Surveillance policière et technologies d’identification dans les colonies de Nouvelle Galles du Sud et du Queensland, 1880-1903
p. 135-156
Texte intégral
1Au XIXe siècle, d’une manière générale et indépendamment du contexte national (mais plus spécialement dans un cadre occidental), les missions de surveillance à des fins disciplinaires étaient du ressort de la police. Cette surveillance, caractérisée par des mécanismes physiques d’observation ainsi que la collecte et l’organisation méthodique de savoirs sur la criminalité, était devenue à la fin du siècle une fonction centrale de la « nouvelle » police. En tant que telle, elle s’inscrivait dans le cadre d’une série de « petits pouvoirs » déployés par les États européens et coloniaux dans le but de gouverner les individus1. Parmi ces « procédures techniques, instrumentations, savoirs et jeux stratégiques » qui font un usage tactique de l’information au service de la puissance publique et de la volonté du législateur, on trouve également la statistique, la démographie, et plus généralement les sciences2. La surveillance policière, avec ses techniques et stratégies, devient alors une importante discipline de la « science » de la gouvernementalité, vitale pour le fonctionnement des « États de l’information » de la fin du XIXe siècle3.
2En restreignant le champ de la discussion à deux colonies australiennes, la Nouvelle Galles du Sud et le Queensland, à leurs réseaux internationaux et à leurs points communs, cet article entend démontrer que dès la fin du XIXe siècle, certaines techniques et stratégies de surveillance policière répandues à travers le monde était devenues plus scientifiques, plus méthodiques et centrées sur l’information. Durant la plus grande partie du siècle, les organes policiers avaient essentiellement une fonction d’observation au quotidien : l’îlotier offre un exemple de ce déploiement d’un corps régulateur dans l’espace urbain à des fins de vigilance physique. On a pu dire de ce type de surveillance policière qu’il s’agissait d’un sous-produit d’un mode de gouvernance spécifique au XIXe siècle, consistant à localiser à partir d’une cartographie sociale complète un certain nombre d’individus « dangereux » – populations nomades ou vagabondes en général – et à réglementer leur comportement dans l’espace public4. Néanmoins, au lieu de rester confinée aux mêmes objets et techniques, la fonction de surveillance de la police a intégré vers la fin du XIXe siècle une seconde composante, plus scientifique, plus précise. Loin de se cantonner à un rôle de reflet concret du pouvoir – c’est-à-dire s’incarnant dans l’observation physique des espaces publics – la surveillance s’est transformée en projet de collecte et de classement des savoirs sur la criminalité, transformés en archives écrites pour un usage ultérieur. Cet article défend l’idée que ce phénomène procède, à l’échelle mondiale, d’une volonté consciente des autorités gouvernementales et policières, désireuses d’améliorer et d’uniformiser leur capacité de stockage et d’accès à l’information pour lutter contre ce qu’elles perçoivent alors comme une contagion apparente de la « criminalité ordinaire ». C’est dans des années 1880 qu’émerge et s’impose comme un enjeu majeur pour les autorités policières et les criminologues de l’Empire britannique et du reste de l’Europe ce « délinquant habituel » en tant que taxonomie criminelle spécifique. Motivés par une sorte de « panique » administrative sur cette délinquance habituelle, les réformateurs du monde entier travaillent, souvent en collaboration, sur l’institution policière, cherchent et développent des techniques novatrices pour suivre l’activité criminelle des individus considérés comme particulièrement menaçants pour l’ordre social et judiciaire. Ils y parviennent notamment par deux biais : l’identification et le classement, pour lesquels seront développées et mises en œuvre des techniques nouvelles. À ce titre, la collecte et le classement des connaissances sur les délinquants au moyen des mesures anthropométriques et de la prise d’empreintes digitales marquent l’arrivée de nouvelles routines, de méthodes systématisées dans l’arsenal des techniques de surveillance policière, en vue de résoudre une problématique criminologique commune. Le développement et l’émergence des « États de l’information » dans l’espace européen et colonial de la fin du XIXe siècle peut se lire, de même que l’établissement d’une nouvelle fonction vitale des policiers en tant que collecteurs d’informations au service de ces États, comme un sous-produit de ces nouvelles acceptions de la criminalité et de l’ordre social5.
3Cet article identifie un phénomène similaire et contemporain dans les colonies de Nouvelle Galles du Sud et du Queensland entre 1880 et 1903, considérant que ledit phénomène s’est manifesté à travers les efforts des autorités policières et pénitentiaires pour mettre en œuvre de nouvelles technologies d’identification et de classement, et procédait d’une perception commune et contemporaine de la récidive. En outre, cet article discute l’arrivée, en Australie coloniale, des technologies et discours de la police moderne. Il suggère que la nature « co-constituée » et interconnectée de l’Empire permettait l’échange multidirectionnel d’expertise et de discours policiers via un réseau exécutif judiciaire informel, certes, mais ayant su développer un réseau relationnel. Dans certains cas, autorités policières et experts faisaient interface par le voyage et les échanges de personnel. Leurs « carrières impériales » se constituaient en sites personnels de contact6. Dans d’autres, c’est l’échange de correspondance qui reliait les magistrats à travers l’Empire et avec l’Europe. Dans cet article, les géographies de l’Empire sont imaginées comme co-constituées, connectées par des « têtes de pont » lancées par des « carriéristes impériaux » via leur correspondance7. Nous montrons que l’échange de savoirs à travers l’Empire n’était pas simple affaire de réception passive, par la « périphérie », d’informations et d’innovations diffusées par le « centre8 ». Il s’agissait plutôt d’un réseau exécutif judiciaire informel dont les membres, tous en quête active d’innovation et d’information, en diffusaient le fruit à travers les autres géographies de l’Empire. L’ensemble nous conduit à une discussion de « l’Empire du savoir » britannique, considéré comme un canal véhiculant des discours internationalement contemporains, interfacé par des sites de contact discursifs et personnels, permettant pour la première fois « d’imaginer connaître les choses non pas séquentiellement mais simultanément9 ». Ce cadre permet d’expliquer en quoi l’exercice de la surveillance non pas en tant que simple projet physique, mais bien dans l’optique d’accumuler des informations de référence pour un usage ultérieur, s’est imposé comme une caractéristique commune des usages policiers dans le monde entier.
4Dans le discours judiciaire européen, français et britannique notamment, l’appellation « délinquant habituel » s’est imposée dans les années 1850 comme terme générique désignant des délinquants considérés comme incorrigibles et « en guerre contre la société10 ». Un peu plus tard, dans les années 1880, c’est une sorte « d’hystérie répressive » qui domine les discussions sur cette catégorie du criminel récalcitrant11. Gardiens de prison, officiers de police, magistrats, tous évoquent fréquemment ce délinquant « connu des forces de police », « délinquant notoire » qui se retrouve régulièrement « aux prises avec la justice12 ». Cette « panique » s’articule autour de l’idée que l’essentiel de la criminalité est imputable à des récidivistes : ce type de criminel particulier apparaît donc comme une menace majeure envers l’ordre social et judiciaire13. En conséquence, on estime que le travail de repérage et la catégorisation des délinquants en « habituels » et « occasionnels » constitue « une des principales méthodes de répression de la criminalité14 ». Le concept central est que tout individu commettant une seconde infraction doit être identifié comme récidiviste et sanctionné avec une sévérité accrue. Il est possible pour un îlotier d’obtenir au moyen de l’observation physique des renseignements utiles sur le passé judiciaire des délinquants locaux. Mais au cours des années 1880 émerge l’idée que cette technique de surveillance physique n’offre pas une couverture suffisamment étendue pour traiter les aspects modernes de ce problème criminologique précis. Le récidiviste, considéré comme une classe à part du délinquant occasionnel ou temporaire, est perçu comme ayant choisi une « carrière » criminelle, comme cherchant à tromper les autorités : socialement, il s’agit d’un déviant, professionnel et astucieux15. Cette professionnalisation implique le recours à des dispositifs permettant d’échapper au regard scrutateur du policier, et donc à un châtiment mérité. On estime que les récidivistes tirent profit des « moyens rapides de communication » des temps modernes, poursuivant sans trop de difficulté leur « malfaisante carrière » dans d’autres régions du pays, voire du monde16. L’afflux de récidivistes sinon internationaux, du moins non-locaux, paraît saper l’efficacité des systèmes répressifs qui considèrent comme une preuve tangible la déposition d’un officier de police qui « connaît » le prévenu comme une personne peu respectable17. À défaut d’un tel savoir, le récidiviste ne sera pas identifié comme tel.
