Chapitre IX. Une solde suffisante, facteur d’intégration ?
p. 187-206
Texte intégral
Coût des secours
1Quelle charge représentaient les secours cumulés sur le budget du royaume ? Il est hasardeux d’évaluer l’effet exact de l’assistance, au moins jusqu’en 1781 date à laquelle Necker fait imprimer le premier compte rendu officiel des recettes et dépenses de la France. Martin estime que « les sommes déboursées par le Trésor au titre des “Secours aux Acadiens”, de 1763 à 1778, atteignirent en moyenne 300 000 livres par an, ce qui donne, pour ces quinze années seulement, un total d’environ 4 500 000 l [ivres]1 ».
2Ces chiffres rejoignent ceux qui ont été reconstitués à partir des documents existants qui permettent de calculer une moyenne annuelle de dépenses d’environ 270 000 livres2. Évidemment, le coût total est bien plus élevé puisqu’il faudrait ajouter les salaires du personnel administratif, les coûts de la correspondance, ce qui est bien sûr impossible à quantifier et qui était de toute façon compris dans les dépenses courantes de fonctionnement. Il faudrait ajouter d’autres dépenses difficiles à évaluer, comme les sommes qui sont versées aux hôpitaux pour les Acadiens malades ou invalides, les traitements particuliers de la famille Bellefontaine et d’Entremont et diverses autres aides en nature que nous avons évoquées plus haut, dont le coût des tentatives d’établissement à Belle-Île-en-Mer et dans le Poitou. Il existe également des documents qui avancent des chiffres plus ou moins précis des dépenses effectuées, pour la solde encore ou d’autres coûts comme ceux de l’établissement du Poitou. La fiabilité qu’on peut leur accorder est cependant fort variable. Les états de comptes ou la correspondance du Contrôleur général ou de l’administration de la Marine – d’où provient l’argent – sont évidemment beaucoup plus crédibles que diverses lettres comme celles de l’abbé de l’Isle-Dieu ou de Pérusse, indiquant des sommes parfois astronomiques et manifestement exagérées. Ces documents ne s’écartent guère, toutefois, de la moyenne évoquée ci-dessus.
3Les dépenses pour les Acadiens avoisinaient probablement 300 000 livres par an3. Si l’on cumule toutes les dépenses du gouvernement pendant 27 ans, on atteint des dépenses de l’ordre de 10 millions de livres tournois4. Le chiffre total fut cependant vraisemblablement inférieur, puisque tous les Acadiens ne touchèrent pas tout le temps la solde, et qu’elle fut en partie réduite à partir de 1778. L’effet de ces distributions de secours sur le budget de l’État resta donc modeste.
Six sous par jour. Une somme conséquente ?
4Nous avons détaillé dans la partie précédente les modalités de distribution de l’assistance aux réfugiés et le coût total de l’assistance pour l’État. Nous avons vu que, dans le meilleur des cas, les Acadiens recevaient six sous par jour et par personne. Certes. Mais que représentait concrètement cette somme, équivalente à 108 livres par an5 ? Ernest Martin qualifie cette somme de généreuse et conséquente6. Mais la volonté de Martin de présenter la France sous les meilleurs traits le conduit à orienter les faits. Tout d’abord, nous avons vu ci-dessus que, contrairement à ce qu’il affirme, tous les Acadiens n’ont pas toujours et en tout temps, loin s’en faut, touché six sous par jour : la situation est bien plus compliquée.
5Pour pouvoir évaluer efficacement ce que pouvaient signifier les sommes distribuées par le gouvernement, il faudrait pouvoir prendre en considération de nombreux facteurs, évaluer les sommes qu’ils pouvaient percevoir en dehors de ces secours, et les dépenses auxquelles un ménage devait faire face. Une évaluation de cette nature est quasiment impossible7.
6Au chapitre des recettes perçues, on peut distinguer principalement plusieurs aspects : les salaires payés aux Acadiens en activité, les aumônes autres que celles du gouvernement et enfin les sommes ou les biens apportés ou envoyés d’Acadie. Les dépenses effectuées par les Acadiens sont encore plus difficilement calculables. La plus importante était sans aucun doute celle du pain, qui mérite une attention particulière. Or les Acadiens ne consommaient pas seulement du pain : ils devaient aussi se loger et se chauffer, éléments qui sont assez souvent évoqués dans la documentation.
Salaire d’un journalier
7Martin compare les six sols par personne distribués par le gouvernement et le salaire de journalier du Poitou qu’il situe à « 12 sols, plus la nourriture », ce journalier devant alors nourrir avec son seul salaire toute sa famille. Or les journaliers étaient les plus misérables des paysans, vivant dans des conditions extrêmes8. La plupart ne pouvaient pas nourrir une famille avec leur seul salaire et complétaient, à la campagne, par d’autres activités, un jardin et bien sûr les fruits du travail de leurs épouses et enfants qui étaient mis à contribution très jeunes. Mais il est bien difficile d’évaluer les salaires en France au XVIIIe siècle9. Les problèmes sont nombreux : les sources restent rares et beaucoup d’activités et de travaux sont rémunérés en nature ; de surcroît, les différences régionales sont très fortes et il est extrêmement compliqué de construire des courbes nationales. « Il est plus sage d’indiquer d’abord ce qui est certain. En premier lieu, l’importance des écarts locaux ou régionaux. […] G. Frêche10 indique qu’à proximité de Toulouse un vigneron gagne en 1724 de 24 à 30 sous par jour ; mais seulement 15 à 16 dans le diocèse de Montauban, 9 dans ceux de Rieux et du Comminges. À la veille de la Révolution, un journalier gagne 30 sous par jour à Bordeaux, 24 à 28 à Rochefort ou La Rochelle, 20 dans les campagnes bordelaises ou à Pau, 15 à Tarbes ou à Limoges, 11 à 12 sous dans les campagnes aquitaines11. » Michel Morineau, quant à lui, évalue le salaire d’un journalier, au début du siècle à 112 livres par an, avec 250 jours de travail, soit un salaire quotidien de 9 sous par jour12. Contrairement à certaines idées reçues, il n’existe pas non plus d’égalité des salaires sous l’Ancien Régime : les différences sont très grandes suivant les niveaux de qualification. En 1746, un maître charpentier gagne 80 sous par jour, ses ouvriers 25 à 26 sous13. Le salaire de 12 sous par jour indiqué par Martin n’est donc guère significatif. Le commissaire de la Marine, Lemoyne, estime le salaire des Acadiens à Saint-Malo à 30 sous par jour au maximum, à laquelle somme il faut ôter les jours fériés et les jours de maladie et de chômage, ce qui réduit alors le salaire à 14 à 15 sols. Lemoyne estime cette somme insuffisante pour nourrir une famille et ajoute que beaucoup d’ouvriers ne gagnent pas autant14.
8Ces calculs semblent pertinents et réalistes15. En tout cas, ils ne semblent pas avoir convaincu les Acadiens qui escomptaient peut-être continuer à cumuler travail salarié et secours, malgré les menaces du commissaire.
Le problème du cumul
9Une autre question conditionne de manière substantielle les revenus des Acadiens. Était-il possible pour eux de cumuler leur solde avec les revenus de leur travail ? Là encore, la question est assez complexe : l’administration l’aborde de manière contradictoire.
10Au début du séjour des Acadiens en France, les instructions de Berryer sont très claires : ceux qui sont embauchés ne peuvent plus toucher de secours. Par exemple, les habitants de l’île Saint-Jean passés de Cherbourg au Havre pour y travailler comme journaliers sur le port n’ont pas le droit de recevoir la solde outre le paiement de leurs journées de travail16. Idem à Rochefort. L’interdit est répété à plusieurs reprises. Les effets secondaires de cette politique se font cependant sentir et l’administration prend rapidement conscience que cette inflexibilité n’incite guère les Acadiens à travailler puisque le salaire de leur travail n’excède guère leur solde. En même temps, de nombreux Acadiens cherchent à cumuler solde et activité parallèle, sans doute en travaillant plus ou moins à l’insu de l’administration. Plusieurs documents font référence à des Acadiens travaillant et touchant la solde en même temps.
11Une fois au moins, la possibilité de travailler et de toucher la solde en même temps est proposée officiellement aux Acadiens par Choiseul, parce qu’il y a pénurie de matelots et qu’on recourt à cette mesure comme palliatif17. Bien que l’interdiction officieuse ou officielle faite aux Acadiens de cumuler des revenus avec la solde du roi n’ait apparemment jamais été levée, il semble que les commissaires locaux se soient montrés beaucoup plus laxistes et que, à la suite de l’ordre de Choiseul, la pratique ait été fort répandue. En 1766 un certain nombre d’Acadiens cumulent les revenus tirés de leur travail avec leur solde, sans que cela semble troubler l’ordonnateur du Havre : « ils m’ont tous assuré qu’ils préféraient rester au Havre avec leur subsistance, et ce qu’ils y peuvent gagner en qualité de journaliers, que d’aller s’établir en pleine mer et sur du sable », écrit ainsi Mistral après le refus d’Acadiens de s’établir sur des terres nouvellement mises en culture en Flandres18. Praslin ne trouve rien à redire à cette pratique puisqu’il écrit en 1767 à Choiseul : « Les six sous par jour que le roi fournit à ces familles [à Saint-Malo] n’étant pas à beaucoup près suffisants pour les faire subsister, elles sont obligées de travailler pour se procurer le surplus de ce qui leur est nécessaire19. » D’autres indices témoignent du cumul qui s’opérait, comme la pétition envoyée par quatre Acadiens sexagénaires qui se plaignent de ne toucher que six sous par jour « comme tous les jeunes gens qui sont capables de travailler pour se soulager20 ». Lemoyne endosse à son tour cette pratique et propose qu’on réserve la solde aux Acadiens engagés dans l’armée pour le temps où ils sortiront de la troupe ; à ce moment-là ce petit pactole leur sera bien utile pour l’établissement, juge-t-il21. Quelques mois plus tard Lemoyne plaide pour une femme de chambre dont la paye a été suspendue. Il estime alors précisément que ce n’est pas parce qu’elle travaille qu’il faut la rayer22.
