; on le vérifie pour une convention passée, en 1941, entre le Chili et le Brésil. Dans le numéro du Boletín bimestral qui en rend compte, le Brésil est présenté comme une « nation à laquelle nous sommes liés par le plus harmonieux des liens historiques » mais il est aussi écrit que
« cette convention donnera une grande impulsion à l’échange [entre le Chili et le Brésil] car – il nous est douloureux de le confesser – il n’y a pas plus d’un étudiant brésilien dans nos universités et il est fort possible que la réciproque soit vraie dans le cas des universités brésiliennes, et ce en raison des faibles relations qui existent entre nos peuples48 ».
52Il s’agit donc de donner une autre dimension aux relations chiléno-brésiliennes, les deux pays étant déjà liés par des liens diplomatiques et par un commerce bilatéral de plus en plus important. La coopération intellectuelle apparaît donc ici comme le prolongement de la politique extérieure des États qui sont l’objet de notre étude.
53À partir des années 1930, les échanges universitaires prennent parfois une forme particulière, celle des cours ou écoles d’été. Le but de ces dernières est d’« organiser de manière systématique des cours et des conférences qui viennent appuyer la tâche de divulgation de l’université hors de ses amphithéâtres49 ». Si celles qui sont organisées par l’université du Chili semblent être les plus connues, d’autres universités ont fait leur cette pratique, notamment l’université Nationale de Panamá, créée en 1935, et l’université ouvrière de Mexico. À l’occasion de ces écoles d’été, ce ne sont pas seulement des étudiants qui se déplacent, mais aussi des professeurs, invités par l’université organisatrice.
54Le premier bilan qui peut être dressé de ces diverses formes d’échanges est la grande mobilité qu’ils dévoilent. Au-delà des discours sur la solidarité continentale et sur l’identité latino-américaine, il existe donc une pratique du sous-continent, qui existe en tant que territoire parcouru, dont les frontières ne sont plus seulement géographiques et dont la cartographie se fait en fonction du pouvoir d’attraction exercé par une ville, un pays, apparaissant comme foyer intellectuel et universitaire.
55Notre deuxième remarque vise à replacer la dynamique américaine que nous venons d’étudier dans une perspective plus large, dans un contexte intellectuel international où la jeunesse est porteuse de nombreux espoirs quant à la possibilité d’un monde plus pacifique. Les échanges d’étudiants sont en effet l’objet d’attentions de la part de l’IICI comme de l’Union panaméricaine.
56Les voyages d’étudiants et de professeurs dans les Amériques s’inscrivent donc dans une dynamique pluri-scalaire. Si l’Europe et, de plus en plus, les États-Unis attirent les étudiants et les universitaires latino-américains, il n’en reste pas moins qu’il existe un mouvement propre au sous-continent, à la fois sujet et objet de cette dimension de la coopération intellectuelle. Celui-ci ne se limite d’ailleurs pas au monde de l’enseignement supérieur et concerne également les écoles primaires.
57Le xixe siècle a été marqué en Amérique latine par une croissance lente mais continue de l’offre et de la demande dans le domaine de l’éducation, la centralisation progressive des systèmes d’enseignement primaire allant de pair avec l’affirmation des États-nations50.
58Les questions d’ordre éducatif, notamment en matière d’enseignement primaire, s’insèrent dans un contexte d’effervescence sociale, politique et idéologique, du moins pour les années 1920. Celui-ci n’était pas alors propice à des échanges institutionnalisés. C’est à partir des années 1930 que l’on observe de plus en plus d’initiatives relevant de la coopération intellectuelle et concernant le monde de l’école primaire.
