André Thouin (1747-1824), un commissaire de la République en voyage dans les Provinces-Unies (1794-1795)
p. 299-310
Texte intégral
1André Thouin (1747-1824), élevé au sein du Jardin du Roy, dont Jean-André Thouin, son père, était le jardinier en chef, fut remarqué et protégé par Buffon et initié à la botanique par Bernard de Jussieu1. À la mort de son père en 1764, il est désigné au poste de jardinier en chef – il a alors à peine 17 ans – et il se consacre dès lors activement à l’agrandissement et à l’embellissement du Jardin. « À la fois homme d’affaires pour les échanges et les achats, architecte pour les plans et les constructions, jardinier pour tout ce qui avait rapport aux végétaux vivants, botaniste pour ce qui regardait leur disposition et leur nomenclature, […] tout lui réussit également, et les plantations, et les opérations financières, et les édifices2. » À l’époque révolutionnaire, le Jardin du Roy devient Muséum d’histoire naturelle par décret de la Convention nationale (10 juin 1793) : à cette occasion est créée une chaire de culture dont Thouin devient le titulaire, véritable promotion pour le jardinier en chef qui, sous l’Ancien Régime, restait un subalterne par rapport aux divers professeurs (botanique, chimie, minéralogie3). Nommé commissaire de la République en 17944, avec Barthélemy Faujas de Saint-Fond, géologue et lui aussi professeur au Muséum, Michel Leblond, bibliothécaire du collège des Quatre-Nations et Charles Dewailly, membre du conservatoire du Muséum central des arts, il quitte Paris le 3 septembre 1794 pour suivre l’armée du Nord : sa mission et celle de ses compagnons – réquisitionner les objets d’art et de sciences des pays conquis5 le mène dans les Pays-Bas autrichiens, l’évêché de Liège, l’archevêché de Cologne, les Pays rhénans et les Provinces-Unies qui deviennent République batave le 19 janvier 1795. En 1796, Thouin figure sur la liste des savants et artistes chargés de rejoindre l’armée d’Italie commandée par Bonaparte. Pour cette seconde mission, il quitte Paris le 21 mai 1796 et y reviendra le 13 avril 17986.
2Thouin mentionne lui-même qu’il a laissé de sa première mission quatre volumes de notes et de dessins7. Ces notes de voyage ne seront publiées qu’en 1841 sous le titre suivant : Voyage dans la Belgique, la Hollande et l’Italie par feu André Thouin de l’Institut de France et du Muséum d’histoire naturelle, rédigé sur le journal autographe de ce savant professeur par le baron Trouvé. Claude-Joseph Trouvé (1768-1860), époux de la fille adoptive de Thouin, expurge8 le texte de toute allusion politique susceptible de froisser le régime en place9. C’est pourquoi, il n’y a pas ou peu d’allusions dans la relation de voyage aux confiscations effectuées en Hollande10, mais les rapports sur la mission des commissaires et leurs lettres, conservés aux Archives nationales11, nous renseignent sur ce type d’activités, ainsi que des articles parus dans le Magasin Encyclopédique12 et la Décade philosophique13.
3Ce texte présente ce qui concerne la Hollande dans la relation de voyage et replace, en premier lieu, les pages consacrées à ce pays dans le contexte du genre et de la longue tradition du récit de voyage en Hollande. On examinera ensuite plus spécialement les remarques sur les institutions charitables que Thouin a visitées pendant son séjour, car elles témoignent de l’intérêt d’un non-spécialiste de la question, animé d’un esprit « républicain », pour un sujet à l’ordre du jour et fournissent les éléments d’une enquête qui, pour reprendre les termes de Thouin, « pourront servir à des personnes qui ont du loisir et qui veulent l’employer au soulagement de l’humanité souffrante14 ».
Récit de voyage et tradition du voyage de Hollande
4Si l’on tient compte de la typologie des récits de voyage présentée par Wolfzettel dans Le Discours du voyageur15, on peut avancer que le texte de Thouin ressort à plusieurs types : le voyage critique, encyclopédique et utile, dont, selon Wolfzettel, le Voyage de Hollande (1773-1774) de Diderot serait le prototype. Il ressort aussi par l’importance donnée à la botanique, occupation professionnelle de Thouin, aux voyages naturalistes ; on pourrait également, en quittant le domaine français, penser au voyage de Hollande fait en 1773 par Joseph Banks, qui a peut-être été une source d’inspiration : les deux hommes se connaissaient et ont entretenu une correspondance16. Le seul récit de voyage auquel il soit fait référence dans le texte de Thouin est celui d’Arthur Young17. Thouin avait rencontré ce dernier à Paris en juin 1789. Yvonne Letouzey suggère que les deux hommes ont pu s’entretenir des voyages et des observations faites par Young et que les méthodes de ce dernier auraient pu l’inspirer lors de sa propre enquête, mais les deux relations, à l’exception de l’intérêt porté à l’agriculture, sont différentes de ton et de style18. On décèle également dans le texte de Thouin la manifestation d’une sensibilité qui s’exprime dans l’évocation lyrique (très brève) du spectacle de la mer (à Scheveningen, près de La Haye19) ou bien dans le regard, que l’on pourrait à l’instar de Wolfzettel, qualifier de philanthropique, regard plein d’empathie porté sur les pauvres, les gens simples, et même les animaux20.
5C’est aussi une enquête minutieuse et documentée, qui s’inscrit dans le cadre des enquêtes politiques et administratives initiées par la Révolution et qui, outre la réquisition d’objets d’art et de science, fait bien partie de la mission des commissaires, comme on peut le constater à la lecture des Procès-Verbaux du Comité d’instruction publique :
« Le Comité, après avoir entendu les détails qui lui ont été donnés par les citoyens Faujas et Thouin, commissaires envoyés pour recueillir les objets des sciences et arts dans les pays conquis, la Rhénanie, la Belgique et la Hollande, […] satisfait unanimement de la manière dont les citoyens Faujas et Thouin ont rempli leur mission, […] les invite à publier au plus tôt leur voyage, qui, en agrandissant le domaine des arts, présentera de nouveaux moyens d’industrie et de prospérité à la République21 » (séance du 23 vendémiaire an iv [15 octobre 1795]).