12À son arrivée au ministère, Necker interdit alors la pratique du cumul et refuse la solde à ceux qui travaillent comme à ceux qui sont susceptibles de le faire23. Il est toutefois difficile d’évaluer dans quelle mesure ces directives furent appliquées.
La contrebande de tabac
13Devant l’interdiction de cumuler travail officiel et assistance de l’État, et aux prises avec des problèmes de chômage, les Acadiens se sont rabattus assez massivement sur d’autres activités moins licites. Une bonne douzaine d’Acadiens sont arrêtés pour contrebande de tabac pour les seules années 1765 à 176924.
14Il est difficile d’évaluer l’ampleur de la fraude perpétrée par les réfugiés : une étude de la contrebande de tabac au XVIIIe siècle dans la région de Saint-Malo n’évoque pas les Acadiens25. On retrouve cependant au moins neuf procès impliquant des réfugiés pour la période couvrant de la fin de décembre 1765 à juin 1769, soit pour fraude directement, soit pour émeute ou rébellion liées au même trafic26. À n’en pas douter, ces quelques procès impliquant des Acadiens ne sont que la pointe émergée de l’iceberg27. Le comportement de certains exilés a en effet particulièrement attiré l’attention des employés des fermes du roi, lesquels soupçonnent les Acadiens de frauder massivement et collectivement. C’est ce dont témoigne par exemple le procès-verbal des événements survenus devant l’auberge tenue par Jean Thibaudeau et sa femme, à Pleudihen. Les employés de la ferme de Saint-Malo écrivent :
Ayant été informés que presque tous les Acadiens habitants de la paroisse de Pleudihen faisaient journellement et à main armée des versements et transports de faux tabacs et autres marchandises prohibées, [nous nous sommes] transportés dans ladite paroisse le huit mars 1767 où [nous nous sommes] embusqués environ cinquante pas de la maison du nommé Jean Thibaudeau, l’un d’eux, cabaretier28.
15Il est donc fort probable que de nombreux Acadiens aient été impliqués, à des degrés divers, dans ces activités de fraude qui devaient constituer un revenu d’appoint non négligeable. Ce qui est également évident, c’est qu’une partie d’entre eux entretenaient des rapports conflictuels avec les gabelous, comme en témoignent divers procès-verbaux de « rébellion » mentionnant des Acadiens. Certes, ces rébellions n’étaient certainement pas très exceptionnelles : la fraude de tabac était massive pour la région de Saint-Malo et le trafic était soutenu par « la grande majorité des habitants », qui collaboraient, activement ou passivement, notamment en achetant en quantité le tabac de fraude29.
16Le bruit de l’implication des Acadiens dans la fraude de tabac est remonté jusqu’au plus haut niveau, et cela à plusieurs reprises. Que l’on en juge par une lettre de Choiseul datée de 1767 :
Je vois par ce que vous me marquez ainsi que par un mémoire que [l’intendant de Caen] m’a envoyé […] qu’il n’est resté à Saint-Servan des familles acadiennes que les plus corrompues et qui n’y sont retenues que par la paresse, l’appas de la contrebande et la subsistance assurée qu’ils reçoivent des bontés du roi30.
17L’année suivante, le cousin de Choiseul, Praslin, est à son tour averti par des informateurs du trafic de certains Acadiens. Il intervient cependant avec davantage de compassion en faveur d’un réfugié en fâcheuse posture : ce dernier, Victor Forest dit « Mitouche », a été arrêté le 17 avril 1768 en compagnie de deux de ses compatriotes, Pierre Le Blanc et Jacques Terriot, en possession de 52 livres 4 onces de tabac31. Le 21 mai 1768, comparaissant devant le tribunal des traites de Saint-Malo, le trio est condamné solidairement à trois fois 1 000 livres d’amende32. Le 29 juillet 1768, suivant une procédure classique, le procureur du roi accède à la requête du procureur des fermes du roi de transformer l’amende non payée de Victor Forest en peine de galère33. Dans une lettre adressée au Contrôleur général, le 11 novembre 1768, Praslin demande la grâce de Victor Forest :
[Forest] a été transféré dans les prisons de Rennes pour y attendre la chaîne et être conduit aux galères de Brest. Cet homme appartient à une ancienne famille qui conjointement avec tous les Acadiens demande sa grâce ; il est père de sept enfants qu’il faisait vivre de son travail et sa faute est une suite de la misère à laquelle ils étaient tous réduits en hiver n’ayant que 6s par jour et non d’un penchant à la faute34.
18Rien n’indique que la grâce ait effectivement été accordée à Victor Forest, mais il est probable que le Contrôleur général ne se soit pas opposé à Praslin. Forest figure quelques années plus tard sur une liste d’Acadiens endettés de la région malouine, mais cela ne permet pas d’affirmer qu’il n’a pas entretemps purgé sa peine35.
19Les Acadiens étaient probablement entraînés à la contrebande pour trois raisons au moins : tout d’abord leurs conditions de vie étant particulièrement précaires, ils étaient probablement d’autant plus sollicités pour transporter des marchandises prohibées36. Par ailleurs, plusieurs témoignages font état de leur consommation personnelle importante de tabac et de ce que les Acadiens étaient habitués à ne pas payer de taxes sur ce produit37. Enfin, il est probable que leur habileté avérée en matière de navigation, leur pratique de la langue anglaise, apprise en Acadie ou lors de leur captivité en Grande-Bretagne entre 1756 et 1763, et les liens entretenus avec certains habitants de Jersey les ont particulièrement prédisposés à participer activement à la fraude38. Les Acadiens faisaient également passer des produits de contrebande dans les colonies nordaméricaines, comme en témoignent par exemple les trafics attestés entre Saint-Pierre et Miquelon et la Nouvelle-Écosse39.
20Combien ce trafic pouvait-il rapporter aux Acadiens ? Il est probable que le commerce de « faux tabac » ait été très fructueux pour les commanditaires malouins, malgré les risques encourus. Cependant, il est bien difficile d’évaluer les rémunérations que pouvaient toucher les exécutants, notamment acadiens. Les seules indications tangibles qui nous sont fournies à ce sujet sont celles de l’interrogatoire de Caret et Landry en juillet 1768. Il n’est aucunement certain que les deux inculpés aient dit la vérité ; ils cherchent probablement à minimiser les montants perçus. Mais les informations qu’ils donnent sont tout de même plausibles et restent les seules dont nous disposons. Ainsi, Honoré Caret, « navigant de profession » déclare que la cargaison de tabac saisie « appartenait en propre aux dits Gascon et Pierre », deux complices qui ont pu s’enfuir, et « qu’il n’était payé que 30 livres en argent pour son voyage et conduire ledit bateau, qu’il ignorait le prix du tabac et sa destination, mais seulement qu’ils devaient le débarquer au port Saint-Jean ». Quant à Pierre Landry, il prétend n’avoir reçu aucun salaire, mais seulement une certaine quantité de tabac. Il déclare « qu’il avait été engagé par lesdits Gascon et Pierre à faire le voyage de Jersey, qu’il n’avait aucun salaire mais seulement part d’un demi cent de tabac dans le bateau, qu’il en ignorait le prix parce que lesdits Gascon et Pierre en avaient fait l’emplette, qu’ils devaient lui vendre et lui en tenir compte40 ».
21Un cent correspondait à une mesure de cent livres41. La part revenant à Pierre Landry aurait donc été de 50 livres de tabac. Selon le témoignage d’Anselme Boudereau, rapporté dans un procès-verbal dressé par les gabelous, le tabac était vendu autour de 27 sous la livre (poids)42. Au total donc, le gain pour Pierre Landry aurait été d’environ 70 livres. Les sommes que touchaient les intermédiaires semblent avoir été toujours relativement faibles. Des particuliers transportent ainsi des petites quantités de tabac pour des sommes modiques : une femme dit avoir reçu six sols pour sortir six livres de tabac de la ville de Saint-Malo ; une autre reçoit promesse de 3 livres pour passer le tabac intra-muros43.
22Il est à noter que les quantités saisies dans trois des affaires impliquant des Acadiens soit Jean Thibaudeau et Étienne Terriot (484 livres), Caret et Landry (1637 livres) de même que Joseph Aucoin et Pierre Boudiche (398 livres 6 onces), sont plus élevées que la moyenne. En effet, selon les calculs effectués par Aubert, sur 282 sentences pour lesquelles le poids de tabac saisi est précisé, 60 % des saisies étaient inférieures à 10 livres de tabac ; les saisies entre 10 et 100 livres et supérieures à 100 livres représentaient respectivement 25 % et 15 % des sentences. En ce qui concerne les Acadiens, ce sont trois prises sur les six qui dépassent les cent livres et la saisie effectuée dans le bateau piloté par Caret et Landry est même citée par Aubert comme exemple d’une belle prise.
23Au total, il est encore une fois bien difficile d’évaluer les gains faits par les Acadiens au moyen de ce trafic de tabac. Une énigme demeure : comment les Acadiens condamnés sont-ils parvenus à payer les 1 000 livres auxquelles ils furent assujettis, étant donné leurs précaires conditions d’existence ? Il est possible que les commanditaires dont nous avons parlé plus haut aient réglé au moins une partie de l’amende. Il est aussi possible que certains Acadiens aient travaillé à la transformation du tabac en poudre, forme la plus appréciée, pour des salaires qu’il est encore une fois difficile à évaluer44.
24Enfin, les Acadiens ne transportent pas seulement du « faux tabac », mais aussi des morues de contrebande45. Le procureur des fermes du roi demande d’ailleurs que Boudereau soit condamné à une amende de 3 000 livres pour le « versement » de ces morues.