59Ces initiatives consistent principalement à faire en sorte que la réalité des pays américains fasse partie du quotidien des écoles. On en trouve une illustration dans les Memorias de 1939 de la Commission chilienne, nous permettant de savoir de quoi il retourne :
« Une autre initiative prise par notre Comité Exécutif a consisté à demander à M. le Ministre de l’Éducation Publique que les écoles gardiennes de pavillons américains reçoivent le nom d’École Argentine, École Bolivienne, etc. car dans les faits ces écoles, en plus de garder les drapeaux, possèdent des bibliothèques des pays qu’ils représentent, célèbrent leurs anniversaires, font connaître leur histoire, leur géographie, coutumes et progrès – en plus de collaborer très efficacement au travail que réalisent les Instituts de Culture51. »
60Un autre exemple nous est donné dans les archives de l’Itamaraty, dans lesquelles sont évoquées ainsi les « Escolas que nos países estrangeiros homenageam o culto do Brasil52 » :
« Il me paraît tout à fait indiqué de fournir à ces établissements d’enseignement qui, dans la majorité des cas, rappellent par leur nom notre pays, des livres ayant trait au Brésil et qu’on leur donne du matériel, comme du papier, des crayons, des cartes, etc. Ce ne serait pas seulement une manière de montrer notre reconnaissance, mais aussi une façon de faire, par le biais de ces établissements, une propagande brésilienne qui créerait une atmosphère favorable au Brésil53. »
61 Ces diverses initiatives montrent une réelle volonté de rendre tangible, auprès de la jeunesse, l’idée d’appartenance à une communauté américaine. Cela se traduit également au niveau des manuels scolaires d’histoire et de géographie, qui font l’objet d’un certain nombre d’accords stipulant leur révision dans le sens d’une meilleure connaissance des pays voisins et de l’élimination des jugements négatifs qu’ils pouvaient contenir54.
62Ces accords s’inscrivent dans une série de textes élaborés au cours des différentes conférences interaméricaines qui ont lieu dans les années 1930. L’éducation est en effet au cœur de l’activité du Bureau panaméricain de coopération intellectuelle, mais aussi l’objet de conférences spécifiques. La IIe Conférence interaméricaine d’éducation, qui a lieu à Santiago du Chili en 1934, est par exemple l’occasion d’aborder les questions les plus diverses dans ce domaine (l’éducation rurale, la formation des professeurs, le financement de l’école publique, l’enseignement secondaire, technique…). Une résolution sur l’éducation et la coopération intellectuelle, proposée par la délégation argentine, est adoptée à l’unanimité :
« a. Chez les peuples d’Amérique la formation de la conscience nationale par le moyen de l’éducation doit se faire en harmonie avec les idéaux et intentions de la coopération interaméricaine ;
b. L’éducation, au service de la compréhension mutuelle des peuples d’Amérique, est fondamentale pour que les efforts de paix des gouvernements connaissent une ample réalisation ;
c. Parmi les autres moyens pour atteindre les objectifs fixés, on favorisera la création de relations culturelles étroites et permanentes, en favorisant les échanges entre hommes de sciences et de lettres, professeurs, élèves, l’établissement de bibliothèques américaines comptant des livres, publications et revues des autres peuples et des expositions d’art ;
d. Dans chaque pays on devra procéder, plus spécialement, à la révision des livres d’histoire destinés à l’enseignement, pour assurer un jugement juste sur les hommes et faits, en reconnaissant l’appui apporté par les différents peuples de l’Amérique à la lutte pour l’indépendance […]55. »
63Ce sont en définitive tous les aspects de la coopération intellectuelle américaines que nous avons évoqués jusqu’à présent et ceux qu’il nous reste à présenter qui se retrouvent sous la bannière de l’éducation, chargée tout à la fois de contribuer à la construction de la « conscience nationale » comme de l’« esprit américain » et de préparer l’avenir des nations américaines par un enseignement capable de former les générations futures.
64Concha Romero James, alors à la tête du Bureau panaméricain de coopération intellectuelle, n’insiste pas que sur les échanges scolaires et universitaires dans le bilan qu’elle fait de la coopération intellectuelle interaméricaine ; elle fait aussi état d’un certain nombre d’échanges qui ont le livre pour objet. Cette dynamique aboutit, à la fin des années 1930, à la signature d’un certain nombre de conventions. De ces initiatives, Concha Romero James tire le constat suivant : « Il y a, comme nous pouvons l’observer, un désir manifeste de connaître ce qui s’écrit et se pense parmi nous56. »
65Cet intérêt pour la culture littéraire des pays voisins passe aussi par la traduction. Dans cette perspective, l’étude menée par Gustavo Sorá à propos de la traduction d’auteurs brésiliens en Argentine57 est particulièrement révélatrice. Il y fait notamment une ébauche de périodisation, montrant que, dans les années antérieures à 1937, l’édition d’auteurs brésiliens n’était que sporadique, alors qu’à partir de cette date, il n’y a pas une seule année sans publication de titres brésiliens. Cette période correspond entre autres à une « nationalisation » de la littérature au Brésil, ce qui se traduit par l’apparition d’un ensemble de collections, dont les Brasilianas, dans lesquelles figurent des ouvrages d’histoire, d’anthropologie, de géographie, d’économie et de sciences naturelles portant sur le Brésil, d’auteurs brésiliens ou étrangers58.
