Chapitre III. L’entrée en politique
p. 81-101
Texte intégral
1La défense de la cause dreyfusarde et à sa suite d’autres engagements dans le débat civique, le soutien à l’aviation naissante, conduisent Painlevé à la politique active. Durant six mois, entre l’annonce de sa candidature à la députation à Paris à la fin de l’année 1909 et son élection à l’issue du scrutin du 8 mai 1910, Painlevé se consacre à l’expérience inédite d’une campagne politique1. Compte tenu des difficultés généralement rencontrées par les candidats pour percer en politique, sa réussite, même à l’issue d’un scrutin de ballottage, apparaît remarquable. D’autant que, novice dans la lutte électorale, Painlevé est directement confronté aux enjeux d’un scrutin législatif.
2Certes, ses engagements antérieurs permettaient de le situer à gauche. Mais contrairement aux candidats ayant auparavant milité dans un parti ou déjà exercé des responsabilités politiques, son identité demeurait floue. L’étiquette sous laquelle il se présente, « concentration républicaine », ne suffit pas à la préciser. Il est de fait susceptible de s’inscrire dans un champ assez large allant d’une extrême gauche socialiste à un centre gauche modéré. Les soutiens partisans récoltés pendant la campagne, cohérents avec son image encore brouillée, ne permettent pas de trancher. Ils prouvent en revanche l’intérêt de ne pas négliger les partis. De fait, les engagements de Painlevé durant les semaines qui ont précédé son élection l’ont fait bénéficier tant de l’appui des radicaux que des alliancistes et, pour le second tour, des socialistes unifiés. Pourtant, le nouveau député du 5e ne rejoint pas l’une des organisations dont se réclament les militants qui l’ont soutenu. Probablement la fin de l’année 1909, assurément le printemps 1910, marquent le terminus a quo de son histoire avec les républicains socialistes. L’heureux élu s’inscrit dès son entrée à la Chambre au groupe parlementaire républicain socialiste et, quelques mois plus tard, participe à la fondation du parti du même nom. Ils demeurent d’une grande fidélité l’un envers l’autre : Painlevé n’a jamais renoncé à sa famille politique qui le choisit après guerre pour être durant huit années son président d’honneur. En 1910, convictions et opportunités s’étaient conjuguées pour convaincre le savant d’adhérer à ce parti neuf. Dès lors, son investissement en son sein s’avère représentatif non seulement d’un mode de fonctionnement fort répandu parmi les parlementaires au début du XXe siècle, mais encore d’un type de culture politique conduisant à s’afficher comme socialiste réformiste, quand bien même le républicanisme, de fait, guide fondamentalement l’action politique.
Le choix d’un parti
3À la fin de l’année 1909, le savant est choisi pour remplacer René Viviani, député du 5e arrondissement de Paris. Élu en 1893 en tant que candidat « républicain socialiste », réélu en 1898, Viviani avait, en 1902, perdu son siège parisien au profit de Jules Auffray, antidreyfusard soutenu par la droite nationaliste. Ayant en 1906 reconquis la circonscription comme « candidat de la concentration républicaine » présenté par « l’union des comités radical socialiste et socialiste », Viviani s’inscrivait au groupe parlementaire des « socialistes indépendants ». Pour le scrutin de 1910, l’élu du 5e souffre de l’impopularité de la loi sur les retraites ouvrières. Comme il l’a portée en tant que ministre du Travail et de la Prévoyance sociale, il est directement visé par les critiques de ceux qui estiment trop tardif l’âge auquel la retraite est accordée. Dès lors, Viviani préfère être parachuté dans la Creuse. Pour ne pas desservir le néophyte appelé à lui succéder, il n’intervient pas officiellement dans son ancienne circonscription. Néanmoins, l’ombre insistante du député sortant plane sur la campagne parisienne. Souhaitant profiter de son expérience et de ses conseils, Painlevé est discrètement en contact avec lui. Lors des réunions électorales, il doit en outre répondre de la politique de son prédécesseur et prendre position sur les retraites ouvrières qui, pour lui, constituent une incontestable avancée sociale. Painlevé débute bien sous le patronage du républicain socialiste avec lequel la collaboration se poursuivra en aval de l’élection. Néanmoins, un sens déjà aigu du jeu politique le conduit à accepter d’autres soutiens.
En campagne dans la capitale
4Bien qu’il succède à un républicain socialiste, Painlevé ne se définit jamais comme tel durant la campagne. Pour favoriser le regroupement autour de son nom, il se présente en candidat de la « concentration républicaine » choisi par les « comités républicains » de la circonscription. Pour le premier tour, les socialistes unifiés défendent leur propre candidat. Le parti républicain que Painlevé prétend incarner est donc limité, en termes partisans, à sa gauche au parti radical, à sa droite à l’Alliance républicaine démocratique2. Ce double parrainage n’a pour l’heure rien d’exceptionnel : malgré la dislocation du Bloc des gauches, l’ARD cautionne plus volontiers des ententes sur sa gauche et près d’un tiers des candidats par elle présentés obtient également le soutien du parti radical3.
5Compte tenu de l’offre électorale dans le 5e arrondissement, Painlevé est un candidat valable pour ces deux organisations qui entendent faire front contre l’unique représentant de la droite. La médiocre situation électorale du radicalisme dans la capitale explique le choix du parti valoisien de soutenir une personnalité, certes indépendante, mais disposant d’une forte notoriété4. L’ARD, qui porte indifféremment des candidats « du parti républicain », « choisis par les comités républicains », « d’union et de concorde du parti républicain », sait se satisfaire de l’étiquette brandie par Painlevé. Le programme défendu par le savant rend également possible l’appui des radicaux et des modérés. Sur un certain nombre de valeurs (la laïcité en particulier), sur le rejet des monopoles, du collectivisme ou de la violence en politique, il y a accord avec l’ARD. Sur d’autres thèmes cependant – notamment l’impôt sur le revenu, le droit syndical pour les fonctionnaires –, Painlevé s’éloigne des idées défendues par les candidats de l’Alliance. Le caractère social et pacifiste de son programme le rapproche en effet plus des radicaux. De fait, pendant sa campagne, Painlevé affiche le patronage du parti valoisien, mais tait le soutien de l’Alliance.
6Le compétiteur dispose d’autres atouts, et pas seulement de l’appui des socialistes indépendants de la circonscription. Alors que sous la IIIe République les candidats jugent bien souvent nécessaire de s’identifier à la circonscription dans laquelle ils briguent un mandat5, Painlevé se présente comme une incarnation vivante de la première circonscription du 5e arrondissement de Paris, celle des grandes écoles, de la Sorbonne et du Collège de France. Aux yeux de ceux qui résument le quartier à son exceptionnelle concentration d’établissements d’enseignement, l’osmose entre l’image de la circonscription et celle du candidat peut opérer. La réussite sociale de ce Parisien d’origine s’inscrit dans ce cadre ; Painlevé et son comité de soutien ne se privent pas d’utiliser l’argument. Son origine professionnelle est présentée comme une garantie quant à la méthode dont le député usera : la recherche de la vérité l’a guidé dans son travail scientifique ; elle l’orientera aussi dans son action politique. Par ailleurs, grâce à son passé dreyfusard et à son engagement en faveur de l’aviation, Painlevé bénéficie tout à la fois d’une notoriété académique et d’une image d’homme de gauche porteur de modernité. Son expérience d’enseignant et de conférencier coutumier de la parole publique le sert également dans le nouveau type de joutes auxquelles il est confronté. Enfin, il se présente dans une circonscription où la gauche est bien implantée. Pour autant, sa virginité politique le met à l’abri des critiques qu’un candidat ayant déjà exercé un mandat pourrait subir. N’étant pas affilié à un parti, il n’a pas non plus a priori à répondre des choix parlementaires et gouvernementaux de ses pairs.
