Une forme spécifique de territorialisation paroissiale : les chapelles de quartier bretonnes
p. 179-195
Résumé
This contribution is at bringing light on the historical meaning of the network of neighbourhood chapels (“frairies”) spread over the two thirds of Western Brittany. This distributional pattern belongs to the Breton spatial limits in the Early Middle Ages, but their framework was only established later (from the 13th century onwards), flexibly completing an already constituted parochial structure. The question also concerns the existing links between these chapels and the keeping of a very numerous local clergy, varying in number in the different dioceses.
Texte intégral
1À l’apogée de la paroisse territoriale, dans une Bretagne qui pare volontiers ses églises d’une monumentalité inhabituelle, il peut paraître étonnant de relever un paradoxe : beaucoup de Bretons des XVIe-XVIIIe siècles n’entretenaient qu’un lien distant à leur paroisse.
2S’il en allait ainsi, c’est d’abord parce que nombre d’entre eux résidaient sur le territoire de ce qui serait ailleurs une « succursale » ou une « fillette » et qui s’appelle ici une trève, d’un terme français qui prend ici, avec un insolite accent grave, une acception propre à la péninsule. Il dérive du breton treb, mot polysémique qui s’appliqua d’abord, au haut Moyen Âge, à tout lieu habité ; ensuite, il désigna un quartier formé de plusieurs hameaux ou, pour mieux dire, de « villages ». Au terme de son évolution, au XIIIe siècle, il en vint à qualifier, dans toute la Bretagne et pas seulement la partie bretonnante, une succursale de paroisse1. Une fois établie, l’église tréviale jouissait d’une très large autonomie : un « curé trévien » célébrait les messes dominicales, les baptêmes, mariages et enterrements, tenait les registres, et les habitants pouvaient s’organiser en corps politique. La tutelle de la paroisse ne se traduisait que par de rares obligations symboliques : quelques processions, le devoir pour les tréviens de « faire leurs Pâques » à l’église-mère, le droit du recteur de prélever une part significative des offrandes. Rares à l’est de la province (on ne compte que 10 trèves dans le diocèse de Rennes et 19 dans celui de Nantes), les trèves se font plus fréquentes en allant vers l’ouest : 63 en Vannetais, 92 en Cornouaille, compliquant la trame des paroisses et leur faisant quelque peu écran.
3Les trèves étaient pourtant peu de chose eu égard aux milliers de chapelles de quartier qui parsemaient la province, suscitant de vifs sentiments d’appartenance : l’autonomie en était moindre mais chaque dimanche, les habitants des villages proches y entendaient la messe et certains pouvaient être inhumés dans le cimetière qui parfois les entourait. Chaque année, le pardon de la chapelle était vécu comme la grande fête du quartier. La communion pascale, les baptêmes et les mariages ramenaient certes occasionnellement à l’église paroissiale mais celle-ci était souvent bien lointaine et peu accessible en hiver ; il n’était pas rare que les habitants se définissent d’abord par leur quartier et leur chapelle avant de se reconnaître membres de la même paroisse2.
4La présente communication voudrait s’interroger sur ce mode particulier de fonctionnement paroissial en présentant, quinze ans après une première publication3, le dossier des chapelles de quartier bretonnes. Avec à l’esprit un double souci : d’actualisation d’une part, à la lumière des travaux publiés depuis 1998 ; d’articulation plus approfondie, d’autre part, avec les recherches des médiévistes, afin de mieux insérer les chapelles dans la longue durée du maillage paroissial.
Aux XVIIe et XVIIIe siècle, un fonctionnement paroissial à deux échelles
5Si les chapelles demeurent aujourd’hui une réalité forte du paysage breton – surtout bas-breton – elles ne représentent qu’une part – la moitié environ – de celles qui existaient à la fin de l’Ancien Régime : plus de 4 000 « chapelles de quartier » peuvent en effet être dénombrées à la fin du XVIIIe siècle, compte non tenu de quelque 2 000 autres, de nature différente (prieurales, domestiques, de cimetière, de bourg, etc.). Leur densité dans l’espace (carte 1), rapportée à un cadre cantonal retenu pour son homogénéité4, révèle clairement l’existence d’un réseau systématique dans les deux tiers occidentaux de la province, à l’ouest d’une ligne qui irait du Mont-Saint-Michel à l’estuaire de la Loire. De très nombreuses paroisses sont donc pourvues d’un nombre variable de chapelles desservant un quartier et entretenant une certaine autonomie par rapport à l’église. Outre le(s) desservant(s) et l’éventuel cimetière, la chapelle est dotée d’un trésorier distinct de celui qui gère la fabrique paroissiale : ce trésorier (appelé également « fabrique ») tient des comptes tout à fait officiels, en tout cas à partir de la fin du XVIIe siècle. Au même titre que ceux des églises paroissiales, ces comptes sont ultérieurement soumis à la vérification épiscopale. Les archives paroissiales bretonnes offrent donc couramment, de manière inhabituelle en France, des séries plus ou moins complètes de « comptes de chapelles » (plus de 5 000). Ceux-ci sont toutefois inégalement tenus et conservés selon les diocèses (carte 2) : la palme revient, en la matière, au diocèse de Quimper dont les comptes (quelque 3 200) sont presque toujours annuels, remarquablement tenus et vérifiés par l’administration épiscopale ; ailleurs, les pertes documentaires furent sans doute massives (Vannetais) ou la tenue fut moins systématique (Léon, Trégor, Saint-Brieuc). À défaut de comptes réguliers5, la mention de trésoriers de chapelles particuliers reste courante au XVIIIe siècle dans plusieurs paroisses des diocèses de Saint-Malo et du secteur nord-ouest du diocèse de Nantes, soit dans la partie occidentale de la Haute-Bretagne. Plus à l’est, elle devient exceptionnelle, sinon accidentelle.

Carte 1. – La densité des chapelles de quartier en Bretagne à la fin du XVIIIe siècle.

