Conclusion. La République est toujours un peu plus loin…
p. 401-413
Dédicace
pour Thierry Aprile
Texte intégral
« Dans le monde savant, une classe essentiellement questionneuse est celle des voyageurs : par cette raison leur tâche devient difficile à mesure qu’ils s’élèvent à des connaissances moins vulgaires et étendues. Pour avoir éprouvé ces difficultés, quelques-uns d’entre eux, se sont créés des méthodes de recherches propres à soulager leur esprit ; ils ont composé même des livres de questions sur chaque matière ; le mérite de cette invention semble appartenir à nos voisins du Nord ; l’ouvrage de ce genre le plus considérable est celui du comte Léopold Berchtold, noble de Bohème, l’un des philanthropes les plus recommandables de l’Allemagne, qui en compte beaucoup. L’intention du livre est digne d’estime, mais sa forme a l’inconvénient de fatiguer la mémoire par la multitude des questions et par la répétition des mêmes idées… De ce travail est né le tableau resserré que nous présentons ici, qui n’est pas une production nouvelle : il y a bientôt vingt ans qu’il fut dressé par ordre du gouvernement français, et spécialement du ministre des Relations extérieures. À cette époque en 1795 où le goût de l’instruction se ranima, des chefs éclairés sentirent d’autant plus le besoin de diriger leurs agents qui résidaient en pays étrangers, que beaucoup de ces agents exerçaient pour la première fois leurs fonctions. L’administration les considéra comme des voyageurs diplomatiques et commerciaux au moyen desquels elle devait se procurer des informations plus complètes, plus étendues qu’auparavant… Les questions suivantes furent composées et bientôt imprimées en un petit format, dont les exemplaires furent bornés à un assez petit nombre. »
1Ainsi s’exprime Constantin-François Volney en 1821 lors de la publication de ses Œuvres complètes, faisant paraître le texte de l’édition de l’Imprimerie nationale parue pour la première fois en 1795 sous le titre « Question de statistique à l’usage des voyageurs1 ». Le texte pourrait servir d’introduction à cet ouvrage, il peut fournir tout aussi bien la matière pour un bilan conclusif tant la richesse suggestive de cette page embrasse les thèmes principaux évoqués par les textes précédents. Volney pose une méthode et ce faisant, ouvre des perspectives nouvelles, à deux moments clés de l’histoire des voyages républicains, lors de la première vague des traités de paix entre la République et les couronnes de l’Europe en 1795, permettant des mouvements de populations plus importants entre pays en paix, puis dans un second temps, juste après 1820, lorsqu’une nouvelle vague de révolutions, en Italie du Sud, en Espagne, en Grèce, invente un autre type de voyage républicain et romantique à la fois. Entre ces deux dates, le voyage républicain s’est métamorphosé, avant ces deux dates, il existait déjà bel et bien2.
2Il s’agit en ces dernières lignes d’esquisser une réponse à la question : qu’est-ce qu’un voyage républicain ? C’est-à-dire qu’est ce qu’une « transportation » pour reprendre le terme de Rousseau de soi ou de plusieurs dans une finalité précise, placé au cœur du contexte de la modernité même des sciences politiques, transformées en cette fin de XVIIIe siècle et début de XIXe siècle par les révolutions fondant autant de Républiques3 ?
3La question méritait d’être posée dans sa spécificité tant les nombreux et récents travaux sur les voyages ont plus généralement porté, soit dans une veine classique sur les Émigrés, soit sur les hommes de science, deux figures de voyageurs par excellence qui ont laissé dans l’ombre le républicain sur les chemins4. En effet à l’idée de révolution et de déplacement de population, sont plutôt associés les exils et les fuites de ceux qui, refusant le nouvel ordre, vont sillonner les routes pour fuir toujours davantage et parfois jusqu’au fond de la Moscovie les idées et les hommes de la Révolution5. L’émigration et ses vagues successives d’émigrés, dans leur fuite puis dans leur retour, ont mobilisé l’attention des historiens et de fait, la Contre-Révolution a pu sembler plus mobile, là où les révolutions, chevillées à l’idée nouvelle de patrie-nation, se construisaient dans des foyers déterminés, connectés les uns aux autres par des voyageurs très spéciaux, les fameux « missionnaires armés » critiqués par Robespierre, marcheurs invétérés, traversant les pays en tous sens, mais redoutés et redoutables, portant dans leurs bagages certes la République mais avec la fureur des combats6. L’autre catégorie de voyageurs qui vient spontanément à l’esprit de l’amateur du XVIIIe siècle est l’explorateur, le géographe, le naturaliste, l’homme de science partant à la découverte du monde, cartographiant, collectant et décrivant7. Dans cette République des lettres et des sciences, le savoir n’a point de couleur idéologique et servir son roi ou la République peut parfois se confondre dans un esprit où la notion du service public existe déjà avant 1789, où la volonté de laisser le savoir hors des querelles politiques détermine les contours d’une République des lettres ancienne, se régénérant par sa propre dynamique d’accumulation des connaissances et non par confrontation des conditions partisanes qui auraient pu déterminer la formation des savoirs8.
4Et pourtant la spécificité du voyageur républicain existe. Lui aussi, comme l’émigré, se déplace pour des raisons politiques. Exilé ou volontaire au départ, lui aussi a intégré la dimension du déplacement comme une source d’acquisitions nouvelles à ordonner pour se représenter de façon originale le monde au travers de l’idée et de la pratique politiques qui l’animent.
5Qui sont ces voyageurs républicains ? Comment définir un voyage par la science politique ? Revenons au texte de Volney, rédigé à un moment de refondation républicaine en l’an iii, autour d’un nouveau projet de construction politique, que la fondation de l’École normale supérieure, l’inauguration de l’Institut, l’écriture d’une constitution fondée sur une représentation capacitaire en 1795, doivent illustrer en recréant la république autour d’un projet de citoyenneté méritocratique, sans que le projet d’universalité de 1789 ne soit abandonné. La république ne se construit plus sur l’émotion de la patrie en danger mais sur la raison de la nation à construire, voire à diffuser comme modèle.
6Dans ces conditions, la République se propose comme un projet de civilisation, comme la propédeutique d’une perfectibilité qui place le savoir, les sciences, l’éducation, la découverte de soi et de l’autre, au cœur du projet du Directoire, par le moyen de la raison républicaine qui doit remplacer l’instinct révolutionnaire9.
