Aux XVIe et XVIIe siècles offices et activités dérogeantes
p. 147-198
Texte intégral
« La chasse était presque la seule et unique occupation quotidienne de l'écrasante majorité de la nombreuse noblesse bretonne, inculte et retranchée dans ses repaires. »
Boris Porchnev,
« Les buts et les revendications des paysans lors de la révolte bretonne de 1675 », p. 309.
« Les gentilshommes étaient écartés des offices de « judicature » moins par le manque de revenus que par les folles dépenses du genre de vie du gentilhomme et par son mépris de l'instruction ».
Roland Mousnier,
Les hiérarchies sociales de 1450 à nos jours, p. 74.
1. La vénalité des offices royaux
1La vénalité privée des offices était pratiquée dans le duché comme dans le royaume à la fin du XVe siècle, car l'ordonnance de Charles VIII pour la Bretagne en 1494 constate que des personnages détenant des offices de justice les vendent et les afferment1. Dès le début du XVIe siècle, cette vénalité s'était assez développée pour qu'aux États de 1517, la noblesse accusât la bourgeoisie d'en être responsable et de vouloir l'ériger en système :
Aujourduy les marchans ont voullu et se sont vantés d'achater les offices, et dit hom, si le roi le veult ouyr, qu'ilz en veullent faire faict de marchandise, et si ainsi estoyt, advyendroit totalle destruction de l'estât de noblesse et du bien public que2
2Et effectivement François Ier ne tarda pas à créer la vénalité publique des offices royaux. La même requête affirmait qu'à lestat de noblesse l'on a baillé l'admynistracion de justice : c'était, déjà, la prétention qu'allait formuler Noël du Fail à la fin du même siècle : je soustien... que les grandes charges publiques se doivent bailler aux Gentils hommes privativement à tous autres3. Et en 1614 le cahier breton4 aux états généraux demande que la vénalité soit supprimée et que les offices soient donnés gratuittement à personne noble et autre de meritte et vertu ou à pris si modéré que le pourveu poura avec intégrietté servir le roy.
3Ce marché des offices, qui se mettait en place au début du XVIe siècle au grand dam de la noblesse, allait être affecté par un certain nombre de décisions royales. En 1540, FrançoisI er entreprit de réduire et limiter le nombre des notaires en Bretagne ; ses commissions eurent un début d'exécution immédiat puisqu'à la fin de l'hiver 1541 les oppositions et appels s'accumulaient et que le roi mandait de passer outre, au moment précis d'ailleurs où il ordonnait de convoquer à nouveau le ban et l'arrière-ban5. Cette tentative royale ne dut pas être plus efficace, au niveau de nombreuses juridictions seigneuriales, que les velléités ducales analogues, mais la volonté de François Ier fut entendue dans les juridictions royales, où des notaires allaient se présenter dorénavant comme étant du nombre de ceux que le roi avait autorisés6. Une telle limitation du nombre des charges notariales et une claire identification de chacune était de nature à provoquer une forte hausse des charges agréées ; ceux qui les détenaient déjà en ont profité. D'autres décisions royales aboutirent en revanche à augmenter le nombre des offices et à les diversifier. Dès 1544, par exemple, furent créés des offices de cordeurs et d'arpenteurs7. Surtout, l'organisation judiciaire de la province fut bouleversée par la création en 1551 de quatre sièges présidiaux à Rennes, Nantes, Vannes et Quimper, suivie de celle du parlement en 1553. Les offices du parlement ont été réservés pour une moitié à des hommes originaires de Bretagne, les autres à des non originaires, français non bretons. La création de ces deux niveaux d'instance, parlement et présidiaux, provoqua corrélativement le déclin en dignité des juridictions royales existantes, les anciennes sénéchaussées ducales, d'autant que celles-ci étaient nombreuses, environ 36 pour toute la Bretagne, et que certaines étaient trop petites. Leur nombre augmenta même en 1536 lorsque le roi restitua les comtés de Penthièvre et de Tréguier, confisqués depuis 71 ans, en les diminuant de seigneuries dont il fit les sénéchaussées de Jugon, Saint-Brieuc et Lannion. L'édit de 1565 prescrivit bien de réunir certaines petites sénéchaussées aux voisines plus importantes et de n'en maintenir que seize, mais il ne fut pas entièrement exécuté8 ; au XVIIIe siècle il restait encore 25 sièges royaux, dont 9 dans le ressort du présidial de Rennes. L'impression selon laquelle il y aurait eu en Bretagne... moins d'officiers royaux qu’ailleurs n'a donc rien d'évident ; Roland Mousnier en infère que les gentilshommes y auraient été « considérés, beaucoup plus que par tout ailleurs, comme les représentants du roi, responsables des nouveaux impôts »9, et ç'aurait été, avec le poids des droits seigneuriaux, l'une des causes d'un caractère anti-nobiliaire de la révolte paysanne en Basse-Bretagne en 1675. Si l'on veut que les gentilshommes bretons aient spécialement représenté le roi, c'est qu'ils gardaient de nombreux offices de tous niveaux. Parmi les 21 conseillers bretons pourvus dès 1554 et 1555 (Saulnier), il y avait 5 roturiers, 1 fils d'un anobli de fraîche date et 15 personnages dont la noblesse remontait au moins au XVe siècle. Ces premiers conseillers bretons au nouveau parlement avaient été précédemment sénéchaux, alloués, procureurs des sénéchaussées royales, grandes (Rennes, Nantes, Ploërmel), moyennes (Dinan) ou petites (Saint-Aubin-du-Cormier), ou juges des prévôtés de Rennes ou Nantes, et nous avons vu que ces charges étaient souvent exercées à la fin du XVe siècle par des personnages de moyenne noblesse. C'est donc la moyenne noblesse de Haute-Bretagne qui investit la majorité des nouveaux offices d'originaires au parlement. Les sénéchaux de Rennes et Nantes furent des nobles pendant tout le XVIe siècle. A Ploërmel, l'office de sénéchal, évalué 15 000 livres en 1605, ne fut aux mains de roturiers que peu de temps (de 1563 à 1570, de 1590 à 1593, de 1606 à 1611, de 1629 à 1635) et de même l'office de procureur du roi (évalué 6 000 livres) ne fut détenu par des roturiers que de 1592 à 1598 et de 1625 à 163810. C'est celui d'alloué (10 000 livres) qui resta le plus souvent aux mains de roturiers à partir de 1601. A Dinan, l'office de sénéchal, évalué 9 000 livres, resta de 1570 à 1627 dans la lignée des Marot, d'origine roturière, anoblie par lettres en 1598. A Hédé, les offices de sénéchal (évalué 2 400 livres en 1605) et procureur du roi (1 000 liv.) furent monopolisés par des nobles pendant les deux premiers tiers du XVIIe siècle. C'est que les nobles bretons, au moins au niveau de la moyenne noblesse, ne partageaient pas le mépris de l'instruction, prétendu pour expliquer une prétendue incapacité nobiliaire à exercer des offices. Des fils de moyenne noblesse firent leurs études aux universités de Paris et Poitiers notamment. Il y avait à Paris plusieurs collèges bretons ; celui du Plessis offrait sept places de boursiers à des jeunes gens du diocèse de Saint-Malo. Vers 1540 étudiaient à Paris René Dubouays de Couesbouc, arrière-petit-fils d'un maître des requêtes du duc (tableau généalogique no 3), et Noël du Fail, dont pourtant le frère aîné à la montre de 1541 n'était qu'archer et ne déclarait que 60 livres de revenu noble, allait être avocat à Rennes avant d'acheter, vers 1553, un office de conseiller au présidial. A Paris encore, vers 1540, mourut un autre noble étudiant, et un cadet en 158911. Un gentilhomme sénéchal de l'importante seigneurie de Lamballe fit donner à son fils les premiers éléments des lettres par un prêtre vers 1598, puis, vers 1602, l'envoya dans un groupe de jeunes gentilhommes qui, sous la conduite d'un prêtre, allait étudier trois ans, à Agen puis à Toulouse, la philosophie, puis à Angers le droit civil ; ce fils allait exercer à Rennes à la suitte du Parlement avant de succéder à son père comme sénéchal de Lamballe en 161812.