Carte 2. – La comptabilité des chapelles : des niveaux d’institutionnalisation variables.
6Sans surprise, la localisation des comptes aujourd’hui conservés confirme la délimitation orientale de la zone des chapelles mais elle introduit cependant de nettes différences interdiocésaines. Celles-ci ne sauraient tenir aux seuls aléas de la conservation : elles renvoient aussi à l’inégal degré de formalisation institutionnelle des chapelles, lequel n’a que peu à voir avec leur densité. Ce ne sont pas, en effet, les secteurs où les chapelles de quartier sont les plus nombreuses – sur les littoraux, densités démographiques aidant – qui nous ont laissé les plus belles séries de comptes : on les trouve en Cornouaille intérieure, dont les densités sont seulement moyennes mais où l’identité de « quartier » est forte, dans des paroisses de superficie parfois très étendue. Ici, les offrandes atteignent des niveaux souvent élevés, parfois plus que les églises paroissiales dans le cas d’une chapelle de pèlerinage. En bonne gestion, l’administration diocésaine ne peut qu’imposer une tenue régulière des comptes et les vérifier soigneusement, d’où leur conservation fréquente. Dans d’autres secteurs en revanche (Léon, Trégor, Saint-Brieuc), des chapelles pourtant nombreuses ont laissé des traces archivistiques moins abondantes et plus discontinues : on devine alors un moindre enjeu institutionnel et financier. C’est dire qu’au-delà du principe général du fractionnement paroissial, la diversité d’application est, sur le terrain, de règle.
7La diversité vaut, en premier lieu, pour la dénomination usuelle des « quartiers » desservis par les chapelles. À dire vrai, ils furent souvent d’abord une circonscription civile et plus exactement fiscale, destinée à répartir les impôts ducaux (fouage) puis royaux (capitation, dixième, vingtième). Prenons-en la mesure dans les rôles fiscaux disponibles à partir de la fin du Moyen Âge pour le diocèse, étendu et divers, de Quimper. Le rôle de capitation de 17186 révèle que le « quartier » fiscal peut être désigné par trois termes différents, variant d’une paroisse à l’autre voire au sein de la même paroisse : parcelle, frairie ou trève (le mot désignant ici non une succursale officiellement reconnue mais un simple quartier). Le Léon et ses marges y ajouteraient un quatrième, celui de cordellée (cordennad en breton). À juste titre, le Dictionnaire français-celtique de Grégoire de Rostrenen (1732) entérine cette diversité sémantique en établissant l’équivalence entre plusieurs termes : lodenn, cordennad et breuryez, soit en français « cordelée, portion d’une paroisse, frairie7 ». Entre tous ces vocables, celui de frairie est sans doute le plus répandu, encore que des diocèses entiers paraissent l’ignorer. C’est pourquoi il a été retenu de manière générique : l’on parle couramment de « chapelle frairienne » bien que l’expression ait été inconnue en plus d’un lieu8. Chaque quartier a son nom particulier, le plus souvent indépendant de ceux des villages qu’il renferme : Scaër se compose ainsi de quatre frairies (le bourg – Lindreaux – Millet – Crémenel) et de deux trèves (Grande trève et Quellec). À la diversité des dénominations s’ajoute celle des échelles de référence : dans certaines paroisses, les rôles de capitation cornouaillais de 1718 ne mentionnent pas de quartiers : les villages y sont énumérés à la file, y compris dans des paroisses étendues9 ; plus fréquemment, de trois à six quartiers souvent liés à des chapelles partagent l’espace paroissial ; cas extrême enfin, certains territoires se distribuent en un très grand nombre de frairies (16 à Clohars-Carnoët10), chacune n’englobant alors qu’un petit nombre de villages et sans chapelle correspondante. La structure frairienne est donc, dans le détail, bien plus adaptable que ne le voudraient les simplifications théoriques.
8Prenons à témoin une paroisse à cet égard emblématique : Plougastel-Daoulas est en effet connue pour la vitalité de ses quartiers – 21 au début du XXe siècle11 – qualifiés de breuriez, un mot breton que les archives du XVIIe siècle traduisent par « confrérie12 ». Ceux-ci sont notamment le cadre du rituel de l’arbre à pommes, mis aux enchères entre membres du breuriez afin de faire dire des messes pour les défunts de la communauté, réduite aux quelques villages limitrophes. Ce n’est pas à ce niveau, trop étroit, que se situent les chapelles – au nombre de huit – mais à celui, supérieur, des « grands » quartiers qualifiés ici de cordellées/cordennad. En 1720, le rôle de capitation de la paroisse13 permet d’en reconstituer la trame précise, village par village (carte 3). On en mesure alors le caractère pérenne car les limites du milieu du XXe siècle demeurent les mêmes, réserve faite du bourg dont le développement récent a justifié qu’il forme un cordennad à lui tout seul. La correspondance des cordellées et des chapelles est globalement effective : grâce à la précision des comptes, il apparaît que les trésoriers de chaque chapelle résident presque toujours dans la cordellée correspondante. Mais il faut, à nouveau, se garder de toute rigidité car le principe souffre plusieurs exceptions : il est des cordellées qui comptent deux chapelles (Rozegat et Saint-Jean) et l’attraction de l’une d’elles – Saint-Trémeur – ignore allègrement les frontières. Enfin, l’une des chapelles de la paroisse (Notre-Dame de la Fontaine-Blanche), d’usage également public, est en réalité un prieuré : elle est donc administrée par son titulaire et non par les habitants du quartier.
