Par peur et sens du devoir. La surveillance policière : un problème inédit pour les autorités coloniales des Indes néerlandaises, 1870-1900
p. 79-92
Texte intégral
1Les réformes policières envisagées dès le début des années 1870 par le gouvernement hollandais des Indes néerlandaises visaient à traiter un problème typiquement colonial avec lequel se débattait cet État en voie de développement, à savoir la nécessité d’employer la violence (militaire) dans l’exercice du pouvoir, mais aussi, compte tenu des idées libérales de ce temps et notamment de la notion de mission civilisatrice1, d’asseoir son autorité sur le consentement. C’est donc autour d’un axe double – peur et sens du devoir – que s’articule cette prise de conscience. Ces concepts sont à mon sens probablement essentiels pour comprendre le processus de formation de l’État colonial et la modernisation de cette colonie en général2. J’aimerais illustrer cet aspect ici en examinant plus précisément deux phénomènes nouveaux pour les Indes néerlandaises de la fin du XIXe siècle : la prise de conscience de l’insécurité coloniale – qui met à nu la fragilité et la nature fragmentaire de l’autorité coloniale – et la volonté de réforme policière.
2L’insécurité n’a rien d’un phénomène nouveau dans la Java coloniale de la fin du XIXe siècle. Quant à l’action policière, elle y revêt depuis toujours une dimension tragique, à en juger par les récriminations incessantes des colons sur les piètres performances de leurs politieoppasser [littéralement, politie = police, oppas(ser) = garde d’enfant] et l’inaction légendaire des milices de village – les deux figures principales du maintien de l’ordre civil à Java durant tout le XIXe siècle. Mais compte tenu de la présence de l’armée, des milices privées et d’autres forces de sécurité auxiliaires, l’insécurité, notamment rurale, n’a jamais été perçue comme un problème par les autorités locales – du moins jusqu’au dernier quart du XIXe siècle. C’est alors seulement – dans le contexte du développement d’un État colonial « libéral », ouvert, en pleine expansion économique, administrative et militaire – que l’on voit surgir dans les discussions publiques et gouvernementales des inquiétudes croissantes sur le développement de l’insécurité à Java. Dans le même temps, un nouvel idéal émerge, celui d’une action policière efficace et de qualité. C’est de cette situation confuse que naîtra la réforme policière de 1897, la première d’une série de trois réformes majeures – 1897, 1911-1914, 1918-1920 – censées permettre à l’État colonial néerlandais de reprendre la main sur les questions de sécurité et de surveillance.
3Mais en dépit de toutes ces réformes, une police de qualité restera pour les Indes néerlandaises un idéal assez largement inaccessible. En pratique, l’action policière y est plutôt dure, en phase avec la faiblesse et la violence des institutions de l’État colonial. Au fond, peut-être faut-il y voir une constante du maintien de l’ordre dans les colonies. Le cas des Indes néerlandaises viendrait alors confirmer une tendance récente dans les travaux sur l’action policière coloniale, qui conduit les historiens à penser que dans le contexte colonial, le fonctionnement de la police s’explique moins par une volonté consciente de recours à la force que par la faiblesse des institutions, leur morcellement et leur manque de légitimité3.
4C’est dans ce cadre que j’explore, au fil de cet article, comment, pourquoi et avec quelles conséquences le gouvernement colonial des Indes néerlandaises s’est engagé toujours plus avant – fût-ce à son corps défendant – dans une entreprise de rénovation du dispositif policier et sécuritaire durant les dernières décennies du XIXe siècle.
5Naturellement, la fragilité des positions néerlandaises sur le continent asiatique et les craintes engendrées par les développements internationaux, en Europe comme en Asie, ont également joué un rôle dans le changement d’attitude des autorités en matière de politique sécuritaire. J’ai déjà déve-loppé ces motivations ailleurs4. Je m’intéresserai surtout ici aux problèmes intérieurs de maintien de l’ordre aux Indes néerlandaises, dans le contexte de l’expansion coloniale. J’esquisse tout d’abord brièvement les grands principes de l’organisation en place – à Java principalement – au XIXe siècle, lesquels s’appuient sur des modèles de contrôle à la fois européens et (présumés) locaux. J’examine ensuite l’expérience et l’imaginaire européens en matière de sécurité, ainsi que la crainte de l’Islam dans la colonie, dont la prise en compte est indispensable pour comprendre le contexte de cette nouvelle volonté gouvernementale de réforme sécuritaire. Enfin, je termine par une évaluation de la réforme policière de 1897. L’objectif est de mieux cerner ce qui peut être considéré comme essentiellement colonial dans le type de maintien de l’ordre déployé dans cet État colonial en pleine expansion.
Le traitement formel de la sécurité dans l’île de Java au XIXe siècle
6On connaît le principe énoncé par George Orwell : pour une bonne exploitation coloniale, « ne jamais confier à un Européen ce qui peut être fait par un Oriental5 ». Les Indes néerlandaises ne font pas exception à la règle. L’État colonial du XIXe siècle s’appuie sur une domination indirecte et donc sur un dispositif de surveillance sécuritaire qui ne l’est pas moins. En l’occurrence, nécessité fait loi. En 1865, l’administration coloniale de Java se réduit à quelques centaines de fonctionnaires européens et un millier d’hommes de troupe, pour une population de 12 millions d’âmes au bas mot. Quant aux îles en dehors de Java, appelées Provinces Extérieures, on y trouve tantôt un poste administratif, tantôt une forteresse, qui n’hébergent que des militaires ou des policiers armés.
