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Processus de communautarisation et société monde. En partant de Tönnies, Weber et Luhmann

p. 37-49

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Texte intégral

INTRODUCTION1

1Les notions de « Gemeinschaft und Gesellschaft », « Communauté et société » ont fait leur apparition dans les sciences sociales germanophones du XIXe siècle grâce à l’ouvrage de Ferdinand Tönnies portant ces deux concepts dans le titre. Lors de la première édition de « Gemeinschaft und Gesellschaft » en 1887, le sous-titre de l’ouvrage porte encore sur l’« Abhandlung des Kommunismus und Sozialismus als empirische Kulturformen », mettant alors l’accent sur le communisme et le socialisme en tant que formes culturelles empiriques. Dans les éditions ultérieures, le nouveau sous-titre « Grundbegriffe der reinen Soziologie » est le résultat d’une réflexion profonde sur la nécessité de dépasser l’antagonisme entre une école historique et une école rationnelle. Optant pour une approche organique dans son ouvrage de 1931, Tönnies développe l’idée selon laquelle la Communauté représente la source dont jaillit la Société, tout en gardant l’espoir que la force de la Communauté subsiste à l’intérieur de la Société, demeurant ainsi la réalité de la vie sociale. Nous reviendrons d’abord aux origines étymologiques et conceptuelles de ces deux termes chez Ferdinand Tönnies et chez Max Weber. L’influence de ces auteurs ayant vécu à la fin du XIXe siècle est toujours fondamentale dans la sociologie contemporaine, bien que celle-ci ne puise souvent que dans une petite partie de l’œuvre de l’un et de l’autre, faute d’accès à la traduction. Nous tâcherons de revenir sur des parties connues et méconnues de ces écrits, tout en montrant comment ces notions issues de la sociologie compréhensive ont finalement influencé un courant important dans la sociologie germanophone actuelle, à savoir la théorie des systèmes. Comment une approche holiste contemporaine s’inspire-t-elle d’un courant individualiste des sciences sociales afin d’expliquer l’émergence d’une société-monde ?

2Parmi les sociologues contemporains germanophones qui s’intéressent aux processus de communautarisation2 et de sociétisation3, Rudolf Stichweh, élève de Niklas Luhmann, cherche à démontrer que la « Weltgesellschaft », la société-monde, aboutit d’une part à une croissante pluralisation des solidarités et d’autre part à une institutionnalisation de ces dernières. L’approche de ces théoriciens du système est fondée sur la notion de communication. À travers la prise de conscience de la possibilité de communiquer – ce qui les rapproche de la notion de « connectivité » de John Urry – les auteurs postulent que les sociétés dans le monde se situent désormais au sein d’une société-monde. Cette dernière est le système le plus complet et le plus complexe, englobant l’ensemble des sociétés et comprenant plus que la somme de toutes les sociétés. Par définition, elle n’a alors plus d’environnement social en dehors de sa frontière. L’altérité est omniprésente à travers les moyens de communication, notamment les mass media, et la société multiculturelle atteint son niveau d’hétérogénéité le plus élevé. Revenons d’abord vers l’étymologie des termes, puis vers Tönnies afin de comprendre le cheminement théorique.

L’ORIGINE ÉTYMOLOGIQUE DES MOTS « GEMEINSCHAFT » ET « GESELLSCHAFT »

3Le mot « Gesellschaft », traduit en français par « société », présente un lien étymologique avec le mot de l’ancien haut allemand « Sal » (espace, salle), le mot « Selida » (all. « Wohnung », fr. Appartement), et le mot « gisellio » qui signifie en moyen haut allemand « Geselle » (all. « Saal – und Hausgenosse », fr. compagnon de salle ou de maison). À partir de là se développe l’adjectif « gesellec » (« zugestellt, verbunden », lié), et le verbe « gesellen » (all. « vereinigen, verbinden », fr. réunir, lier)4. L’idée du lien entre les personnes – le lien social – est alors présente de manière évidente.

