Chapitre II. « Une catastrophe pour l’Europe », 1930-1936
p. 45-63
Texte intégral
1Alors qu’il venait d’effectuer son service militaire de dix-huit mois, Raymond Aron choisit d’aller approfondir sa formation en Allemagne. Il arriva en gare de Cologne un jour de mars 1930. Le voyage en Allemagne était une tradition dans l’université française ; Célestin Bouglé, le directeur du Centre de documentation sociale de l’École normale supérieure, l’avait accompli avant lui. Le séjour allemand fut pour Aron l’occasion de deux types de découvertes, intellectuelles d’une part, existentielles d’autre part, puisqu’il fut témoin de la « montée irrésistible1 » du nationalisme allemand, sentiment restitué par la formule de Toynbee : History is again on the move. Raymond Aron se jugeait rétrospectivement, lorsqu’il écrivit les Mémoires, un observateur privilégié : « En 1930 ou en 1931, intuitivement, j’étais plus conscient que la plupart des Français de la tempête qui allait souffler sur le monde. » Il fit cette « découverte de l’Allemagne et de la politique » en tant que spectateur. Ce mot revient à plusieurs reprises dans les lettres adressées à Pierre Bertaux2. Lorsque Raymond Aron évoquait ses vingt ans devant Anne Sinclair en 1981, il disait qu’il était alors, comme ses camarades, « hexagonal », c’est-à-dire qu’il avait « une représentation du monde centrée sur la France ». Tout raisonnable qu’il pût être, l’objectif de la réconciliation franco-allemande était la réponse à une indignation face au million et demi de morts français de la guerre.
2Raymond Aron partait donc pour l’Allemagne exactement dans les mêmes dispositions qu’il avait exprimées dans l’article de 1926. Il y allait en chevalier de la paix, tout imprégné de la morale alinienne, pour contribuer à « la réconciliation intellectuelle et morale entre l’Allemagne et la France »3. Les Mémoires le confirment : « Mon obsession pacifiste, moraliste, issue d’Alain, se nourrissait aussi d’une conviction historique : “L’intérêt que prend notre pays à la crise allemande dérive […] d’une intuition profonde : bon gré mal gré, le destin de l’Allemagne est aussi le destin de l’Europe”4. »
3Il semble que la première année passée à Cologne en 1930-1931 ait été difficile. Raymond Aron semble avoir souffert de son échec à prêcher en Allemagne la morale alinienne de la paix. La correspondance avec Pierre Bertaux laisse entrevoir son désarroi. Il se plaignait de l’inculture de ses étudiants, laissait comprendre qu’ils ne l’écoutaient pas ; il allait même jusqu’à douter de sa vocation professorale5. De telles difficultés sont le lot commun des professeurs débutants, mais, avant tout, la légèreté de ses étudiants dans une situation historique aussi grave l’irritait. La morale alinienne, dont il était alors imprégné, était une morale civique. Le jeune Aron allait donc commenter l’actualité politique allemande dans la position du spectateur, puisqu’il n’était pas citoyen allemand, mais aussi en tant que citoyen français, convaincu que le devoir des intellectuels était de militer pour la paix en Europe. Dans la mesure où les pertes de 1914-1918 avaient été catastrophiques, une nouvelle guerre de même ampleur signifierait peut-être, sinon la fin, du moins un affaiblissement irréversible de la France. Il était alors raisonnable de vouloir la paix, et de combattre les « maîtres d’opinions » comme le Théodule de Mars ou la guerre jugée, que l’on pouvait soupçonner d’avoir aimé la guerre parce qu’elle leur avait donné des raisons de vivre sans qu’ils fussent exposés au danger, alors que la jeunesse était sacrifiée sur le front6.
4On était alors très loin du jugement impitoyable de D. W. Brogan, que Raymond Aron plaça en exergue de « Prestige et illusions du citoyen contre les pouvoirs » en septembre 1941 : « La gloire, l’autorité d’un sophiste comme Alain suffisent en elles-mêmes à prédire la ruine de n’importe quel État7. » Cette condamnation est intervenue après la défaite de mai-juin 1940. Ce sont les événements d’Allemagne qui ont ébranlé les certitudes aliniennes du jeune Aron.
5Dans les mois qui précédèrent son arrivée, la République de Weimar avait été frappée de deux coups terribles. Le premier était politique : le 3 octobre 1929 mourait Gustav Stresemann, l’homme de Locarno, celui qui avait cherché dans la réconciliation franco-allemande le moyen de rompre l’isolement du Reich. Sa politique étrangère était réaliste, elle visait, comme plus tard la politique d’Adenauer, à obtenir graduellement l’égalité des droits. Le second coup fut, le 24 octobre 1929, le krach boursier de New York, qui allait rapidement entraîner le rapatriement des capitaux américains et déstabiliser l’économie allemande. Entre décembre 1926 et décembre 1930, Aron n’a rien publié sur les relations franco-allemandes, qui constituaient alors pour lui l’essentiel du problème européen. On ne sait donc pas ce qu’il a pensé du projet d’Union européenne d’Aristide Briand, sinon ce qu’il a dit en 1981 sur la perspective des États-Unis d’Europe après Locarno : c’était une vue de l’esprit. Telle n’était pourtant pas son opinion à l’époque. Raymond Aron a été le témoin de la dégradation des relations franco-allemandes. Comme l’a écrit Jacques Bariéty : « Le climat de 1930, décidément, n’est plus celui de 19268. »
6Le premier article d’Aron parut dans la revue alinienne Libres Propos9. Cette première « Lettre d’Allemagne par un jeune professeur en voyage d’étude » faisait le point après les élections du 14 septembre 1930, à l’issue desquelles le NSDAP était devenu le deuxième groupe parlementaire au Reichstag avec 107 sièges. La percée nazie lors de ces élections législatives apparaissait comme un camouflet pour la France, qui venait de retirer ses troupes de Rhénanie le 30 juin 1930, cinq ans avant l’échéance prévue par le traité de Versailles. Ce que Paris considérait comme un geste magnanime n’était donc pas récompensé. Raymond Aron présentait le résultat comme un « vote de désespoir », déplorait « l’incompréhension mutuelle » croissante et mettait en cause le traité de Versailles. Non sans raison, Aron montrait la contradiction entre « le droit à la force », prévu par le traité et confirmé par l’accord de Locarno en 1925, et la renonciation à ce droit selon les termes du pacte Briand-Kellogg du 27 août 1928 et du plan Young de juillet 192910. Aron remarquait que les Alliés, en maintes circonstances, n’avaient pas respecté leurs propres règles. Selon lui, cela suffisait à justifier la demande de révision du traité. Il appelait donc les pacifistes français à en proclamer la nécessité, tandis qu’il adjurait les pacifistes allemands d’être patients.
7« Exagérer la gravité de la situation actuelle en Allemagne me paraît impossible. » La phrase qui ouvre le premier article de Raymond Aron dans Europe en février 193111 n’était pas seulement le témoignage d’un observateur direct, elle exprimait aussi les préoccupations de l’intelligentsia française. Entre décembre 1930 et juin 1931, dans les mois qui séparent la percée nazie au Reichstag du moratoire Hoover, réponse à la crise sociale et politique aiguë en Allemagne, un débat fébrile12 eut lieu parmi les intellectuels pacifistes français. Il eut pour centre les Libres entretiens au siège de l’Union pour la vérité, au 21 rue de Visconti. Raymond Aron s’exprima le 14 mars 1931. Les discussions étaient dirigées par Ramon Fernandez qui, lors du premier entretien, le 17 septembre 1930, avait résumé l’enjeu : le résultat des récentes élections allemandes devait amener les Français à faire leur « examen de conscience13 ».
