La scène de Richard II : aire de jeu et jeux de pouvoir
p. 39-53
Texte intégral
1À l’acte V, scène 5, alors que Richard rend son dernier souffle, la dichotomie haut/bas s’ancre définitivement dans le discours : « Mount, mount my soul ! Thy seat is up on high, / Whilst my gross flesh sinks downward here to die1. » (V.5.111-112). L’élévation du plus noble s’opère au détriment de la substance mortelle, de l’enveloppe charnelle, du corps matériel du roi. En filigrane, on voit le même échange, ou basculement des forces, en l’image inversée d’un roi, Richard, qui meurt et gagne la tombe si souvent évoquée, tandis qu’un autre, Henry, s’élève sur un trône d’où il dominera les hommes.
2Il s’agit là de l’un des derniers exemples de la pièce où le renversement des forces est perceptible. En réalité, il vient clore une suite dense de confrontations entre ces mêmes extrêmes (haut et bas) qui dénote explicitement la chute du souverain et l’ascension du vassal. L’échange des positions, comme des rôles, se lit dans les vers autant qu’il se voit sur la scène de théâtre où chaque metteur en scène utilise trucages et subterfuges, afin d’illustrer le passage de dominant à dominé (et inversement), et où, filant la métaphore de la roue de la fortune, il matérialise le balancement des pouvoirs, la perte et le gain, le vide et le plein.
3Tout en évoquant les scènes et les vers clefs où ce renversement des forces se manifeste, nous analyserons, dans les aires de jeu dessinées par nos contemporains, la façon dont l’alternance des conditions de Richard et de Bolingbroke est représentée. Les espaces de Patrice Chéreau (Théâtre du Gymnase de Marseille, 1970), d’Ariane Mnouchkine (La Cartoucherie, Vincennes, 1982 ; Festival d’Avignon, 1982), de Deborah Warner (Cottesloe Theatre, Londres, 1995 ; Théâtre de Bobigny, 19962) ou encore de Thierry de Peretti (Théâtre de la Ville et en tournée, 2004) présentent des partis pris divers, et fort astucieux, qui mettent en exergue la passation du sceptre et de la couronne. Les aires de jeu sont ainsi les terrains privilégiés où le pouvoir mis en jeu se prête aux jeux verbaux et visuels. Afin d’exposer la façon dont les ressources architecturales et les caractéristiques esthétiques des dispositifs scéniques sont appréhendées par chacun de ces metteurs en scène, nous suivrons le déroulement chronologique de l’action dramatique. Cette démarche comparative, juxtaposant les choix interprétatifs de nos contemporains, se propose de mettre ainsi en lumière le regard très contrasté que ces derniers portent sur l’œuvre élisabéthaine.
Première confrontation (acte I, scène 1)
4Ainsi que le soulignent de nombreuses études et, tout récemment, celle de Maurice Abiteboul dans Le Monde de Shakespeare3, Richard est dès la première confrontation avec son cousin l’artisan de sa propre chute. Si, dans un premier temps, le roi prétend ne point privilégier son frère de sang4, et par là même s’affirme comme juge suprême du conflit opposant Mowbray et Bolingbroke, il subit toutefois l’affront de ces derniers qui ne ploient pas sous la demande insistante du roi exigeant leur réconciliation. Déjà, tandis que le texte indique l’agenouillement de Mowbray devant son roi – « Myself I throw, dread sovereign, at thy foot5. » (I.1.165) –, Bolingbroke parle de sa hauteur : « Or with pale beggar-fear impeach my height6 ? » (I.1.189). À peine les factions réunies, l’échelle des valeurs est ébranlée.
5Dans la mise en scène de Deborah Warner, dans l’ambiance feutrée de la salle du trône éclairée de candélabres, les deux adversaires agenouillés devant Richard reçoivent avec dignité, mais non sans un profond désarroi, l’annonce du duel qui les opposera à Coventry. Juché sur son trône, Richard, tout de blanc vêtu, à l’inverse de Bolingbroke et de Mowbray dont la couleur dominante des costumes est le noir, se moque du conflit grotesque qui se joue à ses pieds. Mais lorsque Bolingbroke accuse enfin Mowbray d’avoir comploté contre Gloucester, la bouffonnerie ne fait plus rire ni Richard, ni ses gens, et la fin des hostilités est ordonnée. Le roi reprend le sceptre et la couronne qu’il avait délaissés le temps du « spectacle ».
6Les aires de jeu sont distinctement séparées et se déroule alors la métaphore filée de la séparation d’un pouvoir qui ne cessera plus désormais d’être disputé.
