Révolution, conflits et voyages mouvementés
p. 105
Texte intégral
1La seconde partie montre clairement un voyage loin de l’agrément, du plaisir ou du contentement de la découverte. La Révolution est violence, contrôle des frontières, censure des déplacements des personnes, contrainte sur les corps. Les pays en révolution vivent dans l’angoisse du complot de l’étranger et des espions hostiles que l’on dénonce et que l’on voit partout. Dans les pays en contre-révolution ouverte, la fermeture des points d’entrée dans leur contrée, la méfiance portée aux émigrés, pourtant fuyant la Révolution, montrent une volonté explicite des autorités de limiter, surveiller et punir tout voyageur qui pourrait développer une volonté un tant soit peu prosélyte des principes honnis de la Révolution. Les travaux de Daniela Tinková et Nicole Pellegrin évoquent les destins douloureux de ces voyageurs fuyant la Révolution et confrontés à une forme d’adversité de la part des polices étrangères, traquant toute forme de voyageurs et voyageuses, fussent-elles de respectables religieuses, susceptibles à leurs yeux de diffuser les idées d’une Révolution qu’il s’agissait d’enfermer dans l’espace français en empêchant toute contagion. La révolution est une peste. Interdire les voyages à partir de la France est concrètement une mesure de prophylaxie politique.
2Le constat est encore plus douloureux pour les républicains exilés dans l’espace républicain. De façon inédite, Guillaume Mazeau étudie ces voyages au bout d’une nuit républicaine où les députés girondins se perdent littéralement dans une géographie hostile. La république qu’ils croyaient connaître se révèle un espace effrayant, angoissant et finalement fatal. Dans cette errance girondine la géographie des institutions politiques républicaines constitue l’adjuvant de leur perte. Le voyage est une descente dans un enfer montagnard, si l’on ose cette figure antithétique.
3La pérégrination des républicains guadeloupéens racontée par Frédéric Régent illustre une désillusion moins tragique mais également injuste. Le voyage sur les mers a « construit » des républicains en un raccourci saisissant : révolte, mutinerie conduisent à une république de bois, qui plus est contre le perfide Anglais. Las, l’arrivée triomphale sur les côtes de la république promise se transforme en arrêt complet, brutal dans la figure contraire du voyage, la prison, soupçonnés qu’ils sont de girondisme, avant que leur républicanisme reconnu ne leur rouvre les portes de leur geôle. Contrairement à une idée reçue, la Révolution produit une relation non évidente mais bien conflictuelle avec le voyage républicain.
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