9 — Grandes juridictions (dont l'office de sénéchal est évalué à au moins 3 000 livres en 1670)
4Si les roturiers se firent une place non négligeable dans les offices royaux, les nobles y gardèrent des positions nombreuses. Or, d'une part, la vénalité de la justice procurait des revenus, vacations et épices13, c'est-à-dire des redevances payées par les plaideurs, bien supérieurs aux gages, ce qui n'allait pas sans abus. D'autre part, tous ceux qui détenaient des offices vénaux allaient profiter de la hausse de leur prix, hausse accélérée à partir de l'institution de la paulette en 1604 et jusqu'à l'édit de 1665 fixant des maxima aux prix. C'est là sans doute la cause de l'enrichissement considérable de certaines lignées de noblesse moyenne et petite : les chiffres de revenu donnés par Colbert de Croissy en 1665 impliquent, depuis 1480, une multiplication de certains revenus patrimoniaux réels, compte tenu de la hausse des prix, par 20 ou 3014 !
2. Enrichissement de petits nobles par les offices
5La création du parlement et des présidiaux offrit un nombre accru d'offices plus diversifiés, en particulier de nouveaux offices d'une dignité éminente. L'engouement de la moyenne noblesse pour ces derniers et le déclin en dignité qui affectait corrélativement les juridictions inférieures durent diminuer un moment la demande de la moyenne noblesse en offices de sénéchaussées. Il semble donc qu'il y ait eu à partir de 1554 et pour un demi-siècle une opportunité pour des hommes avisés : les offices des petites juridictions royales et seigneuriales, moins prisés par la moyenne noblesse et pas encore très chers, furent plus particulièrement accessibles à la petite noblesse. Cette opportunité cessa au début du XVIIe siècle avec l'accélération de la hausse des prix de tous les offices.
6L'observation de quelques lignées sur plusieurs générations montre réussites, échecs ou stagnations. Robert Ginguené I, frère cadet du seigneur de la Chevallerais, vers 1463 avait acquis, d'un couple roturier, la maison de la Fontaine un peu au nord du bourg de Langan (plan no 4), avec 13 journaux, et réussi à exempter son métayer de fouage ; en 1480 il ne déclarait que 30 livres de revenu noble. Son fils Jehan épousa Marguerite Garrel, fille du seigneur de La Chapelle (120 livres de revenu noble en 1480), à laquelle en 1494 fut baillé pour son partage le fief de Launay, premier élément de la seigneurie de La Chapelle. A la troisième génération Robert Ginguené II, sieur de la Fontaine, était dès 1539 notaire de la cour de Hédé (R 3, tableau généalogique no 5), où il ne faisait que continuer une vieille tradition lignagère, mais c'était une de ces charges notariales dont la limitation, après 1540, allait commencer à augmenter la valeur vénale. Enfin il fut assez tenace pour agrandir son patrimoine, comme bien des petits nobles déjà à la fin du XVe siècle, par un lent rassemblement de tenures paysannes et de bailliages. D'abord il épousa Marie Ginguené, dont la part d'héritage, le Rochay, n'était qu'à 750 mètres au nord-ouest de la Fontaine15 ; puis, en se limitant aux biens tenus du roi (les autres nous échappent), il put acheter de 1530 à 1544 six petits bailliages et quatre parcelles de 1, 2 ou 3 journaux. Enfin, en 1555, il acquit en une fois 23 journaux faisant partie de la seigneurie de La Chapelle pour 800 livres. Il semble avoir eu cinq enfants adultes, ce qui n'a pas empêché l'aîné d'accélérer ce rassemblement de terre. C'est ce fils aîné surtout, Guillaume Ginguené, qui a combiné le plus clairement tous les moyens de conquête terrienne. Il monta dans la hiérarchie des offices en devenant avant 1565 sénéchal (R 4) de la petite sénéchaussée de Hédé, et il l'était encore vers 1600. Gestion serrée des droits seigneuriaux : on conserve de son époque une récapitulation des aveux rendus à ses parents et grands-parents pour le bailliage de Launay ; il s'agit de cens en deniers, fort minces, dont la perception a été embrouillée par les mutations des tenures : les vieilles déclarations sont commentées pour montrer que telle tenancière doit être « rechargée », ou que telle rente n'est pas en décharge d'une autre. Usurpation de justice : des actes étaient passés en notre cour de la Fontaine alors que celle-ci n'était un siècle plus tôt qu'une petite métairie roturière. Recherche des revenus seigneuriaux les plus divers : vers 1579, il acheta la moitié des maisons de la Babelière en Guipel, avec un moulin à eau. Constitution de nouveaux domaines : il acquit de roturiers la maison et les 6 journaux de la Doulçays (140 écus), tenue de la seigneurie de Saint-Gondran par le bailliage de la Hersandais ; quand il acheta celui-ci (115 écus) vingt ans plus tard, il fit de son fief son domaine et tint dorénavant la Doulçays prochement et noblement du Roy. Les efforts de trois générations furent couronnnés en 1580 : à la suite de transactions complexes dans lesquelles son frère Joachim semble lui avoir servi d'homme de paille, il acheta le reste de la seigneurie de La Chapelle pour 2 680 écus. Entre 1596 et 1602 quatre acquisitions au moins se succédèrent. Le total de ses propriétés était alors de l'ordre de 1 000 livres de revenu. La cinquième génération s'installa à Rennes. L'office paternel de sénéchal de Hédé était estimé en 1605, 2 400 livres ; le fils aîné lui substitua une charge de conseiller du roi au présidial de Rennes, estimée en 1605 7 500 livres, acquise sans doute bien plus cher. C'est sans doute ce conseiller du roi, François Ginguené qui, tout en habitant Rennes, a dû agrandir le manoir de La Chapelle et en a fait l'élégant petit château de La Chapelle-Chaussée avec trois pavillons Louis XIII à toits élevés, des gerbières et deux tourelles couvertes de dômes (Mussat). Quant au cadet, il put devenir avocat au parlement (A2). Office royal, résidence urbaine, château à la mode, la réussite était complète ; elle n'a été interrompue que par la disparition rapide de la lignée, faute de descendance mâle (un second conseiller du roi, Jean (R 13), mourut sans enfant en 1640, et l'héritier collatéral, l'avocat au parlement, n'eut que deux filles).
Tableau généalogique no 5. Ginguené de la Fontaine, XVIe-XVIIe siècles (cf tableau généalogique no 1)

A : Avocats de cours royales.
R : notaires et officiers de cours royales.
S : notaires et officiers de cours seigneuriales.
7De telles ascensions sont loin d'avoir été rares. Les Beschard ont marché sur les traces des Ginguené avec une génération de retard. Mathurin Beschard, qui racheta la Chaponnière en 1520, n'était encore qu'un petit noble. Son fils épousa, vers 1550, la dernière Ginguené de la Chevallerais. Leur fils aîné, Jean Beschard I, devint avant 1595 procureur du roi à Hédé, office évalué 1 000 livres en 1605 ; dès 1584, il put agrandir la terre de la Chaponnière. Son fils aîné, Jean II, fut procureur du roi à son tour et acquit la maison noble et le moulin du Coudray dans la même paroisse. Le cadet, Pierre I, s'établit comme le cadet Ginguené de La Chapelle : il fut avocat au parlement (A 1). C'est lui qui semble s'être enrichi le plus. Il acheta trois bailliages dès 1615, un moulin et trois autres bailliages en 1633, et à la suite d'un échange en 1618 avec son frère aîné, il garda la Chaponnière. A sa mort, en 1637, le total de ses biens meubles valait 1403 livres, ce qui le mettait au niveau de la moyenne noblesse. Les moyens d'existence à la Chaponnière étaient frustes, alors que le mobilier de la maison de Rennes était assez raffiné : on y remarque deux grandes armoires (prisées 30 et 36 livres), cinq chaises bourrées et tapissées (5 liv. l'une), quatre autres en noyer, brodées et cloutées (8 liv. l'une). La bibliothèque prisée 200 livres, des instruments de musique (luths, harpe, mandole) et une table cosmographique donnent un aperçu de sa culture, et six cuilliers & une fourchette d'argen, de sa richesse. Ici aussi le luxe ne paraît pas excessif : ses vêtements ne sont prisés que 41 livres. Gilles, le fils aîné de cet avocat, épousa en 1640 la fille d'un maire de Nantes, Gratienne Loriot. Les biens que ce couple légua à son fils aîné vers 1673 allaient être prisés en fonds 31 175 livres, dont seulement 10,1 % en bailliage et 5 % en terres roturières, tout le reste étant des terres nobles16. Ce capital correspond, compte tenu des bailliages, à un revenu de 1 491 livres, au niveau encore de la moyenne noblesse. L'enrichissement était encore relativement modéré : ce dernier revenu n'est que 2,9 fois supérieur au revenu noble de l'ancêtre en 148017. Ce fils, Pierre III, put acheter en 1674 un office de conseiller du roi, alloué et lieutenant au présidial de Rennes pour 76 000 livres, et l'ensemble de ses acquêts allait se monter à 120 883 livres, ce qui élevait le total de ses biens fonciers à 152 058 livres. A la quatrième génération d'hommes de robe, c'était donc l'accès à la riche noblesse. Par rapport au revenu initial de 1480, le multiplicateur est cette fois d'environ 7,5. Une fois atteint un certain niveau, l'enrichissement pouvait donc s'accélérer fortement. Mais seulement deux filles allaient arriver à l'âge de se marier et avoir une postérité. Remarquons que ces officiers royaux de Hédé, issus de gentilhommerie ancienne mais petite et qui se sont hissés au niveau de la moyenne noblesse, étaient reconnus par celle-ci : à deux reprises une veuve de chef de nom Dubouays de Couesbouc épousa le chef de nom Beschard, et la sœur de l'alloué au présidial épousa un autre chef Dubouays.
Tableau généalogique no 6. Beschard de la Chaponnière (supra tableau généalogique no 2)


10 — Revenus fonciers réels. Lignage Beschard.
(R : Office royal ; N : Employés de la marine marchande)

