Glossaire
p. 305-311
Texte intégral
1Plusieurs des expressions et des termes utilisés dans le texte nécessitent quelques explications ; nous avons préféré ne pas les donner au cours du texte afin de ne pas trop le surcharger. Il paraissait important de s’arrêter un peu plus longuement ici sur ces problèmes de vocabulaire : nous tentons donc ci-dessous de circonscrire la signification de quelques termes ou expression récurrents.
Nation
2Le terme même de « nation » fait l’objet d’un glissement sémantique important au XVIIIe siècle. Son emploi n’est pas très facile à cerner, car le terme renvoie le plus souvent à deux échelles différentes, locale et étatique1. La quatrième édition du Dictionnaire de l’Académie française, parue en 1762, en donne une définition qui renvoie principalement à la notion « d’État » (la nation, ce sont « tous les habitants d’un même État, d’un même pays2 ») mais aussi, dans une moindre mesure, à celle de « Province3 ». Le Dictionnaire de Trévoux, édition de 1771, insiste quant à lui davantage sur la notion de pays, au détriment de « province », mais conserve les mêmes exemples de « nation de Normandie et de Picardie » que l’Académie française. Même chose en ce qui concerne la définition donnée par l’Encyclopédie. Si l’on se rapproche sans doute à petits pas de l’acception contemporaine « d’État-nation4 », dans l’usage courant, le terme « nation » est encore parfois utilisé pour désigner les habitants d’une province particulière : on retrouve ainsi des expressions comme « Alsacien de nation5 », « Corse de nation6 » ou « nation paresseuse7 », pour désigner les habitants du Limousin. Enfin, nation « se dit aussi d’une certaine distinction de gens qui comprend tous ceux d’une même profession » (Trévoux). Pour l’historien Godechot, au XVIIIe siècle, « le mot nation, beaucoup plus employé alors que le mot patrie, a par contre un sens très neutre, encore dépourvu de toute charge affective. Il signifie peuple, sans qu’il sous-entende que le peuple, ainsi désigné, soit installé sur un territoire donné. Ainsi dit-on couramment la “nation juive” ».
3Un historien de la « nation portugaise », un réseau marchand dispersé dans le monde atlantique, donne une définition intéressante de cette communauté, qui certainement pourrait se rapprocher de celle que l’on pourrait attribuer aux Acadiens dispersés après le « Grand Dérangement », le caractère « marchand » en moins :
[La « nation » portugaise] fut une étrange « nation » dans la mesure où elle ne se définit pas par un enracinement dans un espace particulier : elle était « déterritorialisée » […]. Par sa dispersion et sa mobilité, cette nation s’apparente à une diaspora. […]. Cette définition nous renvoie à une seconde signification du mot nation, qui connote l’idée d’une lignée consanguine ou d’ancêtres communs. […] Dans le cas portugais, la définition la mieux appropriée est celle qui naquit dans les entrepôts européens à la fin du Moyen Âge : une nation était une communauté de négociants étrangers liés par certains traits distinctifs qui les différenciaient de la société locale ou, plus exactement, par une série de symboles, d’institutions et de liens sociaux qui la définissaient comme une collectivité vivante8.
Corps et « corps de nation »
4Nous avons vu que l’expression « corps de nation » était utilisée dans un seul document émanant directement des Acadiens eux-mêmes9. Nous avons déjà essayé de circonscrire ce que cette expression pouvait signifier pour les Acadiens ou au moins pour l’abbé de Grandclos Mêlé qui a rédigé la pétition en leur nom10. Arrêtons-nous, à nouveau, quelques instants sur la signification possible de cette dernière expression, ou du moins, plus modestement, sur ses différents emplois11.
5Le premier terme, « corps », est probablement le plus important des deux termes. On le voit, seul, à deux reprises au moins dans des lettres de Pérusse12. Le mot n’est cependant pas défini dans le Dictionnaire de l’Académie dans le sens de « corps politique ». En revanche, dans le Trévoux, si l’expression « corps de nation » ne figure pas, on trouve une définition qui traduit un premier sens approché de celui qui nous intéresse :
Corps se dit encore, en un sens figuré, de l’union de plusieurs personnes qui vivent sous le même gouvernement et suivent les mêmes lois, les mêmes coutumes. […] Dans cette acception, le mot de corps se dit plus particulièrement de certaines compagnies qui existent dans l’État sous l’autorité publique.
