5. Individuation et subjectivité. Le modèle libertaire
p. 79-90
Texte intégral
1L’histoire de l’anarchisme et la pensée libertaire sont mal connues. Et il n’est sans doute pas inutile de rappeler rapidement ce que l’on entend lorsqu’on parle d’anarchisme ou de modèle libertaire. Très schématiquement on peut dire que cette histoire et ce modèle sont liés à trois grands moments assez nettement différents les uns des autres mais se faisant écho et tous les trois nécessaires pour saisir de quoi il est question.
2Le premier correspond à l’apparition d’une pensée se référant de façon positive à l’anarchie, au milieu du XIXe siècle et plus précisément en 1840, avec le livre de Proudhon Qu’est-ce que la propriété ?1. Ce premier moment est principalement d’ordre théorique et journalistique. Il n’existe pas encore de groupes ou de mouvements se réclamant politiquement de l’anarchisme, mais seulement un certain nombre d’auteurs, Proudhon principalement, mais aussi Stirner et son livre L’unique et sa propriété(1845), Ernest Coeuderoy, un médecin exilé en Suisse après la révolution de 1848, Joseph Déjacque, un poseur de papiers peints, l’inventeur du terme libertaire et, un peu plus tard, Bakounine qui fait la jonction avec la période suivante2. La plupart de ces auteurs se sont lus et se connaissent mais ils ne se sont jamais concertés, ni n’ont jamais envisagé de former un groupe ou une école politique. Chacun d’entre eux parle pour lui-même, à partir de ce qu’il perçoit et du monde où il vit, mais (rétrospectivement) dans une mystérieuse unité où toute une dimension de l’époque et de ses possibles s’exprime spontanément dans chacun de leurs écrits.
3À ce premier moment de l’anarchisme, un moment que l’on peut qualifier de théorique, succède une seconde période assez nettement différente mais certainement la plus importante et que l’on aurait tort de réduire à une simple application pratique. Elle correspond, un peu partout dans le monde, à l’apparition d’un grand nombre d’expérimentations ouvrières à caractère libertaire et révolutionnaire. Cette phase dure une soixantaine d’années, en gros depuis la Fédération Jurassienne issue de la première internationale, au début des années 1870 et qui regroupe les ouvriers horlogers du Jura Suisse, jusqu’à l’écrasement de l’anarcho-syndicalisme espagnol au printemps 1937. Ce second moment est important car, sans se référer forcément à la période précédente, ses différentes manifestations donnent, sous forme de variation et chacune à partir de conditions très particulières, un contenu concret et effectif au modèle libertaire, un contenu diversifié, sporadique, minoritaire, souvent de brève durée mais toujours renaissant et traversant peu ou prou l’ensemble des mouvements ouvriers d’alors, même les plus modérés ou les plus réformistes. Il n’est pas possible de passer en revue l’ensemble de ces expérimentations ouvrières et libertaires, mais on peut rappeler leurs principales cristallisations organisationnelles : avec la Fédération Jurassienne et la Confédération Nationale du Travail espagnole (CNT) (de 1911 à 1939) dont il vient d’être question, mais aussi, en France, la Fédération des Bourses du Travail et les débuts de la CGT, l’Union Syndicale Italienne (USI), de 1912 à 1922, la SAC suédoise (Sveriges Arbetares Centralorganisation) de 1910 à 1934, la Fédération ouvrière Régionale d’Argentine (FORA) de 1901 à 1930, la CGT portugaise de 1919 à 1924, la NAS hollandaise (secrétariat national des travailleurs) de 1895 jusqu’au début des années vingt, la FAUD (libre union des travailleurs allemands) au début de la même décennie, les IWW (Industrial Workers of the World ) aux USA et en Amérique du nord de 1905 à 1917, mais également beaucoup d’autres mouvements analogues, en Russie, au Brésil, en Uruguay, au Mexique, au Japon, en Bulgarie, etc. Ces expériences sont mal connues et ont fait l’objet de trop peu de travaux approfondis, à l’échelle de chacune d’entre elle et surtout localement pour les plus importantes3. Et c’est dommage, car elles fournissent en actes, mais aussi à travers de nombreux écrits, un répondant au moment précédent, aux textes théoriques de Proudhon et de Bakounine par exemple.