11 — Revenus fonciers réels. Lignage Guezille.
8Les Ginguené de la Fontaine et les Beschard de la Chaponnière, alliés par mariage, eurent en commun un niveau de revenu de petit noble à la fin du XVe siècle (30 et 40 livres respectivement), le début d'un enrichissement au milieu ou à la fin du XVIe siècle, un revenu foncier dépassant le millier de livres dans la première moitié du XVIIe siècle, une ascension dans le monde des offices royaux depuis la petite sénéchaussée de Hédé jusqu'au présidial de Rennes, la possibilité d'établir un cadet avocat au parlement, et une fin en quenouille.
9Un essor analogue a été réussi dans une autre petite sénéchaussée royale, celle de Saint-Aubin-du-Cormier, par une branche de Caradeuc : Guy, sieur de la Vallée, en était sénéchal en 1618 (R 11), office évalué 2 000 livres en 1605, du même ordre donc qu'à Hédé ; il acheta la terre de la Bellangerie. La différence est que tous ses fils abandonnèrent le monde des offices, comme si ce dernier n'avait été qu'une transition, indispensable pour refaire fortune18. Ce lignage était pourtant très appauvri à la fin du XVe siècle, puisque Bernard se montrait en 1480 comme « jusarmier en brigandine », et en 1513 tenait seulement la métairie de Beauchêne en Médréac. Parmi ses descendants, outre la branche de la Vallée à Saint-Aubin-du-Cormier, une des ascensions les plus spectaculaires fut réussie au XVIe siècle par une autre lignée qui sous le nom de La Chalotais allait se rendre célèbre au XVIIIe siècle. Deux générations après Bernard cette lignée était déjà à Rennes avec un important office de finances : maître Sébastien de Caradeuc, sieur de la Joisnerie, était en 1566 contrôleur du domaine royal de Rennes, office rapportant 100 livres de gages19. Il devint ensuite notaire royal puis procureur au parlement, dont son fils Pierre était premier président des requêtes dès 1581 (Saulnier). Or ce lignage comporte un contre-exemple significatif : une troisième branche existant dès le XVIe siècle ne s'est pas élevée de la petite noblesse (no 2.2 et 2. 3 en 1710), et corrélativement aucun de ses membres n'a été officier de justice ni de finances.
10Quant aux offices seigneuriaux ils étaient plus nombreux ; nous les connaissons moins alors qu'ils ont peut-être fourni davantage d'opportunités aux robins ambitieux ; ainsi un enrichissement important se devine dans le lignage Guitton dont le chef de nom est, au milieu du XVIIe siècle, sénéchal de la baronnie de Bécherel (S 3).
11Voici donc un nouveau trait, imprévu, de l'importance des petits hobereaux : parmi eux aussi se recrutèrent des officiers et des nobles de niveau moyen, voire riche ; ces lignées, deux Caradeuc, une Ginguené, une Beschard, une Guitton, montrent la possibilité qu'eurent des descendants de la petite noblesse (déclarant moins de 40 livres de revenu noble en 1480) de s'enrichir très sensiblement, voire considérablement, au XVIe et dans la première moitié du XVIIe siècle. Le levier le plus efficace de ces ascensions furent les offices. Parallèlement, Guillaume Ginguené et le chartrier Beschard montrent une administration serrée des droits seigneuriaux et un agrandissement patient des domaines. Ces méthodes ont été fréquentes hors de Bretagne, mais elles étaient alors le fait notamment de bourgeois enrichis, souvent officiers et acquérant des seigneuries ; Marc Bloch a décrit l'histoire rurale du début de l'époque moderne comme une « réaction seigneuriale », les bourgeois enrichis apportant à la gestion seigneuriale « une mentalité de gens d'affaires accoutumés à calculer..., une mentalité de capitaliste »20. Il est curieux de constater que de petits gentilshommes ont pu mettre en pratique et maitriser ces stratégies combinant offices, reconquête des domaines et étroite gestion seigneuriale.
3. Les petits offices de juridiction
3.1. Un exemple
12Des lignées issues de petits gentilshommes ont pu s'enrichir considérablement à partir du milieu du XVIe siècle ; sans être rares, elles ne montrent pas la destinée la plus fréquente, et la plupart des autres, surtout les cadettes, se sont appauvries ou n'ont pu mieux faire que de maintenir le niveau de leurs revenus. Avant d'analyser le mécanisme d'appauvrissement des cadets, essayons d'en avoir une notion concrête avec un exemple. Le lignage Guezille est bien représentatif de ce processus : il part bien de la petite noblesse avec 60 livres de revenu en 1472 ; puis, à deux reprises, la branche aînée tombe en quenouille, celle de la Bonne-Denrée vers 1590 et la Chevrie vers 1640 (tableaux généalogiques no 2 et 7). Ce lignage est donc représenté au XVIIe siècle par des familles issues de cadets, dont les patrimoines résultent d'au moins deux partages nobles au XVIe siècle, le second en 1571 lorsque Julien, sieur de la Chevrie, a baillé à l'un de ses cadets, Regnaud, la terre du Rocher, jouxtant la Chevrie. Le déclin apparaît d'abord symboliquement. C'est probablement Regnaud Guezille, sieur du Rocher, qui a édifié, à quelques mètres du manoir de la Chevrie, la maison du Rocher existant encore de nos jours21. Les aveux la décrivent comme un grand corps de logis d'une longueur exceptionnelle de 80 pieds, couverte de tuiles rouges, et elle est construite en moellons de granit. A l'origine c'est une porte d'entrée unique qui était encadrée d'un arc en plein cintre en granit selon la mode en Bretagne à partir de la deuxième moitié du XVIe siècle. Avec ces matériaux et ces pierres taillées, ce logis gardait donc encore une prestance certaine. Cette belle porte donnait accès à deux pièces d'habitation au rez-de-chaussée22. Mais si l'édifice était si long, c'est qu'il comprenait en outre à l'extrémité est une troisième pièce que sa très petite fenêtre et sa porte indépendante et de banale facture désignent comme ayant dû être, dès l'origine, une étable ; et effectivement l'aveu ne mentionne pas l'existence comme à la Chevrie d'une maison de métairie. Le constructeur a donc renoncé à la disjonction entre logis nobiliaire et exploitation agricole qui caractérise le type manoir. En outre, ce grand logis ne comporte pas de tourelle. Ces deux traits se retrouvent dans les aveux de nombre de maisons de petits nobles au XVIIe siècle. Un autre signe extérieur de prestige des notables ruraux était le fait d'être sollicité par la communauté paroissiale pour parrainer de nouvelles cloches dans l'église ; cet honneur fut offert en La Chapelle-Chaussée aux Guezille en 1563, 1574 et 1610, mais plus jamais ensuite. Nous connaissons exhaustivement le revenu foncier de celui qui devient chef de nom vers 1630, Julien II. Son héritage paternel (sous bénéfice d'inventaire) est le Rocher. De sa mère il hérite d'une petite terre au Bas-Bourg, avec une assez grande maison ayant quatre pièces et dont la façade présente deux belles portes jumelles en pierres de taille avec arc en plein cintre, qui devaient donner accès respectivement à une pièce d'habitation (avec une grande fenêtre grillée) et une étable. Aucun Guezille ne tient plus de bailliage et ils ne sont donc plus de petits seigneurs. Les deux terres sont affermées : en 1626 Julien Guezille fait déguerpir le fermier du Rocher pour consentir la ferme à Pierre Beschard (A 1) au prix de 80 livres23. La vente du Bas-Bourg en 1632 lui permet l'année suivante de racheter à ce dernier la Chevrie, jouxtant le Rocher, et donc de remembrer le domaine partagé en 1571, manifestant un souci que nous avons déjà rencontré. En estimant le Bas-Bourg au vingtième du prix de vente, taux très habituellement utilisé par les contemporains, la rente foncière qu'avait Julien Guezille parait de l'ordre de 190 livres, ce qui correspond à 67 boisseaux de Châteauneuf, contre 160 boisseaux à l'ancêtre en 1472. En six générations le patrimoine du chef de nom a donc été divisé par 2,4 ; la hausse des prix n'en est guère responsable puisque les Guezille n'ont plus de rentes seigneuriales, mais le sont les deux ou trois partages nobles successifs du XVIe siècle.
Tableau généalogique no 7. Guezille, XVIIe siècle (suite du tableau généalogique no 2)


La maison noble du Rocher en La Chapelle-Chaussée. État en 1975.

Le Bas-Bourg en La Chapelle-Chaussée
Tableau 15. Patrimoine de Julien Guezille, sieur du Rocher

(1) Qualité de la terre, noble ou roturière

12 — Le terroir Guezille vers 1635
13Et pourtant cet appauvrissement a dû être limité par l'exercice fréquent d'activités. Celles qui s'offraient aux petits nobles ruraux étaient, outre l'exploitation de leur propre terre, les petits offices de juridiction et les fermes de dîmes.
3.2. L'offre d'offices : les carrières
14La petite noblesse a continué d'exercer très fréquemment des charges de basse judicature et de notaire. Pourtant le prestige de celles-ci avait commencé à décliner ; Loyseau, qui écrivait au début du XVIIe siècle, considérait déjà que les activités de notaire, greffier et procureur étaient dérogeantes. De façon concomitante, beaucoup de charges de notaires étaient détenues maintenant par des roturiers aisés. Mais les emplois offerts par les juridictions étaient très nombreux et facilement accessibles à la petite noblesse. Le nombre total d'officiers était très élevé : 2 261 dans l'évêché de Saint-Malo en 169624. Ils pullulaient particulièrement dans les villes sièges des sénéchaussées royales : 112 à Ploërmel, 101 à Dinan, mais les 2 000 autres devaient être des officiers seigneuriaux. Si les notaires et les officiers étaient très nombreux, c'était d'abord à cause de la très forte densité des juridictions seigneuriales. Le manuscrit de la bibliothèque de Poitiers permet d'entrevoir le sommet de leur hiérarchie par l'évaluation de l'office de sénéchal, le plus élevé (pièce justificative no 40) ; mais il est à craindre que ces listes ne soient pas exhaustives, surtout au niveau de 1000 livres, tout particulièrement dans l'évêché de Saint-Brieuc. Dans les plus grandes juridictions seigneuriales, l'office de sénéchal a valu plusieurs dizaines de milliers de livres, autant que dans les sénéchaussées royales. Au niveau d'une valeur de 2 000 livres seulement pour cet office, accessible à la plus petite noblesse, la juridiction généralement avait encore droit de haute justice. Une telle cour de justice avait au moins un juge (le sénéchal), un procureur fiscal et souvent deux notaires, auxquels s'ajoutait le greffier qui en tant que tel n'était pas un officier car il avait le plus souvent affermé le greffe : en tout cinq robins. Dans les diocèses de Dol et Saint-Malo réunis, il y avait au moins 37 juridictions seigneuriales de ce niveau, soit 185 charges, pour 232 paroisses, pas loin donc d'une charge par paroisse.
Tableau 16. Hiérarchie des juridictions seigneuriales en 1670