6De nombreux exemples suivent cette définition13 qui se termine ainsi : « corps se dit aussi de toutes les autres communautés ». Voici donc certainement ce qui caractérise particulièrement ces Acadiens : ils forment, aux yeux des administrateurs, une communauté soudée. Yves Durand a rappelé l’importance de ces « corps » dans les sociétés modernes14 :
Il existait enfin, et de manière universelle, des communautés d’intérêt, généralement liées à une profession, que les historiens regroupent sous le nom de « corps15 ». Dans un « corps » constitué par cooptation, les décisions sont prises collectivement, et c’est tout le groupe qui se donne des règles et des normes de conduite. Les corps ont le plus souvent une existence publique, un rang dans la cité, et peuvent agir en un nom collectif, posséder des biens communs et des privilèges propres. Ils peuvent députer, se signalent par un costume, des traditions, et s’opposent les uns aux autres16.
7Il semble que sur un certain nombre de points au moins cette définition corresponde à la réalité du groupe de réfugiés. Évidemment, ce qui lie cette fois les membres du « corps » n’est pas la profession, et c’est sans doute pour cette raison que les administrateurs ou les Acadiens ajoutent « de nation », pour bien différencier d’avec un « corps » professionnel. Mais il semble bien en tout cas que les décisions prises au sein de la « nation » acadienne à Saint-Malo ou à Nantes aient été prises collectivement comme le rapportent plusieurs textes à ce sujet (ainsi la réunion de Lemoyne avec un groupe à Saint-Malo pour discuter de la proposition faite par le gouvernement d’aller dans le Poitou ou encore la réunion organisée à Nantes et dont un compte rendu a été fait par le subdélégué de la ville17). Il semble bien également que le groupe ait tâché de se donner des « règles et des normes de conduite » communes. C’est ce dont témoigne certainement, par exemple, le fait que des Acadiens, si l’on en croit Pérusse, se sont violemment opposés dans le Poitou sur la démarche à suivre (certains reprochant visiblement à d’autres de ne pas rester solidaires). L’existence publique du groupe est évidemment attestée par l’immense correspondance administrative qui leur est dévolue. Les députations des Acadiens sont régulières et signalées à plusieurs reprises, tout comme l’existence de syndics18 (au moins depuis le Poitou, mais peut-être dès le séjour à Saint-Malo19). En revanche, j’ignore si les Acadiens se distinguaient par un costume particulier : cela est peu probable et aucun texte ne s’attarde sur ce sujet. Quant à l’existence de traditions particulières, nous avons abordé cette question plus haut.
8L’expression précise « corps de nation » est beaucoup moins fréquente au XVIIIe siècle que la formule toute faite « corps de la nation20 », et ne doit pas être confondue avec cette dernière. Elle ne se trouve pas en tant que telle dans le Dictionnaire de l’Académie ni dans le Furetière21. On retrouve en revanche trois occurrences de cette expression précise dans l’Encyclopédie, dans les articles « Goths », « Natchez » et « Thraces22 ». Les contextes dans lesquels cette expression est utilisée permettent de nous faire une idée de ce qu’elle signifiait. Ainsi, l’article « Goth » incite le lecteur à bien distinguer les Goths « qui faisaient un corps de nation, d’avec les Goths qui étaient dans l’Empire ». L’article « Natchez » précise quant à lui : « En 1630 les Français firent la guerre aux Natchez, en tuèrent un grand nombre et les dispersèrent tellement qu’ils ne font plus un corps de nation. » Quant au troisième exemple, concernant les Thraces, il est écrit : « Hérodote rapporte les noms d’une multitude infinie de différents peuples qui ont habité la Thrace. Il dit que s’ils eussent pu, ou se réunir sous un seul chef, ou se lier d’intérêt et de sentiment, ils auraient formé un corps de nation très supérieur à tout ce qui les environnait. »
9Le terme « corps de nation » figure encore dans au moins deux autres textes du XVIIIe siècle cités par David Bell23. Dans un discours anonyme sur le patriotisme daté de 1788, on lit à propos de la France : « Ce peuple, formé de l’assemblage d’une multitude de petites nations différentes, ne présente pas un corps de nation24. » Un autre extrait provient de l’ouvrage de Jean-Jacques Rousseau, Considération sur le Gouvernement de Pologne (1772) : « Moïse […] forma et exécuta l’étonnante entreprise d’instituer en corps de nation un essaim de malheureux fugitifs […] et […] lui donn[a] cette institution durable, à l’épreuve des temps […] qui subsiste encore aujourd’hui dans toute sa force. »
10On constate très clairement à la lecture de ces exemples que cette expression « corps de nation » implique sans conteste l’idée d’un rassemblement, d’un regroupement ; en cas de dispersion, le corps de nation n’existe pas ou n’existe plus. Par ailleurs, et c’est également très important, on note que ce « corps de nation » implique l’existence d’un chef commun ou d’un lien « d’intérêt et de sentiment » (article sur les Thraces) ou encore d’une expérience commune (ce qu’on pourrait peut-être appeler de nos jours un « sentiment communautaire », une « culture », ou une « identité » commune).