8Pour le directeur de la revue Europe, Albert Crémieux, et ses rédacteurs en chef, Jean Guéhenno et Dominique Braga, la situation justifiait qu’on y consacrât toute l’énergie nécessaire. Le numéro d’Europe du 15 décembre 1930, intitulé « Guerre et paix », était ainsi consacré pour l’essentiel à la paix en général et aux relations franco-allemandes en particulier. Ce numéro s’ouvrait par l’« Appel à la raison » lancé par Thomas Mann dans un discours prononcé à la salle Beethoven de Berlin le 17 octobre 193014. L’auteur des Considérations d’un apolitique y plaidait l’alliance de la bourgeoisie et de la social-démocratie contre le fanatisme nazi. Il revendiquait l’héritage spirituel de la pensée bourgeoise allemande pour rejeter sans concession le nazisme. Il rappelait que la SPD avait pris en charge le Reich au moment de l’effondrement national en 1918-1919, alors que personne ne voulait plus en assumer la responsabilité. Les sociaux-démocrates avaient mis en place la république de Weimar, combattu le séparatisme rhénan. Cette alliance objective culminait selon lui dans la politique de Stresemann, impossible sans le soutien de la SPD, politique modérée, mais patriotique, puisqu’elle visait opiniâtrement la révision négociée du traité de Versailles. Thomas Mann concluait par ces mots son éloge de Stresemann : « L’œuvre qu’il accomplissait pour l’Allemagne, il l’accomplissait en même temps dans l’intérêt de l’Europe. » Il ne suffisait pourtant pas de rappeler la politique de Locarno pour rétablir la situation en 1930. Le 17 octobre, Thomas Mann fut empêché de parler par des agitateurs nazis ; il dut interrompre son discours15.
9Dans le numéro d’Europe du 15 décembre, celui-là même qui commençait par l’« Appel à la raison » de Thomas Mann, Jean Guéhenno dénonçait le pharisaïsme de nombreux pacifistes français16. Il plaidait la révision des traités ainsi que le désarmement de la France comme préalable à la fondation d’une Europe unie et pacifiée17. Selon Jean Guéhenno, l’Europe serait faite du sacrifice de ses nations. La paix ne serait préservée qu’à cette condition. Comme Romain Rolland, il mettait en garde contre la tentation de faire l’Europe contre la Russie soviétique18. L’intelligentsia pacifiste française se mobilisait face au coup de tonnerre que représentait l’arrivée de cent sept députés nazis au Reichstag. On se souvenait avec Thomas Mann de 1925, de Locarno, et on regrettait les occasions manquées. Restait encore la possibilité d’un beau geste, d’une révision du traité de Versailles qui désarmerait la haine des Allemands. Thomas Mann, qui évoquait l’exemple idéalisé de Stresemann, et plaidait désespérément pour une révision qui apaiserait l’opinion allemande, était le représentant d’une Allemagne modérée, cultivée, avec laquelle, entre gens du même monde, la Verständigung restait possible, du moins entre intellectuels. Mais pour des responsables politiques, les thèses de Thomas Mann dans la Deutsche Ansprache – tel était, rappelons-le, l’intitulé allemand de l’« Appel à la raison19 » – auraient été difficilement recevables, par exemple lorsqu’il dénonçait « l’absurde règlement de notre frontière à l’Est20 ». Autrement dit, Jean Guéhenno et ses amis d’Europe se faisaient beaucoup d’illusions sur les intentions politiques de l’illustre apolitique allemand.
10Ramon Fernandez y revint, lorsqu’il publia « L’Autre impasse21 » dans la NRF du 1er janvier 1931, réalisant ainsi pour lui-même l’examen de conscience qu’il avait suggéré lors du premier entretien rue Visconti. Il rendait hommage à la noblesse des idéaux défendus par les « clercs purs », mais s’en prenait à leurs positions, de manière d’autant plus incisive que polie. Les « clercs » faisaient en effet de la paix une valeur absolue. L’Allemagne, disait Fernandez, pensait autrement : elle préférait la paix à la guerre, mais préférait beaucoup d’autres choses à la paix, comme la possibilité d’agir comme elle l’entendait, « avec son aventure et ses risques ». Le pacifisme français, dans ces conditions, apparaîtrait « comme une autre forme de l’impérialisme français ». Cette analyse débouchait sur une critique de l’européisme français. Ramon Fernandez montrait les limites de l’idée européenne22. Celle-ci n’était qu’« une fausse synthèse, puisqu’elle enveloppe des tendances opposées dont le moins qu’on puisse dire est qu’elles se tiennent en échec ». L’Europe est une illusion dans la mesure où « elle n’a pas la même dimension pour un Français et pour un Allemand ». Prenons garde, disait-il, « que la volonté de paix, en face des traités de paix, ne forme une autre impasse23 ». « La raison française, concluait-il, n’est plus universelle. »
11Or, Aron identifiait toujours résolument la cause européenne au pacifisme via la réconciliation franco-allemande lorsqu’il écrivit « “Autre impasse” ou “Devoir présent” », publié dans Europe en février 193124. Il insistait sur la montée constante du parti nazi, et décrivait la position difficile du chancelier Brüning, sans discerner ce qu’il pouvait y avoir de calcul politique – en l’occurrence malheureux – dans la posture du chancelier : « Le gouvernement Brüning, écrivait-il, soutenu par le Président Hindenburg, tente, avec un héroïsme auquel personne n’est sensible, de résister par la patience et la sagesse25. » De fait, les mesures d’austérité décrétées par Brüning en décembre 1930 – les traitements des fonctionnaires furent diminués – contribuaient à exacerber le mécontentement en aggravant la crise sociale. Aron, qui ne possédait manifestement pas encore une formation suffisante en économie politique, accusait au contraire, en des termes assez vagues « une rationalisation aventureuse et l’anarchie économique de l’Europe ». En fait, il restait sous l’influence, d’une part de l’internationalisme socialiste, d’autre part des idées de Francis Delaisi en faveur de l’effacement des barrières douanières. « Le remède, disait-il, n’apparaît pas dans le cadre d’une économie nationale. » Et il constatait que les « haines nationales cachent aux individus et aux peuples les exigences de la solidarité ».