4Le mot « Gemeinschaft5 » vient du moyen haut allemand « gemeine » (all. « zusammengehörig, gemeinsam, allgemein », fr. ce qui appartient à un ensemble, ensemble, commun), avec la signification de base de « revenir à plusieurs de la même manière » (du mot allemand « mehreren » qui signifie « gemeinsam », donc en fr. de manière commune, voir du mot « allen » qui signifie « allgemein », donc en fr. commun, général). Un autre lien de parenté réside dans le mot latin « munus », qui signifie un devoir obligatoire, une fonction (dans une formation sociale), ainsi que dans le terme latin « communis » (commun, public) qui se traduit par des déviations gothiques sous forme du mot « gamains ». Le lien avec le mot ancien haut allemand « meinan » (all. « denken », « sagen », « beraten », fr. penser, dire, conseiller – au sein de l’anneau d’une communauté), souligne la première dimension du terme « Gemeinschaft » : un lien entre des personnes établi par la parole et par les actes.

5La seconde dimension relève d’un état : la communauté des biens, la communauté religieuse, etc. Au temps de Luther, le mot « Gemeine » était utilisé pour désigner une communauté comme institution, en faisant référence à un schéma d’action sociale (par exemple une institution). En témoigne aussi le proverbe de l’époque « besser allein als in böser gemein » (fr. « il vaut mieux être seul que dans une méchante communauté6 »). Dans la langue allemande contemporaine, le terme « Gemeinde » (plus ancien que « Gemeinschaft ») signifie à la fois la paroisse religieuse et la municipalité.

6La différence entre le terme « Gemeinschaft » et le mot « Gesellschaft » pourrait paraître d’ordre moral, dans la mesure où l’on attribue des valeurs aux communautés de mariage, aux rapports entre maître et disciple, etc. Or, à y regarder de plus près, rien ne permet d’affirmer cette distinction, car le mot « société » porte également une connotation normative, notamment dans l’expression « sich in guter Gesellschaft befinden » (fr. littéralement « se trouver en bonne société »). Malgré les références originelles aux trois états de la société, cette notion s’est élargie d’abord à la bourgeoise, puis à la bourgeoisie intellectuelle, avant de signifier plus généralement « être bien entouré ».

7À l’origine, et jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, il est donc très difficile de maintenir la thèse d’une distinction claire entre les mots « Gemeinschaft » et « Gesellschaft », de telle sorte que même sur le titre de noblesse de Schiller les deux mots sont fusionnés sous « Gesell – und Gemeinschaft7 ». Dans les écrits de Ferdinand Tönnies (1855-1936), on trouve en revanche une distinction conceptuelle et empirique entre les deux termes.

« GEMEINSCHAFT » ET « GESELLSCHAFT » CHEZ TÖNNIES

8Chez Ferdinand Tönnies, communauté et société sont des « Normaltypen » (types normaux) dans la théorie, construits comme outils conceptuels. Cette idée de construction terminologique prépare au développement des « Idealtypen » chez Max Weber. Comme l’indique le sous-titre de la première édition, Abhandlung des Kommunismus und Sozialismus als empirische Kulturformen, Tönnies met d’abord l’accent sur le communisme et le socialisme comme formes culturelles empiriques et s’en inspire pour ses réflexions conceptuelles. C’est seulement dans les éditions ultérieures que l’auteur se focalise sur le développement d’outils analytiques : le nouveau sous-titre est alors Grundbegriffe der reinen Soziologie. Les termes paraissent dichotomiques à la première lecture. Les deux sont des « Formen sozialer Bejahung » (formes d’approuver le social : du mot « ja » signifiant « oui »). Cependant, dans la sociologie appliquée, il s’est avéré que les deux formes se mélangent. Les liens issus de l’expérience empirique se traduisent ensuite sur le plan conceptuel.

9La communauté repose sur une sympathie instinctive, sur une adaptation habituelle ou sur une mémoire commune aux personnes concernées et liées entre elles par un ensemble d’idées. Les communautés de sang, de lieu et de religion sont des formes de base et des entités organiques qui se sont développées et comprennent plus que la somme de leurs composantes. D’un point de vue évolutionniste, ces entités sont antérieures aux types sociétaux de lien entre les hommes, répondant à une finalité8.