6Cette relation doit également être replacée dans la longue tradition du Voyage de Hollande des voyageurs français sous l’Ancien Régime22 : on y retrouve en effet certaines des composantes ordinaires du programme du voyageur que l’on pourrait qualifier de touriste et qui, en une quinzaine de jours et parfois plus brièvement, visitait la province de Hollande, la plus riche des sept Provinces-Unies, la province d’Utrecht et plus rarement les autres ; au programme de Thouin, on trouve donc la visite des monuments et des sites les plus courus : à Amsterdam, l’Hôtel de Ville, la Bourse, le port, les magasins de la Compagnie des Indes, les lieux de culte et en particulier les synagogues, les cabinets de tableaux et de curiosités ; à partir d’Amsterdam, on fait le plus souvent une excursion en Noord-Holland : les voyageurs présentent souvent cette région verdoyante aux nombreux troupeaux, sous les traits d’une oasis de bonheur pastoral, éloignée de la corruption des grandes villes. Thouin reprend ce thème obligé tout en y ajoutant les observations précises du botaniste et du professeur de culture.
7Il reprend également les stéréotypes des caractères nationaux communément utilisés pour caractériser les Hollandais, en les interprétant tous de façon positive : sobres, simples, taciturnes et peu habiles dans l’art de dire de jolis riens comme les Français, les habitants de la Hollande sont économes, laborieux, lents mais patients et persévérants. Deux façons différentes de voyager au XVIIIe siècle sont caractéristiques : le voyage où l’on se retrouve et le voyage où l’on cherche ; le voyage qui confirme ce que l’on sait déjà et celui où « l’enquête sur l’inconnu l’emporte sur la reconnaissance du déjà-lu23 ». L’un n’exclut pas l’autre et on peut le constater dans les lignes suivantes, écrites par Thouin au moment où il quitte Amsterdam pour regagner la France :
« Je ne puis quitter la Hollande sans insister ici sur le sentiment d’admiration dont j’ai été pénétré en le parcourant. Quel pays ! Pour s’en former une idée exacte, il faudrait le voir longtemps et dans les différentes saisons de l’année. Ce sont les habitants qui ont tout créé ; tout se conserve uniquement par leur industrie aussi active que laborieuse ; tout inspire la plus haute estime de leur patience, de leur savoir, je dirai même de leur génie, car il en fallut pour construire ces digues immenses, ces villes majestueuses, cette multitude de canaux qui protègent, décorent, fertilisent et vivifient un terrain qui n’était autrefois qu’un marais fangeux. On ne peut faire un pas sans y rencontrer matière à des observations d’agriculture et d’économie politique, rurale et domestique. Prés, bois, chemins, instruments, outils, machines, tout est simplifié, embelli, perfectionné » (p. 334).
8On retrouve le topos ancien24 du pays créé de toutes pièces par le génie humain et très volontiers repris par les voyageurs éclairés du XVIIIe siècle, mais l’œil de botaniste et de « jardinier » de Thouin l’invite à mettre l’accent sur le génie « agricole » des Hollandais, laissant de côté le cliché habituel de l’esprit de commerce, loué ou critiqué, qu’on leur attribue ordinairement. Les observations d’agriculture et d’économie politique, rurale et domestique constituent l’un des objets principaux de son enquête. L’un des collaborateurs de La Décade philosophique, Joachim Le Breton, commente la mission de Thouin en ces termes :
« Si l’on reproche à la guerre son brigandage, la philosophie pourra aussi vanter ses recherches. Le gouvernement a chargé Thouin l’aîné de recueillir, à la suite des armées, en Allemagne, dans la Belgique et la Hollande, tout ce qui pouvait améliorer l’agriculture française. Cet excellent choix garantissait des succès. Thouin enrichit sa patrie, sans insulter, sans appauvrir les vaincus. Indépendamment des observations faites sur l’agriculture et l’économie rurale de ces contrées, il aura procuré 144 espèces d’arbres, d’arbustes, de végétaux étrangers à l’Europe, qui manquaient à la collection du jardin des Plantes » (an III [1795], t. 5, p. 135).
9La botanique occupe naturellement une place de choix, mais les intérêts de Thouin sont variés et ils concernent également les manufactures, les habitants avec leurs habitudes alimentaires, leurs costumes, leurs habitations, leur vie sociale et religieuse25. Sa relation marque un souci constant d’utilité sociale et en particulier une attention soutenue à ce qui peut alléger les conditions de travail et assurer le bien-être des gens les plus humbles, attention qui s’inscrit dans les idéaux philanthropiques qui marquent la fin du siècle26. Ce souci d’utilité sociale qui, comme l’a montré Lorelai Kury dans son ouvrage Histoire naturelle et voyages scientifiques27 (1780-1830), a marqué toute la carrière de Thouin au Muséum, explique sans aucun doute l’intérêt très vif qu’il porte pendant son voyage aux institutions charitables en Hollande et plus particulièrement à celles – nombreuses – sises à Amsterdam.
Institutions charitables
10Thouin ne se considère pas comme un spécialiste de la question et ses observations sur les établissements d’assistance ne prétendent pas donner un aperçu complet. Elles sont dispersées suivant son itinéraire : ainsi il décrit brièvement en passant à Utrecht un orphelinat et mentionne l’hospice des fous qu’il n’a pu visiter. À La Haye, il a été reçu à la maison des Orphelins bourgeois et il en donne une description détaillée. En ce qui concerne Amsterdam, Thouin ne manque pas de nommer la Rasphuys, la maison de correction pour mendiants et vagabonds créée en 1596, mais il s’intéresse davantage aux établissements charitables ou philanthropiques : des hôpitaux destinés aux malades, aux aliénés, différents hospices pour les vieillards, des institutions destinées aux enfants : hospice des Enfants trouvés, divers orphelinats, mais aussi une École de marine de création assez récente au moment où Thouin la visite28.