5Les possibilités de tromperie à la disposition du criminel en fuite ou simplement mobile sont perçues comme plus élaborées que les moyens mis à la disposition de la police pour le repérer. La photographie, avec la possibilité de faire circuler des photographies d’un poste de police à l’autre, est utilisée depuis les années 1870 par de nombreux services de police à travers le monde pour garder un œil sur les criminels inconnus ou venus d’ailleurs18. Malheureusement, comme certains ne manquent pas de le faire remarquer, une photographie n’apportera pas grand-chose à un officier de police confronté à un faux nom, et qui n’est pas au fait du passif judiciaire de l’individu. Il est on ne peut plus malaisé et donc inefficace, pour confirmer une identité, de passer en revue des milliers de photographies, même convenablement indexées. Dans le contexte de « l’hystérie punitive » qui caractérise alors le débat sur les malfaiteurs récalcitrants, « la photographie n’a pas rendu les services attendus19 ». C’est précisément cette « impossibilité de distinguer pour chaque cas et avec une certitude absolue un individu d’un autre » qui permet aux criminels professionnels et aux récidivistes « d’échapper à la justice20 ». Impossible de garantir la surveillance d’une classe entière de récidivistes ou professionnels sur la seule base d’une observation physique censée permettre l’identification par un officier de police. Pour élargir la portée de la surveillance policière sur cette catégorie, une archive des savoirs pénaux recensant minutieusement les antécédents judiciaires des individus est indispensable. En outre, il importe de développer les outils qui permettront de collecter et classer toutes ces informations avec la précision nécessaire pour les rendre accessibles et exploitables.
6Dès le début des années 1880, en France, en Grande-Bretagne et en Inde, les plus éminents experts des questions policières et pénitentiaires développent et mettent en œuvre les techniques qui vont permettre de localiser et de circonscrire par écrit les limites de la population des récidivistes, de manière à éliminer, par le biais de peines plus lourdes, la menace sociale et judiciaire qu’ils représentent21. La première technologie adoptée à grande échelle pour « dévoiler les astuces d’une personne suspectée de donner un faux nom » sera le Bertillonnage, un système d’identification par mesures anthropométriques développé par le Français Alphonse Bertillon22. Bertillon, qui prend en 1882 la tête du service d’identification judiciaire de la Préfecture de police de Paris, lance cette même année un système d’identification fondé sur l’enregistrement des mesures de certaines partie du corps humain (longueur et largeur du crâne et du majeur, par exemple) qui restent constantes durant la vie adulte23. Au vu du maigre contingent de récidivistes parisiens identifiés par le seul biais des photographies et descriptions archivées aux Sommiers de la préfecture (« excepté dans le domaine romanesque »), Bertillon se décide à proposer son système à Paris24. En 1885, le Congrès pénitentiaire international de Rome, auquel Bertillon présente les succès accumulés, vote l’extension de son système d’identification à d’autres pays européens et extra-européens. Il est rapidement adopté par un certain nombre de prisons et de services policiers aux États-Unis, à commencer par les services pénitentiaires de l’État de l’Illinois en 188725. Au cours des années 1890, il sera mis en place avec succès dans de nombreux pays européens, contribuant selon ses thuriféraires à une augmentation significative du nombre de récidivistes identifiés. à Paris même, le résultat le plus tangible est une diminution du nombre de falsifications d’identité. D’après les autorités françaises, « un grand nombre de criminels ont renoncé à changer de nom, trouvant qu’il était inutile de chercher à dissimuler ainsi son identité26 ». De même, en Suisse, selon feu le docteur Guillaume, directeur du pénitencier de Neuchâtel et Secrétaire général de l’Association pénitentiaire internationale, « il est démontré que les criminels professionnels évitent les pays dans lesquels le système d’identification anthropométrique est en vogue27 ».
7Malgré ses succès apparents, le système présente des limites criantes. Plusieurs mois de formation – dispensée par un expert – sont nécessaires, l’équipement est coûteux et le processus en lui-même est relativement long et complexe28. La dactyloscopie présente des avantages certains sur l’anthropométrie. Avant toute chose, c’est un système rapide et précis, qui donne indubitablement « des preuves convaincantes de l’identité29 ». Si son utilisation pratique a dû attendre les années 1890, comme le note l’ancien Inspecteur général adjoint de la police du Bengale Lascelles Ward :
« On sait grâce aux archives [...] et une thèse en Latin sur les impressions digitales, rédigée en 1823 par le professeur Purkenji, que l’usage des empreintes digitales à des fins d’identification n’est pas une idée nouvelle30. »
8On connaît en revanche ses « pionniers récents », à savoir Sir William Herschel, un fonctionnaire en poste aux Indes, où il a recueilli un certain nombre d’empreintes entre 1860 et 1883 ; Sir Francis Galton, auteur de l’ouvrage Fingerprints, publié en 1890 ; mais surtout M. E. R. Henry, Inspecteur général de la police du Bengale et plus tard Chef de la police métropolitaine de Londres. C’est lui qui introduit l’usage de la dactyloscopie et de l’anthropométrie au Bengale en 1894 et qui, en 1901, à la tête du service de police judiciaire (Criminal Investigation Department) de Scotland Yard, lance en Grande-Bretagne son système de classement dactyloscopique, future référence mondiale. Premières à utiliser la technologie des empreintes digitales, la Grande-Bretagne et les Indes s’appuient sur des systèmes d’identification qui marient l’anthropométrie et la dactyloscopie. En 1894, le Home Secretary (ministre de l’Intérieur) H. H. Asquith, sur recommandation de la commission nommée pour évaluer les meilleurs procédés d’identification des récidivistes, annonce que le système utilisé devra combiner « la méthode de Bertillon et celle de Galton31 ». Toutefois, assez logiquement, le procédé Bertillon sera finalement écarté en faveur de ce qui va s’avérer un système d’identification supérieur. À partir de 1898, le système dactyloscopique d’Henry est donc utilisé sans recours à l’anthropométrie par la police du Bengale, et dans la mesure où « sa réussite aux Indes s’est avérée si considérable », en 1901 le Secrétaire d’État ordonne que le « système Henry » supplante l’usage de l’anthropométrie en Grande-Bretagne32. Tandis que les autorités judiciaires françaises continuent à s’appuyer sur l’anthropométrie, notamment dans la colonie pénitentiaire de Nouvelle-Calédonie, à partir de 1901 le système Henry, exposé en détail dans son ouvrage Classification and Uses of Fingerprints, va supplanter l’anthropométrie comme principal mode d’identification à travers tout l’Empire britannique33. Ces « découvertes scientifiques » sont considérées comme suffisantes pour « contrer les dispositifs » utilisés par le criminel endurci des temps modernes34. L’adoption d’une technologie permettant de « fixer la personnalité humaine, de donner à chaque être humain une identité, une certaine individualité, durable, immuable, toujours responsable, facilement prouvée » persuade une partie des autorités judiciaires que leur capacité à collecter, stocker et utiliser des savoirs précis sur l’activité criminelle a permis de jeter un vaste filet sur la classe des délinquants habituels35. À terme, plus il y aura d’information stockée, plus les mailles du filet se resserreront. S’il est vrai que cette classe de criminels est plus professionnelle et mieux organisée, il est tout aussi vrai que les moyens de surveillance, d’utilisation des archives et d’identification sont devenus plus standardisés et plus méthodiques.