12Aron refusait alors obstinément de distinguer morale et politique26. Il reprochait à Ramon Fernandez de subordonner l’impératif de la révision des traités à des considérations de « prudence », terme qui est alors péjoratif sous sa plume : il désigne l’attitude pusillanime des conservateurs dont la politique, par défaut d’audace, risque de conduire à une guerre nouvelle. Dans le titre de l’article, « Devoir présent » renvoyait au livre de Paul Desjardins, dans lequel celui-ci dressait en 1891 le programme de l’Union pour l’action morale. « Autre impasse » renvoyait à l’article de Fernandez. Pour Aron, les positions défendues par ce dernier trahissaient les idéaux de Paul Desjardins. Raymond Aron dénonçait ce « réalisme » qui risquait de nuire à la paix. Il renvoyait à « l’occasion manquée » des accords de Locarno. Selon lui, la position française était restée « équivoque » : « Garantie du maintien du passé ou point de départ d’une construction nouvelle ? » Il pensait que le refus d’évacuer la Rhénanie à ce moment-là avait compromis les chances d’une authentique réconciliation. Finalement, il reprochait à la diplomatie française une sorte de lâcheté intellectuelle ; la politique de rapprochement avait été moins audacieuse qu’attentiste. Aron pensait que l’on aurait pu dépasser Versailles à travers Locarno. Or, il constatait que Locarno avait surtout été un moyen de maintenir Versailles, d’où l’impression d’« hypocrisie » : sous le nom d’Europe, on avait cherché à préserver l’hégémonie française27. Il n’est pas étonnant, dans ces conditions, qu’il n’ait guère commenté le projet Briand de fédération européenne28 présenté le 5 septembre 1929 devant la SDN. Dans les articles d’Aron, la politique de Briand n’est abordée que par allusions rapides ; bien plus, elle est finalement critiquée, dans la mesure où elle utilise l’Europe comme alibi de la politique de puissance, par laquelle la France continue de contraindre le vaincu de 1918. En somme, le pacifisme de Raymond Aron l’a conduit à des positions pro-allemandes. Il estimait que c’était pour le vainqueur une obligation morale que d’offrir la révision du traité de Versailles. De plus, il souhaitait un désarmement unilatéral de la France pour éviter l’autre solution envisageable, celle de l’égalité des droits qui conduirait au réarmement de l’Allemagne. La paix par le droit, selon les termes du Traité de Versailles et les règles de la SDN, était-elle viable ? Ramon Fernandez avait soulevé la question dès le premier entretien au siège de l’Union pour la vérité29. Fernandez contestait ouvertement la paix par le droit : « Cet idéal juridique intéresse-t-il l’Allemagne, ou bien l’Allemagne a-t-elle d’autres préférences30 ? »
13Ces considérations l’amenaient à mettre en question les traités et le pacifisme. « L’Autre impasse » fut le prolongement de ces réflexions. Ramon Fernandez y renvoyait dos-à-dos communistes et pacifistes, précisément parce que, par rapport à l’ordre européen, ceux-ci, hostiles au Traité de Versailles, avaient en commun des positions révolutionnaires. Fernandez mettait en cause Jean Guéhenno, qui récusait non seulement « l’esprit et la lettre des traités », mais « l’esprit qui préside au travail de la SDN à Genève31 ». Dans « “Autre impasse” ou “Devoir présent” », Aron condamna ce rapprochement entre le communisme et le pacifisme. Il reprochait à Ramon Fernandez de remettre en cause l’opposition « guerre et paix » et de verser dans la psychologie des peuples. Surtout, il ne pardonnait pas à Fernandez d’attaquer la rédaction d’Europe en la personne de Jean Guéhenno.
14La réponse d’Aron à Fernandez était donc une défense et illustration du pacifisme selon les mêmes principes qu’en 1926. Il considérait que dans la situation telle qu’elle était, c’était le devoir de la France de faire des concessions pour sauver le régime de Weimar et la paix en Europe : « Et sans être les seuls responsables, parce que nous étions vainqueurs, parce que nous avions une liberté d’action entière, notre responsabilité me paraît plus grave. » Il voulait tenir « le langage de la France pacifiste et européenne », rejetait l’objection selon laquelle le Français « ne pourrait aimer que son pays ou l’Humanité », de même que le préjugé selon lequel le « sens cosmique » des Allemands les empêcherait d’adhérer à la Pan-Europe. Au début de 1931, celle-ci restait donc une référence pour Raymond Aron. Son pacifisme n’avait rien perdu de son intransigeance ; il s’exprimait par une double négation, signe de la recherche d’une voie étroite entre deux écueils, et qui devint par la suite comme la marque de la modération, ou de la prudence, aronienne : « La volonté de paix… domine une doctrine cohérente qui s’oppose au “catastrophisme des communistes” comme au conservatisme béat de la bourgeoisie. »
15Le pacifisme passionné de Raymond Aron atteignit son apogée à la même époque dans l’article « Simples propositions du pacifisme32 ». Il y écrivait que la France devait proposer la révision des traités et donner l’exemple par un désarmement unilatéral. Il tournait le dos à la prudence politique la plus élémentaire en refusant la paix armée, et insistait sur les responsabilités particulières du vainqueur par rapport au vaincu : « un pacifiste allemand a le droit, parfois le devoir de prêcher au vaincu la patience et le renoncement. Un pacifiste français n’a jamais ce droit ». Ou bien la France s’ouvrirait à la misère de l’Europe, ou bien elle serait responsable de la catastrophe. Pour Aron, l’espoir reposait toujours sur la révision des traités : l’Allemagne n’accepterait jamais une paix fondée sur le principe de sa seule culpabilité. Il faudrait choisir : ou bien on dirait adieu à la réconciliation, ou bien on ferait de l’égalité des droits le fondement de celle-ci. La conclusion était un rappel à ce devoir présent et précisait « notre pacifisme n’est pas conservateur, mais révolutionnaire ». Ramon Fernandez, plus clairvoyant à ce moment-là, avait compris la contradiction pratique de la position des pacifistes : il était difficile de viser à la fois une remise en cause de l’ordre européen et le maintien de la paix.
16Le troisième entretien au siège de l’Union pour la vérité, le 14 mars 1931, représente une étape importante, parce qu’Aron commence alors à critiquer l’idée paneuropéenne. Il n’avait, à vrai dire, jamais érigé ce projet en mystique, mais l’évoquait régulièrement. L’idée de l’unité politique de l’Europe lui apparaissait jusqu’alors comme le corrélat naturel de la paix. Dans l’entretien du 14 mars 1931, Raymond Aron constatait l’impossibilité de s’entendre sur les traités, en raison des divergences de perception : « On n’emploie pas les mêmes mots des deux côtés du Rhin », constatait-il, avant d’opposer le nationalisme allemand « plutôt conquérant et, d’autre part, naturaliste et métaphysique », au « nationalisme français plutôt défensif et culturel33 ».
17La contribution de Raymond Aron montrait pour la première fois autre chose que le pacifisme34. L’orateur n’exprime pas seulement des convictions, mais procède à l’analyse d’une situation historique. Selon lui, on devait reconnaître le nationalisme des élites intellectuelles allemandes. Les situations étaient asymétriques. Pour la France, pays victorieux et satisfait de l’ordre européen, le pacifisme allait presque de soi, tandis que l’engagement pacifiste était beaucoup plus difficile pour un Allemand. L’Allemagne, pays vaincu, ne pouvait être satisfaite par le statu quo, et le pacifisme pouvait y susciter, plus facilement qu’en France, l’accusation de trahison.
18Dans ces circonstances, l’Europe ne pouvait plus être un mythe. Raymond Aron voyait dans la peur du communisme le seul ressort capable de pousser un pacifisme bourgeois et conservateur vers l’union européenne ; à gauche, les partis socialistes tendaient à se replier sur leurs identités nationales aux dépens de leur vocation internationaliste. « Pan-Europe, dit-il, me semble aujourd’hui un concept bien abstrait35. » Aron faisait le même type d’objection à l’idée d’un bloc franco-allemand qui venait d’être proposée, non sans enthousiasme, par un jeune universitaire, Richard Rohden, Privat-Dozent à Berlin. Quelle serait l’idée-force susceptible de cimenter ce bloc ? Comme Richard Rohden répondait que ce serait la bourgeoisie36, Raymond Aron exprima son scepticisme : l’idéologie bourgeoise était en train de perdre pied en Allemagne, elle ne saurait guère prendre valeur de mythe, du moins tant que la crise économique et sociale n’aurait pas été jugulée37. L’allocution de Raymond Aron tendait à démontrer qu’aucune des deux solutions, ni la fédération, ni le bloc franco-allemand, n’était praticable38.
