« Les coopératives ne valent que pour battre monnaie. » Les relations du champ politique socialiste et de la coopération ouvrière à Roubaix (fin XIXe-début XXe siècle)
p. 163-178
Texte intégral
1« Les coopératives ne valent que pour battre monnaie, pour fournir des armes et des munitions au parti de la classe ouvrière. » Dans son discours de 1910 au Congrès de Paris, Jules Guesde reformule les critiques qu’il adresse au mouvement coopératif depuis une trentaine d’années : la coopération n’est qu’un moyen et non une fin en soi ; elle n’a d’utilité que par les ressources financières qu’elle fournit au parti. Influencée par ce « farouche adversaire des coopératives1 », une partie des leaders socialistes du Nord se montre sceptique quant au rôle politique propre des coopératives. Leur conception instrumentale de la pratique coopérative, qui la disqualifie en la plaçant à la marge du champ politique, peut sembler surprenante, puisque la région est celle qui connaît le développement le plus significatif des coopératives à la fin du XIXe siècle. Le mépris guesdiste affiché pour la pratique coopérative paraît entrer en contradiction avec l’idée qu’elle a, dans le Nord, « fourni un espace protégé pour la culture politique socialiste2 ».
2Notre étude porte sur la coopérative socialiste roubaisienne La Paix, depuis sa création en 1885 jusqu’à la veille de la Première Guerre mondiale, fin de sa période d’apogée – il s’agit d’une coopérative de consommation, association achetant en gros des biens de consommation courante et fabriquant du pain, dont les bénéfices sont distribués aux membres au prorata des achats. Le Nord est à la fin du XIXe siècle le centre névralgique de la coopération en France et au début du XXe siècle Roubaix est une des capitales de la coopération socialiste – un habitant sur quatre est membre d’une coopérative, socialiste ou non3. La ville est aussi un des laboratoires du mouvement socialiste en pleine ascension. Le Parti Ouvrier accède à la mairie dès 1892 et Guesde en devient député en 1893. Nous plaçons ici la focale sur un phénomène périphérisé par les leaders socialistes par rapport à l’espace politique institutionnalisé mais témoignant parallèlement de l’importance d’une nébuleuse para-politique dans laquelle peuvent se trouver les racines de l’hégémonie socialiste dans la ville. « La mythique coopérative La Paix constitue, plus que l’hôtel de ville, l’épicentre de [la] constellation socialiste. En concentrant de nombreux sièges de groupements, elle témoigne physiquement de l’intrication des activités syndicales, associatives, politiques4 » : l’observation de cette coopérative permet d’analyser les relations, les influences, les hybridations mutuelles et les tensions entre le champ politique et son hors-champ à Roubaix au tournant du XXe siècle. Les pratiques de marginalisation et de dépolitisation des coopératives par les socialistes côtoient celles qui visent à l’inverse à en faire un lieu de transformation de l’ouvrier en socialiste. Dans quelle mesure une pratique rejetée en dehors de la sphère du politique peut-elle se traduire par une politisation des acteurs et l’enracinement du socialisme au niveau local ? Il s’agit donc « d’observer le politique dans ses entrelacs sociaux » en nous intéressant à des pratiques non directement politiques pouvant contribuer au final à la politisation des acteurs5.
3Les activités organisées par La Paix ont pour caractéristique d’être encadrées, organisées, et d’être visibles : on a affaire à une institutionnalisation de l’informel qui est donc loin ici d’être caché et spontané. Mais ces activités ne sont pas formellement reconnues comme politiques. Ici, l’informel s’incarne surtout dans la disqualification des activités de la coopérative comme non-politiques. Il ne paraît toutefois pas pertinent, dans le cas qui nous occupe, d’établir des frontières rigides entre le formel et l’informel, comme entre le politique et le non-politique, de tracer des limites correspondant a priori à une essence du politique6. La force de la coopérative tient d’ailleurs sans doute à cette porosité des frontières. Par ailleurs, si l’on affirme que les activités de la coopérative ne sont pas partie prenante du champ de la politique instituée, ce sont les acteurs de l’époque qui opèrent cette distinction. Davantage qu’à une classification savante, c’est à un processus indigène de différentiation sociale des activités que l’on a affaire. La question est donc moins celle de l’articulation d’un point de vue savant entre le champ politique et le hors-champ que celle réalisée par les leaders du Parti Ouvrier.