Premier fléchissement (acte I, scène 3)
7À l’acte I, scène 3, Bolingbroke s’agenouille enfin devant un roi qui, très probablement, se trouve surélevé par rapport aux combattants. Dans l’introduction à l’édition Cambridge de la pièce, rédigée par Andrew Gurr7, le schéma de I.3 [Illustration 3] présente le roi adossé au frons scenae de la scène du Globe, tandis que l’on voit, à cour et à jardin, au niveau des piliers, Mowbray et Bolingbroke, secondés par les hérauts, le Lord Marshall demeurant au centre de la scène. Ce positionnement devient évident dès lors que Richard annonce qu’il va descendre pour serrer son cousin dans ses bras : « We will descend and fold him in our arms8. » (I.3.54.) Pour Ariane Mnouchkine, dans l’enveloppe orientale de son espace scénique, cette scène fournit l’occasion de montrer la nature double du roi, c’est-à-dire la coexistence en un même corps d’un roi et d’un homme. Georges Bigot, interprète de Richard, lance son bâton royal pour interrompre le duel. Valida Dragovitch précise :
« Il imprègne ce geste d’une intention inouïe qui exprime la contradiction fondamentale de son état. Cet acte nous fait comprendre que sa fonction politique est dérangée par le facteur humain qui le pousse à annuler lui-même ce qu’il est en train de signifier. En arrêtant le duel, Richard récuse la volonté de Dieu comme unique volonté supérieure à la sienne ; c’est par sa propre volonté qu’il est roi. En s’opposant à Dieu, il cherche à s’attribuer une puissance de roi, puisqu’il la soumet à sa volonté d’homme9. »
8C’est dans cette scène précisément que le roi chute une première fois : cette chute explicite et concrète – « we will descend » (I.3.54) – devient figurée puisque revenir sur la durée de la sentence de bannissement de son cousin est un aveu de faiblesse, un recul devant une autorité qui se voudrait implacable.
9Sur la scène de Deborah Warner, le dispositif bifrontal, en forme de lice, permet une entrée séparée des combattants et du roi. On sonne trompette, et au cœur de la scène au sol sablonneux, Bolingbroke et Mowbray en cotte de mailles s’avancent avec hésitation. Richard entre en scène, hissé sur un pavois porté à mi-hauteur d’homme, puis installé derrière les rambardes qui séparent l’arène des spectateurs. Juste avant la bataille, lorsque Bolingbroke sollicite l’adieu du roi – « Lord Marshal, let me kiss my sovereign’s hand10. » (I.3.46) –, Richard descend rejoindre son cousin, le bénit avant de l’embrasser sur la bouche. Aussitôt ordonné, le combat est interrompu : tremblant de tous ses membres, Richard s’est évanoui, et la salle est évacuée tandis que le conseil du roi délibère sur le sort des combattants. Au cours du verdict, Bolingbroke, agenouillé, reçoit la sentence de bannissement en pleurant dans la robe blanche de Richard qui n’est pas moins ému par un dénouement si tragique.
10Qui domine et qui est dominé dans cette scène ? La réponse semble être plus marquée dans la mise en scène de Thierry de Peretti. Curieusement Mowbray et Bolingbroke sont situés en hauteur par rapport au roi, debout à l’avant-scène. L’image scénique permanente créée par de Peretti est un gigantesque terre-plein qui s’étire de cour à jardin, occupant les deux tiers du plateau. Ce paysage censé suggérer les montagnes arides de Corse confine l’ambiance de la pièce au complot tel qu’il se fomente au sein de la mafia contemporaine. Cette colline factice sert de promontoire où, tour à tour, s’illustrent ou tombent les hommes de la tragédie. En I.3, le danger qu’encourent les combattants est révélé physiquement par les genoux tremblants d’un Bolingbroke entièrement soumis à la parole du roi, lequel fléchit à son tour, sans signe précurseur, tout à fait soudainement donc, lorsqu’il inverse le mouvement des plateaux de la balance en mettant fin au combat. Jusqu’alors le dominé était Bolingbroke, mais lorsque Richard lui épargne un sort certainement funeste étant donné la faiblesse apparente de ce cousin, ce dernier, en arrière-plan sur la colline, observe une première victoire dans un duel armé où le véritable danger, somme toute, menaçait le souverain.
11Dans le dispositif mécanique de Richard Peduzzi conçu pour Patrice Chéreau en 1970, l’enchevêtrement de treuils, de poulies et de passerelles roulantes concourt à symboliser les premiers signes de faiblesse du roi. Dans un premier temps, celui-ci ne touche jamais le sol, lui aussi sableux, de la scène. Il est tantôt amené sur chaise à porteurs, tantôt déplacé, telle une marionnette, par des cordages qui le suspendent ostensiblement avant de le déposer sur des supports non moins artificiels et instables [Illustration 6]. Paul Klee disait : « L’art ne rend pas le visible. Il rend visible11. » Cette affirmation est un principe de base chez Chéreau pour qui l’image scénique, véritable détentrice du sens dramaturgique, est souveraine. C’est à partir d’elle qu’il conçoit sa mise en scène ; il s’adapte à l’architecture dessinée par Peduzzi : « Tout en étant un plaisir pour les yeux, comme un tableau de peintre […] [l’image scénique] est agissante. Elle accroît les significations. […] Elle procède d’une sensibilité, elle ne craint pas la violence, elle témoigne d’une intelligence prodigieuse à saisir un aspect de l’œuvre12. » Afin de rendre la mécanique théâtrale pleinement signifiante13, les acteurs doivent s’y soumettre. Dans la mise en scène de Chéreau, l’aire de jeu est ainsi dominée non pas tant par Richard ou par Bolingbroke que par la technique théâtrale.