Prix et impositions : variations géographiques et temporelles
25Quand bien même la somme de six sous par jour n’aurait effectivement pas représenté une somme insignifiante en 1758 dans un budget familial, il n’en reste pas moins que les prix à la consommation ont considérablement évolué entre 1758 et 1785. En effet, et bien que les variations régionales et géographiques aient été importantes, il y a une hausse générale des prix en France à partir de 1730. Cette hausse se poursuit au moins jusqu’en 1778, date à partir de laquelle s’installe une régression agricole qui traverse toute la fin du règne de Louis XVI46. Par ailleurs, les prix varient énormément d’une année à l’autre, au gré des saisons et d’un produit à l’autre. Pendant le séjour des Acadiens en France, donc, les prix augmentent de manière modérée mais continue, avec des paliers. Le « pouvoir d’achat » des Acadiens, à somme constante, diminue. À partir de 1768, les circonstances s’aggravent pour la population française : le pain est cher ; la dégradation culminera avec les crises de subsistance de 1770-1771 et 1775, et surtout avec la disette de 1788-178947.
tableau 3. Acadiens impliqués dans des procédures de fraude de tabac dans la région de Saint-Malo (1766-1768)

Différences d’impositions et de prix
26Si les salaires et les prix varient en fonction des régions, c’est également très nettement le cas pour les impositions qui influent fortement sur le pouvoir d’achat52. Ainsi, pour prendre un exemple extrême mais qui donne une idée de l’ensemble, le prix du sel pouvait varier entre ½ sou et 12 sous la livre suivant les régions53. Les Acadiens habitant Cherbourg – qui demandent à plusieurs reprises des exemptions de taxes sur le sel et le tabac – sont moins bien lotis de ce point de vue que ceux habitant la Bretagne, région très favorisée par le faible taux des impositions et où il n’existait pas de gabelle notamment54. C’est ce que constate pragmatiquement Necker dans son Traité sur l’administration des finances en 178555.
27L’alimentation restait, avant la Révolution, le poste budgétaire principal des familles modestes. « La seule dépense en pain d’une famille […] prenait en temps ordinaire une moitié ou un peu moins des gains, en raflait 80 à 90 % dans une disette et parfois les dépassait56. » Les hommes consommaient quotidiennement près de deux livres et demie de pain, soit environ 1200 g, et les femmes une livre et demie, soit environ 750 g et un enfant de 12 ans une livre57. Ces quantités sont peut-être un peu élevées58 ? Un observateur s’étonne en effet à propos des Acadiens – tout juste débarqués, affaiblis et affamés par les privations du voyage transatlantique : « Ces peuples paraissent de grande vie, et je doute qu’ils ne mangent pas deux livres de pain par tête59. » Selon un auteur, avant 1750, le pain vaut ordinairement 3 à 4 sous la livre mais, après de mauvaises récoltes, il peut atteindre 6 à 8 sous60. L’estimation est un peu forcée, au moins en ce qui concerne Cherbourg, puisque dans une lettre un Acadien se réjouit que le prix du pain soit redescendu à un niveau bien inférieur : « depuis un an le pain est à meilleur convention qu’il n’a été par le passé car il y a sept ans que la famine est en France. Le pain y valait quatre sols la livre et à présent il ne vaut plus que deux sols la livre61 ». On voit cependant que même à deux sous la livre de pain un homme en activité mangeait pour l’équivalent de quatre à cinq sous par jour rien qu’en pain. Les autres aliments sont encore plus chers : « ces gens accoutumés au laitage sont obligés de payer le pot de lait 4s et le beurre 8 à 9 s. la livre » écrit encore le témoin cité plus haut62. En fait les sommes quotidiennes dépensées pour les vagabonds mis de force dans les dépôts de mendicité montaient, pour la nourriture, en 1767, à cinq sous par jour et par individu, ce qui permettait difficilement d’acheter « une livre et demie de pain, quatre onces de légumes et deux onces de riz63 ». Bref, six sous ne permettaient pas d’aller bien loin.
28La « générosité » du gouvernement français évoquée par Martin prend encore un autre visage si l’on compare les sommes distribuées aux Acadiens avec d’autres revenus contemporains. Tout d’abord, les officiers canadiens ou ayant servi au Canada et revenus en France, nobles pour la plupart, touchaient entre trois et six fois plus, c’est-à-dire entre 300 et 600 livres par an64. Ces personnes disposaient en outre certainement d’autres revenus et capitaux, comme en témoignent notamment les riches inventaires après décès retrouvés dans les archives départementales d’Indre-et-Loire65. Les prisonniers de guerre anglais touchent également des sommes supérieures à celles qui sont obtenues par les Acadiens, mais il est possible que ces sommes aient été remboursées ensuite par l’Angleterre. Le ministre de la Marine, Berryer, recommande en 1758 de ne pas donner plus de « 24 s. aux officiers des vaisseaux du roi d’Angleterre et 12 s. aux gardes de la Marine66 ». Finalement, en 1771, le ministre de Boynes réclame pour l’abbé Le Loutre un bénéfice de 3 000 livres67.
L’opinion des contemporains
29La documentation donne elle aussi souvent des appréciations sur le montant des secours. De ce point de vue, les correspondants sont tous d’accord : les six sous par jour sont insuffisants pour vivre. Ainsi, dès le début, les administrateurs intercèdent auprès du gouvernement pour que des sommes supérieures soient versées aux Acadiens. Le ministre de la Marine répond ainsi à l’intendant d’Amiens que « le secours de six sols que je […] fais donner par jour est tout ce que je puis faire [pour les Acadiens] dans les circonstances présentes68 ». Sollicité à nouveau sur le même sujet, le ministre s’en explique très ouvertement : « les secours qui ont été réglés pour ces familles ne devant être que passagers, ils ont été fixés à une somme modique par jour afin qu’elles cherchent par leur travail à se procurer un état plus avantageux69 ». Quelques années plus tard, le maire de Morlaix n’hésite pas à qualifier la paye de six sous par jour de « paye médiocre70 ». L’abbé de l’Isle-Dieu, quant à lui, écrit à propos de quatre jeunes Acadiens : « ils sont très pauvres puisqu’ils n’ont pour toutes ressources que les 6 s. par jour de subsistance que le roi leur donne71 ». Un an plus tard, le commissaire des classes de Cherbourg dresse un tableau touchant de la misère des familles acadiennes qui ont le malheur de ne pouvoir compter que sur la solde pour vivre :
Leur état vous toucherait sûrement si vous le voyiez […] il en est [des femmes] qui réduites à garder le lit par leurs infirmités, n’ont pas une paire de draps à changer, d’autres n’ont qu’une seule chemise, d’autres n’ont point de hardes pour se garantir du froid ; ajoutez à cela la cherté des vivres les plus communs, qui augmente chaque jour72.
30La situation empire quand les prix augmentent et alors même que la décision a été prise de réduire encore leur solde à trois sous pour les enfants. Le ministre de la Marine lui-même s’en alarme en 1768. Il est impossible pour les réfugiés, écrit-il, « notamment depuis la cherté du pain, de se soutenir avec la subsistance […] de 6 s. par homme ou femme et de 3 s. pour chacun de leurs enfants, au dessous de 11 ans. Le travail ne leur présente qu’un très faible supplément73 ». En 1771, Le Loutre plaide à son tour en faveur des Acadiens auprès du ministre en des termes proches et conclut que « depuis trois ans on les a vu passer des 7 à 8 mois sans rien toucher de la subsistance qu’il a plu à sa majesté de leur accorder, et pendant l’hiver de ces trois années on en a trouvé morts de misère et de faim74 ». Il est à remarquer que ce témoignage de Le Loutre est le seul document affirmant que des Acadiens sont morts de faim en France75. Quelques années plus tard, Pérusse estime qu’il est impossible que les réfugiés puissent espérer vivre dans le Poitou comme à Saint-Malo sans dépenser au moins 9 à 10 s. par jour et par personne. Il serait impossible de leur donner de la viande et du pain de froment pour le montant de leur solde76. Lemoyne remarque quelques mois plus tard que le coût de la vie à Châtellerault est d’autant plus élevé que les habitants abusent de la situation et vendent les denrées plus cher que leur prix habituel77.
31Les Acadiens eux aussi affirment que la paye qui leur est distribuée est bien maigre pour vivre. Il semble toutefois possible de survivre avec cette somme, quoique dans des conditions déplorables, puisque Marguerite Landry écrit en 1773 à ses beaux-frères : « Nous n’avons reçu aucune chose depuis que nous sommes en France que la solde de six sols que le roi nous a accordée. Vous jugerez bien par là que nous sommes dans une assez triste situation et ne pouvant rien gagner par nous-mêmes dans ce pays78. » D’autres Acadiens se plaignent que « la pension alimentaire de 3s par jour n’est pas suffisante aux mineurs vu la cherté des denrées » et réclament le paiement d’arrérages ou l’inscription sur la liste des secours d’individus qui n’y ont pas été inclus79. En revanche, et même si les Acadiens se plaignent souvent de leur condition misérable, ils ne réclament jamais davantage que les six sous qui leur sont distribués80, qui sont tout de même qualifiés dans un placet de « très petite pension81 ». Dans un document ultérieur82 – adressé aux autorités espagnoles, donc plus libre de critiquer la France –, Olivier Terriot, résumant les conditions de vie de ses compatriotes à Nantes avant leur départ pour la Louisiane, estime que la solde ne permettait qu’une vie « misérable » : « ils vécurent misérablement jusqu’en 1785 […]. Je dis misérablement car leur prêt [sic] qui était de six sous par jour, pour chacun, fut bientôt réduit à trois sous, en attendant, leur disait-on, qu’on pût effectuer la promesse qui leur avait été faite de leur donner des terres ». Si les témoignages comme celui de Terriot sont rares, il est plausible que des demandes officieuses ou orales aient été faites aux personnes chargées localement de distribuer les secours.
32Faut-il pour autant accorder une confiance aveugle aux documents concernant l’insuffisance des sommes distribuées ? Il ne faut pas tomber dans l’excès inverse de celui de Martin : les administrateurs locaux ont tout intérêt à réclamer des secours supplémentaires de la part du gouvernement central pour leurs administrés ; cela ne leur coûte pas grandchose. Un document au moins indique que les Acadiens parvenaient à mettre de côté une partie des secours qui leur étaient distribués. Ainsi, en 1765, un document évoque le cas des Broussard, une sœur et deux frères acadiens, ayant été spoliés « d’une somme de 110 l. épargnée de leur subsistance ». Il est toutefois fort possible que, dans ce cas précis, les deux frères aient travaillé et touché les secours en complément, ce qui, en combinant deux salaires et trois soldes, leur aurait permis de vivre dans une relative aisance et d’épargner cette somme « qu’ils avaient ménagée pour faire apprendre un métier à leur sœur », précise le texte83. Plusieurs autres documents laissent croire que les Acadiens ne furent pas tous et toujours dans la misère.