La coopération ouvrière exclue du champ politique
4Alors qu’émerge à Roubaix un puissant mouvement ouvrier, l’avènement de la coopération ouvrière y est concomitant de l’institutionnalisation du socialisme. Fondée en 1885, La Paix devient ouvertement socialiste en 1887. Le Parti Ouvrier naît dans le Nord en 1881. À Roubaix, c’est au début des années 1880 qu’apparaissent les premiers groupes socialistes ; la section locale du Parti Ouvrier est créée en 18897. Si le mouvement coopératif est en lien, dès ses débuts, avec l’activité du Parti Ouvrier roubaisien, le guesdisme, qui inspire fortement ce dernier, tend pourtant à renvoyer les pratiques des coopérateurs à la périphérie du champ politique. Ce qui se joue dans la coopérative ne serait pas directement d’ordre politique. Cette mise à l’écart de la politique est posée en 1885 dans le premier règlement de la coopérative. On y lit en effet : « Il est défendu à tout membre de se mêler de la politique (et de la religion) dans la société sous peine d’en être chassé8. » Mais cette disposition disparaît des nouveaux statuts adoptés en 1887 lorsque la coopérative se rapproche davantage des socialistes. Le fait que ses activités soient désormais animées par un idéal politique y apparaît même explicitement : « La société a pour but d’améliorer le sort moral et matériel de ses membres ; en un mot de préparer la voie de l’émancipation de la classe ouvrière9. » Toutefois, si les coopérateurs adhèrent au socialisme, ils ne se situeraient pas nécessairement pour autant sur le terrain politique lorsqu’ils s’occupent de coopération. L’idée d’une disjonction possible, voire nécessaire, entre politique et coopération est récurrente.
5Les administrateurs de la coopérative rejettent eux-mêmes parfois les qualificatifs politiques, ou du moins ne désignent pas leur activité comme relevant prioritairement de la politique. La posture peut être rapportée à un choix stratégique lorsque le marquage politique discrédite ou risque d’éloigner les ouvriers que l’on voudrait voir adhérer. En témoigne par exemple l’épisode de discorde entre deux groupes de coopérateurs ayant marqué La Paix à la fin du siècle. En mars 1899, le tribunal de commerce de Roubaix donne raison à d’anciens administrateurs, en procès depuis plusieurs mois avec de nouveaux administrateurs élus en assemblée générale le 4 septembre 1898. Ces nouveaux administrateurs déboutés sont favorables à une modification des statuts de la coopérative, votée lors de la même assemblée, permettant qu’une plus grande partie des recettes soit versée au Parti Ouvrier10. La décision du tribunal, invalidant l’assemblée du 4 septembre et les décisions qui y ont été prises, est contestée auprès de la cour d’appel de Douai11. En attendant son verdict, les anciens administrateurs, réintégrés dans leurs fonctions, prennent le contrôle de La Paix et chassent de son local les organisations qui y sont abritées, le Parti Ouvrier notamment. Le 2 mars, on lit dans L’Égalité, journal socialiste soutenant les nouveaux administrateurs écartés : « La justice finira bien par avoir le dessus sur les passions politiques. » Ce sont leurs adversaires qui seraient animés par des passions politiques ; eux œuvreraient pour le bien des travailleurs et suivraient leurs volontés exprimées dans l’assemblée. Deux jours plus tard, on lit dans le même journal : « Nous ne voulons pas, cher coopérateur, faire de politique. Mais vous savez que si La Paix [...] est devenue la plus forte coopérative de France, c’est précisément au concours des associations ouvrières qu’elle le doit12. » Les anciens administrateurs sont accusés de faire de la politique en étant du côté des réactionnaires – terme récurrent dans la presse – cherchant à détruire La Paix. À l’occasion de cette affaire, on évoque dans L’Égalité la « coopérative ouvrière », « tous les travailleurs roubaisiens » qui soutiennent ceux qui ont été élus en septembre, mais pas ou peu la politique ou le socialisme. Les nouveaux administrateurs n’ont de fait pas intérêt à apparaître comme mus par leur désir d’aider le Parti Ouvrier à accéder au pouvoir ; ils agiraient pour le seul bien de la coopérative et donc de la population ouvrière. Plus généralement, une conception du politique est dénoncée ici dans les propos des coopérateurs : celle d’une politique politicienne pratiquée par des hommes n’ayant pas pour objectif le bien de la communauté ouvrière mais la défense égoïste de leurs intérêts.