19La critique du projet pan-européen fut poursuivie et amplifiée dans la « Lettre d’Allemagne » publiée dans Libres Propos en mai 1931. Le 14 mars 1931, Berlin et Vienne avaient annoncé la constitution d’une union douanière. Immédiatement perçue par Paris – en l’occurrence par Édouard Herriot, qui la dénonça vigoureusement – comme une démarche vers l’Anschluß, l’union douanière austro-allemande fut mise en échec par la France avec d’autant plus de détermination que Berlin conclut en juin et en juillet des accords commerciaux avec la Roumanie, puis la Hongrie, ce qui aurait eu pour effet de consacrer l’hégémonie économique de l’Allemagne dans l’Europe danubienne. L’enjeu n’était donc pas seulement l’Autriche-croupion du traité de Saint-Germain-En-Laye, mais tout l’espace de l’ancien empire des Habsbourg. La colère du maire de Lyon39 confirmait Raymond Aron dans son pessimisme quant aux rapports entre pacifistes français et allemands40. Les pacifistes allemands appuyaient en effet les revendications nationales et reprochaient aux radicaux et aux « socialistes-nationaux » français – ceux qui faisaient « front commun avec les nationalistes » – de tout faire pour maintenir la suprématie française. Entre France et Allemagne, « l’opposition de perspectives » rendait le dialogue impossible. À l’époque, Raymond Aron ne se mettait pas encore à la place des responsables politiques. Combien de temps un gouvernement de gauche qui aurait fait des concessions à cette date aurait-il conservé la confiance de la Chambre ? Le jeune philosophe vivait le tragique de la situation et il accumulait les déceptions. L’article de mai 1931 dresse en effet plusieurs constats d’échec. Le premier, que l’on vient de montrer, est celui de la réconciliation franco-allemande. S’y ajoute celui du pacifisme : « L’idéologie pacifiste est compromise », écrit Aron, car trop de Français l’ont confondue avec un « désir de sécurité, de tranquillité médiocre, un désir de maintenir des avantages acquis ».
20Bien plus, Aron venait de constater l’échec de l’idée européenne. Il y voyait jusque-là un recours contre les nationalismes ; désormais, il en apercevait les limites :
« Et aujourd’hui, pour imposer silence aux nationalismes, quel idéal, quelle idée se proposer ? Nécessité économique. Union européenne, soit ! Il est possible que la contrainte des faits fasse oublier demain les querelles politiques, oblige à l’accord. Surtout si la défense contre la Russie donne une direction à l’entente franco-allemande. Mais les intérêts économiques n’inclinent pas tous à l’union ; bien plus, l’union impliquerait d’abord certains sacrifices. Et, pour l’instant, les pays cherchent par des moyens nationaux le remède aux crises économiques, qui exaspèrent les nationalismes, loin de les atténuer. L’idée européenne n’est qu’une idée d’économistes ou de quelques littérateurs. Elle ne vit pas dans l’âme des foules. Elle ne représente qu’un mot, à peine un concept, à aucun degré un mythe. Même l’idée de l’alliance franco-allemande, au fond, vivrait davantage. On rêverait alors d’empire partagé, d’hégémonie à deux, ou, espérons-le, de pouvoir souverain et bienfaisant, qui répandrait justice et protection. Mais combien cette idée d’alliance reste plus faible encore que l’idée nationale41. »
21Tout se passe donc comme si, à cette date, l’idée européenne apparaissait à Aron comme l’une des plus faibles parmi celles qui étaient susceptibles de fournir un recours contre le déchaînement des nationalismes. Implicitement, Aron conservait alors au socialisme une valeur de mythe, capable de mobiliser les masses ; il dénie explicitement cette qualité à l’Europe. L’idée européenne est la première victime de sa conversion progressive au réalisme politique, parce qu’« elle ne vit pas dans l’âme des foules ». Ce jugement fut définitif.
22Or, Aron constatait que la France parlait toujours avec enthousiasme de l’Europe, alors même qu’elle avait « puissamment contribué » à faire échouer les tentatives en vue d’une paix économique ou même d’une modération des politiques douanières. D’où une reprise des critiques de la presse allemande contre Briand : « un sourire et des mains vides ». L’homme de Locarno n’était plus pour lui le grand homme d’État qu’il avait été. Aron pensait que, pour les Allemands, l’union douanière avec l’Autriche aurait été un événement d’une grande portée symbolique, un signe de grandeur, de liberté recouvrée, la proclamation de la nation allemande authentique. Mais la menace de l’Anschluß restait la même, avec ou sans union douanière. Les véritables responsabilités incombaient bien, selon lui, aux traités de Versailles et de Saint-Germain. La presse et les dirigeants français avaient expliqué que l’Anschluß ruinerait l’Autriche ; Raymond Aron répondait que la presse allemande avait multiplié les arguments inverses ; pouvait-on, de toute manière, pousser à l’extrême les arguments français, ce qui aurait démontré que chaque État européen devait rester séparé des autres ? La politique française la plus habile, selon Aron, aurait été de retirer à cette alliance « son poison » et « ses épines », en négociant son élargissement ou son ouverture ; il pensait que l’occasion s’était présentée de fonder une union douanière européenne et que cette occasion avait été manquée.
23Au moment où il passait de l’université de Cologne à la Französisches Akademiker-Haus de Berlin, Raymond Aron était donc pessimiste. C’est en janvier 1932 qu’il assista pour la première fois, semble-t-il, à un discours d’Hitler42. L’article « Nouvelles perspectives allemandes » dans Europe développe l’analyse de la montée du nazisme43. L’« atmosphère nationale » était particulièrement pénible : « La France est aujourd’hui à nouveau l’ennemi héréditaire44. » Dans ces conditions, les perspectives de réconciliation franco-allemande étaient à peu près compromises. Raymond Aron citait un exemple caractéristique de ce climat. Le cinéaste Gustav Ucicky avait adapté l’histoire du général Yorck qui, le 30 décembre 1812, avait pris, à ses risques et périls, l’initiative de signer avec le tsar Alexandre la Convention de Tauroggen. La Convention décidait d’un armistice : les troupes prussiennes, jusque-là alliées de la France, se déclaraient neutres en l’attente de nouveaux ordres de la part du roi Frédéric-Guillaume, ce qui rendait possible l’insurrection contre celui qui était, pour Yorck et d’autres patriotes prussiens, le véritable ennemi de la nation allemande : Napoléon, empereur des Français45.
24Cette « propagande hostile » rendait la France « responsable de tous les malheurs ». Les manifestations nationalistes contre la France se répétaient, et Aron en fut à plusieurs reprises le témoin, comme l’indique, dans la même période, cette lettre à Pierre Bertaux :
« Je voyais ce soir un film sur la reine Louise. Quand, au théâtre, tous les officiers se lèvent pour chanter un air patriotique, tournés vers l’ambassadeur de France, la salle applaudit, et je sentis une telle tension, une telle Stimmung que j’ai été ému comme un gosse et que j’ai frémi… Nous en sommes là. Ils repartiraient encore pour une guerre d’indépendance… Crois-tu qu’il reste encore un espoir de déterminer les Français à comprendre où nous en sommes ? Je ne sais si on peut encore sauver l’Allemagne de la faillite… Mais je sais qu’en tout état de cause, nous ne toucherons plus rien ou presque. Pourquoi pas alors le beau geste qui peut-être renverserait le courant, rendrait l’Allemagne libre à nouveau de son destin, nous enlèverait la responsabilité que nous assumons comme par plaisir46 ? »
25Comme le film d’Ucicky, celui de Carl Froelich, Luise, Königin von Preußen, traitait de la période des Befreiungskriege, les guerres de libération menées par les Allemands contre Napoléon entre le désastre de Iéna en 1806 et la Bataille des Nations de Leipzig en 1813. C’est l’époque où Fichte publia, en 1808, les Discours à la nation allemande. Louise de Prusse, la jeune reine passionnée, devint une héroïne romantique, martyre de la « guerre juste » menée par la Prusse contre l’empire français. Le général Yorck appartient à la même séquence historique. Parmi les officiers qui partagèrent le dilemme de Yorck, déchiré entre la fidélité au roi et l’amour de la patrie, il y avait aussi Clausewitz, dont Raymond Aron entendit parler en 1931 par Herbert Rosinski47. Clausewitz avait joué un rôle déterminant dans la Convention de Tauroggen, puisqu’il l’avait préparée ; il avait été, pour la partie russe, l’un des interlocuteurs du général von Yorck48. Certes, cette rencontre ne détermina pas immédiatement l’intérêt de Raymond Aron pour la stratégie. Christian Malis a expliqué comment et pourquoi Aron ne s’en est saisi que tardivement : le moment décisif fut l’exil à Londres de 1940 à 1944. En revanche, la présence de l’histoire, l’efficace sur les masses des mythes historiques nationaux comme celui de la reine Louise, que cette emprise fût relayée et amplifiée par les moyens modernes comme le cinéma, tout cela ébranlait manifestement les convictions du jeune philosophe. Alors même qu’il savait déjà que l’idée européenne n’avait pas l’envergure d’un mythe, la force des mythes nationaux allemands lui était démontrée par l’expérience. La conception dynamique propre à la philosophie allemande de l’histoire risquait de bousculer avant peu les tranquilles certitudes intellectuelles des Français. La lettre à Pierre Bertaux témoigne d’une inquiétude profonde. À plus long terme, Raymond Aron allait se souvenir des Befreiungskriege pour travailler au rapprochement franco-allemand sur des bases plus solides49. Dans cette perspective, Clausewitz allait apparaître, quoique tardivement, comme un enjeu décisif du rapprochement franco-allemand, lui-même condition sine qua non de toute organisation européenne.