7Bien dans l’esprit de ce système dualiste, la domination coloniale néerlandaise s’appuie tout au long du XIXe siècle sur un leitmotiv, la « non-ingérence » – un dispositif qui, en pratique, contredit pourtant assez fréquemment le mouvement d’expansion coloniale. Compte tenu de la relative faiblesse de la position néerlandaise dans ce pays, mais aussi du peu de poids des Pays-Bas dans le concert international, le gouvernement s’inscrit officiellement dans une ligne fondée sur la neutralité et la non-ingérence. D’un point de vue formel, l’expansion en dehors de Java n’est donc pas un objectif. Les unités armées postées dans les Provinces Extérieures ne sont donc chargées que de défendre les lieux et de maintenir l’ordre dans les « régions adjacentes », ce qui, en pratique, nécessite souvent néanmoins des campagnes offensives6. Dans le domaine de la politique intérieure, le gouvernement colonial s’abstient officiellement de toute ingérence dans les affaires indigènes, y compris en matière de sécurité.
8Aux Indes néerlandaises, maintien de l’ordre et surveillance sécuritaire sont étroitement imbriqués dans l’administration coloniale. Tout comme celle-ci, la police est organisée autour d’un dispositif dualiste. D’un point de vue formel, Java est administrée par des fonctionnaires européens (175 seulement en 1865) sous la supervision du gouverneur-général de Batavia. À côté de ce corps hiérarchiquement structuré (la Binnenlands Bestuur ou Administration intérieure), on trouve une pyramide d’administrateurs locaux, membres de l’aristocratie javanaise, le pangreh praja. Dans ce dispositif dualiste, c’est avant tout le pangreh praja qui est en charge des questions de sécurité. Tout comme l’administration européenne, il dispose de quelques policiers, les fameux politieoppasser. Il s’appuie également sur son propre réseau d’espions et d’informateurs. Le fonctionnaire de grade le moins élevé dans cette pyramide indigène, à savoir le chef de village, est responsable de la desapolice ou police/milice villageoise – un service obligatoire assumé à tour de rôle par tous les hommes adultes du village.
9Deux articles de la réglementation officielle prévoient que le pangreh praja est responsable de la sécurité parmi les indigènes, tandis que l’administration européenne se charge des Européens. D’un point de vue formel, l’Attorney general (procureur) dirige la police européenne, tandis que le resident (le plus haut fonctionnaire de l’administration européenne) contrôle la police indigène dans le cadre d’une residentie (la plus grande unité administrative). En 1848, une nouvelle réglementation confère à l’Attorney general la responsabilité de toute la police, à l’exception de la police indigène. Il a toutefois du mal à véritablement peser sur les événements, notamment en matière de police indigène, étant obligé de passer par la médiation du gouverneur-général, et à travers lui, des residenten.
10En dehors de la police, le gouvernement colonial dispose de forces armées auxiliaires, formelles ou privées, également mises à contribution en matière de maintien de l’ordre. Parmi celles-ci, la plus significative en ce qui concerne les réformes ultérieures est la gewapende politie (lit. « police armée »), qui n’est déployée que dans les Provinces Extérieures (et dirigée par des administrateurs européens) et les pradjoerit sur Java (dirigés à l’origine par des regenten). Dans les deux cas, les recrues sont indigènes7. Les pradjoerit, des gardes javanais à cheval, armés de fusils, n’inspirent guère confiance aux autorités européennes, qui n’ont aucun contrôle sur leur entraînement ou leur recrutement, et qui craignent de les voir jouer un double-jeu envers le régime colonial d’une part et les regenten javanais de l’autre.
11Organisée sur le principe du dualisme, mais n’ayant à sa disposition qu’un méli-mélo d’outils répressifs, la surveillance coloniale aux Indes néerlandaises est morcelée. Elle fonctionne très différemment au niveau local. La seule caractéristique véritablement propre à ce dispositif de sécurité est son manque d’unité et l’absence de contrôle central.
Les formes locales de surveillance : la police villageoise
12Dans ce dispositif colonial de police et de surveillance sécuritaire du XIXe siècle, c’est la police villageoise qui joue le rôle plus intéressant et, aux yeux de l’administration coloniale du moins, le plus important. Cet outil sécuritaire montre bien, par ailleurs, comment les autorités coloniales cherchent à exercer leur surveillance via le principe de non-ingérence, et pourquoi cela ne fonctionne pas.