33Par exemple, à Nantes, on retrouve dans les registres de délibération du conseil municipal, en 1782, une délibération84 à la suite d’une requête d’exemption de « voiturage des troupes85 » faite par Basile Henry à l’intendant, et transmise par ce dernier à la municipalité pour avis. D’après ce qu’on peut reconstituer à partir du texte, Basile venait d’acheter des bœufs, et il est possible que des voisins aient réclamé qu’il participe au transport des troupes et au logement des gens de guerre, double corvée à laquelle étaient assujetties les personnes d’une certaine aisance. Les membres du conseil municipal, compatissant, prennent fait et cause pour Basile : « quelques personnes ont pu prendre pour un signe d’aisance [et] de bien-être les bœufs qu’il [Basile] a achetés depuis peu, mais elles se sont bien trompées. Il a fait cette emplette avec l’argent d’un bienfaiteur dans l’espoir que ce serait un moyen de fournir aux besoins de sa famille un peu plus largement », précise le « bureau86 ». Résumant probablement les arguments d’Henry lui-même, les conseillers expliquent que l’Acadien n’arrive à nourrir sa nombreuse famille qu’avec beaucoup de difficultés. Ils préconisent donc qu’Henry soit exempté de cette corvée. Même s’il est difficile, à partir de ce texte, de se faire une idée précise de la situation matérielle de Basile Henry, le discours sur la difficulté à nourrir sa famille, auquel la municipalité fait écho, doit être pris avec circonspection : une paire de bœufs valait, à l’époque, environ 300 livres, somme conséquente qui prouve certainement qu’Henry n’était pas si misérable qu’il le dit87. Par ailleurs, on retrouve également à Nantes le cas d’une Acadienne, servante, dotée en 1790 d’une somme – importante à l’époque – de 1 200 livres, dont l’origine n’est pas connue88. Bref, tous les Acadiens n’étaient probablement pas misérables, ni dans l’absolu ni comparativement à leurs voisins.
Conclusion
34Au-delà des discours, il est bien difficile de savoir précisément ce que pouvaient représenter pour les Acadiens les sommes distribuées. Étaientelles suffisantes pour vivre sans travailler à côté ? Il semble que quelques Acadiens, malades ou grabataires, aient pu vivre de la seule solde, de manière misérable. Cependant, il est probable qu’ils recevaient alors des aides sous d’autres formes : logement gratuit ou à prix réduit, charités diverses des voisins, de la famille ou de compatriotes. Certes six sous par jour n’était pas une somme insignifiante. Elle représentait sans doute un montant un peu plus important pour les réfugiés de la région de Saint-Malo que pour ceux de Cherbourg, assujettis à de lourdes impositions ; cette somme était certainement plus significative à l’arrivée des Acadiens en France, époque où le pain était relativement bon marché, qu’au moment de leur départ vers la Louisiane, où non seulement la solde avait été réduite nominalement de 6s à 3s, mais également à plus forte raison en monnaie constante. Ainsi, contrairement à l’impression qui se dégage à la lecture du texte de Martin, cette aide – même au début – était probablement à peine suffisante pour vivre, et encore très médiocrement : elle permettait tout juste à un homme d’acheter son pain quotidien, quand les années n’étaient pas trop mauvaises.
35La question de savoir si la France fut généreuse envers les Acadiens est finalement ici simple affaire d’appréciation : on peut juger qu’elle a fait le minimum vital ou qu’elle a fait son maximum. Là n’est d’ailleurs pas la question : il ne s’agit pas de juger, surtout à l’aune de nos critères contemporains, les mécanismes d’assistance encore embryonnaires de l’État. Comme souvent dans ces cas-là et à moins de remettre en cause les structures mêmes de la société d’Ancien Régime, la marge de manœuvre budgétaire était étroite. La somme était relativement généreuse pour les personnes qui pouvaient travailler à côté et qui touchaient la paye en complément. Cette dernière situation, peut-être tolérée à l’échelle locale, était toutefois interdite par les ministres, qui consentaient seulement à ce que les pères de familles nombreuses cumulent travail et solde pour leurs enfants89. À de nombreuses autres reprises, le secrétaire d’État donne des instructions pour que les Acadiens ayant trouvé du travail soient rayés des listes des secourus. En raison précisément de cette interdiction officielle de cumuler solde et emploi, il est difficile de savoir si les Acadiens ont travaillé massivement ou non, au début de leur séjour en France tout au moins. Après leur départ du Poitou il ne fait pas de doute que la quasi-totalité des Acadiens travaillaient ou cherchaient à travailler puisque la paye avait été réduite considérablement, que les retards étaient très importants et que, par conséquent, les Acadiens ne pouvaient plus compter dessus pour vivre.
36Pour ceux, en revanche, qui n’avaient pas la possibilité de travailler, les personnes âgées ou grabataires, notamment, la solde – quand elle était versée – était sans doute tout juste suffisante pour ne pas mourir de faim. C’est une grande fragilité qui caractérise donc la situation des Acadiens. La solde les assimile à des salariés et, comme tous les salariés des sociétés où l’inflation n’est pas stabilisée et où les prix des matières de première nécessité sont très fluctuants, les Acadiens sont des précaires90. Au total, si les six sous avaient été distribués en temps et heure, ils auraient probablement constitué une somme relativement élevée pour ceux qui pouvaient compléter par une activité rémunératrice, notamment en raison de la rareté du numéraire dans la société d’Ancien Régime. Mais le fait que les secours étaient probablement très irrégulièrement versés, qu’ils aient été diminués pour les enfants à partir de 1768, puis pour tous à partir de 1778, a obligé les Acadiens à contracter des dettes importantes, qui ont à leur tour entraîné un grand nombre de familles dans un lien de dépendance et de paupérisation inextricable.
Les secours, facteur d’intégration pour les Acadiens ?
37Pour finir, il faut revenir à notre question initiale. Les secours ont-ils contribué à l’intégration économique et sociale des Acadiens ? Nous avons vu précédemment que l’avis unanime des administrateurs était que les secours avaient été plutôt néfastes économiquement sur le moyen et le long terme pour les réfugiés : la crainte de perdre leur solde aurait rendu les Acadiens paresseux. Il est difficile cependant de savoir dans quelle mesure ces accusations ne sont pas principalement motivées par l’objectif premier des administrateurs : diminuer les dépenses.
Une aide à l’intégration
38En réalité, il convient ne pas se laisser obnubiler par cette première impression colportée par les administrateurs. Il semble bien que l’insertion économique d’un bon nombre d’Acadiens se soit réalisée, au moins en partie, grâce à l’aide gouvernementale. Les distributions de ces quelques sous ont permis aux Acadiens de survivre et parfois d’acheter un minimum d’ustensiles nécessaires à leur labeur. Mais ils forment la masse silencieuse qui n’apparaît que rarement dans la documentation, car ils ne posent pas de problèmes. Il est probable que la grande majorité des personnes qui refusent de partir en Louisiane, ou qui ouvrent de petits commerces de détail, par exemple, ont pu réunir le petit capital nécessaire au démarrage de leur activité grâce à l’aide de la solde.
Un frein indirect
39Les reproches adressés à la subsistance distribuée par l’État comme incitant les Acadiens à la paresse sont en partie également injustifiés : plutôt que l’assistance elle-même, ce sont davantage les injonctions ministérielles tendant à supprimer de la liste des bénéficiaires de la solde les Acadiens qui travaillent, qui firent éventuellement « la guerre à l’industrie », puisque l’interdiction de cumuler emploi et solde obligeait les réfugiés à un choix impossible. Les secours en eux-mêmes n’ont probablement pas eu d’effet négatif puisqu’on a vu que la somme de six sous par jour et par personne était certainement tout juste suffisante pour vivre, dans les bonnes années : les réfugiés qui pouvaient travailler ne s’en contentaient certainement pas quand ils en avaient la possibilité. Enfin, d’autres facteurs dont les administrateurs ne parlent pas ont peut-être contribué davantage à inciter les Acadiens à ne pas travailler pour conserver la paye. Ces derniers, s’attendant à tout moment à repartir là où le gouvernement avait besoin d’eux, hésitaient sans doute à se faire embaucher dans les endroits où ils résidaient, et préféraient miser sur les secours du roi dont la pérennité leur semblait plus assurée.
40Pour autant, il ne faudrait pas non plus rejeter en bloc les reproches adressés aux distributions de secours par les administrateurs : les effets pervers qu’ils décrivent représentent à n’en pas douter une certaine réalité. Des cas d’Acadiens ayant refusé des emplois pour conserver les secours du gouvernement sont tout à fait plausibles, mais il est cependant impossible d’évaluer l’ampleur du phénomène. Il ressort clairement de l’étude des dossiers de demandes de dispenses de consanguinité de l’évêché de Coutances que la distribution d’une solde journalière aux Acadiens a constitué un frein à l’intégration sociale, puisque l’argument le plus employé par les réfugiés pour demander à se marier avec un ou une de leur compatriote est précisément lié à cette question. Ils disent tous ne pas vouloir se marier avec des Français car ils ont besoin de la solde du conjoint pour vivre91.
41Par ailleurs, les distributions de secours semblent avoir généré une mauvaise opinion et une certaine rancœur des populations locales à l’encontre des réfugiés. C’est par exemple l’opinion du procureur de « l’adjudicataire général des fermes du roi ayant monopole de la vente de tabac » de la cité corsaire :
Personne n’ignore en cette ville [de Saint-Malo] avec quelle licence les Acadiens y abusent des bienfaits du souverain [c’est-à-dire de la solde] pour se livrer à l’impudent exercice de la fraude [du tabac]. Il est temps que le zèle éclairé du ministère public éclate pour réprimer cette licence92.
42Nous étudions plus loin cette question plus en détail, mais, si les faits sont véridiques, ils ont probablement engendré une difficulté supplémentaire à s’intégrer socialement.