11Le système néerlandais en matière de police et d’assistance se révèle complexe car on trouve dans les Provinces-Unies une grande diversité d’institutions que l’on peut grouper selon trois grandes catégories29 :
- Les établissements créés et gérés par l’État, en l’occurrence les autorités municipales ou provinciales : établissements pénitentiaires comme la Maison de force (Rasphuys) pour les malfaiteurs, la Maison de travail (Het nieuwe Werkhuis) où l’on fait travailler mendiants, vagabonds, filles débauchées, débiteurs ; l’hospice des Enfants trouvés de la province de Hollande à Amsterdam ; les orphelinats des enfants bourgeois (dont les parents étaient citoyens de la ville), des hospices de vieillards dépendant des autorités municipales.
- Les établissements relevant des divers cultes (orphelinats et hospices de vieillards) : le culte réformé ou calviniste, le seul à avoir un statut officiel avec l’église wallonne qui regroupe les réformés francophones, les cultes dissidents protestants, luthérien et anabaptiste, les cultes juif, catholique, anglican ou presbytérien.
- Enfin il existe des institutions fondées par de riches particuliers qui ont laissé des legs pour leur entretien avec des dispositions testamentaires précises et qui abritent un petit nombre d’orphelins ou de personnes âgées (qui souvent apportent aussi une certaine somme d’argent). Ce sont également des particuliers qui ont fondé l’École de marine mentionnée plus haut.
12La visite de ces établissements fait partie de la liste des « curiosités » inscrites au programme du voyageur et le lecteur en trouve donc régulièrement des descriptions – souvent superficielles – dans les récits de voyage en Hollande. Par ailleurs, dans le domaine de la lutte contre la mendicité, dans celui de l’assistance aux pauvres, le modèle hollandais est souvent invoqué en France dès le XVIIe siècle, également au XVIIIe siècle, avec une certaine évolution d’un siècle à l’autre : on a alors tendance à considérer que le paupérisme est moins une manifestation du péché et du vice que la conséquence de l’état économique et social et on s’intéresse moins aux pratiques d’enfermement des malfaiteurs, vagabonds et mendiants et davantage aux institutions philanthropiques qui permettent d’assister les pauvres, et aussi de leur fournir du travail30. Dans la seconde moitié du siècle, de nombreuses brochures (produites par les académies provinciales, sociétés scientifiques, littéraires, d’agriculture) citent à côté de l’Angleterre et de la Suisse, la Hollande en exemple31.
13Certains voyageurs viennent en Hollande pour mener une enquête sur ces sujets. C’est, par exemple, le cas de Malesherbes, que Thouin connaissait bien et qui a fait un voyage en Hollande en 177632. Malesherbes, dans ses Instructions à M. de la Luzerne (v. 1777), souligne que l’objet le plus intéressant de son voyage fut « la bonne police et le bonheur du peuple en Hollande33 » ; il distingue cinq moyens34 mis en œuvre en Hollande pour assurer l’ordre public et il place au premier chef « les maisons de charité et les secours que l’on fournit aux étrangers qui arrivent non pour vagabonder, mais pour travailler » ; il apprécie le nombre de petits établissements, préférables aux grands que l’on trouve par exemple à Paris, ainsi que leur diversification selon les catégories de la population qui nécessite des aides : malades, hommes vieux, vieilles femmes, veuves, couples, orphelins, « demi-pauvres », c’est-à-dire des personnes qui ne sont pas dépourvues complètement de moyens, mais qui ont besoin d’être aidées.
14À la différence de Malesherbes, Thouin ne fait pas une analyse d’ensemble du système d’assistance, mais on peut déduire par l’attention qu’il leur accorde, qu’il considère, lui aussi, que les maisons de charité sont le moyen le plus intéressant à observer pour tirer des exemples utiles. Ce qui frappe, c’est l’extrême précision de ses descriptions, très détaillées et présentant un intérêt documentaire certain, mais il n’écrit pas un essai sur la question. On peut cependant entendre les échos des idées exprimées dans les rapports du Comité de mendicité (eux-mêmes inspirés par les nombreuses brochures publiées sur le sujet dans le dernier tiers du siècle) : ainsi le principe que l’assistance est un service national et que la société et l’État, responsables de la misère, sont tenus de secourir les indigents35. L’assistance ne doit pas être laissée à la charité privée mais relève de la responsabilité des autorités nationales et/ou locales. On voit que Thouin souscrit à ce principe lorsqu’il note le contraste entre les Pays-Bas autrichiens et les Provinces-Unies, citées en exemple, car on y fournit à la fois secours et travail. La pauvreté, la pratique de la mendicité qui règnent dans les Pays-Bas autrichiens sont présentées comme liées à l’organisation de la société et donc au contexte politique :
« La vue des châteaux et des vastes jardins tout près desquels de nombreuses chaumières tombent en ruines, les essaims de mendiants qui, dans les villages, assiègent les voyageurs, offraient un contraste frappant avec le tableau de la Hollande. Là, point de superbes châteaux, mais aussi point d’habitations en ruines ; rien qui ressemble à l’ostentation, rien qui encourage la mendicité. Pourrait-elle exister dans un pays où des ateliers de toute espèce fournissent de l’ouvrage aux individus qui en manquent, où tout le monde est forcé de contracter de bonne heure l’habitude du travail, où chacun, se suffisant à soi-même, se croirait déshonoré d’être à la merci de ses semblables ?
Il n’est qu’un cas où les habitants de la Hollande se permettent d’accepter des bienfaits, c’est lorsque devenus vieux et infirmes, ils ne peuvent plus gagner leur vie en travaillant. Alors le gouvernement ou des associations philanthropiques ont pourvu à ces nécessités d’une manière aussi noble que généreuse et qui n’a rien d’avilissant pour les pauvres. C’est ainsi qu’on voit dans presque toutes les villes des hospices ouverts aux orphelins, aux invalides et aux vieillards, et dans lesquels logement, nourriture, vêtement, instruction, tout est judicieux, commode, utile et même agréable » (p. 339-430).