13La police villageoise est une construction coloniale, conçue pour fonctionner comme le pivot de la surveillance sécuritaire. L’idée s’appuie sur un mythe, celui de l’harmonie dans le village javanais – le desa – envisagé comme une communauté fermée, démocratique et aux rouages bien huilés. Ce mythe du village harmonieux remonte à l’interrègne britannique (1811-1816), lorsque le lieutenant-gouverneur T. S. Raffles avait transformé le village javanais en unité administrative et fiscale, ordonnant aux chefs de village d’assumer les responsabilités de police. C’est pourquoi certains historiens indonésiens et néerlandais ont avancé l’idée que l’administration coloniale s’appuyait sur un mythe qui niait toute agitation dans les campagnes javanaise8. Le mythe met en scène un chef de village qui résout les différends de façon harmonieuse avec les villageois eux-mêmes, organise le transfert des impôts et dirige la police. Pour cette dernière tâche, le chef est censé organiser une rotation parmi les hommes adultes du village, lesquels assumeraient à tour de rôle les tâches de milice/gardiennage (gardoe) ou de patrouilles (ronda) à l’intérieur et autour du desa9.
14Pour les autorités coloniales, l’instauration d’une police villageoise est doublement rentable : d’une part on économise sur le budget sécurité, et de l’autre, en échange de la non-ingérence, l’administration européenne s’assure la loyauté des dirigeants indigènes, du haut en bas de l’échelle du pangreh praja, ou du regent au chef de village.
15Naturellement, la milice et les patrouilles de village, assurées par un personnel non rémunéré, largement sous la coupe des autorités locales, ne garantissent aucune sécurité. Les chefs de village, tout comme leurs supérieurs indigènes censés les superviser, se retrouvent prisonniers de la double contrainte imposée par leurs statuts de fonctionnaires coloniaux et de dirigeants populaires10. Dans le même temps, leur dispositif sécuritaire s’appuie nécessairement sur les structures informelles du pouvoir local, chasse gardée de certains hommes d’influence, des intermédiaires appelés jago (coq). La plupart d’entre eux – c’est un secret de Polichinelle – appartiennent en fait à la pègre locale, étroitement liée aux chefs indigènes. Mais tant que les problèmes ne sortent pas du village ou restent sous le contrôle du regent, pègre ou pas pègre, nul administrateur colonial ne se sent obligé de se mêler de surveillance sécuritaire en milieu rural11. Et pour cause : officiellement, l’ingérence n’est pas souhaitable. À l’échelle du village donc, la gestion de la sécurité est le produit d’une alliance diabolique.
16Le mythe du village harmonieux a son pendant, celui du chef de village criminel et corrompu, principal responsable du défaut de surveillance effective. Ce mauvais chef sera au centre de tous les débats sur la sécurité et les réformes policières coloniales au tournant du siècle. Si le mythe du village harmonieux était utile à un État principalement soucieux de questions économiques, le mythe du chef de village criminel peut être interprété comme un prétexte pour un État désireux de contrôler plus étroitement les choses – par souci de bien faire peut-être, par crainte surtout.
Peur et insécurité : un problème inédit dans les colonies
17L’année 1870 marque un tournant dans la politique coloniale aux Indes néerlandaises. C’est en effet cette année-là qu’est aboli ce qu’on appelait le Système de culture – une forme de mercantilisme d’État qui dominait la politique coloniale néerlandaise à Java depuis 1830. Une nouvelle législation agraire vient ouvrir la voie à une politique coloniale « libérale » et à la libre entreprise aux Indes néerlandaises. L’expansion militaire, économique et administrative de l’État colonial qui s’ensuivra, s’ajoutant à une volonté de changement en matière de politique coloniale aux Pays-Bas et aux développements internationaux survenus à partir de 1870, vont entraîner une nouvelle prise de conscience des questions de sécurité dans les Indes néerlandaises.
18Depuis la fin des années 1860, Java apparaît dans la presse européenne et indienne (quotidiens, hebdomadaires, journaux spécialisés dans les questions coloniales) comme un endroit particulièrement dangereux. De plus en plus d’Européens (particuliers et fonctionnaires) se plaignent du manque total de sécurité qu’ils ressentent. En dehors des craintes des entrepreneurs dans les zones rurales isolées, tremblant pour leur vie et leurs récoltes, les quotidiens néerlandais et indiens rapportent un nombre croissant de crimes sérieux à Java : vols à main armée, meurtres, homicides – en milieu urbain comme dans les zones rurales. À les lire, on pourrait croire que tout un chacun, Indonésien ou Européen, riche ou pauvre, en tout temps et en tout lieu, risque d’en être la victime – quand bien même il ou elle habiterait une forteresse. Et d’après les conclusions horrifiées d’un administrateur colonial néerlandais rapatrié, il ne s’agit pas de faits isolés, mais bien de bandes organisées qui fondent sur leurs victimes en plein jour. Jamais la police n’a été en mesure d’arriver à temps ou d’arrêter les coupables12.
19En outre, la gestion de la sécurité est bien souvent improvisée au fil de l’eau par des personnes privées – il s’agit en général d’alliances assez lourdes entre administrateurs coloniaux, entrepreneurs et dirigeants locaux. Dans les zones intérieures de Java, les entrepreneurs sont armés en permanence, entretiennent des milices privées (des Javanais), ou passent des accords avec les administrateurs indigènes locaux, payant la police pour faire des extras. Très clairement, les policiers – aussi bien les politieoppasser que les miliciens de village – n’inspirent confiance à personne.