15Les plus nombreuses étaient les juridictions plus petites, offrant des offices de sénéchal d'un niveau moindre, de l'ordre de 1 000 livres en 1667, ou même des offices qui n'étaient pas vénaux, et qui néanmoins comportaient plusieurs charges. La plus petite noblesse put particulièrement exercer celles-ci à cause de leur répartition géographique : la densité des juridictions seigneuriales était la plus forte dans les diocèses de la côte nord : en moyenne 4,68 par paroisse dans celui de Saint-Malo, 3,87 dans celui de Saint-Brieuc, 3 encore en Léon, le double des moyennes de la côte sud. Elles étaient donc les plus nombreuses là où la noblesse elle-même et en particulier la noblesse petite et pauvre était la plus dense. Par paroisse en moyenne, au nord de la Haute-Bretagne, il y avait donc un office de juridiction plus ou moindre grande, ayant haute justice, et les charges de deux ou trois petites.
16L'offre était donc particulièrement importante. Dans notre échantillon, l'exercice du notariat et des offices de juridiction était de loin l'activité la plus fréquente, le travail de la terre toujours mis à part. Au XVIIe siècle, parmi les actifs tertiaires non marchands, nous comptons (pièces justificatives no 5-6-7) 69 % d'officiers, notaires et avocats, contre 23 % de militaires et seulement 8 % de prêtres ; les officiers et notaires exclusivement de cours seigneuriales y étaient à eux seuls 38 %. Il fallait donc d'abord avoir ses lettres. L'acquisition de l'instruction n'avait pas beaucoup changé depuis le XVe siècle, et pour la petite noblesse rurale il n'était pas question de collège. Dans une lignée de greffiers, Gabriel Ginguené de la Chauvrais (R 10, fils de S 13), de Romillé, par ailleurs fermier de dîmes, fit instruire ses deux fils d'abord vers l'âge de quatorze ans par un prêtre de Langan, puis passa avec le greffier de Hédé, un roturier, un marché pour leur éducation, sans doute pour qu'ils deviennent ses commis25. Moyennant quoi, les garçons de petite noblesse savaient signer dès l'adolescence. Il fallait ensuite être agréé par un seigneur. Les offices des plus petites juridictions ne devaient pas être vénaux mais pourvus gratuitement, et la nomination de l'officier par le seigneur pouvait s'inscrire dans une relation de patron à client. Des nobles, pauvres parce qu'issus de cadets, pouvaient être proches parents d'un seigneur et bénéficier d'une solidarité familiale. Dans la juridiction de Couësbouc au XVIIe siècle, deux Dubouays se sont succédés comme greffiers puis sénéchaux de la juridiction ; le premier (S 7), greffier en 1624, fils cadet du seigneur, n'avait hérité que de 101 livres de revenu noble en 1595 lors de la succession de son père, qui avait laissé 1 006 livres à l'aîné26. Dans le lignage Guezille, qui n'a pas compté moins de neuf officiers seigneuriaux de 1500 à 1738, deux au moins furent officiers de la Chevallerais (S 2 et S 11) dont les seigneurs étaient les Le Bel depuis le mariage de l'un d'eux avec l'héritière de la branche aînée Guezille. La relation de clientèle entre la lignée seigneuriale et les lignées clientes pouvait être durable. Au cours de tout le XVIIe siècle, quatre Guezille au moins (S 2, S 5, S 10 et S 11) ont été officiers des juridictions Dubouays, la Piédevachais et Couesbouc. L'officier pouvait être aussi homme de confiance. La protection du seigneur à l'égard de l'officier était souvent doublée d'une parenté spirituelle27. Mais cette relation pouvait aussi mettre le client en délicate situation. Vers 1629 au cours du conflit de prééminence entre les Dubouays seigneurs de la Piédevachais et Pierre Beschard de la Chaponnière, ce dernier envisage d'appeler les deux frères Guezille comme témoins car leurs armoiries sont encore visibles dans l'église de Langouêt et à la Chaponnière que leurs ancêtres ont possédée au XVe siècle. Non seulement Guezille et Beschard étaient parents depuis cette époque (tableau généalogique no 2), mais encore le cadet, Bertrand Guezille, venait d'épouser en 1628 une Jeanne Beschard, nièce de Pierre. Un procès aurait contraint les Guezille à choisir entre des seigneurs patrons depuis cinquante ans et des parents-alliés. Le règlement du conflit à l'amiable leur épargna ce choix cornélien et permit à Bertrand Guezille d'entamer une longe carrière (S 10) de notaire, procureur d'office et, tardivement, enfin de sénéchal de la Piédevachais et Couesbouc, cet office alors évalué 2 000 livres. C'était le cursus normal : les charges les plus nombreuses étaient celles de notaires, dont le prestige avait déjà sensiblement diminué et qui étaient déjà souvent détenues par des roturiers aisés ; on continuait par l'office de procureur fiscal ou la ferme d'un greffe, pour finir avec un office de sénéchal. Par ailleurs on cumulait souvent des offices dans plusieurs juridictions. Les revenus ne consistaient pas en gages mais seulement en vacations et épices.
17Dans les grands juridictions seigneuriales ces rapports d'hommes à homme entre le seigneur et ses officiers passaient déjà après la vénalité. Le frère aîné de Bertrand, Julien Guezille, sieur du Rocher, dont nous avons vu les 190 livres de rente (tableau no 15), afferma sa maison du Rocher en 1626 parce qu'il put à 23 ans devenir procureur fiscal (S 4) de la grande seigneurie de Tinténiac et qu'il allait habiter au bourg du même nom ; mais il abandonna cet office vers 1632. Or, en 1670, celui-ci allait être évalué 6 000 livres, ce qui montre que les principaux offices de cette grande juridiction allaient excéder maintenant les possibilités d'un petit noble. Effectivement en 1646 Julien Guezille, sieur du Rocher, n'était que priseur noble de la sénéchaussée de Hédé, petit office évalué seulement 100 livres en 1605 et qui ne peut pas avoir pris une valeur considérable. Ce qui ne signifie d'ailleurs pas que les revenus en soient négligeables : en 1641 un priseur noble de la sénéchaussée de Hédé est payé dix livres par jour28 ; le prisage d'un domaine d'une famille de moyenne noblesse, prenant plusieurs jours, était une véritable manne ! Il semble que ce soit dans le deuxième tiers du XVIIe siècle que la vénalité se généralisa aux offices des grandes juridictions, et en particulier qu'ait été introduite la vénalité publique29. Cette généralisation de la vénalité et la hausse des offices durent bénéficier à ceux qui étaient déjà en place et interdire dorénavant l'accès des offices des grandes juridictions seigneuriales à la petite noblesse.
Tableau généalogique no 8. Dubouays de Couësbouc, XVIIe siècle (cf. tableau généalogique no 3)

4. Les fermes de dîmes
18Alors que les rentes seigneuriales étaient portables, les dîmes étaient quérables : les tenanciers devaient livrer au seigneur les rentes qu'ils leur devaient, alors qu'il appartenait au décimateur de prendre livraison des gerbes dans les champs. Évêques, abbés et curés se débarrassaient de ce souci sur un particulier auquel ils affermaient la collecte. Les baux étaient conclus par adjudication, le décimateur donnant la ferme au plus haut enchérisseur. Le fermier s'engageait à livrer une quantité précise de grains, alors que ce qu'il allait collecter était toujours une proportion fixe et conventionnelle de la récolte. L'affaire était rentable si le produit de cette proportion surpassait la quantité prévue dans le bail.
19Dès le début du XVIe siècle au moins, des fermes de dîmes furent prises par des gentilshommes. Les états généraux de 1560 avaient été l'occasion d'un raidissement de la royauté à l'égard de la noblesse et l'ordonnance d'Orléans rendue au lendemain de la session interdit aux nobles du royaume de prendre des fermes d'impôt, mais elle ne fut guère observée, car l'ordonnance de Blois de 1579 (art. 48, Isambert) constatait que des gentilshommes prenaient à ferme des revenus ecclésiastiques et renouvelait la même interdiction. Prendre des fermes de dîmes dérogeait donc à la noblesse ; mais en Bretagne, la noblesse dormante permit aux nobles d'en prendre néanmoins, à l'instar de la gentry anglaise30. Puis, au cours de la guerre de la Ligue, les fermes de dîmes furent peut-être laissées plus particulièrement aux petits nobles qui pouvaient protéger les convois de grains ; ainsi le capitaine d'hommes de pied Jean Guezille, sieur de la Barre-Chevrie (M 2), fut fermier de dîmes de l'abbaye Saint-Georges de Rennes en 1594-1595, et le capitaine du château de Québriac fermier des dîmes du recteur de cette paroisse en 1595-159631. A Tinténiac, où l'abbaye Saint-Georges avait un prieuré, les fermiers étaient souvent des nobles ou des officiers des deux juridictions, Tinténiac et Saint-Georges. L'adjudication des fermes à des nobles n'allait pas sans provoquer des conflits avec des paysans ; en 1635, les religieux de Redon déclarent qu'autrefois les gentilshommes se sont fait donner des fermes de dîmes par contraintes et violences32.
20Cet engouement pour les fermes de dîmes aux XVIe-XVIIe siècles était conforme à la conjoncture. La collecte des dîmes laissait au fermier d'abondantes quantités de grains commercialisables ; or le profit qu'on pouvait en attendre était augmenté par le mouvement long de hausse des prix qui se faisait sentir depuis les décennies 1540-1550. En Bretagne la poussée fut particulièrement forte au cours des années 1560, resta soutenue jusque vers 1590 et se transforma en flambée à la fin de la guerre de la Ligue. Après 1660, en revanche, une longue dépression a affecté les revenus des abbayes, et donc la collecte des dîmes, jusqu'en 1740 à Redon, jusque vers 1750-1760 à Saint-Georges de Rennes33.
21La ferme des dîmes était une véritable entreprise. Il fallait payer la main-d'œuvre du battage, et les charrois à partir de septembre. L'adjudication avait lieu au début de juin, à une date où les « levées » dans les champs permettaient d'avoir une idée de ce que serait la récolte. Les baux étaient conclus soit chaque année, soit pour trois ans ; on devait avoir une notion empirique du mouvement cyclique et de sa période décennale, auquel cas des baux de trois ans permettaient aux enchérisseurs de s'adapter à la phase cyclique du moment. D'autre part, la concurrence entre preneurs poussait les enchères à la hausse. Dans un gros bourg comme Tinténiac, ces pouvoirs et ces revenus qu'étaient les offices des deux juridictions et les dîmes du prieuré étaient partagés par une petite élite peu nombreuse, comprenant à la fois de petits nobles et des roturiers aisés ; ces notables tissaient un réseau serré d'alliances matrimoniales et de parentés spirituelles et se connaissaient bien34 Peut-être réussissaient-ils à prendre, face au bailleur, une conduite plus de solidarité que de concurrence. Le gain annuel était la marge entre les livraisons prévues par le bail et la proportion accoutumée de la récolte effective, récolte que le temps estival pouvait faire différer sensiblement des prévisions. Si l'apparence de la récolte en juin était médiocre, les adjudications ne montaient pas très haut et une récolte effectivement médiocre laissait une certaine marge qui, grâce à ces prix soutenus, permettait de faire une assez bonne affaire. Si l'apparence de la récolte était meilleure, il fallait bien enchérir, encore que cela dépendît alors de la concurrence. Si l'adjudicataire s'était engagé à livrer de grandes quantités et que la récolte tenait ses promesse, il restait au fermier aussi de grandes quantités de grains négociables à bas prix mais qu'il pourrait vendre à meilleur compte en attendant, un an ou deux, une remontée des prix. Le fermier devait donc avoir aussi des greniers assez grands ; c'était par exemple le cas de Julien Guezille dont nous avons vu au Rocher le grand corps de logis long de 80 pieds. Si, dans la même hypothèse d'un bail élevé, la récolte espérée était compromise par un mauvais été, trop humide par exemple, il pouvait arriver que le fermier ne pût livrer à l'abbaye tous les grains promis ; les baux prévoyaient qu'alors le preneur paierait les grains non livrés au plus haut prix qu'ils vaudront dans l'année commençant à chaque feste de Saint-Michel, c'est-à-dire à un prix particulièrement haut puisque faisant suite à une mauvaise récolte. L'affaire prenait alors un très mauvais tour. Ainsi en 1629 Julien Guezille prit à ferme deux traits de dîme de l'abbaye de Saint-Georges au terroir de Tinténiac ; son chiffre d'affaires pour le seul trait des Bois était de l'ordre de 250 livres35. Or la récolte fut très mauvaise, il ne put livrer tous les grains dûs, et comme l'année 1630 vit les prix les plus élevés depuis plus de trente ans, il dut payer en argent, entre octobre 1629 et juin 1630, 216 livres, ce qui dépassait très sensiblement les 190 livres de la rente annuelle de son patrimoine. Il s'agissait donc d'une activité spéculative que ne pouvaient pratiquer que des ruraux au fait des réalités agricoles, mais le succès même des adjudications montre que l'entreprise était le plus souvent rentable. Or ces fermes ne manquaient pas. Outre l'abbaye Saint-Georges, au nord de Rennes c'était l'abbaye Saint-Melaine dont les dîmes s'étendaient sur le plus grand nombre de paroisses, puis, vers le nord-ouest, Marmoutier36. S'y ajoutaient notamment le chapitre de Rennes et, vers la côte nord, zone de la densité maximale de petite noblesse, ceux de Dol, Saint-Malo et Saint-Brieuc37. Des nobles collectaient aussi des dîmes de cures.
Des destinées diverses
22Nous avons vu Julien Guezille, sieur du Rocher, procureur fiscal d'une grande seigneurie, fermier de dîmes, enfin priseur noble de Hédé, et peut-être a-t-il été aussi régisseur du manoir du Plessis-au-Chat en Dingé, autre emploi offert encore à de petits nobles38. Le bilan de cette activité est remarquable : quoique ne laissant pas moins de six fils adultes lors du partage de ses biens en 1665, le domaine noble du Rocher put être intégralement transmis à l'aîné, lequel fut à son tour fermier de dîmes, et trois des cinq cadets purent se marier.
23Comparons deux petits-fils de la ligne aînée et de la ligne cadette la plus en vue. Le chef de nom, François Guezille II, sieur de la Villefily, acquit en 1683 à la faveur d'une vente judiciaire un grand domaine de 200 journaux, le Prémorel39. Mais il dut emprunter intégralement, auprès d'une veuve noble, les 6 300 livres nécessaires à cette acquisition qui dépassait de loin ses moyens. Il mourut en 1696 en laissant le Prémorel hypothéqué et une lourde dette. C'est sans doute à cause de celle-ci que son fils aîné ne figure pas dans le rôle de capitation (no 7.1, pièce justificative no 1). Il ne put que revendre le domaine et, ruiné, se faire fermier d'une petite métairie. L'imprudence d'un si gros achat à crédit et cette incapacité à estimer raisonnablement ses dépenses nous paraissent plutôt un cas particulier dans la petite noblesse ; il est remarquable qu'un comportement aussi caractéristique de la noblesse ait été le fait d'un chef de nom.
24Plus raisonnables ont été les objectifs du rameau cadet. Un des fils cadets de Julien, sieur du Rocher, Pierre, sieur de la Villefily, expatrié dans l'évêché de Saint-Brieuc, y a épousé une noble, fille cadette du sieur du Frescheclos en Pommeret. Pierre Guezille a dû être châtelain ou fermier en 1669 ; de 1679 au moins à sa mort en 1686 il a été greffier d'une juridiction seigneuriale (S 17), et sa lignée permet donc aussi d'apprécier le résultat de ces activités. Après la mort de son beau-père en 1675, il s'est installé au Frescheclos, dont, à l'occasion d'une vente judiciaire en 1684, ses enfants sont devenus propriétaires, sans doute par un retrait lignager. Le manoir, situé au bourg de Pommeret, existe encore : construit en pierres, il comporte deux ailes perpendiculaires accolées et une tourelle au derrière ; il était alors couvert de pierres vertes. Le fils aîné, Guillaume Guezille, sieur du Frescheclos, capitaine de milice garde-côte (M 7), n'allait agrandir que peu les terres au cours de son mariage ; avant ses quelques acquêts, le domaine comprenait 38 journaux nobles et quelques parcelles roturières, rapportant une rente équivalent à environ 73 boisseaux de Châteauneuf40. Par rapport aux 67 boisseaux du grand-père en 1630, on constate une reproduction sur le même pied, ce qui est remarquable de la part d'une branche cadette, laquelle s'oppose brillamment à la branche aînée41. Le rameau du Frescheclos montre que ponctuellement l'appauvrissement des cadets n'était pas fatal absolument. Dans cette résistance à l'appauvrissement, le père, cadet mais greffier de juridiction, a dû prendre une grande part ; autre exemple, après celui du grand-père Julien, sieur du Rocher, qui montre que les petits offices de juridiction pouvaient bien contribuer à une reproduction des familles au même niveau.