7Mais le scrutin de 1902 a montré que rien n’était gagné par avance dans le 5e. Par ailleurs, si l’âge de Painlevé – quarante-six ans – n’est pas un motif de suspicion pour les électeurs – la plupart des parlementaires sont plus jeunes au moment de leur première tentative législative –, son inexpérience peut l’handicaper. Les votants ne peuvent s’appuyer sur aucun bilan pour juger de ses capacités à exercer des responsabilités publiques. Il n’a pas en outre l’expérience du débat politique contradictoire, contrairement à Jules Auffray, ancien élu, rompu au jeu politique. Encouragé par ses amis Appell et par le couple Borel, Painlevé n’épargne pas sa peine6. Il multiplie les meetings auxquels s’ajoutent réunions privées et tournées dans les cafés ou les boutiques. La défense des petits patrons, susceptible de répondre aux attentes d’une partie importante des électeurs du 5e arrondissement, est très souvent l’objet de ses interventions. Le savant propose également des réformes plus à même de satisfaire les salariés. Il s’engage tout particulièrement à prendre le parti des fonctionnaires.
8La jeunesse « républicaine », particulièrement active dans cet arrondissement à forte concentration étudiante, se mobilise en faveur du savant combattu tant à sa gauche qu’à sa droite. La droite est unie autour de Jules Auffray. La gauche, signe de la vigueur de ses idées dans la circonscription, mais aussi de sa division, est représentée par quatre autres candidats : un socialiste unifié, deux socialistes indépendants et un radical indépendant. Les socialistes font de Painlevé le successeur de Viviani, un candidat bourgeois dont il convient de se méfier. Dans l’une des affiches placardées avant le premier tour, Poli le stigmatise :
« Ne votez pas pour Painlevé ! Ce serait demander la continuation du régime d’hypocrisie sociale de la concentration républicaine ; ce serait approuver les révocations en masse ; ce serait voter pour Viviani vomi par l’arrondissement. Ces hommes représentent les partis bourgeois et toujours d’accord pour répondre par la fusillade aux revendications ouvrières7 ! »
9En revanche, pour la droite, Painlevé incarne l’archétype de l’homme de gauche. Des pamphlets dits « patriotiques », ouvertement antisémites, antiprotestants et antimaçonniques, le présentent manipulé par des forces occultes :
« Ce Painlevé ne me dit rien qui vaille, sorti qu’il est du levain dreyfusard, sacré maçon par cette valetaille, qui prend son nom rue Cadet, Lupanar, où chacun sait qu’on honnit la patrie, lui préférant la vague humanité pour éviter de sacrifier sa vie à celle qui fut amour et bonté, la douce France, et la mère et l’amie des vrais Français toujours francs et loyaux [...]. Tel Painlevé, au visage roublard, veut nous capter par sa voix qui résonne faux, sous un masque, où perce le regard d’ami suspect, avec sa double face, qui nous fait voir deux portes de Janus, et note bien de quelle souple race il tient ses droits, ses liberté d’intrus ; des nobles juifs de l’illustre Viviane, des francs-maçons, des lâches protestants, de tous les serfs du démon Arimane, des embauchés de tous les mal-pensants8. »
10Le taux de participation, 83 %, et la nécessité d’organiser un second tour, sont conformes à la tendance exprimée au niveau national en l’absence, cette année-là, d’affrontement bloc à bloc. Jules Auffray arrive en tête (4 745 voix), Painlevé le seconde (3 896 voix), suivi de loin par le candidat de la SFIO (1 474 voix). Pour le scrutin de ballotage qui oppose Auffray et Painlevé, le parti radical et sa fédération de la Seine prennent officiellement position en faveur du second. L’incertitude demeure quant aux modalités de report des voix attribuées aux autres candidats de gauche. Se présentant en républicain prêt à affronter l’homme de la réaction, Painlevé appelle les électeurs de Poli à voter pour lui :
« à tous les républicains, j’ai dit, je répète aujourd’hui, que je ne connaissais pas d’ennemi à gauche. [...] électeurs socialistes qui au premier tour vous êtes affirmés sur le nom du citoyen Poli, en vous demandant vos suffrages, je ne vous demande aucun sacrifice de vos principes, pas plus que je ne sacrifierai rien des miens. Mais il faut choisir demain entre la réaction et la République. L’abstention est impossible. S’abstenir, c’est donner une demi-voix à la réaction9. »
11Annonçant le retrait de son candidat, la SFIO, pour autant, ne donne pas de consigne de vote. Cependant, conformément à l’avis officieusement exprimé par certains socialistes de la circonscription avant même le premier tour, diverses manifestations visent à convaincre les électeurs de l’extrême gauche de voter pour Painlevé. Corcos fait ainsi apposer une affiche enjoignant à choisir le savant :
« Après la bataille, il ne reste en présence que deux candidats bourgeois. Les travailleurs ne peuvent donc plus voter pour le socialisme. Mais ils peuvent encore, et c’est leur devoir, voter pour la République. M. Auffray reste l’éternel réactionnaire, défenseur de tous les privilèges ; M. Painlevé défend le droit syndical, l’école laïque, les libertés ouvrières. Le choix d’un socialiste conscient, fidèle à ses principes, n’est pas douteux. Pour moi, je déclare en mon nom personnel, je vote au second tour pour le candidat Painlevé10. »
12Les échanges entre les candidats restés en course sont des plus vifs. Une affiche placardée par Painlevé, jugée malhonnête par Auffray au motif qu’y sont juxtaposées des déclarations parfois très anciennes et sorties de leur contexte, conduit à la confrontation armée. Qui le premier a pris l’initiative d’adresser ses témoins, Maurice Barrès et Robaglia pour le candidat de droite malmené, Maurice Berteaux et Gabriel Trarieux pour celui de gauche excédé d’être traité de faussaire11 ? L’arbitrage proposé par Auffray ayant été rejeté, les deux candidats sont convoqués pour un duel au pistolet de combat. Comme souvent dans ce qui est encore à droite comme à gauche un « rite professionnel12 », aucun des adversaires n’est atteint.
13Pour le scrutin de ballottage, la mobilisation a été moins forte qu’au premier tour (le taux de participation n’est plus que de 79 %). Les voix accordées à l’extrême gauche se sont bien reportées sur Painlevé, élu avec 5 126 voix, soit 1 230 suffrages de plus qu’au premier tour (Auffray n’en recueille que 137 supplémentaires). Les électeurs modérés qui s’étaient conformés aux directives de l’ARD et qui, au premier tour, avaient voté pour Painlevé ont, de toute évidence, également respecté la consigne édictée pour le scrutin du 8 mai : en cas de « péril de droite », voter pour le candidat « républicain ». Painlevé est donc l’élu d’un vaste champ électoral incluant toute la gauche, des socialistes unifiés aux modérés de l’Alliance. La présence d’un candidat ici perçu comme réactionnaire dramatise le scrutin de ballotage et favorise le rassemblement. La diabolisation du représentant de la droite se poursuit lors des manifestations organisées pour fêter la victoire de la République. Les partisans de Painlevé défilent au cri de « à bas Auffray ! à bas la calotte ! » ; Painlevé est à la tête du groupe de socialistes et de radicaux qui ont « mis le feu à un mannequin affublé d’une soutane représentant M. Auffray13 ». Le nouvel élu se prête volontiers à cette mise en scène simplificatrice du débat politique, d’autant qu’elle sert son ancrage à gauche et son rapprochement avec les socialistes. Pour la proclamation du résultat, c’est d’ailleurs précédé de drapeaux tricolores qu’il s’en est allé place du Panthéon où il a été accueilli au son de l’Internationale.