15On peut noter cependant que, tout en soulignant l’importance du rôle de l’État, Thouin n’exclut pas les aides privées, au contraire il admire au cours de son voyage les initiatives de particuliers ou des diverses églises pour venir en aide aux plus démunis. Par ailleurs, un avantage de ces institutions est celui de constituer des unités de taille modeste. On rencontre en France de nombreuses critiques à l’égard des grands hôpitaux, difficiles à entretenir et à gérer, et qui sont sources de coûts élevés et de gaspillage. À Amsterdam, Thouin est horrifié par l’hospice des Enfants trouvés – un des rares passages critiques de son texte – et le nombre trop élevé des pensionnaires constitue, selon lui, l’une des raisons du mauvais fonctionnement de l’institution36.
16Cependant l’économie, la meilleure gestion ne sont pas les seuls avantages d’unités petites ou moyennes : ces dernières permettent aussi de développer le lien social qui se perd dans de trop grands ensembles dans lesquels sont entassés, comme le souligne Cabanis dans sa critique des ateliers de charité, « des individus qu’aucun lien naturel n’unit les uns aux autres, dont aucune espérance n’éveille l’activité37 ». Cet aspect du meilleur fonctionnement des établissements grâce à la participation active des pensionnaires et de l’amélioration du lien social qui en découle est un point sur lequel Thouin revient à plusieurs reprises, et sur lequel il insiste, entre autres, dans sa description de l’hôpital des fous d’Amsterdam38. Un certain nombre de tâches sont accomplies par les moins atteints des malades et si Thouin note l’économie qui en résulte, il en souligne aussi l’utilité pour le bien-être des pensionnaires (remède contre l’ennui) mais aussi pour leur apprentissage de la réciprocité des services rendus :
« On a lieu de s’étonner qu’un établissement qui contient tant de monde et qui exige une surveillance si assidue ait si peu de serviteurs à gages. Je n’en vis que quatre ou cinq de permanents ; les autres sont pris parmi les convalescents qui, stimulés par le concierge, prêtent leurs secours avec autant de zèle que d’exactitude : comme ils les ont reçus eux-mêmes, ils acquittent ainsi la dette de la reconnaissance. De cette manière, il y a presque autant d’infirmiers que de malades. Cette pratique, qui offre par l’occupation une distraction contre l’ennui, est en usage dans tous les hospices du pays. Il en résulte à la fois meilleur traitement pour ceux qui souffrent et, dans la dépense, économie qui fait tourner au profit des pauvres les fonds qu’absorbent chez nous des employés si nombreux et si chèrement payés » (p. 290).
17On peut noter d’ailleurs le vif intérêt que Thouin porte à cet établissement, appelé, par sentiment de délicatesse, écrit-il, l’hôpital des pauvres malades d’esprit ; intérêt qui s’appuie, semble-t-il, sur une certaine empathie à l’égard des patients comme on peut le déceler dans les lignes suivantes :
« Dans chaque loge est un malade ; d’un côté les hommes, de l’autre les femmes, en regard les uns des autres, ce qui me semble une imperfection, parce que des accès qui surviennent ici tandis que là on est dans son bon sens, il résulte pour les voisins une peine morale qui trouble leur repos et peut accélérer la reprise de leur folie. Mais ce qui est vraiment bon et humain, c’est que les loges sont à l’abri du très grand froid et des injures de l’air. Peut-être cependant conviendrait-il mieux de les placer isolément, dans l’épaisseur de bosquets, sur un tapis de verdure émaillé de fleurs à couleurs vives et exhalant des odeurs suaves. Je crois qu’il faudrait que les malades ne pussent ni se voir ni s’entendre ; que les personnes chargées de les servir eussent la figure, la parole et les manières douces et affectueuses ; qu’on n’employât jamais à l’égard de ces infortunés que le langage de l’aménité et de la raison. Probablement un tel régime, continué avec persévérance, en guérirait un grand nombre » (p. 285).
18Ces commentaires font d’une certaine manière écho aux rapports (1790) du Comité de mendicité qui recommande à l’attention de l’Assemblée nationale les aliénés, traités jusqu’alors « plutôt en ennemis de la sûreté publique qu’en créatures déchues et malheureuses », et qui cite l’exemple de l’Angleterre39. Thouin donne une description détaillée de l’établissement d’Amsterdam et le considère comme un modèle.
19C’est surtout à l’observation des institutions destinées aux enfants que Thouin consacre le plus d’attention. Le XVIIIe siècle a connu un nombre croissant d’abandons d’enfants en France, mais aussi en Hollande40. Le problème s’avère crucial et constitue un centre d’intérêt évident pour les esprits philanthropes. On assiste aussi à une prise de conscience du rapport entre la lutte contre la mendicité, la délinquance et l’éducation des enfants pauvres, trouvés, orphelins. À ce titre, la Hollande offre des exemples dignes d’observation. L’expérience malheureuse de Thouin à propos de l’hospice des Enfants trouvés est compensée lors de visites à divers orphelinats, institutions de taille modeste et en général mieux dotées et mieux gérées que les établissements destinés aux enfants trouvés. Les remarques de Thouin rejoignent celles d’autres observateurs à savoir le bon état, voire la beauté architecturale des bâtiments41, l’air de bonne santé et même de gaieté des enfants et surtout la formation que ces orphelins reçoivent et qui leur permet plus tard de s’établir convenablement, comme c’est le cas pour les fillettes de l’hospice des orphelins anabaptistes à Amsterdam :
« Les jeunes personnes très proprement vêtues, montrent plus de vivacité que n’en ont ordinairement les autres Hollandais du même âge, signe non équivoque de leur bonne santé, et par conséquent de l’excellent régime de cette maison. On leur apprend tout ce qu’il faut qu’elles sachent pour devenir filles de boutique, marchandes et mères de famille. Lorsqu’elles en sortent pour se marier, ce qui arrive souvent, on leur donne un trousseau et une petite dot. On assure qu’elles récompensent la société de ses soins par la sagesse de leur conduite, par leur intelligence des affaires du ménage et par la pureté de leurs mœurs » (p. 330-331).