9Tirer argument de ces accommodements pour nier la validité foncière du principe frairien serait à coup sûr excessif : qu’existe encore ici ou là, au XVIIe ou au XVIIIe siècle, telle ou telle marge disputée entre deux paroisses ne permettrait pas davantage de conclure à la fragilité des territoires. Car la frairie, quand bien même elle sert à l’administration fiscale, quand bien même elle peut intenter des procédures en justice14, quand bien même elle détermine la composition du corps politique de certaines paroisses15 … relève largement des usages informels. Une certaine souplesse est donc envisageable, et avérée : on peut être de la « communauté » de la chapelle sans être absolument de son « territoire », en particulier dans les villages limitrophes. Mais l’informel n’en est pas moins profondément vécu : à preuve les revendications, perceptibles en bien des lieux, pour que tel quartier de chapelle devienne une trève, avec curé trévien, fonts baptismaux, croix et bannières. Au milieu du XVIIIe siècle, l’évêque de Saint-Malo le relève pour une chapelle de Mégrit (« Les paroissiens prétendent que celle de saint René étoit autrefois une trève et voudroient fort qu’on l’érigea ») et une autre de Corseul (les voisins de la chapelle Saint-Maur, prieuré de l’abbaye de Saint-Jacut, « voudroient en faire une espèce de trève »)16. L’attachement se mesure très concrètement aussi à l’effort financier consenti collectivement pour des travaux d’embellissement ou de reconstruction, sans parler, au début du XIXe siècle, du rachat de nombreuses chapelles en vue de les restituer aux fabriques concordataires, après qu’elles eurent été vendues comme biens nationaux17. À la même époque, les frairies sont une fréquente pomme de discorde entre recteurs et vicaires tentés d’y tailler un fief18. L’apogée de la paroisse territoriale ne permet donc pas d’occulter, dans de larges secteurs de Bretagne, ce fonctionnement à deux, sinon trois échelles.

Carte 3. – Quartiers et chapelles. Plougastel-Daoulas au XVIIIe siècle.
Les chapelles de quartier dans la longue durée du maillage paroissial
10La carte des densités de chapelles (carte 1) invite spontanément à unir l’espace et le temps, en l’occurrence un temps relativement lointain. Elle établit en effet une corrélation frappante entre l’espace des chapelles frairiennes et la partition linguistique et toponymique héritée du haut Moyen Âge (« ligne Loth ») entre Bretagne « bretonnisée » et Bretagne « romane ». Quelles que soient les questions que soulève le constat, aucune autre corrélation ne se détache avec une telle netteté, qu’il s’agisse de la superficie des paroisses – il en est de très vastes, à l’est du pays nantais, qui n’ont pas développé un réseau de chapelles frairiennes – du degré de dispersion de l’habitat ou encore de la densité ancienne du peuplement. En Bretagne orientale, le problème s’est pourtant posé aussi de la desserte religieuse des quartiers éloignés du bourg19 : des chapelles publiques ou semi-publiques ont pu localement y pourvoir mais celles-ci n’ont pas alors le même statut que celles dont il vient d’être question. Il s’agit de chapelles de prieuré, de chapelles privées desservies dans le cadre d’une fondation particulière par un chapelain attitré qui en gère les offrandes20… mais jamais elles ne forment un réseau systématique comme celui qui s’épanouit dans les vastes paroisses situées plus à l’ouest. Quand des archives révèlent leur fonctionnement, il apparaît parfois qu’elles sont gérées par les trésoriers de l’église paroissiale, comme à Chasné en 168621. Un éventuel trésorier particulier demeure une exception rarissime, visiblement liée à un pèlerinage et à un certain montant d’offrandes : en 1645, la chapelle de la Croix-Bouessée en Piré en est dotée mais l’acte créant la charge en détaille trop bien les prérogatives pour que l’institution soit ordinaire dans le diocèse de Rennes22. Ces exceptions ne sauraient invalider le rôle structurant de la limite linguistique et toponymique du haut Moyen Âge.
11Ceci posé, toute la difficulté est de donner une signification historiquement crédible à cette correspondance entre une réalité du haut Moyen Âge et un réseau frairien qu’on pressent largement postérieur. Tirer argument de la coïncidence pour faire des chapelles et des frairies les héritières directes des clans celtiques est une tentation avérée depuis la fin du XIXe siècle. En 1883, aux grandes heures de l’historiographie bretoniste, le marquis Régis de l’Estourbeillon a ainsi attiré l’attention sur les frairies de la partie occidentale du diocèse de Nantes et a cherché à y reconstituer, par d’audacieuses extrapolations toponymiques, un réseau de chapelles et de patronages de saints bretons23. En soulignant cet enracinement « celtique », le dessein de l’auteur était de célébrer des solidarités anciennes, diluées par la « débretonnisation » et l’individualisme de la Révolution, et d’appeler à leur renaissance dans le cadre d’un ordre social chrétien. Si les intentions sous-jacentes ont fait long feu, la thèse des clans celtiques s’est vulgarisée dans les lieux communs d’une littérature parfois approximative24. Quant aux relevés de terrain du marquis, ils ont longtemps fait illusion au profane en linguistique celtique : jusqu’à ce que Bernard Tanguy en révèle la fragilité25, bien des auteurs26 y ont fait référence et s’en sont parfois autorisés pour postuler, au moins à titre d’hypothèse, la haute antiquité du réseau des chapelles27.