14Pendant la campagne, beaucoup considéraient Painlevé comme un candidat radical en raison tant du précoce et solide soutien reçu de ce côté que du programme présenté. Cependant, n’en étant pas militant ni même adhérent, il avait tenu à ne pas lui paraître inféodé, mais à incarner une coalition ouverte à la droite, comme à la gauche, du parti valoisien. À l’issue des élections, si son statut d’homme de gauche, renforcé par les conditions de sa victoire au second tour, est en général admis, son identité politique demeure imprécise. Il met fin à l’ambiguïté qui avait jusqu’alors prévalu ; fraîchement élu, il s’inscrit au groupe républicain socialiste et, quelques mois plus tard, au parti du même nom.
Un piètre militant républicain socialiste
15Certes, les commissions permanentes de la Chambre, désormais nommées sur la base de listes établies par les groupes parlementaires, demeurent un passage quasi obligatoire dans la perspective d’attribution d’un portefeuille ministériel. Néanmoins, l’adhésion partisane, qui plus est correspondant au groupe parlementaire, n’est pas indispensable pour entreprendre une carrière politique, y compris au plus haut niveau14. Hormis en cas d’inscription à la SFIO, elle comporte cependant peu de contraintes. Longtemps, il est possible d’adhérer à deux partis et, malgré les tentatives de leur direction pour contrôler l’inscription des élus à un seul groupe parlementaire, dans les faits, les représentants de la nation continuent d’adhérer à tel ou tel. Elle ne présente pas non plus quantité d’avantages. Les électeurs ne sont pas coutumiers de cette nouvelle forme de division du monde politique et les candidats, par ailleurs peu aidés par les partis au cours des campagnes, ne jugent pas toujours nécessaire de mettre en avant leur identité partisane. Dans ce contexte et, une fois encore excepté à la SFIO, il est plutôt original, dans les années 1910, qu’un parlementaire agisse en homme de parti s’investissant au sein de la structure et participant activement à sa propagande. Quel rapport Painlevé entretient-il à cette forme de modernité que constitue l’action collective au sein d’un parti15 ?
16Contrairement à Painlevé, une bonne partie des trente députés qui créent le groupe républicain socialiste en juin 1910 sont des hommes politiques aguerris16. Inscrits comme « socialistes parlementaires », ils avaient bien souvent refusé l’unification, ou n’étaient passés qu’un cours instant par les rangs de la SFIO. Vieux routiers de la politique et nouveaux élus adoptent une déclaration appelée à constituer, un an plus tard, la déclaration de principes du parti républicain socialiste. En février 1911, le groupe parlementaire (Painlevé appartient à sa délégation exécutive) reçoit les délégués de différentes organisations pour une réunion destinée à constituer un nouveau parti. Un mois plus tard, le savant participe au congrès départemental qui décide de créer une fédération républicaine socialiste de la Seine. Début juillet, il assiste à la première conférence interfédérale qui fait sienne la déclaration du groupe parlementaire et, à la fin du mois de décembre, au premier congrès national du parti républicain socialiste. Le règlement intérieur est adopté. Le fédéralisme l’emporte. Le militant est membre d’un groupe lui-même adhérant à une fédération départementale, laquelle conserve une grande autonomie d’action puisqu’elle détermine les rapports des groupes entre eux et choisit ses candidats. Le congrès national, annuel, a seul le pouvoir de définir son programme et de modifier le règlement. La commission administrative, chargée de représenter le parti entre deux congrès, de régler la propagande et de trancher les différends, se réunit chaque trimestre. Pour le travail courant, elle est relayée par un comité exécutif.
17La fédération de la Seine et le parti disposent de ressources humaines de qualité. Des militants professionnels tels Jacques Prolo et Albert Orry, jamais désignés à des fonctions électives, acceptent de se consacrer à leur organisation. Le premier, ancien anarchiste, secrétaire de la fédération de la Seine de 1911 à 1914, siège également à la commission administrative du parti dont il est secrétaire général en 1911 et 1912. Albert Orry, qui a lui toujours combattu dans les rangs socialistes (en 1902, il a adhéré au parti socialiste français, plus tard et très brièvement à la SFIO) siège à la commission administrative et, comme Jacques Prolo, fait partie de l’équipe dirigeant Le Républicain socialiste. L’investissement de Painlevé est inversement proportionnel à leur dévouement. Rapidement, le député de Paris entretient des relations distantes avec sa fédération, considérée comme la plus importante du parti (elle compte près de 3 000 militants). À partir de 1912, il est rarement présent à son congrès ou aux réunions du club républicain socialiste qu’elle a créé. Peu avant les élections législatives de 1914, la fédération regrette que Painlevé se soit abstenu de la consulter pour décider de l’organisation de sa campagne, qu’il ne lui ait pas transmis d’informations ni demandé l’appui d’orateurs17. Avec les militants de sa circonscription, qui pourtant contribuent directement à sa réélection, les relations sont aussi ténues. Ils se sentent négligés par leur député qui, une fois réélu, ne leur rend pas visite :
« Que voulez-vous que je dise aux membres de notre comité [...]. Si je les avise que je vous ai demandé de venir à notre prochaine réunion, ou tout au moins de me donner votre avis sur la question que je vous ai donné connaissance (opportunité d’une fusion avec le comité républicain socialiste de Saint-Victor) et que je n’ai rien reçu : ni réponse, ni invitation à aller vous voir, je doute qu’ils soient contents. [...] Vous vous aliénez des dévouements... Hier, il y avait réunion du conseil fédéral et je dois vous dire que les parlementaires n’ont pas fait provision de compliments. On dit avec raison qu’ils nous ignorent alors que nous faisons tous nos efforts pour organiser le parti18. »
18Ses obligations d’enseignant et ses responsabilités d’élu ne sont pas à l’origine d’un éloignement géographique qui pourrait, éventuellement, justifier la rareté des contacts. En revanche, sa rapide disparation de la scène fédérale s’explique par la multiplication de ses activités, alors même que l’engagement républicain socialiste au niveau local n’est pas une priorité pour lui. Painlevé n’a pas connu les affres d’une lente ascension politique et il n’a pas été élu en 1910 comme républicain socialiste. Certes, les socialistes indépendants qui avaient soutenu René Viviani et qui, pour certains, ont rejoint le parti républicain socialiste, ont contribué à son succès. Cependant, dans la mesure où son élection a été possible également grâce au soutien des radicaux, des alliancistes, puis, au second tour, des socialistes, le savant ne se sent pas particulièrement obligé envers eux. La désinvolture du député s’inscrit aussi dans le contexte d’un parti disposant de très peu de moyens financiers. Il demande à ses élus de contribuer à son existence, mais laisse le soin aux candidats de réunir leur comité et de faire leurs affiches. Dès lors, bien que les congrès du parti aient à plusieurs reprises demandé aux candidats d’afficher sa déclaration, Painlevé, pas plus que les autres députés, ne se soumet à ce vœu. D’une manière générale, l’élu du cinquième, comme ses pairs, est peu enclin à accepter le contrôle partisan.