Les forces s’inversent (acte III, scène 3)
12C’est notamment à l’acte III, scène 3, que la domination du visuel et du matériel sur le verbal et le corporel s’opère avec fracas. Nous sommes au château de Flint. Chez Chéreau, Richard est introduit sur scène à l’aide d’un palan [Illustration 5]. L’image est parlante : les bras mécaniques qui descendent le roi dans la cour basse imitent ceux qui supportent, en leur extrémité, les éventuels plateaux d’une balance, ou encore des seaux aux poids inégaux. La référence à la scène 1 de acte IV est évidente. Les forces s’inverseront bientôt. C’est cette scène qui fait dire à Maurice Abiteboul que le roi est l’instigateur de sa déposition. Détenteur d’un statut divin souligné par l’évêque de Carlisle, il envisage néanmoins la chute de sa toute-puissance :
« What must the king do now ? Must he submit ?
The king shall do it. Must he be deposed ?
The king shall be contented. Must he lose
The name of king ? I’God’s name, let it go14. » (III.3.143-146)
13Maurice Abiteboul précise que, dans cette scène, Richard donne « une dimension théâtrale à l’histoire de sa destinée, rappelant […] à chaque instant qu’il est le metteur en scène aussi bien que l’acteur et même le spectateur attendri et complaisant de cette tragédie qu’il vit en même temps qu’il la joue15 ». Voilà une analyse que la scénographie de Chéreau sert fort bien. Paradoxalement néanmoins, le roi des mots s’efface derrière la machinerie lourde. Ce qui devient signifiant n’est autre que la position du corps mou du roi, déposé concrètement par la poulie au centre de l’aire de jeu, et dont la vulnérabilité physique est mise à nu. Cette déchéance affichée montre « plus que le verbe, le désarroi d’une personne royale en pleine faillite. […] Le texte est alors intégré, il n’est plus primordial16 ».
14Cette critique semble ainsi prendre à contre-pied le sens que les vers jusqu’alors tendaient à exprimer. À l’acte III, scène 2 notamment, porté par les paroles laudatives de Carlisle, Richard se persuade encore de sa position ascendante et dominatrice. Il se dit guidé par le soleil, l’œil avisé des cieux, quand Bolingbroke n’appartient qu’au monde vil et terrestre des traîtres et des voleurs (III.2.36-46) ; il s’élève tel Phaéton – « rising in our throne » (III.2.50) – quand les trahisons demeurent en bas – « his treasons will sit » (III.2.51) – ; il est l’ange victorieux devant la chute des faibles :
« God for His Richard hath in heavenly pay
A glorious angel. Then, if angels fight,
Weak men must fall, for heaven still guards the right17. » (III.2.60-62)
15Par ces vers s’affirme, une fois de plus, la dualité haut/bas, le droit demeurant au sommet quand le mal est relégué aux basses terres. Cette dualité semble contrarier le renversement des forces qui s’opère toutefois, et de façon irrémédiable, à la scène suivante.
16Dans la mise en scène de Warner, Richard, vêtu d’une toge ample, informe et sans éclat, apparaît en hauteur sur un praticable dont une avancée en acier semble imiter les contours d’une tour de garde de château féodal. L’ensemble du plateau est dans la pénombre, tandis que Richard est inondé d’une vive lumière blanche. À ses pieds, dans la cour basse, Northumberland est escorté d’hommes en noir portant des lances qui, alignées, dessinent les barreaux d’une prison. Face à l’émotion profonde d’un roi en larmes, Bolingbroke et York sont visiblement affectés. Ils s’agenouillent lorsque le roi vient les rejoindre et entoure de ses bras son cousin. Ce qui prédomine dans ce tableau, c’est l’image d’un roi solitaire, auréolé d’une lumière qui l’a aveuglé plus qu’éclairé, tandis que dans l’obscurité de la cour basse, le futur roi, entouré de conseillers, a su utiliser l’ombre pour se hisser dans la lumière. La fin de la scène 2 de l’acte III l’avait annoncé : « […] let them hence away, / From Richard’s night to Bolingbroke’s fair day18 » (III.2.218). La fin de la scène 3 de l’acte III le confirme puisque Richard ne se laisse pas duper par les génuflexions de son cousin dont il connaît le dessein :
« up cousin, up. Your heart is up, I know,
[Raises Bolingbroke]
Thus high at least, [Indicates crown.]
although your knee be low19. » (III.3.194-195)
17Au terme de la scène, les deux visages – celui de Richard et celui de Bolingbroke – sont pareillement éclairés. C’est à ce moment que les plateaux de la balance sont au même niveau ; mais son équilibre précaire laisse pressentir son proche vacillement. Bientôt la force aura emporté l’un des plateaux.
18C’est au sommet d’une échelle, elle-même juchée sur le terre-plein, que Richard/de Peretti se présente en acte III, scène 3 ; ainsi est symbolisé le rempart du château de Flint. Bolingbroke et York restent à l’avant-scène. Ces conventions sont efficaces et fort parlantes car, en ce moment clef de la pièce, l’instabilité que procure l’extrémité de l’échelle traduit la précarité du pouvoir royal et le risque d’en être destitué. Dans cette même scène, le terre-plein symbolise la cour basse où Richard, tel Phaéton20, doit rejoindre Bolingbroke, et de fait s’abaisser explicitement au niveau inférieur de son cousin. Cette convention esthétique (un fragile escabeau provisoirement installé sur un terre-plein) permet, dans la mise en scène de de Peretti, de pallier le manque de temps que supposait, dans l’espace scénique élisabéthain, le passage des hauteurs (le balcon surplombant le frons scenae au Théâtre du Globe21) au plateau central.