9En 1903, le chef du Bureau central d’investigation du Queensland, le Senior Inspector F. C. Urquhart (1897-1905) se fait l’écho de cette opinion fort répandue à l’échelon international, pensant qu’effectivement la police est parvenue à prendre les récidivistes dans les mailles d’un réseau très étendu. Il ne doute pas que le système de surveillance dont disposent désormais les policiers empêchera nécessairement tout repris de justice d’échapper à l’identification. Il est indéniable que la classification et l’identification des criminels « au moyen des méthodes les plus reconnues et les plus récentes » – dactyloscopie, photographie, anthropométrie – et le stockage de ces savoirs dans des fichiers spécialisés, ne pouvaient que donner confiance aux policiers, convaincus d’être en mesure de repérer à coup sûr le récidiviste en cas d’arrestation ultérieure36. Ajoutons que la circulation de ces savoirs entre services de police à l’échelon international est considérée comme la bonne stratégie pour contrer « les hordes de criminels organisés, qui émigrent sans problème d’un endroit à l’autre, sous de faux noms et par des moyens divers » et qui, dix ans plus tôt, auraient facilement échappé au poids de leurs fautes passées37. Ces techniques sont considérées comme indispensables pour s’acquitter d’une « obligation internationale dans le travail de répression criminelle », compte tenu de leur potentiel pour contribuer à minimiser la contagion que ne manque pas de répandre le criminel professionnel et incorrigible38. Le commentaire d’Urquhart vient au moment où culminent dix années de progrès vers la normalisation et l’uniformisation des techniques de surveillance au Queensland et en Nouvelle Galles du Sud. Entre la fin des années 1880 et le début du XXe siècle, c’est tout un réseau informel de responsables judiciaires qui, dans ces deux colonies, a fait campagne et correspondu avec détermination pour mettre en place un système plus étendu, plus centralisé, plus scientifique de collecte, d’enregistrement et d’accès aux savoirs sur l’activité criminelle en vue de repérer et de surveiller les délinquants habituels.
10C’est vers la fin des années 1880 qu’est mentionné pour la première fois dans le discours judiciaire de Nouvelle Galles du Sud le système anthropométrique de Bertillon, suite au travail mené sur la question par l’Inspecteur général de la force de police de Nouvelle Galles du Sud, Edmund Fosbery (1874-1903). Bien qu’ayant démarré dans la carrière en 1862 au sein des services de police de l’État de Victoria, Fosbery considère la police métropolitaine de Londres comme un modèle utile pour l’organisation et le fonctionnement de la police de Nouvelle Galles du Sud39. Confronté au problème de la qualité des recrues et d’un considérable turnover au sein de la police métropolitaine de Sydney durant les années 1880, il observe « qu’il serait fort utile de recruter une bonne fois trente ou quarante Anglais de la police de Londres40 ». Fosbery, né à Wotton, dans le Gloucestershire, et formé à la Royal Naval School, dans le Surrey, retourne fréquemment en vacances en Grande-Bretagne. En 1888, il constate des problèmes d’organisation policière qui l’incitent, au cours d’un voyage personnel, à consacrer un temps considérable à « de minutieuses enquêtes sur l’organisation et le fonctionnement de divers établissements policiers » au Royaume-Uni et en Europe41. Son rapport officiel (indispensable pour obtenir un remboursement partiel de ses frais de voyage par l’État de Nouvelle Galles du Sud) montre que Fosbery s’est essentiellement intéressé aux innovations en matière administrative et organisationnelle, ainsi qu’aux questions de discipline interne. On remarque toutefois, dans sa correspondance personnelle avec le Contrôleur général des prisons de Nouvelle Galles du Sud, le capitaine Frederick Neitenstein, que Fosbery a été très marqué par les travaux de l’Association britannique pour l’avancement de la science qui, dès le milieu des années 1880, faisait pression sur le Home Office pour faire entrer l’anthropométrie dans les postes de police et les prisons britanniques42. Fosbery s’est notamment entretenu à maintes reprises avec un haut responsable de l’association, Edward Troup, qui présidera plus tard, en 1894, la commission d’enquête chargée de déterminer les meilleurs moyens d’identifier les récidivistes43. Sur les conseils de Troup, Fosbery se rend à Paris pour « se renseigner soigneusement sur le système Bertillon » et transmet subséquemment à Neitenstein un pamphlet sur la question, accompagné d’une recommandation pour sa mise en œuvre dans les prisons et postes de police de Nouvelle Galles du Sud44. C’est à travers la correspondance de Fosbery que l’anthropométrie fait sa première apparition théorique dans la colonie.
11Très impressionné par les observations personnelles de Fosbery, sur lesquelles il va s’appuyer pour passer à l’action, Neitenstein fait communiquer par le Sous-secrétaire à la justice de Nouvelle Galles du Sud « à toutes les colonies d’Australasie, y compris le Queensland, l’intention d’adopter un système anthropométrique intercolonial commun45 ». Dans ces communications avec les autres colonies, il fait valoir l’urgence de la réforme technologique pour lutter contre « le danger de l’influence contagieuse » de la délinquance habituelle. Pour Neitenstein, les récidivistes constituent une classe à part entière, organisée, professionnelle, incorrigible, de gens qui « ne souhaitent pas mener une vie d’honnêtes citoyens46 ». Ayant soigneusement « calculé les pertes et profits de leur malhonnête profession », ils ont hoisi de rester en marge de la civilisation ; la prison n’a donc aucune influence en matière de correction47. Même s’ils ne constituent qu’une « classe restreinte », leur présence en dehors de l’institution pénitentiaire est une menace pour l’ordre juridique et social, compte tenu de leur faculté à « enrôler des recrues et transmettre leur maladie mentale » aux délinquants occasionnels. En dépit des effets de manche de Neitenstein, la question ne suscite guère d’intérêt dans les milieux autorisés, que ce soit en Nouvelle Galles du Sud ou dans les autres colonies, et nul ne s’en préoccupe plus. Mais en 1894, Fosbery revient à la charge : il vient de recevoir un exemplaire du rapport de la commission dirigée par Troup sur la question de l’identification des récidivistes48. En accord avec les recommandations de la commission pour la Grande-Bretagne, Fosbery estime nécessaire d’ajouter à l’arsenal des outils d’identification utilisés en Nouvelle Galles du Sud – qui s’appuie essentiellement à l’époque sur l’identification de visu par les autorités pénitentiaires et policières – « les cinq mesures préconisées par Bertillon », mais aussi le système dactyloscopique de Galton49. Là encore, les autorités judiciaires australasiennes vont faire preuve d’un désintérêt qui va pousser Neitenstein à entrer dans la danse. En 1896, il prend personnellement langue avec les contacts européens de Fosbery. Troup le met en rapport avec un « ami et collègue », M. Legge, Contrôleur des maisons de redressement et des instituts de formation industrielle de Grande-Bretagne50. Ce nouveau réseau permet à Neitenstein de se procurer un certain nombre d’instruments anthropométriques et de se former lui-même, devenant « pratiquement familier de l’usage des divers appareils51 ». Frustré par la réticence des autres colonies, peu désireuses d’adopter ce qu’il considère comme « l’orthodoxie policière » du moment à travers le monde, Neitenstein « prend les choses en mains » et propose un « système de Bertillonnage modifié » qu’il transmet à chacune des colonies d’Australasie (y compris la Nouvelle-Zélande) pour application52. Neitenstein sait pertinemment que l’anthropométrie a été « totalement abandonnée en faveur du projet dactyloscopique de Galton » dans toutes les provinces indiennes, et n’est plus utilisée en Grande-Bretagne que de façon marginale par rapport à la dactyloscopie, mais il maintient sa volonté d’introduire de manière uniforme en Australasie un protocole fondé sur la combinaison des deux systèmes, pour se donner les moyens de lutter convenablement contre une catégorie de criminels qu’il estime « doués du génie du crime » et incorrigibles53. La « vis inertiae » des divers gouvernements, dont le leur, empêchera toujours Neitenstein et Fosbery de « prêter vie à cette question intercoloniale54 ». Néanmoins, tous deux resteront longtemps fidèles aux conceptions de Bertillon, qu’ils défendront ardemment jusqu’au tournant du siècle, après quoi leur enthousiasme finira par retomber en faveur du système d’identification dactyloscopique d’Henry55.