6L’absence de référence directe à un ancrage politique marque aussi la publicité en faveur de la coopérative dans la presse. Les arguments mis en avant sont purement commerciaux. « La coopérative La Paix a vendu près de deux millions de pains en une année. La vogue de cette Société s’explique ainsi : elle vend des marchandises de toute première qualité et elle distribue des bénéfices importants à ses membres », répète L’Égalité en 1899. Similairement, en février 1902, la réclame reproduite dans l’illustration ci-dessous est diffusée dans Le Travailleur.

7À lire ces réclames, La Paix ne serait qu’une bonne boulangerie, fournisseuse de charbon, et épicerie. Ce sont les éléments considérés comme devant être mis en avant pour attirer des coopérateurs. Rarement, il arrive qu’il soit fait référence aux services de solidarité, aux tendances mutuellistes de la coopérative. Pas une fois n’est évoqué ce qui relève de l’orientation et du rôle politique de La Paix. Jamais, non plus, il n’est fait référence aux activités de sociabilité de la coopérative, pourtant capitales.
8Mais si coopération et politique sont disjoints, c’est plus encore dans le discours des guesdistes que dans celui des coopérateurs eux-mêmes. Pour « les vrais coopérateurs », « la coopération est une fin en soi », écrit Charles Gide, le promoteur de l’École de Nîmes, qui, à partir des années 1880, tout en restant attaché à la neutralité politique, prône la transformation de la société en république coopérative13. La position des leaders socialistes vis-à-vis de la coopération est très différente. Au Congrès de Marseille de 1879, où triomphent les thèses collectivistes de Guesde, on dénie à la coopération toute valeur sociale. On ne saurait y voir un moyen d’émancipation du monde ouvrier. Une résolution est adoptée selon laquelle les associations de production et de consommation « ne peuvent aucunement être considérées comme des moyens assez puissants pour arriver à l’émancipation du prolétariat14 ». Quelques années plus tard, il est toutefois admis que la coopération peut constituer un soutien dans le combat pour l’émancipation des travailleurs : il faut pour cela qu’elle soit subordonnée au parti auquel elle doit apporter un soutien matériel. Signe de cet assouplissement relatif de la position de Guesde, il inaugure en 1887 les locaux de La Paix, devenue alors ouvertement socialiste15. Mais pour les guesdistes, la coopération ne constitue en aucun cas un but.
9Une partie des socialistes du Nord se dit donc sceptique quant aux bienfaits de la coopération ouvrière. En faisant baisser les prix, elle aurait pour effet néfaste probable de permettre une diminution des salaires. Elle risquerait par ailleurs d’amener les ouvriers à croire qu’il est possible d’améliorer leur condition au sein du système capitaliste et constituer ainsi un palliatif risquant de « détourner le prolétaire de la lutte de classe16 ». Le discours déjà cité de Guesde au Congrès de Paris en 1910 témoigne bien de cette position17. Il y dénie tout rôle, même éducatif, à la coopération, sinon celui de rapporter de l’argent. « Impossible de reconnaître une valeur socialiste à la coopération en elle-même, qui ne prépare même pas les éléments de la société nouvelle », affirme-t-il. La coopérative pourrait même être dangereuse : « [Elle] peut être et est le plus souvent une diversion, si ce n’est pas un obstacle au recrutement et au développement socialiste. » Cette méfiance ne se retrouve pas aussi exacerbée chez tous les socialistes. Pour Jaurès, la coopération peut au contraire, « ajoutée au bien-être immédiat des prolétaires, exercer leurs facultés d’organisation et d’administration, et fournir, dans la société capitaliste elle-même, des ébauches de production collectiviste18 ». Mais la position des guesdistes est donc différente et domine dans le Nord, à Roubaix en particulier.
10Régulièrement invité comme orateur dans des réunions à La Paix, Guesde y fait peu l’éloge de la coopération. Il laisse souvent la question sous silence et lorsqu’il l’aborde, ce n’est que pour souligner le rôle de la coopération dans le financement de la lutte socialiste avant de passer rapidement à de larges questions politiques d’où elle est pour lui exclue. Ceci s’observe même lorsque l’ordre du jour porte directement sur la coopération. L’observateur de police d’une réunion organisée par le Parti Ouvrier à La Paix en 1900, après avoir évoqué le discours d’un orateur gantois sur le lien entre coopération et socialisme, ne fait aucune allusion à un tel contenu dans l’intervention de Guesde qui lui fait suite19. En 1904, dans une réunion publique à La Paix, à l’occasion de l’anniversaire de la coopérative, Guesde « ne dit que quelques mots sur l’utilité des coopératives ouvrières qui aident le Parti Ouvrier dans sa propagande », avant de « [s’étendre] longuement sur le congrès d’Amsterdam20 ».