20Ce sentiment d’insécurité remarquable, tout ce battage médiatique autour de la criminalité, de l’agitation, du mauvais travail de la police dans la colonie découle en partie d’un mouvement critique plutôt de gauche qui s’est développé aux Pays-Bas depuis le milieu du XIXe siècle, éreintant l’État colonial, considéré comme insensible et autocratique, et son Système de culture. Il procède également d’une réaction conservatrice envers un certain nombre de mesures dites « libérales » mises en œuvre par le gouvernement, et notamment l’abolition du châtiment de la bastonnade (rotanstraf). D’une manière générale, concernant les questions de sécurité dans la colonie, les Européens sont de plus en plus critiques, pour cette simple raison que depuis 1870 et l’abolition du Système de culture, qui a ouvert la colonie à la libre entreprise, conjugué à l’achèvement du canal de Suez en 1869 (ramenant la durée du voyage de quatre mois à quarante jours), les Européens n’ont cessé d’affluer aux Indes néerlandaises – et sont donc d’autant plus nombreux à ressentir l’insécurité.
21Dans quelle mesure ce sentiment d’une criminalité croissante est-il fondé ? Voilà qui est difficile à évaluer. Assurément, les statistiques – l’un des nombreux outils utilisés par les autorités coloniales pour s’assurer une mainmise sur la société – font effectivement apparaître sur cette période une recrudescence des vols et des meurtres. On sait toutefois combien ces statistiques font problème en matière d’évaluation du taux de criminalité – les chiffres reflétant surtout la vision du fonctionnaire colonial, du policier et du juge13. C’est pourtant bien sur ces données, dans la presse et dans les statistiques, que repose le discours critique des Européens soucieux de l’insécurité et de la vague de criminalité sur Java.
22Cette « nouvelle » prise de conscience de l’insécurité est coloniale dans la mesure où il s’agit d’une inquiétude portant sur la sécurité intérieure, exprimée par les membres de la classe dirigeante coloniale, européenne/étrangère – entrepreneurs, personnes privées – qui ne manquent pas, de leur côté, d’évaluer, de lire, de compter, de discuter, problématiser entre eux cette insécurité telle qu’ils la ressentent.
La crainte du « hadji blanc »
23Au-delà des chiffres de la criminalité, le sentiment d’insécurité des Européens se nourrit également d’un autre fantasme : l’Islam, pratiqué par une large majorité de la population indigène. Nombreux sont les Européens, tant dans la colonie qu’en métropole, qui nourrissent une suspicion particulière envers cette religion et craignent le fanatisme islamique. Cette suspicion survient pour partie en réaction à un renouveau généralisé de l’Islam sur le plan international dans la seconde moitié du XIXe siècle, particulièrement visible à Java où de nombreuses mosquées se construisent et où les hadjis (pèlerins de retour de la Mecque) sont de plus en plus nombreux, conséquence d’une législation coloniale instituant la gratuité des visas pour le Hadj. En 1869, l’ouverture du canal de Suez démultiplie le nombre de pèlerins. Dès lors, le « hadji blanc » devient une figure familière du paysage javanais14.
24La méfiance européenne envers l’Islam prend racine également dans le souvenir des révoltes paysannes, aux motivations souvent sociales et économiques, mais teintées de religieux, fréquentes tout au long du XIXe siècle, et dans lesquelles les hadjis ont joué un rôle moteur. Aux alentours de 1870, une série de jacqueries de ce type, apparemment sans liens entre elles mais aux caractéristiques très comparables, provoque la panique chez les Européens vivant à proximité. Mais c’est surtout la révolte de Banten (Java ouest), des années plus tard, qui va profondément inquiéter la plupart d’entre eux15.
25La révolte de Banten, qui éclate simultanément en plusieurs endroits en juillet 1888, est d’une ampleur sans précédent, et plus nettement dirigée contre l’autorité coloniale que les révoltes paysannes antérieures. Plus de 800 hommes y participent, la plupart du temps des membres du Naqsjabandijah, un ordre mystique de l’Islam. Tout de blanc vêtus, armés de couteaux et de klewangs (sabre), ils partent à l’assaut aux cris de « Sabil Allah » (sur la voie de Dieu). À Tjilegon, ils tuent un nombre inquiétant de fonctionnaires européens et javanais, et même, dans un cas au moins, tous les membres d’une famille européenne16. L’armée coloniale parvient à mater la révolte au bout de trois jours, mais l’inquiétude reste vive parmi les colons, notamment lorsqu’ils apprennent que les insurgés ont pour objectif, après avoir massacré des administrateurs coloniaux, européens comme javanais, d’installer un certain Kjai Hadji Ismail sur le trône d’un nouveau royaume islamique qui règnerait sur Java. Le premier rapport officiel de l’administration coloniale attribuera principalement cette révolte au fanatisme islamique. C’est un travail d’enquête ultérieur qui fera apparaître des causes économiques et sociales17.