43L’assistance gouvernementale a en fait probablement joué un rôle particulièrement néfaste vis-à-vis de l’intégration des Acadiens pour une autre raison. Nous avons vu que les promesses du gouvernement en matière financière se concrétisaient souvent avec beaucoup de retard. Or tous ces retards entraînent de graves conséquences pour les Acadiens. Ces derniers sont en effet très souvent contraints d’avoir recours au crédit pour survivre. Cet aspect – qui est abordé dans de nombreux documents, mais que nous nous contenterons ici d’illustrer par quelques exemples – doit bien sûr être examiné si l’on veut comprendre aussi comment les Acadiens pouvaient vivre avec leurs six sous.
44Les Acadiens ont à n’en pas douter, dès le début, une marge de manœuvre financière très faible. Même si certains ont amené avec eux un peu d’argent et quelques effets de valeur93, la plupart dépendent entièrement des secours qui leur sont distribués. Or, comme les secours arrivent très tard, les Acadiens sont rapidement contraints de recourir au crédit. L’administration ne fait rien pour corriger cette situation. C’est même Berryer, qui, le premier, suggère de recourir à ce moyen pour pallier les propres déficiences de la Marine : « en attendant que les fonds vous paraissent, il est nécessaire que vous engagiez les boulangers à leur fournir du pain ; ils ne tarderont pas à en être payés », écrit-il ainsi à l’intendant à Rochefort seulement trois mois après l’arrivée des premiers rapatriés94. Des arrangements similaires avec les boulangers sont pris à Saint-Malo en 177395. Dans ce port, comme Guillot s’est porté caution de plusieurs familles de l’Amérique septentrionale auprès de boulangers, les secours sont même prolongés au-delà de la date réglementaire pour que le commissaire n’ait pas à se dédire96. Les boulangers sont parfois autorisés à prélever à la source les revenus des Acadiens pour rembourser les dettes. Ce sont du moins les instructions données par Lemoyne à l’un de ses collègues à La Rochelle97. Il n’y a pas qu’à Saint-Malo et à Rochefort que les Acadiens contractent des dettes et les boulangers ne sont pas les seuls créanciers. À Cherbourg, ce sont les habitants de la ville qui font des avances aux malheureux exilés, par générosité, selon le commissaire des classes à Cherbourg ; cette générosité trouve cependant rapidement ses limites. De Francy écrit ainsi que les retards de paiement atteignent bientôt neuf mois98.
45Le loyer de l’argent n’est jamais évoqué de manière suffisamment précise dans les documents pour que l’on puisse déterminer un quelconque taux d’intérêt qui de toute manière dépendait des situations et des lieux, mais il ne fait pas de doute que l’argent n’est pas ordinairement prêté aux Acadiens gratuitement. On sait que l’Europe catholique prohibait en théorie le crédit, mais la pratique révèle une autre réalité. Non seulement le crédit était largement pratiqué en France, mais « des taux légaux, fluctuants au gré des États, sont partout imposés dans l’Europe catholique99 ».
46Les taux étaient probablement assez élevés, voire usuraires. Le Fer de Chanteloup, maire de Saint-Malo, déplore ainsi que les Acadiens – à cause des retards de paiement de 6 à 8 mois – ne pouvaient « rien acheter qu’à crédit, et par conséquent beaucoup plus cher que s’ils étaient payés à la fin de chaque mois100 ». Lemoyne fait des remarques similaires au sujet d’Acadiens passés dans le Poitou101. Quelques mois plus tard, ce sont les Acadiens restés à Morlaix qui se plaignent des retards de leur solde : « La détention de notre solde […] nous est très aggravante, en ce qu’elle nous occasionne de contracter des dettes même pour le nécessaire, où il faut souvent payer au double la ration parce que le créancier ne peut souvent différer et même perd si son argent tarde à rentrer102. » Ils joignent un certificat de leur boulanger attestant d’une créance de 1 200 livres103 !
47Les dettes des Acadiens les maintiennent aussi dans une situation de dépendance vis-à-vis de leurs créanciers et de l’administration. Cette dépendance agira également comme un frein constant à l’émigration – souvent désirée – des Acadiens ; même en 1785, alors que le gouvernement a agréé le départ pour la Louisiane, il faut au dernier moment que l’ambassadeur d’Espagne en France demande un paiement d’urgence des arrérages de solde pour que les Acadiens endettés puissent s’embarquer104. Dans certains cas, trop de dettes empêchent le départ. C’est ce qui ressort de la lecture d’un « état des Acadiens qui restent en France » : « Anastasie Levron veuve Lejeune [et six enfants] : remarque : a touché les six derniers mois de 1784 avec ceux qui sont passés en Espagne [sic], n’est pas partie à cause de ses dettes105. » Olivier Terriot fait également allusion à ses problèmes personnels d’endettement au moment de l’embarquement pour la Louisiane, ainsi qu’à ceux, collectifs, de ses compatriotes106. À quelques jours du départ, Terriot évoque un curieux accord entre la France et l’Espagne pour que les Acadiens ne partent qu’une fois leurs dettes réglées. Or, selon Terriot, la France devait encore aux réfugiés six mois de solde. « Les Acadiens, se voyant donc si durement serrés entre un débiteur inattaquable et des créanciers autorisés prirent tout d’un coup le parti de ne point partir » écrit-il. Après négociation, l’intendance de Rennes accepte de payer les arrérages107. Les réfugiés sont donc maintenus jusqu’au bout dans un état de dépendance vis-à-vis du bon vouloir de l’administration.
48Ce « lien de la dette » ne facilite certainement pas l’intégration des Acadiens puisqu’il les force à entretenir des situations conflictuelles avec leurs bailleurs de fonds. Même si ce lien de dépendance n’est que rarement évoqué directement par les Acadiens, il transparaît toutefois dans un certain nombre de leurs pétitions. Charles de Mius d’Entremont décrit la situation défavorable dans laquelle il se trouve réduit et ses difficultés avec ses créanciers, et plaide pour le prompt versement des secours qui lui ont été promis : « je suis forcé d’acheter à crédit les choses dont j’ai besoin et mes créanciers se lassent de ne rien recevoir, écrit-il. Il est dur pour moi de ne pouvoir les satisfaire et d’être continuellement obligé de faire de nouvelles dettes que les longues maladies de ma femme et de ma fille ont encore multipliées108 ».
49L’étendue des dettes contractées par les Acadiens est difficile à évaluer quantitativement, mais on peut toutefois en avoir quelque idée. À la mort d’un ancien habitant de l’île Saint-Jean exerçant à Saint-Malo la profession de savetier, ses compatriotes envoient une lettre au ministre dans laquelle on apprend que le défunt a au total près de 300 livres de dettes, soit pratiquement trois ans de solde109. Un autre document de 1778 révèle l’étendue des dettes contractées par les familles acadiennes du département de Saint-Malo et pour lesquelles un prélèvement à la source des secours qui leur sont distribués est autorisé. Il s’agit d’un « état des dettes des familles acadiennes du département de Saint-Malo jusqu’au 1er janvier 1778 », en fait une liste comportant en tout 391 familles, bref la plus grande partie des familles acadiennes de la région de Saint-Malo. Les sommes dues peuvent atteindre ou dépasser 800 livres, comme celles qui sont réclamées à Victor Forest, un Acadien précédemment condamné à mille livres d’amende pour avoir fait le trafic du tabac, endetté de 783 livres, ou à René Landry dont la dette atteint 830 livres. Toutefois, la moyenne des endettements, par famille, est de 90 livres.
Conclusion
50Quel bilan tirer de ces réflexions sur cette assistance financière aux réfugiés ? Il semble que les ministres et les intendants aient avisé en fonction des circonstances, des budgets, des pétitions et de leur perception de ce que pouvait être la situation des individus concernés. Si l’assistance a été impulsée depuis le sommet de l’État, au gré des changements d’humeur ou des contraintes des ministres, les arrangements locaux semblent une fois encore avoir prévalu, et l’on ne décèle guère de volonté d’uniformisation des distributions. Alors qu’on prévoit une distribution de secours pour quelques mois seulement, ils sont renouvelés d’année en année jusqu’à la Révolution et au-delà.
51À n’en pas douter, les distributions de secours ont donc dû paraître bien aléatoires aux Acadiens qui ne savaient jamais à l’avance ce qui allait leur être distribué. L’incertitude au sujet des sommes sur lesquelles ils pouvaient compter a nui considérablement à leur intégration, puisqu’ils ne pouvaient pas faire de prévisions financières, ne serait-ce qu’à moyen terme. Les subsides ont sans doute pu être un outil d’intégration économique particulièrement efficace en jouant un rôle de microfinancement au sein d’une population fréquemment dépourvue du minimum de numéraire nécessaire pour commencer une activité. Mais l’interdiction de cumuler revenus du travail et paye du roi et la grande difficulté de faire bénéficier un conjoint « français » des secours ont joué un rôle négatif, tout en engendrant possiblement du ressentiment parmi les populations locales. Les distributions aléatoires et les retards ont probablement limité considérablement leurs effets positifs sur les Acadiens, rapidement aux prises avec la spirale de l’endettement.
Notes de bas de page
1 E. Martin, Les Exilés, op. cit., p. 258.
2 Pour plus de détails sur cette partie voir p. 231 et suivantes de ma thèse.
3 À titre de comparaison, la Du Barry, maîtresse de Louis XV, dépensait la même somme chaque mois pour ses dépenses personnelles. Hubert Méthivier, Le siècle de Louis XV, Paris, PUF, 1994 (9e édition corrigée), p. 121.
4 Les dépenses pour l’établissement de Belle-Île montèrent à 56 000 livres (1767-05-23 ; Arch. générales de la Congrégation du Saint-Esprit, notes de A. David, boîte no 430, dossier 7). Quant au coût effectif de l’établissement du Poitou, divers chiffres ont été avancés. E. Martin indique une dépense de 1 072 409 livres. Un rapport ultérieur mentionne cependant une somme supérieure : la dépense faite jusque-là s’est trouvée monter à 1 730 000 dont un tiers environ a été employé pour la solde des Acadiens, un dixième en fourniture d’ustensiles, de bestiaux et autres, et le surplus en frais de construction et d’ateliers (1782-04-05 ; AN F15 3495).