4Il est évidemment difficile d’exposer en peu de mots ce que disent ces expériences (du point de vue sociologique). Mais, de façon forcément abstraite et générale, on pourrait le résumer en quatre grandes propositions : – le choix de la discontinuité contre la continuité ; – le choix de l’indéterminé contre le déterminé ; – le choix de l’instant contre la durée ; – le choix du local contre la globalité, la structure et les lois générales. Deux brèves citations permettent d’illustrer, de façon provisoire et à titre de sondage, l’originalité (d’abord un peu énigmatique) de cette pensée et de ces expérimentations. La première date de 1913. Elle est tirée d’un article de Nano Vasco, un leader ouvrier de Sao Paulo, et porte sur ces réalités particulières que sont les organisations politiques et sociales. Vasco écrit ceci :
« Les organisations artificielles sont inutiles et nocives […], le temps ne peut pas être un élément de discussion, l’organisation aura la durée d’une seconde ou d’un siècle, conformément aux besoins » (« Sundicalismo revolucionario », dans A voz do Trabalhador, n ° 25 15/02/1913).
5La seconde est plus ancienne et porte cette fois sur la nature des rapports internes des groupements libertaires. Elle date de 1882, au cours d’une réunion anarchiste internationale tenue à Genève. Elle conclut l’intervention d’un délégué de la ville de Sète dont les sources policières ou militantes n’ont pas conservé le nom et qui met lui-même fin à une réunion apparemment fructueuse et efficace car c’est sous les applaudissements enthousiastes de tous les participants qu’il s’écrie : « Nous sommes unis parce que nous sommes divisés4 ! »
6Ce dernier énoncé peut (à juste titre) sembler étrange. S’il illustre (trop) bien les quatre propositions qui précédent, il manifeste également, comme les historiens n’ont pas manqué de le souligner, le caractère apparemment incohérent d’un courant politique capable de se reconnaître dans une affirmation aussi contradictoire. Anticipant la suite il n’est pas inutile cependant d’observer comment cette affirmation d’un obscur délégué ouvrier fait directement écho, rétrospectivement, à un autre énoncé très savant cette fois et sans doute la meilleure expression qui ait jamais été donnée du concept d’anarchie. Cette définition on la trouve sous la plume de Deleuze et de Guattari dans Mille plateaux. Ils l’empruntent à Antonin Artaud mais en lui donnant une signification et une ampleur assez nettement différentes et après avoir récusé toute interprétation hégélienne dont on connaît par ailleurs la capacité à réduire toutes les contradictions, mêmes les plus nécessaires. Cette définition ou plutôt cette désignation, très brève, est la suivante : « l’anarchie », une « étrange unité qui ne se dit que du multiple5 ».
7La logique du délégué de Sète, si évidente pour tous ses camarades, n’avait évidemment pas besoin d’être confortée par une autorité savante même aussi discutée que Deleuze et Guattari ; mais cette définition permet de passer au troisième moment de l’anarchisme. Il surgit après une longue éclipse des mouvements libertaires écrasés dans l’entre-deux-guerres par les totalitarismes rouges et bruns. Cette résurgence est liée à ce qu’il est convenu d’appeler les événements de 68, et ceci de deux façons : à travers des mouvements, des objectifs et des modes de revendications et d’action (autogestion, assemblées générales, luttes anti-autoritaires) qui, pendant quelques années traversent un grand nombre de pays un peu partout dans le monde ; mais aussi, du point de vue philosophique, en particulier en France, à travers des auteurs comme Deleuze et Foucault, et plus globalement et de façon diffuse, dans ce que l’on a appelé le nietzschéisme de gauche qui s’est alors affirmé comme une alternative révolutionnaire au marxisme longtemps hégémonique. Grâce à ce renouveau théorique de la pensée libertaire, il devenait possible de mieux saisir sa force et sa cohérence et surtout la façon dont elle s’inscrit dans une longue tradition jusqu’ici en grande partie invisible et qui lui semblait tout d’abord étrangère : de Spinoza à Whitehead en passant par Leibniz, Tarde, le pragmatisme américain, Bergson, Simondon et Nietzsche bien sûr.
8Comment caractériser la spécificité de la pensée libertaire, en particulier au regard de la question de l’individuation et de la subjectivité ? Cette spécificité exige de multiples approches et on peut tout d’abord la rapporter à deux questionnements :
91 – Le premier porte sur la question du cadre et des débordements ou plus précisément de ce qu’il y a en dehors des cadres, le fond ou le dehors sur lequel ils se détachent, à partir duquel les êtres s’individualisent et affirment leur identité. Pour l’anarchisme il s’agit d’abord de partir du fond et du dehors, de l’anarchie du dehors, du chaos, du désordre, non pour négliger les cadres, l’ordre, la forme ou les identités, mais en considérant que ces cadres, ces ordres, ces formes et ces identités ne sont eux-mêmes que des manifestations particulières et en grande partie trompeuses du chaos et du désordre dont ils sont issus, dont ils croient se distinguer alors même qu’ils les portent en eux, et auxquels il faut sans cesse les ramener pour comprendre leur propre nature6. En d’autres termes ou vu d’un autre point de vue, dans le modèle libertaire le chaos et le désordre ne sont pas dépourvus de formes, d’ordres, de cadres et d’identités. C’est très précisément l’inverse. Ils en ont trop, une surabondance et un excès de formes, d’ordres, de cadres et d’identités. À l’anarchie et à l’anarchisme s’applique assez précisément ce que Bergson dit du pragmatisme de Williams James : « trop de ceci, trop de cela, trop de tout7 ».