Le Prémorel en Plesder

Le Frescheclos en Pommeret
25Mais le schéma synoptique no 11 montre que l'appauvrissement des cadets était la destinée la plus fréquente. Le frère cadet (7.3) de Guillaume, sieur du Frescheclos, semble n'avoir hérité que d'une métairie de 150 livres de rente, soit seulement 29 boisseaux de Châteauneuf42. Or les quatre familles composant la branche cadette Guezille au début du XVIIIe siècle (no 7.5 à 7.8) ont des patrimoines du même ordre ou inférieurs : 38, 28, 16,5 et 30 boisseaux43. Julien Guezille, sieur des Touches (no 7.7), en particulier contredit douloureusement les observations optimistes qui précèdent ; il est fils unique, mais ses ascendants agnatiques sur pas moins de quatre générations consécutives ont été à la fois cadets et officiers de juridiction (S2, S5, S11, S14). Or son patrimoine propre de 87 livres, très bien connu, est un des plus bas qui soient à 16,5 boisseaux44 : l'exercice de petits offices seigneuriaux n'a donc pas évité cette fois l'appauvrissement des cadets.
26Voici donc trois jalons dans l'histoire séculaire d'un lignage. En 1472, l'ancêtre commun avait un revenu noble de 160 boisseaux ; en 1630, le chef de nom, issu d'un rameau cadet, n'en a plus que 67. En 1710, le lignage ne compte pas moins de huit foyers dont les rentes varient de 126 boisseaux (avec des dettes) à 16,5, mais le revenu médian n'est que de 30 boisseaux, le cinquième de ce qu'avait l'ancêtre commun sept à huit générations plus tôt. L'ampleur de l'appauvrissement des cadets Guezille est donc du même ordre, en sens inverse, que l'enrichissement des officiers royaux Beschard. Sur l'ensemble du lignage Guezille, le facteur le plus intense a été le plus souvent le facteur appauvrissant les cadets, qui ne peut être que le partage noble. Ce n'est qu'exceptionnellement que les activités dérogeantes, charges des petites juridictions et fermes de dîmes, ont permis à des cadets de maintenir leur patrimoine d'une génération à l'autre.
5. Le commerce
5.1. Taverniers et petits marchands
27En 1636 le voyageur Dubuisson-Aubenay évoquait un nombre incalculable de gentilshommes procureurs mais aussi marchands ou hôteliers45, et le parlement dut renouveler maintes fois l'interdiction faite au juges et notaires de tenir cabaret46. Ces cabaretiers et marchands nous restent le plus souvent anonymes, si bien qu'il est très difficile de vérifier notre hypothèse d'un recours plus fréquent à la noblesse dormante au XVIe et au début du XVIIe siècle. En outre, après les minutieuses enquêtes ducales de la période 1478-1513, les registres paroissiaux les plus précoces laissent plusieurs générations dans l'ombre, et les sources ne permettent pas de reconstituer les lignées qui, n'ayant pas été maintenues lors de la réformation de la noblesse en 1668-1671, n'ont pas laissé de dossier généalogique, si bien qu'il est difficile d'observer d'éventuelles intégrations de nobles pauvres dans le tiers état.
28Aussi l'exemple suivant est-il privilégié. En 1444, Jouhan Anne, sieur de la Poutelais, était bien noble, et Olive Anne, dame de la Poutelais, veuve du seigneur de la Chevallerais, était sans doute sa fille47. Les autres personnages de ce nom étaient sans doute issus d'un cadet. En 1480, n'ayant que 60 sols de revenu noble, Jehan Anne fit défaut à la montre ; tavernier, il affirma encore sa noblesse et réussit jusqu'en 1478 à rester exempt de fouage. Or au XVIe siècle, aucun des Anne apparaissant dans le registre de baptêmes des Iffs n'y portait le titre alors nobiliaire de noble homme dont le recteur gratifiait pourtant les familles de petite noblesse. Ultérieurement, ce lignage, qui s'est perpétué, n'a jamais réintégré la noblesse. Des Anne se succédèrent pendant presque tout le XVIe siècle comme châtelains de la grande seigneurie de Tinténiac, type de charge exercée souvent par de petits nobles, et il n'y eut donc pas de rupture dans le choix de leurs activités. Dès 1513, les Anne habitent dans la paroisse de la Baussaine, où se trouve la Tremblais dont ils portent le nom dès 1530 ; or cette paroisse participait à l'actif commerce de fil de lin du pays de Bécherel, et Geffroy Anne, sieur de la Tremblais, est dit marchand en 1575 dans un acte qui ne lui donne pour avant-nom que celui d'honeste homme. Dès la fin du XVe siècle, Bécherel était un marché et le centre d'une manufacture de fil de lin, et ce pays exportait du fil en Flandre, où allaient aussi des marchands de Montfort et Tinténiac48. Les paysans filaient le lin de leur propre récolte, de petits marchands filandiers ou filotiers collectaient leur production et la revendaient à des marchands en gros sur le marché de Bécherel ; les avances que ces petits filotiers devaient consentir aux gros marchands nécessitaient d'avoir un minimum de capital. Le fils cadet du marchand Geffroy Anne était encore fermier châtelain de la seigneurie de Tinténiac, et en 1593 fermier des dîmes du prieuré de Saint-Georges. L'aîné s'établit marchand à Saint-Malo où il se maria en 1577 ; en 1590, associé à trois marchands de Vitré, il alla chercher à Jersey une cargaison de piques, de balles de fer et de poudre pour le roi49. C'est donc après avoir exercé pendant plusieurs générations des activités dérogeantes, en particulier commerciales, que les Anne se sont intégrés au tiers état.
Tableau généalogique no 9. Anne (Chute dans le Tiers au XVIe siècle)