7Le voyage n’est point seulement source de savoir. Ce n’est pas là source de grande nouveauté, mais ce qui l’est plus sûrement est le lien constitutif entre le déplacement et la nécessité de s’instruire en vue de devenir meilleur républicain. Ainsi la méthode du voyage s’impose comme un apprentissage de l’ailleurs dans sa différence, poursuivant l’ancienne tradition du voyage bien connu dans une Europe parcourue en tous sens depuis que la modernité, les formes matérielles des transports ont permis la diffusion sans cesse accrue des transports et déplacements des biens, des idées et des personnes. Cependant pour Volney, les conditions matérielles, point seulement de déplacement mais les conditions d’accumulation des savoirs emmagasinés, poussent à la nécessité d’inventer des objets transportables pour engranger le savoir. L’invention de la République, encore jeune – elle n’a que trois ans au moment où Volney écrit, parmi des monarchies centenaires –, nécessite la construction d’un savoir diplomatique spécifique, la réalisation d’une grille particulière de connaissances sur les autres pays, passant au tamis d’un regard, d’une méthode qui prennent en compte la spécificité du régime politique naissant. Volney propose donc de former des voyageurs républicains, et de leur fournir un outil d’observation puis de conservation de leur collecte au moyen de 135 questions organisées en 9 articles répartis en deux sections, la première portant sur la géographie naturelle et la seconde section concernant l’État politique et divisée en cinq chapitres10. Il s’agit pour lui de construire un modèle d’enquête selon une méthode nouvelle, dans la perspective de constituer à Paris une organisation internationale qui, au sein de l’Institut, aurait pour vocation de recueillir des données nécessaires à la construction de l’histoire sociale des sociétés différentes, dans la perspective d’une invention des sciences politiques républicaines, étant entendu que savoir et souveraineté nationale déterminent le sens du progrès des sociétés, ce que la comparaison des régimes et des situations différentes doit confirmer.
8Ainsi la république est aussi une nouvelle façon d’appréhender le réel au travers de l’élaboration de l’enquête qui donne sens au voyage, matrice de la statistique que l’expérience de Volney illustre à merveille11.
9Désormais le voyage n’est plus seulement celui du curieux, du solitaire, de celui qui se découvre dans l’introspection migrante, du jeune aristocrate accomplissant son Tour. Le périple est celui du citoyen ouvert aux autres, comprenant le monde pour le restituer dans un utilitarisme citoyen, par un élan civique qui donne sens à son déplacement, en le transformant en savoir politique et en adaptant le vœu de Montesquieu, façon républicain classique, aux besoins de la République des Modernes.
10Le parcours de Volney l’exprime grandement, de son voyage dans le monde des empires morts et périssables avant la Révolution dont il ramènera Les Ruines, jusqu’à son voyage moins connu dans le Nouveau Monde, celui de la république des États-Unis, qu’il considère de par sa constitution comme une « autre France, mais sans la guerre », et dont il revient, après l’avoir étudiée, sérieusement désenchanté, démontrant, non les limites, mais l’impérieuse nécessité de l’expérience personnelle pour se confronter aux réalités, fussent-elles décevantes, et contradictoires12.
11La question américaine permet de reposer différemment en conclusion la question de la pertinence à interroger la typicité d’un voyage républicain à la fin du XVIIIe siècle. De quels outils dispose l’historien pour questionner la notion de Révolution atlantique, pensée comme une aire géographique où se diffusent de nouveaux régimes de l’Amérique à l’Europe en passant par les Antilles et se propageant dans le continent sud américain, en cinquante ans de 1770 à 1820 ? Il ne s’agit point seulement de raconter la juxtaposition et l’enchaînement des renversements des Anciens Régimes, et la fondation de nouvelles républiques, mais d’expliquer ces phénomènes liés entre eux par la diffusion, les mouvements, les transferts, les déplacements et les glissements des objets, des idées et des personnes13 ? C’est là sortir des cadres nationaux pour expliquer les origines des révolutions et décentrer l’interrogation des crises des régimes pour intégrer pleinement une des faces cachées de la première globalisation, celle de la dimension de refus, de subversion, qui a toujours parcouru ces espaces de façon plus ou moins clandestine, dissidente ou revendiquée. Ce constat conduit à étudier la dimension multi-continentale du fait révolutionnaire et républicain à la fin du XVIIIe siècle14.
12Parvenir à ce premier niveau de conclusion a été rendu possible aussi parce que le voyage, comme l’ont démontré les contributions de ce livre, constitue désormais un axe de recherches largement rouvert depuis une vingtaine d’années et notamment depuis le colloque du bicentenaire organisé en Sorbonne par Michel Vovelle, La Révolution française et le monde15. D’autres aventures éditoriales, individuelles et collectives, ont permis des avancées décisives. D’une certaine façon notre ouvrage collectif poursuit et complète les questions posées au voyage révolutionnaire par Willem Frijhoffet Rudolf Dekker en 1991 à Rotterdam, en centrant notre attention, et la nuance se veut de taille, sur le voyage spécifiquement républicain16. Par ailleurs, le voyage au XVIIIe siècle dans une Europe qui n’est pas seulement sous le charme des idées de progrès mais en proie à la guerre a également été exploré. Les conflits donnent lieu déjà à de forts déplacements de populations, soldats, familles déplacées, prostituées suivant les armées, personnes en exil17.