11Une des caractéristiques du socialisme dans le Nord réside dans le contraste entre ses deux principales inspirations : le marxisme orthodoxe de Guesde et la « tradition pragmatique belge d’un socialisme coopératif et communal21 ». C’est largement sous l’influence de leurs voisins belges que les socialistes du Nord prennent conscience dans les années 1890 des avantages, matériels surtout, que la coopération peut apporter au parti. L’influence guesdiste en matière de coopération ouvrière est concurrencée par celle du parti socialiste belge qui a stimulé son développement22. De fait, le militantisme ouvrier belge est marqué par la relation étroite existant entre parti, coopérative et syndicat. Le Vooruit, boulangerie coopérative créée en 1880 à Gand par Anseele – un des co-fondateurs du Parti des travailleurs socialistes flamands – inspire l’expérience roubaisienne en prouvant que la coopération peut représenter un soutien essentiel au socialisme : en fournissant des subsides au parti, un soutien aux grévistes et en abritant dans ses locaux les organisations ouvrières, selon le modèle de la Maison du Peuple23. « La Paix de Roubaix a été le “Vooruit” [...] de la France du Nord », lit-on en 1913 dans le volume de l’Encyclopédie socialiste consacré à la coopération24. L’exemple du Vooruit revient alors dans les discours des orateurs de réunions sur la coopération à Roubaix25 – des orateurs belges, administrateurs du Vooruit en particulier, sont régulièrement invités dans les réunions tenues à La Paix26. Cette influence se retrouve si l’on observe la liste des fondateurs de La Paix : 16 des 22 membres sont d’origine gantoise et membres du Vooruit – qui apporte de surcroît son soutien financier lors de la création de la coopérative27. Mais, si le Parti Ouvrier se rallie à l’idée de la coopération, c’est aussi qu’il prend conscience que les avantages de celle-ci risquent d’exercer un attrait sur la population ouvrière, « de la détourner de la lutte révolutionnaire, de lui montrer la possibilité d’une solution plus facile à ses problèmes28 ». Il faut que le parti contrôle la coopération afin d’éviter qu’elle éloigne les ouvriers du parti. On se méfie bien évidemment des coopératives patronales naissantes qui risquent de rendre l’ouvrier encore plus dépendant et moins combattif29.
12Les guesdistes finissent donc par accepter que des coopératives existent qui rapportent de l’argent au parti. Mais ils continuent d’insister sur leur nécessaire inféodation à celui-ci et sur leur absence de caractère politique. La coopération resterait une « vache à lait » permettant d’alimenter la lutte politique qui se jouerait ailleurs30. Le 17 mai 1891, dans un discours à l’occasion de l’inauguration des nouveaux locaux de La Paix, Guesde « [réduit] la coopération à sa juste valeur », pour reprendre le commentaire du journaliste du Cri du Travailleur qui en rend compte le 24. L’orateur rappelle que les coopératives ne peuvent être qu’un moyen : moyen de finance et moyen de groupement, notamment en fournissant « de grandes salles de réunion gratuites ». Ainsi, si leur utilité sous certaines conditions est admise, les coopératives restent reléguées dans le discours socialiste à la périphérie des lieux proprement politiques.
La dépendance mutuelle de La Paix et du Parti Ouvrier
13En « aidant [la classe ouvrière en général] dans la lutte des classes, soit par des secours en nature ou en argent en cas de grève, soit par des subventions dans les campagnes électorales », les coopératives socialistes, affirme Charles Gide, « se placent ouvertement sur le terrain de la politique et, ce faisant, elles se trouvent exclure nécessairement de leurs rangs tous ceux qui n’ont pas le même drapeau31 ». La Paix entretient des liens financiers forts avec le parti. Ceci est officialisé par l’adhésion au Parti Ouvrier, puis à la SFIO, de la Fédération des Coopératives de la Région Nord – créée en 1898 – dont fait partie La Paix. De fait, la Fédération demande aux coopératives adhérentes de procéder à des versements réguliers d’argent au parti32. Il s’agit d’une spécificité du mouvement coopératif socialiste du Nord, se conformant sur ce point au modèle belge. Au sein de la Bourse des Coopératives Socialistes de France (BCS) – fondée en 1895 –, le financement des activités du parti n’est pas posé comme une nécessité pour qu’une coopérative soit définie comme socialiste33.