29Une parenthèse est nécessaire car nous venons d'invoquer un avant-nom, celui d'honnête homme, et quoique la titulature ne soit pas un critère fiable pour apprécier la qualité d'un personnage, il faut savoir l'interpréter exactement, ce qui nécessite de repérer les étapes de son inflation. Dans les aveux du XVe siècle, la majorité des possesseurs de fief sont désignés sans titre nobiliaire et portent seulement le nom de leur principale terre. Dans la seconde moitié du XVe siècle, deux avant-noms, noble escuier et noble homme, étaient portés par des personnages de moyenne noblesse. Dans la première moitié du XVIe siècle, escuyer restait rare, et noble homme qualifiait de plus en plus souvent les petits nobles, mais ces deux avant-noms étaient équivalents car ils étaient utilisés l'un pour l'autre. L'essentiel est que, pendant tout le XVIe siècle, noble homme, qui se généralisa au cours de la deuxième moitié, désignait encore une gentilhomme car était appliqué à des personnages dits héritier principal et noble. C'est sensiblement au cours du deuxième quart du XVIIe siècle que les petits nobles se firent subitement et systématiquement qualifier d'écuyers ; faut-il y voir une conséquence du malaise ressenti partout en France par la noblesse devant la montée des bourgeois et des officiers, et la volonté de s'en distinguer ? L'attribution du titre d'écuyer aux nobles maintenus par la chambre de réformation de la noblesse en 1668 sanctionnait donc une pratique généralisée depuis peu. A partir du milieu du XVIIe siècle, le titre de noble homme désigne donc soit des notables roturiers, soit des gentilshommes en noblesse dormante.
30Pour en revenir aux familles qui se sont consacrées à des activités commerciales, certaines ont échappé à la chute dans le tiers état in-extremis, en se faisant maintenir nobles au XVIIIe siècle par l'intendance, une fois réalisée une grande fortune. Ainsi deux lignées connues pour avoir donné des armateurs au XVIIIe siècle, les Chapedelaine et les Espivent de la Villeboisnet : dans les deux lignages on portait le titre de noble homme, incontestablement roturier à la fin du XVIIe siècle et suggérant donc des activités dérogeantes dont certaines ont dû être moins honorifiques que des offices ; un commerce est d'autant plus probable qu'il s'agit de citadins, les Chapedelaine à Saint-Malo et Lamballe et les Espivent à Saint-Brieuc. Les premiers furent aussi officiers de justice : un oncle et son neveu se succédèrent comme lieutenant de la juridiction du duché de Penthièvre, office qui avait été vendu 2 500 livres en 164550. Le frère cadet de ce premier lieutenant était en 1676 procureur syndic c'est-à-dire procureur des bourgeois ; ce sont ses deux fils qui allaient se lancer dans les activités maritimes à Saint-Malo. Quant aux Espivent ils se situaient au XVe siècle dans la plèbe nobiliaire et habitaient dès la deuxième moitié du XVIe siècle à Saint-Brieuc51 ; la région produisait du fil, exportait blé et miel et le port armait pour la pêche à la morue. L'intégration des Espivent aux milieux maritimes se fit avant 1675, année où le parrain d'un enfant de Guillaume était conseiller du roi, commissaire général de la Marine.
31Mais il faut insister sur une troisième destinée lignagère : contrairement à ce qu'ont répété plusieurs historiens (Zeller, Richard) à la suite de Bourde de La Rogerie (1922), des lignages ayant compté des marchands réussirent à se faire maintenir nobles dès 1668-1671 par la fameuse chambre de réformation instituée par Louis XIV pour démasquer les usurpateurs. A Saint-Brieuc encore, Olivier Le Moenne faisait trafic et usait de bourse commune, siégeait à l'assemblée des bourgeois dès 1605-1606 et était inscrit au rôle des louages (1611-1626) ; âgé, il déclara devant le procureur du roi renoncer à ses activités dérogeantes, en 1645, au meilleur moment peu avant le renversement de la conjoncture : ses enfants furent maintenus nobles dès 1669. A Auray, de nombreux Le Gouvello furent durablement marchands et, entre 1537 et 1620, inscrits aux rôles des louages, ce qui n'empêcha pas le lignage d'être maintenu noble52.
32En règle générale les sources du XVIIe siècle ne citent pas l'activité commerciale d'un membre d'un lignage noble, et cette omission systématique paraît significative, de la part des nobles et avec la sympathie des scribes, d'un souci de discrétion à propos d'activités considérées comme ignobles. Les mentalités bretonnes auraient donc partagé la conception la plus courante de la hiérarchie du déshonneur des activités dérogeantes ; les petits offices de judicature étaient encore assez estimés pour que les petits nobles les affichent, par exemple dans les registres paroissiaux, alors que le commerce, qu'on évitait de livrer aux indiscrétions de l'écrit, semble avoir été méprisé par la petite noblesse en Bretagne comme dans le reste du royaume. La masse des petits gentilshommes bretons, s'ils tiraient toujours parti de la commodité institutionnelle qu'était la noblesse dormante pour pratiquer des activités dérogeantes et notamment commerciales, ne le faisaient que comme un pis-aller préjudiciable à l'honneur. Le droit breton, la noblesse dormante, quoique mis en pratique au cours de plusieurs siècles, ne semble pas avoir modelé une échelle des valeurs très différente de celle dominant dans le reste du royaume ; c'est la mentalité nobiliaire habituelle qui a exercé la pression la plus forte.
Tableau généalogique no 10. Chapedelaine (Noblesse maintenue par l'intendance en 1716)

33Reste qu'il y eut bien participation aux activités commerciales de familles issues de la plèbe nobiliaire, comme les Anne et les Espivent. Au XVIe siècle elle fut favorisée par plusieurs facteurs. D'abord les régions de forte densité nobiliaire, surtout la bande côtière septentrionale, étaient des lieux d'activité intense : d'une part, la production de lin ou de chanvre et la manufacture de toiles ; d'autre part, l'ensemble des activités maritimes, pêche et commerce, cabotage ou trafic international avec l'Angleterre, les Flandres et la péninsule ibérique. Surtout, la conjoncture de prospérité du XVIe siècle était motivante. La production et les exportations de toiles connaissaient une forte expansion. C'est très tôt que la côte nord réagit aux découvertes atlantiques, de très petits ports armaient pour la pêche à la morue à Terre-Neuve dès 1508, d'après le premier document sûr, et sans doute plus tôt encore. Et si les marins bretons n'étaient plus au XVIe siècle les rouliers des mers comme au siècle précédent, parce que la concurrence s'était exacerbée, en valeur absolue leur niveau d'activité n'avait pas baissé. « A l'entrée de la Baltique en 1539, sur 30 navires français acquittant à Copenhague le péage du Sund, 23 étaient bretons ». A Anvers, capitale commerciale de l'Ouest européen, « jusqu'au milieu du XVIe siècle, la proportion des navires bretons croit constamment » (Mollat, p. 16) ; puis, de 1560 à 1585, « les chiffres dont nous disposons ne permettent pas encore d'assurer que, dans l'ensemble, les Bretons sont venus beaucoup moins nombreux ». Ainsi l'essor de la marine bretonne a duré jusque vers la fin du XVIe siècle (Coornaert, p. 315 et 301). Avec l'Espagne, à partir de la paix de 1559, le commerce français « parut au grand jour et prit tout de suite un essor remarquable » (Girard) ; or il était le fait notamment de marchands bretons, ceux de Vitré entre autres.
34Enfin les capitaux investis dans les activités maritimes étaient encore de médiocre ampleur, notamment ceux que requiert la pêche morutière. Les Bretons utilisaient des navires de taille moyenne, les navires de plus de 160 tonneaux étaient rarissimes au XVIe siècle, et les capitaux à réunir ne les incitaient pas à former des sociétés au-delà de quelques personnes53. Cette faible concentration du capital s'accordait bien à l'extrême dispersion des nombreux petits ports. Au surplus, le cadre que constituaient ces derniers ne déroutait pas un nouveau venu au commerce et ne l'obligeait pas à une patiente intégration au milieu des négociants d'une grande ville. Jusqu'au XVIe siècle, négoce et armement furent donc assez facilement accessibles à des ruraux un peu aisés ; en Plouer en 1559 un petit noble était receveur d'une seigneurie et s'occupait d'armer son propre navire pour Terre-Neuve54.
5.2. Les nobles dans le négoce malouin
35Il n'empêche que des nobles ont aussi mené leurs affaires à partir de Saint-Malo, dont le trafic s'est beaucoup développé. Au XVIe siècle les morutiers malouins vendaient le produit de leur pêche dans les pays de l'Europe méridionale et catholique, et dès 1571 se présentaient à Civitavecchia pour en ramener de l'alun55 ; vers 1660, Saint-Malo était devenu le premier port du royaume. L'activité des nobles y paraissait d'autant plus naturelle qu'un certain nombre de lignages, enracinés à Saint-Malo dès la fin du XVe siècle, s'y consacraient au négoce de génération en génération, tout en prétendant à la noblesse. Les Artur, Gouin, La Haye et Picot, qui en 1488 souscrivirent à l'emprunt forcé de Charles VIII, pourraient bien appartenir aux lignages maintenus nobles par la chambre de réformation (1668-1671) ou l'intendance. Jehan Martin de la Lande, qui prêta 71 écus en 1488, est l'ancêtre de Jean Martin de la Chapelle, armateur corsaire en 1703. D'autres lignages maintenus nobles après 1668, Picot, Boulleuc, étaient à l'époque des réformations ducales établis dans les paroisses proches de Saint-Malo où leurs membres vinrent grossir le nombre des négociants. Enfin il y avait des nobles, venant de Bretagne (Gouin, La Choue, la Haye, Gervais, Chapedelaine, Denis) ou de Basse-Normandie (Dufresne, Pottier, Onfroy), parmi les immigrants que le dynamisme du grand port a attirés aux XVIe et XVIIe siècles.
36Avant 1629 et l'article du code Michau accordant au négoce maritime un statut exceptionnel, autorisant les gentilshommes à entrer dans des sociétés sans déroger (art. 452, Isambert, 16, p. 399), les nobles bretons négociants étaient en noblesse dormante. Néanmoins c'est anciennement que ces nobles malouins se sont consacrés aux activités maritimes. Pépin de la Broussardière, mort en 1558, fut un capitaine corsaire fameux. Pierre Artur commerçait avec Anvers dès 1547 ; Julien Artur de la Motte était armateur en 1593, Étienne Artur, capitaine de navire, alla à Danzig en 1594, en Guinée avant 1597. Charles Picot était copropriétaire d'un des quatre « grands navires » du port en 157356 Deux frères Boulleuc, dont l'ancêtre à la fin du XVe siècle était un petit noble habitant près de Saint-Malo, s'installèrent dans cette ville au début du XVIIe siècle ; l'aîné mourut en mer en 1636. Le fils du cadet, Nicolas, sieur de la Villeblanche, prit en 1659 le bail de l'armement du vaisseau destiné à protéger les pêcheurs de Terre-Neuve. Il fut maintenu noble en 1671 avec défense que son nom soit inscrit sur la liste des nobles tant qu'il n'aurait pas abandonné le commerce ; il devint greffier de l'amirauté de Saint-Malo57 Son fils fut lieutenant d'une frégate corsaire, puis investit ses capitaux dans des parts d'intérêt de navire de 1/16 ou 1/32, et, dès le début de la guerre de la Ligue d'Augsbourg, dans au moins un corsaire. A sa mort, en 1690, il laissait des parts dans quatre navires58. Certains lignages nobles ont participé durablement au commerce avec l'Espagne. Les Martin y étaient déjà assez habitués pour que deux frères y fussent délégués pendant la guerre de la Ligue. Les deux lignages Pépin de Belleisle et La Haye avaient chacun un commissionnaire à Cadix en 1625 au plus tard. 1590-1625 sont des années extraordinairement favorables et l'apogée du trafic de l'Espagne avec l'Amérique. C'est ce trafic avec l'Espagne qui semble avoir permis l'enrichissement le plus considérable réussi par un de ces négociants nobles, un cadet de la branche cadette des La Haye, Pierre, négociant à Cadix en 1685 : il a pu acquérir la seigneurie de Plouer, laquelle a été érigée en comté en 1698. Cela ne l'a pas dissuadé d'armer des navires, dont... Le Comte de Plouer vers 1700 avant de mourir à 53 ans en 1703. Le comté de Plouer fut hérité par son neveu Joseph, qui avait dû le remplacer à Cadix où il était négociant en 1692 et 1700 (Girard).
Tableau généalogique no 11. Martin (Maintenus nobles par l'intendance en 1717)