13À côté de ces aventures collectives, des monographies, des aires géographiques, des parcours biographiques ont été plus particulièrement scrutés. Gilles Bertrand a livré une somme dans son travail sur le voyage des Français en Italie du milieu XVIIIe siècle au début du XIXe siècle18. Dans un autre sens, centrifuge par rapport à la péninsule, comment ne pas penser à l’ouvrage d’Anna Maria Rao, Esuli, qui raconte l’épopée ou l’odyssée, comme on le voudra, de l’exil républicain de milliers d’Italiens jetés sur les continents différents, dans les pays divers, dès le début des années 1780, reposant de façon nouvelle la question de la république, de son lien entre politique et déplacement, et inventant la république ambulante : la république que l’on porte avec soi, la république que l’on rejoint « ubi libertas, ibi patria19 ». Le voyage républicain implique ici cette double dimension de l’identité de celui qui l’accomplit et de la destination politique vers laquelle il se dirige. C’est le voyage dans ce cas qui construit la républicanité, autant que le migrant va construire le point d’arrivée de son périple en espace politique nouveau20. Dans ces cas précis, le voyage n’a pas de fin, c’est un départ sans retour le plus souvent, celui de l’exil républicain, chacun reformant avec d’autres, Irlandais, Polonais, Napolitains, Suisses, Belgiques, comme on disait à l’époque, Bataves, des sociétés de républicains sans patrie, partis à la recherche d’un eldorado républicain où fonder le régime parfait que le frontispice de l’œuvre de Brissot rédigé en 1783 illustre21 … Cette année-là, l’auteur qui n’en était qu’au début de ses errances républicaines fait paraître à Dublin Le philadelphien de Genève ou lettre d’un américain sur la dernière révolution de Genève, l’émigration en Irlande… avec une citation de Tacite… Trois références explicites de matrices républicaines différentes : suisse, américaine, irlandaise sont mentionnées, sans oublier les deux figures politiques de l’Antiquité romaine et grecque, évoquant l’autre voyage politique, celui dans le temps des références et des modèles, le tout rédigé par un Français qui avoue déjà ses idées républicaines. Le voyage républicain s’invente sans frontières dans un cosmopolitisme qui le constitue de suite, dans une revendication d’universalisme subsumée par la forme politique et qui dit sans tarder la peur des gouvernants et leur souci de surveiller les pérégrinations de ces êtres qui, ne se revendiquant d’aucune patrie, portent avec eux leurs pays. Ils sont « sans » géographie mais forts d’un seul repère politique, comme identité de localisation, et qui peut se construire, au grand dam de Montesquieu et de tous ces héritiers et lecteurs, n’importe où, n’importe quand22. Tous les républicains sont citoyens de tous les espaces qu’ils parcourent, indistinctement. Rousseau, le citoyen exclu, le voyageur solitaire, le libre marcheur, en a eu une intuition fulgurante : les républicains n’ont pas de pays, leur patrie est partout. Ou plutôt si chacun possède un pays, car il est bien de quelque part, Rousseau maintient une différence précise entre le lieu de naissance (être de tel « pays ») et la patrie, définie comme un espace qui possède des caractéristiques politiques, garant des droits inaliénables des citoyens, de la défense de sa vie, de la protection de ses biens et de sa liberté, conditions seules possibles dans le contractualisme républicain23.
14Ces personnes, hommes et femmes, se veulent citoyennes et citoyens d’espaces gouvernés par des constitutions républicaines quel que soit leur « pays ». La Convention le traduisit de façon remarquable par le décret du 26 août 1792, en octroyant le titre de Représentant de la République à quelques étrangers, dont Thomas Paine, républicain voyageur s’il en est. En retour, tout républicain voyageur traversant une contrée sans république se doit d’en faire un espace républicain, car tous les espaces sont potentiellement républicains, par le simple jeu du volontarisme qui anime ces migrants sans patrie-royale, comme le sont devenues les monarchies d’après la guerre de Sept Ans24. Dans le monde globalisé et interconnecté qu’est l’Espace Atlantique, ce qui n’avait rien d’une évidence jusque-là, une seconde conclusion s’impose : la Révolution ça sert à faire la République…
15Que de voyages de toutes sortes pour parvenir à ce constat. Une typologie des voyages apparaît en fonction de la richesse des situations proposées dans les études précédentes : réels, virtuels, individuels, collectifs, sur terre, en mer, tous les vecteurs d’échange possibles ont été mentionnés et utilisés par les contemporains. Ces derniers sont conscients de servir une cause politique : exilés, soldats, Anglaises républicaines, voire les Représentants envoyés en mission. Ils peuvent être moins conscients de servir l’idéologie d’un régime, tels les hommes de sciences, les naturalistes. D’autres fois, ce sont les conditions du voyage qui rendent républicains ou qui permettent d’affirmer de façon concrète son être républicain, dans le cas de ces mutinés des Antilles qui détournent un bâtiment de la Royal Navy et s’affirment par la révolte doublement républicains, s’inventant un périple qui devait les amener en servitude et les porte vers la liberté. Parfois le voyage devient un enfer de l’Anti-République comme pour ces sans-domicile fixes bannis, hier députés girondins qui s’imaginaient la province comme un espace conquis à leur conception de la république. Dans ce voyage qui ne mène sûrement pas vers la République, les représentants bannis, errants, traversent un no man’s land politique qui les rejette comme exclus du régime démocratique qu’ils avaient contribué à construire… comme une errance au bout de la nuit républicaine, vers leurs tombeaux, leurs suicides ou leur exécution25.
16Le républicain se doit d’être bon marcheur et ne point être trop regardant sur la literie, ouvert aux réseaux d’accueils, aux loges amies, aux tavernes sympathisantes, capable de se démultiplier lui et ses idées par les lettres qu’il envoie, capable de faire marcher le commerce de la république par les livres qu’il achète sur sa route, par les ouvrages qu’il envoie délivrant à plusieurs centaines de kilomètres de l’endroit où il se trouve le message et l’espoir d’un monde sans rois, rempli de la fédération des peuples souverains… le républicain se doit d’être en bonne santé car chi va sano va lontano26…
17Une prosopographie bigarrée s’est imposée mêlant tout type de voyageurs, en vagues distinctes du point de vue chronologique, suivant la respiration différente des Révolutions et de leur ressac humain. Là où les républicains ou leurs partisans affluent, là fuient généralement les émigrés loyalistes aux Anciens Régimes, et en un principe de vase communicant l’on peut affirmer que le contraire est vrai, là où les armées des monarques viennent rétablir l’ordre ou bien là où affluent les émigrés contre-révolutionnaires, sont chassés les partisans de la liberté nouvelle et de la souveraineté nationale. Un chassé-croisé de populations s’esquisse faisant de certains espaces des réceptacles de républicains tels la France, faisant d’autres espaces un refuge de contre révolutionnaires, tels les États Allemands, faisant d’autres espaces des lieux contrastés d’accueil des deux populations comme les États-Unis par exemple ou l’Angleterre d’avant 1792. Les dates comptent évidemment, comme cela a été démontré, l’Amérique d’abord, puis l’Europe à partir de 1780, Suisse, Irlande, Provinces-Unies, Brabant, principauté de Liège, France, tout l’espace antillais, la Pologne, les Italies, ensuite puis de nouveau toute l’Europe mise sens dessus dessous par les armées de Napoléon qui chargent encore au son de la Marseillaise, les Amériques de nouveau, et surtout l’Amérique du Sud, et enfin l’Espagne, la Sicile et la Grèce… Par vagues successives, en couches générationnelles superposées, les voyages républicains n’ont cessé de propager les idées qui germeront tout au long du XIXe siècle.