10La société au contraire découle d’une coordination de la pensée et des actions d’une majorité des individus, qui comptent tirer des bénéfices de cette réalisation commune d’un certain objectif. La mise en balance des possibilités de comportement (la circonspection, la réflexion), la prise de décision d’opter pour telle ou telle possibilité de choix (la décision, la conclusion, le décret), ainsi que l’ordre pensé abstrait des deux (la terminologie) trouvent leur expression évolutionniste dans l’histoire des temps modernes9.

11Le passage de la communauté à la société suit donc l’évolution de la volonté organique (Wesenswille) à la volonté réfléchie (Kürwille). La communauté est pensée comme la source dont jaillit la société, en particulier au cours du processus d’urbanisation dont Tönnies fut témoin ; la communauté et la société sont des états qui s’influencent mutuellement. La communauté est-elle alors le fondement même de la société ?

« La communauté est la vie en commun durable et véritable ; la société n’est qu’une vie en commun éphémère et chimérique. Et c’est ainsi que la communauté même doit être comprise comme un organisme vivant, la société comme un agrégat mécanique et artefact10. »

12Tönnies introduit ici l’idée de la mise en société de manière délibérée, résultant d’un choix des individus réfléchis. Ceci préfigure le concept webérien de l’action rationnelle en finalité. On peut également y voir le fondement de ce que Weber appelle la « Zweckgemeinschaft », la communauté en finalité. Tout comme Weber, Tönnies a cherché à créer un concept idéal-typique, un outil d’analyse – bien qu’il se soit inspiré des modèles communistes et socialistes comme formes de culture empiriques. Si les textes du jeune Tönnies permettent des interprétations parfois contradictoires, on peut affirmer que dans les écrits de 1931, Tönnies ne dresse pas d’antagonisme entre la communauté et la société. Tönnies voit même dans la version « communaliste » de l’État11 une réponse aux questions sociales. L’État n’est alors pas seulement une expression de la société, mais aussi une réponse aux besoins de la communauté.

LES « VERGEMEINSCHAFTUNGSPROZESSE » SELON WEBER

13Chez Max Weber, la communauté et la société sont toujours dans un processus de réification ; elles sont abordées en tant que processus et non en tant qu’entité figée :

« Est appelé communautarisation une relation sociale, si le motif de l’agir social – dans un cas singulier ou en moyenne ou dans un type pur – repose sur un sentiment d’appartenance (affectuel ou traditionnel) éprouvé de manière subjective par les personnes concernées – telle que la famille ou la nation12. »
« Est appelée sociétisation une relation sociale, si le motif de l’agir social repose sur un équilibre de ou un accord délibéré (rationnel) sur des intérêts partagés, motivé de manière rationnelle en valeurs ou en finalité. La sociétisation peut reposer typiquement (mais pas exclusivement) sur un accord rationnel exprimé par un agrément mutuel. Dans ce cas, l’agir socialisé dans un cas rationnel est orienté a) de manière rationnelle en valeur selon la foi en sa propre obligation ou b) de manière rationnelle en finalité, par l’attente envers la loyauté du partenaire13. »

14Dans la pratique, ces processus sont souvent fixés par un compromis : l’échange et les associations à but déterminé en sont des exemples. Retenons de la terminologie webérienne le caractère délibérément processuel, donc dynamique, de la formation et de l’évolution des communautés et des sociétés. Rappelons que Weber parle de processus de communautarisation et de processus de sociétisation, et non d’entités figées que seraient la communauté et la société. Les deux s’interpénètrent et coexistent (Sainsaulieu et Salzbrunn, 2007). Les outils conceptuels, les « Idealtypen » de Weber, permettent d’effectuer une distinction opérationnelle, mais l’expérience empirique montre la complexité des cas de figure et les fines nuances entre ces processus tout comme entre les différents types d’agir dont la forme pure n’existe que dans le modèle.