12Les chapelles seraient-elles aussi anciennes que le laisserait supposer leur inscription dans un espace haut-médiéval ? Plus sûrement que sur le marquis de l’Estourbeillon, l’argumentation en ce sens a pu se fonder sur un acte du milieu du IXe siècle, la donation d’Anouuareth qui mentionnait « sept chapelles soumises » à l’église d’Anast (aujourd’hui Maure-de-Bretagne) : entre les lignes, « l’organisation paroissiale en vigueur au bas Moyen Âge, avec une église-mère dont dépendaient des chapelles frairiennes ou tréviales » (B. Tanguy28) semblait ainsi se dessiner dès l’époque carolingienne. Dans sa récente thèse, Anne Lunven vient de démontrer que cet acte a été réécrit ultérieurement et qu’il dépeint en réalité la situation du XIe sinon du début du XIIe siècle : il ne saurait donc valoir pour l’époque des migrations bretonnes mais pour une époque plus tardive, alors que le processus d’organisation de l’espace paroissial était autrement avancé29. On ajoutera que, dans notre perspective, les sept chapelles citées sont toutes devenues ultérieurement des paroisses et que l’on ne saurait donc saluer en elles de futures chapelles frairiennes30. L’approfondissement des travaux sur l’espace sacré et les monuments du haut Moyen Âge semble désormais interdire de faire remonter le réseau des chapelles à l’époque carolingienne : les actes les plus anciens du cartulaire de Redon révèlent certes un semis de nombreuses églises, mais sans instaurer de hiérarchie entre elles et sans jamais parler de capellae31. Il n’est sans doute pas impossible qu’une continuité puisse ponctuellement exister entre un lieu de culte mentionné à très haute époque – petits établissements monastiques, ermitages, minihis, églises privées, oratoires de cimetières – et une chapelle de quartier connue à l’époque moderne. La confrontation précise des données ne permet toutefois de dégager que peu de sites éventuels : dans leur très grande majorité, les églises mentionnées dans les actes carolingiens sont ultérieurement devenues des paroisses, quand elles n’ont pas purement et simplement disparu32. Quant aux chapelles d’Ancien Régime qui offrent des indices d’ancienneté incontestables – mention dans un acte, vestiges archéologiques – il s’agit souvent d’établissements monastiques33 à l’exemple du prieuré Saint-Étienne de Guer dont l’architecture remploie un appareillage gallo-romain34. Plus loin dans le Moyen Âge central, le constat reste le même : la très grande majorité des lieux de culte construits aux Xe-XIIe siècles sont paroissiaux ou le deviendront : on n’y trouve qu’exceptionnellement des chapelles considérées comme frairiennes sous l’Ancien Régime35. S’il arrive que certaines chapelles de quartier présentent des parties romanes ou une inscription du haut Moyen Âge, elles n’avaient généralement pas ce statut lors de leur édification : ainsi de la chapelle romane de Languidou en Plovan qu’une inscription (v. 1160) attribue à « Guillermus canonicus ». Qu’une minorité de chapelles s’enracine dans ce passé monastique, érémitique, hospitalier… relève du possible, encore que la preuve formelle manque trop souvent36 ; mais la structure frairienne semble très largement anachronique avant les derniers siècles du Moyen Âge. Il faut, du reste, attendre le XIIe siècle pour voir émerger dans la documentation des chapelles (capellae) sujettes d’une église paroissiale37. Les modalités exactes de leur création nous échappent le plus souvent, à cette date comme bien plus tard. À la faveur de circonstances particulières, la documentation peut pourtant lever le voile sur la fondation d’une chapelle de quartier : lorsque les habitants de Trécoët, clairière de défrichement située dans la paroisse de Plélan, se dotent d’une chapelle en 1229, l’abbaye Saint-Melaine de Rennes (dont dépend Plélan) entend borner strictement ses prérogatives en proscrivant cimetière et cloches, et donc baptêmes38. Ne voit-on pas apparaître ici, à la faveur de la défense des droits de l’abbaye, l’une de ces chapelles frairiennes qui vont proliférer, plus à l’ouest, au cours des siècles qui vont suivre ?
13Si une telle dynamique, engagée à partir du XIIIe siècle, se laisse malaisément mesurer à l’échelle de la province, divers indices la rendent plausible : les caractéristiques architecturales de beaucoup d’édifices, la toponymie en Loc qui souvent leur est associée, les patronages faisant une part plutôt restreinte aux saints autochtones. Il est possible aujourd’hui d’appréhender plus finement le mouvement grâce à l’enquête toponymique très fouillée menée par Pierre Hollocou et Jean-Yves Plourin39 dans la région comprise entre Quimperlé, Bannalec et Gourin. En recherchant systématiquement les formes anciennes des noms de lieux dans les cartulaires médiévaux, les réformations de fouages ou de noblesse des XVe-XVIe siècles et les rôles fiscaux des Temps modernes, l’enquête livre notamment la première attestation archivistique de la totalité des chapelles frairiennes du secteur.

14La place des XVe-XVIe siècles, évidemment servie par l’inflation documentaire, se dégage avec force : c’est alors que se fixe la trame des frairies pour faciliter la perception du fouage ducal40. À Gourin, la partition du territoire paroissial en 18 « treff » précisément dénommées et délimitées est ainsi attestée en 146441. Au fil des ans, le nouveau cadre sert à la mise aux enchères des dîmes (ainsi à Gourin en 1518) puis des impôts royaux des XVIIe et XVIIIe siècles (capitation, dixième et vingtième), voire au recensement des soldats pendant les guerres de la Révolution. Il faut souligner que le lien avec les chapelles n’a, au départ, rien de systématique : lorsqu’elles apparaissent, certaines frairies comportent déjà un lieu de culte dans la mesure où l’un des villages englobés en porte déjà le nom, mais bien d’autres n’en ont visiblement pas encore. Dans bien des cas, le suivi attentif des noms de lieux permet de situer assez précisément l’apparition d’une chapelle, laquelle identifie dès lors un village connu jusqu’alors sous un nom « profane ». Du XVe au XIXe, chaque siècle fournit ses exemples : Talanhoat (Guiscriff) devient Saint-Eloi à partir de 1491, Penancoët (Gourin) devient Saint-Nicolas en 1541, Moustoer-Moualc’h (Langonnet) mue en Saint-Germain en 1661, Trébeuzec (Riec) se change en Saint-Caradec au XVIIIe siècle, et de même Sainte-Jeanne (Le Saint) apparaît-elle en 1838.
15Registres fiscaux puis cadastre révèlent ainsi la densification du réseau des chapelles, de manière d’autant plus précieuse que celle-ci se fait le plus souvent dans le silence archivistique : l’érection d’une nouvelle chapelle, autogérée et autofinancée par les frairiens, ne nécessite souvent aucun écrit à moins qu’elle n’affecte des intérêts particuliers. Ainsi à Pleyber-Christ en 1625, lorsque les « habitants de la frérie de Coatilézec » désireux « de faire construire une chapelle à cause de la distance qui est entre leur territoire et le bourg » obtiennent un terrain du seigneur de Lesquiffiou pour construire la future chapelle Saint-Éloy42 ; ou encore, à l’autre extrémité de la zone des chapelles, lorsque les habitants de la frairie de Gouguestin, en Gaël, s’associent à une fondation particulière pour assurer la desserte de la chapelle Saint-Nicodème du Bran (1623)43.