18Quelques-uns de cette myriade de marcheurs vers les deux cocagnes de la liberté et de l’égalité sont emblématiques de cette noria de constructeurs d’un monde nouveau.
19Qu’il suffise de rappeler brièvement le parcours de Kosciuszko : né en 1746, il se retrouve à étudier en France en 1769, revient en Pologne en 1772. Ne trouvant pas sa place dans une Pologne divisée, il décide de partir en 1774, à Dresde, puis arrivant à Paris, il est recruté par Franklin, pour s’engager dans la nouvelle guerre d’Indépendance au-delà de l’Atlantique. Il est nommé colonel du génie en 1776, avant d’être nommé général en 1783, pour fait de guerre. Entre-temps le républicanisme de Jefferson l’a converti à ce nouveau régime qu’il a contribué à faire naître. De 1784 à 1792, il participe à toutes les grandes réformes en Pologne, mais doit fuir une nouvelle fois à Dresde en 1792. Il est fait ensuite citoyen d’honneur de la France au mois d’août 1792 avec Paine, Cloots entre autres, et va plaider la cause polonaise en janvier 1793 avant de quitter la France durant l’été et revenir à Leipzig. Il rejoint Cracovie et mène le soulèvement de 1793-1794 qui se termine de façon dramatique pour les Polonais. Après avoir été fait prisonnier par les Russes, il est enfermé à Saint-Pétersbourg, puis libéré. Il voyage entre les États-Unis et la France de 1796 et 1799. Il s’installe dans le département de Seine-et-Marne chez son ami l’ambassadeur de Suisse, Pierre Zeltner. N’ayant rien perdu de son ardeur républicaine, il fonde la « Société des Polonais républicains » en 1799, exprimant ouvertement sa défiance devant le général putschiste qu’est Bonaparte, dont il désire demeurer distant, refusant les honneurs faciles. Il retournera plus tard en Pologne avant de revenir une ultime fois en Suisse pour y mourir en 1817. Ses cendres voyageront encore une dernière fois en 1818 vers sa Pologne ! Ses parcours, de l’exil russe au périple américain, de la révolte polonaise à la république française demeurent exceptionnels mais illustrent ce que purent être les combats des républicains des deux mondes, l’infini de la lutte pour une république sans cesse à atteindre, toujours réprimée, jamais oubliée, inventant le mythe que les républicains du XIXe siècle allaient pieusement entretenir.
20Autre jeu de distinctions conclusives : la typologie politique des espaces. L’ensemble des conclusions esquissent une réponse qui s’impose peu à peu au fil des lectures. La géographie-républicaine existe un peu plus de cent ans avant Vidal de La Blache. La pérégrination révolutionnaire a comme inventé une géopolitique nouvelle, une construction, une perception et une représentation de l’espace selon l’idéologie qui y domine. Le voyage républicain s’organise dans une nature qui lui renvoie comme en miroir sa valeur : que ne disent les visiteurs de la montagne suisse ! Berceau de toutes les républiques ! Que ne disent les savants lorsqu’ils sont confrontés dans les villes italiennes aux vestiges des républiques médiévales, lorsque les naturalistes découvrent l’ordre et l’organisation de la bienfaisance par exemple dans l’ancienne République des Provinces-Unies, là où la Russie avec son désert froid ne peut renvoyer que l’image du despotisme le plus glacial qui soit, où l’île battue par les vents versatiles et les flots mauvais, explique l’égoïsme d’Albion. Comme n’importe quel voyageur, le républicain projette sur un paysage découvert, son fantasme attendu et reconstruit l’espace qui se déroule devant lui selon une attente idéologique qui cadre avec son programme politique27. La géopolitique mentale surdétermine l’expérience vécue, et Wolfe Tone voit Paris comme l’espace républicain par excellence avec ses troupes militaires, emplies de soldats glorieux, ne percevant pas les tensions déjà fortes entre monde civil et militaire à la source du bonapartisme qui ne va pas tarder à pointer sa politique liberticide28.
21Tout de même, parfois, il faut bien se rendre compte de la réalité. Ainsi Volney, las des violences de la guerre civile française, voyageant en Amérique, se réjouit d’avance : « Si la France, par sa situation, doit participer à ses secousses, ne serait-il pas heureux qu’il y eut en ce pays une seconde France, une portion de nous-mêmes, une France paisible quand l’autre serait guerrière et victorieuse29. » Quelques mois plus tard le ton a changé et c’est comme choqué par le constat de l’ethnicide indien, par la violence faite aux esclaves noirs qu’il ouvre les yeux, sortant de sa projection mentale. Il subit personnellement l’intolérance des puritains américains ne supportant pas sur leur sol un républicain français connu pour son athéisme. Tout à coup la République devient multiple, la géographie en faisant éclore les républiques n’étend pas la matrice à l’infini mais au contraire montre les limites d’un régime reproduisant selon les constitutions, particulières, et les traditions révolutionnaires, inégalités et absence de libertés. Volney, malgré le soutien de son ami Jefferson, finit par avoir les yeux dessillés sur les merveilles de la démocratie américaine dont l’illusion libérale deux cents ans après trompe encore ceux qui confondraient tourisme et émigration, visite et intégration. Les études ont clairement illustré ces attentes et ces déceptions, ces voyages désenchantés, ces espérances déçues de reproduire ailleurs la république rêvée, la république universelle, voire cette lutte des républicains entre eux, que les rapports de la Grande Nation avec ses Républiques sœurs illustrent de façon problématique. Pourtant de nouvelles recherches montrent aussi qu’il y eut une vraie réciprocité, et que les patriotes et jacobins européens n’ont pas fait que subir les Français, organisant, construisant leur modèle républicain30. Un seul espace a durablement résisté : l’Angleterre. Certes menacée un temps par le séparatisme irlandais, elle impose sur l’île rebelle une répression d’une violence inouïe, en faisant une authentique Vendée britannique, malgré les espoirs d’un Wolfe Tone31. De fait, l’Angleterre devient un espace repoussoir, comme interdit aux citoyens cosmopolites, un non-lieu républicain. Parmi tant d’exemples, voici cet agriculteur et son aveu ingénu qu’il rédige en l’an iii aux professeurs de l’école vétérinaire de Maison Alfort, vantant son système d’incubation :
« Pendant mon absence, des Anglais qui avaient eu connaissance de mon projet, se présentèrent chez l’architecte qui avait fait mes plans, pour savoir si je serai homme à m’expatrier, mais comme il connaissait mon patriotisme et ma haine vigoureusement prouvée pour l’Anglais (car on ne peut être bon Français sans une haine bien prononcée contre cet insolent insulaire et surtout quand on le connaît bien) il répondit comme j’aurais fait moi-même32. »
22Nation, patriotisme, guerre et république commencent à se rapprocher de façon problématique pour une partie de l’opinion. Royaume, pays, armée, religion, terre des pères, se fossilisent dans une autre opinion, dans la lutte exacerbée que se livrent les deux pays, France et Angleterre et leurs alliés, désormais en guerre à outrance. Les frontières se verrouillent, les voyageurs sont de plus en plus surveillés
23Qu’à cela ne tienne, une focale sur les lieux républicains par excellence, l’Amérique, les Provinces-Unies et la ville de Paris, permet une série d’acquis encore à approfondir : les républiques naissantes à la fin du XVIIIe siècle, contrairement aux anciennes, ou celles du début de la modernité, sont nées d’une interconnexion qui plaçait au cœur de leur ébauche le lien entre la nature de leur constitution et l’apport de l’extérieur. La république, comme matrice institutionnelle, issue de la révolution, comme séquence événementielle, représente le contraire de la cité ancienne. Elle est une géographie ouverte, originelle, originale, première, dirait-on. Comment expliquer autrement la renaissance de ces Républiques européennes comme un voyage vers leur identité originelle, d’avant la domination de Rome et de son empire : la République batave ! La République ligurienne ! La République parthénopéenne !… comme un clair avertissement fait au « libérateur-occupant » français : le voyage des missionnaires républicains ne doit pas devenir la construction d’espaces satellites dominés.