5 Si la livre tournoi est la monnaie de compte officielle du royaume depuis 1667, elle ne circule pas de manière concrète. Il n’y a pas de pièce de 1 livre tournoi, par exemple, mais seulement des pièces d’or, d’argent ou de cuivre. Chaque livre équivaut à 20 sous (ou sols), qui eux-mêmes valent 12 deniers. Le terme « franc » est un simple synonyme de « livre » (Dictionnaire de l’Académie). Le cours officiel de la livre était fixé par le pouvoir royal. (Zysberg, La monarchie des Lumières, op. cit., p. 96).
6 Voir Ernest Martin, Les Exilés, op. cit., p. 33.
7 Daniel Roche rappelle la difficulté des historiens à calculer des budgets populaires au XVIIIe siècle, et met en garde contre le peu de représentativité de ces calculs (La France des Lumières, op. cit., p. 554s).
8 Jean Jacquart, « Journaliers », Lucien Bély, Dictionnaire de l’Ancien Régime.
9 Jean-Pierre Poussou, « Crises de subsistance », « Salaires » et « Prix », Lucien Bély, Dictionnaire de l’Ancien Régime ; Ernest Labrousse, Esquisse du mouvement des prix et des revenus en France au XVIIIe siècle, Paris, 1932, rend compte, au terme de son étude, de la difficulté d’établir des salaires moyens, notamment en raison de l’impossibilité d’isoler les salaires à proprement parler des autres formes de rémunération. Labrousse notait les fortes différences selon les époques, les régions. En 1793, il évalue le salaire moyen d’un travailleur non qualifié à 1 l. 3s. 4d. en ville, et 1 l. 6 d. à la campagne (p. 460). Une étude plus récente, celle de Gérard Béaur, note également qu’il est très difficile de construire une courbe des salaires au siècle des Lumières. Selon cet auteur, cependant, les salaires accusent un fort retard sur les prix. Alors que ces derniers augmentent de près de 60 % entre 1726-1741 et 1785-1789, pendant le même temps, les salaires ne progressent que de 25 % environ. Par exemple à Toulouse les rémunérations moyennes passent de 12 sols à 15 sols entre 1722-1726 et 1784-1789, c’est-à-dire de l’indice 100 à l’indice 125 alors que les prix, eux, bondissent dans le même temps de l’indice 100 à l’indice 162. Mais la réalité n’est pas homogène. Dans certains autres endroits, les salaires augmentent de 80 %, et l’on observe un fort rattrapage des salaires sur les prix dans les dernières années de l’Ancien Régime. Histoire agraire de la France au XVIIIe siècle, Paris, 2000, p. 290 et suivantes.
10 G. Frêche, Toulouse et la région Midi-Pyrénées au siècle des Lumières vers 1670-1789, Paris, 1974.
11 Jean-Pierre Poussou, « Salaires », Lucien Bély, Dictionnaire de l’Ancien Régime. Selon Zysberg, dans le sud du royaume vers 1725, un manouvrier gagne environ 10 sous par jour, tandis que, vers 1780, un ouvrier très qualifié gagne 1 livre (20 sols) par jour dans une grande ville (La monarchie des Lumières, op. cit., p. 63 et 411). Les journaliers employés par l’intendant de Marine de Rochefort gagnent 16 s par jour en 1759 (1759-12-06 ; SHM Rochefort, 1 E 415, no 726). Selon un rapport du baron de l’Espérance, gouverneur de Saint-Pierre et Miquelon en 1785, les Acadiens de l’archipel gagnaient beaucoup plus en pratiquant la pêche : « Les hommes, à quelque ouvrage que ce soit, gagnent entre 4 et 5 livres par jour et les femmes qui blanchissent, repassent et raccommodent le linge n’ont jamais moins de 20 ou 30 sols, outre la nourriture. On doit regarder le jardinage comme un des principaux moyens de subsistance ; la terre, sans beaucoup de cultures, rapporte avec abondance des patates qui peuvent au besoin suppléer la farine et des choux, qui se conservent très bien l’hiver et que l’on vend communément 8 et 10 sols la pièce. Mais pour peu que la pêche soit mauvaise, il ne se trouvera pas une seule famille qui puisse subsister sans les secours du roi » (cité par Michel Poirier, Les Acadiens aux îles Saint-Pierre et Miquelon, 1758-1828, Éditions d’Acadie, 1984, p. 81). Enfin, selon Lemoyne, le salaire d’un charpentier gâcheur se situait à 3 livres (60 sous) par jour en 1773 (1773-06-20b ; BM Bordeaux, Ms 1480, fo 358-363).
12 Étude citée par Daniel Roche, France des Lumières, p. 554. Roche rapporte qu’environ 50 % des dépenses du journalier passent dans les dépenses en céréales, mais que « avec deux salaires, pour la même durée de labeur, ce pourcentage s’abaisse à 35 %. Les disponibilités varient donc du simple au double : 40 livres dans le premier cas, 90 dans le second ».
13 Jean-Pierre Poussou, « Salaires », Lucien Bély, Dictionnaire de l’Ancien Régime.
14 1773-08-19 ; BM Bordeaux, Ms 1480, fo 439-446. Le compagnon vitrier Jacques-Louis Ménétra, de passage dans la région de Saint-Malo précisément à l’époque de l’arrivée des Acadiens en 1758-1759, raconte qu’il travailla chez un bourgeois comme « sergent de bourgeoisie », travail consistant à surveiller une pièce d’artillerie et commander sept hommes, pour un salaire de 15 sous par jour, plus la nourriture. Ménétra s’embarque quelque temps plus tard sur un corsaire et reçoit un salaire de 27 livres par mois et une part dans les prises (cf. Daniel Roche, Journal de ma vie. Jacques-Louis Ménétra, Compagnon vitrier au 18e siècle, Paris, Montalba, 1982, p. 59-60).
15 Voir les calculs de J.-P. Gutton (« Pauvres », Lucien Bély, Dictionnaire de l’Ancien Régime).
16 1759-10-12; AN Col B, vol. 110, fo 276.
17 1762-04-13; AN Col B, vol. 115, fo 25.
18 1766-06-14; AN Marine B3, vol. 568, fo 264.
19 1767-07-21b; AN Col B, vol. 127, fo 289.
20 1774-11-26; AD Vienne 2 J dép. 22, art. 124-2.
21 1773-12-01a ; BM Bordeaux, Ms 1480, fo 534-35.
22 1774-02-04b ; BM Bordeaux, Ms 1480, fo 556.
23 1776-12-29c; AD Vienne 2 J dép. 22, art. 124-1.
24 Des recherches à Rennes en février 2005 à ce sujet ne m’ont pas permis de réaliser des dépouillements exhaustifs des séries relatives à la fraude de tabac pour Saint-Malo et sa région. Il n’existe en effet que des répertoires numériques pour ces séries et il faut dépouiller manuellement les cartons correspondants. Toutefois, il semble que les affaires impliquant des Acadiens aient été particulièrement importantes vers 1766-1768, et c’est sur ces années que j’ai concentré mes recherches.
25 Christophe Aubert, La contrebande du tabac devant la juridiction des traites de Saint-Malo au XVIIIe siècle, Mémoire de DEA (diplôme d’études avancées), Université de Rennes I, 1991.
26 Le tableau récapitulatif des procédures civiles relatives à la fraude de tabac dans la région de Saint-Malo, élaboré par Christophe Aubert, recense pour la période de la fin de décembre 1765 à juin 1769 une trentaine de procédures (ibid., annexe 1, p. 90). Entre 1717 et 1789, ce sont environ 375 condamnations pour fraude de tabac qui sont prononcées dans la juridiction des traites et amirauté de Saint-Malo. Parmi les neuf procédures impliquant des Acadiens, trois ont été jugées par une juridiction criminelle en raison d’actes de résistance ou de rébellion. Sur une trentaine de procédures civiles donc, six concernent des Acadiens. Cette proportion paraît relativement élevée, mais elle n’est peut-être pas significative. Aubert précise que son tableau n’est pas exhaustif, et j’ai déjà émis les mêmes réserves par rapport à mes propres dépouillements. Par ailleurs, il faudrait avoir une idée du pourcentage d’Acadiens par rapport à la population totale dans la région de Saint-Malo, mais les données nous manquent d’un côté comme de l’autre pour pouvoir faire des calculs fiables. Il me paraît donc impossible de déduire de ces chiffres une éventuelle surreprésentation d’Acadiens parmi les fraudeurs.
27 J’ai dit plus haut que je n’avais pas eu le temps de faire des dépouillements exhaustifs des dossiers concernant la fraude de tabac à Saint-Malo pendant le séjour des Acadiens sur place. Qui plus est, une partie des fonds semble ne pas avoir été conservée. Enfin, tous les Acadiens pris en flagrant délit peuvent ne pas avoir été traduits en justice. En effet, selon Aubert « tout détenteur de “faux tabac” ou rebelle appréhendé par les employés de la Ferme devait être traduit en justice, sauf s’il parvenait à “s’accommoder” avec le fermier. Ce dernier jouait un rôle essentiel dans la direction des poursuites : soit il décidait d’engager un procès, soit il acceptait une transaction avec le fraudeur, évitant ainsi les frais d’une procédure. Le procès se déroulait devant la juridiction des traites de Saint-Malo qui disposait d’une compétence civile pour les simples fraudes et d’une compétence criminelle ou “extraordinaire” pour les fraudes commises avec attroupement ou rébellion. Les agents de la Ferme, les débitants et les militaires étaient poursuivis selon la procédure criminelle, eu égard à leur qualité de représentants du roi ou de la Ferme » (Christophe Aubert, La contrebande du tabac devant la juridiction des traites de Saint-Malo au XVIIIe siècle, Mémoire de DEA, Université de Rennes I, 1991, p. 52).
28 1767-03-30 ; Plainte criminelle contre Jean Thibaudeau, Françoise Huere, sa femme, François Guillou et d’autres Acadiens pour rébellion armée contre des employés de la ferme et contrebande de tabac, déposée par Charles Auguste Trablet (?) de la Flourie, entreposeur du tabac en la ville de Saint-Malo, pour Provost, adjudicataire de la ferme du roi, 30 mars 1767, AD Ille-et-Vil. 7 B 44.