16Faut-il préciser enfin que si certaines frairies comptèrent plusieurs chapelles, d’autres n’en eurent jamais ? À l’extrémité orientale de la zone, un petit cahier conserve ainsi, pour les années 1765-1827, la trace du fonctionnement d’une de ces frairies sans chapelles, celle de la Fourneraie dans la vaste paroisse de Brains44 : dans l’environnement très spécifique des marais de Vilaine, la frairie se définit surtout par la propriété de biens communaux45 produisant annuellement des revenus (vente de bois, de fougères, de châtaignes) gérés par deux « bâtonniers46 » élus chaque année lors d’une « frairie » qui se tient au lieu-dit la Grée du Vaut. Si aucune chapelle ne peut ici mobiliser les offrandes des habitants, chacun s’enrôle par un versement en argent et les bénéfices servent à célébrer des messes pour les défunts de la frairie, célébrées dans l’église de Brains par le recteur de la paroisse.
17À ce stade de l’exposé, il peut donc sembler acquis que le maillage des chapelles frairiennes, quoique inscrit dans un espace apparemment hérité du haut Moyen Âge, est surtout le fruit des XIIIe-XVIe siècles. Un tel décalage pose évidemment la question, volontiers débattue aujourd’hui47, de l’originalité de la « paroisse bretonne », et des formes de peuplement qui lui sont liées, par rapport à la zone romane : une originalité que les chapelles frairiennes semblent en quelque sorte confirmer par l’aval. On concevra que sur une question aussi complexe, le moderniste laisse à qui de droit le soin de poursuivre éventuellement la réflexion… et choisisse ici d’aborder le problème en d’autres termes.
Des vertus de l’inachèvement
18Une fois resituées dans une chronologie tardive, les chapelles de quartier bretonnes semblent un mode de densification de territoires paroissiaux désormais stabilisés. La question se pose alors de savoir pourquoi le mouvement n’a pas débouché sur de nouvelles créations paroissiales et s’est, en quelque sorte, arrêté en chemin : au mieux, il a conduit à des trèves au sens de « succursales », une acception qui paraît pour la première fois en 128448 ; mais dans l’immense majorité des cas, il n’a produit que des chapelles de quartier. Un tel inachèvement n’avait pas cours sur les marges romanes de la province où de nombreuses paroisses s’intitulent « La Chapelle-… », trahissant par là la promotion d’un édifice secondaire. Il n’en va pas de même dans le reste de la Bretagne : comment expliquer alors ce que Daniel Pichot analyse comme une « évidente réticence à la division49 » des territoires paroissiaux ?
19Sans exclure évidemment que des éléments de réponse tiennent aux particularités de l’institution paroissiale en zone bretonne, l’explication sera ici plus volontiers cherchée dans le contexte propre aux derniers siècles du Moyen Âge et au début des Temps modernes. Il se trouve en effet qu’à partir du XIIIe siècle, la conjoncture semble moins favorable à des créations de nouvelles paroisses dont la viabilité supposait qu’un nombre suffisant d’habitants pût les doter de revenus suffisants : A. Lunven explique par là que « le processus de créations paroissiales s’enraya » dans le diocèse de Rennes dès le milieu du XIIIe siècle, plusieurs paroisses étant même supprimées et rétrogradées50. L’épanouissement occidental des chapelles ne serait-il pas aussi le reflet de ce contexte plus contraignant ? L’érection d’une chapelle de frairie permettait en effet d’améliorer à moindre frais la desserte religieuse d’une population en voie d’accroissement puisqu’il n’y avait pas à constituer un bénéfice supplémentaire.
20Dans le même ordre d’idées, un regard depuis les Temps modernes invite à souligner les avantages que pouvait représenter, pour les habitants mais aussi pour le clergé local, un maillage paroissial inachevé. La grande majorité des chapelles de quartier était en effet, jusqu’à la fin de l’Ancien Régime, dépourvue de toute fondation et donc étrangère au système des bénéfices : ce sont les habitants de la frairie qui entretenaient collectivement le ou les prêtres assurant sa desserte, comme en attestent couramment plusieurs comptes du XVIIe siècle : le trésorier rétribue directement le clergé officiant les dimanches et fêtes, à moins qu’une quête de « bled » ne soit organisée à cette intention chez les « tréviens51 ». On mesure par là que les chapelles permettaient d’entretenir un grand nombre de prêtres du cru, natifs du lieu ou peu s’en faut, qui passeraient le plus clair de leur temps à vivre des messes dites ici et là, en particulier dans les chapelles de quartier. Dans de nombreuses provinces, la recherche récente a mis en exergue l’existence de structures permettant aux communautés locales d’entretenir un effectif très élevé de prêtres non bénéficiers, voué avant tout à la célébration de messes pour les défunts. La Bretagne n’a pas les prêtres filleuls du Limousin52, elle connaît à peine les prêtres communalistes d’Auvergne53 et ignore la figure du capellan de casa si commune dans les Pyrénées centrales54… mais il est probable que la très large autogestion des chapelles de quartier a longtemps pu jouer un rôle partiellement comparable. Elle permettait en effet aux habitants d’entretenir les nombreux prêtres natifs, alors que l’existence d’un bénéfice (chapellenie) ou d’une fondation modeste (prestimonie, altaristie) aurait remis le choix du desservant entre les mains du fondateur ou de ses héritiers, au risque qu’ils présentent un prêtre extérieur au milieu local.