11Enfin, il faut noter l’hypothèse de Christopher Hodson, selon laquelle l’expression « corps de nation » est une appropriation par les Acadiens de la rhétorique parlementaire opposée au pouvoir royal après 177025.
Patrie
12« La patrie », à l’époque, n’a pas le caractère « national » que nous lui donnons aujourd’hui. Pour le Trévoux, la patrie c’est « le pays où l’on est né et il se dit tant d’un lieu particulier que de la province et de l’empire, ou de l’[É]tat où l’on a pris naissance. […] On dit proverbialement la patrie est partout où l’on est bien ». Le sens à donner au terme « patrie » faisait l’objet de violents débats au XVIIIe siècle, par exemple entre Rousseau et Voltaire, débats évoqués par Godechot26 : la patrie pour Voltaire c’est tout endroit où l’on se sent libre (il fait sienne le dernier sens de la définition du Trévoux) ; pour Rousseau au contraire c’est l’endroit où l’on est né, et si cet endroit ne respire pas la liberté, alors il faut le changer, par la force si nécessaire.
Peuple et pays
13« Peuple » est sans doute le terme le plus utilisé pour désigner, par périphrase, les Acadiens27. La définition ici ne concerne que le sens premier de peuple, et exclut l’utilisation du terme pour désigner la « populace ». Ce mot est employé par Lemoyne lui-même et par différents correspondants : l’abbé de l’Isle-Dieu, les ministres Terray28, Praslin, La Rochette et Nivernais29, Warren, etc., souvent combiné avec les adjectifs « pauvres » ou « malheureux30 ».
14L’utilisation du mot « peuple » ne doit cependant pas conduire à croire que les Acadiens sont considérés de ce fait et automatiquement comme des « étrangers ». En effet, le mot « peuple », comme les termes nation et étranger évoqués dans ce glossaire31, recoupe clairement deux échelles, l’une « nationale » et l’autre « locale », selon la définition qu’en donne le Dictionnaire de l’Académie32 :
PEUPLE. : Terme collectif. Multitude d’hommes d’un même pays, qui vivent sous les mêmes lois. Le peuple Hébreu. […] Le peuple Romain. […]. Les peuples de Provence, de Dauphiné, & c. Tous les peuples de la terre.
Il se dit aussi d’Une multitude d’habitants qui vivent ou dans une même ville, ou dans un même bourg ou village. Il y a beaucoup de peuple dans Paris. Tout le peuple du bourg, du village accourut.
Il se prend aussi quelquefois pour La partie la moins considérable d’entre les habitants d’une même ville, d’un même pays. Il y eut quelque émotion parmi le peuple.
15Il est à noter qu’à aucun moment ce dictionnaire ne donne comme exemple : « peuple françois » (français) ou avec des adjectifs de nationalité (allemand, italien, espagnol)33.
16Même selon la première acception, celle ayant rapport au « pays », on peut remarquer les exemples surprenants de « peuples de Provence, de Dauphiné, etc. » juxtaposés à « multitude d’hommes d’un même pays ». Cela s’explique par la définition de « pays34 » qui renvoie encore à la fois à (1) « région, contrée, province », et à (2) « État » :
PAYS, veut dire encore Patrie, lieu de la naissance. Il s’entend quelquefois de tout l’État dans lequel on est né ; quelquefois de la province, de la contrée, ou de la ville. Pays natal. Pays étranger. La France est mon pays. Mourir pour le salut de son pays, pour la gloire de son pays. Aimer son pays. L’amour du pays. Défendre son pays. Il n’est jamais sorti de son pays. Il a encore l’accent de son pays. De quel pays êtes-vous ? Ils sont du même pays.
[…] On dit, Un cheval de pays, d’un cheval né en France, pour le distinguer d’un cheval né ailleurs, & étranger.