20Le contraste est grand avec la situation en France, telle qu’elle est décrite dans les rapports du Comité de mendicité42. Les questions éducatives suscitant un vif intérêt dans l’opinion publique, du fait entre autres de l’influence de Rousseau, il n’est pas surprenant que l’École de marine d’Amsterdam attire l’attention de Thouin qui donne une description détaillée des diverses salles, de l’habillement des élèves, des menus, du règlement intérieur, du programme des études, des exercices pratiques. Le principe de recrutement des élèves répond aux attentes des hommes de la Révolution aspirant à une société plus égalitaire que celle de l’Ancien Régime :
« Les élèves sont pris parmi les enfants de toutes les classes de la société, depuis l’âge de sept ans jusqu’à celui de douze. On y voit des fils de riches négociants, d’officiers supérieurs, même de gouverneurs des colonies, à côté des fils de simples matelots et de pauvres citoyens. L’éducation de ceux-ci est gratuite ; les autres paient une modique pension de 12 florins par mois. Mais tous sont vêtus, nourris et instruits de la même manière, sans aucune espèce de distinction » (p. 311).
21L’éducation dispensée est saine, en effet « la fraîcheur et l’enjouement brillent sur tous les visages » ; la formation morale apprend aux élèves sobriété, simplicité, absence de préjugés de classe, émulation ; sur le plan professionnel, c’est aussi une réussite, car lorsque Thouin visite l’école, « plus de soixante [élèves] étaient déjà entrés dans la marine et y donnaient les plus grandes espérances de bonne conduite et de talents » (p. 317). Aussi ne peut-il conclure qu’en des termes très positifs : « Cette institution honore les hommes qui l’ont établie et qui l’entretiennent ; elle est très utile à la marine, à l’État et aux sciences » (p. 319).
Conclusion
22Dans le domaine des institutions charitables ou philanthropiques, la République batave, l’ancienne république des Provinces-Unies, offre une mine d’exemples à la jeune République française. Il faut cependant remarquer que l’idéal révolutionnaire, inspiré des Lumières, qui anime Thouin oriente son regard et lui fait repérer dans le pays visité les exemples dignes d’être suivis en France, sans poser la question de la cohérence de la politique d’assistance dans son ensemble. En effet, du côté néerlandais, la perception locale est différente car il s’élève dans le dernier quart du XVIIIe siècle de vives critiques contre le manque de coordination, voire l’anarchie dans l’organisation de l’assistance du fait de la grande décentralisation et diversification des instances caritatives43. Nombre d’observateurs français, au contraire, apprécient que ce soient les autorités locales qui prennent en charge les pauvres. La diversité des communautés religieuses est aussi considérée comme positive à cause de l’émulation qui existerait entre elles pour s’occuper au mieux de leurs pauvres, de leurs vieillards, de leurs orphelins.
23Notons d’ailleurs que les réformes de la politique d’assistance que Napoléon a essayé d’introduire en Hollande lorsque celle-ci a été annexée à la France en 1810 et qui portaient surtout sur la centralisation se sont heurtées à l’opposition des Néerlandais, très attachés à l’indépendance de leurs institutions charitables, surtout les institutions confessionnelles et privées, témoins et symboles de la tolérance religieuse et des vertus civiques néerlandaises44.
24Bien qu’il n’y soit pas fait allusion dans le texte de Thouin, on peut émettre l’hypothèse que son point de vue très positif (qui ne concerne pas seulement les institutions charitables, mais aussi l’agriculture) se comprend aussi par le statut récent de république sœur de la République batave : une brochure, intitulée Vues sur la Hollande, datant de 1795 et émanant d’un député de la Convention nationale, Louis François René Portiez (1765-1810), s’attache à prouver que la Hollande est l’alliée naturelle de la France car elle a contribué à propager et à conserver en Europe les idées de liberté. Ses principes politiques se rapprochent de ceux de la France : point d’hérédité dans les emplois publics, les talents et les vertus sont les seuls titres de recommandation ; et la politique religieuse (tolérance) est équivalente dans les deux pays45. Sous divers aspects, la Hollande aurait donc joué un rôle précurseur. Et il est un fait que plusieurs voyageurs français dans les Provinces-Unies, dont Malesherbes mentionné ci-dessus, ont pu, dans les années 1770-1780, observer et dépeindre les effets positifs d’une république moderne46. Si la république n’est pas alors perçue comme un régime politique viable pour la France au temps de la monarchie, ce n’est plus le cas en 1795 et pour Thouin, la confrontation par le biais du voyage avec les effets tangibles du républicanisme hollandais est significative à plus d’un titre. Dans le domaine spécifique de l’assistance, son enthousiasme pour les réalisations hollandaises témoigne de l’optimisme et de l’espoir qui l’animent : mettre en place des secours bien organisés comme c’est le cas en Hollande peut contribuer à l’harmonie sociale et favoriser la construction de ce monde nouveau prôné par les révolutionnaires. Cet exemple hollandais, Thouin s’appliquera à le faire connaître en publiant divers extraits de ses notes de voyage – entre autres ceux concernant les établissements charitables et éducatifs47 – dans La Décade philosophique, littéraire et politique. Selon Marc Régaldo, « Thouin est le principal responsable d’un certain “mythe hollandais” que l’on trouve parfois dans La Décade. L’image d’une Hollande propre, laborieuse, économe, sagement lente et toute tournée vers les solides réalités de la vie quotidienne, n’était-elle pas de nature à corriger la légèreté et la versatilité française48 ? » Mythe ou réalité, le modèle hollandais observé et admiré par Thouin, scientifique en mission, rompt d’une certaine façon avec le cliché d’une relation unilatérale entre la Grande Nation et les Républiques sœurs. Les voyages et en particulier le « voyage de Hollande » ont aussi appris à la France ce que peut être une autre république.
Notes de bas de page
1 Augustin-François Silvestre, Notice biographique sur André Thouin, professeur de culture au jardin du Roi, membre de l’Institut, de la Société royale et centrale d’agriculture, Paris, de l’imprimerie de Madame Huzard, avril 1825, p. 4.
2 « Éloge historique de M. André Thouin ». Lu dans la séance publique annuelle de l’Académie, du lundi 20 juin 1825 par M. le Baron G. Cuvier, secrétaire perpétuel, Mémoires du Muséum d’histoire naturelle, 1825 (vol. 13), p. 221-232.