26En 1932, on n’en était pas là, puisque la Stimmung des salles de cinéma berlinoises pouvait faire désespérer, elle recréait une situation d’inimitié radicale entre Allemands et Français. C’est alors qu’Aron a discuté avec Herbert Rosinski le livre de Carl Schmitt, La notion de politique50, qui fonde le politique sur l’antagonisme ami-ennemi. Cette rencontre intellectuelle n’eut pas de conséquences immédiates, mais à long terme, à partir des années 50, la confrontation avec la philosophie de Schmitt, notamment autour de l’interprétation de Clausewitz, allait tenir une place décisive dans l’œuvre d’Aron. Dès 1932, celui-ci avait compris l’importance de l’histoire concrète. Dans son exposé du 14 mars 1931 au siège de l’Union pour la vérité, puis en juillet dans Libres Propos51, il avait critiqué le projet de Coudenhove-Kalergi qu’il jugeait désormais trop abstrait. Il n’en parla plus par la suite.
27Dans les Mémoires, Aron considère ses articles de 1932 comme les premiers qu’il puisse revendiquer52. C’est alors que se situe l’épisode, souvent commenté, de l’entrevue avec Joseph Paganon, sous-secrétaire aux Affaires étrangères, qui laissa Aron embarrassé en lui demandant ce qu’il ferait à la place du ministre53. Dans les articles de 1932, la mobilisation de l’histoire par l’idéologie et l’analyse socio-économique prennent une importance décisive ; elles s’organisent en une véritable méthode. Ainsi, la rupture avec l’européisme des années précédentes conduit à une certaine réhabilitation de Briand dans les « Réflexions de politique réaliste » publiées en mai 1932 dans Libres Propos :
« Briand a donné le modèle : créer une mystique, s’appuyer sur une opinion, et mettre en œuvre les moyens diplomatiques. Malheureusement, il n’a pas eu le courage de vouloir assez, ni de risquer assez tôt. Et la crise a brutalement arrêté l’entreprise. Quel politique reprendra la tâche à pied d’œuvre54 ? »
28Il s’agissait toujours de dépasser les rivalités de puissance de l’équilibre européen qui avaient conduit à 1914. En revanche, Aron mettait désormais l’accent sur les circonstances, et il voyait désormais, en lieu et place de la Verständigung, l’action politique d’un homme d’État capable de « créer une mystique ». Les perspectives de paix ne dépendaient donc plus de l’union des âmes à la base, mais de la fermeté des dirigeants, donc de la politique conduite au sommet. Alors que Briand venait de mourir après avoir échoué, Raymond Aron lui rendait ainsi un hommage mesuré : sa méthode pouvait encore constituer un exemple, mais les circonstances – crise et montée en puissance du nazisme – imposaient d’imaginer autre chose. Il incombait aux dirigeants, concluait Aron, de reprendre les rênes. En revanche, la recherche d’une détente franco-allemande restait un objectif. Aron évoquait ainsi « le droit à la vie des nouvelles générations » pour plaider l’abrogation définitive des réparations suspendues par le moratoire Hoover55. Il voyait dans la montée du nazisme l’aspiration d’un peuple déchiré à reformer une communauté nationale56. Il s’inquiétait du danger que représentait ce peuple déchiré mais puissant, divisé en foules fanatisées. Par là, il montrait aussi les limites de l’universalisme français dont les valeurs « formelles » et « abstraites », ne pouvaient avoir aucune prise sur les Allemands ; les valeurs de 1789 n’auraient pas d’influence sur les événements. Cette idée fut reprise dans la « Lettre ouverte d’un jeune Français à l’Allemagne » en février 1933 : « La doctrine de l’universel ne vaut que si elle a traversé d’abord la matière rebelle. Si elle est riche de réalités actuelles, elle devient ridicule lorsqu’elle maintient des préjugés français ou des dogmes usés57. »
29Aron évoluait vers le réalisme politique. Dans la conclusion des « Nouvelles perspectives allemandes » en février 193258, il évoquait encore la responsabilité de la France et appelait au désarmement inconditionnel de sa patrie. Quelques mois plus tard, il s’exprimait de manière sensiblement différente : « Sans renoncer à une supériorité d’armements qui est devenue aujourd’hui une garantie nécessaire, nous devrions réduire nos armements59. » La conversion au réalisme a donc précédé l’avènement du IIIe Reich. En revanche, l’appel au dépassement du conflit franco-allemand perdurait. « Passons l’éponge », avait proposé Aron lors du troisième entretien de la rue Visconti en mars 1931, lorsque Richard Rohden avait évoqué la responsabilité imputée à l’Allemagne dans le déclenchement de la Grande Guerre. Conscient de la haine croissante des nationalistes allemands, Aron ne voyait pas dans l’Allemagne un Erbfeind ; il restait au contraire convaincu de la solidarité du destin des deux peuples : « bon gré, mal gré, le destin de l’Allemagne est aussi le destin de l’Europe60 ».
30Raymond Aron n’avait pas changé : il souhaitait toujours la réconciliation franco-allemande, dans laquelle il voyait la condition nécessaire de la paix en Europe. Pourtant, il constatait qu’il fallait tenir compte de la nouvelle situation politique. L’exposé sur la question allemande qu’il fit à Pontigny à l’été 1932 fut très pessimiste. Il expliquait l’impossibilité d’un dialogue authentique, voire d’un rapprochement entre Français et Allemands : « Comment lier notre sort à celui d’un peuple que l’angoisse métaphysique entraîne de triomphe en catastrophe vers un avenir inconnu61 ? »
31Selon Aron, l’incompréhension était en effet à la fois intellectuelle, les Allemands privilégiant la compréhension là où les Français tenaient au jugement critique, et politique, puisque les Allemands hantés, non sans raison, par le spectre de la guerre civile, pensaient en terme de Gemeinschaft (communauté politique) là où les Français partaient de l’individu-citoyen.