102 – D’où un second questionnement sur l’individu et sur la subjectivité. Pour le modèle libertaire, l’Individu universel et atomisé, clos sur lui-même, est évidemment lui aussi un mensonge oppresseur, au même titre que le Capital, Dieu et l’État dont il est le doublon immédiat ; au même titre que la multitude infinie des autres formes, ordres, cadres et identités possibles dès lors qu’ils prétendent se distinguer des autres, les soumettre à leurs lois, ou les renvoyer au néant supposé du dehors et du fond. Sur ce point la position libertaire pourrait se résumer ainsi : l’individuation et la subjectivité sont coextensives à l’anarchie des êtres, à leur surabondance dira le pragmatisme, au « peuple des monades » dont parle Gabriel Tarde, « uniformisées et asservies, mais toutes nées libres et originales, toutes avides, comme leurs conquérantes, de la domination et de l’assimilation universelles8 ». Deux citations permettent d’illustrer cette surabondance anarchique d’une multitude infinie d’entités radicalement différentes et autonomes : l’une est de Proudhon, elle est tirée d’un ouvrage publié en 1858 (De la Justice dans la Révolution et dans l’Église) ; l’autre est de Bakounine, elle a été écrite en 1870 dans un texte intitulé Considérations philosophiques sur le fantôme divin, sur le monde réel et sur l’homme, (Œuvres, III, Stock, 1908) Bakounine écrit ceci :
« Les choses n’obéissent point à des lois générales, […] Chaque chose porte sa loi, c’est-à-dire le mode de son développement, de son existence et de son action partielle en elle-même. » (p. 353-354, souligné par B.)
11La formulation de Proudhon est très proche :
« Chaque chose possède son absolu, sa substance en soi, son énergie propre, sa modalité à elle, bien que ce substratum, cette énergie, cette modalité, puisse rencontrer son analogue, voire même son semblable dans d’autres êtres […]9. » (De la Justice…, III, 401, souligné par P.)
12Il n’est pas possible de développer ici les nombreuses implications de ces deux affirmations, mais on peut faire deux remarques :
13– La première porte sur le mot chose qu’emploient Proudhon et Bakounine (et qui devrait réjouir les durkheimiens). Pour ces deux auteurs, le mode d’être, l’individualité et l’autonomie qui l’accompagne ne sont pas propres à ces êtres particuliers que sont les êtres humains, l’individu moderne par exemple. Mode d’être, autonomie, identité et individuation caractérisent toute chose sans exception. L’être humain et l’individu moderne sont des choses comme les autres. Et toutes possèdent leur propre substratum, dit Proudhon, donc de façon particulière, avec des qualités, des degrés, des intensités et une puissance propres dont la spécificité dépend également des mondes dans lesquels elles sont prises comme de la perspective que l’on adopte sur eux, de la relation que l’on entretient avec eux, ou, dit dans le vocabulaire de Proudhon, de la série prise en compte : la vitesse par exemple. Dans la vitesse et du point de vue de la connaissance, le cheval de course est analogue au lévrier, forme une série avec lui et bien d’autres choses encore. Dans la reproduction par contre ce même cheval de course rejoint le cheval de labour qui, du point de vue de la vitesse et du repos, se retrouve du côté du bœuf, etc.