La scène de déposition, ou la chute du roi (acte IV, scène 1)
19C’est évidemment dans la scène de déposition que l’on perçoit nettement le renversement des forces, tant scéniquement que verbalement. Si, dans un premier temps, on s’en tient aux paroles du souverain, l’emploi du prétérit témoigne de la perte du titre royal – « where with I reigned » (IV.1.165). À ses propres yeux, Richard n’est déjà plus roi. Sa cour ne s’est pas agenouillée à son arrivée (IV.1.166) et il reconnaît preque aussitôt que ce n’est plus lui qui règne désormais : « God save the king, although I be not he […]22. » (IV.1.175). Chez Mnouchkine, Richard est ostensiblement l’artisan de sa propre déposition : il ôte une à une les pièces de ses somptueux atours avant de s’agenouiller sur le bord de la scène. Entouré de soieries blanches, il ressemble alors à ce roi de neige qui a fondu sous le soleil de Bolingbroke. Dans cette mise en scène inspirée par le kabuki, le code des couleurs joue autant que le rituel des gestes. À l’arrière-plan de l’espace scénique, un tissu est tendu et porte les couleurs emblématiques du ton de la scène. Ces tentures changeront dix fois au cours de la représentation. À la scène 2 de l’acte III, le roi déchire le ciel de nuit que représente la tenture pour céder la place au soleil éblouissant qui symbolise l’avènement d’Henry IV. Dans l’acte IV, les couleurs de la scène s’empourprent. Le roi de neige fond dans une image sanglante (le rouge de la toile envahissant soudainement l’arrière-plan) qui raconte la douleur, l’amertume et la désolation du roi déchu. Pour Mnouchkine, la dimension première de Richard II est liturgique : le sacré fonctionne d’abord « sur la crainte et la fascination », puis il nous mène vers la « sainteté23 ». « Au début, précise-t-elle, la royauté […] fascine, on la craint et le roi est revêtu des attributs de cette dignité, il est tonsuré, etc. […] Ensuite, Richard se dépouille, il est nu, il accède à une espèce de sainteté24. » Ainsi le dépouillement physique du roi raconte sa chute. Le basculement des forces est aussi narré par la dichotomie entre le droit divin qui protégeait Richard et la laïcisation du pouvoir politique qui définit désormais le règne d’Henry IV.
20Dans le théâtre de Deborah Warner, le roi toujours vêtu de son ample robe blanche, pénètre dans la salle parlementaire dont la disposition est à l’identique de celle représentée sur les gravures datant des xvie et xviie siècles, telle celle issue de Nobilitas Politica vel Civilis25, ou celle présentée dans l’édition Cambridge datant de 158626. Richard dépose la couronne au pied de Bolingbroke ; par un jeu de mains, il veut que son cousin attrape la couronne comme pour dire que le sort qui guidera la main victorieuse désignera le nouveau roi. La roue de la fortune poursuit sa course. Mais tous deux tiennent bientôt la couronne ; nul ne veut se résoudre à s’en défaire le premier. Quand Richard finit par lâcher prise, il va s’asseoir sur l’un des bancs latéraux, et non pas sur le trône qu’il abandonne en proclamant son propre échec : « “God save king Henry” unkinged Richard says27. » (IV.1.220), déclame-t-il alors. Il pose ensuite la couronne sur la tête du vainqueur, puis se couche face contre terre devant lui. Réduit ainsi au niveau le plus bas de l’espace tandis qu’Henry, debout, parfait son ascension, Richard conclut la métaphore des seaux. Celle-ci annonçait l’inévitable déséquilibre des forces en précisant que le récipient lourd, gorgé d’eau par les larmes du roi déchu, ne pouvait que descendre :
« Now is this golden crown like a deep well
That owes two buckets, filling one another,
The emptier ever dancing in the air,
The other down, unseen and full of water.
That bucket down and full of tears am I,
Drinking my griefs whilst you mount up on high28. » (IV.1.184-189)
21Tout en exprimant le renversement physique des forces, cette image illustre l’opposition entre consistance, c’est-à-dire légitimité du pouvoir d’un côté, et vide de substance, ou usurpation de ce même pouvoir, de l’autre. Richard/Fiona Shaw pleure effectivement dans cette scène, se lamentant sur son erreur qui a contribué à renverser les forces : « I have made glory base and sovereignty a slave29. » (IV.1.251). Puis il vient embrasser Bolingbroke dont le silence peut aussi exprimer le vide de ce seau parvenu au sommet du puits.
22Dans l’ambiance mafieuse de la scène de Thierry de Peretti, la tenue vestimentaire du roi s’apparente à celle du clochard condamné à mendier auprès du suzerain. Or, ce clochard sert effectivement de référence au roi si l’on en croit ses paroles : « I’ll beg one boon, / And then be gone and trouble you no more30. » (IV.1.302-303). Dans cette mise en scène, l’opposition entre la faiblesse de l’un et la force de l’autre est d’autant plus marquée que jamais Bolingbroke ne témoigne de compassion ou de pitié. Ce n’était pas le cas dans la mise en scène de Deborah Warner où le regard de Bolingbroke était embrumé par le voile de ses larmes. Peut-être doit-on concevoir la mise en scène de de Peretti, tout comme celle de Chéreau, comme une image du « pourrissement de l’autorité et de l’anarchie économique31 ». Les deux metteurs en scène choisissent d’illustrer avant tout la décadence d’un règne dont l’autorité suprême, ayant trahi sa classe sociale, est coupable et menaçante ; la déposition de cette autorité paraît de ce fait légitime32. Bien que mettant en scène la domination physique et esthétique du roi déchu (Richard est bien le principal objet de l’attention), toutes ces versions justifient la nécessaire destitution d’un homme faillible.