21La floraison des chapelles frairiennes aux XVe-XVIe siècle prend alors un sens évident par rapport au clergé du temps, pléthorique et très fortement localisé. On aurait tort d’imaginer que la Réforme catholique a, en ce domaine comme en bien d’autres, modifié radicalement la situation55. Au milieu du XVIIe siècle, alors que la transformation du clergé (et son érosion quantitative) est déjà bien engagée, l’évêque de Vannes dénombre encore plus de mille prêtres (70 % de l’effectif total dans le diocèse) sans fonction connue56 : ni recteurs, ni vicaires, ils vivent des messes qu’ils célèbrent à la demande ; nul doute que les chapelles offrent des occasions appréciables par leur fréquence et la stabilité qu’elles procurent. À la fin du XVIIIe siècle, le fait demeure attesté : revenant sur les années précédant la Révolution, le chanoine briochin Le Sage signale encore l’intérêt que représentait la desserte d’une chapelle pour de nombreux jeunes prêtres : « Après six ans d’humanités, deux de philosophie, trois et quart de théologie, ils parvenaient au sacerdoce et se retiraient dans leur famille, souvent peu aisée, en attendant le bonheur de devenir vicaire. C’était une chance de desservir la chapelle d’un hameau et d’en tirer une chétive rétribution57. »
22Poursuivant le raisonnement, on peut se demander si bien des inégalités observées ci-dessus – entre l’est et l’ouest de la province mais aussi entre les diocèses – ne trouvent pas une part de leur explication dans cette alternative entre desserte fondée et desserte autogérée par les habitants. La desserte fondée est à coup sûr plus courante en Haute-Bretagne58, d’autant que les évêques ont fait, à partir de la fin du XVIIe siècle, de l’existence d’une fondation une condition stricte pour qu’un culte puisse être célébré ailleurs que dans l’église paroissiale59. Il est aussi des secteurs de Basse-Bretagne où les fondations semblent courantes : c’est notamment le cas du Léon où un grand nombre de chapelles sont desservies dans le cadre de chapellenies, collèges, gouvernements… que les rôles de décimes du milieu du XVIIe siècle révèlent en grand nombre60. Le lien est ici probable avec une forte densité nobiliaire, une richesse plus marquée des notables paysans et sans doute l’exceptionnelle fécondité sacerdotale attestée dès le XVIe siècle61. En revanche, la Cornouaille et – sans doute ? – le Vannetais sont terres d’élection de l’autogestion frairienne : l’administration diocésaine en prend acte dans la seconde moitié du XVIIIe siècle en faisant peser les décimes non seulement sur les bénéficiers mais sur les fabriques elles-mêmes, celles des églises mais aussi celles des chapelles62.
23Il apparaît donc que le système des chapelles de quartier a pu obéir à des logiques qui n’étaient pas seulement territoriales mais touchaient aussi à la position du clergé dans la société rurale : les dimensions des paroisses, les héritages historiques, la répartition et la densité du peuplement sont certes des variables essentielles mais il faut sans doute y ajouter le souci que les communautés ont porté de la subsistance des prêtres sortis de leurs rangs. Il est plausible que les chapelles ont souvent servi de variables d’ajustement entre ces différents éléments, avec davantage de souplesse et de faculté d’adaptation aux situations locales que ne l’auraient permis des paroisses de plein exercice. La Réforme catholique, qui est pour les prêtres des campagnes le temps de la « grande mutation63 » (Serge Brunet) limite certes la liberté dans laquelle le système se mouvait depuis la fin du Moyen Âge : vient le temps – à la charnière des XVIIe et XVIIIe siècles ? – où la desserte des chapelles n’est plus assurée par un prêtre demeurant à proximité immédiate mais par un vicaire nommé par le recteur. Il ne réside plus sur place mais vient tous les dimanches célébrer une messe matinale et se hâte de retourner au bourg pour la grand-messe paroissiale, comme le note fièrement le recteur de Crozon de ses dix-huit vicaires en 174564. De même, les chapelles perdent de leur autonomie financière : leurs ressources sont régulièrement ponctionnées par les recteurs (qui prélèvent de droit le tiers des offrandes) mais aussi par les fabriques paroissiales en mal d’argent. Quoique désormais sous tutelle, le système des chapelles n’est pourtant pas fondamentalement compromis, d’autant que les évêques créent peu de nouvelles trèves et érigent moins encore de nouvelles paroisses. Tant que les territoires demeurent ce qu’ils sont en pays d’habitat dispersé, et les distances si malaisées à parcourir en hiver, les chapelles restent une nécessité. Elles le sont d’autant plus que la pastorale tridentine ambitionne comme jamais d’encadrer jusqu’aux brebis les plus éloignées : on y fait le catéchisme, on y confesse, on y consacre des hosties à l’intention des agonisants pour s’éviter de porter processionnellement le viatique depuis l’église du bourg. En 1779, l’évêque de Quimper le reconnaît sans peine de la chapelle de Botmeur, à deux lieues du bourg de Berrien : « il est nécessaire d’y faire faire toutes les fonctions curiales à l’exception des mariages et peut-être les baptêmes65 ». Quant aux recteurs, ils se félicitent sans doute d’un système qui leur permet de choisir parmi leurs vicaires les desservants des chapelles – alors qu’une fondation leur aurait singulièrement compliqué la tâche66 – tout en faisant porter sur les frairiens la rétribution de leur service car, comme l’explique encore le recteur de Crozon en 1745, « ces prêtres n’ont d’autre salaire que les quêtes que chacun fait dans l’arrondissement de sa chapelle67 ». L’autogestion frairienne n’est certes pas aussi libre qu’un siècle ou deux plus tôt mais les conditions d’une réelle souplesse demeurent, dont chacun – prêtres et habitants – sait tirer profit.
*
24Les chapelles de quartier nous apparaissent donc comme une forme de territorialisation tardive, et inachevée, de l’espace paroissial, par remplissage d’une forme déjà constituée et délimitée. Qu’elles aient rajeuni une vieille frontière, depuis beau temps révolue sur le plan linguistique, reste sans doute à éclairer plus précisément : constatons en tout cas que les chapelles plaideraient en faveur de la dimension structurante de la « ligne Loth » sur un temps plus long que celui de la migration bretonne.