37De petits nobles sont donc venus à Saint-Malo au cours des XVIe et XVIIe siècles pour y faire du négoce, ils ont pris part aux principales activités du grand port et certains s'y sont enrichis. Des lignées nobles sont même restées fidèles au négoce maritime pendant plusieurs générations. Elles suggèrent une participation nobiliaire au négoce bien supérieure, car la reconstitution des lignages ne peut faire apparaître que les implantations malouines durables ; derrière les réussites se profilent ceux qui sont venus aussi à Saint-Malo tenter leur chance, mais que la fortune n'a pas élus, ou qui n'y ont pas fait souche.
38En outre les lignages malouins maintenus nobles sont bien moins nombreux que ceux qui prétendaient à la noblesse et n'ont pas réussi à se faire maintenir. Dans le groupe des lignages comprenant au moins un armateur corsaire dans la période 1688-1715, six seulement ont été maintenus nobles en 1668-1671, six autres l'ont été par l'intendance entre 1669 et 1720 ; ce qui fait douze lignages dont la noblesse est sûre ; mais pas moins de vingt autres lignages ont été déboutés(pièce justificative no 19). Comme avant 1668 il n'y avait plus de contrôle de l'appartenance au second ordre, autre que la reconnaissance mutuelle manifestée par les alliances, nous estimons que la plupart de ces lignages déboutés étaient considérés avant 1668 comme nobles. Par conséquent, à la veille de la réformation de 1668, Saint-Malo était le siège d'une trentaine au moins de lignages de gentilshommes « bourgeois », c'est-à-dire faisant des affaires tout en étant reconnus nobles. La société malouine, où les officiers étaient moins nombreux que dans les autres villes bretonnes parce qu'il n'y avait qu'une juridiction, s'est forgée une hiérarchie des dignités particulières, mettant spécialement le négoce en honneur, un peu comme les cités italiennes.
Tableau généalogique no 12. Boulleuc (Maintenus nobles d'extraction en 1671)

Tableau généalogique no 13. La Haye (Maintenus nobles d'extraction en 1669 et par l'intendance en 1701)

Tableau généalogique no 14. Pepin (Maintenus nobles en 1669)