19Le désintérêt de Painlevé pour l’échelon local ne peut s’expliquer par son investissement au niveau national. Il se fait rare lors des congrès annuels, pourtant censés être les temps forts de la vie du parti : absent à celui de 1912, il prend cette année-là la parole au congrès du parti radical. Entre 1910 et 1914, il n’assiste pas aux réunions de la commission administrative, dont il est pourtant membre de droit, puisque député ; pas plus qu’à celles du comité exécutif. Son peu d’intérêt pour les réunions internes du parti apparaît encore plus manifeste au regard de sa fréquentation du comité Mascuraud. Il prévoit en effet régulièrement d’assister aux réunions de ce grand club réunissant des élus issus de la gauche radicalisante et des républicains de gauche pratiquant en général la double appartenance parti radical-ARD. Certes, il lui arrive de participer aux rencontres du groupe parlementaire dont l’article 13 a précisé l’autonomie, et l’article 12 institué le principe de versements par ses membres. Mais l’activité du groupe s’affaiblit rapidement alors que s’exacerbent les tensions à l’occasion des débats sur la représentation proportionnelle et la loi des trois ans. Surtout, deux tendances sont apparues et leurs membres respectifs ont encore choisi de former des intergroupes. En mai 1912, Painlevé participe à la constitution de celui intitulé Action républicaine et sociale conçu comme une machine de guerre contre le modérantisme du gouvernement Poincaré et le briandisme. Présidé par Joseph Paul-Boncour, il réunit neuf députés républicains socialistes et vingt-six radicaux décidés à faire une active propagande en faveur de réformes économiques et sociales.
20Un an plus tard, les députés républicains socialistes antierpéistes et troisannistes ont eux fondé, avec des radicaux socialistes, des députés de la gauche radicale et de la gauche démocratique, un groupe d’« Entente démocratique et sociale » destiné à soutenir la majorité Poincaré-Briand-Barthou. Les dissensions parmi les élus de la Chambre préfigurent la scission du parti. En novembre 1913, à l’issue du congrès de Grenoble, le groupe parlementaire, où les opposants à la loi des trois ans sont majoritaires, est épuré : il ne compte plus que vingt-cinq députés, tous augagneuristes. Le groupe adopte une nouvelle déclaration dans laquelle il s’engage à favoriser, dans les plus brefs délais, le retour à la loi des deux ans, à réaliser un impôt progressif sur le revenu et sur le capital, à pratiquer enfin une politique de défense scolaire et laïque. En décembre 1913, en présence notamment du député Painlevé, une fédération de la Seine adhérant à cette nouvelle déclaration est constituée sous la présidence de Viollette. En février 1914, un parti républicain socialiste de tendance augagneuriste est recréé. Il élit une commission administrative dont font partie tous les parlementaires du groupe augagneuriste et reprend à son compte le programme de 1911, ainsi que la déclaration dudit groupe datant de novembre 1913. Ce parti, qui se considère comme le prolongement de celui créé en 1911, s’oriente vers une stratégie de Bloc des gauches pour les élections législatives de 1914. Parallèlement, subsiste un deuxième parti républicain socialiste regroupant militants et parlementaires briandistes favorables à la Fédération des gauches.
21À défaut de jouer, à une époque ou à une autre dans l’avant-guerre, un rôle de premier plan dans les instances dirigeantes de son parti, Painlevé a-t-il servi son développement en se faisant le propagandiste de l’idée républicaine socialiste ? Les membres non parlementaires de la commission administrative du parti développent la propagande, réalisent des conférences et organisent des débats afin de galvaniser les militants et de créer de nouvelles vocations. Jacques Prolo ou Alexandre Zévaès, présents à chacune des vingt-cinq conférences de propagande organisées en province en 1912, sont parfois accompagnés d’un député ; jamais par Painlevé. Par ailleurs, les archives du savant ne recèlent aucun discours de propagande républicaine socialiste. En revanche, le nouveau député accepte, un temps, de mettre sa plume au service de la presse partisane.
22Dans les années 1910, le média est incontournable pour ceux qui ont des ambitions politiques individuelles ou collectives19. Dans cette perspective, La Bataille, l’organe du groupe parlementaire républicain socialiste, est conçu comme un outil pour faire connaître les positions des parlementaires. Le parti n’existe pas encore quand est publié, à la une du numéro du 28 mars 1911, un article intitulé « Notre programme. Républicains socialistes ». Proposant les premiers le programme du parti en gestation, les parlementaires se posent en initiateurs du projet. L’engagement politique du journal et la place qu’y occupent députés et sénateurs sont confirmés par la désignation d’une rédaction politique à laquelle appartient Painlevé. Durant les premiers mois, l’éditorial du journal permet de préciser les positions des parlementaires sur des sujets d’actualité très divers. Ces « tribunes libres » n’ont pas pour vocation de représenter la ligne officielle du parti et, pour les questions polémiques sur lesquelles le groupe se divise, les parlementaires sont libres de présenter des points de vue personnels. Le cas de Painlevé est représentatif de l’attitude de la plupart des parlementaires membres de la direction politique de La Bataille. Malgré la liberté octroyée aux auteurs, très vite le rythme de publication s’essouffle : en 1911, le mathématicien publie dix éditoriaux (le premier paraît dès le 1er avril ; le dernier figure au numéro du 5 août) ; en 1912, il ne fait paraître qu’un seul texte. Le Républicain socialiste, l’organe de la commission administrative du parti, se distingue de La Bataille par une ligne éditoriale beaucoup moins ouverte. Bi-mensuel puis hebdomadaire de décembre 1912 à juillet 1914, le journal dirigé par Alexandre Zévaès, rédacteur en chef, n’hésite pas à stigmatiser les parlementaires qui prennent trop de liberté avec la doctrine du parti. Certains parlementaires y collaborent – notamment de Monzie, Landry, Frayssinet – mais Painlevé n’y signe pas d’article.
23La contribution du député de Paris à l’action de propagande de son parti semble donc avoir été très réduite. Compte tenu de sa capacité de travail et de son aisance à s’exprimer pour les causes qui lui sont chères, la carence apparaît d’autant plus flagrante. Pourtant, Painlevé adhère bel et bien aux idées qui fédèrent initialement sa famille politique.
Programmes et idéaux
24Painlevé porte en effet un programme cohérent avec celui de son parti. Après avoir signé le texte « Notre programme : Républicains socialistes20 » présentant sa tactique, il fait sienne la déclaration du groupe parlementaire, la déclaration de 1911 et le programme législatif de 1912. Les positions défendues par Painlevé durant les campagnes de 1910 et 1914 permettent de compléter le programme politique par lui porté à la veille de la Première Guerre mondiale. Pour autant, les engagements fièrement affichés pendant les campagnes ou lorsqu’il s’agit de souder militants et parlementaires autour d’une nouvelle organisation politique ne sauraient suffire à identifier la nature profonde de l’engagement du républicain socialiste. Au-delà des prises de position sur des questions faisant débat à la Belle époque, l’homme politique est attaché à des principes, lesquels favorisent son ancrage au sein de la gauche et rendent possible les alliances avec d’autres partis. Mais les fondements philosophiques et théoriques à l’origine de l’établissement des programmes ne sont pas les plus faciles à identifier. Il n’existe pas d’ouvrage jouant le rôle de manifeste du nouveau parti ; seulement de courts programmes. Auteur scientifique prolixe comme en témoigne sa bibliographie21, Painlevé n’a produit que quelques opus politiques, des documents programmatiques comme son Discours d’Avignon (publié en 1921 et annonçant le Cartel des gauches) ou des plaidoyers en faveur du député (La défense nationale, les propositions que j’ai présentées, les propositions que j’ai fait adopter, 1914) et du ministre (La vérité sur l’offensive du 16 avril 1917, 1919 et Comment j’ai nommé Foch et Pétain, 1923). Comme les autres parlementaires de son groupe, Painlevé s’est toujours refusé à endosser les habits du théoricien et, quand bien même à partir de 1925 il devient président d’honneur de son parti, il n’estime pas nécessaire de se charger d’une quelconque mise au point dogmatique. Ses déclarations et sa manière d’être permettent dès lors seules d’identifier un type de culture politique.