14— La seconde remarque est double et elle exige un plus long développement. Elle porte à la fois sur le caractère composé et sur la transformation incessante de ces choses dont les êtres humains font partie. Proudhon par exemple établit des degrés dans l’autonomie et la puissance des êtres. Mais ces différents degrés ne renvoient pas à un ordre ou à des hiérarchies fixes et permanentes, sur le modèle des organes et des organismes ou des modes de classification de l’ornithologiepar exemple10. Comme le dit le militant brésilien cité plus haut à propos de l’organisation justement, dans le modèle libertaire les êtres ont, suivant les ruptures et transformations incessantes des situations et des événements qui les justifient et leur donnent leur sens, la durée d’une seconde ou d’un siècle sans jamais cesser d’être éphémères et de se transformer alors même qu’ils durent. Cette transformation incessante des choses, qui ne sont ni « jamais la même ni tout à fait une autre », comme le dit Verlaine à propos de sa perception sérielle des femmes, ne tient donc pas d’abord (ou seulement) à un développement linéaire, de l’œuf au poulet rôti du dimanche par exemple. Elle tient au caractère composé et emboîté ou impliqué des êtres comme à l’instabilité de l’équilibre des forces qui les constituent à un moment donné. Le transformisme généralisé et discontinu du modèle libertaire dépend de sa vision anarchique de la réalité, là où toute entité est toujours composée d’autres entités, elles-mêmes composées ; à l’infini. Pour Proudhon tout être, tout individu est un groupe, tout groupe est un individu, la nature par exemple, un corps de sapeurs pompiers, la société, l’humanité, une foule en colère, le capitalisme, un coucher de soleil. Pour Proudhon, l’individu, la personne est un « composé de puissances ». Ce composé est donc un rapport de forces en lutte incessante pour leur propre affirmation. D’où le caractère extrêmement instable et discontinu des êtres, de leur identité, de leur subjectivité et de leur individualité. Identités et individualités reposent sur un équilibre de forces à la fois associées de multiples manières mais se dominant et se combattant sans cesse, et cherchant sans cesse à aller jusqu’au bout de ce qu’elles peuvent à partir de ce qui les constitue elles-mêmes comme composés instables et provisoires d’autres forces, etc. De ce point de vue, le modèle libertaire permet de comprendre ce que dit Spinoza dans l’Éthique, « on ne sait pas ce que peut un corps11 », car trop de forces le constituent qui, en s’affrontant et en se modifiant elles-mêmes, modifient leurs propres rapports (de forces donc) et produisent sans cesse des corps différents, parfois étonnants : la CNT espagnole qui, en quelques heures, devient un appareil d’État par exemple, des comptables qui deviennent des directeurs de camps de concentration, des Bretonnes qui alimentent les réseaux de prostitution à Paris au début du XXe siècle tandis que la Corse fournit les souteneurs, etc.
15Pour désigner ce lieu et cette force composée instable qui donnent corps aux choses, aux individus, aux subjectivités, Proudhon et Bakounine utilisent deux principales notions ; la notion de résultante et la notion de foyer, au sens optique de ce dernier terme. On peut les résumer ainsi :
16Résultante. Dans l’homme comme dans toute chose, ce qui semble être au principe, au commencement de tel ou tel événement, de telle ou telle entité, de telle ou telle série, n’est qu’une résultante, un effet de composition qui se prend pour une cause, la cause de soi-même, de ses pensées et de ses actes, un effet de composition qui se prend pour un absolu (au sens premier du mot) et qui prétend imposer ses illusions despotiques aux forces qui le produisent comme à celles qui lui échappent, lorsqu’« incarné dans la personne » par exemple et « avec une autocratie croissante », l’absolu « se développ[e] dans la race, dans la cité, la corporation, l’État, l’Église […], s’établit roi de la collectivité humanitaire et de l’université des créatures […], devient DIEU » (De la Justice, III, 175).
17Foyer. Ce que la dimension critique de la notion de résultante autorise, pour le regard des autres, par exemple les barons s’adressant au premier capétien (« qui t’a fait roi ? »), objectivement, comme refus des illusions absolutistes du moi, le concept de foyer le répète mais autrement, comme source subjective des êtres cette fois. Chaque individu (chaque chose donc) est un « foyer » où s’expriment et se focalisent toutes les forces de la nature et de la société (telluriques, techniques, procédurales, psychologiques, musicales, etc.), toutes les transformations (il a changé de visage ! Il n’est plus le même ! ) dont la composition, la conjonction et l’équilibre instable de ces forces sont porteurs12.
18De cette constitution des êtres, comme résultante et comme focalisation individuelles, comme source objective et subjective de ce qu’ils sont à un instant donné, mais aussi de l’ampleur et de l’imprévisibilité de leurs transformations effectives et possibles, on peut donner un exemple tiré d’un petit opuscule écrit par Proudhon au début des années 1860 et intitulé De la concurrence entre les chemins de fer et les voies navigables13. Dans ce texte de circonstances, Proudhon permet de saisir, de façon simplifiée et illustrative, les effets de la rencontre entre le développement de cette entité nouvelle et particulière que sont les chemins de fer et ces autres entités que sont les paysans des « pays » parcourus (l’Ardèche par exemple) et qui étaient pris jusqu’ici dans d’autres réseaux : les chemins muletiers, les diligences, la carte des foires et des guerres napoléoniennes. Que deviennent les paysans et les paysannes ardéchoises après leur rencontre avec les réseaux de chemins de fer, avec cette brusque « augmentation des relations qui le [s] pluralisent » dont parle Robert Damien14 ? Là où, comme l’explique Proudhon, « les chemins de fer suppriment les intervalles, rendent les hommes partout présents les uns chez les autres15 ».