La scène du miroir (acte IV, scène 1)
23Dans la majorité des mises en scène, le point culminant de l’acte IV, scène _, demeure l’épisode du miroir brisé. Sa charge symbolique scelle la brisure de la toute-puissance royale : le roi n’est plus que l’ombre de lui-même, ou bien la réalité qu’il voudrait lire dans le reflet de la glace ne correspond pas à celle qu’il souhaite. Pour Patrice Chéreau, cette scène fournit l’occasion de réaffirmer la théâtralité de Richard, à la fois roi et comédien. Le grand cadre sur pied qui constitue le miroir est creux et évoque tout autant le cadre de scène : ceux qui gravitent en son centre sont de simples personnages jouant les rôles de roi et de bouffon. Se mirant dedans, Richard ne perçoit qu’un vide, à l’image de sa douleur qui, selon son cousin, n’est qu’une ombre et n’a donc aucune substance (IV.1. 292-293). Le roi peut alors passer au travers de sa propre inconsistance : d’un petit saut, il accède à l’autre côté du cadre – autre mouvement de balancement qui le transfère implicitement dans l’autre camp, celui des faibles, des déchus, des perdants. Par ce saut ridicule, Richard (interprété par Chéreau), fardé de blanc tel un clown triste, cesse d’être roi. Ayant abandonné sceptre, couronne et titre, il réitère en l’incarnant le signifié du cadre vide : il n’est plus rien lui-même. Ces conventions de représentation rentrent dans le cadre plus large du parti pris de mise en scène. Selon Chéreau :
« Ce lieu fictif [dont le sable vrai concourt à faire jouer l’imaginaire et dont les treuils et les poulies accroissent les niveaux de théâtralité33], devra permettre d’établir tout au long du jeu une convention théâtrale : à la fois champ clos et maison désertée, il inventera la distance entre le château et la plaine, la longueur des vestibules et des palais, la haute taille des chambres abandonnées, fera sortir de la poussière les machines de guerre et les cercueils utiles aux fêtes du changement de pouvoir et sera l’enclos confiné où se battront les renards et les coqs qui veulent régenter son sol34. »
24Ainsi, le miroir, image synecdotique, raconte le principe premier de la scénographie de Peduzzi : illustrer par l’absence et l’illusion (les plaines ne ressemblent jamais à des plaines, ni les miroirs à des miroirs) l’histoire d’un roi, la fin d’un règne. L’image condense ainsi à l’extrême la portée significative du drame. Nous ne sommes, au fond, plus si loin du fonctionnement de l’espace élisabéthain.
25Chez Warner, cette scène du miroir possède une portée moindre. Soumis au regard de ses juges, Richard fait allusion à son âge encore florissant – « No deeper wrinkles yet35 ? » (IV.1.277) –, tandis que Bolingbroke, complice, sourit. Une lumière pâle se reflète sur le visage de Richard qui, dans un dernier sursaut de fierté, gagne le trône où il s’assied. Bolingbroke, soutenu par une canne, reste debout au centre de la pièce et répond de façon peu audible, à demi-mot, au long développement du roi. On pourra aussi comprendre le silence de Bolingbroke comme le pendant d’une autre image-absence, celle de l’ombre de Richard : cette ombre qui s’offre à ses yeux dans le miroir, et qui ne représente pas son vrai visage, n’est-elle pas le reflet d’un autre ? Celui qui est jusqu’alors demeuré en retrait, dans l’ombre du pouvoir ? N’est-ce pas ce qu’expose le plateau faiblement éclairé de Warner où, justement, Bolingbroke est dans l’ombre quand son cousin capte encore la lumière ? Ainsi, par un jeu de reflets, nous retrouvons le jeu d’échange et de balancement qui a cours dans toute l’œuvre.
26Cet échange de rôles, qui se fait aussi par le passage d’un visage à un autre sous la couronne, fut exprimé de façon très marquée dans une mise en scène de 1973 à Stratford. John Barton avait choisi de faire jouer les rôles de Richard et de Bolingbroke en alternance par les deux acteurs principaux, Richard Pasco et Ian Richardson. Cet artifice traduisait clairement l’interchangeabilité des deux rois de la pièce telle que Barton la concevait : lorsque Richard casse le miroir, Bolingbroke le ramasse. Il l’élève au-dessus de la tête de son cousin dessinant un halo, puis une couronne et enfin une corde. Mais selon Andrew Gurr qui détaille la mise en scène dans son introduction à l’édition Cambridge36, cette mise en scène, symbolique à l’excès, visait essentiellement à montrer un ordre à la fois social et politique au sein duquel les protagonistes, en équilibre mais à forces égales, devaient accomplir le voyage les menant à la découverte d’eux-mêmes.