12Ce passage par « l’étape du Bertillonnage » reste significatif, bien qu’il n’ait pas été mis en œuvre en Australie coloniale. Le fait est que l’attention qui lui a été portée a permis de révéler la présence d’un autre système, plus épuré, d’identification et de classification des criminels56. En 1901, Fosbery et Neitenstein ont tous deux largement renoncé à l’anthropométrie, considérée comme « inapplicable et, à vrai dire, pas le meilleur système pour l’Australie ». De fait, c’est le système dactyloscopique d’Henry qui sera adopté fin 1902 par les administrations pénitentiaire et policière de Nouvelles Galles du Sud57. Il faudra pourtant attendre 1903 pour que l’Australie reçoive, par le biais de rapports émanant respectivement du Colonial Office et de la Metropolitan Police, l’annonce officielle de la décision de remplacer le système anthropométrique de Bertillon par le dispositif dactyloscopique d’Henry en Grande-Bretagne58. Il est probable que c’est sa propre expérience qui a fait prendre conscience à Neitenstein des limites de l’anthropométrie. Mais c’est d’abord et avant tout son statut de fonctionnaire pénitentiaire bien introduit, ainsi que son travail personnel d’enquête et de « communication avec Whitehall » qui lui ont permis, ainsi qu’à Fosbery, de se convaincre de la « grande efficacité du nouveau système59 ». On sait du reste qu’au cours d’un échange épistolaire qui s’est poursuivi tout au long de l’année 1901, le Right Honourable Mr. Akers Douglas, Home Secretary, en réponse aux demandes d’information de Neitenstein sur la question de l’anthropométrie en Angleterre, l’avait informé de la décision de ne plus y recourir et lui avait transmis des informations détaillées sur le fonctionnement du nouveau système dactyloscopique60.
13C’est à partir des informations reçues de Douglas sur l’administration du système en Grande-Bretagne que Neitenstein déploie le nouveau système d’Henry en Nouvelles Galles du Sud, fin 190261. Pour lui, les caractéristiques les plus importantes de ce dispositif sont d’une part la centralisation des savoirs sur la criminalité au sein d’une entité distincte, placée sous la double tutelle des administrations pénitentiaire et policière, et de l’autre la technique utilisée pour classer et stocker ces informations. En Grande-Bretagne, la prise d’empreintes digitales est alors aussi bien du ressort des gardiens de prison que des policiers62. Une quinzaine de jours avant la libération d’un prisonnier, un relevé des empreintes est effectué et envoyé au bureau de surveillance des détenus (Convict Supervision Office) de Scotland Yard où elles sont archivées, accompagnées d’une description et d’une photographie du prisonnier, selon un système numérique basé sur les motifs formés par les empreintes (par exemple six « boucles » et quatre « volutes » mènent le dossier vers un casier nommé 6/4)63. Dès l’instant où un officier de police appréhende « une personne dont il ne connaît pas les antécédents, et dont il a des raisons de penser qu’elle appartient à la catégorie des délinquants », il soumet une empreinte digitale au service central, qui en détermine la valeur numérique et vérifie la présence éventuelle d’un dossier dans le casier correspondant – vérifiant également le cas échéant si la personne doit être fichée comme « récidiviste64 ». Ce système présente un double avantage : la rapidité et la précision. Neitenstein est impressionné : avec cette méthode, il faut « rarement plus de quelques minutes » pour mettre la main sur un casier judiciaire ; et dans ses six premiers mois d’utilisation exclusive, à partir de juillet 1901, le système Henry a permis de repérer 1 722 récidivistes contre seulement 502 durant la première moitié de cette même année65. Lorsqu’il fonde le Bureau central de Darlinghurst, à Sydney, Neitenstein reprend à la fois le principe de la double tutelle administrative et le système de classement par « boucles » et « volutes ». Fin 1902, pas moins de 2 000 fiches descriptives auront été reçues en vue d’être « examinées et archivées en fonction des critères attribués par le système Henry66 ». Conséquence directe des communications entre Douglas et Neitenstein, la collecte et l’organisation systématique et centralisée des savoirs sur la criminalité va se généraliser en Nouvelles Galles du Sud comme moyen de surveillance des récidivistes. La création du Bureau central de Sydney peut donc s’interpréter comme une technique de gouvernance permettant d’élargir le champ du regard de l’État sur les récidivistes. Les autorités peuvent désormais recourir à des savoirs précis et accessibles, qui vont permettre de s’assurer que si « une personne dont le dossier est archivé se retrouve à nouveau emprisonnée en Nouvelle Galles du Sud, son identification comme récidiviste sera chose facile », et un juste châtiment pourra lui être administré67.
14Vers la fin des années 1890, les autorités de police du Queensland sont également en quête d’un bon moyen de collecter et classer les savoirs accumulés sur l’activité criminelle, de manière à réduire la population de récidivistes. Des années 1870 jusqu’à 1897, toute personne arrêtée dans le Queensland est photographiée – les clichés sont conservés dans des albums qui se trouvent au service central des enquêtes policières (Central Investigation Bureau of the police department, ci-après CIB). Toutefois, en 1897, on compte « environ 20 000 criminels répertoriés », d’où le besoin d’un système de classement permettant de trouver facilement les fiches dans les albums. L’inspecteur F. C. Urquhart, du CIB, conçoit donc cette même année un système qui classe chaque personne enregistrée en fonction de sa description, de sa race, de son sexe et de sa taille68. L’intention est louable, puisqu’il s’agit de simplifier l’accès à chaque dossier, mais en réalité, le système, qui fonctionne assez mal, est très peu utilisé. La police du Queensland, comme c’est d’ailleurs le cas partout dans le monde, a bien plus de chances à ce moment-là d’identifier les récidivistes en demandant aux agents de police qui patrouillent dans les rues si oui ou non l’individu est connu comme faisant partie de la catégorie « délinquant ». Il est plus efficace de savoir que telle personne a de « mauvaises fréquentations » et se commet avec des « prostituées et voleurs notoires », ou de se rappeler que tel individu a déjà fait l’objet d’une arrestation, que de consulter un index de photographies ou descriptions rendues obsolètes par le simple recours à une fausse identité69. Ce système a pour lui le fait que le témoignage d’un agent de police déclarant qu’il « connaît l’accusé » depuis un certain temps, à cause d’arrestations nombreuses ou parce qu’il fréquente des individus peu recommandables, suffit à prouver l’existence d’antécédents criminels devant un tribunal de police. En revanche, dès lors que l’agent ne connaît pas l’historique de la personne arrêtée et suspectée d’activités criminelles, les défauts du système deviennent criants. Nous verrons un peu plus loin le problème que posent alors les évadés de Nouvelle-Calédonie et autres délinquants venus de l’étranger pour échapper à leur passé. Le problème néo-calédonien, entre autres, semble indiquer que la question des récidivistes ne peut être traitée sur la seule base des savoirs a posteriori du policier de la rue
15En 1901, le Police Commissioner [l’équivalent d’un préfet de police – NdT] W. E. Parry-Okeden (1895-1905), très au fait des limites de la surveillance policière, cherche à tirer parti de l’expertise de Fosbery et Neitenstein via une série d’entretiens à l’occasion d’un voyage personnel en Nouvelles Galles du Sud. Les entretiens ont pour objet de déterminer la possibilité d’introduire l’anthropométrie dans les postes de police du Queensland – elle lui avait été recommandée vers la fin des années 1890 par M. Machenaud, de l’administration pénitentiaire française en Nouvelle-Calédonie70. Suite à ce voyage, Parry-Okeden développe une relation personnelle avec les deux fonctionnaires judiciaires de Nouvelle Galles du Sud, et au fil d’une correspondance (officielle et personnelle) qui va s’étaler sur deux années, [il] « appréhende de nombreuses raisons très convaincantes – auxquelles je n’avais pas pensé moi-même – qui font que le système Bertillon n’aurait pas été idéal pour nous71 ». En conséquence, il devient lui-même un fervent adepte du système Henry, et avec l’aide du Contrôleur général des Prisons du Queensland, C. E. Pennefarther, va convaincre le gouvernement, plutôt réticent pourtant, d’autoriser la mise en place de la dactyloscopie dans les prisons et postes de police du Queensland, ainsi que la création d’un bureau central au sein de la police judiciaire en 190372. Avant l’accession de Parry-Okeden au poste de Commissioner, le gouvernement de la colonie du Queensland était resté de marbre face à la correspondance pourtant active de Neitenstein et Fosbery, entamée dès la fin des années 1880. Il est certain que le désintérêt de D. T. Seymour (1864-1895), le précédent Commissioner, ne risquait pas de pousser le gouvernement à mettre en œuvre une réforme nécessairement coûteuse. C’est l’activisme de Parry-Okeden qui vaudra aux techniques modernes d’identification et de classement d’aboutir à une stratégie unifiée de lutte contre la menace apparente de la criminalité régulière.