LE STRUCTURO-FONCTIONNALISME : PARSONS

15Dans l’approche structuro-fonctionnalisme, une société se crée lorsqu’elle est capable de satisfaire certains besoins humains au moyen de certaines fonctions sociales. Des institutions sont créées dans ce but, car sans l’émergence de structures correspondantes, les besoins humains ne peuvent être satisfaits dans la durée. L’acteur (ou l’individu) et la société se trouvent dans un rapport de dépendance mutuelle permanente. Les sociétés ne se stabilisent qu’à long terme lorsqu’elles reproduisent des structures et des valeurs. La théorie des systèmes de Niklas Luhmann est marquée par le structuro-fonctionnalisme de Parsons et par sa vision holiste de la société. Mais Luhmann s’est également inspiré des réflexions webériennes sur les processus de sociétisation. Luhmann, par ailleurs disciple de Parsons pendant ses études à Harvard, s’est penché sur la notion de solidarité chez ce dernier. Considérant la solidarité comme un « terme sans différence » (dans le sens d’un terme sans contraire), il n’établit pas de distinction entre cette notion d’un côté et tout ce qui englobe le social et la société de l’autre. La sémantique de la solidarité est alors élargie à tout ce qui concerne le social et la société. Autrement dit, l’extension de la solidarité est identique à celle du social14. Mais jusqu’où s’étend le social ; jusqu’où s’étend la société ? D’après Luhmann et son disciple Rudolf Stichweh, nous sommes désormais dans une société-monde, une « Weltgesellschaft » qui intègre toutes les sociabilités et toutes les communications du monde au sein d’un vaste système social.

VERS UNE THÉORIE FONCTIONNELLE-STRUCTURELLE : LA THÉORIE DES SYSTÈMES DE NIKLAS LUHMANN

16La théorie des systèmes consiste en une théorie de systèmes autoréférentiels (autopoièsis : les systèmes sociaux s’engendrant d’eux-mêmes) : en pratique, dans la recherche sociologique, les systèmes sont considérés comme des systèmes autoréférentiels, opérationnellement fermés, qui contiennent leur propre description. L’opération basique qui reproduit ces systèmes de manière autopoiétique, est la communication (et non pas l’action) et la société est par conséquent le système le plus global de toutes les communications. Le « Geschehen » (ce qui se passe/l’évènement) est un processus autoréférentiel de production de communication par la communication. La forme de différenciation des sociétés contemporaines, orientée selon leurs fonctionnalités spécifiques, caractérise leur modernité15.

17Luhmann parle de société quand un comportement conforme ou déviant est fixé en référence à des normes et des valeurs et qu’une différenciation correspondante entre attentes et réactions existe16. Ici, le jeune Luhmann révèle d’une influence webérienne, voir même goffmanienne, dans ses écrits. Il s’inspire de la notion de différentiation de Weber, mais l’utilise dans le sens de la différenciation fonctionnelle chère à Parsons. Cette dernière mène plus tard à la notion de système : système social, système psychologique, système juridique, etc. Les individus ne sont pas considérés ici comme des êtres ayant un rapport réflexif à eux-mêmes. En revanche, les systèmes comportent des sujets qui, par exemple, décodent leurs signes mutuels et font des projections dans le système psychologique, ou, ont besoin de coupables dans le système juridique.

18La société, selon Luhmann, est le système social le plus global, c’est-à-dire une unité qui n’a plus d’environnement et qui comprend tous les (autres) systèmes sociaux, les rapports et les faits. Autrement dit, la société est tout ce qui est atteignable par la communication.

LA COMMUNICATION COMME LIEN AU SEIN DE LA SOCIÉTÉ-MONDE

19Les systèmes sociaux sont des unités autopoiétiques dont les derniers éléments irréductibles sont les communications. Le « Geschehen » (ce qui se passe/l’événement) est un processus autoréférentiel de production de communication par la communication (cf. supra). La communication est définie comme une sélection tripartite : l’information, le message et la compréhension. Chaque information résulte d’une sélection effectuée parmi le choix de ce qui peut être communiqué. Puis, il existe plusieurs manières de communiquer cette information. La compréhension, enfin, est décisive, car elle résulte aussi d’une sélection. Ainsi, la communication est décrite comme un lien événementiel autoréférentiel.