Un programme réformiste
25La méthode à laquelle Painlevé adhère est assurément réformiste. Dans sa profession de foi en 1910 sont condamnées à la fois la violence et la révolution. Les déclarations officielles des républicains socialistes, qui affirment solennellement adhérer à la forme républicaine du régime et aux principes républicains, confirment ce légalisme. Très vite, les députés se révèlent réformistes aussi dans le but : ils refusent l’idée de lutte des classes. Dans sa première profession de foi, Painlevé condamne ainsi « l’utopie égalitaire où tous les hommes auraient un sort identique, les mêmes désirs, les mêmes besoins, les mêmes ressources ». Il préfère envisager les moyens permettant, par des aménagements progressifs, d’assurer une plus grande justice sociale au sein d’une société demeurant plurielle.
26Ses prises de position sur le dossier des retraites ouvrières – à ses yeux étape majeure dans la mise en œuvre de la protection des salariés – le montrent favorable à une transformation graduelle de la société. S’insurgeant contre ceux qui, à l’extrême gauche, attaquent la loi parce que l’âge de la retraite, soixante-cinq ans, est jugé beaucoup trop tardif, il s’engage à faire comprendre sa portée au sein du monde ouvrier, puis à lutter au Parlement pour qu’elle soit rapidement améliorée. Il réclame en outre les autres grandes réformes de protection sociale instituées au cours des décennies suivantes.
27Par ailleurs, pour limiter les conflits du travail et parce qu’il répugne à l’emploi des méthodes violentes, Painlevé demande la négociation de contrats collectifs et le recours systématique à l’arbitrage. Logiquement, il est des quarante et un députés déposant, en juillet 1912, alors que vient à nouveau d’avoir lieu dans les ports français une importante grève des équipages de la marine marchande, une proposition de loi ayant pour objet l’organisation de l’arbitrage obligatoire en cas de grève des inscrits maritimes22. De manière cohérente, il avait, dans son programme électoral, demandé le développement des syndicats et, fortement attaché au droit de grève, appelé, en avril 1911, à la réintégration des cheminots grévistes.
28Le projet global d’organisation économique auquel Painlevé adhère relève également du réformisme. Dans les secteurs où la concentration est inévitable, en particulier l’industrie, l’action collective, par la voie syndicale et coopérative, doit permettre de substituer au contrat de travail individuel un contrat collectif et conduire à l’invention d’une nouvelle forme d’accès à la propriété pour les salariés. Dans sa profession de foi de 1910, Painlevé évoque la participation progressive des salariés aux bénéfices et à la gestion des entreprises industrielles. Le groupe, puis le parti républicain socialiste, précisent le cadre dans lequel peut s’épanouir ce projet lorsqu’ils s’approprient l’idée d’actions de travail. Le système ne se limite pas à la simple participation aux bénéfices déjà pratiquée par des entreprises, mais donne au travail tout le pouvoir attaché à la propriété d’une action. Parce que c’est la collectivité ouvrière et non les individus qui en est la détentrice, il se différencie de ceux qui tendent à transformer individuellement le salarié en actionnaire. Les républicains socialistes se démarquent ainsi tant des socialistes marxistes (qui réclament la collectivisation de tous les moyens de production) que des radicaux (pour lesquels le respect des droits liés à la propriété privée du capital demeure un impératif).
29La famille politique de Painlevé réclame par ailleurs le passage sous la tutelle de l’État de certaines richesses nationales non encore concédées, ainsi que des entreprises assurant un service public et des monopoles. En 1910, le candidat parisien demande « l’exploitation au profit de l’État, par des sociétés intéressées, des richesses naturelles (mines, forces hydrauliques, etc.) non encore concédées à des entreprises particulières » et le « rachat graduel des assurances, des sociétés de moyens de transport, de crédit, des grands services nationaux, actuellement détenus par le haut commerce et la haute industrie ». La question de la nationalisation est par ailleurs le sujet du premier article qu’il publie dans La Bataille en avril 1911. Dans les secteurs fortement concurrentiels et ne relevant pas de mission de service public, les républicains socialistes préfèrent le maintien de la petite propriété privée. Le développement de l’entente entre producteurs ou commerçants est alors envisagé pour permettre de préserver ladite propriété, de la moderniser et de résister à la concurrence des plus grandes entreprises. Painlevé, dont une bonne partie de l’électorat est constituée de petits commerçants, prévoit aussi dans sa profession de foi de 1910 de taxer plus fortement les grands commerces.
30Pour mener à bien ces modernisations, Painlevé propose de redéfinir le rôle de l’État et de réévaluer ses moyens par des réformes fiscales. L’augmentation des droits de succession sur les héritages en ligne indirecte, suggérée par lui en 1910, provoque des débats parmi les républicains socialistes ; la proposition n’apparaît pas dans les textes officiels du parti, ni dans la profession de foi du savant en 1914. Si l’unanimité prévaut en faveur de la création d’un impôt sur le revenu, l’impôt sur le capital, jamais mentionné par Painlevé, n’apparaît dans les textes officiels du parti qu’à partir de 1913, et au motif de couvrir les dépenses militaires extraordinaires.
31Les républicains socialistes proposent par ailleurs un programme de rationalisation du travail administratif. Afin de mettre un terme à la confusion des attributions entre les ministères et de simplifier les rouages administratifs, ils projettent de réorganiser de nombreux services. Le souci d’efficacité conduit à réclamer une forme de cogestion qui transformerait les fonctionnaires en acteur de la modernisation de l’État. Leur protection serait en outre étendue. Painlevé, dans son programme de 1910, avait pris parti en faveur du droit de grève ; les républicains socialistes s’en tiennent à réclamer celui de se syndiquer.
32Parmi les responsabilités incombant traditionnellement à l’État, les républicains socialistes accordent une importance particulière à l’enseignement. Cette question demeure pour le professeur Painlevé une préoccupation majeure. Déjà dans sa profession de foi de 1910 il estime que le minimum d’instruction primaire étant acquis il devient indispensable qu’il y ait « un minimum [...] d’instruction professionnelle » et il réclame « le développement de l’enseignement technique en étroite connexité avec l’enseignement primaire et avec l’apprentissage industriel ». Ultérieurement, il affirme à de nombreuses reprises la nécessité de développer l’enseignement, en particulier l’enseignement technique et professionnel.
33Comme ses pairs républicains socialistes, Painlevé affiche un pacifisme soucieux, néanmoins, d’assurer la défense nationale. Dans sa profession de foi en 1910, il clame son désir de paix et appelle au « développement de l’arbitrage international en vue d’un désarmement graduel et simultané ». Pour autant, son action parlementaire, en tant que rapporteur du budget de la Marine ou à propos de la loi des trois ans, le montre déterminé à garantir la sécurité du pays. Enfin, le parti républicain socialiste, fortement implanté Outre-Mer, a défini une politique coloniale ne remettant pas en question l’héritage de l’histoire, mais réclamant une politique d’intégration fondée sur les valeurs républicaines, le développement de l’instruction et le mieux-être matériel. Dans les mois qui précèdent la guerre, Painlevé, qui ne s’était jusqu’alors pas prononcé sur la question coloniale, l’aborde uniquement dans l’optique d’assurer la défense de la France. Dans son contre-projet au projet de loi des trois ans, il intègre les colonies dans le système de défense du territoire français et envisage leur contribution militaire, tout en faisant savoir qu’il estime juste et indispensable d’accorder des droits aux indigènes. Le même thème occupe une place de choix dans sa profession de foi de 1914.