17Il est donc bien difficile de déterminer, dans la plupart des cas, auquel de ces deux sens les correspondants font référence lorsqu’ils utilisent ce mot.
Étranger
18Le terme renvoie lui aussi le plus souvent à deux échelles différentes : étranger à l’État et étranger à la communauté. Cette confusion est bien illustrée par la définition qu’en donne le Dictionnaire de l’Académie française en 1762 :
Étranger, ère. adj. Qui est d’une autre nation35. […] Il est quelquefois substantif. Les étrangers sont bien reçus en France.
Il se prend aussi pour ceux qui ne sont pas d’une famille, d’une compagnie, d’une communauté. Il a donné son bien à des étrangers pour l’ôter à ses parents.
On dit proverbialement, qu’un homme est étranger dans son pays, Quand il n’en sait pas les coutumes & ce qui s’y passe.
19La confusion sémantique entre l’échelle locale et l’échelle nationale se retrouve dans la plupart des textes que nous avons consultés. Les autres dictionnaires ne sont guère moins ambigus que la définition des Académiciens. Ainsi, l’article du chevalier de Jaucourt dans l’Encyclopédie – longue tirade populationniste contre ceux qui, comme jadis les Grecs, ont tendance à confondre « le mot d’ennemi avec celui d’étranger » et qui appelle de ses vœux l’établissement d’étrangers « laborieux et industrieux » en France – définit comme étranger, en renvoyant à l’entrée « aubain », « celui qui est né sous une autre domination et dans un autre pays que le pays dans lequel il se trouve », mais aussi « celui qui n’est pas de la famille ». Le Trévoux quant à lui retient trois sens au mot : (a) « qui est d’une autre nation » ; (b) « se dit aussi de ceux qui ne sont pas de la même maison, ou famille » ; (c) « se dit encore des choses qui sont hors de nous, qui ne sont pas naturelles ». Il est à noter qu’on retrouve, dans la définition contemporaine du terme, la même ambiguïté : le terme s’applique certes principalement à celui « qui est d’une autre nation », mais aussi à celui « qui n’appartient pas ou qui est considéré comme n’appartenant pas à un groupe (familial, social) » (Petit Robert).
Règnicole
20C’est le terme juridique de l’époque pour désigner les habitants du royaume. Voici la définition qu’en donne le Dictionnaire de l’Académie : « Règnicole. (Le G se prononce durement.) Terme de Jurisprudence & de Chancellerie, qui se dit De tous les habitans naturels d’un Royaume, par rapport aux priviléges dont ils sont en droit de jouir, & qui s’emploie par extension, en parlant Des étrangers à qui le Roi accorde les mêmes priviléges. L’aubaine n’a lieu qu’à l’égard de ceux qui ne sont pas règnicoles. Les Suisses sont réputés règnicoles, ont les mêmes priviléges que les règnicoles. »
Aubain
21Désigne cette fois, dans le vocabulaire juridique d’Ancien Régime, les étrangers : « Aubain. Terme de Chancellerie & de Palais. Étranger qui n’est pas naturalisé dans le pays où il demeure » (Dictionnaire de l’Académie).
Notes de bas de page
1 Pour une discussion plus approfondie de la définition de « nation » et de « patrie », voir en particulier les articles et ouvrages suivants : David A. Bell, « The Unbearable Lightness of Being French », op. cit. p. 1221 et 1225. Bell note que les provinces sont des nations au même titre que la France. La guerre de Sept Ans est considérée pour la première fois comme une guerre de nations et le terme devient un concept central en France à partir des années 1770. Voir également Jacques Godechot, « Nation, patrie, nationalisme et patriotisme en France au XVIIIe siècle », Annales historiques de la Révolution française, 43, (1971), p. 481-501 ; Werner Krauss, « “Patriote”, “patriotique”, “patriotisme” à la fin de l’Ancien Régime », dans The Age of Enlightenment : studies presented to Theodore Besterman, Londres, 1967, p. 387-394 ; Edmond Dziembowski, Un nouveau patriotisme français 1750-1770 : La France face à la puissance anglaise à l’époque de la guerre de Sept Ans, Oxford, Voltaire fondation, 1998.
2 La définition continue ainsi : « qui vivent sous les mêmes lois et parlent le même langage ».
3 Il est remarquable d’ailleurs que les termes « pays », « peuple » ou encore « étranger », comme « nation », renvoient toujours à deux échelles, l’une locale, l’autre « nationale » ou « étatique ».