Le roi, au plus bas, gagne sa tombe (acte V, scène 5)
27« Au moment où nous sommes sur le point de croire à la tragédie, celle-ci se transforme en bouffonnerie et le rituel [devient] sa propre caricature37. » Par ce propos renvoyant à la scène 5 de l’acte V, Valida Dragovitch réaffirme l’image de la roue de la fortune constamment en filigrane de la praxis : « le renversement […] appréhende un autre renversement38 », poursuit-il, et dans la phase ultime de la tragédie, le roi ne sait toujours pas quel rôle il doit jouer. Il est le tout et le rien, le vide et le plein, lui qui incarne sans dissociation l’unique et le multiple : « Thus play I in one person many people, / And none contented39. » (V.5.31-32). Dans cette hésitation, le basculement, où s’expriment aussi le haut et le bas, est encore sensible : l’ancien roi, condamné à faire l’âne, ploie sous le poids de sa charge, tandis que le nouveau souverain chevauche fièrement sa monture, elle aussi usurpée : « And yet I bear a burden like an ass, / Spurred, galled and tired by jauncing Bolingbroke40. » (V.5.93-94). Pour cette scène finale, dans l’espace kabuki de Mnouchkine, Richard, nu, est assassiné dans une cage. Le corps encore adolescent et gracile de l’acteur est ensuite jeté sur la jupe de brocard du nouveau roi accroupi sur son trône. Cette image évoque une Pietà qui en dit plus long, selon Mnouchkine, que celle du miroir brisé, ou du miroir théâtral qui renvoie au public l’image de sa propre chute. Il faut aller puiser au cœur de l’image pour comprendre comment s’est effectué le renversement des forces. La Pietà renvoie au sacré, rappelant que Richard, oint par le Seigneur et souverain de droit divin, est une « victime sacrificielle, sanctifiée par l’épreuve41 », alors que Bolingbroke, « usurpateur, en proie à la mauvaise conscience42 », n’a plus que le recours du pèlerinage pour se racheter. Ainsi, le basculement n’est que relatif : l’avènement (ou l’ascension) d’un roi sur le trône gagné par le crime ne saurait garantir totalement le pouvoir. Concrètement, un pouvoir est remporté mais, implicitement, une faiblesse mue par le vice est latente, et menace le nouveau roi d’être, un jour, lui aussi victime.
28Les espaces des quatre mises en scène de Richard II que nous avons étudiées, qu’ils soient mécanique, corse, kabuki ou féodal, exposent tous avec emphase la façon dont le pouvoir est mis en jeu et bascule d’un camp à l’autre. Constitués souvent d’un accessoire lourd et unique – les tentures chez Mnouchkine, le terre-plein chez de Peretti, les panneaux amovibles chez Warner et les passerelles chez Chéreau –, ils laissent vide le carré central de la scène. L’aire de jeu ainsi dégagée semble laisser le champ libre aux fantaisies acrobatiques des personnages/marionnettes de l’Histoire. Dans la mise en scène orientale de Mnouchkine, par exemple, le continuo de percussions, qui supporte sans interruption l’action, glose le halètement des corps qui « développent des formes hiératiques et deviennent un long espace/temps absolu43 ». Selon l’analyse d’Alfred Simon, en optant pour ces formes japonaises ancestrales, Ariane Mnouchkine a voulu atteindre « ce qu’il y avait de plus lointain, de plus différent, d’irrémédiablement autre, la racine obscure des cris (Garcia Lorca) où gît notre propre altérité, où Shakespeare ne parle plus que de nous qui sommes étrangers à nous-mêmes44 ». L’espace raconte ainsi les contraires : là où le « je » est à la fois double et autre, où l’un s’illustre quand l’autre s’efface, et quand cet autre se meurt, l’autre demeure. En outre, par ses formes stylisées, cérémoniales, symboliques et formalistes, le kabuki ne contredit pas les principes souverains du théâtre élisabéthain qui visent, eux aussi, le spectaculaire.
29Cette scène où abondent les images du grandiose et du décadent, son pendant inverse, est le théâtre du monde par excellence selon Mnouchkine, car Shakespeare a su y représenter les trois binômes clefs qui forgent la nature humaine : l’homme individuel et ses passions, l’homme social et son histoire, l’homme cosmique et son sacré. Ces regroupements binaires sont tous en jeu dans Richard II, ne serait-ce que par les figures d’inversion et de double inscrites dans la partition, ou encore par la construction en miroir de certains vers. Que l’on songe, un instant, à la valeur performative de ces paroles prononcées par Richard : « God save king Henry, unkinged Richard says. » (IV.1.220), et l’on conçoit qu’un basculement physique s’opère en même temps qu’il est annoncé par les mots. Les deux personnages principaux confrontent et mettent en balance leur nature double, si bien que l’échange de leur statut devient inéluctable, deux hommes à la fois ne pouvant occuper un même trône. Chez Chéreau, la transmission des rôles et ce passage d’un roi à un autre sont exposés tout d’abord par Richard, pantin suspendu au-dessus de l’arène de coqs, une position chancelante qui laisse présager l’imminence de sa chute. Cette représentation du basculement correspond à la perception qu’a Chéreau de l’histoire globale du roi dont il considère que Shakespeare n’a laissé que le squelette. C’est « le passage d’un État qui, dans son anarchie de nature, se met en opposition avec la classe au pouvoir elle-même […]45 ».