16Parry-Okeden, comme Neitenstein, considère que le problème des récidivistes transcende les frontières locales qui sont celles d’une juridiction policière. C’est ce constat qui motivera nos deux réformateurs à ne pas se contenter d’étoffer le dispositif dans leur propre État, mais bien à militer pour l’étendre à d’autres colonies australiennes, de manière à standardiser leurs systèmes de collecte et d’exploitation de l’information, que ce soit entre elles ou en fonction de normes internationales. Comme en Europe, la réforme se concentre sur l’élimination du criminel nomade, qui échappe facilement à l’identification. Les systèmes de surveillance plus anciens, fondés sur une veille physique de la criminalité et des déviances, ont toujours leur utilité en matière de prévention et de détection au niveau local. Le système judiciaire se fie toujours plus ou moins aux savoirs acquis localement par l’agent de police qui « bat le pavé73 ». Au tout début du XXe siècle, les dépositions policières enregistrées au tribunal de police de Brisbane (Brisbane Court of Petty Sessions), par exemple, se fondent toujours essentiellement sur des savoirs classés et archivés exclusivement dans la tête des agents de police74. Il n’en reste pas moins que si le « spécimen typique » de récidiviste est censé être du genre nomade, vagabond, qui franchit les frontières à sa guise, il s’ensuit que la police doit s’équiper de mécanismes plus sophistiqués pour « maintenir la classe des criminels sous surveillance75 ». On attire l’attention sur la difficulté de localiser des criminels qui, sous divers alias, jouent au chat et à la souris avec les autorités judiciaires de toute l’Australasie « en raison de la facilité qu’ils ont à se déplacer d’un lieu à l’autre76 ». Grâce aux moyens de communication mis à leur disposition, et encouragés par la disparité des stratégies d’identification entre colonies/États et nations, quand elles existent, les délinquants professionnels semblent même aidés dans leur « préjudice envers la société77 ». Celui (le récidiviste est presque toujours considéré comme étant de sexe masculin) qui trouve qu’il « commence à faire trop chaud pour lui dans son propre État » a tout loisir de « d’infliger sa présence à d’autres États à tour de rôle78 ». Il est donc considéré comme désirable d’unifier les stratégies d’identification des criminels sur l’ensemble du territoire de l’Australasie, de telle sorte que la police et les autorités pénitentiaires puissent faire circuler les informations utilisables qu’elles ont pu réunir sur tel ou tel criminel « connu » ou notoire. C’est ainsi que le système britannique consistant à conserver au niveau d’un bureau central « distinct des deux administrations » les casiers judiciaires également accessibles aux autorités policières et pénitentiaires de « toute localité » est pris pour modèle au moment d’élaborer le protocole australasien79. De même, en Australie comme en Europe, on retrouve dans les discussions sur la question des récidivistes l’idée que les savoirs accumulés par le bureau doivent être régulièrement partagés, via des publications tant locales qu’internationales. On met en avant l’idée que « si le système de classement dactyloscopique d’Henry devient l’orthodoxie policière universelle », les autorités judiciaires seront toujours en mesure de « se procurer rapidement, au prix de quelques timbres-poste, des informations fiables sur les antécédents de toute personne emprisonnée et soupçonnée d’appartenir à la catégorie des délinquants, dans le monde entier80 ». C’est pour remplir « une obligation internationale dans le travail de répression de la criminalité » qu’il est demandé à l’Australie d’uniformiser ses procédures, de manière à gérer convenablement les dimensions modernes du problème de la délinquance habituelle81.
17À ce stade, au Queensland et en Nouvelle Galles du Sud, l’exécutif judiciaire a conscience de ses « obligations internationales », plus que d’autres en Australie. Il suffit pour s’en convaincre de constater d’un côté l’énergie déployée par Neitenstein, Fosbery et Parry-Okeden pour diffuser vers les autres États/colonies d’Australasie des informations sur ce qui pour eux constitue désormais « l’orthodoxie » de l’identification standardisée, et de l’autre les réactions pour le moins mitigées des autorités judiciaires, leur réticence à mettre en œuvre ces recommandations. Comme nous l’avons vu, Neitenstein et Fosbery avaient activement cherché, dès la fin des années 1880, à galvaniser l’intérêt pour l’anthropométrie et les techniques d’identification dans les colonies d’Australasie, mais sans succès. De même, lorsque Parry-Okeden se déplace en Nouvelle Galles du Sud pour évaluer la viabilité d’une éventuelle introduction de l’anthropométrie au Queensland, il fait aussi la tournée des administrations pénitentiaires et policières des États de Victoria et d’Australie du Sud pour débattre d’une éventuelle unification des stratégies d’identification australiennes. À sa grande déception, il n’apprend qu’une chose : « Dans les États du sud, la police se fie entièrement à l’administration pénitentiaire en matière d’identification et de classement ; il n’y a pas de collaboration comparable à ce qui se fait en Angleterre82. » Il est particulièrement déconcerté d’apprendre qu’en Australie du Sud, le Police Commissioner L. G. Madley a renoncé au « système dactyloscopique de Galton, adopté il y a quelques années », au motif qu’il ne lui trouve « aucune valeur pratique » pour sa juridiction83. À son retour, Parry-Okeden poursuit sa correspondance avec les autorités judiciaires de Victoria, d’Australie du Sud et de Nouvelle-Zélande : il n’a pas renoncé à les convaincre de s’accorder sur un système d’identification commun, la création d’un bureau central et d’un « bon code télégraphique84 ». Il faudra attendre 1908 pour parvenir à convaincre les grands patrons des administrations policière et pénitentiaire australiennes de participer à une conférence sur l’éventuelle introduction d’un système d’identification uniformisé pour toute l’Australasie. Toutefois, en ce début de XXe siècle, force est de se rendre à l’évidence : seul Neitenstein est resté fidèle à la démarche initiale de systématisation des techniques de surveillance policière à travers toute l’Australasie85.