4 C’est déjà l’usage moderne qu’utilise Turgot dans son « mémoire du Roi sur les municipalités » : « La cause du mal, Sire, vient de ce que votre Nation n’a point de constitution. C’est une société composée de différents Ordres mal unis et d’un Peuple dont les membres n’ont entre eux que très peu de liens sociaux… […]. Il n’y a point d’esprit public, parce qu’il n’y a point d’intérêt commun visible et connu » (cité par E. Martin, Les Exilés, op. cit., p. 203).
5 Jacques Nerrou a retrouvé plusieurs occurrences de cette expression dans les registres de baptêmes, mariages et sépultures de la région de Rochefort et de la Rochelle (par exemple dans les registres de la paroisse Saint-Louis de Rochefort, microfilms 5 Mi 208 et 209, ADLA, mariage de Antoine Morland et Apolinne Vandelle ; deux témoins sont désignés comme « Alsaciens de nation ». D’autres actes attestent de la même expression (cf. Jacques Nerrou, « Mariages acadiens de Rochefort-sur-Mer) », dans la revue de l’association Racines et Rameaux français d’Acadie, supplément au no 34 de juillet 2005).
6 1769-08-25b ; BM Bordeaux, Ms 1480, fo 33 : « […] des familles [acadiennes] qui iraient s’établir parmi les Corses, nation rustique et à demi sauvage, […] s’exposeraient à se faire égorger par cette nation qui ne les verrait qu’avec regret et d’un œil jaloux ». Commentaires de Le Loutre sur le projet de de L’Isle.
7 1772-11-03 ; BM Bordeaux, Ms 1480, fo 186-188 : Saint-Victour : « Ce pays-ci peut certainement nourrir ses habitants mais ce n’est pas sans travail, et c’est principalement parce que la nation est paresseuse que j’ai désiré sur ce que vous m’aviez fait l’honneur de me dire des Acadiens de mettre sous ses yeux des hommes laborieux, sobres, et intelligents ».
8 Daviken Studnicki-Gizbert, « La Nation portugaise », Annales. Histoire, sciences sociales, 58, 3 (mai-juin 2003), p. 627-648.
9 1773-04-27a ; BM Bordeaux, MS 1480, fo 307-312 et AN, H1 1499 2.
10 Voir tome I, chapitre XI.
11 Des linguistes considèrent que les mots n’ont pas de sens, mais seulement des emplois. Cf. Jacques Godechot, « Nation, patrie, nationalisme et patriotisme en France au XVIIIe siècle », op. cit., p. 483.
12 Une première lettre évoque la nécessité de réunir les Acadiens « afin qu’étant en corps ils puissent mieux conserver leurs mœurs » (1773-06-08b ; ADV J Dép. 22, art. 124-1). Une autre lettre parle des « représentants du corps » (1774-12-14a ; ADV J dép. 22, art. 97).
13 « Les États sont composés du corps du Clergé, du corps de la Noblesse, du corps du Tiers État. Le parlement, les cours souveraines marchent en corps de Cour. On dit généralement des compagnies assemblées que ce sont des corps politiques. On dit aussi le corps de ville pour dire les officiers de la ville, qui sont le Prévôt des marchands, les échevins et les conseillers de ville et le procureur du roi. Les six corps des marchands à Paris, ce sont les Merciers, les Fourreurs, les Épiciers, les Drapiers, les Bonnetiers et les Orfèvres. Les marchands de vin prétendaient faire le septième corps. »
14 Les Solidarités dans les sociétés humaines, PUF, 1987. Un article d’Yves Durand dans L’Histoire aujourd’hui, Éditions Sciences humaines, 1999, reprend les grands thèmes de son ouvrage.
15 À ne pas confondre avec les « corporations » qui, selon Y. Durand, « formaient des sociétés de métier unies par un serment et placées sous la protection d’un saint ».
16 Yves Durand, « Solidarités d’autrefois », dans L’Histoire aujourd’hui, op. cit., p. 34.
17 1778-01-04 ; ADIV C 6176.
18 Ce terme, qui signifie « celui qui est élu pour prendre soin des affaires d’une communauté, d’un corps dont il est membre » selon le DA, est employé à plusieurs reprises.
19 Choiseul parle dès 1767 (1767-10-11c ; AN, Marine B3 vol. 576, fo 42) d’un syndic, mais le texte n’est pas assez précis pour qu’on soit sûr qu’il concerne des Acadiens.