24La spécificité de ce colloque par rapport à tant d’autres réunions sur le thème du voyage repose sur cette originalité : ce qu’invente la modernité radicalement et en rupture à la fin du XVIIIe siècle est l’omniprésence du fait républicain, ou plutôt, une fois que dans un espace la République est née, elle voyage, s’exporte, se diffuse, s’étend inexorablement, pacifiquement lorsqu’elle parvient à convaincre, violemment lorsqu’elle rencontre de la résistance. C’est ce lien qu’il faut interroger, celui de la mobilité intrinsèque de la république moderne qui fait que les États sont « Unis » pour toute l’Amérique, laissant planer une indétermination géographique sur ses limites, comme la France fête sa Fédération le 14 juillet 1790, un événement éminemment pré-républicain et vécu comme tel par bien des participants, en accueillant patriotes allemands et avignonnais juste après que Cloots ait fait défiler la délégation du genre humain devant les députés. Où placer exactement les frontières de la fédération française désormais ? La révolution américaine avec son fédéralisme, la république française avec son expansionnisme ont rendu possible cette nouvelle conception de la république comme un régime essentiellement mobile, jamais clairement délimité, fût-ce par la nature, extensible par l’addition d’États aux Amériques, par l’extension des frontières pour la France33. Le voyage républicain ou la genèse d’un espace : l’Union des Républiques révolutionnaires solidaires !
25Ce qu’a clairement montré ce colloque est que les Révolutions-républicaines ont permis à toute une génération d’inventer un nouveau périple politique. Les voyages républicains se fabriquaient dans des aventures poético-idéologiques, que l’on songe à l’impact des voyages d’Anacharsis sur les futurs révolutionnaires, jusqu’à ce qu’un baron allemand et grand voyageur, le baron Cloots se rebaptisant Anacharsis, reprenne le rêve d’une république universelle sous l’égide de la république française mondialisée34. Le rêve de république devient dès lors réalité, pour des espaces de plus en plus grands, où le voyage s’impose comme lien entre les citoyens, tout le contraire de la culture de la sédentarité des républiques anciennes, tout le contraire de la croyance rousseauiste en une petite république comme impératif géographique de conservation de la liberté souveraine du peuple. Le voyage de papier s’est mu en périple bien réel, dans toute sa complexité. Ainsi la question du voyage républicain comme confrontation des républiques, concurrence des modèles fédéralistes ou centralisés, démocratiques ou conservateurs, engendrant des tensions entre des régimes normalement alliés, permettait également d’envisager d’autres voyages, d’autres expériences de la mobilité républicaine.
26C’est pour cette raison spécifique qu’une réflexion particulière a été menée autour de la langue républicaine, autour de la question des traductions et des échanges et transport des idées, revenant de façon dialectique aux textes, mais éclairés par l’expérience bien réelle des naissances des régimes républicains. Quelle langue parlent ces femmes et ces hommes régénérés ? De quoi parlent-ils et comment se traduisent-ils35 ?
27Matteo Galdi, patriote italien bien connu, avant même les expériences concernant l’invention d’une langue universelle à la fin du Directoire, fait paraître les textes de l’Acte d’indépendance des États-Unis d’Amérique et ceux des constitutions des républiques française, cisalpine et ligurienne dans les quatre langues, française, allemande, anglaise et italienne, comme pour montrer ces possibles aller-retour d’une culture l’autre, comme pour rompre le fatalisme d’un monde de l’après Babel, réinventant les conditions possibles de l’échange immédiat, condition politique de la transparence républicaine36. Sur quatre colonnes, anglais, allemand, français et italien se répondent : les yeux vont d’un texte à l’autre, voyage intellectuel, éminemment politique. Il y a de la part du patriote napolitain une claire volonté d’internationaliser des textes qui ont d’évidents points en commun et qui doivent servir de fondement à la construction d’une alliance diplomatique que la barrière de la langue ne saurait empêcher. Une communauté de concepts et de principes se construit que les soubresauts de la guerre ne doivent pas faire oublier mais au contraire renforcer afin de préparer ce que Galdi dévoile peu après : une fédération des républiques méditerranéennes dans un premier temps, avant d’envisager leur extension vers le nord de l’Europe en un espace uni où le voyage ne serait interrompu par aucun des régimes de l’Ancien Temps d’avant les républiques. Transferts culturels, influences des modèles étrangers, expériences matérielles de vécus républicains différents, finissent par tisser une réalité complexe dont l’Europe constitue un foyer intense mais qui ne saurait résumer l’ensemble des conclusions.
28La République, comme inexorablement aimantée, retraverse l’Atlantique de façon brutale, accouche de la république la moins pensable qui soit, celle des esclaves devenus libres par la fondation de Haïti en 1804, puis se propage dans l’ancien empire espagnol, mettant à genoux la monarchie absolue par excellence, celle des Bourbons d’Espagne37.