20La « Weltgesellschaft » est un terme utilisé par Luhmann dès 1975 (mais aussi par Immanuel Wallerstein, 1974, et Manuel Castells, 1996, etc.), et développé par ses disciples, en particulier par Rudolf Stichweh. Selon Luhmann, dans les conditions d’une société-monde (Weltgesellschaft), une société est seulement capable de différenciation interne (Binnendifferenzierung), car au moment où une communication globale en temps réel devient possible, il n’y a plus d’« extérieur ». Dans les conditions d’une modernité qui s’est déployée (entfaltet), une société ne peut plus devenir environnement. Dans un contexte de sociétémonde, les sociétés ne sont plus que des sociétés régionales, qui sont particularistes vers l’extérieur et universalistes seulement vers l’intérieur (« nur nach innen universalistisch konzipiert sind »). Il n’y a pas d’acteur rationnel webérien ou de conscience individuelle. Plus tard, dans les écrits luhmanniens des années 1980 et 1990, apparaissent au contraire les notions de contingence et de complexité. Avant de donner un exemple d’application avec la sociologie des religions, nous fournirons par la suite d’autres définitions, permettant de bien saisir la différence entre l’approche compréhensive et l’approche systémique de la sociologie.

21Un autre exemple que Luhmann donne pour illustrer le concept de « differenzloser Begriff » (terme sans différence, cf. supra la définition luhmanienne de solidarité) est le « sens ». La notion de « Sinn » (sens) chez Luhmann est alors conçue de manière suivante :« Le sens est […] d’après la forme, et non pas d’après le contenu – un reflet de la complexité » (1984, Soziale Systeme, Grundriss, chap. 2 [einer allgemeinen Theorie])« Le sens indique toujours d’autres possibilités chaque prise de sens sur le monde opère une sélection. D’après cette compréhension, le sens ne peut être évité, mais est la base inévitable d’opérations des systèmes psychiques et sociaux. Le langage fonctionne comme le système déviateur le plus réussi dans l’évolution et donc comme répertoire de sens17. » Sur le plan empirique, la théorie des systèmes est appliquée par des sociologues des religions qui se posent la question de l’existence d’une religion mondiale (Weltreligion), voire d’une communauté religieuse mondiale (Weltreligionsgemeinschaft). Une ambition distingue la théorie des systèmes d’autres approches : elle se veut résolument « non normative ». Mais est-ce possible d’établir des outils d’analyse reposant sur une approche non normative ? Une des prérogatives de la société-monde est l’accès aux moyens de communication qui permettent d’entrer en contact avec une altérité. Reste alors à savoir si un accès aux moyens de communication est généralisable – et ce que l’on entend exactement par communication. L’accès à Internet n’est certainement pas généralisable et produit d’importantes inégalités sociales ou géographiques, comme nous le rappelle la notion de « fracture numérique ». Le manque de moyens financiers, l’absence d’électricité et surtout les problèmes d’alphabétisation dans un certain nombre de régions du monde sont des obstacles de taille. Les habitants de ces régions font-ils malgré tout cela partie de la société-monde, et si oui aux yeux de qui ? Cherchons une réponse dans les écrits de Rudolf Stichweh, un des élèves de Niklas Luhmann.

RUDOLF STICHWEH : UNE THÉORIE NON NORMATIVE DE LA SOCIÉTÉ MONDE ?

22Dans son texte sur « migration et société-monde », R. Stichweh définit la société comme un contexte fermé d’actions et de communications, qui produit lui-même toutes les structures et processus qui sont observables en son sein. Si l’on considère la société-monde ainsi, un contexte social d’un tel genre n’existe qu’une fois à notre époque, à savoir en tant que système de société-monde. Stichweh poursuit sa vision en l’inscrivant dans une optique diachronique :

« Alors que la plus grande partie de l’histoire de l’humanité a été marquée par des milliers ou du moins des centaines de sociétés existant parallèlement, et dont les structures et processus ont bien pu être distingués les uns des autres, nous observons, au plus tard depuis l’expansion de l’Europe coloniale (et donc l’incorporation d’une grande partie du monde à cette dernière), l’émergence d’un nouveau niveau de métastructure qui transforme de manière nouvelle toutes les autres structures sociales en structures internes du système de la société-monde18. »

23Un exemple concret donné par Stichweh est la migration.