30Plus que le passage d’une politique à une autre, ou d’un roi à un autre, la vision de l’Histoire qu’expose la scène de de Peretti nous dit le passage d’un premier Richard à un second. L’homme qui nous est présenté, dans le prologue ajouté au drame, montre un enfant jouant aux billes avec ses cousins, Henry et Aumerle. Capricieux, il se chamaille avec le premier tandis que le second, indécis, ne sait pas quel camp défendre. À la fin de la représentation de la pièce, c’est la dimension spirituelle du roi qui est mise en relief par l’éclairage étoilé qui l’isole dans une intimité touchante, exempte des calculs politiques qui appartiennent désormais à d’autres mondes. Ayant ainsi accompli son itinéraire initiatique, son propre pèlerinage, il a définitivement basculé dans l’abstraction et n’est plus qu’un roi de chimères. La scène nocturne de Thierry de Peretti annonce que la nuit qui s’est abattue sur le visage du roi déchu est la promesse que la clarté du jour illuminera celui du nouveau roi ; l’éclairage scénique traduit aussi le changement.
31Pour Andrew Gurr, passage, basculement, échange et inversion relèvent tout autant de l’action que de la structure même de la pièce. Les images verbales des actes I et II sont renouvelées ou inversées aux actes IV et V (tels les éléments naturels qui représentent Richard comme figure du feu et de l’air, puis comme figure de l’eau et de la terre). C’est pourquoi les scènes de théâtre s’appliquent à mettre en perspective ces revirements et ces bouleversements de positions : la dernière image offerte par la scène de Deborah Warner est bien celle inversée de la première. Dans la pénombre du plateau, Henry, penché sur le cadavre de son cousin, en pleure la perte. Il l’embrasse une dernière fois. À l’acte I, scène 1, c’était Richard qui, penché sur le visage de Bolingbroke, avait embrassé ce dernier. Ainsi, comme dans la scène 1 de l’acte V, où reine et roi échangent leurs cœurs par ce même rituel46, les hommes au pouvoir échangent leur titre par un ultime baiser. C’est une représentation fort poétique du dénouement d’une œuvre où le véritable règne est peut-être celui de la Fortune, cette faucheuse qui jouant avec la destinée des hommes les renverse alors qu’ils viennent juste d’être couronnés.
32Finalement, dans le renversement des rôles et des forces, ce que mettent en valeur les aires de jeu n’est autre que le corps double du roi, ce corps à la fois humain et politique dont parle Kantorowicz47, et qui est aussi un corps dédoublé incarnant à la fois Richard et Henry, un roi qui tombe quand l’autre s’élève. Au-delà des accessoires scéniques et des jeux de scène, l’image qui demeure est ainsi celle de ces deux corps dont la superbe s’affirme en alternance au centre du plateau. Un corps cède sa place à son homologue ; l’espace met en valeur cette alternance, cette confrontation qui, doucement, instaure le changement et renverse la tendance. L’acte V rassemble ultimement ces corps avant leur séparation définitive. Toutefois, ce corps explosé, imprimant dans l’aire de jeu le reflet symbolique de la balance dont les deux plateaux, même séparés, ne peuvent évoluer l’un sans l’autre, dit encore l’union puis la répétition de l’Histoire. Une Histoire que trace le mouvement de la roue de la fortune où les protagonistes continuellement progressent par ascensions et par chutes.
Notes de bas de page
1 Les citations de l’œuvre sont issues de William Shakespeare, Richard II, Charles R. Forker (éd.), London, Thomson, coll. « The New Arden Shakespeare », 2002. Traduction : « Monte, monte, mon âme. Là-haut est ta demeure / Tandis qu’ici ma fruste chair s’écroule et meurt. »
2 Cette mise en scène a été filmé par la BBC. L’enregistrement est consultable au centre de documentation audiovisuelle de la bibliothèque Gaston Baty à Paris III.
3 Maurice Abiteboul, Le Monde de Shakespeare, Nantes, Éditions du Temps, 2005.
4 « Mowbray, impartial are our eyes and ears. / Were he my brother, nay, my kingdom’s heir, / As he is but my father’s brother’s son, / Now, by my sceptre’s awe, I make a vow / Such neighbour nearness to our sacred blood / Should nothing privilege him nor partialize / The unstooping firmness of my upright soul. » (I.1.115-121). Traduction : « Mowbray, impartiaux sont nos yeux et nos oreilles. / Quand il serait mon frère, que dis-je, l’héritier de mon royaume, / Et il n’est que le fils du frère de mon père, / Eh bien, par la terreur de mon sceptre, j’en fais le serment, / Pareille proximité de notre sang sacré / Ne lui donnerait nul privilège, ni ne rendrait partiale / L’inébranlable fermeté de mon âme intègre. »
5 Traduction : « C’est moi-même, redouté souverain, que je jette à tes pieds. »
6 Traduction : « Dois-je blême de peur comme un mendiant ravaler ma hauteur ? »
7 William Shakespeare, King Richard II, Andrew Gurr (éd), Cambridge, Cambridge university Press, coll. « The New Cambridge Shakespeare », (1984) 2004, p. 38.
8 Traduction : « Nous allons descendre et le serrer dans nos bras. »
9 Valida Dragovitch, « Deux mises en scène de Richard II », in Marie-Thérèse Jones-Davies (dir.), Du texte à la scène : langages du théâtre, Actes du Congrès de la Société Française Shakespeare 1982, Paris, Touzot, 1983, p. 81.