29 Christophe Aubert, La contrebande du tabac, op. cit., p. 8.
30 1767-10-11c ; AN Marine B3, vol. 576, fo 42. Lettre de Choiseul du 11 octobre 1767 au vicomte de Barrin, lequel est probablement le fils de l’ancien gouverneur de la Nouvelle-France, Barrin de la Galissonière, gouverneur de Corse de 1786 à 1789.
31 « Mitouche, Personne qui n’a pas l’air d’y toucher. Étymologie : mauvaise prononciation et mauvaise orthographe pour sainte n’y touche » (Littré).
32 « Les traites sont les droits levés sur les marchandises à l’entrée ou à la sortie du royaume, ou au passage de certaines provinces dans d’autres » (J.-P. Poussou, « Traites », Lucien Bély, Dictionnaire de l’Ancien Régime). Il s’agit de l’équivalent de ce que nous appellerions aujourd’hui les douanes. Aubert, op. cit., p. 75. Concernant l’amende de 1 000 livres, il fallait consigner une somme de 300 livres en déduction de l’amende dans le mois suivant la sentence, sous peine de galères. C’est à cette dernière obligation que manque Victor Forest. Curieusement, le principe de solidarité ne semble pas avoir fonctionné, puisque ses complices ne paraissent pas avoir été inquiétés. L’amende de 1 000 livres était la peine « standard » depuis 1703 (Aubert, La contrebande du tabac, op. cit., p. 13). Quant aux peines corporelles, elles étaient réservées aux récidivistes ou aux cas les plus graves. Si l’on se réfère au tableau des procédures civiles pour contrebande de tabac élaboré par Aubert, on s’aperçoit que, dans de très rares cas, une amende de 3 000 livres était infligée aux contrevenants. Les amendes étaient en outre assorties d’une confiscation des biens saisis et des « dépens » ou les frais de justice.
33 1768-07-16 : Requête du procureur des fermes du roi de Saint-Malo de transformer la peine de 1000 livres d’amende, non payée, de Victor Forest en peine de galère, 16 juillet 1768, AD Ille-et-Vil. 7 B 25 – 1768. Le procureur du roi accède à la requête (29 juillet 1768) (ibid.).
34 Le secrétaire d’État de la Marine, Praslin, au Contrôleur général, Étienne Maynon d’Invault, le 11 novembre 1768, AN Col B, vol. 131 (résumé disponible dans RAPC 1905-I, p. 388). Les demandes de grâce étaient sans doute rares mais pas exceptionnelles. Christophe Aubert signale la grâce d’un tisserand de Saint-Malo par une lettre de décharge en 1743 (La contrebande du tabac, op. cit., p. 77).
35 « État des dettes des familles acadiennes du département de Saint-Malo jusqu’au 1er janvier 1778, à acquitter lors du payement de leurs soldes, suivant les mémoires et obligations fournies par les créanciers », janvier 1778, AD Ille-et-Vil. C 2453.
36 La plupart du temps, les fraudeurs arrêtés en flagrant délit de transport de tabac agissaient pour le compte d’un commanditaire aisé. Selon Aubert, ces derniers, issus des « classes sociales élevées », n’étaient pratiquement jamais inquiétés bien qu’ils organisaient souvent la fraude en fournissant des fonds (p. 35). Dans les dossiers concernant les Acadiens, le nom d’un certain M. de Guébriand ou de Guay Briand est cité à plusieurs reprises. Par exemple, dans la plainte dressée contre Jean Thibaudeau, il est précisé que les divers Acadiens sont allés chercher du tabac de contrebande dans une rabine (c’est-àdire « une espèce de bois qu’on n’a point coutume d’émonder », Dictionnaire de Trévoux) « près la maison de Monsieur Guay Brillant », à Pleudihen (1767-03-08b ; 1767-03-30 ; 1767-11-02a et 1767-11-02b, provenant tous de AD Ille-et-Vil., 7 B 44). Quelques mois plus tard, d’autres Acadiens, dont Honoré Caret et Pierre Landry, affirment avoir loué le bateau sur lequel ils transportaient 1 637 livres de tabac de contrebande, à « Monsieur de Guébriand demeurant au pont de Sieux en Pleudihen ». Il s’agit à n’en pas douter de la même personne, ce qui n’a pas pu échapper à la perspicacité des employés. Curieusement, ce Guébriand n’est pas interrogé dans ces deux affaires. Daniel Brandily a bien voulu faire quelques recherches sur cet individu. Il s’agirait d’un certain Henry Anne Lemeur, Sieur du Guébriand, né en 1703 à Tressé, et mort le 16 novembre 1779 au même endroit. Il était propriétaire de la métairie du Clos Robert, située près du pont de Cieux. Son fils Philippe y habite en 1751.
37 1769-03-31 ; lettre de l’abbé Le Loutre adressée au secrétaire d’État à la Marine, Praslin, AN Col C11 A, vol. 125, fo 578 (disponible en ligne sur http://www.archivescanadafrance.org). Voir aussi Lemoyne à Terray, décembre 1773, BM Bordeaux, Ms 1480, fo 536.
38 Plusieurs familles acadiennes s’enfuient à Jersey en 1773, sans doute pour rejoindre les établissements des frères Robin en Gaspésie (cf. la lettre du commissaire de la Marine Antoine-Philippe Lemoyne à Bertin, directeur du bureau d’agriculture [organe du Contrôle général des Finances], 18 avril 1773, AN H1 14992 et les articles sur Charles Robin et sur Jean-Baptiste Robichaux dans le Dictionnaire biographique du Canada).
39 Francis Legge, gouverneur de la Nouvelle-Écosse, au comte de Dartmouth, secrétaire d’État des colonies américaines, de Halifax, le 20 août 1774, RAPC 1905-II, p. 294.
40 Les déclarations d’Honoré Caret et de Pierre Landry proviennent du « Procès verbal de l’arrestation d’Honoré Caret et Pierre Landry », 15 juillet 1768, AD Ille-et-Vil. 7 B 25.
41 « Cent : […] se dit aussi d’un certain poids fixe et réglé, qu’on appelle en plusieurs endroits quintal. Il est composé de cent livres, la livre plus ou moins forte suivant les lieux » (Jacques Savary des Bruslons, Dictionnaire universel de commerce, d’histoire naturelle et des arts et métiers, Paris, 1742).
42 En mai 1767, Anselme Boudereau déclare aux employés de la ferme « que ses tabacs étaient vendus 27 sols la livre, aussitôt le versement fait » (Réquisitoire du procureur de la ferme de Saint-Malo contre Anselme Boudereau, Saint-Malo, 22 mai 1767, AD Ille-et-Vil. 7 B 25).
43 Christophe Aubert, La contrebande du tabac, op. cit., p. 39-40.
44 Aubert donne l’exemple de deux hommes et deux femmes pris en train d’exercer cette activité. Ils déclarent alors être payés 30 sous par jour par une certaine « La Louison » dont ils disent ignorer le nom véritable (Christophe Aubert, La contrebande du tabac, op. cit., p. 37).
45 Les employés des fermes ont saisi « trois ballots de morue » sur le bateau de Boudereau (Compte rendu de la procédure engagée contre Anselme Boudereau par le tribunal des traites de Saint-Malo, 16 et 23 mai 1767, AD Ille-et-Vil. 7 B 5). Il est fort possible qu’il se soit agi de morue séchée ou salée provenant d’Amérique du Nord et importée via Jersey, par exemple par l’intermédiaire de la compagnie de Charles Robin (cf. la biographie dans le Dictionnaire biographique du Canada) ou encore par Saint-Pierre et Miquelon. Dans l’article « pêche » (dans Lucien Bély, Dictionnaire de l’Ancien Régime), Paul Adam rappelle que « si la morue est devenue au XIXe siècle le plat des pauvres pour qui la marée fraîche transportée par chemin de fer était trop coûteuse, pendant tout l’Ancien Régime, ce fut un produit de qualité prisé des classes aisées ».
46 Cependant, selon M. Péronnet, les prix continuent à monter lentement jusqu’en 1785, et plus rapidement ensuite (Le XVIIIe siècle (1740-1820). Des Lumières à la Sainte-Alliance, Paris, Hachette, 1998, p. 51).
47 Voir Péronnet, op. cit., p. 53 ainsi que Méthivier, Le siècle de Louis XV, op. cit., p. 13. Plusieurs textes mentionnent la cherté du pain à partir des années 1768 (1768-01-23 ; ANC, MG6 C3 [Mi 12881, 3e reg., p. 13-14] – Arch. du port de Cherbourg (minutes des lettres adressées par le comm. des classes)) ; lettre de Praslin à l’Averdy (1768-08-26 ; BM Bordeaux, Ms 1480, fo 25-28).
48 J = Jugement ; PC = dossier de procédure criminelle (pour « rébellion ») ; les dossiers criminels contiennent de très nombreuses pièces ; I = Interrogatoire(s) ; R = Réquisitoire.
49 Le jugement ne précise à aucun moment une quelconque condamnation et « débout[e] au surplus de ses demandes pour nullité » le fermier. Il semble donc que les Acadiens n’aient pas été condamnés à une amende.
50 Jean Thibaudeau et sa femme sont condamnés tous les deux, mais Étienne Terriot, lui, est acquitté, faute de preuves.
51 Anselme Boudereau n’a pas été pris sur le fait et il semble que les employés des fermes n’aient pas réussi à prouver que la marchandise lui appartenait.
52 Daniel Roche donne comme exemple des différences d’imposition dans l’élection de Sens des taux d’imposition variant de 5 % à 53 % (La France des Lumières, p. 260 et suivantes, p. 262).
53 Zysberg, La monarchie des Lumières, op. cit., p. 89.
54 Zysberg, ibid., p. 296.
55 Necker démontrait dans cet ouvrage l’inégalité géographique des impositions : « quand les Normands payaient en moyenne 29 livres par an pour toutes leurs contributions, les Bretons ne payaient que 12,5 livres » (Zysberg, ibid., p. 411). Les Acadiens étaient conscients de ces différences. C’est peut-être une raison qui explique leur réticence à aller dans le Poitou ou dans le Limousin. En réponse à des propositions d’établissement dans le Limousin, les Acadiens adressent de très nombreuses questions qui toutes portent sur les impositions. (1772-10-31c ; « Mémoire des Acadiens pour M. de Saint-Victour », BM Bordeaux, Ms 1480, fo 186).