« La société-monde fait émerger une forme de différenciation interne, qui encourage les motifs pour migrer, qu’elle induit dans le même temps structurellement par l’extrême inégalité entre les contextes nationaux, parce que la forme politique de différenciation interne se traduit par une tendance à la fermeture. En même temps, la migration est partiellement substituée par d’autres formes, partiellement rendue possible en fin de compte19. »

24Selon Stichweh, la prise de conscience des inégalités économiques ou sociales engendrerait une partie des flux migratoires. En revanche, Stichweh postule également qu’une partie des migrations internationales serait remplacée par des voyages virtuels à travers les nouveaux moyens de communication, notamment par l’usage d’Internet. Sur le plan empirique, on note toutefois qu’une forme des migrations distinguées par Stichweh, les voyages touristiques, augmentent entre autre grâce à la baisse des tarifs dans l’aviation « lowcost ». De nombreuses études de cas portant sur la migration et réunies récemment par Remus Gabriel Anghel, Eva Gerharz, Gilberto Rescher et Monika Salzbrunn (2008), ont également souligné la nécessité de ne pas se limiter à une approche holiste, et d’opter pour une liaison entre les niveaux micro/méso et macrosociologiques dans les recherches transnationales.

25Retenons de Stichweh la mise en relief de la conscience de l’altérité développée grâce à l’élargissement de l’accès aux moyens de communication. On peut toutefois objecter qu’une large partie de la population mondiale reste exclue de ces modes de communication, souvent faute d’accès à l’électricité, de moyens financiers ou simplement de connaissances de la langue écrite. Sommes-nous alors tous conscients de faire partie d’une société-monde ? Ou peut-on déclarer que la société-monde existe sans se soucier de la conscience réflexive des acteurs ? Dans ce cas, Stichweh se serait définitivement éloigné de l’approche webérienne, mettant de côté tout élément subjectif. Selon lui, en effet, la société-monde s’autoproduit, elle est le résultat de l’autopoièsis et ne nécessite donc pas de prise de conscience individuelle.

CONCLUSION : « REFLEXIVE GEMEINSCHAFTEN » OU FAIRE COMMUNAUTÉ AU SEIN DES SOCIÉTÉS CONTEMPORAINES

26Dans la sociologie contemporaine, Ulrich Beck et Anthony Giddens ont développé la notion de « communautés réflexives ». Ce sont des formes instables et tardives de communautés, liées à un esprit et à une morale commune. Ici l’on retrouve donc Tönnies. Selon Beck, Giddens et Lash, des tendances « infrapolitiques » peuvent devenir des tendances « super politiques » : les interactions entre les contextes locaux et le cadre global sont, avec leurs effets mutuels, le facteur décisif pour une telle évolution20.

27Ici, nous ne sommes plus dans une théorie non normative en sociologie, car les auteurs se soucient des rapports de pouvoir entre les instances étatiques et les experts d’un côté et les mouvements sociaux et initiatives citoyennes de l’autre. Les auteurs s’inscrivent eux aussi dans l’approche de la société-monde ; Beck a édité un ouvrage intitulé « Perspectives de la société-monde » (1998). Néanmoins, il combine une approche compréhensive qui associe des acteurs réflexifs avec une vision macrosociologique du monde. Sur ce point, il présente quelques éléments communs avec diverses approches françaises, qui partent également d’un acteur engagé, tout en se situant dans une optique collective, voire holiste. La différence entre cette théorie et la théorie des systèmes selon Stichweh réside dans l’approche non normative de cette dernière. Les approches francophones demeurent plus fortement liées aux visions ou conséquences politiques (voir à ce propos la contribution d’Ivan Sainsaulieu à cet ouvrage). Dans un texte portant sur la société-monde et la recherche transnationale (Salzbrunn 2008), j’ai montré à quel point les interpénétrations entre recherche universitaire et recherche commandée par les services publics (ministères, collectivités territoriales etc.) risquent de créer un cercle herméneutique enfermant d’entrée de jeu les résultats scientifiques dans la contrainte des attentes politiques et dont il est difficile de sortir.