14À La Paix, les dons financiers pour la propagande du Parti Ouvrier sont systématiques. Le soutien peut prendre la forme d’un versement régulier et direct à la caisse du parti ou celle d’un financement plus ponctuel, destiné par exemple à couvrir les frais de campagne d’un candidat socialiste pour une élection locale. Avant que La Paix ne devienne la principale coopérative socialiste roubaisienne, l’Avenir du Parti Ouvrier assure ce rôle de pourvoyeuse de fonds – il est même inscrit dans ses statuts34. En 1889 déjà, alors que la section roubaisienne du Parti Ouvrier vient tout juste d’être créée, on trouve dans une mention sur sa « situation financière » dans le journal socialiste Le Cri du Travailleur, une ligne correspondant au « don de la société coopérative l’Avenir35 ». Le montant est peu élevé par rapport à l’ensemble des recettes et notamment à ce que donnent les syndicats. Mais la part de l’argent de la coopérative augmente sensiblement à la fin du siècle lorsque La Paix prend le relais de l’Avenir du Parti Ouvrier. L’argent versé provient principalement de retenues sur les ristournes faites aux coopérateurs ou encore de quêtes réalisées lors du paiement des bénéfices. Les versements faits au Parti Ouvrier ne vont pas sans susciter parfois le mécontentement d’une partie des coopérateurs lorsqu’ils trouvent insuffisant l’argent reçu en retour des jetons accumulés à chaque achat. On lit dans un rapport de police de 1903 :
« Les consommateurs de la société La Paix [...] qui se disposent [...] à toucher le montant de fin d’années de leurs jetons d’escompte, sont actuellement très mécontents, en ce sens que les administrateurs [...] ont décidé de ne les gratifier, non de la remise de 16 centimes qu’ils espéraient par unité de pain, mais d’une remise de 14 centimes seulement. Cette différence serait destinée à grossir le fonds de propagande électorale socialiste pour les élections prochaines36. »
15Le désaccord peut aussi porter sur l’instance à laquelle l’argent est versé. Certains coopérateurs estiment, en 1899, qu’une somme trop importante est donnée au comité fédéral du Parti Ouvrier par rapport à ce que reçoit la section roubaisienne37.
16Les liens de la coopérative et du Parti Ouvrier dépassent la question de l’argent ou de l’aide matérielle. Les deux organisations sont souvent pensées de façon indissociable l’une de l’autre. Dans plusieurs rapports de police, on parle de La Paix comme de la « société coopérative du POF38 ». Il semble être considéré comme allant de soi d’être à la fois coopérateur à La Paix et membre du Parti Ouvrier. « Les travailleurs socialistes de Roubaix et des communes environnantes ne peuvent [...] pas rester indifférents à l’œuvre de la coopérative La Paix. Leur devoir est, au contraire, de la seconder et de lui permettre de se développer en y adhérant tous », écrit L. Mahu, administrateur de La Paix, dans Le Travailleur du 25 mai 1905. L’association avec le Parti Ouvrier est assez forte pour que le fait d’agir contre le parti soit un motif d’exclusion. Un rapport de police de 1892 sur une réunion du comité central du Parti Ouvrier, à La Paix, relate les propos d’un orateur évoquant un « groupe de réformes sociales [...] qui paraît être une menace pour le Parti Ouvrier », et soulignant que l’appartenance de coopérateurs à ce groupe devrait les faire écarter de la coopérative : « Si ce groupe travaille contre les intérêts du Parti Ouvrier, ceux qui en font partie seront exclus de La Paix39. » À Roubaix, la coopérative est, à côté du parti et du syndicat, le « troisième pilier » du socialisme, selon l’expression de Jaurès. L’idée se diffuse au-delà du discours théorique sur la place de la coopération. Ainsi, la trilogie est une référence récurrente des chansons écrites par des coopérateurs de La Paix à l’occasion de la mi-carême40 :
« Votre devoir, tout vous l’indique,
Travailleurs, c’est de vous unir,
Sur le terrain trilogique,
Qu’ainsi nous pouvons définir,
Coopérez-vous, Syndiquez-vous,
Parti de classe : Unissez-vous41 ! »