29D’autres « vagabonds de la République » vont se découvrir et essaimer ailleurs, comme Vanessa Mongey a pu le montrer38. D’autres émigrés républicains ne cessèrent de voyager d’une région à une autre avec l’ambition de mettre fin à l’empire colonial espagnol et de faire triompher une forme républicaine de gouvernement entre les années 1800 et 1820. Typique est ce flibustier, Aury, qui décide de quitter la France lors de l’arrivée au pouvoir de Napoléon et mène des expéditions révolutionnaires de Carthagène des Indes aux Cayes, du Texas à la Floride. « Aury rêvait toujours de république ». Dans ce nouveau théâtre, de nouvelles idées se forment, empreintes des traditions existantes, puisant aux souvenirs d’expériences européennes par le contact avec des Créoles blancs et noirs. Considérés longtemps seulement comme des pirates, des hors-la-loi, vendus parfois au plus offrant, ils n’en demeurent pas moins des acteurs du périple républicain dans ce vaste golfe du Mexique.
30Aury mêle ses affaires en 1812 à la politique et s’engage auprès des révoltés colombiens. Promu capitaine de la marine des Provinces-Unies de Nouvelle Grenade, il défend Carthagène contre le blocus espagnol. Réfugié aux Cayes, il s’oppose à Bolivar et s’en retourne en Louisiane avec huit vaisseaux armés. Il attaque ensuite la Floride pour y imposer le régime de la république, la Republica de las Floridas, accompagné cette fois de soldats débarquées d’Europe après 1815, irlandais, anglais, français, sans oublier 130 soldats noirs d’origine haïtienne, mais aussi des argentins et des colombiens. Aury fait rédiger un texte dans lequel il affirme de suite ses principes républicains : tous peuvent voter sans distinction de sexe ni de race. Il veut « planter l’arbre de la liberté, encourager les institutions libres, conduire une guerre contre le tyran espagnol, l’oppresseur de l’Amérique et l’ennemi des droits de l’homme ». Les pouvoirs sont séparés, les droits des personnes protégés. Les libertés de la presse et de conscience sont affirmées. Ces principes sont de suite traduits et diffusés dans la presse américaine. Les libertés fondamentales garanties par une constitution fondée sur la souveraineté populaire mise en acte par le vote le plus large des adultes : au bout du voyage, à la fin de notre période, dans un espace vierge, c’est cela la République épurée39.
31Le rêve devient cauchemar lorsque les États-Unis d’Amérique envahissent « Amélia », la nouvelle République dès le début 1818, forçant Aury à poursuivre son errance avec ses hommes vers le Venezuela, puis vers les îles San Andres et Providencia en juillet 1818, dessinant les figures des « républicains errants », nouveaux personnages sillonnant les routes et les mers, nouveaux parias, souvent pris pour des hors-la-loi, le plus souvent animés d’une flamme politique nouvelle, que le congrès de Vienne et l’esprit de la Restauration tenteront d’éteindre, en vain.
32En 1815, la République est toujours plus loin… Pourtant, le temps des Révolutions a changé les voyages, leur nature, leur sens, leur portée. Une nouvelle expérience du transport de soi, des idées, apparaît, liant savoir, expérience humaine et posture idéologique, regard civique et critique à la fois.
33L’universalité des principes énoncés dans les révolutions américaine, hollandaise, française, italienne et de nouveau américaine porte cette dimension d’une expérience collective dont chaque voyageur peut témoigner.
34Alors, après les révolutions le voyage recommence mais dans une autre dimension. Les régicides demeurés républicains, endurcis par les années d’Empire, doivent quitter leur patrie et le XIXe siècle semble recommencer comme il avait débuté sous le régime autoritaire du Consulat, par la surveillance policière sans cesse accrue des voyageurs, personnages potentiellement subversifs. L’universalité de la république se transforme en une république apatride, lorsque les conventionnels âgés dans une Europe restaurée portent dans leur bagage ce qu’il reste de l’idée républicaine, lorsque les républicains doivent se replier sur eux-mêmes inventant les conditions d’un exil intérieur.
35La république est toujours un peu plus loin…
36Au bout du siècle, la Troisième République, dans une opération de propagande patriotique sans précédent se réapproprie la déambulation, lorsque le voyage au bout de la seconde nuit napoléonienne se transforme en démocratie républicaine. Le tour de France effectué par deux enfants tente de populariser en le rendant cohérent l’espace du voyage républicain, commencé par un exil d’Alsace, et comptant bien offrir à tous les enfants de France, par ce voyage vécu par substitution, dans l’apprentissage de la lecture, une connaissance de l’espace républicain, cohérent et homogène, dévoilant ses paysages transformés civiquement par la magie du voyage de l’enfance, métaphore du devenir de la République40… au bout du chemin… le voyage républicain : un lieu de mémoire, un objet d’histoire encore à explorer.
Notes de bas de page
1 Constantin François Volney, Questions de statistiques à l’usage des voyageurs. Œuvres Complètes, vol. 7, Paris, Parmantier, 1826, p. 375-396. Sur Leopold Berchtold, Stewart Fraser, « Count Leopold Berchtold: Eighteenth Century Educational Travel Counselor », Peabody Journal of Education (vol. 40, no 1, juill. 1962, p. 4-11) et de Leopold Berchtold, Essay to direct and the Inquiries of Patriotic Travelers; with Further Observations on the Means of Preserving the life Wealth and Property or the Inexperienced in their Journies by Land and Sea. A Series of Questions Interesting to Society and Humanity necessary to be Proposed for Solution to Men of all Ranks and Employments, and of all Nations and Governements Comprising the Most Serious Points Relative to the Objects of all Travels, Londres, 1789. Le titre suffit à exprimer l’honnêteté de Volney ainsi que sa dette.
2 Nicolas Bourguinat, Sylvain Venayre (dir.), Voyager en Europe de Humbolt à Stendhal, contraintes nationales et tentations cosmopolites, 1790-1840, Paris, éd. Nouveau monde, 2007.
3 Gilles Bertrand (dir.), La Culture du voyage, Paris, L’Harmattan, 2004.
4 Nicole Hafid-Martin, Voyage et connaissance au tournant des Lumières, 1780-1820, Oxford, Voltaire foundation, 1995 ; Marie-Noëlle Bourguet, Christian Licoppe, « Voyages, mesures et instruments : une nouvelle expérience du monde au Siècle des lumières », Annales. Histoire, sciences sociales, 52e année, no 5, 1997, p. 1115-1151.