19On retrouve ici les prostituées bretonnes, et cet autre foyer, intense et dramatique, que constitua longtemps la gare Montparnasse et son environnement de brasseries, de garnis et de « foyers » (au sens habituel du mot), là où prêtres bretons et souteneurs corses (ou d’ailleurs) se disputaient les filles débarquant sur les quais. Sans forcément multiplier les exemples, mais au plus près des effets de composition et de bifurcation liés au développement des chemins de fer, on pourrait s’interroger par exemple sur la façon dont Internet a pu et peut encore fabriquer des milliers de « pédophiles », non des pédophiles qui s’ignoraient, une hypothèse absurde pour le modèle libertaire d’individuation, mais une véritable invention ou recomposition des désirs et de leurs déploiements, guère plus surprenante et singulière finalement que l’Allemagne et les allemands devenant nazis.
20Pour penser cette conception libertaire de l’individuation, Proudhon utilise deux grands modèles théoriques :
211 – À la suite de Fourier et comme on y a fait allusion plus haut, il la pense tout d’abord à travers le concept de « série16 ».
« Tous les objets qui tombent sous nos sens nous offrent un assemblage de séries engagées les unes dans les autres, et […] se servant réciproquement de pivot et de rayon, d’élément et de rapport, de sujet et d’attribut17. »
22Dans le vocabulaire de Proudhon (mais de façon très proche des analyses de James), seul « l’usage » propre à tel ou tel agencement donné peut prétendre fixer et universaliser (à tort donc) les différentes causalités et hiérarchies, – la « substance » et ses « modifications » par exemple, les « sujets » et leurs « attributs » –, alors qu’à travers l’infini propre à chaque série, elles-mêmes en nombres infinis, le réel est constitué d’une multitude de rapports et donc d’entités possibles ; là où « unités ou moments, se déterminant les unes les autres, prennent tour à tour, selon le point de vue où l’on se place, les noms de moteur et de mobile, d’agent et de patient, de cause et de phénomène18 ».
232 – Sans jamais renoncer à ce premier modèle, Proudhon en développe un autre sur lequel on peut s’attarder davantage. Il est dû à une heureuse rencontre, non pas des Ardéchois et des chemins de fer ou des Bretonnes et des souteneurs corses (l’aubaine étant évidemment surtout du côté de ces derniers), mais la publication, en 1840, de la Monadologie de Leibniz, un petit texte écrit en français en 1714, connu de quelques initiés mais qui n’avait jamais été édité jusqu’alors. La rencontre entre Proudhon et Leibniz est immédiate19. On en trouve les effets les plus importants dans l’œuvre majeure de Proudhon, De la Justice dans la Révolution et dans l’Église (1858). Comme dans toute rencontre (pour le modèle libertaire), si Leibniz transforme Proudhon ou plus précisément lui permet d’approfondir ses propres intuitions, lui-même n’en sort par indemne, un peu comme le Spinoza de Deleuze que Badiou n’a pas tort (au regard de son propre point de vue) de considérer comme méconnaissable20. Le Leibniz de Proudhon ne l’est pas moins. Mais pas plus que celui de Gabriel Tarde, trente ans plus tard, et alors même que les néo-monadologies de Proudhon et de Tarde sont extrêmement proches justement, en assurant ainsi une nouvelle rencontre étonnante et improbable non plus entre un cheval de course et un lévrier, mais un franc-comtois anarchiste et déclassé, fils de tonnelier et ayant passé une partie de sa vie en prison ou en exil, et de l’autre côté un bourgeois du sud-ouest, ancien juge d’instruction, couvert d’honneur et adversaire résolu de l’anarchisme et des anarchistes. Cette bizarrerie n’a évidemment rien d’étonnante dans le modèle libertaire des individuations.
24Comment expliquer le coup de foudre de Proudhon pour Leibniz ? Ce que nous venons de voir aide en partie à le comprendre. Au regard de Proudhon la monadologie de Leibniz permet tout à coup de penser de manière rigoureuse les affirmations paradoxales de l’anarchisme : l’autonomie et la singularité absolues des êtres par exemple, leur unité dans la division, l’affirmation d’un subjectivisme radical mais également et de façon plus surprenante (du point de vue de Leibniz) leur discontinuité tout aussi radicale comme l’inutilité et la nocivité de toute législation externe. Comment Leibniz et son œuvre posthume apparaissent-ils aux yeux éblouis de Proudhon21 ? On peut le résumer en trois points :
251 - « Miroir vivant » où se réfléchit et s’exprime « tout l’univers », « miroir de l’univers à sa mode » (La Monadologie, 56, 65, 63), tout être ou toute chose, aussi fugitive qu’elle puisse être, possède en elle-même la totalité de ce qui est. Tout être porte en lui-même la totalité des possibles, mais sous un certain point de vue, à l’intérieur d’une certaine inflexion, dans la partie éclairée de sa monade, à travers une perspective, mais aussi une qualité et une quantité de force qui lui sont propres. En d’autres termes, chaque chose (ou chaque individu) est radicalement singulière, différente de toutes les autres de par la singularité de son point de vue et de sa puissance. Mais chaque être est également semblable aux autres êtres, entièrement semblable à eux, puisque comme eux, il possède dans ce qui le constitue, dans sa partie sombre, la totalité des possibles, la totalité des autres forces, points de vue et inflexions. Le commun n’est donc pas à l’extérieur des êtres, dans la communication par exemple. Il est à l’intérieur de chacun d’entre eux, de chaque monade ; sans portes ni fenêtres dit Leibniz.