34Ce programme réformiste défendu par le savant, conforme globalement aux engagements républicains socialistes, n’est pas contradictoire, bien au contraire avec sa culture politique éminemment républicaine23.
Une culture républicaine
35Bien qu’ils revendiquent l’appartenance à la famille socialiste, les parlementaires républicains socialistes n’ont pas puisé de références chez des penseurs ou dans des textes élaborés collectivement et susceptibles d’être brandis comme des étendards24. Dans les discours ou les articles du savant, Karl Marx n’est jamais cité, pas plus que le Capital ou le Manifeste du parti communiste. Seul Jean Jaurès, érigé en père spirituel du rapprochement entre socialisme et République, est largement évoqué après la Première Guerre mondiale. Cependant, Painlevé ne s’intéresse pas au théoricien mais à l’homme d’action ayant su convaincre, par des arguments simples, les masses laborieuses de la nécessité du ralliement à la République. Il ne possède pas d’ouvrage de théorie politique, a fortiori aucun de théorie ou même d’histoire du socialisme, alors même que les grandes œuvres faisant référence étaient très largement diffusées, y compris parmi les simples militants, même peu cultivés et peu fortunés. Certes, l’inventaire de la bibliothèque Painlevé est sans doute antérieur à sa première élection. Il date pourtant d’une époque (probablement l’année 1908) où Painlevé s’affiche de longue date comme un homme de gauche. L’absence de culture socialiste, tout comme le refus de revendiquer le moindre héritage au sein de cette famille politique, sont confirmés par la forme des propos du savant. Lors des réunions politiques, il n’emploie pas le terme de « camarades » mais ceux de « citoyens » et, vers la fin de sa carrière, « concitoyens » ou « Messieurs ». Il n’utilise l’expression « lutte des classes » que pour la récuser. Il n’évoque pas le « prolétariat », mais parle des « classes prolétariennes » ou des « classes ouvrières », formules censées mieux refléter la diversité des conditions de travail et d’existence des moins fortunés. « Bourgeois » ou « bourgeoisie » ne sont pas pris dans leur acception globalisante. En revanche, Painlevé multiplie les qualificatifs permettant de saisir la société dans toute sa complexité : « classes moyennes », « petit patronat », « petit commerce » forment un ensemble dont les intérêts sont souvent opposés à ceux des « puissances industrielles et financières ». Quand il participe à des manifestations en présence de socialistes, il ne chante pas L’Internationale. Si une bannière est brandie par ses partisans, ce n’est jamais l’étendard rouge renvoyant à l’univers révolutionnaire, mais le drapeau tricolore, en référence à la République.
36Que Painlevé n’ait pas écrit d’ouvrage théorique, qu’il évoque peu les penseurs, correspond bien à sa conception de la politique. Sa conduite politique se veut similaire à la démarche scientifique à laquelle il fait souvent référence. Il affirme rechercher la vérité ici comme là, autrement dit appliquer à l’étude des problèmes économiques et sociaux la méthode adoptée pour ses recherches : n’adopter de solution qu’à l’issue d’une étude rationnelle des données. Cette conception de l’action politique est difficilement conciliable avec l’adhésion à un modèle explicatif global. Pour autant, on discerne dans la pensée du savant des principes et des valeurs considérés comme constitutifs de la culture républicaine25. Painlevé a fait siennes des références qui, bien qu’il ne soit pas dogmatique, ont en soubassement des racines philosophiques et des références historiques. L’ensemble s’exprime de manière simplifiée dans des symboles auxquels il n’hésite pas à recourir ou des rites dont il ne fait pas l’économie.
37Le contenu de sa bibliothèque montre que Painlevé s’est intéressé aux ouvrages clefs de la pensée pré et post révolutionnaire26. Figurent sur ses rayonnages Jean-Jacques Rousseau (Les confessions, Le contrat social), Taine (Nouveaux essais de critique et d’histoire, Les origines de la France contemporaine) et Prévost Paradol. Painlevé manifeste en outre souvent son admiration pour les philosophes des Lumières, en particulier Diderot et Rousseau. La pensée de ce dernier, qu’il cite le plus régulièrement, demeure une source d’inspiration pour l’homme politique du début du XXe siècle. Ainsi, lorsqu’il préside le comité constitué au sein de la Chambre des députés pour commémorer le bicentenaire de sa naissance, affirme-t-il :
« La voix de Rousseau a été comme un centre d’ébranlement qui, pendant plus d’un siècle s’est propagée et se propage encore sur toute la surface de la terre27. »
38Auguste Comte et sa Philosophie positive ont également trouvé place dans sa bibliothèque. Selon lui, le positivisme a représenté « un moment remarquable, nécessaire, dans l’évolution scientifique ». Il estime cependant qu’« il ne faut ni le confondre avec la science, ni en faire une religion »28 et se réfère, de fait, au positivisme tel que l’ont exposé les successeurs d’Auguste Comte, en particulier Émile Littré. Sa conception de l’évolution de l’humanité et de son rapport au progrès, l’importance donnée à l’enseignement, y compris technique et professionnel, relèvent de cette imprégnation philosophique. Le développement de l’instruction est conçu tout à la fois comme un moyen de favoriser la liberté individuelle et l’émancipation sociale. En outre, son rationalisme le conduit à considérer les pratiques religieuses comme un vestige de l’âge métaphysique. De son point de vue, il convient de lutter contre elles et de propager l’esprit scientifique parmi les jeunes générations.
39Painlevé ne fait pratiquement jamais référence aux expériences démocratiques ou républicaines antérieures à la Révolution française – la démocratie athénienne et la République romaine – qui, dans la vision téléologique des républicains du début du XXe siècle, constituent les prémisses de l’événement réellement matriciel. Painlevé sollicite en revanche abondamment le mythe révolutionnaire, en particulier lorsque la République lui semble menacée. Il instrumentalise alors une vision simplifiée de l’histoire. Pendant la guerre, il appelle à une réaction nationale comparable dans son élan à celle qui aurait permis de sauver la France à Valmy. À l’époque du Bloc national, il prend parti en faveur d’une mobilisation politique semblable à celle qui, durant la Révolution, aurait conduit la France à s’extirper de l’oppression. Dès le début de son engagement politique, l’Affaire Dreyfus constitue, comme un point d’orgue à l’épisode révolutionnaire, un événement historique majeur parce qu’il ramène aux choix originels de 1789. La lutte politique à laquelle elle a donné lieu et l’issue du combat sont régulièrement évoquées par Painlevé. Il en fait un symbole des dangers qui pèsent encore sur la République et des moyens à mobiliser pour les vaincre. Au Panthéon des grands hommes ayant à leur heure contribué à la sauvegarde de la République, Émile Zola occupe ainsi une place de choix.