5 Karine Rance, « L’émigration nobiliaire française en Allemagne : une “migration de maintien” (1789-1815) », Genèses, no 30, 1998, p. 5-29 ; Béatrice Didier, « De l’émigration à l’exil intérieur. Chateaubriand, les “Mémoires d’outre-tombe” », Cahiers de l’Association internationale des études françaises, 1991, p. 59-80.
6 Alan Forrest, Napoleon’s Men: The Soldiers of the Revolution and Empire, Londres, Hambledon and London, 2002; Paperback, Continuum, 2006.
7 Marie-Noëlle Bourguet, « L’explorateur », in Michel Vovelle, L’Homme des Lumières, Paris, Le Seuil, 1996, p. 285-346.
8 Vincenzo Ferrone, « L’homme de science », in Michel Vovelle, L’Homme des Lumières, op. cit., p. 211-252.
9 Claude Nicolet, L’Idée républicaine en France. Essai d’histoire critique, Paris, Gallimard NRF, 1982, chap. III, « Les idéologues ou la IIIe République sous le Directoire. Bilan intellectuel de la Révolution », p. 115-132.
10 « Situation géographique – Climat/État du sol – Produits naturels/Population/Agriculture – industrie – commerce/gouvernement et administration ».
11 Jean-Claude Perrot, « L’âge d’or de la statistique régionale française (an IV-1804) », Population, vol. 38, no 1, 1983, p. 190. URL : http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/pop_00324663_1983_num_38_1_17742, consulté le 30 juillet 2012.
12 Constantin-François Chasseboeuf de La Giraudais, comte de Volney, Tableau du climat et des sols des États-Unis d’Amérique, suivi d’éclaircissements sur la Floride, sur la colonie Française au Scioto, sur quelques colonies Canadiennes et sur les Sauvages. Enrichi de quatre Planches gravées, dont deux Cartes Géographiques et une coupe figurée de la chute de Niagara, Paris, Courcier, Dentu, 1803, et François-Alexandre-Frédéric De La Rochefoucauld Liancourt, Voyage dans les États-Unis d’Amérique, fait en 1795, 1796, 1797, par La Rochefoucauld-Liancourt, 8 vol., Paris, Du Pont, an vii.
13 Robert Palmer, historien visionnaire s’il en est, avait déjà esquissé une première fresque cf. 1789. Les Révolutions de la liberté et de l’égalité, Paris, Calmann-Lévy, 1968, issu de son Âge de la Révolution démocratique de 1959, peu après que Jacques Godechot ait fait paraître La Grande Nation, Paris, Aubier, 1956.
14 C’est là un chantier nouveau et qui donne lieu à des ouvertures fort différentes. Pour quatre interprétations diverses, voir Markus Rideker, Peter Linebaugh, L’Hydre aux mille têtes. L’histoire cachée de l’Atlantique révolutionnaire, Paris, Amsterdam, 2008 ; Suzanne Desan, Lynn Hunt and William Max Nelson, « The French Revolution in Global Perspective », Cornell University Press, 2013, in David Armitage, Sanjay Subrahmanyam (dir.), The Age or Revolution in Global Context 1760-1840, Londres, Palgrave, 2010, p. 20-36 ; Pierre Serna, « Toute révolution est une guerre d’indépendance », inPierre Serna, Jean-Luc Chappey, Guillaume Mazeau, Bernard Gainot, Frédéric Regent, Pour quoi faire la Révolution, Marseille, Agone, 2012, p. 19-49.
15 Michel Vovelle (dir.), L’image de la Révolution française, Paris/Londres, 1989, Commission II, « Les valeurs de la Révolution. L’accueil hors de France », vol. I, p. 425-740, vol. II, p. 741-980.
16 Willem Frijhoff et Rudolf Dekker (éd.), Le Voyage révolutionnaire : actes du colloque franco-néerlandais du Bicentenaire de la Révolution française, Amsterdam, 12-13 octobre 1989, Hilversum, Verloren, 1991, voir plus particulièrement les contributions de Mona Ozouf, « Voyages en France dans la décennie révolutionnaire » et de Joost Rosendaal « “Parce que j’aime la liberté je retourne en France”. Les réfugiés bataves en voyage ».
17 Les Voyageurs européens sur les chemins de la guerre et de la paix. Du temps des Lumières au début du XIXe siècle, Françoise Knopper et Alain Ruiz (dir.), Bordeaux, PUB, 2006. Le phénomène existait déjà, la Révolution va lui donner une ampleur nouvelle. Cf. Gilles Bertrand, « Voyage en Italie et guerre : traces, discours et récits des gens de lettres français au XVIIIe siècle », in Olivier Forlin (dir.), Anticléricalisme, minorités religieuses et échanges culturels entre la France et l’Italie, Paris, L’Harmattan, 2006, p. 263-304.
18 Gilles Bertrand, Le Grand Tour revisité. Pour une archéologie du tourisme : le voyage des Français en Italie milieu XVIIIe siècle-début XIXe siècle, Rome, École française de Rome, 2008 ; et Virginie Martin, La Diplomatie en révolution, structures, agents, pratiques et renseignements diplomatiques. L’exemple des diplomates français en Italie, 1789-1796, thèse soutenue à l’université Paris I Panthéon Sorbonne, novembre 2011.
19 Anna Maria Rao, Esuli, L’emigrazione politica italiana in Francia (1792-1802), Naples, Guida Editori, 1992.
20 Franco Venturi, « Ubi libertas, ibi patria. La rivoluzione ginevrina del 1782 », Rivista storica italiana, 94, 1982, p. 395-434. Rahul Markovits développe aussi ces idées dans son étude originale sur « “Transplanter” la république. La nouvelle Genève, une utopie au contact des révolutions (1782-1784) », cf. supra.
21 Jacques-Pierre Brissot De Warville, Le Philadelphien à Genève : ou lettres d’un Américain sur la dernière révolution de Genève, sa constitution nouvelle, l’émigration en Irlande, et pouvant servir de tableau politique de Genève en 1784, Dublin, 1783, 191 p., in 8°.
22 Daniela Tinkova (cf. supra) montre de façon subtile la méfiance immédiate des polices face aux voyageurs, fussent-ils chassés par la République, « La peste de la liberté. Les Français suspects de jacobinisme en Bohême et en Moravie (1790-1800) ».