32À la veille de l’arrivée au pouvoir d’Hitler, en janvier 1933, la « Lettre d’un jeune Français à l’Allemagne » témoignait de cet état d’esprit62. L’idée d’Europe y revient à dix reprises. Aron commence par dire de manière désabusée à Emmanuel Mounier : « Mon témoignage sera, si tu veux bien, celui d’un jeune Français qui a éprouvé sur place la force actuellement inévitable des nationalismes et qui n’aperçoit d’autre chemin vers l’idéal européen que celui qui passe par les accords des grandes puissances. Locarno a échoué63. » Il ne s’agissait cependant plus de faire des concessions. Aron souhaite alors une France « sûre de soi, forte et tranquille64 », à laquelle reviendrait l’initiative. L’internationalisme socialiste n’apparaissait plus comme une force susceptible d’endiguer les nationalismes, puisque les socialistes étaient eux-mêmes tout engagés dans les luttes politiques nationales et solidaires de politiques protectionnistes décidées à l’échelle des nations. L’article concluait donc à l’échec au moins provisoire de l’internationalisme. On n’est citoyen que d’un État : « Aucune doctrine, vaguement révolutionnaire, ne justifie donc le sabotage des administrations et le mépris du sens civique. On peut agir aujourd’hui comme communiste ou comme Français. Comme citoyen du monde on peut bavarder ou rêver65. »
33On est en revanche surpris par l’absence d’une analyse de la politique étrangère nazie sous sa plume ; celle-ci n’est esquissée qu’en 193966. Sans doute existe-t-il des raisons. Raymond Aron a quitté l’Allemagne en avril 1933 et n’y est plus retourné avant 1946. En 1933-1934, il enseigne un an au Havre, puis travaille à sa thèse soutenue au printemps 1938. À partir de 1935, les travaux universitaires occupent l’essentiel de son temps et les analyses d’actualité – malgré le lien intrinsèque de sa philosophie avec le temps présent et « l’histoire immédiate » – sont suspendues jusqu’à leur reprise dans les chroniques de guerre, donc après la défaite de mai-juin 40. De manière étonnante, il ne semble pas qu’Aron ait lu Mein Kampf avant 193867, alors qu’il s’efforçait dès 1932 de décrire le mécanisme de la montée en puissance du nazisme, puis, après le 30 janvier 1933, de comprendre la mise en place de l’État totalitaire. La première allusion à une lecture probable de Mein Kampf est dans une lettre qu’il a adressée à Alfred Fabre-Luce en 193868. Peut-être faut-il en chercher la raison dans le mépris qu’inspiraient à Aron le national-socialisme en général et le Führer en particulier. En 1933, Aron insista sur les conséquences catastrophiques du IIIe Reich dans les universités allemandes. Il fut impressionné par un autodafé nazi dont il fut témoin en compagnie de Golo Mann, au point qu’il reprit plusieurs fois cet épisode dans ses derniers livres. Le récit met toujours en avant la portée symbolique de cette sinistre cérémonie : les nazis apparaissent comme les ennemis et destructeurs de la culture allemande authentique dont ils usurpent l’héritage. Ils sont nihilistes. À vrai dire, un seul texte antérieur à 1939 nous renseigne, de manière fugitive, sur l’opinion d’Aron à l’égard du programme hitlérien de politique étrangère. Il s’agit de l’article « La Révolution nationale en Allemagne69 » de septembre 1933, dans lequel Aron commente un texte de Trotski publié dans Europe du 15 juillet : Aron approuve alors l’analyse que faisait Trotski du succès diplomatique remporté par Hitler le 17 mai 1933, lors d’un discours au Reichstag qui avait surpris par sa modération et sa tonalité pacifiste inattendue. L’article de Trotski, intitulé « Hitler et le désarmement », invitait les lecteurs à ne pas se laisser abuser par l’image du Führer :
« Ce qu’il y a de plus dangereux, c’est de ne pas apprécier exactement son ennemi uniquement parce que son système sort des cadres de la routine. Réduire la question à affirmer qu’Hitler est un démagogue, un hystérique et un acteur, c’est fermer les yeux et ne pas voir les dangers. Toute hystérie ne mène pas à la prise du pouvoir. Dans l’hystérie du national-socialisme, il doit en tout cas exister un système. Malheur à ceux qui ne le comprendront pas à temps70 ! »
34Pour Trotski, le militarisme était consubstantiel au morcellement économique de l’Europe. Les armées coûteuses servaient à maintenir les barrières douanières, elles-mêmes causes, selon lui, de la décadence européenne. Trotski montrait, derrière les déclarations pacifistes, le programme hitlérien d’expansion à l’Est : la revendication du droit à l’égalité pour l’Allemagne au nom du droit des peuples, en contradiction évidente avec la Weltanschauung raciste des nazis, visait la reconstitution de la puissance militaire allemande, préalable au programme de conquête. Hitler avait déclaré qu’il n’entendait pas germaniser les Polonais. Trotski donnait une interprétation horrible, mais lucide de cette concession apparente : « Les nazis sont contre l’assimilation mais non contre l’annexion. Ils préfèrent exterminer les peuples “inférieurs” vaincus plutôt que de les germaniser71. »
35Pour Trotski, Hitler allait réaliser le programme impérialiste du capitalisme allemand. Mais au-delà de cette interprétation idéologique, le fondateur de l’Armée Rouge voyait aussi la réalité géopolitique. Le but principal d’Hitler étant l’expansion à l’Est, Trotski pensait que le dictateur nazi obtiendrait facilement, du fait de l’affinité idéologique des deux régimes, le soutien de l’Italie fasciste. En revanche il lui serait plus difficile d’obtenir de la Grande-Bretagne les mains libres à l’Est. Pour atteindre cet objectif, le IIIe Reich devrait jouer sur l’anticommunisme et apparaître comme le champion de l’Occident dans le cadre d’une croisade contre l’URSS. Hitler pourrait ainsi défaire les nœuds par lesquels le traité de Versailles entravait l’Allemagne. Trotski concluait que la préparation de la guerre était le cœur même de la politique hitlérienne. Le fascisme était l’expression de « l’impasse historique » de l’Europe, à la fois produit et instrument de la décadence européenne.
36La remarque de Raymond Aron sur ce texte indique qu’il connaissait le programme hitlérien de politique étrangère et qu’il ne se faisait aucune illusion sur le pacifisme du dictateur. Cette connaissance concorde avec le fait qu’il envisageait désormais le maintien de la paix dans le cadre d’un rapport de force, où il convenait de conserver la supériorité militaire de la France. Dans l’article de septembre 1933, Aron nuançait son approbation des thèses de Trotski72 : accord sur le fond, mais, disait-il « je ne pense pas que les plans du dictateur soient si précis et si nets ». Par la suite, Aron allait osciller dans son évaluation du nazisme ; tantôt il reconnut au dictateur un génie diabolique, tantôt il eut l’impression que l’on avait assisté « aux improvisations d’un aventurier73 ». Il suffit pour le moment de constater qu’en 1933, bien qu’il n’eût aucune sympathie pour le communisme, Aron était d’accord avec Trotski pour voir en Hitler la principale menace qui pesât sur l’Europe. Hitler était bien l’ennemi objectif de la France et de l’URSS et, bien que ni Trotski, ni Aron ne fussent des thuriféraires du traité de Versailles, l’entreprise hitlérienne pour démolir ce dernier annonçait une situation bien pire que ce que l’on avait connu depuis la conférence de la paix.