26À l’instar de la « Grande Rébellion » essuyée par les Britanniques en Inde, « Banten » incarnera longtemps dans l’imaginaire européen le stéréo-type d’un danger rampant dans la société indigène – en l’espèce, le fanatisme islamique. En termes de gestion de la sécurité coloniale, on s’inquiète d’apprendre que les conspirateurs avaient minutieusement échafaudé un plan dès l’automne 1887, parvenant à se réunir totalement à l’insu de l’administration coloniale et de la police. Cette explosion de violence aura eu le mérite de signaler les énormes carences de communication et de pratiques sécuritaires préventives des autorités coloniales de Java. On voit que « Banten », et donc la peur, a joué un rôle important dans la soudaine résurgence du débat sur les réformes policières aux Indes néerlandaises. Pour autant, « Banten » n’est pas la seule source de l’inquiétude croissante qui entoure les questions de sécurité coloniale, ni même la principale18.
Police et sécurité : le débat
27Que la sécurité, et par conséquent l’organisation des forces de police, posent problème dans la colonie ne pouvait avoir échappé ni au ministère des Colonies à La Haye, ni au gouvernement colonial de Batavia. Dès la fin des années 1860, on voit apparaître en effet – dans un climat plus ouvert, plus libéral, et dans le contexte d’une expansion militaro-économique en direction des Provinces Extérieures – les premières initiatives gouvernementales officielles visant à déterminer les améliorations désirables dans le fonctionnement de la police de la colonie. Ces initiatives vont lancer le débat au sein des instances gouvernementales – auquel participera l’officier commandant l’armée coloniale – sur les questions de sécurité et de police et les progrès envisageables. En raison de la valse des personnels et d’une bureaucratie coloniale ayant tendance à s’engluer, les discussions s’éterniseront plus de vingt-cinq ans. Entre-temps, le dispositif sécuritaire ne connaîtra pour ainsi dire aucun changement.
28Le gouvernement colonial ne manquera pourtant pas de stimuli pour le pousser à désigner, au fil des ans, une multitude de comités et autres hauts-commissaires chargés d’explorer la question de l’optimisation de l’organisation policière : modifications des relations de pouvoir en Europe et en Asie, interminable conflit d’Aceh (Sumatra Est), nécessitant un transfert de ressources militaires à Sumatra19, sans oublier la révolte de Banten. Ces développements internationaux, s’ajoutant à « l’agitation » intérieure, vont accélérer la prise de conscience de la dépendance des Indes néerlandaises vis-à-vis de la marine anglaise et de l’armée coloniale pour leur défense d’une part, et de l’isolement des Européens, dont la position dans la colonie reste fragile, d’autre part. Toutefois, on ne saurait trop insister sur le lien existant entre réforme policière et tensions nationales et internationales. Le débat sur les déficiences du dispositif sécuritaire fait du reste partie intégrante de la modernisation de l’État et de la société coloniale. Depuis la fin des années 1860, ce débat s’est déplacé, et le problème n’a certes pas été résolu immédiatement après la révolte de Banten.
29Ce long débat politique sur la police et le dispositif sécuritaire révèlera un certain nombre de divergences d’opinion, mineures pour la plupart, sur les solutions envisageables. Sans entrer dans les détails, disons que dans l’ensemble les différentes parties s’accordent à reconnaître trois écueils dans le dispositif existant, plus une solution possible.
30Premier problème – le plus important : la qualité de l’encadrement et du contrôle des policiers. Les responsables (residenten européens et pangreh praja indigènes) manquent de personnel et sont surchargés de tâches administratives. Toutefois, il semble délicat d’investir à ce niveau, c’est-à-dire d’augmenter le contrôle et la surveillance policière, tout en observant la ligne de non-ingérence qui est celle du gouvernement colonial.
31Second problème sur lequel s’accordent les autorités : les piètres performances des polices de village – point de vue qui révèle au passage une certaine méfiance de la part des colons. Si la plupart des participants à la discussion sur la réforme policière s’en tiennent à l’idée que la police villageoise est et doit être le pivot du dispositif sécuritaire colonial, chacun doit reconnaître qu’elle a failli. Non seulement il est à craindre que le chef du village ne bascule dans la criminalité, mais un certain nombre de soucis d’ordre éthique nourrissent l’intérêt pour le bon fonctionnement des forces de police villageoises. Dans les années 1890, le gouvernement lance une grande enquête sur le service obligatoire, qui va permettre d’en savoir beaucoup plus long sur le fonctionnement de ces milices villageoises et notamment sur la distribution inégale des obligations dans les différents districts. Néanmoins, la police de village restant la forme de surveillance sécuritaire la plus économique, elle ne disparaîtra jamais tout à fait du paysage colonial des Indes néerlandaises. Au fil des réformes policières mises en œuvre durant les vingt premières années du XXe siècle, elle sera toutefois de plus en plus intégrée à la nouvelle panoplie policière, largement inspirée des initiatives les plus modernes en la matière20.
32Le troisième problème est celui du sous-effectif, des insuffisances et de l’inefficacité des forces de police des grands centres urbains de la côte nord de Java – Batavia, Semarang et Surabaya. Aux yeux des administrateurs locaux (européens), la problématique de sécurité dans ces villes en pleine expansion est avant tout – compte tenu de la croissance rapide d’une population diverse et multiethnique, compte tenu aussi d’un mouvement social visible – fonction de l’accélération du trafic, et plus généralement de la modernisation des habitudes de vie, ce qui est plus difficile à gérer que la sécurité dans les campagnes. Ils ne réclament donc rien d’autre que des politieoppasser plus nombreux et mieux payés, donc plus qualifiés, et un recrutement plus européen. Car, à en croire le resident de Surabaya, le policier indigène nécessite un contrôle plus strict. Qui plus est, il n’est pas habilité à agir contre les Européens, et notamment les marins ivres qui rôdent la nuit dans les rues de Surabaya. C’est pourquoi cette cité a grand besoin de politieoppasser européens21.