18Certaines particularités locales ont sans doute contribué à faire de la récidive un enjeu majeur pour l’exécutif judiciaire du Queensland et de Nouvelle Galles du Sud – notamment l’afflux de prisonniers évadés de la colonie pénitentiaire française de Nouvelle-Calédonie. C’est en tout cas partiellement ainsi que les autorités du Queensland et de Nouvelle Galles du Sud justifieront le déploiement de l’anthropométrie et de la dactyloscopie dans leur prisons et postes de police. Sans être réellement au cœur du débat, la référence au problème néo-calédonien se retrouve en filigrane de toutes les discussions générales sur les questions d’alias et de récidive, les décideurs cherchant ainsi à gagner en crédibilité lorsqu’ils exigent une réforme technologique. En Nouvelle Galles du Sud et au Queensland en particulier, les évadés français, généralement arrêtés par la police pour vagabondage ou parce qu’ils sont soupçonnés d’être des fugitifs, doivent rester des mois en prison, le temps que les autorités militaires françaises envoient un officier procéder à une identification personnelle permettant d’extrader à nouveau l’accusé vers la Nouvelle-Calédonie86. Il est évidemment difficile de prouver sans l’ombre d’un doute l’identité d’un évadé au moyen de cette méthode considérée comme surannée et peu fiable, ce qui permet à l’exécutif en place faire valoir que la criminalité moderne a pris l’ascendant sur les stratégies de surveillance disponibles87. Bien que les extraditions de bagnards français n’aient guère dépassé le chiffre de 150 entre 1881 et 1895, Parry-Okeden considère la chose comme « suffisamment fréquente » pour mettre en œuvre « une collaboration policière à grande échelle sur certaines méthodes parmi les plus scientifiques mises au point par les criminologues modernes88 ». Dans le contexte du devoir international de répression de la délinquance habituelle, les récidivistes français sont en première ligne. On finit par les assimiler à la catégorie des délinquants incorrigibles, à ces « hordes astucieuses qui n’ont de cesse de migrer d’un endroit à l’autre sous de faux noms89 ». Nécessairement, des « mesures combinées systématiques » semblent s’imposer en vue de pouvoir identifier et extrader les évadés en tant que tels90. Parry-Okeden et Fosbery sont d’accord : « Avec un système fonctionnant de manière universelle, quel que soit l’État ou la région du monde où se produit une arrestation, l’identification d’un délinquant récidiviste ne nécessitera pas l’envoi de plusieurs officiers de police91. » De fait, « la science » semble alors seule en mesure de pouvoir faire office de solution à un problème de criminalité internationale qui ne se laisse plus appréhender par des techniques périmées, et notamment l’identification de visu des délinquants notoires par les agents de police. C’est donc en grande partie ce problème local aux contours internationaux qui explique la signification toute particulière qu’ont pris pour les autorités judiciaires du Queensland et de Nouvelle Galles du Sud – en comparaison avec le reste de l’Australie – cette menace du délinquant récidiviste et ce désir de réformer le dispositif de surveillance.
19Il est certain que le manque d’enthousiasme du responsable de la police d’Australie du Sud, S. G. Madley, pour l’introduction d’un système d’identification coordonné avec la Nouvelle Galles du Sud et le Queensland procède directement d’une conception personnelle de la mission de la police – essentiellement locale. Madley n’est pas convaincu que les mesures anthropométriques ou la dactyloscopie soient d’une quelconque utilité en Australie du Sud. À la différence de ses voisins, sa juridiction n’est « pas sujette à l’afflux de bagnards français92 ». S’il comprend bien que le Queensland et la Nouvelle Galles du Sud sont confrontés à un problème précis qui nécessite le recours à de nouvelles techniques de surveillance et de police, il estime en revanche que pour les besoins de l’Australie du Sud, « il n’y a rien de plus fiable qu’une bonne photographie accompagnée de la description habituelle » pour identifier les rares « délinquants inconnus » qui croisent à l’occasion le chemin de la police93. Ce système d’identification les a si bien servis que l’adoption d’une procédure d’enregistrement des empreintes du pouce, vers la fin des années 1890, s’est avérée inutile : « Elles n’ont pas servi une seule fois pour identification94. » Par ailleurs, la faible dynamique locale explique largement les réticences de Madley à s’engager dans le débat sur la récidive, ou à s’inscrire dans le discours des autorités judiciaires du Queensland et de Nouvelle Galles du Sud. On conçoit qu’il n’ait pas jugé utile de consacrer des ressources somme toute très limitées à une technologie que nulle crise ne venait justifier concrètement de son point de vue.
20Les réticences des autres États australiens, peu désireux de mettre en œuvre les recommandations présentées par autorités judiciaires du Queensland et de Nouvelle Galles du Sud depuis les années 1880, démontrent que les nouvelles technologies de surveillance sont alors loin d’être unanimement considérées comme un bon protocole, ou même comme un protocole nécessaire. On peut estimer que dans ces deux colonies, l’élan donné aux nouvelles technologies est parti d’une perception commune à Neitenstein, Parry-Okeden et Fosbery, fondée sur le constat d’une crise, très réelle, de la délinquance habituelle. La collectivisation du problème de la récidive, censé concerner les autorités policières et pénitentiaires à l’échelle internationale, démontre combien les autorités de Nouvelle Galles du Sud et du Queensland tenaient à leur vision propre de la délinquance et de l’ordre social. Les efforts déployés pour amener les autres États ou colonies à uniformiser les techniques de surveillance suggèrent que leur souci de gestion de la catégorie des récidivistes, notamment en tant que problème transcendant les frontières des États et des nations, n’est pas purement rhétorique ; pas plus d’ailleurs que leur propension à s’appuyer sur certaines conceptions et représentations répandues à l’échelon international ne peut être considérée comme simple calcul en vue de mobiliser autour de leurs réformes. C’est leur compréhension personnelle de la menace légale et sociale qu’introduit la récidive qui a motivé les efforts déployés en vue de mettre en œuvre de nouvelles stratégies d’identification et de classement, ainsi que leur désir de peser sur la création, dans le cadre de l’Australasie, d’un système collaboratif conforme aux standards internationaux.
21S’agissant d’une discussion de l’histoire commune d’entités géographiques s’étendant bien au-delà du local, dans une dimension largement planétaire, il convient d’évoquer brièvement les aspects théoriques fondateurs de ce débat. La notion d’Empire co-constitué en réseau est très féconde en ce qui concerne le vécu commun de l’Australie coloniale et du reste de l’Empire, voire du monde. Lester et Lambert ont par exemple défendu l’idée que les administrateurs coloniaux ont conscience du fait que leurs contacts formels et informels engendrent à l’échelle impériale une « spatialité en toile d’araignée » (« a web-like spatiality »), un réseau de relations qui leur permet d’accéder directement à l’information et aux nouvelles technologies95. Fosbery trouve tout naturel de parcourir le monde ; et de leur côté, Neitenstein et Parry-Okeden n’ont pas leur pareil pour établir et exploiter des réseaux de communication en vue de découvrir des méthodes innovantes pour améliorer le fonctionnement de leurs administrations disciplinaires respectives96. Le service central d’archivage des casiers judiciaires, créé à Sydney sur l’initiative de Neitenstein, est un aboutissement concret de son exploitation des réseaux de communication existants à des fins de recherche et de réforme. Cette spatialité ajoute par ailleurs un côté aléatoire aux rencontres coloniales, engageant en quelque sorte « de force » des personnes sans aucun lien préalable dans des interactions imprévues d’où peuvent surgir des découvertes aussi révolutionnaires qu’improbables. C’est dans ce cadre, par exemple, que Fosbery a rencontré le système anthropométrique. De manière plus tangible, on trouve aujourd’hui dans les archives coloniales des manuels pratiques et instruments anthropométriques, des échantillons d’empreintes digitales, des registres, des schémas détaillant le fonctionnement du système des casiers utilisés pour le classement dactyloscopique : autant de souvenirs bien concrets de ces processus d’échange impériaux et mondiaux97. Il est probable que les trajectoires et les origines mêmes de ces discours criminologiques communs sont étroitement liés à ces processus d’échange. Si la conception de ce qui pouvait constituer une menace contre l’ordre social et légal au Queensland et en Nouvelle Galles du Sud s’est mise à converger avec la vision prévalente au niveau international, c’est peut-être en raison de ce que Jon Wilson a décrit comme « le flux constant de l’action coloniale98 ». Les nouveaux « concepts et catégories » qui s’incarnent alors dans les outils et techniques associés aux technologies d’identification et de classement ouvrent à nos fonctionnaires judiciaires de nouveaux horizons pour décrire leurs propres problèmes criminologiques locaux99. Évoquons également l’idée foucaldienne d’une « autorité » qui ne produit qu’en fonction de ce qui est disponible sur le plan temporel et exclu de « l’économie de la constellation discursive100 ». Il est nécessaire de relier les discours et les idées « aux contextes actifs qui les ont produits101 ». Dans cet article, les conceptions criminologiques communes au monde entier sont envisagées comme produites en relation les unes avec les autres, en tant qu’elles sont transmises en même temps que – voire intégrées à – certaines techniques et technologies policières nouvelles. Il n’en reste pas moins que ces conceptions, concepts et catégories ne prennent corps au niveau local que lorsqu’elles semblent applicables à un problème criminologique précis.