17Pour « s’affranchir du joug capitaliste », écrit l’administrateur L. Mahu dans Le Travailleur du 4 juin 1905, les ouvriers « sauront de plus en plus s’unir sous le triple terrain politique, syndical et coopératif. »
18Témoigne aussi du lien entre coopérative et parti le fait que les divisions au sein de ce dernier se répercutent sur l’unité des coopérateurs. « Parce que les coopératives socialistes étaient politiques, même des querelles politiques qui étaient sans aucun lien avec la question coopérative mais qui divisaient le parti socialiste affectaient les coopératives socialistes elles-mêmes42. » Ainsi, en 1899, après l’affaire du procès précédemment évoqué – qui se termine par la victoire des nouveaux administrateurs soutenant l’augmentation du financement du Parti Ouvrier –, ceux qui ne veulent pas accroître les dons au parti quittent La Paix pour fonder L’Indépendance ouvrière. En 1902 et 1903, nouvelle division : une partie des coopérateurs quitte La Paix pour rejoindre une nouvelle coopérative, La Semeuse, soutien du Parti Ouvrier Socialiste Roubaisien fraîchement fondé par Carrette – ancien maire de Roubaix – qui défend l’idée d’améliorer les conditions de vie du prolétariat par des réformes pratiques43. En 1921, ce sont les communistes qui font scission ; là encore, une coopérative est fondée : La Prolétarienne44. Avant cette scission, les tensions entre socialistes et communistes se manifestent au moment des élections des membres des conseils et commissions de La Paix. Les candidats sont identifiés à un parti. « Les candidats présentés appartenaient aux deux partis SFIO et SFIC », annonce un rapport de police en juin45. La politisation de La Paix – au sens de sa dépendance au Parti Ouvrier – s’affirme donc au fil des années.
19La coopérative est aussi un espace d’organisation du mouvement ouvrier et de démonstration de force du socialisme. Elle constitue d’abord un lieu majeur de réunion. Étant donné la pénurie de locaux où se réunir à l’époque, la coopérative fournit une aide considérable au Parti Ouvrier en lui pourvoyant les salles pour ses réunions : réunions du comité exécutif, réunions publiques, électorales notamment, ou assemblées générales – avant La Paix, l’Avenir du Parti Ouvrier joue un rôle identique46. Les comptes rendus des nombreuses réunions tenues à La Paix dans la presse socialiste ou dans le Bulletin mensuel de la Fédération des Coopératives de la Région Nord en soulignent toujours le caractère massif. À l’occasion du 1er mai 1893, on lit dans Le Travailleur : « Des groupes de 10, 15, 20 personnes arrivent à la Paix en chantant l’Internationale et la chanson du 1er mai. C’est à grande peine qu’on parvient à se frayer un passage à travers la foule immense qui envahit le boulevard ; au local de la Paix, l’affluence est si grande qu’il est absolument impossible d’y pénétrer. » On insiste sur les signes d’enthousiasme des participants, leurs acclamations, sans chercher à mettre en avant d’autres formes de participation que celle consistant à « [venir] en foule pour entendre et applaudir47 » les orateurs. De nombreux défilés dans les rues de Roubaix sont aussi organisés, dont La Paix et les groupes qui en dépendent directement constituent la colonne vertébrale. Mais s’y joignent toujours des représentants du Parti Ouvrier. L’imbrication du socialisme et de la coopération est particulièrement manifeste dans les funérailles, civiles, de coopérateurs. En janvier 1903, celles d’Adolphe Denève, administrateur de La Paix et ancien conseiller municipal, sont l’occasion d’une imposante manifestation pour la coopérative, mais rassemblent, au-delà, tout le milieu socialiste roubaisien48. Le Parti Ouvrier et La Paix s’unissent dans l’organisation de ces funérailles-manifestations et les discours prononcés soulignent le dévouement du défunt au parti comme à la coopérative. « Le citoyen Floris Tonneau était [...] un de nos meilleurs et de nos plus dévoués militants socialistes. [...] Non moins vivace est resté à notre esprit le dévouement qu’il apporta au service de la coopérative ouvrière La Paix », déclare en 1905 Henri Lefebvre, président de La Paix, aux funérailles d’un coopérateur49.