66Raúl Navarro, « l’un des principaux passeurs de la littérature brésilienne en Argentine59 » expose les raisons pour lesquelles ce qui se passe alors au Brésil, dans le domaine littéraire, présente un intérêt particulier, notamment pour un pays comme l’Argentine :
« Le Brésil a, pour le roman, une jeune génération digne de considération. Pénétrée d’originalité, d’intuition subtile, orientée dans le sens authentique de ses problèmes […]. C’est ici que naissent ces cycles romanesques orientés vers la découverte vernaculaire. Jorge Amado avance avec son cycle de Bahia. José Lins do Rego a aussi son extraordinaire cycle de la canne à sucre ; Érico Veríssimo construit celui du gaucho. Rachel de Queiroz développe celui de la sécheresse. Le roman moderne brésilien – comme l’avait annoncé Graça Aranha – fait face au problème social qui, tout en restant humain, est nettement brésilien, authentiquement américain […]60. »
67Le Brésil, cet Autre par excellence, face auquel s’invente la singularité argentine, représente donc aussi un modèle à suivre en termes de nationalisation de la culture. Il y a aussi une certaine fascination pour l’effervescence culturelle et la quête identitaire menée par les intellectuels brésiliens depuis la Semaine d’art moderne de 1922, dont l’Argentin Benjamin de Garay, futur directeur, principal traducteur et préfacier de la Colección de Novelas Brasileñas de Claridad, est le témoin. L’ufanismo (orgueil national, nationalisme culturel) brésilien devient signifiant tant dans le contexte intellectuel argentin que latino-américain de définition d’une identité « authentique » dont le tempo ne serait plus exclusivement européen.
68 La coopération intellectuelle participe donc tout autant à la construction d’une solidarité régionale, qui adopte tour à tour – et parfois de manière conjointe – les rhétoriques du latino-américanisme et du panaméricanisme, qu’à la construction d’identités nationales, à leur consolidation sur la scène régionale et internationale et à la défense d’intérêts parfois éloignés de l’idéal de la « Société des esprits ».
69En bilan de ce chapitre, il convient par ailleurs de souligner la multiplicité des acteurs prenant part à la construction d’une toile aux ramifications nombreuses et loin d’être anecdotiques. Nous rejoignons ainsi le constat fait par Martín Bergel et Ricardo Martínez Mazzola selon lequel « l’Amérique n’était pas qu’une idée » car elle « était ou s’exprimait par une série de pratiques, certaines liées au monde des émotions et des rituels, et qui, ensemble, ont fini par doter d’une singulière robustesse et portée ce qui a pu être dénommé par beaucoup la « “nation latino-américaine”61 ».
Notes de bas de page
1 Laqua Daniel, « Preface », in Internationalism Reconfigured : Transnational Ideas and Movements Between the World Wars, Londres, I.B. Tauris, 2011, p. xiii.
2 Ibid., p. xv.
3 Geyer Martin H. et Paulmann Johannes, « Introduction : The mechanics of internationalism », in The mechanics of internationalism : culture, society, and politics from the 1840s to the First World War, Oxford, Oxford University Press, 2001, p. 10.
4 Coopération intellectuelle. Rapport de Gabriel Hanotaux adopté par le Conseil du 13 décembre 1923, XXVIIe session du Conseil, Paris, décembre 1923, cité par Daniel Laqua, art. cité, p. 61.
5 Hernández Juvenal et Walker Linares Francisco, La Cooperación intelectual. Sus antecedentes, su fundación en Chile, su acción, Santiago, Ediciones de las prensas de la Universidad de Chile, 1940, p. 15.
6 Bernardo Houssay, Carta a un investigador que emigra, 1943, cité par Weinberg Gregorio, La ciencia y la idea de progreso en América Latina, 1860-1930, Buenos Aires, Fondo de Cultura Económica, 1998, p. 30.