20 On peut le constater en faisant quelques recherches en texte intégral dans les dictionnaires anciens et dans l’Encyclopédie. On trouve par exemple vingt-sept occurrences de la formule « corps de la nation » dans l’Encyclopédie contre seulement trois pour « corps de nation ».
21 Recherches effectuées sur le texte intégral de ces deux dictionnaires grâce aux fonctions avancées de recherche sur le cédérom « Atelier historique de la langue française », des éditions Redon.
22 Recherches effectuées une nouvelle fois en texte intégral grâce aux outils d’interrogation de l’édition électronique de cet ouvrage (projet ARTFL ; ce projet n’est accessible que sur souscription, à partir par exemple de la bibliothèque de l’Institut universitaire européen).
23 The Cult of the Nation, op. cit.
24 Cité par Bell, The Cult, p. 14.
25 Christopher Hodson, Refugees: Acadians and the social history of Empire, 1755-1785, thèse de doctorat (histoire), Northwestern University, 2004.
26 Jacques Godechot, « Nation, patrie, nationalisme et patriotisme », op. cit.
27 « Peuple » figure dans 184 documents de la base de données (mais il est aussi largement utilisé dans le sens de « pauvres ») ; « nation » dans 123, mais seulement dans 55 concernant les Acadiens eux-mêmes (détails ci-dessous).
28 1773-08-15 ; BM Bordeaux, Ms 1480, fo 435-436 : Terray à Lemoyne : « l’attachement que je vous connais pour ce peuple vous portera sans doute à l’éclairer sur ses vrais intérêts ».
29 1763-02-17a (Mémoire de Nivernais) ; nombreuses utilisations dans ce texte.
30 1772-12-30 : « ce pauvre peuple » ; 1773-05-13a : « Lors de l’expédition de M. le duc Danville, ce peuple jouissait […] de terrains immenses » ; 1773-01-19 : « Comment faudra-t-il placer ce peuple ? » ; 1772-09-14 : Lemoyne à Bertin : « peuple malheureux » (plusieurs fois employé). 1772-11-05b ; Lemoyne à Duvonel : « peuple malheureux » ; 1773-04-26 : « un peuple qui mérite les bontés [du roi] à tant de titres » ; des exemples aussi plus haut, comme 1772-12-24 : « peuple attaché à son prince », etc.
31 Nous l’avons vu ci-dessus, les dictionnaires contemporains du XVIIIe siècle notent que ce terme « nation » recouvre une dimension « nationale » (au sens moderne du mot, par opposition à « régional » ou « provincial ») et provinciale (nation de Normandie et de Picardie).
32 L’Encyclopédie avoue quant à elle que peuple est « un nom collectif difficile à définir, parce qu’on s’en forme des idées différentes dans les divers lieux, dans les divers temps et selon la nature des gouvernements ». La définition du Trévoux est, elle, très proche de celle du Dictionnaire de l’Académie duquel les auteurs jésuites se sont visiblement inspirés. La seule différence notable porte sur l’ajout de l’exemple « peuple français » : « Le peuple français aime son souverain et le souverain est occupé du bonheur de son peuple, de ses peuples ». L’ajout de « ses » (au pluriel) devant peuple dans cet exemple montre bien l’ambiguïté et la difficulté à définir s’il existe « un » ou « des » « peuples français » ; sur la distinction à faire à ce sujet, voir D. Roche, La France des Lumières, p. 292 et 287.
33 Recherche effectuée en texte intégral dans l’Atelier historique. En revanche, le Trévoux, quelques années plus tard, donne comme exemple « peuple français » (voir note ci-dessus).
34 L’Encyclopédie avoue encore une fois la difficulté à définir ce terme : « ce mot désigne un espace indéterminé ; il se dit encore de différentes portions plus ou moins grandes de la surface de la terre ». Quant au Trévoux, il renvoie lui aussi à l’État et à la province : « Le mot de pays exprime une partie plus ou moins considérable du globe terrestre habitée par un peuple, ou par plusieurs nations différentes, mais considérée sous une même nation. L’Afrique est un pays brûlé par les ardeurs du soleil. La Hollande est un pays coupé de canaux. On appelle aussi pays de petits cantons dont plusieurs font ensemble une province. »
35 Voir la définition de « nation » ci-dessus. Le terme nation est lui aussi ambigu et comprend les deux échelles distinctes (locale et nationale), en particulier dans le Dictionnaire de l’Académie (le Trévoux est plus précis).
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