23 Sur les relations complexes dans l’œuvre de Rousseau entre patrie et nation et son opposition avec Voltaire, voir Jacques Godechot, « Nation Patrie, nationalisme et patriotisme en France au XVIIIe siècle », AHRF, no 206, 1971, p. 481-501, et Géraldine Lepan, Jean-Jacques Rousseau et le patriotisme, Paris, Honoré Champion, 2007, p. 10-20, qui reprend le dossier pour nuancer l’idée d’un Rousseau seulement attaché à l’idée de penser la patrie ailleurs que l’endroit où l’on est né.
24 Edmond Dziembowski, Un nouveau patriotisme français, 1750-1770. La France face à la puissance anglaise à l’époque de la guerre de Sept Ans, Oxford, Voltaire Fondation, 1998.
25 Voir supra les communications de Pierre-Yves Lacour, « La République des sciences dans les guerres révolutionnaires. Les missions des commissaires des sciences et des arts en Europe septentrionale et en Italie. 1794-1797 », Madeleine Van Strien-chardonneau, « André Thouin (1747-1824), un commissaire de la République en voyage dans les Provinces-Unies (1794-1795) », Frédéric Régent, « Le voyage républicain détourné : la Royal Navy républicaine », et Guillaume Mazeau, « L’errance républicaine, les Girondins et l’exil intérieur ».
26 Associer l’exercice de la marche à la république est un thème des plus sérieux, au centre même d’une investigation possible de l’espace. La promenade républicaine au temps du Consulat se propose telle une découverte du monde et de connaissance partagée, républicaine, du monde, cf. Jean-Luc Chappey, « La science de l’homme du Consulat à l’épreuve de la sociabilité », Hypothèses, 1, 1997, p. 157-164. URL : www.cairn.info/revue-hypotheses-1997-1- page-157.htm ; et Laurent Turcot, Le Promeneur à Paris au XVIIIe siècle, Paris, Gallimard, 2007.
27 Voir supra Bernard Gainot, « La République et la pastorale. Autour du Nouveau voyage en Suisse de Helen Maria Williams (1798) ».
28 Voir supra Sylvie Kleinman, « Vive le pain bis et la Liberté ! Le regard d’un républicain irlandais sur la France directoriale (1796-1797), et autres chassés-croisés de voyageurs anglophones ».
29 Volney et l’Amérique, op. cit., lettre de Volney à Jefferson, du 15 janvier 1797 p. 64.
30 C’est là un des principaux apports d’un colloque tenu en Sorbonne en janvier 2008. Cf. Pierre Serna (dir.), Républiques sœurs. Le Directoire et la Révolution atlantique, Rennes, PUR, 2009.
31 Cf. Sylvie Kleinman et son étude de Wolfe Tone, déjà citée. Sur les violences anglaises perpétrées en Irlande après 1798, voir Domenico Losurdo, Le Révisionnisme en histoire. Problèmes et Mythes, Paris, Albin Michel, 2006.
32 Archives départementales du Val-de-Marne, fonds Gilbert, 1 ETP 2005.
33 Patrice Higonnet, Sisters Republics: the Origins of French and American Republicanism, Cambridge, Harvard University Press, 1988.
34 Roland Mortier, Anacharsis Cloots ou l’utopie foudroyée, Paris, Stock, 1995.
35 Voir supra Anne Simonin, « La République en ses provinces : la traduction des lois, histoire d’un échec révolutionnaire (1790-1792 et au delà) », et Jean-Luc Chappey, « La traduction comme pratique politique chez Antoine-Gilbert Griffet de Labaume (1756-1805) ».
36 Cf. Matteo Galdi, Acte d’indépendance des États-Unis d’Amérique et constitution des républiques française, cisalpine et ligurienne dans les quatre langues, française allemande anglaise et italienne. En vis-à-vis et sur quatre colonnes anglais, allemand, français et italien. Déclaration d’indépendance des USA, Constitution de la république française de l’an iii, Costituzione delle repubblica cisalpina anno V della repubblica francese 1797, Costituzione della repubblica ligure anno 1797, s.d. s.l. Voir aussi du même auteur, Discours sur les rapports politiques et économiques de l’Italie libre avec la France et les autres états de l’Europe, traduit de l’Italien par Couret de Villeneuve, de la société libre des sciences lettres et arts de paris, et de celle d’institut de la même commune, à Paris Chez Baudouin, imprimeur du corps législatif, 15 pluviôse an VI.
37 Laurent Dubois, Les Vengeurs du Nouveau Monde : histoire de la révolution haïtienne, préface de Jean Casimir, Rennes, Les Perséides, 2005 ; Clément Thibaud, Républiques en armes. Les armées de Bolívar dans la guerre d’Indépendance en Colombie et au Venezuela, Rennes, PUR, 2006. Pour une vue de synthèse exhaustive sur l’ensemble des migrations, d’exils de refuges forcés, de fuites et de propagation d’idées révolutionnaires et républicaines à la fois, voir David Patrick Geggus, « Slavery, War and Revolution in the Greater Caribbean, 1789-1815 », in David Barry Gaspar, David Patrick Geggus (éd.), A Turbulent Time : the French Revolution and the Greater Caribbean, Bloomington, Indiana University Press, 1997, p. 1-50.
38 Vanessa Mongey, « Les vagabonds de la république : les révolutionnaires européens aux Amériques, 1780-1820 », in Federica Morelli, Clément Thibaud et Geneviève Verdo (dir.), Les Empires atlantiques des Lumières au libéralisme (1763-1865), Rennes, PUR, 2009, p. 67-82.
39 Anne Pérotin-Dumon l’a analysé justement : « Il s’agissait pour eux, en prenant les armes au nom de la république mexicaine, colombienne vénézuélienne ou floridienne, de mettre leurs compétences au service d’une idéologie toute simple faite de quelques idées, la haine des rois, le culte de la liberté », Anne Pérotin-Dumon, « La Contribution des corsarios insurgentes à l’indépendance américaine : course et piraterie dans le Golfe du Mexique et la Mer des Antilles, 1810-1830 », in Course et Piraterie, Paris, CNRS, 1975, vol. II, p. 666-675 ; une extension de cet article se trouve dans le Bulletin de la Société d’histoire de la Guadeloupe, no 53-54, 1982, p. 49-71.
40 Mona et Jacques Ozouf, « Le tour de France par deux enfants », in Pierre Nora (dir.), Les Lieux de mémoire, t. 1, La république, Paris, Gallimard, 1984, p. 291-321.
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