7 Bernardo Houssay (1887-1971) a notamment fondé l’Institut de physiologie de la faculté de médecine de Buenos Aires, qu’il dirige jusqu’en 1943 et a été le premier président de la Commission argentine de coopération intellectuelle.
8 Salomon Jean-Jacques, Science et politique, Paris, Economica, 1989, p. 322.
9 Lopes Maria Margaret, « A mesma fé e o mesmo empenho em suas missões científicas e civilizadoras : os museus brasileiros e argentinos do século XIX », Revista Brasileira de História, v. 21, no 41, p. 68.
10 Voir Weindling Paul (ed.), International Health Organizations and Movements 1918-1939, Cambridge, Cambridge University Press, 1995.
11 Nous utilisons ici le concept élaboré par Fernando Ortiz de transculturation pour désigner le processus d’invention, de sélection et de transformation qui se joue lors du contact entre deux cultures.
12 Voir le chapitre « Comment être (latino)-américain ? ».
13 Oliveira Xavier de, Intercambio Intellectual Americano. Contribuição brasileira á creação do « Instituto Interamericano de cooperação intellectual », Rio de Janeiro, Imprensa nacional, 1930, p. 24.
14 La Sociedad Médica de Chile a été créée en 1869.
15 Il y a eu six congrès médicaux latino-américains, entre 1902 et 1922.
16 Almeida Marta de, « Circuito aberto : idéias e intercâmbios médico-científicos na América Latina nos primórdios do século XX », História, Ciências, Saúde – Manguinhos, vol. XIII, no 3, juillet-sept. 2006, p. 742.
17 IHGB, DL 760.19, Publicações sobre Miguel Couto, 1934/1938/1941, Mensário do Jornal do Comércio, tomo I, vol. 2, fév. 1938, « Miguel Couto e a confraternidade argentino-brasileira », conférence prononcée par David Speroni dans le salon de la bibliothèque du palais de l’Itamaraty le 23 août 1938.
18 Saunier Pierre-Yves, « Circulations, connexions et espaces transnationaux », Genèses, vol. IV, no 57, 2004, p. 118.
19 L’architecture a aussi constitué un domaine où les échanges et les circulations ont été très nombreux, par le biais de contacts personnels, de revues ou de congrès.
20 Chartier Roger, « Penser la globalité », Annales. Histoire, Sciences Sociales, 56e année, no 1, 2001, p. 121.
21 Douki Caroline et Minard Philippe, « Introduction », Revue d’Histoire moderne et contemporaine, vol. 54, no 4 bis, supplément « Histoire globale, histoires connectées : un changement d’échelle historiographique », 2007, p. 19.
22 Lettre de José Enrique Rodó à Manuel Ugarte, datée de 1896, reproduite dans Rodó José Enrique, Obras completas, Buenos Aires, Claridad, 1948, p. 80.
23 Sirinelli Jean-François, « Le hasard ou la nécessité ? Une histoire en chantier : l’histoire des intellectuels », Vingtième siècle. Revue d’histoire, no 9, janv.-mars 1986, p. 104.
24 Nous entendons par « revues culturelles » les publications périodiques qui ne se consacrent pas seulement à la littérature mais qui aborde un grand nombre de thèmes culturels, que ce soit sous l’angle de la science, de l’histoire ou du politique.
25 Voir notamment Sosnowski Saúl (ed.), La cultura de un siglo : América latina en sus revistas, Buenos Aires, Alianza, 1999 et Granados Aimer (coord.), Las revistas en la historia intelectual de América Latina : redes, política, sociedad y cultura, México, Universidad Autónoma Metropolitana, 2012.
26 Pita González Alejandra, La Unión Latino Americana y el Boletín Renovación. Redes intelectuales y revistas culturales en la década de 1920, México, El Colegio de México/Centro de Estudios Históricos/Universidad de Colima, 2009, p. 15-16.
27 Pakkasvirta Jussi, ¿Un continente, una nación ? Intelectuales latinoamericanos, comunidad política y las revistas culturales en Costa Rica y en el Perú (1919-1930), Tuusula, Academia Scientiarum Fennica, 1997, p. 15.