28Finalement, on est en droit de se demander si le développement d’une théorie non normative est réellement envisageable. Stichweh ne part-il pas d’une conception de la société-monde marquée par une vision linéaire du monde, aboutissant à l’émergence d’une société-monde, malgré les facteurs de contingence ?

Bibliographie

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Notes de bas de page

1 Je remercie Hinnerk Bruhns, directeur de recherche au CNRS, et Estelle Ferrarese, maîtresse de conférences à l’université Marc-Bloch de Strasbourg, pour leurs précieuses remarques et commentaires sur ce texte.

2 J’opte ici pour la traduction du mot « Vergemeinschaftungsprozesse » par processus de communautarisation, suivant la traduction de Max Weber par Jean-Pierre Grossein. Le terme « communalisation », utilisé par Freund dans sa traduction de Weber, est aussi en usage dans la sociologie francophone. Bien que le terme « communalisation » me semble être plus apte à éloigner les lecteurs de la confusion entre communauté et communautarisme, je respecte ici l’avis des spécialistes de Weber dans la sociologie francophone contemporaine, qui préfèrent le terme « communautarisation ».

3 J’opte ici pour la traduction du mot « Vergesellschaftungsprozesse » par processus de sociétisation, suivant la traduction de Max Weber par Jean-Pierre Grossein. Le terme « sociation », utilisé par Freund dans sa traduction de Weber, est aussi en usage dans la sociologie francophone.

4 Je suis ici principalement l’article de Manfred Riedel, « Gesellschaft, Gemeinschaft », Brunner, Conze et Koselleck, 19943, tome II, p. 801 sq.

5 Ibid.

6 Sauf mention contraire, toutes les traductions ont été effectuées par Monika Salzbrunn.

7 J’emprunte cet exemple à M. Riedel (op. cit., p. 803), qui se réfère à la biographie de Schiller rédigée par Gustav Schwab.

8 Ici, je suis la définition in Fuchs-Heinritz, Lautmann, Rammstedt et alii (dir.), 1995, p. 228 : « Die Gemeinschaft beruht auf instinktivem Gefallen oder auf gewohnheitsbedingter Anpassung oder auf ideenbezogenem gemeinsamem Gedächtnis der beteiligten Personen. Die Bluts-Gem. die Orts-Gem. und die Religions-Gem. als Grundformen der Gemeinschaft sind organisch gewachsene Ganze, die mehr sind als die jeweilige Summe ihrer Teile und die entwicklungsgeschichtlich früher sind als die zweckhaft geschaffenen “gesellschaftlichen” Typen menschlicher Verbundenheit. »

9 « Die Gesellschaft hingegen ergibt sich aus dem planmäßigen Aufeinanderabstimmen des Denkens und des Handelns einer Mehrzahl von Individuen, die sich aus der gemeinsamen Verwirklichung eines bestimmten Zweckes einen bestimmten Nutzen errechnen. Sowohl das Abwägen der Verhaltensmöglichkeiten (Bedacht) als auch die Entscheidung für eine Möglichkeit (Beschluss) sowie die abstrakte gedankliche Ordnung beider (Begriff) finden entwicklungs-geschichtlich ihren vollkommenen Ausdruck in der bürgerlichen Neuzeit » (Fuchs-Heinritz, Lautmann, Rammstedt et alii [dir.], 1995, p. 228).