20Si des liens étroits existent entre le parti socialiste et la coopérative, c’est avec l’idée que le parti représente le pilier dominant que le thème des trois piliers du socialisme est adopté par les leaders guesdistes du Nord50. Cela signifie-t-il pour autant qu’il faut simplement considérer La Paix comme étant « sous [son] contrôle51 » ? Comme le note Furlough, la domination du parti sur la coopérative « a pu [...] être plus rhétorique que réelle », et on peut considérer qu’elle « a conduit à négliger le rôle des coopératives de consommation elles-mêmes52 ». Par ailleurs, le fait que le lien avec le parti se traduise notamment par le versement d’argent doit-il laisser penser que les guesdistes du Nord ne voient dans la coopérative qu’une pourvoyeuse de fonds ? Pour Robert P. Baker, même si l’attraction financière est majeure, les coopératives du Nord ne sont pas seulement développées pour leur support financier. Elles sont aussi considérées comme un élément central de constitution d’une communauté alternative à la communauté réactionnaire gravitant autour de l’Église catholique53.
Un lieu de politisation informelle
21La Paix apparaît comme un espace de solidarité ouvrière et une arène de sociabilité locale. La politisation des acteurs et l’enracinement du socialisme se jouent aux marges de l’activité coopérative au sein d’activités souvent qualifiées de « périphériques54 ». Les ressources financières de la coopérative servent ainsi d’abord à permettre la mise en place d’une solidarité ouvrière. La Paix assure un système d’assurance sociale et médicale à ses membres, inscrit déjà dans les statuts de 188755. Elle vient par ailleurs en aide aux coopérateurs qui se mettent en grève et soutient aussi parfois les mouvements de grève coordonnés par des socialistes en dehors de Roubaix. En 1900, dans une réunion à La Paix, Ivo Van Wærebecke, un de ses administrateurs, déclare : « Un des buts principaux [de la coopération] est en temps de grève ou de conflit avec le patronat, de fournir des munitions au parti socialiste56. » Depuis la fin des années 1880, c’est par ailleurs à La Paix que se tiennent les réunions et assemblées générales des grévistes57. Cet appui au mouvement ouvrier, insérant le coopérateur dans un réseau de solidarité, peut contribuer à lui faire acquérir une conscience de classe.
22Une partie des activités de La Paix vise aussi à éduquer l’ouvrier. Le discours en la matière est récurrent chez certains dirigeants socialistes, laissant entendre que cette éducation se fait par la pratique même de la coopération. Pour Delory, maire de Lille, la coopération est une « école primaire » du socialisme58. La même idée est reprise par Samson – président de la coopérative l’Union de Lille, puis secrétaire de la Fédération des Coopératives de la Région Nord : en 1901, dans un discours à La Paix, il fait de la coopération « l’école primaire du socialisme pratique59 ». Pour assurer son rôle éducatif, La Paix possède également une bibliothèque d’accès gratuit aux coopérateurs et propose des cours, par exemple d’économie sociale. Afin d’inculquer les valeurs du socialisme aux ouvriers et de propager les idées coopératives, La Paix accueille aussi régulièrement des conférences, annoncées comme publiques et contradictoires, de leaders socialistes, ou encore les conférences anticléricales de la société de Libre Pensée « Ni Dieu ni Maître ». On y assiste en outre à des formes plus horizontales d’apprentissage, la coopérative abritant en ses locaux les causeries du Cercle d’Études Sociales ayant pour but de « de créer, parmi les membres du Parti, des orateurs et des écrivains60 ». L’éducation prend toutefois surtout une forme verticale et les occasions de délibération demeurent relativement rares – les coopérateurs participent toutefois aux assemblées générales ; mais nos sources ne permettent pas d’affirmer qu’elles sont des lieux de débat et non de validation d’un ordre du jour préparé par le conseil d’administration.