37Dans la conférence « Une révolution antiprolétarienne74 », Aron rejeta clairement l’idée que le nazisme exprimait la nature profonde de l’Allemagne : « Le national-socialisme, comme on l’a dit, est très spécifiquement germanique : reste à savoir s’il n’est pas surtout la caricature de l’Allemagne éternelle. » L’Allemagne devait être comprise à partir de son histoire et du rapprochement des épisodes tragiques, notamment dans les relations avec la France : ainsi les Befreiungskriege75 et l’occupation de la Ruhr76. La défaite avait suscité la guerre civile en 1918-1919, puis la crise avait de nouveau porté le peuple allemand au bord de la guerre civile. « Grâce à l’hitlérisme, la réconciliation sembl[ait] faite77. » Par ailleurs, Raymond Aron ne jugeait plus la France responsable des tensions ; il avait compris que la politique de déflation du gouvernement Brüning avait amplifié la crise78. Dans la Lettre ouverte d’un jeune Français à l’Allemagne, écrite peu avant la fin du régime de Weimar, il avait déjà dit que certains des problèmes de l’Allemagne ne pourraient pas trouver de réponse ailleurs qu’en elle-même. Que l’Allemagne cesse, avait-il écrit, « de se poser toujours en martyr ». Ni la question de la réforme agraire en Prusse, ni la solution aux problèmes de « l’organisation surindustrielle » ne trouveraient la moindre solution, si ce n’était en Allemagne même.
38C’est en 1935 que parut le premier livre de Raymond Aron79. Il allait se consacrer ensuite jusqu’à la veille de la guerre à ses travaux philosophiques. La conférence de 1935, « Une révolution antiprolétarienne », apparaît ainsi rétrospectivement comme une conclusion provisoire sur l’expérience allemande acquise pendant les séjours à Cologne et à Berlin de 1930 à 1933. Le jugement était clair :
« À mes yeux, le national-socialisme est une catastrophe pour l’Europe, parce qu’il a ravivé une hostilité presque religieuse entre les peuples, parce qu’il a rejeté l’Allemagne vers son rêve ancien et son péché de toujours : sous couleur de se définir orgueilleusement dans sa singularité, l’Allemagne se perd dans des mythes, mythe sur soi-même et mythe sur le monde hostile80. »
39Les préparatifs guerriers de l’Allemagne ne faisaient alors plus aucun doute. Faute d’une entente désormais impossible, il ne resterait plus qu’« une paix fragile fondée sur la force et la crainte81 ». Mais le contact d’Aron avec l’Allemagne avait aussi été le moment de découvertes intellectuelles importantes qui eurent des répercussions sur sa compréhension de l’histoire européenne. Celle-ci constitue l’arrière-plan de sa thèse de philosophie, soutenue le 26 mars 1938.
Notes de bas de page
1 Mémoires, p. 55.
2 Raymond Aron 1905-1983, Histoire et politique, Commentaire, no 28-29, Paris, Julliard, 1985, 541 p. ; p. 281-283.
3 Les Vingt ans de Raymond Aron, émission du 7 mai 1981. Archives INA.
4 Mémoires, p. 67.
5 NAF 28060, boîte 206, correspondance avec Pierre Bertaux.
6 Alain, Mars ou la guerre jugée, Paris, Gallimard, 199 p., lxxiv.
7 Voyez Raymond Aron, Chroniques de guerre. la France Libre 1940-1945, Paris, Gallimard, 1990, p. 492. Voyez aussi D. W. Brogan, The French Nation from Napoleon to Pétain 1814-1940, New York, Harpers and Brothers, 1957, p. 264.
8 Raymond Poidevin et Jacques Bariety, Les relations franco-allemandes 1815-1975, Paris, Armand Colin, 1977.
9 Raymond Aron, « Lettre d’Allemagne », Libres Propos, décembre 1930, p. 570. Voir aussi Joachim Stark, Raymond Aron : Über Deutschland und den Nationalsozialismus, Frühe politische Schriften 1930-1939, Opladen, Leske und Budrich, 1993, 337 p. Voyez aussi du même auteur « Zwischen Devoir présent und Incertitudes allemandes. Raymond Aron in den Jahren 1928 bis 1932 », Lendemains, 66, 17e année, 1992, p. 49-58.
10 Voyez Joachim Stark, Raymond Aron : Über Deutschland und den Nationalsozialismus, p. 25, n. 4.
11 Raymond Aron, « “Autre impasse” ou “Devoir présent” », Europe, février 1931, p. 281-286.
12 Si l’on en croit Georges Guy-Grand, directeur annuel de l’Union pour la vérité, dans son avant-propos aux Problèmes franco-allemands d’après-guerre, p. 13 : « L’ardeur émouvante de quelques participants lui donna parfois de la fièvre. »
13 Problèmes franco-allemands d’après-guerre, Entretiens au siège de l’Union pour la vérité, Paris, Valois, 1932, 238 p. Voyez p. 43.
14 Thomas Mann, « Appel à la raison », Europe, no 96, 15 décembre 1930, p. 457-481.
15 Voir Golo Mann, Erinnerungen und Gedanken. Eine Jugend in Deutschland, Fischer, Frankfurtam-Main, 2002, 575 p. (1re édition 1986). Voyez p. 389-390. Voyez Thomas Mann, Deutsche Ansprache. Ein Appell an die Vernunft., Fischer, Berlin, 1930, 29 p.
16 Jean Guéhenno, « La paix se paie », Europe, no 96, « Guerre et paix. », 15 décembre 1930, p. 505.
17 Jean Guéhenno, art. cit., p. 508.
18 Art. cit., p. 509.
19 Sur ce point, voir Golo Mann, Erinnerungen und Gedanken. Eine Jugend in Deutschland, p. 389.
20 Europe, no 96, 15 décembre 1930, p. 464.
21 Ramon Fernandez, « L’Autre impasse (À propos des raports franco-allemands) », La Nouvelle Revue française, no 208, 1er janvier 1931, p. 113-123.
22 Ibid., p. 119.
23 Ibid., p. 120. Nous soulignons.
24 Raymond Aron, « Autre impasse » ou « devoir présent », Europe, février 1931, p. 281-286.
25 Ibid. Voir aussi Mémoires, p. 62 : « Ce que nous tous, les pensionnaires de l’Akademiker Haus, nous ne comprenions pas, ou pas assez, c’était l’aberration de la politique économique de Brüning, la déflation, l’équilibre du budget. » Et en note : « Nous ne comprenions pas non plus que Brüning voulait aussi, peut-être, par-dessus tout, démontrer l’impossibilité de payer les réparations et en obtenir la suppression – ce qu’il obtint en effet. »
26 Raymond Aron, « “Autre impasse” ou “Devoir présent” », Europe, no 2, février 1931, p. 283.
27 Ibid., p. 283.
28 Sur le projet Briand d’Union européenne, voir Jean-Baptiste Duroselle, « L’Unité politique de l’Europe : espoirs et désillusions », in Science et conscience de la société. Mélanges en l’honneur de Raymond Aron, Paris, Calmann-Lévy, 1971, t. II, p. 475 : selon Jean-Baptiste Duroselle, « Briand, tacticien habile, n’est pas un doctrinaire. Sa proposition a l’air d’aller loin lorsqu’il dit : “Je pense qu’entre des peuples qui sont géographiquement groupés comme ceux d’Europe il doit exister une sorte de lien fédéral.” Mais, fort indifférent au droit constitutionnel, Briand ignore visiblement ce qu’est une fédération. […] il veut ce “lien fédéral, sans toucher à la souveraineté d’aucune des nations”. […] Briand n’a nullement cherché à créer des “États-Unis d’Europe” (comme l’avait dit Édouard Herriot le 25 janvier 1925). Il veut, entre les États et la SDN, organisme mondial, créer un échelon européen ».
29 Problèmes franco-allemands d’après-guerre, entretiens tenus au siège de l’Union pour la vérité, Paris, Valois, 1932, p. 43.