56 Morineau, « Alimentation », Lucien Bély, Dictionnaire de l’Ancien Régime.
57 Ibid. Une autre étude, citée par Daniel Roche, indique des résultats similaires (France des Lumières, op. cit., p. 555). L’Acadien Jean-Baptiste Semer écrit quant à lui à son père qu’à son arrivée en Louisiane « on a donné [aux Acadiens] une livre et demie de pain, et de la viande aux femmes enceintes ou qui allaitaient et aux infirmes » (1766-04-20 ; AN Marine B3, vol. 568, fo 319ss). Les quantités énoncées par Jean-Baptiste sont très certainement des quantités quotidiennes.
58 Daniel Roche montre bien la difficulté à évaluer par exemple la consommation moyenne de viande et de pain à Paris. Les estimations de R. Philippe montrent que le pain fournit environ 50 % de la ration alimentaire, « mais le sixième seulement de la dépense des subsistances ». Daniel Roche souligne en outre la fragilité de ces calculs basés sur des estimations de la population parisienne qui restent aléatoires (France des Lumières, p. 558).
59 1759-05-10 ; SHM Brest 1 P1/23 pièce 7.
60 Zysberg, ibid., p. 63. Lemoyne estime qu’entre 1767 et 1773, le prix du pain a été multiplié par trois.
61 1775-03-02b.
62 1759-05-10 ; SHM Brest 1 P1/23 pièce 7.
63 À Paris, selon le Dict. Acad., une livre valait 12 onces. Quatre onces de légumes équivalaient donc environ à un tiers de livre de légumes, soit 150 g environ et 2 onces de riz à 1/6 de livre de riz (75 g). (Cf. l’article : « dépôt de mendicité » par Jean Imbert dans Lucien Bély, Dictionnaire de l’Ancien Régime).
64 « Ordonnance du roi portant injonction aux officiers des Troupes servant cidevant en Canada, de se retirer dans deux mois dans la province de Touraine, pour y jouir du traitement qui leur a été réglé par sa Majesté », 24 mars 1762, MAE, Fonds Divers, Amérique, 10, pièce 354.
65 Voir à ce sujet mon article « Des “Pieds-blancs” venus du froid ? Les réfugiés canadiens à Loches et en Touraine à la fin du XVIIIe siècle », Les Amis du pays lochois/Société des Amis du pays lochois, no 19 (2003 [janvier 2004], p. 129-144).
66 1758-11-21b ; SHM Brest 1 P 1/7, pièce 201.
67 1771-05-00b; RAPC 1905-I, p. 395.
68 1759-01-20; AN Col B, vol. 110.
69 1759-03-10b; AN Col B, vol. 110.
70 1763-08-01 ; Jean Ségalen, « L’odyssée de la communauté acadienne de Morlaix », Les Amitiés acadiennes, 64, (1993).
71 1767-02-19 ; abbé H. R. Casgrain, « Lettres et mémoires de l’abbé de L’Isle-Dieu (1742-1774) », Rapport des archives de la province de Québec, 16, 17, 18, (1935-1938), p. 273-410 ; 331-459 ; 147-253 (p. 229s).
72 1768-01-23 ; ANC, MG6 C3 [Mi 12881, 3e reg., p. 13-14] – Arch. du port de Cherbourg (minute des lettres du comm. des classes).
73 1768-08-26 ; BM Bordeaux, Ms 1480, fo 25-28.
74 1771-05-00 ; BM Bordeaux, Ms 1480, fo 36-44.
75 Un autre document de 1759, signé par l’intendant de Marine à Rochefort, affirme cependant que « le bruit est grand qu’il en est mort de faim » (1759-12-06 ; SHM Rochefort, 1 E 415, no 726).
76 1773-08-04a; AD Vienne 2 J dép. 22, art. 97.
77 1773-11-30 ; BM Bordeaux, Ms 1480, fo 526-529.
78 1773-04-20.
79 1773-04-27a ; BM Bordeaux, Ms 1480, fo 307-312, fo 165-167 et AN H1 14992.
80 Mis à part le cas particulier, déjà évoqué plus haut, de la famille d’Entremont-Bellefontaine à Cherbourg laquelle demande à plusieurs reprises le doublement de leur paye pour ne pas subir « l’humiliation de se voir confondus avec tous les autres [Acadiens] qui ont été leurs vassaux ou leurs domestiques » (1766-12-19b ; ANC, MG6 C3 [Mi 12881, 3e reg., p. 3-4] – Arch. du port de Cherbourg (minute des lettres du comm. aux classes).
81 1783-07-12 ; MAE, Corresp. Pol., Espagne, vol. 611, fo 34. Au moment où ils écrivent cette pétition, les Acadiens ne touchent plus que 3 sous par jour et souhaitent aller en Louisiane, ce que cette « très petite pension » ne leur permet pas de faire. Les Acadiens ne sont pas en mesure de payer leur passage en Louisiane, voyage qui coûtait, en 1766, au maximum 150 livres par personne selon Mistral (1766-08-12a ; AN Marine B3, vol. 568, fo 317).
82 1798-03-17 ; AGI, PPC, legajo 197, fo 951, 960, 966, 967, 973.
83 1765-12-07a ; ANC, MG6 C3 [Mi 12881, 2e reg., p. 11] – Arch. du port de Cherbourg (minute des lettres du comm. des classes).
84 1782-11-30 ; AM Nantes, BB 107 [reg. de délibération du conseil municipal de Nantes, fo 177 vo].
85 Ce type de demande est assez fréquent sous l’Ancien Régime. On retrouve plusieurs autres demandes d’exemptions de logement de troupe dans les registres de délibération de Nantes, souvent de la part d’individus désignés par le vocable de « Suisse de nation ». À ma connaissance, il s’agit de la seule émanant d’un Acadien.
86 Il n’est donné aucune indication sur l’identité de ce bienfaiteur.
87 En 1772, Saint-Victour évalue à 200 livres la paire de bœufs (1772-04-23 ; BM Bordeaux, Ms 1480, fo 109-112) ; Lemoyne à 250 livres la paire (1772-11-18b ; BM Bordeaux, Ms 1480, fo 191-213) ; Pérusse à 300 livres (1773-02-15c) ; le prix effectif d’une paire était de 180 livres en 1764 (achat par Le Loutre rapporté par Lemoyne 1774-05-06). Cf. également La lettre de Bretagne Acadie Louisiane, no 54, janvier 2004, p. 15, qui indique un prix, en 1790, de 300 livres pour deux de ces animaux.
88 1790-11-15 : « Contrat de mariage de Marguerite Jeanne Boudrot », reproduit par G.-M. Braud dans La lettre de Bretagne Acadie Louisiane, no 54, janvier 2004, p. 11-15.
89 Berryer à de Ruis, 1759-12-14 ; AN Col B, vol. 110.
90 J.-P. Poussou, « salaires » dans Lucien Bély, Dictionnaire de l’Ancien Régime.
91 1759-09-18c ; dispenses de Coutances.
92 1767-05-22 ; AD Ille-et-Vil. 7 B 25 – 1767.
93 L’ordre de déportation de Winslow précise : « il leur sera [aux Acadiens] défendu d’emporter quoi que ce soit, sauf leur mobilier et l’argent qu’ils possèdent présentement » (cité dans Bona Arsenault, Histoire des Acadiens, Montréal, Fides, 1994 (1964)). Les remarques de La Rochette sur le « butin » des Acadiens au départ des ports anglais (1763-05-18 ; MAE Corresp. Pol. Angleterre sup. 13) ou à propos des montres qu’ils arborent ostensiblement (1763-05-26b ; MAE Corresp. Pol. Angleterre sup. 13) en témoignent. De la Rochette écrit à propos des Acadiens de Penryn : « Ils sont les plus opulents [des réfugiés en Angleterre] […]. Il y en a une douzaine d’entre eux qui ont de grosses montres d’argent dans leurs goussets. » Daniel Roche souligne l’aspect ornemental des montres, qui pouvaient servir de gages pour obtenir des prêts, ou être revendues contre des liquidités (France des Lumières, p. 81).
94 1759-12-14; AN Col B, vol. 110.
95 1773-08-09; BM Bordeaux, Ms 1480, fo 500-504.
96 1774-05-20a; AN Col B, vol. 149, fo 237.
97 1773-10-10b; BM Bordeaux, Ms 1480, fo 484-486.
98 1763-03-03 ; ANC, MG6 C3 [Mi 12881] – Arch. du port de Cherbourg (minute des lettres du comm. des classes).
99 Laurence Fontaine, « Crédit » dans Lucien Bély, Dictionnaire de l’Ancien Régime.
100 1763-07-08a; AM Saint-Malo, BB 49, reg. Ms, fo 12-13.
101 1773-11-30 ; BM Bordeaux, Ms 1480, fo 526-529.
102 1774-01-23a ; BM Bordeaux, Ms 1480, fo 547-548.
103 1774-01-23b ; BM Bordeaux, Ms 1480, fo 548 : c’est une somme conséquente. Il y a à la même époque environ 180 Acadiens à Morlaix, mais on ne dispose pas d’indications sur le nombre d’entre eux qui étaient endettés chez ce boulanger.
104 1785-04-05a ; MAE Corresp. Pol. Espagne vol. 616, fo 363.
105 1785-00-00h ; AD Ille-et-Vil. C 2453.
106 « Lorsqu’il s’agit du départ, les Acadiens même pour qui j’avais tant fatigué, tant souffert, se cotisèrent entre eux pour me prêter de quoi payer mes dettes en France » (1798-03-17 ; AGI, PPC, legajo 197, fo 951, 960, 966, 967, 973).
107 1798-03-17; id.
108 1782-08-12; ANC, MG6 A15, série C [Mi F 849] – AD Calvados, C 1022.
109 1773-04-27a; AN H1 14992.
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