3 Yvonne Letouzey, Le jardin des Plantes à la croisée des chemins avec André Thouin. 1747-1824, Paris, Éd. du Muséum, 1989, p. 309.
4 Par la Commission temporaire des arts et des sciences, créée le 18 décembre 1793 (Procès-verbaux de la Commission temporaire des arts, publ. et annot. par Louis Tuetey, Paris, Imprimerie nationale, 1912-1917, I, « Introduction », p. VI).
5 Thouin et Faujas de Saint-Fond sont désignés par les membres du Muséum d’histoire naturelle à l’effet « de visiter tous les jardins de botanique et tous les cabinets d’histoire naturelle qui se trouvent dans ces contrées nouvellement conquises » (Bénédicte Savoy, Patrimoine annexé. Les biens culturels saisis par la France en Allemagne autour de 1800, 2 vol. , Paris, Éd. de la Maison des sciences de l’homme, 2003, I, p. 19).
6 Thouin arrive sur le territoire des Provinces-Unies par Maastricht en janvier 1795 et quitte Amsterdam le 28 juin (lettre de Thouin au Comité d’instruction publique du 9 thermidor an iii [AN, F17, 1277]). Son séjour a duré environ cinq mois. Sur les différentes missions des commissaires de la République voir : Ferdinand Boyer, « Le Muséum d’histoire naturelle à Paris et l’Europe des sciences sous la Convention », Revue d’histoire des sciences, 26 (3), 1973, p. 251-257 ; Savoy, op. cit. ; Pierre-Yves Lacour, « Les commissions pour la recherche des objets d’art et de science en Belgique, Allemagne, Hollande et Italie, 1794-1797 : des voyages naturalistes ? », in Nicolas Bourguinat, Sylvain Venayre (dir.), Voyager en Europe de Humboldt à Stendhal. Contraintes nationales et tentations cosmopolites, Paris, Nouveau Monde éditions, 2007, p. 21-39.
7 « J’ai montré (le 8 vendémiaire an iv [30 septembre 1795]) mes 4 volumes de manuscrits, mes dessins et j’ai demandé du temps pour mettre le tout en ordre et en état d’être imprimé. Est survenu peu après mon voyage en Italie, ensuite la contre-révolution et mes manuscrits dorment » (Extraits du grand Recueil, Muséum, Fonds Thouin, cité dans Letouzey, op. cit., p. 450). Oscar Leclerc, dans la notice consacrée à son oncle (André Thouin, Cours de culture et de naturalisation des végétaux, Paris, 1827, p. XIX), mentionne un Voyage en Hollande et en Belgique, 4 vol. , in-4°, manuscrits.
8 André Thouin, Voyage, 1841, préface, p. VIIII : « Une grande partie des notes de M. Thouin étaient relatives aux soins que lui inspirait sa mission. Ces détails seraient sans intérêt pour le public. » L’ouvrage est publié à compte d’auteur et porte l’adresse suivante : Paris, chez l’éditeur, 40, rue Laffite, 1841 ; il compte deux tomes : t. I : Voyage dans la Belgique et la Hollande (29 chapitres, 352 p.) ; t. II : Voyage en Italie (30 chapitres, 492 p.). À la fin du Voyage en Italie, l’éditeur indique explicitement (p. 481) qu’il n’a pas repris les notes concernant la France : « Ainsi la Provence, le Dauphiné, la Bourgogne et jusqu’aux provinces les plus rapprochées de la capitale, lui offrirent une foule de notes dont nous aurions pu faire usage si nous n’avions craint de porter au-delà des bornes l’étendue de cet ouvrage. Mais nous y reviendrons pour peu que nous soyons encouragés par le suffrage et par les désirs du public. »
9 La fin de carrière de Thouin a été difficile et décevante. Le 31 décembre 1813, il a été nommé directeur du Muséum par ses collègues, mais après la chute de Napoléon et le retour des Bourbons en 1815, le Muséum redevient Jardin du roi : Thouin se retrouve alors chef-jardinier sous les ordres du ministre de l’Intérieur. Il meurt en 1824.
10 Le 20 février 1795, deux des membres de la Commission, Leblond et Dewailly retournent en France tandis que Thouin et Faujas dirigent les opérations de confiscation des collections du dernier stathouder, Guillaume V, à La Haye où se trouvent le cabinet de tableaux et les collections de sciences naturelles et, dans l’est du pays, au château du Loo, qui possède une belle ménagerie avec, entre autres, deux éléphants que Thouin décrit en détail dans sa relation de voyage, sans qu’il soit fait allusion à sa mission.
11 Voir Lacour, art. cité, p. 24.
12 Entre autres une lettre de Faujas de Saint-Fond et de Thouin relatant les saisies effectuées à Cologne et Bonn, Magasin Encyclopédique, 1795, p. 362-380 (cité par Savoy, op. cit., p. 28).
13 Voir juin-août 1796 (an iv), vol. 10, « Détails sur les éléphants de la Ménagerie du Stathouder », p. 397-400, « Animaux de la Ménagerie du Stathouder amenés à Paris », p. 369-376, p. 495-501.
14 Voir Jean Imbert (dir.), La Protection sociale sous la Révolution française, Paris, Association pour l’étude de la Sécurité sociale, 1990.
15 Friedrich Wolfzettel, Le Discours du voyageur. Pour une histoire littéraire du récit de voyage en France du Moyen Âge au XVIIIe siècle, Paris, PUF, 1996.
16 Voir Kees Van Strien (éd.), « Joseph Banks, “Journal of a tour in Holland”, 1773 », in History of ideas. Travel Writing. History of the Book. Enlightenment and Antiquity, Oxford, Voltaire Foundation, Studies on Voltaire and the Eighteenth Century, 2005, vol. 1, p. 83-220.
17 Thouin, op. cit., p. 36 : « C’est bien ici encore qu’on reconnaît la vérité de cette opinion d’Arthur Young, qu’un peuple qui fait du grain la base de sa nourriture est toujours à la veille de mourir de faim. » Les Travels in France de Young sont publiés à Londres en 1792-1793, et la traduction française (par François Soules) à Paris en 1794 (chez Buisson).