28 Joaquín García Monge (1881-1958) est écrivain et éducateur. Il participe à la fondation, en 1929, du Partido Alianza de Obreros Campesinos e Intelectuales, qui devient, en 1931, le Parti communiste costarricien.
29 Pakkasvirta Jussi, op. cit., p. 142.
30 Germán Arciniegas (1900-1999), historien, écrivain et diplomate colombien, fonde plusieurs revues culturelles – dont Revista de las Indias (1939) et Revista de América (1945) – dont le but est de faire connaître la pensée et la littérature latino-américaines.
31 Arciniegas Germán, « Debates sobre temas sociológicos. Relaciones interamericanas », Sur, no 72, sept. 1940, p. 103.
32 Pita González Alejandra, op. cit., p. 262.
33 Prochasson Christophe, « Les congrès, lieux de l’échange intellectuel », Mil Neuf Cent – Revue d’histoire intellectuelle, no 7, 1989, p. 5.
34 Ibid., p. 7.
35 Calvo Isaza Óscar, « Conocimiento desinteresado y ciencia americana. El Congreso científico (1898-1916) », Historia crítica, no 45, Bogotá, sept.-déc. 2011, p. 88.
36 Voir Suppo Hugo Rogélio et Andrade Ana Maria Ribeiro de, « O significado do congresso », in Ana Maria Ribeiro de Andrade (coord.), Terceira reunião do Congresso Científico Latino-Americano, 1905, Brasília/Rio de Janeiro, Ministério da Ciência e Tecnologia, 2002, p. 59-126.
37 Sagasti Francisco R. et Pavez Alejandra, « Ciencia y tecnología en América Latina a principios del siglo xx : Primer congreso científico panamericano », Quipu, vol. VI, no 2, mai-août 1989, p. 197.
38 Discours inaugural de Emílio Coni, reproduit dans Segundo Congreso Médico Latino-Americano. Actas y Trabajos, tomo I, Buenos Aires, p. 34.
39 Almeida Marta de, Das Cordilheras dos Andes à Isla de Cuba, passando pelo Brasil : os congressos médicos latino- - americanos e brasileiros (1888-1929), Tese apresentada ao programa de pós-graduação em história social da Faculdade de Filosofia, Letras, Ciências Humanas da Universidade de São Paulo, orientada por Prof. Maria Amélia Mascarenhas Dantes, São Paulo, 2003, p. 302-304.
40 Salvatore Ricardo, « The Enterprise of Knowledge. Representational Machines of Informal Empire », in Gilbert M. Joseph, Catherine C. Legrand et Ricardo D. Salvatore (org.), Close Encounters of Empire. Writing the Cultural History of U.S.-Latin American Relations, Durham/Londres, Duke University Press, 1998, p. 69-105.
41 Reseña general del Cuarto Congreso Científico (Primer Panamericano), Santiago de Chile, Imprenta, Litografía y Encuadernación Barcelona, 1915, p. 139.
42 Werner Michael et Zimmermann Bénédicte, « Penser l’histoire croisée : entre empirie et réflexivité », Annales HSS, no 1, janv.-fév. 2003, p. 17.
43 Brainerd Eloise, Intellectual cooperation between the Americas, Education series no 15, Reprinted from the April, 1931, issue of the Bulletin of the Pan American Union, The Pan American Union, Washington DC, p. 3.
44 Voir à ce sujet Robinet Romain, « Entre Race et Révolution : l’horizon ibéro-américain du mouvement étudiant mexicain (1916-1945) », Cahier des Amériques latines, no 78, décembre 2015, p. 159-177.
45 Le mouvement réformiste argentin a eu des répercussions au Pérou, au Chili, en Uruguay, en Colombie, au Mexique et à Cuba. Pour une étude complète des échos latino-américains de la réforme universitaire, voir Del Mazo Gabriel, La Reforma universitaria. Tomo II : Propagación americana, Lima, Universidad Mayor de San Marcos, 1968 et Bergel Martín et Martínez Mazzola Ricardo, « América Latina como práctica. Modos de sociabilidad intelectual de los reformistas universitarios (1918-1930) », in Carlos Altamirano (dir.), Historia de los intelectuales en América Latina. Tomo II : Los avatares de la ciudad letrada en el siglo xx, Buenos Aires, Katz, 2010, p. 119-145.