30 Ibid.
31 Ibid., p. 41.
32 Raymond Aron, « Simples propositions du pacifisme », Libres Propos, février 1931.
33 Problèmes franco-allemands d’après-guerre, p. 146-147.
34 Entretien du 14 mars 1931 au siège de l’Union pour la vérité, in Problèmes franco-allemands d’après-guerre.
35 Ibid., p. 150.
36 Le mot allemand Bürger désigne le bourgeois, mais aussi et surtout le citoyen. La signification politique du mot y est ainsi prépondérante, alors que le mot français de bourgeois, dans la langue ordinaire, renvoie d’abord au statut social.
37 Ibid., p. 168.
38 Raymond Aron, « Désarmement ou union franco-allemande ? », Libres Propos, août 1932. Aron y reprend l’idée de l’union ou du bloc. À cette date, les rôles sont renversés, Aron a clairement assumé le calcul des forces en présence et défend des thèses réalistes face au pacifiste Jacques Kayser.
39 Édouard Herriot avait prononcé à la Chambre des députés, le 8 mai 1931, pour dénoncer derrière l’union douanière le projet de l’Anschluß, un discours mémorable. On le prenait « pour un âne », avait-il dit, si l’on croyait qu’il ne voyait pas où l’Allemagne voulait en venir.
40 Raymond Aron, « Révision des traités. Lettre d’Allemagne », Libres Propos, mai 1931, p. 221.
41 Ibid., p. 222-223.
42 Raymond Aron, « Lettre d’Allemagne », Libres Propos, février 1932 (article daté du 29 janvier 1932).
43 Raymond Aron, « Nouvelles perspectives allemandes », Europe, no 110, 15 février 1932, p. 295-305.
44 Ibid., p. 298.
45 Ibid., p. 299, n. 1.
46 Bibliothèque nationale, Fonds Raymond Aron, NAF 28060, boîte 206. Cité dans Raymond Aron, Histoire et politique 1905-1983, Commentaire, no 28-29, 1985, p. 283.
47 Raymond Aron, Penser la guerre, Clausewitz, Paris, Gallimard, 1976, t. I, « L’âge européen », p. 9 : « Ma première rencontre avec Clausewitz remonte à quarante ans. À Berlin, au cours des deux années qui précédèrent l’arrivée au pouvoir d’Hitler, je me liai avec un historien, de formation philosophique, qui portait aux choses militaires, stratégie et organisation des armées, un intérêt privilégié. » Sur Yorck, voir les p. 58 et 59 du premier volume de Penser la guerre. Le récit de Clausewitz concernant Yorck est dans Hinterlassene Werke, VII, Der russische Feldzug von 1812, Berlin, Dümmler, 1835, p. 210-211.
48 Raymond Aron, De l’historisme allemand à la philosophie analytique de l’histoire, cours au Collège de France, 1972-1973, Leçons sur l’histoire, Paris, Le Livre de Poche, « Références », 2007 p. 198 (1re édition Paris, De Fallois, 1989).
49 Voyez par exemple la référence qu’il y fait dans les conférences de Bruxelles sur l’Europe en 1975. L’Europe des crises, Bruxelles, Bruylant, 1976, 3e conférence du 30 avril 1975, « Fin d’un mythe ? », p. 126.
50 Raymond Aron, Penser la guerre, Clausewitz, t. I, p. 9.
51 Raymond Aron, Libres Propos, « Lettre d’Allemagne. De l’Anschluß à Hoover », Libres Propos, juillet 1931.
52 Mémoires. Voyez p. 58.
53 Ibid., p. 59. Voyez aussi Nicolas Baverez, Raymond Aron, Un moraliste au temps des idéologies, p. 88, et Matthias Oppermann, Raymond Aron und Deutschland, p. 63.
54 Raymond Aron, « Lettre d’Allemagne. Réflexions de politique réaliste », Berlin, le 26 avril 1932, Libres Propos, mai 1932, p. 265-268.
55 Raymond Aron, « Combien l’Allemagne a-t-elle payé ? », Libres Propos, mai 1932.
56 Raymond Aron, « Allemagne, juin 32 », Europe, juillet 1932, p. 496.
57 Raymond Aron, « Lettre ouverte d’un jeune Français à l’Allemagne », Esprit, février 1933, p. 735-743, p. 735 pour cette citation.
58 Raymond Aron, art. cit., Europe, février 1932, p. 305.
59 Raymond Aron, « Allemagne, juin 32 », Europe, juillet 1932, p. 497.
60 Ibid.
61 Raymond Aron, « Allemagne, juin 32 », art. cit. p. 498. L’exposé d’Aron à Pontigny à l’été 1932 est connu par les notes de Georges Guy-Grand, président de l’Union pour la Vérité, notes qui ont été signalées par François Chaubet, Paul Desjardins et les décades de Pontigny, p. 238-239.
62 Raymond Aron, Esprit, février 1933, « Lettre ouverte d’un jeune Français à l’Allemagne », p. 735-743.
63 Ibid., p. 736.
64 Ibid., p. 741.
65 Ibid.
66 Dans sa contribution au débat « États démocratiques et États totalitaires » à la Société française de philosophie en juin 1939.
67 Voyez Matthias Oppermann, op. cit., p. 147, note 357.
68 Archives nationales, Fonds Alfred Fabre-Luce 472 AP2, Lettre de Raymond Aron à Alfred Fabre-Luce du 24 juillet 1938. Reproduite dans le Fonds Raymond Aron, Bibliothèque nationale, NAF 28060, boîte 206, publiée dans Commentaire, no 127, Automne 2009, p. 597.
69 Raymond Aron, « La Révolution nationale en Allemagne », Europe, no 129, septembre 1933, p. 125-138.
70 Léon Trotski, « Hitler et le désarmement », Europe, 15 juillet 1933, p. 440.
71 Ibid., p. 442.
72 Raymond Aron, « La Révolution nationale en Allemagne », Europe, no 129, septembre 1933, p. 138.
73 Voyez Les Guerres en chaîne, p. 51-55, et Penser la guerre. Clausewitz, I, p. 78 sq.
74 Raymond Aron, « Une révolution antiprolétarienne », in Inventaires. La crise sociale et les idéologies nationales, Paris, Alcan, 1936, 222 p. ; p. 24-55.
75 Ibid., p. 26.
76 Ibid, p. 35.
77 Ibid., p. 29.
78 Ibid., p. 36.
79 Raymond Aron, La Sociologie allemande contemporaine, Paris, Félix Alcan, 1935, 176 p.
80 Raymond Aron, « Une révolution antiprolétarienne », p. 54.
81 Ce sont les derniers mots d’« Une révolution antiprolétarienne ».
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Raymond Aron et l’Europe
Ce livre est cité par
- Stewart, Iain. (2019) Raymond Aron and Liberal Thought in the Twentieth Century. DOI: 10.1017/9781108695879
- (2017) Les Français en guerres. DOI: 10.3917/perri.coche.2017.01.0497
- Bachelier, Christian. (2015) The Companion to Raymond Aron. DOI: 10.1007/978-1-137-52243-6_21
- Oppermann, Matthias. (2015) The Companion to Raymond Aron. DOI: 10.1007/978-1-137-52243-6_4
Raymond Aron et l’Europe
Ce livre est diffusé en accès ouvert freemium. L’accès à la lecture en ligne est disponible. L’accès aux versions PDF et ePub est réservé aux bibliothèques l’ayant acquis. Vous pouvez vous connecter à votre bibliothèque à l’adresse suivante : https://0-freemium-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/oebooks
Si vous avez des questions, vous pouvez nous écrire à access[at]openedition.org
Référence numérique du chapitre
Format
Référence numérique du livre
Format
1 / 3