33Ces trois problèmes seront certes reconnus, mais en fin de compte, la réforme policière de 1897 n’en résoudra aucun. La solution de compromis retenue à peu de frais consistera à augmenter quelque peu le personnel de la police administrative (les politieoppasser, essentiellement javanais), organiser une modeste refonte de leurs grades et tâches, et leur adjoindre un controleur (administrateur européen dont le grade est inférieur à celui d’assistant-resident), notamment pour superviser les agents, ceci dans les trois grandes métropoles de Java. Compte tenu d’ailleurs du centralisme de l’administration coloniale, organisée autour de Java, la réforme ne s’applique qu’aux îles de Java et Madura. On compte alors 5 692 politieoppasser, ce qui ne constitue pas, loin s’en faut, une augmentation spectaculaire des effectifs, qui demeurent modestes au regard d’une population qui s’établit alors près de 29 millions d’habitants (dont seulement 62 000 Européens). Abstraction faite des milices de village, le taux de policier par habitant est de 1 pour 4 87222.
34La réforme policière de 1897 amènera toutefois une « nouveauté » d’importance, et qui constitue de fait un quatrième volet de l’accord obtenu au fil de vingt-cinq années de débats et d’enquêtes, en dépit d’un désaccord sur la forme dans un premier temps : l’installation de forces de police armée – lesquelles opèrent déjà dans les Provinces Extérieures – à Java. Dix corps de gendarmerie, composés chacun de vingt-quatre recrues indigènes, sont censés remplacer les forces auxiliaires javanaises qui n’inspirent plus confiance – les fameux pradjoerit. Ces policiers en armes ont vocation à devenir la main de fer de l’administration intérieure européenne : armés de carabines de combat, ils reçoivent un entrainement paramilitaire, sous la direction technique d’anciens officiers européens, tout en restant subordonnés aux administrateurs européens les plus haut placés, à savoir les residenten. À vocation purement répressive, ce corps ne dispose d’aucun pouvoir d’enquête : sa tâche consiste à effectuer des patrouilles préventives et à restaurer l’ordre en cas d’urgence (c’est-à-dire de révolte). Si l’instauration de cette police armée représente l’engagement le plus clair et le premier grand pas du gouvernement colonial vers une mainmise européenne sur la surveillance sécuritaire, elle contribue non moins clairement à nourrir l’insécurité, semant le vent qui engendrera les tempêtes futures.
Une solution dictée par la peur et le moindre coût
35La réforme policière de 1897, économique et pragmatique, se veut une réponse aux inquiétudes des Européens dans une société coloniale en pleine mutation. Dans cette période de transition d’un État autocratique indifférent à un État colonial favorisant l’esprit d’entreprise dans un esprit « libéral », les autorités des Indes néerlandaises ont recherché la solution la plus efficace et la moins chère au problème de la sécurité coloniale. C’est au fond tout ce que pouvaient proposer des institutions faibles et peu sûres d’elles, qui veulent en quelque sorte le beurre et l’argent du beurre.
36Les deux moteurs de cette réforme policière sont la peur et le sens du devoir, un certain souci de bien faire. Peur pour les biens et des personnes, peur de l’isolement, peur de cette étrange société indigène qui dans l’imaginaire européen sombre chaque jour un peu plus dans le fanatisme islamique. Souci de bien faire, car pour la jeune génération des autorités coloniales – fonctionnaires de terrain ou particuliers – au fait de cette tendance internationale qu’est la mission civilisatrice (le « fardeau de l’homme blanc ») qui légitime l’expansion coloniale, on prend conscience du devoir qui incombe aux autorités en matière de sécurité, et du fait que l’insécurité entrave le développement économique de la population et du territoire. Cette motivation va prendre encore plus de poids après 1900, avec ce que les Hollandais appelleront leur politique éthique pour la colonie – version néerlandaise de la mission civilisatrice. Mais cette motivation éthique n’est pas sans fondements économiques et politiques, tant à l’échelon national qu’international.
37La révolte de Banten a douloureusement mis en évidence la communication déficiente, voire inexistante, entre l’administration indigène (le pangreh praja) et l’administration européenne. Ce défaut de communication – que j’appelle pour ma part le malentendu colonial – est sans doute au cœur de la problématique de sécurité coloniale aux Indes néerlandaises. Si les autorités coloniales, à de rares exceptions près, n’ont pas su identifier ce problème en tant que tel, c’est sans doute en raison du malentendu colonial, et pour cause de pragmatisme économique. C’est pourquoi le principe de non-ingérence a survécu à ces premières réformes policières. La police de village, malgré son échec patent, a conservé son statut de pivot du dispositif sécuritaire colonial.