25La fonction frairienne qu’assument les chapelles à partir du XIIIe siècle garde sa pertinence jusqu’à une date très tardive : au XIXe siècle, les écoles de hameau s’inscrivent encore pleinement dans la même logique. En 1951 encore, la chapelle Saint-Albin de Plogonnec n’est-elle pas largement agrandie pour faire face à l’augmentation de la population du quartier68 ? en 1935, Spézet construit également Sainte-Thérèse de Kerhaliou, à près de dix kilomètres du bourg, mais en utilisant les pierres provenant de la destruction de deux anciennes chapelles frairiennes. Car à cette date, la courbe s’est bel et bien inversée : même si le processus s’engage plus tôt, c’est au XXe siècle que les chapelles perdent leur fonction territoriale. On en devine les raisons : l’amélioration des routes et la plus grande facilité des déplacements induisent un nouveau rapport à l’espace. L’exode rural tend à vider bien des villages de leur dynamisme : la vie de quartier s’étiole, la sociabilité et les fêtes se fixent plus volontiers au bourg. La diminution du nombre de prêtres, dans le contexte difficile du début du XXe siècle ne permet bientôt plus d’affecter un vicaire à chaque chapelle ; quand les vocations reprendront dans l’entre-deux-guerres, les écoles et patronages seront des priorités autrement urgentes. Beaucoup de chapelles achèvent alors de disparaître, victimes du désintérêt conjoint des paroisses et des municipalités, promptes à se rejeter la charge d’un entretien aussi coûteux qu’inutile. Celles qui subsistent le doivent à leur capacité à garder un sens pour une communauté, en particulier le jour du pardon, seule occasion désormais de faire revivre les vieux murs ordinairement délaissés. Oubliées les frairies et les cordellées, dont seuls les plus âgés conservaient le souvenir et dont les noms, absents de toute signalétique, ont toutes chances d’être ignorés aujourd’hui. Mais des centaines de chapelles sont toujours là : beaucoup ont été sauvées in extremis grâce à des dizaines d’associations de sauvegarde créées en général à partir des années 198069. À travers cette action, une forme de communauté continue de se reconnaître en elles : communauté fragilisée, épisodique, souvent dilatée au-delà du quartier d’autrefois… mais toujours vivante. Comme si s’était produit, entre la Grande Guerre et la fin des Trente Glorieuses, un premier remembrement paroissial, interne et silencieux, dont il serait toutefois bien difficile de dire en quoi il peut avoir valeur d’exemple pour celui qui s’opère aujourd’hui sous nos yeux.
Notes de bas de page
1 Tanguy B., 1998.
2 Ainsi à Bannalec (Kervran M., 1986).
3 Provost G., 1998.
4 Sur les conditions d’établissement de cet inventaire, Provost G., 1998, p. 24-29. Publiée en 1998, cette carte cantonale a été reproduite dans Lagrée M. et Tanguy B., 2002, p. 94-95.
5 Ponctuellement toujours possibles : arch. dép. Ille-et-Vilaine, 2 G 295/3-4 (Saint-Mathurin d’Allérac en Saint-Just) ; arch. dép. Loire-Atlantique, G 405 (deux chapelles d’Herbignac).
6 Arch. dép. Loire-Atlantique, B 3538.
7 Cité par Tanguy B., 1998, p. 237.
8 Guillorel E., 2010, p. 292, remarque que son emploi demeure rare dans les complaintes de tradition orale, où l’on parle plus volontiers de « quartier ».
9 Lopérec, Plévin, Le Faouët, et même Crozon, qui compte dix-huit chapelles.
10 On pourrait citer également Ploubezre ou Guidel qui ne comptent pas moins de 22 frairies, ou Plougastel-Daoulas qui en affiche 21 (infra).
11 Bodénès L.-M., 1978, p. 147.
12 Arch. dép. Finistère, 186 G 26, comptes de la chapelle Saint-Adrien de Plougastel-Daoulas.
13 Arch. dép. Loire-Atlantique, B 3541.
14 Un exemple de 1665, concernant les frairiens de Larmor en Sulniac, cité par Gallet J., 1983, p. 462.
15 Ainsi à Plogonnec en 1717 où chaque quartier (appelé ici trève) désignait deux représentants parmi les délibérants (Cariou P., 2000, p. 11-12).
16 Arch. dép. Ille-et-Vilaine, 1 G 71/1, état des paroisses du diocèse de Saint-Malo v. 1750, f° 39 r° (Corseul) et 88 r° (Mégrit).
17 Sur tous ces points, Provost G., 1998.
18 Gicquel S., 2008, p. 202-205.
19 Parfois également dénommés « frairies » (à Saint-Herblain, Couëron, Saint-Étienne-de-Montluc d’après Tanguy B., 1998, p. 242) ce qui ne doit pas surprendre dans la mesure où le terme, diffusé par l’administration civile, ne doit rien à la langue bretonne. Le terme de trève est également utilisé dans les diocèses de Rennes et de Nantes pour désigner une succursale juridiquement reconnue : sa reconnaissance par le droit ecclésiastique et civil breton lui a permis de prendre valeur désignative pour toute la province. En revanche, le mot ne s’utilise jamais, en zone romane, pour désigner un simple quartier de paroisse.
20 Et tient parfois des comptes, comme on le voit au petit pèlerinage de Notre-Dame de Hirel en Ruca (arch. dép. Côtes-d’Armor, 20 G 468).
21 Arch. dép. Ille-et-Vilaine, 2 G 70/5, déclaration des paroissiens de Chasné relatives aux chapelles de la paroisse, 30 décembre 1686.
22 Arch. dép. Ille-et-Vilaine, 2 G 225/26.
23 L’Estourbeillon R. de, 1883.
24 Guillerm Y., 1986.
25 Tanguy B., 1998.
26 Depuis Gallet J., 1983, jusqu’à Provost G., 1998, en passant par Tonnerre N.-Y., 1994.
27 Tonnerre N.-Y., 1994, propose ainsi de situer à l’époque carolingienne « la création des chapelles rurales » (p. 228-229) et d’envisager dès cette époque, avec précautions il est vrai, les frairies comme « une structure en gestation » (p. 454-457).