40Painlevé est également attaché à ce qui constitue le socle institutionnel de la culture républicaine, le fonctionnement de la IIIe République. Il ne remet fondamentalement en cause ni les institutions, ni l’équilibre des pouvoirs qui s’est instauré. Il ne demande jamais que soit supprimée ou réformée la fonction de président de la République, à laquelle il sera d’ailleurs candidat en 1925. Il accepte l’existence d’une chambre haute recrutée par le suffrage universel indirect. Mais, au sein du pouvoir législatif, c’est à la Chambre des députés, élue au suffrage universel direct, qu’il accorde le plus de légitimité et à laquelle, en tant qu’élu, il demeure fidèle. Adepte du parlementarisme, il estime cependant qu’une certaine rationalisation du fonctionnement institutionnel serait de bon aloi. Lorsqu’il est membre de l’exécutif, il aspire à renforcer le pouvoir du gouvernement, non par des mesures réglementaires, mais par l’affirmation d’une autorité profondément liée à la notion de compétences. Son point de vue quant au système électoral évolue au fil du temps. Au nom de la justice et de l’égalité, il est d’abord favorable à l’introduction du scrutin de liste avec représentation proportionnelle pour les élections législatives. Aux lendemains de la guerre, l’échec de la gauche imputable à celui-ci le conduit à réclamer la réintroduction du scrutin majoritaire uninominal à deux tours.
41L’idéal social qu’il clame constamment défendre relève également de la culture républicaine en ce qu’il se base sur la solidarité et la promotion des classes moyennes. Léon Bourgeois et le solidarisme ne sont jamais cités. Il a pourtant de toute évidence été influencé par une vulgate de cette théorie largement diffusée au sein de la nébuleuse radicalisante. Il adhère à cette vision de la société rejetant tout à la fois le marxisme et le libéralisme pur, garantissant la propriété privée, défendant l’initiative individuelle mais affirmant la nécessité du développement de la solidarité grâce à l’interventionnisme de l’État.
42Son patriotisme sans nationalisme ou encore sa volonté de synthèse entre patriotisme et pacifisme sont d’autres caractéristiques à mettre au crédit de sa culture républicaine. Il affirme dès 1910 son attachement à la patrie qu’il conçoit comme une communauté de destin. Il lie souvent la supériorité intellectuelle de la France à l’universalisme des principes dont elle a su se faire la propagandiste. Il expose en outre une approche non belliciste des relations entre nations, allant de pair avec l’affirmation de la nécessité, en cas d’agression, d’assurer la défense nationale.
43L’identité politique affirmée dans le contexte électoral et parlementaire par Painlevé n’est pas imprégnée de culture socialiste ; elle est en revanche façonnée par la culture républicaine. Ce constat permet d’expliquer, en partie tout au moins, qu’au sein de son parti il paraisse si éloigné de militants de premier plan tels Prolo, Zévaès et Orry. Ces derniers se présentent en héritiers : ils ont écrit sur l’histoire du mouvement socialiste et se réfèrent aux grands noms de la pensée socialiste29. En outre, ils considèrent les textes officiels du parti comme des dogmes en filiation directe avec tel ou tel courant, et non comme des programmes susceptibles de subir des adaptations.
Les conditions pérennes du positionnement politique
44En 1910, Painlevé débutait une carrière parlementaire caractérisée par sa longévité (vingt-trois ans de mandat), son enracinement à Paris (il en a été député pendant dix-huit ans) et à la Chambre (il ne tentait pas d’être élu au Sénat). À bien d’autres égards, les continuités l’emportaient sur les ruptures. Sa culture politique, son rapport au parti républicain socialiste et aux autres organisations partisanes constituaient les conditions pérennes de son engagement.
45Bien qu’il se fût tout au long de sa carrière présenté comme proche des socialistes unifiés, bien qu’il ait tenté d’obtenir leur soutien au niveau local (pendant ses campagnes électorales) ou au niveau national (comme président du Conseil en 1917, lorsqu’il œuvrait à la constitution d’un Cartel des gauches entre 1919 et 1924, puis à nouveau en tant que président du Conseil en 1925), Painlevé était, dès son entrée en politique, éloigné de la SFIO, aussi bien d’un point de vue idéologique qu’en raison de ses ambitions personnelles. Dénué de culture socialiste, il récusait tout objectif révolutionnaire et, même à l’heure de la synthèse jaurésienne, la SFIO demeurait pour lui un parti trop extrémiste. À ses yeux, la politique du tout ou rien équivalait à un refus des responsabilités :
« Nous nous efforcions de marquer le caractère essentiellement réaliste du nouveau parti. Nous voulions, dans toutes les limites du possible, jours après jours, réaliser le maximum de progrès social. Nous n’étions pas de ceux qui font fi des réformes et des progrès partiels pour le culte d’un absolu toujours plus lointain, et dont on n’approche pas la venue en négligeant les progrès quotidiens30. »
46Par ailleurs, intellectuellement très attaché à la liberté de pensée, il n’était pas prêt à sacrifier parole et action sur l’autel de la discipline socialiste. Enfin, l’adhésion à la SFIO, synonyme de renoncement à une carrière ministérielle, ne pouvait séduire celui qui s’engageait à quarante-six ans, comme membre de l’Institut auréolé d’une forte notoriété précocement acquise en dehors de toute structure politique, et qui, d’ores et déjà, cultivait des ambitions politiques nationales.
47Pourquoi en revanche Painlevé, dont la proximité culturelle et politique avec les radicaux était une évidence, n’avait-il pas rejoint le parti fondé en 1901 ? Dès 1910, il devait aux radicaux son élection, non seulement parce qu’ils n’avaient pas présenté contre lui de candidat, mais encore parce qu’ils avaient soutenu sa campagne. Par la suite, les mêmes conditions présidaient à sa réélection, que fussent en vigueur les scrutins majoritaire uninominal à deux tours ou de listes. L’adhésion à la famille républicaine socialiste plutôt qu’au radicalisme tenait officiellement à des divergences doctrinales. Les républicains socialistes aspiraient à représenter ceux qui, sans se reconnaître dans les idées socialistes unifiés, estimaient le radicalisme trop timoré en matière économique et sociale :
« Nous nous tournons vers le parti radical socialiste en lui disant : “Nous sommes avec vous pour vous aider à accomplir cette fraction socialiste de vos programmes, qui est pour vous un maximum, et un minimum pour les socialistes ; nous contribuerons à entraîner ceux d’entre vous encore trop timides, encore trop attachés à un ordre social ancien, déjà partiellement périmé31.” »
48Au cours de la législature 1910-1914, si le programme officiel du parti radical ne différait pas fondamentalement du programme républicain socialiste, il était vrai qu’en l’absence de discipline au sein du parti valoisien, les professions de foi des candidats, puis les prises de position des élus, conduisaient cette famille à s’inscrire sur un spectre politique large. Une partie des radicaux adoptant des positions les rapprochant des alliancistes, le républicain socialiste Painlevé pouvait légitimement estimer appartenir à une famille inscrite à la gauche du parti radical. La stratégie électorale ne plaidait pas non plus en faveur d’une adhésion au parti valoisien : le socialisme indépendant avait connu ses heures de gloire dans la Seine, demeurée pour le radicalisme un piteux terrain. Enfin, il était a priori plus facile d’émerger au sein d’une famille politique que l’on avait contribué à fonder plutôt que dans une organisation riche de figures tutélaires.