38Par souci d’économie et par crainte de l’agitation sur Java, la solution la plus violente – à savoir l’instauration d’une force de police armée paramilitaire – a pu sembler préférable. Les autorités coloniales ne se fiaient nullement aux auxiliaires javanais, les pradjoerit, mal formés et soupçonnés de duplicité. La police armée, main de fer dans le gant de velours de l’administration intérieure européenne, aurait du moins le respect des colons terrorisés. Au juste, cette force représentait aussi le moyen le plus économique de maintenir l’ordre au sein de la population indigène, du moins sur le papier.
39En fin de compte, la réforme policière de 1897 était surtout motivée par la peur et le souci de faire des économies. Le sens du devoir était au fond accessoire. On a certes tenté, bien timidement à vrai dire, d’uniformiser et d’améliorer l’organigramme des policiers de base. Sans doute le gouvernement colonial a-t-il pris conscience du fait qu’il ne pouvait ni se prétendre civilisé, ni mettre en œuvre un dispositif de surveillance sécuritaire efficace sans faire le nécessaire pour se doter d’un personnel policier professionnel, donc mieux payé et mieux organisé. Toutefois, même ces efforts « civiques » allaient dans le sens d’un contrôle accru des instruments de violence d’État par cette administration peu sûre d’elle-même. La seule contribution véritablement nouvelle de la réforme policière fut la police armée, aveu d’impuissance d’un État faible qui traite l’insécurité par la violence. Quant à savoir si cet État colonial allait pouvoir garder le contrôle de ce nouvel outil de violence, voilà qui sur le moment semblait fort douteux.
Notes de bas de page
1 En français dans le texte.
2 Ce chapitre s’appuie sur les notions développées dans ma récente monographie sur l’histoire de la police aux Indes néerlandaises (des années 1870 à 1942), notamment le premier chapitre. Cf. Bloembergen M., De geschiedenis van de politie in Nederlands-Indië. Uit Zorg en Angst, Leiden/Amsterdam, KITLV Uitgeverij/Boom, 2009. Voir aussi Bloembergen M., « The dirty work of empire ; Modern policing and public order in Surabaya, 1911-1919 », Indonesia, n° 83, Avril 2007, p. 119-150.
3 Cf. par exemple Chandavarkar R., Imperial power and public order in Bombay, Cambridge, Cambridge University Press, p. 181-233 ; Campion D. A., Watchmen of the raj ; The United Provinces police, 1870-1931 and the dilemmas of colonial policing in British India, Dissertation, University of Virginia ; Bickers R., Empire made me ; An Englishman adrift in Shanghai, Londres, Penguin, 2004.
4 En ce sens, ce n’est pas seulement l’Empire qui a fait la police moderne aux Indes néerlandaises, mais bien la concurrence entre empires. Dans un contexte international, en tant que puissance de second ordre, les Pays-Bas ne pouvaient conserver leurs colonies qu’au prix d’une politique de neutralité, et avec le soutien de la marine britannique. Les Hollandais devaient également convaincre le monde extérieur de leur capacité à assumer le maintien de l’ordre au sein de leur colonie. On voit donc que sur le plan international également, la fragilité et la peur ont été des éléments moteurs des réformes policières aux Indes néerlandaises. Bloembergen, Uit zorg en angst., op. cit., p. 24-32. Comparer avec Bickers, Empire made me, op. cit.
5 Orwell G., « How a nation is exploited ; The British Empire in Burma », dans Davison P. (dir.), Orwell and politics ; Animal farm in the context of essays, reviews and letters selected from the complete works of George Orwell, London, Penguin, 2001, p. 1-84.
6 De Moor J. A., « Warmakers in the archipelago ; Dutch expeditions in nineteenth-century Indonesia », in De Moor J. A. & Wesseling H. L. (dir.), Imperialism and war ; Essays on colonial wars in Asia and Africa, Leiden, Brill, 1989, p. 50-71.
7 Les pradjoerit constituaient une des forces auxiliaires spéciales que l’on trouvait en assez grand nombre aux Indes néerlandaises à l’époque. Il s’agissait d’une police montée constituée d’indigènes armés de fusils. Elle trouve son origine dans la guerre de Java (1825-1830), où elle assumait une fonction de maintien de l’ordre. La direction et le recrutement en furent confiés aux regenten (grade le plus élevé dans le pangreh praja) jusqu’en 1871, après quoi les officiers européens prirent le relais. En 1873, cette force fut incorporée au régiment de la Cavalerie des Indes orientales, avec pour fonction officielle le « support à l’autorité civile, le maintien de l’ordre, la surveillance et l’escorte des détenus ». Pour un bref aperçu de ces forces armées auxiliaires et de leur organisation, cf. Bloembergen, Uit zorg en angst, op. cit., p. 42-45.