28 Tanguy B., 1988, p. 13.
29 Lunven A., 2012, p. 104-128.
30 Le même constat s’applique à Plouasne où apparaissent, vers 1140, quatre chapelles qui devinrent toutes des paroisses (Saint-Pern, Bécherel, Longaulnay et Le Quiou).
31 Lunven A., 2011, p. 119.
32 Tanguy B., 2010. Par exemple, la mention de l’aula Clis dans le cartulaire de Redon ne peut garantir la continuité avec la chapelle qui dessert aujourd’hui cette frairie de Guérande.
33 Sur l’inventaire effectué en 1992-1995 (6386 chapelles) à partir des données disponibles alors, seules 127 chapelles bretonnes sont réputées remonter plus haut que le XIVe siècle. Leur statut précis se répartit ainsi : chapelles de prieurés, 54 ; chapelles hospitalières, 7 ; chapelles de cimetière ou de bourg, 10 ; chapelles de quartier, 46 ; chapelles privées, 10.
34 Guigon P., 1993.
35 Ibid.
36 On peut citer ici des chapelles établies sur des nécropoles fort anciennes, qu’il s’agisse de Saint-Guévroc à Tréflez, de Saint-Urnel à Plomeur ou de Saint-Clément à Quiberon (Guigon P., 1994).
37 Une bulle de 1183, en faveur de l’abbaye de Saint-Jacut porte la mention suivante : « cum omnibus capellis in eadem parrochia constitutis » (cité par Pichot D., 2002, p. 215).
38 Duval J.-F., 1998. Je remercie Daniel Pichot qui m’a signalé cette référence.
39 Hollocou P., Plourin J.-Y., 2007 et 2008.
40 Gallet J., 1984. L’une des plus anciennes mentions doit se trouver dans un acte de Jean IV (1367) concernant la « fraerie de Prosat » en Sarzeau (Tanguy B., 1998).
41 Hollocou P. et Plourin J.-Y., 2006.
42 Arch. dép. Finistère, 1 E 95. Malheureusement, le document original a disparu et n’est connu que par cette citation, vraisemblablement modernisée, de Peyron, P., 1917, p. 183.
43 Arch. dép. Ille-et-Vilaine, 2 G 38/1, actes de 1606, 1623, 1683.
44 Arch. dép. Ille-et-Vilaine, 20 G 37/32. Ce document a été présenté, et sauvegardé, par Guilloux, abbé, 1908.
45 Scuiller S., 2008.
46 Le terme est courant dans les paroisses des bords de Vilaine et il s’y applique également aux trésoriers des chapelles.
47 Lunven A., 2011.
48 Tanguy B., 1998.
49 Pichot D., 2002, p. 185.
50 Lunven A., 2011, p. 407 : dans le diocèse de Rennes, il s’agit de Hédé, Saint-Martin-des-Bois, Saint-Melaine-sur-Vilaine, Igné et Fontenay ; de même Campel dans le diocèse de Saint-Malo.
51 Quelques exemples : à Saint-Adrien de Plougastel-Daoulas en 1641-42 : « A Missire Guimarch Gourmelon pour avoir célébré messe en lad. chapelle festes et dimanches, 9 L. » (arch. dép. Finistère, 186 G 26) ; à Saint-Pierre de Plogonnec en 1669-1670, « A Nicolas Guézenec pour avoir faict la queste de s. Pierre dans la treffve du Quillian, 5 s. » (ibid., 168 G 10) ; dans la même paroisse, à la chapelle Saint-Denis en 1697-1698, « pour du bled que les tréviens luy ont […] pour paier le chapelain » (ibid., 168 G 12).
52 Perouas L., 1988.
53 Gomis S., 2006. La Bretagne ne semble avoir connu de communautés de prêtres que dans quelques villes (Fougères, Ploërmel). Sur ce point, Berthelot du Chesnay, 1984, p. 346.
54 Brunet S., 2001.
55 Quéniart J., 2005.
56 Pérès G.-H., 2010.
57 Gicquel S., 2012, p. 51-52.
58 Le P. Berthelot du Chesnay (ibid.) parle d’une « foule de chapellenies et de fondations, dotées de terres ou de capitaux, dont l’inventaire exhaustif paraît défier les recherches ». Restif B., 2006, permet une mesure précise des fondations ayant donné lieu à un acte écrit.
59 Encore remarque-t-on que les frairiens interviennent parfois dans la fondation, comme au Bran en 1623 ou à Carentoir en 1778 : cette année-là, un accord est passé entre les frairiens et le chapelain pour la desserte de la chapelle Saint-Adrien (Leclaire, abbé, 1895, p. 63).
60 Arch. dép. Finistère, 5 G 619.
61 Croix A., 1980, t. 2, p. 1159-1160.
62 Arch. évêché de Quimper, 11 AA 17. Systématique en Cornouaille, la pratique a pu exister plus ponctuellement en Vannetais (à preuve les comptes de la chapelle du Bois-du-Gué en Saint-Servant-sur-Oust, arch. dép. Morbihan, G 1302).
63 Brunet S., 2007.
64 Peyron P., 1910, p. 170.
65 Arch. évêché de Quimper, 6 AA 13, cahier de visites pastorales de Mgr Conen de Saint-Luc en Haute-Cornouaille, p. 315.
66 À preuve le conflit durable, à partir de 1700, entre les recteurs de Cesson (diocèse de Rennes) qui entendent nommer et contrôler le desservant de la chapelle de Calendron et les habitants qui se considèrent comme les descendants des fondateurs (arch. dép. Ille-et-Vilaine, 2 G 54/4).
67 Peyron P., 1910, p. 170.
68 Dilasser M., 1979, p. 593.
69 Drouin M., 2005.
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