262 – Second point. Cette possession des autres, de tous les autres, par une entité ou un individu donné, est réciproque, dans un rapport où « actions et passions sont mutuelles » (La Monadologie, 52). Elle est commutative dit Proudhon (et James) de son côté. Le point de vue de tel ou tel être, de tel ou tel individu, est lui-même possédé par ce qu’il inclut et ce qu’il possède. Il est possédé par lesautres points de vue qu’ils portent en lui-même et par qui il est lui-même porté, d’une infinité de façons donc. C’est pour cette raison qu’il peut y avoir une rencontre entre les êtres, puisque l’autre je le porte en moi-même, puisqu’il est à la fois l’autre et le même, dans un écart qui fait tout.
273 – D’où un troisième point. Dans la monadologie telle que la perçoit Proudhon (mais comme l’écrit Jacques Rivelaygue), le réel doit être entièrement pensé « sur le modèle du sujet », à partir d’un « substrat subjectif22 », à partir d’un subjectivisme radical puisque la totalité de ce qui est vient chaque fois, sans le moindre reste, s’infléchir et s’enclore dans une multitude infinie d’êtres singuliers percevant et exprimant la totalité du monde de façon chaque fois singulière. C’est pourquoi tout être ou toute entité peut, à juste titre, prétendre accéder à la totalité de ce qui est, mais seulement comme on voit midi à sa porte, et en ignorant le plus souvent que cette totalité à laquelle il est en droit de prétendre ne se trouve pas en face de lui, dans le spectacle de la rue qui s’offre à ses regards et qu’il s’efforce désespérément d’objectiver, mais derrière lui ou en lui, dans les coins sombres de la maison qui lui sert de demeure, dans sa façon de réfléchir les réalités de la ville à la manière d’un « miroir vivant » qui « tire tout de son propre fonds23 ».
28Dans la fraîcheur de sa nouveauté, la monadologie de Leibniz avait donc toutes les raisons de conforter le modèle libertaire, mais à une condition, un « pivot » dirait Proudhon, qui change tout et que l’on pourrait formuler sous la forme d’une question : que devient la monadologie de Leibniz si on supprime Dieu, si on supprime l’hypothèse divine ?
29Du point de vue libertaire comme du point de vue de Leibniz la question de Dieu est essentielle, essentielle à la radicalité et à l’audace de la théorie monadologique. Elle est essentielle à Leibniz car grâce à la figure de Dieu, comme supermonade, comme « reine des monades » dit Proudhon24, elle réintroduit un peu d’ordre dans l’anarchie prévisible d’une théorie où chaque être peut prétendre, à partir de sa seule perspective, de sa propre « loi », de son propre « substratum » posséder la totalité de ce qui est. Avec Dieu, Leibniz ne garantit pas seulement l’existence extérieure et objective d’un monde constitué par ailleurs d’une infinité de subjectivités. Il affirme également la cohérence d’un monde ordonné, un monde préalablement construit, qui, sur le modèle du réglage des horloges, garantit partout dans le monde l’heure exacte. Mais, pour les mêmes raisons, elle est tout aussi essentielle au modèle libertaire, dans la mesure même où, comme on l’a vu plus haut, elle constitue la clé de voûte, le lieu vide qui justifie la hardiesse d’une conception sociale et ontologique pour qui toute entité tend à fonctionner sur le modèle mensonger de l’absolu divin, du plus grand au plus petit, de l’ensemble de l’architecture sociale à ses éléments concrets les plus immédiats : l’entrepreneur, le chef de famille, le roi, le colonel (père du régiment) et bien sûr le plus aveugle et le plus féroce d’entre eux, cette multitude uniforme de petits États théocratiques et donc asservis que constitue l’individu moderne.