8 Onghokham, « The inscrutable and the paranoid ; An investigation into the sources of the Brotodiningrat affair », McVey R. T. (dir.), Southeast Asian transitions ; Approaches through social history, New Haven, Conn., Yale University Press, 1978, p. 112-157 ; Breman J., The village on Java and the early colonial state, Rotterdam, CASP, 1980 ; Schulte Nordholt H., « The jago in the shadow : crime and “order” in the colonial state in Java », Review of Indonesian and malaysian affairs, vol. 25, 1991, p. 74-92 ; Schulte Nordholt H. & Van Till M., « Colonial criminals in Java, 1870-1910 », Rafael V. L. (dir.), Figures of criminality in Indonesia, the Philippines, and colonial Vietnam, Ithaca, N. Y., Southeast Asia Program Publications, Cornell University, 1999, p. 47-69.
9 D’après une estimation des années 1890 parue dans De Locomotief (La locomotive), un journal colonial de gauche, sur une population de 24 millions d’habitants, environ 4 millions d’hommes ont été enrôlés dans les patrouilles villageoises. Chacun était appelé une fois par semaine, d’où l’on peut conclure qu’il y avait environ 200 millions de patrouilles par an, de Groot H. A., « De uitoefening der politie op Java II », De Locomotief, 15-12-1893.
10 Sutherland H., The making of a bureaucratic elite : the colonial transformation of the Javanese priyayi, Singapour, Heineman, 1979.
11 Schulte Nordholt, « The jago in the shadow »; Schulte Nordholt & Van Till ; « Colonial criminals »; Van Till M., Batavia bij nacht ; Bloei en ondergang van het Indonesische roverswezen in Batavia en de ommelanden, 1869-1942, Amsterdam, Bert Bakker, 2006, p. 89.
12 Van Herwerden J. D., De laatste mailberichten,’s-Gravenhage, Susan, 1870, p. 1-9 ; Bloembergen, Uit zorg en angst, op. cit., p. 33-36.
13 Bloembergen, Uit zorg en angst, op. cit., p. 45-47 ; à comparer avec Rafael V. L., « Introduction : criminality and its others », Rafael V. L. (dir.), Figures of criminality in Indonesia, the Philippines and colonial Vietnam, Ithaca N. Y., Southeast Asia program publications, Cornell University, 1999, p. 9-22.
14 van den Berge T., Holle K. F.; Theeplanter in Indië 1829-1896, Amsterdam, Bert Bakker, 1998, p. 220-236, 247-268 ; Bloembergen, Uit zorg en angst, op. cit., p. 47-9. Le « hadji blanc » est également une figure centrale, projection de tous les fantasmes coloniaux, d’un grand classique de la littérature coloniale néerlandaise, le roman de Louis Couperus intitulé De stille kracht, publié en 1900 (La Force des Ténèbres, Paris, Sorbier, 1986).
15 Cf. Sartono Kartodirdjo, The peasants’ revolt of Banten in 1888 ; Its conditions, course and sequel : A case study of social movements in Indonesia, ’s-Gravenhage, Nijhoff, 1966 ; Sartono Kartodirdjo, Protest movements in rural Java ; A study of agrarian unrest in the 19th and early 20th century, Singapore, Oxford University Press 1973. Comparer avec Laffan M. F., « “A watchful eye”; The Meccan plot and changing Dutch perceptions in Indonesia », Archipel, 63, p. 80-108.
16 Dont l’assistant-resident (haut fonctionnaire européen) d’Anjer – ainsi que son épouse et leurs filles, le wedana (titre javanais, cadre intermédiaire de l’administration indigène) de Tjilegon, le gardien de la prison locale et un percepteur des impôts.
17 Bloembergen, Uit zorg en angst, op. cit., 56-58 ; Sartono Kartodirdjo, Revolt of Banten, p. 210, 280-287.
18 Pour une comparaison avec les effets de la mutinerie indienne sur la réforme policière aux Indes britanniques, cf. Campion D. A., Watchmen of the raj, p. 18-19.
19 La guerre d’Aceh (1873-ca. 1904), entamée par deux expéditions militaires hollandaises contre le sultanat d’Aceh en 1873, a provoqué une résistance farouche de la population locale. Le conflit s’est rapidement enlisé, engendrant d’énormes pertes humaines et financières. Cette guerre, la plus longue de l’histoire des Indes néerlandaises, n’a cessé de drainer les forces vives de l’armée coloniale : chaque année, le gouvernement engloutissait un tiers du budget de défense et 25 % de ses forces dans cet affrontement. Pour les autorités coloniales de Java, cela signifiait également moins de soutien militaire en cas d’agitation ou de révolte. C’est en partie ce qui a motivé une refondation de l’organisation de la surveillance sécuritaire, Bloembergen, Uit zorg en angst, op. cit., p. 53-54.
20 Les autorités coloniales des Indes néerlandaises s’inscrivent dans la modernité avec l’instauration de trois nouveaux instruments policiers durant les vingt premières années du XXe siècle : la police urbaine (créée sur la période 1912-1914), la « gendarmerie » (veldpolitie) et les départements régionaux de police judiciaire (de 1918 à 1920). Avec l’ancienne police administrative, elles forment la « police générale » (algemeene politie), version néerlandaise d’une police coloniale moderne. Cf. Bloembergen, Dirty work of empire, op. cit. ; Bloembergen, Uit zorg en angst, op. cit., chap. 5 et 6.
21 Bloembergen, Uit zorg en angst, op. cit., p. 60-66.
22 Pour une estimation du nombre de miliciens de village, cf. note 9.
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