22L’étude des efforts des autorités judiciaires de Nouvelles Galles du Sud et du Queensland pour mettre en œuvre des technologies contemporaines de classement et d’identification entre 1880 et 1903 a montré qu’à l’époque, les autorités policières du monde entier se préoccupaient de parvenir à rassembler des archives accessibles sur la criminalité. L’observation reste alors un moyen important de garder à l’œil les individus dangereux qui menacent l’ordre social et légal, mais le besoin de pouvoir localiser et circonscrire les limites de la population délinquante au moyen de fichiers facilement consultables et de casiers judiciaires circulant aisément commence à se faire sentir. L’idée est qu’il doit devenir impossible d’échapper à son passé criminel dès lors qu’on est enregistré. La surveillance devient donc un projet qui exige aussi bien le caractère physique de l’observation policière que la création de réserves d’information sur la criminalité, qui permettront le moment venu de localiser le type de criminel le plus menaçant, à savoir le récidiviste. Sur toute la planète, à la fin du XIXe siècle, le « petit pouvoir » de l’information est considéré comme vital et indispensable à la fonction de police préventive. Pour exercer leur pouvoir efficacement, les autorités policières avaient tenté de faire entrer dans les mœurs, de systématiser et d’uniformiser les techniques considérées comme vitales pour la surveillance, et notamment l’aptitude à réunir et stocker les savoirs sur la criminalité. Le développement et la mise en œuvre de technologies d’identification et de classement sont deux des moyens ayant permis d’atteindre les fins de ce projet.
23Cet article défend l’idée que des processus similaires étaient à l’œuvre au Queensland et en Nouvelle Galles du Sud, processus qui se sont manifestés à travers les efforts (et les réussites) d’un exécutif judiciaire aux réseaux étendus, cherchant à étendre la capacité de surveillance de l’État. De plus, les circonstances de la mise en œuvre de systèmes de surveillance contemporains, au Queensland d’une part et en Nouvelle Galles du Sud de l’autre, sont inséparables. Elles sont d’ailleurs tout aussi inséparables de celles rencontrées dans le reste de l’Empire, voire plus largement en Europe. Restreindre la discussion aux limites étriquées d’une seule nation ou État revient à occulter le fait que les techniques de surveillance ont été développées et diffusées dans le monde entier, et que ce sont des conceptions dominantes de l’ordre social et de la criminalité qui ont transcendé les frontières nationales. Au-delà d’une simple comparaison, il était nécessaire dans ce cas précis de postuler chaque particularisme local dans un cadre international plus large, et qui plus est dans un cadre qui favorise l’idée que la co-constitution de l’Empire britannique a permis aux technologies et discours policiers impériaux et internationaux de parcourir celui-ci en tous sens et de se former mutuellement en son sein. Ce cadre structurel vient étayer la conclusion du présent article, à savoir que l’expansion des capacités de surveillance policière au Queensland et en Nouvelle Galles du Sud à la fin du XIXe siècle reposait sur deux facteurs essentiels : un exécutif judiciaire possédant de nombreuses relations, et une conception commune et contemporaine de la criminalité. On peut considérer comme un résultat de ces interactions entre processus le fait qu’au Queensland et en Nouvelle Galles du Sud, les techniques de surveillance policière ont fini par s’imposer comme une discipline importante dans la science de la gouvernementalité.
Notes de bas de page
1 McMullan J., « The Arresting Eye : Discourse, Surveillance and Disciplinary Administration in Early English Police Thinking », Social Legal Studies 7, no 1, 1998, p. 14.
2 Foucault M., « From the Preface of vol. 2 of History of Sexuality », Rabinow P. (éd.), The Foucault Reader, New Yord, Pantheon, p. 337.
3 McMullan J., op. cit., p. 120, Higgs., E, « The Rise of the Information State : The Development of Central State Surveillance of the Citizen in England, 1500-2000 », Journal of Historical Sociology, vol. 14, no 2, juin 2001, p. 99.
4 McMullan J., op. cit., p. 122.
5 Higgs E., op. cit., p. 177.
6 Lambert D. et Lester A., Colonial Lives Across the British Empire, Imperial Careering in the Long Nineteenth Century, Cambridge, Cambridge University Press, 2006, p. 2.
7 Darwin J., « Imperialism and the Victorians : The Dynamics of Territorial Expansion », English Historical Review, juin 1997, p. 629.
8 Levine P., Prostitution, Race and Politics, Policing Venereal Disease in the British Empire, New York, Routledge, 2003, p. 15.
9 Richards T., The Imperial Archive, Knowledge and the Fantasy of Empire, London, Verso, 1992, p. 14.
10 Bertillon A., « The Identification of the Criminal Classes by the Anthropometrical Method », an Address Delivered at the International Penitentiary Congress at Rome, 22 novembre 1885, p. 2 ; Petrow S., Policing Morals, The Metropolitan Police and the Home Office, 1870 to 1914, Oxford, Clarendon Press, 1994, p. 49. Radzinowicz L., Hood R., « Incapacitating the Habitual Criminal : The English Experience », Michigan Law Review, vol. 78, no 8, août, 1980, p. 1333.
11 Petrow S., op. cit., p. 49.
12 Bertillon A., op. cit., p. 2.
13 Petrow S., op. cit., p. 49.
14 Spearman E R., op. cit., p. 3.
15 Spearman E R., ibid., p. 3 ; Petrow S., op. cit., p. 50.
16 Spearman E R., op. cit., p. 3 ; Petrow S., op. cit., p. 89.
17 Petrow S., op. cit., p. 89.
18 Ibid, p. 75.
19 Spearman E R., op. cit., p. 3.
20 Bertillon A., The Bertillon System of Identification, Including the Theory and Practice of Anthropometrical Identification, Chicago, The Werner Company, 1896, p. 1.
21 Petrow S., op. cit., p. 50.
22 Costes R., Chef du Service anthropométrique de Nouvelle-Calédonie, « Memo to Queensland Police Commissioner on the working of the Bertillon System of Identification », 6 mars 1900. Queensland State Archive (QSA), Series ID 16865, General Correspondence, Item ID 316152.
23 « Transcript of Interview between Queensland Police Commissioner and New Caledonian Warder, 15 janvier 1900. QSA, Series ID 16865, General Correspondence, Item ID 316152.
24 Costes R., op. cit., QSA.
25 Bertillon A., op. cit., p. 11.
26 Bertillon A., ibid, p. 5.
27 Costes R., op. cit., QSA.
28 « Transcript of Interview », QSA.
29 « Report of a Committee appointed by the Secretary of State to inquire into the best means available for Identifying Habitual Criminals ; with minutes of evidence and appendices », British Parliamentary Papers, LXXII, 1894, 35.
30 Ward L., « Report to the Acting Premier of New Zealand on Departmental and General Uses of Finger-Prints for the Purposes of Identification », 29 septembre 1902. QSA, Series ID 16865, General Correspondence, Item ID 316152, 03/10438.
31 « Report on the Identification of Habitual Criminals », p. 35.
32 Chamberlain J., Circular Memo, 8 juillet 1904, QSA, Series ID 16865, General Correspondence, Item ID 316152, 03/08533 ; « Report of the Commissioner for Police London », 1902, p. 1, QSA, Series ID 16865, General Correspondence, Item ID 316152, 02/10546.