30Une monadologie sans Dieu, tel est le modèle libertaire que Proudhon et Bakounine après lui, mais également Tarde un peu plus tard, conçoivent et proposent comme conception théorique homologue aux pratiques et aux modalités de déploiement, d’action et d’association des différents mouvements ouvriers qui surgissent alors un peu partout dans les pays en voie d’industrialisation, une monadologie sans Dieu, ni César, ni tribun ! (dit l’hymne de l’Internationale) et que l’on peut résumer dans trois grandes affirmations :
311 – Première affirmation. En partie avec Leibniz, la monadologie libertaire affirme un monde entièrement immanent à la subjectivité des points de vue, une réalité où la totalité de ce qui est, est entièrement incluse dans « la somme des perspectives », sans qu’il n’y ait aucun « monde en dehors de ces perspectives25 », sans qu’aucun point de vue, aucun être, ne puisse, sinon prétendre, tout au moins s’identifier réellement à Dieu ; sauf à imposer aux autres une violence et une domination qui, par leurs effets, ne manquent jamais de révéler le caractère singulier et exorbitant de sa propre perspective.
322 – Seconde affirmation. Avec Proudhon, puis Tarde et Nietzsche, mais contre Leibniz cette fois, la monadologie libertaire annonce une conception chaotique et anarchique de ce qui est, une réalité radicalement discontinue où contrairement à la théorie de Leibniz et sa conception harmonieuse du monde existant, la multitude infinie des mondes possibles, des points de vue et des séries qui les composent, cohabitent, luttent et se disputent la prééminence. Cette lutte et ce chaos sont à la fois extérieurs et intérieurs aux êtres, en raison de leur caractère composé, mais aussi parce que chacun d’entre eux porte en lui la totalité des possibles et donc un trop plein de déterminations qui viennent sans cesse doubler et déborder la singularité de son point de vue. Non plus une singularité ou une individuation qui le distingue radicalement des autres, mais une singularisation chaotique et conflictuelle qui l’affecte lui-même, qui le rapporte sans cesse à une multitude infinie d’identités possibles, le plus souvent radicalement hétérogènes.
333 – À ces deux affirmations de la monadologie de Leibniz, on peut enfin joindre une dernière qui découle en partie des deux autres et qui servira de conclusion. De façon apparemment désespérée, la monadologie libertaire affirme la nécessité pour les êtres existant à un instant et dans une situation donnés, de trouver et de sélectionner à partir de leur propre fond, dans la multitude infinie des possibles qu’ils portent en eux, la cohérence ou l’harmonie qu’aucune instance extérieure ou transcendante ne peut plus garantir ou imposer. En rompant avec le postulat divin, la néo-monadologie (ou l’anarchisme) affirme la nécessité de penser la capacité des êtres humains à inventer et à faire exister le monde dans lequel ils veulent vivre. Et c’est alors que la monadologie de Leibniz change de sens et manifeste la puissance subversive dont elle était porteuse derrièreles considérations rassurantes et conformistes de la théologie. Avec la levée de l’hypothèque divine, et parce que les êtres cessent alors d’être soumis à un ordre extérieur et transcendant chargé de régler, d’organiser et de programmer leurs relations, non seulement la monadologie libertaire, devenue enfin réaliste, n’est plus incompatible avec le désordre du monde, les souffrances, les gaspillages et la déperdition de puissance induits par le chaos d’une multitude infinie de mondes possibles, mais elle change de signification. De justification conservatrice de l’ordre (divin), elle se transforme en conception subversive de cet ordre. Elle se transforme en exigence émancipatrice : l’exigence de construire, de façon radicalement immanente, le meilleur des mondes possibles que Leibniz croyait être déjà là, un monde capable d’ordonner et de libérer le maximum de puissance dont la réalité est porteuse. Avec la mort de Dieu, et comme le dit Tarde, il devient enfin nécessaire de concevoir « des monades ouvertes qui s’entre-pénétreraient réciproquement au lieu d’être extérieures les unes aux autres26 », des monades qui auraient le souci – par association et par désassociation, par révolte et par expérimentation, par affinité et par répugnance –, de sélectionner à travers la richesse infinie de leur propre composition, les forces, les points de vue et les mondes communs capables de les libérer du chaos et de la servitude.
Notes de bas de page
1 Sur la préhistoire de cette apparition voir M. Deleplace, L’Anarchie de Mably à Proudhon (1750-1850) histoire d’une appropriation polémique, Lyon, ENS éditions, 2001.
2 Sur Bakounine et l’originalité de sa période hégélienne, avant qu’il ne rencontre Proudhon, voir J. -C. Angaut, Bakounine jeune hégélien, la philosophie et son dehors, Lyon, ENS éditions, 2007.
3 Je me permets de signaler mon travail de thèse publié sous le titre Anarcho-syndicalisme et communisme, Saint-Étienne 1920-1925, (Presses universitaires de Saint-Étienne, 1986) ; mais aussi un livre très intéressant sur le mouvement ouvrier brésilien, de J. Alves de Seixas, Mémoire et oubli, Anarchisme et syndicalisme révolutionnaire au Brésil (Paris, Éditions de la maison des sciences de l’homme, 1992). Sur le Japon voir l’article de Philippe Pelletier à propos d’une des principales figures de ce pays (Ôsugi Sakae), dans EBISU, n ° 28, Maison Franco-Japonaise, 2002. Pour une vision d’ensemble, mais très sommaire, voir l’article de M. van der Linden et W. Thorpe « Essor et déclin du syndicalisme révolutionnaire » dans Le Mouvement Social, n ° 159, avril/juin 1992.