18 Letouzey, op. cit., p. 394.
19 Thouin, op. cit., p. 173 : « Je parcourus la plage l’espace d’un quart de lieue. Je ne pouvais me lasser de contempler un si grand et si magnifique spectacle. La marée montait, et quoique la mer fût très calme, ses vagues qui roulaient les unes sur les autres et venaient se perdre à nos pieds en écume blanchissante, faisaient un tableau mouvant aussi singulier que nouveau pour moi. »
20 Voir par exemple, p. 66 : « Les habitants de ces campagnes aiment passionnément leurs chevaux ; ils les élèvent eux-mêmes, ils les font manger à la main ; ce sont leurs meilleurs et leurs plus sûrs amis : aussi ne les veulent-ils laisser conduire par personne et ne les quittent-ils jamais. Ces animaux semblent connaître l’attachement que leur portent leurs maîtres : ils répondent à leurs caresses, ils n’ont pas besoin d’être frappés pour travailler avec vigueur, ils supportent patiemment la fatigue et la peine » ; p. 232 : « Les vaches sont superbes […] On les trait deux fois par jour dans la prairie ; à la tranquillité avec laquelle elles se prêtent à cette opération, on dirait qu’elles y prennent du plaisir ». Dans la province de la Hollande septentrionale (ou Noord-Holland), « la campagne fourmille de vaches, de brebis, de porcs, de chèvres et de chevaux qui, abandonnés à eux-mêmes, sans bride, sans licou, sont comme dans l’état de nature et paraissent heureux ; on en peut juger aux courses et aux ébats des génisses, des poulains, des agneaux » (p. 293).
21 Procès-Verbaux du Comité d’instruction publique, publ. et annot. par J. Guillaume, Paris, Imprimerie nationale, 1908, t. VI, p. 785.
22 Voir Roelof Murris, La Hollande et les Hollandais aux XVIIe et XVIIIe siècles vus par les Français, Paris, E. Champion, 1925 ; Madeleine Van Strien-chardonneau, Le Voyage de Hollande : récits de voyageurs français dans les Provinces-Unies, 1748-1795, Oxford, Voltaire Foundation, Studies on Voltaire and the Eighteenth Century, vol. 318, 1994.
23 François Moureau, « L’œil expert : voyager, explorer. Présentation », Dix-huitième siècle, 22, 1990, p. 6-7.
24 Voir par exemple l’épigramme latine de Scaliger « De mirandis Bataviæ. Ad Dousam », qui énumère les singularités de la Hollande, pays sans ressources naturelles, mais regorgeant néanmoins de richesses (Joseph-Juste Scaliger, Opuscula varia anteha non edita, Parisiis, apud Hadrianum Beys, 1610, p. 290).
25 Thouin et Faujas ont été désignés par les membres du Muséum d’histoire naturelle sur la demande de la Commission temporaire des Arts le 18 juillet 1794, à l’effet « de visiter tous les jardins botaniques et tous les cabinets d’histoire naturelle qui se trouvent dans ces contrées nouvellement conquises » (Tuetey, Procès-verbaux de la Commission temporaire des Arts, op. cit., I, p. 305-306. Cité par Savoy, op. cit., I, p. 19).
26 Par exemple le mode de transport du lait, moins fatigant pour le porteur : « Les laitiers et les laitières portent le lait, par les villes, dans des seaux, comme font nos porteurs d’eau à Paris, mais avec cette différence que leurs seaux, d’un bois très dur et tenu avec une grande propreté, sont suspendus à deux chaînes de fer très légères qui les lient à une espèce de collier de bois mis à plat sur les deux épaules au moyen d’une échancrure qui laisse le cou libre dans ses mouvements. Ce collier de bois n’a pas l’inconvénient de la sangle de nos porteurs d’eau, qui, passant en bandoulière sur l’une des épaules, fait supporter toute la charge à cette partie du corps, pour laquelle ce fardeau devient très pénible » (p. 183-184). Il note souvent dans les outils qu’il repère non seulement leur efficacité, mais aussi la moindre fatigue qu’ils peuvent occasionner à leur utilisateur, ainsi à Bruxelles : « Les brouettes des rémouleurs offrent une perfection qui manque aux nôtres. Leurs roues ont un volant au moyen duquel elles tournent avec plus d’activité et avec moins d’efforts de la part du rémouleur » (p. 4-5).
27 Lorelai Brilhante Kury, Histoire naturelle et voyages scientifiques (1780-1830), Paris/Montréal/Budapest, L’Harmattan, 2001.
28 En 1780, d’après le Guide d’Amsterdam, ou description de ce qu’il y a de plus intéressant, Amsterdam, C. Cóvens, 1802, p. 207.
29 Voir Simon Groenveld, Jeroen Johannes Hubertus Dekker, Thom R. M. Willemse, Wezen en boefjes. Zes eeuwen zorg in wees-en kinderhuizen, Hilversum, Verloren, 1997, p. 58 et suiv.
30 L’Assemblée législative en 1789 affirme le droit au travail et le droit à l’assistance. En 1794, le rapport de Barère, du 22 floréal an ii (11 mai 1794), proclame l’ouverture d’un Grand Livre de la bienfaisance nationale et annonce un système global d’assistance concernant les personnes âgées, les mères de famille, les veuves, les orphelins. Hôpitaux et aumônes seraient remplacés par l’organisation des soins à domicile. Cette politique se heurte à de nombreuses difficultés matérielles et sous le Directoire, on constate l’abandon de toute politique nationale d’assistance et la renaissance de la philanthropie privée (Albert Soboul, Dictionnaire historique de la Révolution française, Paris, PUF, 1989, entrée « Bienfaisance nationale », p. 118).
31 Voir par exemple Résumé des mémoires qui ont concouru pour le prix accordé en l’année 1777 par l’Académie des Sciences, Arts et Belles Lettres de Châlons-sur-Marne et dont le sujet était : les moyens de détruire la mendicité en France en rendant les mendiants utiles à l’État sans les rendre malheureux, Châlons-sur-Marne, 1779, p. 125, 129, 300.