46 MRE Argentine, Memorias, 1938-1939, tomo I, « Convenio sobre intercambio de profesores, publicistas, etc. Con la República Oriental de Uruguay », 22-09-1938, p. 112.
47 Boletín bimestral, no 28, oct.-déc. 1941, p. 11.
48 Ibid., p. 12.
49 Hernández Juvenal, La luminosa trayectoria de Amanda Labarca, Publicaciones Museo Pedagógico, primer trimestre de 1953, p. 9.
50 De nombreux travaux existent sur les rapports entre éducation et affirmation des États-nations en Amérique latine. Pour un panorama complet, voir Newland Carlos, « La educación elemental en Hispanoamérica : desde la independencia hasta la centralización de los sistemas educativos nacionales », The Hispanic American Historical Review, vol. 71, no 2, mai 1991, p. 335-364.
51 AUN, A III 46, Memoria de 1939 de la Comisión Chilena de Cooperación Intelectual. Il en est également question dans Comisión chilena de cooperación intelectual, 22 años de labor (1930-1952), Ed. Universitaria, Santiago, 1953, p. 9.
52 AHI, 542,6, 2040/36998, Cooperação Intelectual, Brasil (1940-1943), Rio de Janeiro, 09-05-1941, Mémorandum de Themistocles Graça Aranha au secrétaire général de l’Itamaraty : « les écoles qui à l’étranger rendent hommage au Brésil ».
53 Ibid.
54 L’un des premiers accords de ce type est celui qui est signé entre l’Argentine et le Brésil en 1933 et qui est présenté comme un modèle pour la Convention pour la révision des textes d’enseignement de l’histoire adoptée lors de la VIIe Conférence internationale américaine de Montevideo (1933). Un texte semblable est signé entre l’Argentine et le Chili en 1938.
55 MRE Chili, Memorias, 1934, p. 247-248.
56 Romero James Concha, La cooperación intelectual en América, 1933-1936, Oficina de Cooperación intelectual, Unión Panamericana, Washington DC, alcance al Correo no 10, p. 7.
57 Sorá Gustavo, Traducir el Brasil. Una antropología de la circulación internacional de ideas, Buenos Aires, Libros del Zorzal, 2003.
58 Nous reviendrons sur cette collection dans notre chapitre « Acteurs et structures de la “machine diplomatique culturelle” ».
59 Sorá Gustavo, « Un échange dénié. La traduction d’auteurs brésiliens en Argentine », Actes de la recherche en sciences sociales, no 145, mai 2002, p. 65.
60 Raúl Navarro, introduction à Jorge Amado, Jubiabá, Buenos Aires, Imán, 1937, p. 11-12. Nous soulignons.
61 Bergel Martín et Mazzola Ricardo Martínez, art. cité, p. 120.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Les Premiers Irlandais du Nouveau Monde
Une migration atlantique (1618-1705)
Élodie Peyrol-Kleiber
2016
Régimes nationaux d’altérité
États-nations et altérités autochtones en Amérique latine, 1810-1950
Paula López Caballero et Christophe Giudicelli (dir.)
2016
Des luttes indiennes au rêve américain
Migrations de jeunes zapatistes aux États-Unis
Alejandra Aquino Moreschi Joani Hocquenghem (trad.)
2014
Les États-Unis et Cuba au XIXe siècle
Esclavage, abolition et rivalités internationales
Rahma Jerad
2014
Entre jouissance et tabous
Les représentations des relations amoureuses et des sexualités dans les Amériques
Mariannick Guennec (dir.)
2015
Le 11 septembre chilien
Le coup d’État à l'épreuve du temps, 1973-2013
Jimena Paz Obregón Iturra et Jorge R. Muñoz (dir.)
2016
Des Indiens rebelles face à leurs juges
Espagnols et Araucans-Mapuches dans le Chili colonial, fin XVIIe siècle
Jimena Paz Obregón Iturra
2015
Capitales rêvées, capitales abandonnées
Considérations sur la mobilité des capitales dans les Amériques (XVIIe-XXe siècle)
Laurent Vidal (dir.)
2014
L’imprimé dans la construction de la vie politique
Brésil, Europe et Amériques (XVIIIe-XXe siècle)
Eleina de Freitas Dutra et Jean-Yves Mollier (dir.)
2016