4 J. Maitron, Histoire du Mouvement anarchiste en France (1880-1914), Paris, Société universitaire d’éditions et de librairie, 1951, p. 105.
5 Mille plateaux, Paris, Éditions de Minuit, 1980, p. 196.
6 À travers une démarche ou une méthode à la fois savante et ordinaire que l’on peut qualifier de généalogique où se noue la dimension éminemment éthique (ou éthologique) de ce projet politique (ça sonne creux ! Je ne le sens pas ! Ca ne sent pas bon ! qu’est-ce qu’il veut ? etc.)
7 Sur le pragmatisme de William James, « Vérité et réalité » dans La pensée et le mouvant, Paris, Alcan, 4 e édition, p. 268.
8 Monadologie et sociologie, Paris, Les empêcheurs de penser en rond, 1999, p. 56.
9 Sur la façon dont, à partir de 1848, l’ontologie proudhonienne s’oppose à tout « système », voir P. Ansart, Marx et l’anarchisme, Paris, PUF, 1969, p. 147 et suivantes.
10 Sur ce point, voir Florian Charvelin, « Une ornithologie passionnelle : Toussenel et les oiseaux au milieu du XIXe siècle » dans Les Cahiers SAPP, Université de Saint-Étienne, n ° 5, novembre 2008.
11 Éthique, III, prop. 2, scol.
12 « Considérant enfin chaque âme, chaque moi, comme un foyer où viennent se réfléchir et se combiner tous les rapports des choses et de la société » (De la Justice, op. cit., III, p. 162). « Le moindre des métiers, pourvu qu’il y ait en lui spécialité et série […] peut se regarder comme le foyer où convergent toutes les forces d’un vaste système […] et tous tant que nous sommes nous pouvons nous écrier avec orgueil […] : Les cieux m’environnent/Les cieux ne sont que pour moi/De ces astres qui me couronnent/La nature me fit le roi » (De la Création de l’ordre, Paris, Rivière, p. 341) etc. Sur la notion de foyer, chez Proudhon, voir également De la création de l’ordre, Paris, Rivière, p. 271, 421, 453.
13 Pour en savoir plus sur ce texte, voir R. Damien, « Transport ferroviaire et ordre politique, Proudhon une pensée philosophique des réseaux », dans Penser les Réseaux, Seyssel, Champ Vallon, 2001.
14 Ibid., p. 224.
15 De la concurrence entre les chemins de fer et les voies navigables, Paris, A. Lacroix, p. 204.
16 Sur l’utilisation contemporaine du concept de série, voir, à propos de William James, B. Massumi, « Les ondes d’éther et votre colère, vers une pragmatique de l’inutile » dans, collectif, Vie et expérimentation, Peirce, James, Dewey, Paris, Vrin, 2007.
17 De la Création de l’Ordre, op. cit., p. 273.
18 Ibid. p. 274. Sur cette « commutation » (Proudhon) des « agents » et des « patients », des « sujets » et des « objets », là où « le monde s’enroule sur lui-même » voir, à propos de William James, B. Massumi, op. cit., p. 107 et 108.
19 Elle n’est pas sans rappeler la façon dont Nietzsche découvre ou redécouvre, sur le tard, les textes de Spinoza et du même Leibniz.
20 A. Badiou, Deleuze « La clameur de l’Être », Paris, Hachette, 1997.
21 « la monadologie n’a guère été pour Leibniz qu’une hypothèse : il s’agit d’en faire une vérité » (De la Justice, III, p. 400). Pour apprécier à sa juste valeur l’indéniable enthousiasme de Proudhon il faut savoir que même sous sa forme restrictive (la monadologie comme simple hypothèse où tout reste à faire !) ce jugement est un des rares où la fierté (ou l’outrecuidance) toute franc-comtoise de Proudhon ne le pousse pas à la critique souvent sans nuance qu’il pratique face aux très nombreux philosophes présents dans ses textes ou ses carnets.
22 J. Rivelaygue, dans Leibniz, La Monadologie, Paris, Le livre de poche/LGF, 1991, p. 19 et 86.
23 C. Frémont, L’Être et la relation. Lettres de Leibniz à Des Bosses, Paris, Vrin, 1981, p. 34.
24 P. -J. Proudhon, De la Justice, t. III, p. 377.
25 J. Rivelaygue, op. cit., p. 82.
26 G. Tarde, op. cit., p. 56.
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