32 Malesherbes a été un des familiers de Thouin dès 1778 et il a entretenu avec lui une correspondance suivie (Letouzey, op. cit., p. 118).
33 Chrétien Malhesherbes (Guillaume Lamoignon de), [Voyage de Malesherbes aux Pays-Bas : journal, lettres [1776], instructions à M. de la Luzerne [v. 1777], AN, Fonds Rosanbo, 263AP 19, dr 3-4 ; 263 AP 20, dr1-4.
34 « On voit dans ce pays bien d’autres moyens [que l’enfermement des vagabonds dans des maisons de force comme la Rasphuys] qui concourent à y établir le bon ordre. Le premier et le plus respectable est celui des maisons de charité et des secours qu’on fournit aux étrangers qui arrivent non pour vagabonder, mais pour travailler. Un autre bien différent et bien contraire à la constitution d’une république, qui, à tous les autres égards, respecte la liberté des hommes, est l’usage affreux de l’exportation [la déportation des jeunes gens indisciplinés dans les colonies hollandaises]. Le troisième qui tient à la nature du gouvernement, est la facilité qu’ont les suppôts de police de se faire obéir. Je regarde comme un quatrième la publicité des maisons de débauche, qui, dans l’impossibilité d’empêcher le libertinage, donne au moins la facilité de le surveiller. On donne comme un cinquième moyen le caractère flegmatique des Hollandais » (fol. 34vo-35ro-vo).
35 Voir Camille Bloch, L’Assistance et l’État en France à la veille de la Révolution (Généralités de Paris, Rouen, Alençon, Orléans, Châlons, Soissons, Amiens, 1764-1790), Paris, A. Picard et fils, 1908, en particulier le chapitre V du livre III (« Formation de la doctrine révolutionnaire de l’assistance ») qui traite du Comité de mendicité et plus spécialement les pages 430-450 qui dégagent les points essentiels des rapports du Comité de mendicité.
36 Thouin, op. cit., p. 322-325.
37 Pierre Jean Georges Cabanis (1757-1808), « Quelques principes et quelques vues sur les secours publics », in Du Degré de certitude de la médecine, 1803. Observations sur les hôpitaux, 1790. Cité par Mariana Saad, « Réformer l’hôpital et restaurer le lien social : P. J. G. Cabanis et les secours publics (1789-1808) », in Lieux d’hospitalité : hospices, hôpital, hostellerie, études réunies par Alain Montandon, Clermont-Ferrand, PU Blaise-Pascal, 2001, p. 351-361.
38 Vraisemblablement la Pesthuis, utilisée pour abriter les fous de 1735 à 1830.
39 Bloch, op. cit., p. 439.
40 Marie-France Morel, entrée « Enfance », in Michel Delon (dir.), Dictionnaire européen des Lumières, Paris, PUF, 1997, p. 399.
41 Voir par exemple ces commentaires datant de 1789 : « En général toutes les maisons de charité sont de beaux et somptueux édifices […] Tenues avec une propreté inconnue dans les maisons semblables qui existent chez nous, elles y sont même d’une certaine somptuosité de construction et d’une telle fraîcheur d’entretien à la vue seule du dehors, qu’un étranger prendrait ces hospices de charité pour de grands hôtels ou monuments publics d’une toute autre destination » (Voyage de Brabant, Hollande et Flandre par deux Valenciennois, du 8 juin au 20 juillet 1789, BM Douai, ms. 1206, vol. 2, p. 239, 246).
42 Bloch, op. cit., p. 115-116.
43 Henricus Ferdinandus Josephus Maria Van Den Eerenbeemt, Armoede en arbeidsdwang, werkinrichtingen voor « onnutte » Nederlanders in de Republiek, 1760-1795, ‘s-Gravenhage, Martinus Nijhoff, 1977, p. 9.
44 Jean Imbert, Le Droit hospitalier de la Révolution et de l’Empire, Paris, Recueil Sirey, 1954, p. 405-408.
45 Louis François René Portiez, Vues sur la Belgique et autres pays conquis. Imprimées par ordre de la Convention nationale. Paris, de l’Imprimerie nationale, Thermidor, l’an iii [1795], p. 12-16 : Vues sur la Hollande. Dans une autre brochure, sans doute antérieure à la proclamation de la République batave, le même Portiez est au contraire très réticent vis-à-vis de la Hollande : « La Hollande commerçante, l’œil fixé sur ses trésors, fléchit officieusement sous les ordres du cabinet de Saint-James. Les descendants des Bataves parlent de liberté, et ils n’osent secouer le joug de l’insolent Stadhouder. L’ombre de Barneveld, errante dans ces contrées, ne réveillera-t-elle pas de leur trop long sommeil ces vieux enfants de la liberté ? Hollandais, n’avez-vous pas d’anciennes injures à venger ? Justes ennemis du perfide Stathouder, justifiez que les gueux de Hollande marchent sur la même ligne que les sans-culottes de France et qu’ils sont dignes de fraterniser », Des Voyages, de leur utilité dans l’éducation…, Paris, Imprimerie nationale, s.d., p. 19 (Information communiquée par Gábor Gelléri que je remercie).
46 Voir dans ce même volume, supra, Annie Jourdan, « La république d’avant la République (1760-1791). Voyages français en terres de liberté ».
47 Par exemple, La Décade, sept.-nov. 1795 (an IV), vol. VII, p. 222-282 : « Description de l’École de la Marine de la ville d’Amsterdam, extraite du journal manuscrit des voyages du cit. Thouin, dans la Belgique et la Hollande » ; p. 418-424 : « Description de la Maison des fous d’Amsterdam, extraite du journal manuscrit des voyages du cit. Thouin, dans la Belgique et la Hollande » ; mars-mai 1796 (an IV), vol. IX, p. 155-161 : « Description de la maison de Correction d’Amsterdam. Extrait du journal manuscrit du voyage du cit. Thouin, dans la Belgique et la Hollande ».
48 Marc Régaldo, Un milieu intellectuel : La Décade philosophique (1794-1807), Lille, Reproduction des thèses université de Lille 3, Paris, Librairie Honoré Champion, 1976, 5 vol. , t. V, p. 841-842.
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