10 Texte original : « Gemeinschaft ist das dauernde und echte Zusammenleben, Gesellschaft nur ein vorübergehendes und scheinbares. Und dem ist es gemäß, dass Gemeinschaft selber als ein lebendiger Organismus, Gesellschaft als ein mechanisches Aggregat und Artefakt verstanden werden soll » (Tönnies, 1988 [1931], p. 4)

11 Tönnies utilise l’adjectif « gemeinschaftlich ».

12 Texte original : « Vergemeinschaftung » (Weber, Wirtschaft und Gesellschaft, p. 29) : « Vergemeinschaftung soll eine soziale Beziehung heißen, wenn und soweit die Einstellung des sozialen Handelns – im Einzelfall oder im Durchschnitt oder im reinen Typus – auf subjektiv gefühlter (affektueller oder traditioneller) Zusammengehörigkeit der Beteiligten beruht. »

13 Texte original : « Vergesellschaftung » (Weber, Wirtschaft und Gesellschaft, p. 29) : « “Vergesellschaftung soll eine soziale Beziehung heißen, wenn und soweit die Einstellung des sozialen Handelns auf rational (wert – oder zweckrational) motiviertem Interessenausgleich oder auf ebenso motivierter Interessenverbindung beruht. Vergesellschaftung kann typisch insbesondere (aber nicht : nur) auf rationaler Vereinbarung durch gegenseitige Zusage beruhen. Dann wird das vergesellschaftete Handeln im Rationalitätsfall orientiert a) wertrational an dem Glauben an die eigene Verbindlichkeit, – b) zweckrational an der Erwartung der Loyalität des Partners. »

14 Cf. Stichweh, 2004, sur les « théories non-normatives d’intégration au sein de la sociologie ».

15 Ici, je me réfère à Hillmann, 2007 : « Die spezifische Modernität der heutigen Gesellschaft wird in der Form ihrer Differenzierung gesehen, die sich an spezifischen Funktionen orientiert » (p. 512 sq).

16 Luhmann dit à ce propos : « [Wenn] konformes bzw. abweichendes Verhalten im Bezug auf Normen und Werte festgelegt ist und eine entsprechende Differenzierung von Erwartungen und Reaktionen vorhanden ist » (Luhmann 1975, « Interaktion, Organisation und Gesellschaft », in id. Soziologische Aufklärung Bd. 2 : Aufsätze zur Theorie der Gesellschaft).

17 Texte original : « Sinn ist (…) der Form, nicht dem Inhalt nach – Wiedergabe von Komplexität », (einer allgemeinen Theorie chap. 2). « Sinn verweist, als Unterscheidung von Aktualität und Möglichkeit, stets auf andere Möglichkeiten, weist also jeden Zugriff auf die Welt als Selektion aus. Sinn kann in diesem Verständnis nicht verfehlt werden, sondern ist die unvermeidliche Operationsgrundlage psychischer und sozialer Systeme. Als evolutionär erfolgreichstes Verweisungssystem und damit als Sinnspeicher fungiert Sprache » (chap. 4), Luhmann N., 1984, Soziale Systeme, Grundriss.

18 Ici, je me réfère à la citation suivante de Stichweh : « Gesellschaft wird als ein in sich relativ geschlossener Zusammenhang von Handlungen und Kommunikationen verstanden, der alle Strukturen und Prozesse, die in ihm beobachtbar sind, selbst erzeugt. Wenn man Gesellschaft so auffasst, kommt ein sozialer Zusammenhang dieser Art in der sozialen Situation unserer Zeit nur noch ein einziges Mal vor und zwar als System der Weltgesellschaft » (Migration und Weltgesellschaft, p. 1).

19 Texte original : « Die Weltgesellschaft bringt eine politische Form der Innendifferenzierung hervor, die die Migrationsmotive, die sie gleichzeitig durch die extreme Ungleichheit zwischen nationalen Kontexten induziert, strukturell ermutigt, weil sich die politische Form der Binnendifferenzierung als Schließungstendenz auswirkt. Gleichzeitig wird Migration durch andere Formen teils substituiert, teils dann doch ermöglicht » (ibid., p. 5).

20 Texte original : « Den dritten Kontext möglicher Demokratisierung bilden die sozialen Bewegungen und Selbsthilfe-Gruppen. Einige… widersetzten sich in zahlreichen Fällen den “Mächtigen”, also staatlichen Instanzen oder Experten (Beck, Giddens et Lash, 1996, p. 331)…“Sub-politische” Trends können sich nämlich als “superpolitische Trends” herausstellen – die Wechselwirkung zwischen lokalem Kontext und globalen Konsequenzen ist hier der entscheidende Faktor (ibid., p. 332). »

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