Conclusion
39Il ne faut pas exagérer l'importance de ces lignées de négociants dans la noblesse bretonne : il s'agit plutôt de brillantes exceptions situées dans un port dont l'importance était exceptionnelle. Les petits nobles qui s'adonnaient à des activités commerciales étaient plus prosaïquement cabaretiers et marchands. En y ajoutant tous les petits officiers et les collecteurs de dîmes, on voit que la petite noblesse bretonne a beaucoup participé aux activités économiques, en particulier aux activités tertiaires, avec une fréquence plus souvent décrite dans la gentry que dans la noblesse française59. Ces activités, menées généralement sur plusieurs générations, ont imprimé à ces lignées des mouvements verticaux de grande ampleur, ascendants ou descendants. Des lignées issues de la plèbe nobiliaire, après plusieurs générations d'activités dérogeantes au XVIe siècle, se sont fondues dans le tiers état, comme les Anne. Quelques-unes se sont considérablement enrichies. Certaines par le négoce, comme les Espivent, au risque encore de tomber dans la roture. D'autres, un peu plus nombreuses, par l'exercice opportun des offices de juridiction, dans la seconde moitié du XVIe et au XVIIe siècles, lors de la généralisation de la vénalité et au début de la hausse de la valeur des offices. Mais les mouvements descendants ont certainement été les plus nombreux. Nous les avons vus dans des lignées cadettes, ce qui commence à désigner, comme la cause la plus intense d'appauvrissement, le partage noble, qu’il nous faudra analyser. Généralement, la pratique de modestes activités dérogeantes n'a pas suffi à en contrebalancer les effets.
Notes de bas de page
1 Morice, 3, 747 & 761.
2 Requête de la noblesse aux États de 1517, publiée par Sée, « Les États de Bretagne au XVIe siècle », p. 565.
3 Contes d'Eutrapel, I, p. 241.
4 Publié par Y. Durand. Le cahier breton rédigé pour les états généraux était un cahier unique commun aux trois ordres, lesquels s'étaient donc remarquablement mis d'accord sur un compromis.
5 Catalogues des actes de François Ier, Académie des Sciences morales et politiques, 6, 1894, p. 613 & 620.
6 C'est en 1541 que le seigneur de la Grimaudais crée six notaires (Rosmorduc, La noblesse... 3, p. 590).
7 Hevin, Consultations..., LI.
8 Morice, 3, 1346.
9 Roland Mousnier, Fureurs paysannes, p. 331, 342.
10 Pièce justificative no 39 (Bibl. nat., Fr. 3 435, fo 311). Ces évalutations royales allaient vite devenir inférieures aux prix réels pratiqués. Listes des magistrats : Rennes, Planiol, 5, p. 239 ; Ploërmel, Fournier De Bellevue, p. 245-254 ; Dinan, Odorici, p. 416 ; Hédé, Anne-Duportal, B.M.S.I.V., 44.
11 Arch. dép. Loire-Atlantique, B 1545, aveu de la Piédevachais. Milin, p. XXI-XXIV, et montre de 1541, Bibl. mun. Rennes, p. 819. Saint-Pern, Prevue s... p. 137. Du Cleuziou, « Journal... », p. 53. Étudiants à Poitiers en 1549 et 1579 dans Parfouru, « Anciens livres de raison... », p. 418 et 447.
12 Olivier Bertho, sieur du Bignon et son fils Charles, sieur de Lescouet (Arch. dép. Côtes-d'Armor, E 94). Le lignage Bertho était bien implanté au XVIe siècle dans les offices de l'importante juridiction de Lamballe, donnant un receveur en 1536 (Morice, 3, 1030) puis quatre alloués de 1540 à 1601. Le premier alloué, François, était bachelier en droit ; le troisième, Olivier, sieur du Bignon, licencié en droit, était alloué en 1599 et sénéchal en 1601 (Quernest, p. 177-178).
13 Par exemple en cas de mainlevée, les juges royaux et les juges des regaires, duchés et anciennes baronnies pouvaient recevoir 3 livres et ceux des autres juridictions 30 sols ; lorsque les juges avaient de nombreuses pièces à examiner ils pouvaient se faire payer jusqu'à 6 ou 9 livres d'épices (F. Jouon des Longrais, « Deux traits caractéristiques de la Coutume de Bretagne concernant les successions », M.S.H.A.B., 7, 1926 p. 158).
14 Enrichissement dans la moyenne noblesse de 1480 à 1665
Feudataire vivant en 1480 | Revenu (r) | Descendant en 1665 | Rente (R) | R/r déflaté |
Bertrand Glé, sr de la Costardais | 160 | Gabrielle Glé, héritière de la Costardais et de la baronnie de Bécherel | 30 000 | 18,03 |
Charles de Cahideuc, demeurant en Iffendic | 100 | Sébastien de Cahideuc, marié à une riche héritière | 30 000 | 28,85 |
Il s'agit bien là de lignées ayant exercé des offices au XVIe siècle :
Le lignage de Cahideuc comprend des militaires et des officiers de justice : à côté de trois officiers de l'ordre du roi dans la deuxième moitié du XVIe. siècle, François de Cahideuc est conseiller au présidial avant d'être pourvu conseiller au Parlement en 1573 (Saulnier).
Le fils de Bertrand Glé I vivant en 1480, Jean, est sénéchal de Dinan dès 1530 ; puis lui succèdent ses deux fils, François, sénéchal en 1545, mort sans postérité, et Bertrand II, alloué de Rennes et sénéchal de Dinan avant 1550, enfin conseiller au parlement en 1554, et qui continue la lignée (Lemasson, La féodalité dans le pays de Poudouvre..., p. 55-59).
15 Cf. supra carte no 4 et tableau généalogique no 1. Bibl. mun. Saint-Brieuc, ms 36 p. 350. Fonds Ginguené : Arch dép. Ille-et-Vilaine, 2 Eg 41 à 44. Aveu en hommage au roi : Arch. dép. Loire-Atlantique, B 1544 fo 69.
16 Fonds Beschard : Arch. dép. Ille-et-Vilaine, 2 Eb 29 et 2 Ev 16. Hommage et aveu au roi : Arch. dép. Loire-Atlantique, B 2414 fo 68 vo et B 1545. Inventaire après décès : Arch. dép. Ille-et-Vilaine, 2 Ev 52. Prisage en 1709 : Arch. dép. Morbihan, E familles, Beschard.
17 En 1480 (Bibl. mun. Saint-Brieuc, ms 35), 40 livres, soit 107 boisseaux de Châteauneuf ; au XVIIe siècle, 1491 livres, prisés en 1709 (note précédente) équivalent à 313 boisseaux.
18 Roland Mousnier cite de tels recours éphémères aux offices par des nobles de Normandie : La vénalité des offices... 2e éd. pp. 560-563.
19 Arch. dép. Loire-Atlantique, B 2190, réformation du domaine, fo 17 r°. Il le résigne en 1576 au profit de son fils Robert (Arch. dép. Loire-Atlantique, B 2607). En 1751 La Chalotais laisse des propriétés de 16 000 livres de revenu (Meyer, La noblesse bretonne... p. 860).
20 Bloch, Les caractères originaux de l'histoire rurale française, p. 131.
21 Le premier aveu conservé date de 1627 (Arch. dép. Ille-et-Vilaine, 2 Eg 41) mais la maison a pu être construite dès l'époque du mariage de Regnaud vers 1574 (baptême du premier-né le 18/2/1575 en La Chapelle-Chaussée).
22 La façon d'une porte en pierre de taille coûtait le prix d'une vache : « Acte de marché passé entre ledict deffunct sieur du Boys et Gilles Nobillet touchant unne porte de pierre de taille qu'il s'obligeoit luy fournir en fabveur d'une somme de douze livres qu'il reçoit lors, en datte du 4e janvier 1661 » (Arch. dép. Ille-et-Vilaine, 3 Bc 289, inventaire des papiers après le décès de Pierre Dubouays, sr du Bois-Couësbouc, 19/8/1663).
23 Arch. dép. Ille-et-Vilaine, 2 Eb 30. C'est ce Pierre Beschard, seigneur de la Chaponnière, qui a acheté la Chevrie en 1619 ; il ne prenait la ferme du Rocher que pour la sous-affermer à un paysan, sans doute son fermier de la Chevrie, et remembrer l'exploitation divisée depuis le partage de 1571. Ce bail de 80 livres d’une terre de 14,2 journaux donne une rente foncière de 5,6 livres par journal, exemple qui confirme la forte hausse de la rente foncière depuis les 3,4 livres de 1601.
24 D'après le dénombrement fait à partir du premier rôle de capitation (Arch. Nat., 260 AP 59, 155 Mi 52).
25 Arch. dép. Ille-et-Vilaine, 4 B 5216, inventaire des papiers.
26 Dans cette succession noble prisée 1518 livres il y avait cinq cadets (Rosmorduc, La noblesse..., 2, p. 71). Cf. le tableau généalogique no 8. Sur la ligne aînée, supra tableau no 11.
27 En 1578 une fille de Regnaud Guezille, officier de Couesbouc (S 2), a pour parrain le seigneur de Couesbouc François Dubouays. En 1610, le fils aîné du notaire Pierre Guezille (S 5) a pour parrain Jean Le Bel, seigneur de la Chevallerais à cause de sa femme Bertranne Guezille ; cf. le tableau généalogique no 2. (Arch. dép. Ille-et-Vilaine, E dépôt, Baptêmes La Chapelle-Chaussée, 8 août 1610).
28 Arch. dép. Ille-et-Vilaine, 3 Bc 272, prisage de la succession de Françoise de Chateaubriand ; en sept jours, chaque priseur (dont R 9) gagna 70 livres ; en 1646 le prisage de Couësbouc prit quatre jours (Arch. dép. Ille-et-Vilaine, 3 Bc 271).
29 Dans le duché de Penthièvre les offices de Lamballe sont acquis du duc de Vendôme avec le titre d'hérédité à partir de 1639 (Arch. dép. Côtes-d'Armor, E 69).
30 Olivier Cromwell, issu d'une famille « considérablement appauvrie » (encore que possédant plusieurs domaines), s'occupait de la ferme des dîmes de la cathédrale d'Ely (Léon Cahen et Maurice Braure, L'évolution politique de l'Angleterre moderne, 1485-1660, Paris 1960, p. 508).
31 Pièce justificative no 16 ; Anne-Duportal, « Un épisode... »
32 Sée, Les classes rurales..., p. 170. En 1616, « ceux qui doivent les dixmes en Tinténiac les amassent chez soi pour empêcher ses (sic) gentilshommes de prendre ses dixmes » (Arch. dép. Ille-et-Vilaine, 23 H 309).
33 De l'indice 150 en 1660 à 90 en 1739 (Goubert, Clio parmi les hommes, p. 56-7).
34 Procureur fiscal de Tinténiac, Julien Guezille, sieur du Rocher, est parrain d'un enfant du greffier en 1627 (B.M.S. Tinténiac) et choisit l'alloué comme parrain de son fils le 9/12/1631 (B.M.S. de La Chapelle-Chaussée) ; sa sœur Jeanne épouse le 2/7/1629, à Tinténiac, Maître Julien Robiou, sieur de la Buzardière, alloué du Plessis-Bons-Enfants dans la paroisse limitrophe de Saint-Domineuc.
35 Chiffres d'affaires de Julien Guezille pour le trait des Bois en 1629
(Arch. dép. Ille-et-Vilaine, 23 H 115 ; bail dans 23 H 309)
36 Au XVIIIe siècle, Jean-Louis de Chateaubriand, demeurant en Bédée, en est fermier d'un trait de dîme (Arch. dép. Ille-et-Vilaine, 4 B 553, inventaire des papiers).
37 Voir les cartes des dîmes levées par les chapitres et les principales abbayes dans
38 Un Jacques de Caradeuc est « maître d'hôtel » au château de Montmuran, chef lieu de la seigneurie de Tinténiac, quand il décède en 1676 (Paris-jallobert, Dingé, les Iffs).
39 Nassiet, « Riches bourgeois et nobles pauvres, les sieurs du Prémorel en Plesder », A.S.M., 1987.
40 Les biens propres de Guillaume Guezille s'élevaient à 383 livres, d'après la déclaration de 12/4/1752 (pièce justificative no 27, Arch. dép. Côtes-d'Armor, série C, centième denier, bureau de Moncontour ; Arch. dép. Côtes-d'Armor, E 754, aveu de 1690).
41 D'autant que nous ne tenons pas compte ici d'une autre métairie que Guillaume Guezille dut recueillir collatéralement, affermée 160 livres en 1746 et qui passera à sa nièce Jeanne-Suzanne (pièce justificative no 28).
42 La Chapelais en Saint-Pierre-de-Plesguen provenant du même héritage collatéral qu'il habite effectivement en 1712 (Arch. dép. Ille-et-Vilaine, C 4 582).
43 Rentes en livres dans le tableau no 17 ; conversion en boisseaux grâce aux médianes mobiles, pièce justificative no 37.
44 Nassiet, « Une méthode de reconstitution des patrimoines... ».
45 Itinéraire de Bretagne en 1636, 2, p. 242.
46 Tigier, Répertoire des arrêts sur remontrance..., 1638 (no 2 810), 1647 (no 146), 1699 (no 3 726)...
47 Bibl. mun. Saint-Brieuc, ms 36 p. 263. Cf. supra, tableau no 2.
48 Coornaert, Les Français..., p. 303. Arch. dép. Loire-Atlantique, B 2093. Bibl. mun. Saint-Brieuc, ms 36 p. 348.
49 Arch. dép. Ille-et-Vilaine, 2 Eg 42, et 23 H 97 fo 22 v°. Anne-Duportal, « Un procès... » et « Un épisode... ».
50 Arch. dép. Côtes-d'Armor, E 69.
51 Revenu noble des six familles Espivent au XVe siècle : en Pordic : 15, 7 et 2 livres monnaie ; en Lannitic (sic) : 6 livres ; en Tréméloir : 3 et 1 livre. (Bibl. mun. SaintBrieuc, ms 31, p. 509, 506, 511).
52 Arrêts de maintenue publiés par Rosmorduc, La noblesse..., 4, p. 424-426 ; Saint-Pern et L'estourbeillon, R.H.O. 1899, p. 16-17.
53 Rappelons la curieuse exception d'un petit noble de Redon, Jean du Meurier, sieur de Saint-Rémy, l'un des trois contractants (avec un Hollandais et un Brabançon) de la fondation en 1626 de la « Compagnie de Saint-Pierre-fleurdelysée », sous l'égide de Richelieu, « réformateur général du commerce en ce royaume » (Pierre Grillon, Les papiers de Richelieu, I, p. 321). On n'a jamais remarqué que ce collaborateur commercial de Richelieu avait été huguenot : Jean du Meurier, sieur de Saint-Rémy, s'est converti au catholicisme le 10 avril 1610, sans doute à Redon où il était déjà assez connu pour que sa conversion fût notée dans un livre de raison (Parfouru, « Anciens livres de raison... » p. 462). Il était gentilhomme ordinaire de la chambre du roi dès 1615, lieutenant de la juridiction de Redon en 1617-1619, et sénéchal en 1621 (Baptêmes Redon, 4/8/1615, 12/10/1617, 19/9/1621). Son fils, François du Meurier, sieur de la Brousse la Touche, aussi sénéchal de Redon, a épousé avant 1648 Dlle Claude Guezille, petite-fille du capitaine d'hommes de pied (M2) (B.M.S. Fégréac, 24/4/1651, 24/11/1653). Rappelons aussi que c'est un carme d'origine malouine, Frère Mathias de Saint-Jean, qui, sous le pseudonyme de Jean Eon, publia en 1647, Le commerce honorable, plaidoyer en faveur de l'ouverture du commerce à tous, sans risque de dérogeance pour la noblesse.
54 Arch. dép. Côtes-d'Armor, E 2 783. Il s'agit de Jacques de Couespelle, sieur de Carehel, receveur de la seigneurie de Saint-Paul. Des Couespelle étaient feudataires en 1480 dans les paroisses de Lamballe, Maroué, Plestan, Saint-Glen et Saint-Rieul.
55 Delumeau, L'alun de Rome, XVe-XIXe siècle, p. 241.
56 Sur les Artur : Coornaert, 2, p. 397. Morice, 3, 1580 ; 1647. Paris-Jallobert, Saint-Malo, p. 74. Sur les Picot : La Borderie, « Armements maritimes... », p. 310.
57 Arch. mun. Saint-Malo, EE 5; Arch. dép. Ille-et-Vilaine, 9 B 9. né le 25/12/1620 et mort le 3/3/1681 à Saint-Malo. C'est son « Registre... » qu'a publié Frain, R.H.O.
58 Frain a publié la correspondance de sa veuve : Vitréenne et Malouine : Mme de Villeblanche...
59 Au Pays de Galles la gentry a pleinement pris part à l’économie et en particulier au développement industriel dès avant le tournant révolutionnaire des années 1640 ; selon les lieux les squires s'adonnaient au commerce maritime, possédaient des mines ou pratiquaient le prêt à intérêt (Jenkins).
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