33 Petrow S., op. cit., p. 91.
34 Bertillon A., « The Identification of the Criminal Classes », p. 2.
35 Bertillon A., The Bertillon System of Identification, p. 1. Il faut remarquer que les technologies telles que la dactyloscopie n’ont pas à l’origine été développées dans le but de faciliter les enquêtes de police scientifique. C’est seulement au tout début du XXe siècle qu’on a découvert l’intérêt des empreintes digitales sur les lieux de crime. À l’époque, la prise d’empreintes digitales, leur classement et leur conservation répondait au seul impératif d’identifier les récidivistes.
36 Lettre de F. C. Urquhart à W. E. Parry-Okeden, 5 juin 1903, Queensland State Archives (QSA) Series ID 16865, General Correspondence, Item ID 316152, 03/10325.
37 Parry-Okeden, cité dans « Identification of Prisoners », The Brisbane Courier, 17 juillet 1903, p. 8.
38 Ibid., p. 8.
39 Dickey B., Rutledge M., « Fosbery, Edmund Walcott (1834-1919) », Australian Dictionary of Biography, vol. 4, Melbourne, Melbourne University Press, 1972, p. 204.
40 Ibid, p. 204.
41 Fosbery E., « Report of the Inspector General of Police upon Organisation and Working of Police Establishments in United Kingdom and Continent of Europe », Votes and Proceedings of the Legislative Assembly (VPLA), New South Wales (NSW), vol. 5, 1889, p. 2.
42 Lettre de E. Fosbery à F. Neitenstein. 4 mai 1894, QSA, Series ID 16865, General Correspondence, Item ID 319717.
43 « Prison Reform », The Daily Telegraph, février 12 1903, 5 ; Petrow S., op. cit., p. 89.
44 Lettre de E. Fosbery à F. Neitenstein, doc. cit.
45 Neitenstein F., « Minute Paper », 1896, QSA, Series ID 16865, General Correspondence, Item ID 319717.
46 Neitenstein F., « Report on Prisons for the Year 1902 », VPLA, NSW, vol. 5, 1903, p. 4.
47 Neitenstein F., « Report on Prisons for the Year 1902 », doc. cit., p. 4.
48 E. Fosbery à F. Neitenstein F., doc. cit.
49 Ibid.
50 Ibid.
51 Ibid.
52 Neitenstein F., « Minute Paper », op. cit.
53 Lettre de F. Neitenstein à Mr. Fraser, Under Secretary of Justice, février 1903. QSA, Series ID 16865, General Correspondence, Item ID 316152, 03/4817.
54 Lettre de F. Neitenstein à W. E. Parry-Okeden, 26 mars 1901, QSA, Series ID 16865, General Correspondence, Item ID 316152.
55 Ibid.
56 « Identification of Prisoners », The Brisbane Courier, 17 juillet 1903, p. 8.
57 Lettre de W. E. Parry-Okeden à F. Neitenstein, 27 mars 1901, QSA, Series ID 16865, General Correspondence, Item ID 316152.
58 Lettre de F. Neitenstein à Fraser, février 1903, QSA, Series ID 16865, General Correspondence, Item ID 316152, 03/4817 ; Chamberlain J., Circular Memo, 8 juillet 1904, QSA, Series ID 16865, General Correspondence, Item ID 316152, 03/08533 ; Report of the Commissioner for Police London, 1902, QSA, Series ID 16865, General Correspondence, Item ID 316152, 02/10546.
59 Lettre de F. Neitenstein à Fraser, février 1903, QSA, Series ID 16865, General Correspondence, Item ID 316152, 03/4817.
60 Ibid.
61 Ibid.
62 Ibid. ; Petrow S., op. cit., p. 96.
63 Petrow S., op. cit., p. 96.
64 Lettre de F. Neitenstein à Fraser, février 1903, QSA, Series ID 16865, General Correspondence, Item ID 316152, 03/4817.
65 Ibid.
66 Ibid.
67 Ibid. Il faut remarquer que les détails de la mise en œuvre des technologies d’identification en Nouvelle Galles du Sud, tels que présentés au paragraphe précédent, proviennent de lettres qui expliquent a posteriori la correspondance de Neitenstein avec ses homologues d’outre-mer, et non de la correspondance originale. Cette correspondance a été transmise à la fois au Police Commissioner du Queensland et au Sous-secrétaire à la Justice de Nouvelle Galles du Sud à la suite de la mise en œuvre des technologies d’identification en Nouvelle Galles du Sud. Des copies de cette correspondance sont conservées aux archives d’État du Queensland – Queensland State Archives, Series ID 16865, General Correspondence, Item ID 316152 and 319716, 03/4817.
68 Note de F C. Urquhart à W. E. Parry Okeden, 5 mai 1897, QSA, Series ID 16865, General Correspondence, Item ID 319717.
69 Cf. par exemple QSA, Series ID 6300, Deposition and Minute Books of the Brisbane Police Court 1880 to 1900.
70 Costes R., Chef du service anthropométrique de Nouvelle-Calédonie, « Memo to Queensland Police Commissioner on the working of the Bertillon System of Identification », 6 mars 1900. QSA, Series ID 16865, General Correspondence, Item ID 316152 ; « Transcript of Interview between Queensland Police Commissioner and New Caledonian Warder », 15 janvier 1900. QSA, Series ID 16865, General Correspondence, Item ID 316152.
71 Lettre de W. E. Parry-Okeden à F. Neitenstein, 27 mars 1901, QSA, Series ID 16865, General Correspondence, Item ID 316152.
72 Ibid.
73 Higgs E., op. cit., p. 183.
74 Petrow S., op. cit., p. 78.
75 Superintendent Sharp, « Police Organisation and Methods », Lecture Presented at Sydney Police Conference, 22nd October 1900.
76 Ibid.
77 Lettre de F. Neitenstein à Fraser, février 1903. QSA, Series ID 16865, General Correspondence, Item ID 316152, 03/4817.
78 Ibid.
79 Ibid.
80 « Identification of Prisoners », doc. cit., p. 8.
81 Ibid.
82 Lettre de W. E. Parry-Okeden à T. O’Callaghan, 17 novembre 1902, QSA, Series ID 16865, General Correspondence, Item ID 319717.
83 Lettre de L. G. Madley à W. E. Parry-Okeden, 19 mars 1901, QSA, Series ID 16865, General Correspondence, Item ID 319717.
84 Lettre de W. E. Parry-Okeden à T. O’Callaghan, 17 novembre 1902, QSA, Series ID 16865, General Correspondence, Item ID 319717.
85 Ibid.
86 « Transcript of Interview between Queensland Police Commissioner and New Caledonian Warder », 15 janvier 1900. QSA, Series ID 16865, General Correspondence, Item ID 316152.
87 Ibid.
88 « Identification of Prisoners », op. cit., p. 8.
89 Ibid.
90 Lettre de W. E. Parry-Okeden à Fosbery, 27 février 1902, QSA, Series ID 16865, General Correspondence, Item ID 319717.
91 « Identification of Prisoners », op. cit., p. 8.
92 Lettre de L. G. Madley à W. E. Parry-Okeden, 19 mars 1901, QSA, Series ID 16865, General Correspondence, Item ID 319717.
93 Ibid.
94 Ibid.
95 Lambert D., « Introduction : Imperial Spaces, Imperial Subjects », D. Lambert et A. Lester (dir.), Colonial Lives across the British Empire, Imperial Careering in the Long Nineteenth Century, Cambridge, Cambridge University Press, 2006, p. 15.
96 Ibid.
97 Cf. par exemple, QSA, Series ID 16865, General Correspondence, Item ID 316152, « Finger-Prints ».
98 Wilson J., The Domination of Strangers, Modern Governance in Eastern India, 1780-1835, New Yord, Palgrave Macmillan, 2008, p. 9.
99 Ibid.
100 Foucault M., L’Archéologie du savoir, Paris, Gallimard, 1969, p. 270.
101 Ibid.
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