10 Traduction : « Lord Maréchal, laissez-moi baiser la main de mon souverain. »
11 Paul Klee, « Le credo du créateur », Théorie de l’art moderne, Paris, Gallimard, 1998, p. 34.
12 Odette Aslan (dir.), Chéreau (Les Voies de la création théâtrale n° 14), Centre national de la Recherche scientifique, Paris, Éditions du CNRS, 1986, p. 53.
13 Celle-ci facilite alors souvent le dynamisme des entrées et des sorties que requiert la scène 3 de l’Acte I.
14 Traduction : « Que doit faire le roi à présent ? Doit-il se soumettre ? / Le roi le fera. Doit-il être déposé ? / Le roi s’y résoudra. Doit-il perdre / Le nom de roi ? Par Dieu, qu’il l’abandonne. »
15 Maurice Abiteboul, op. cit., p. 32.
16 Ibid., p. 80.
17 Traduction : « Dieu pour son Richard à sa solde recrute / un ange glorieux. Et si les anges livrent combat, / Les faibles hommes succombent, car le ciel protège toujours le droit. »
18 Traduction : « […] laissez-les passer / De la nuit de Richard au grand jour de Bolingbroke ».
19 Traduction : « Debout, cousin, debout. Votre cœur est debout, / Je le sais, à cette hauteur au moins, si bas que soit votre genou. »
20 Richard : « Down, down I come, like glist’ring Phaëton, / Wanting the manage of unruly jades. / In the base court ? Base court where kings grow base /To come at traitors’calls and do them grace. / In the base court ? Come down ? Down court, down king ? » (III.3.178-182). Traduction : « Je descends, je descends, pareil à l’étincelant Phaéton / Qui ne peut maîtriser des carnes indociles. / Dans la cour basse ? La cour basse où les rois s’abaissent / À venir à l’appel de traîtres, et à leur faire honneur ! / Dans la cour basse ? Venir en bas ? En bas, la cour ! En bas, le roi ! »
21 Seuls deux vers (III.3.184-185), échangés entre Northumberland et Bolingbroke, laissent le temps à Richard de gagner l’aire de jeu centrale.
22 Traduction : « Dieu garde le roi, bien que ce ne soit pas moi. »
23 Alfred Simon, « Les Dieux qu’il nous faut ; entretien avec Ariane Mnouchkine », et « Richard II : retour à Shakespeare, retour au texte ? », Acteurs, n° 2, février 1982, p. 24.
24 Ibid., p. 14.
25 « Elizabeth in Parliament », gravure extraite de Robert Glover, Nobilitas Politica vel Civilis, 1608, reproduite in William Shakespeare, King Richard II, Charles R. Forker (éd), p. 20.
26 « The “Chair of state” used by Elizabeth for the opening of Parliament in 1586 », gravure reproduite in William Shakespeare, King Richard II, Andrew Gurr (éd.), p. 40.
27 Traduction : « Que Dieu garde le roi Henry, dit Richard détrôné. »
28 C’est nous qui mettons en italiques. Traduction : « À présent cette couronne d’or est comme un puits profond / Qui possède deux seaux, se remplissant l’un l’autre, / Le plus vide dansant toujours en l’air, / Quand l’autre est en bas invisible et plein d’eau. / Le seau d’en bas plein de larmes, c’est moi, / Qui bois mes chagrins, et celui qui monte, c’est toi. »
29 Traduction : « J’ai avili la gloire, j’ai fait de la souveraineté une esclave. »
30 Traduction : « Je veux mendier une seule faveur, / Et puis je partirai, et ne t’importunerai plus. »
31 Patrice Chéreau, article cité, p. 23.
32 La relation qui s’établit entre le roi et Gand, dans la mise en scène de Chéreau, annonçait déjà l’insuffisance et la fierté du jeune roi.
33 Patrice Chéreau, op. cit., p. 47.
34 Ibid., p. 47.
35 Traduction : « Pas de rides plus profondes ? »
36 Andrew Gurr, in William Shakespeare, King Richard II, Andrew Gurr (éd.), p. 48-50.
37 Valida Dragovitch, op. cit., p. 79.
38 Ibid., p. 79.
39 Traduction : « Ainsi à moi tout seul je joue maints personnages, / Dont aucun n’est content. »
40 Traduction : « Et pourtant je porte un fardeau comme un âne, / Éperonné, meurtri, fourbu par le caracolant Bolingbroke. »
41 Pierre Lavoie, « Le Théâtre du Soleil et Shakespeare », in Cahiers de théâtre Jeu, n° 26, 19831, p. 41.
42 Ibid., p. 79.
43 Ibid., p. 41.
44 Ibid., p. 20. C’est lui qui met en italiques.
45 Patrice Chéreau, article cité, p. 24.
46 Richard : « One kiss shall stop our mouths, and dumbly part ; / Thus give I mine, and thus take I thy heart. »
[They kiss.]
Queen : « Give my own again ; ‘twere no good part / To take on me to keep and kill thy heart. » (V.1.95-97).
47 Ernst Hartwig Kantorowicz, The King’s Two Bodies. A Study of Mediaeval Political Theology, Princeton, Princeton university Press, 1957.
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