49Adhérant à l’issue de sa première élection au groupe et au parti républicain socialiste, Painlevé n’en devenait pas pour autant un homme de parti. Comme la plupart des parlementaires républicains socialistes, il estimait que l’organisation devait être à son service et non l’inverse ; de ce fait, il manifestait peu d’entrain à l’organiser localement. D’autant que la Seine, disposant d’un terreau militant ancien et actif, pouvait faire l’économie du soutien de l’élu du 5e. Painlevé avait donc sa part de responsabilité dans une situation généralisable à beaucoup de partis à la Belle Époque : dès lors que les militants n’étaient mobilisés par les parlementaires qu’en période de scrutin, les organisations partisanes peinaient à ne pas se résumer à une nébuleuse de comités électoraux. Plus encore que dans d’autres, il manquait au parti républicain socialiste un ou des chefs, personnalités charismatiques d’envergure nationale, décidées à s’investir auprès des militants, à entretenir la flamme et à créer de nouvelles vocations. Les membres non parlementaires de la commission administrative, aussi efficaces fussent-ils dans leur action de propagande, ne pouvaient en effet remplacer ceux qui avaient été choisis par les électeurs et qui étaient chargés de défendre au niveau national le programme du parti. Les conditions de sa création expliquaient en partie cette situation. Le parti n’avait pas été la matrice de l’élection des députés ou de la création du groupe parlementaire. Les motivations des parlementaires expliquaient le reste. Beaucoup avaient refusé d’adhérer à d’autres organisations ou quitté la SFIO en raison d’un double refus, du socialisme révolutionnaire et d’une discipline trop contraignante. Painlevé, élu lui sans avoir auparavant mené d’action militante au sein d’une organisation syndicale ou politique, n’était pas prêt à admettre les contraintes du militantisme. L’absence de ligne politique claire et la manifestation rapide de divisions étaient les conséquences inévitables de la liberté de parole existant, de fait, au sein du groupe et du parti républicains socialistes. Les positions défendues par Painlevé au cours de ses quatre premières années au Parlement témoignaient de cette liberté préservée.
Notes de bas de page
1 Outre les archives conservées dans le fonds Painlevé, notamment ses agendas et les documents produits durant la campagne par lui, ses partisans ou ses adversaires (313 AP 2, 6, 24 et 41), signalons celles de la préfecture de police de Paris (ensuite APPP) regroupées en BA 238 et 243. Cf. aussi Programmes, professions de foi et engagements électoraux, Paris, Imprimerie nationale, 1910, p. 932-935.
2 « Manifeste de l’Alliance démocratique », La Petite République, Le Temps, 23 avril 1910.
3 Sanson R., L’Alliance républicaine démocratique, Rennes, PUR, 2003, p. 187-208.
4 Sur la fédération de la Seine du parti radical socialiste, cf. Baalg., « Le parti radical de 1901 à 1914 », thèse de doctorat d’histoire, M. Agulhon (dir.), Paris 1, 1991, p. 444.
5 Huard R., Le suffrage universel en France..., op. cit., p. 265 et El Gammal J., « Campagnes et discours sous la IIIe République », art. cité, p. 152.
6 Marbo C., à travers deux siècles..., op. cit., p. 98-99.
7 APPP, B 243.
8 AN, 313 AP 41.
9 Affiche apposée par Painlevé, APPP, BA 243.
10 Affiches socialistes in APPP, BA 243.
11 Patrie, 1er mai 1910 et Le Radical, 3 mai 1910, apportent des versions contradictoires.
12 Geifes S., « Le duel à l’époque de l’Affaire Dreyfus », in Gervereau L. et Prochasson C. (dir.), L’Affaire Dreyfus..., op. cit., p. 169 ; Jeannenney J.-N., Le duel, une passion française (1789-1914), Paris, Seuil, 2004, p. 125.
13 Note de la préfecture de police de Paris, 9 mai 1910. APPP, BA 238.
14 Huard R., La naissance du parti politique en France, op. cit. et Berstein S., « Naissance des partis politiques modernes », in Berstein S. et Winock M. (dir.), L’invention de la démocratie..., op. cit., 417-472.
15 Pour la synthèse qui suit, cf. notamment agendas 1910-1914 et correspondance, AN 313 AP 2 et 47.
16 Billard Y., « Le parti républicain socialiste de 1911 à 1934 », thèse de doctorat d’histoire, J.-M. Mayeur (dir.), Paris IV, 1993, 487 p. et « Un parti républicain socialiste a vraiment existé », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, juillet-septembre 1996, p. 43-55.
17 Secrétariat de la fédération républicaine socialiste de la Seine à Painlevé, 8 avril 1914. AN 313 AP 47.
18 Ibid., Comité républicain socialiste du 5e arrondissement à Painlevé, 10 juin 1914.
19 Notamment, Rémond R., « Les médias font-ils l’élection ? Retour sur une controverse », Le Temps des médias. Revue d’histoire, 3, automne 2004, p. 175-181 et le no spécial « Campagnes politiques, tribunes médiatiques » de cette même revue, 7, hiver 2006-2007.
20 La Bataille, 28 mars 1911.
21 Pas moins de 113 références dans le catalogue de la Bibliothèque nationale de France.
22 Chambre des députés, session de 1912, annexe du procès verbal de la 2e séance du 5 juillet 1912.
23 Cette section constitue une synthèse portant sur l’ensemble de la carrière politique de Painlevé. L’analyse s’appuie sur ses professions de foi, des discours prononcés lors de réunions électorales ou à la Chambre des députés, ou encore des articles publiés dans la presse (cf. en particulier Barodet, Journal Officiel,Painlevé P., Paroles et écrits, op. cit. et De la science à la défense nationale..., op. cit., AN 313 AP 6 et 7).
24 Winock M., « La culture politique des socialistes », in Berstein S. (dir.), Les cultures politiques en France, op. cit., p. 179-214.
25 Berstein S., « Le modèle républicain. Une culture politique syncrétique », in Berstein S. (dir.), Les cultures politiques en France..., op. cit., p. 113-143 ; Winock M., « Le mythe fondateur, l’Affaire Dreyfus », in Berstein S. et Rudelle O. (dir.), Le modèle républicain, op. cit., p. 131-145 ; Berstein S., « Les institutions républicaines au début du XXe siècle », « La culture républicaine dans la première moitié du XXe siècle », « La politique sociale des républicains », in ibid. p. 147-157, 159-171 et 189-208.
26 AN 313 AP 1.
27 JO, Débats parlementaires, Chambre des députés, séance du 11 juin 1912, p. 1 380.
28 « L’esprit scientifique et l’esprit religieux », discours prononcé à la séance de rentrée de l’Association philotechnique le 11 novembre 1906, cité in Painlevé P., Paroles et écrits, op. cit., p. 25.
29 Alexandre Zévaès, qui dirige l’importante somme intitulée L’histoire des partis socialistes en France, est l’auteur de ses tomes 2, 3 et 9. Il a également publié Aperçu historique sur le parti ouvrier français (1899) et Le socialisme en France depuis 1871 (1908). Ultérieurement à sa rupture avec le groupe augagneuriste, il publie de nombreux autres ouvrages, notamment avec Jacques Prolo : Une campagne politique. Le parti républicain socialiste (1918), Socialisme français et socialisme prussien (1918), Le bolchevisme devant la démocratie et le socialisme (1919), Le parti socialiste unifié et la guerre (1919), Auguste Blanqui, patriote et socialiste français (1920), Jules Guesde (1928), Le parti socialiste de 1904 à 1923 (1923), Le socialisme en France depuis 1904 (1934), Les grands manifestes du socialisme français au XIXe siècle (1936), L’introduction du Marxisme en France (1947), Histoire du socialisme et du blanquisme en France (1947), etc. La production de Jacques Prolo et Albert Orry, plus modeste, n’est cependant pas négligeable. Le premier est l’auteur De la méthode réaliste du socialisme réformiste (1910), le second du t. 8 de L’histoire des partis socialistes.
30 Painlevé au banquet du parti républicain socialiste, ère Nouvelle, 10 février 1930.
31 « Notre programme, républicains socialistes », La Bataille, 28 mars 1911.
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