23La coopérative est aussi un espace de divertissement : elle rassemble des sociétés musicales, une fanfare, une chorale, une société de trompettes, une société de gymnastique et de danse, un cercle dramatique, etc.61. Ces différentes sections artistiques et sportives sont en partie subventionnées par la coopérative. Elle est par ailleurs leur lieu de répétition et l’espace où sont organisées les représentations, ce qui conduit leurs membres et leur public à fréquenter régulièrement ses locaux. La Paix organise aussi des concerts et des bals, notamment pour récolter des fonds. Ces événements festifs permettent de lier les ouvriers à la coopérative au-delà des considérations financières. Divertissement et éducation y sont bien souvent entremêlés, indiquant que ces activités sont un moyen non politique d’attirer la population et de l’instruire62. La fête de la coopérative se tient chaque année en septembre et propose à la fois des conférences de personnalités socialistes et des moments plus conviviaux de divertissement. Feux d’artifice, illuminations, décorations, tout y est fait pour « créer l’exceptionnel en éblouissant les sens63 ». Ces fêtes visent à attacher le coopérateur en l’impressionnant et en lui procurant du bon temps ; mais on cherche aussi avec elles à attirer des recrues, en montrant la force et le rayonnement de la coopérative. Il reste toutefois difficile d’évaluer en quoi la participation à une de ces fêtes préjuge de l’existence d’une politisation qui s’y jouerait, et de façon générale de déterminer la « force politisante64 » des diverses activités de sociabilité de la coopérative. Les activités récréatives s’inspirent et s’inscrivent en tout cas dans la sociabilité ouvrière traditionnelle. Les jeux organisés pour les fêtes correspondent ainsi aux formes traditionnelles de divertissement dans le Nord. Il ne s’agit pas d’arracher l’ouvrier à la culture régionale, mais de s’appuyer sur celle-ci à des fins politiques. La politisation doit être appréhendée en termes de « réciprocité des influences », sans la réduire « à la substitution d’un modèle à un autre65 ». Pour gagner l’ouvrier, le socialisme s’appuie sur les activités traditionnelles, qui influencent en retour la forme prise par le socialisme à Roubaix. On a affaire à une acculturation réciproque. « Le fait d’investir d’une dimension politique les rituels de la communauté [...], de la famille [...], de la vie religieuse [...] favorise largement le passage au politique66. » Il s’agit de prendre appui sur des éléments non politiques de la sociabilité ouvrière – les jeux, les chants, la langue, etc. – et d’en faire des instruments de propagande et d’éducation : « La sociabilité a été le canal privilégié de pénétration et d’imprégnation du politique. [...] Le discours guesdiste se développe en s’inscrivant et en s’insinuant dans la quotidienneté ouvrière67. »
24Facteur important de l’organisation de la sociabilité ouvrière par la coopérative, la possession de locaux permet de réunir en un même lieu des activités politiques, para-politiques et récréatives. C’est en 1901 qu’est inaugurée la Maison du Peuple, les locaux ayant désormais une dénomination officielle. Ce n’est plus seulement le politique et le divertissement non politique qui s’entremêlent, mais aussi le public et le privé. La Paix est la seconde demeure de l’ouvrier. Le socialisme pénètre le quotidien de l’ouvrier qui peut se rendre chaque jour à la Maison du Peuple pour des raisons différentes. L’existence d’un lieu de rencontre quotidien, créé par une structure associative fixe organisant également des occasions démonstratives, a certainement contribué à l’enracinement du socialisme à Roubaix. La Maison du Peuple apparaît comme un lieu incontournable de sociabilité et de politisation : « Une organisation ouvrière n’était viable localement sans cette forme de politisation de la vie quotidienne68. » Dans ces espaces de sociabilité ordinaire, par le partage d’expériences en commun, la répétition des interactions, la pratique réitérée de la solidarité et le sentiment d’appartenir à un groupe, un processus de politisation peut s’opérer, sans doute plus que par la conviction par la seule force des arguments au sein d’assemblées générales ou de réunions publiques, qui apparaissent en outre fort peu délibératives.
25Rejetée à la frontière du politique, La Paix fait l’objet d’un discours de disqualification, notamment de la part du leader du camp socialiste dont elle est issue. Pourtant, par toutes les activités qu’elle finance et organise, la coopérative participe à la constitution du champ politique alors en cours de formation et pose les fondations de l’hégémonie des socialistes sur la ville. La politisation des ouvriers s’y opère notamment par des processus informels et non politiques. L’organisation de la sociabilité ouvrière apparaît décisive de ce point de vue. Il semble ainsi que ce soit aussi grâce à une organisation rejetée à la marge du politique que les socialistes ont exercé une domination durable sur la scène politique locale. La spécificité de La Paix, et des coopératives socialistes plus largement, est d’organiser dans un même lieu – ici, la Maison du Peuple – des activités politiques et non politiques, les secondes attirant vers les premières des individus moins politisés.
26Avec l’arrivée au pouvoir des socialistes, tout un ensemble de prérogatives autrefois assurées par la coopérative vont être prises en charge par le socialisme municipal. On assiste, vraisemblablement autour de 1914, à une transformation des modes d’intermédiation politique et d’organisation de la solidarité locale, de nombreux services et activités jusqu’alors assurés par la société civile étant municipalisés. Ce que dit Rémi Lefebvre au sujet du socialisme municipal à partir des années 1920 – il suit l’ouvrier « du berceau à la tombe », « s’insinue dans les plis de la vie quotidienne et tend à la contrôler69 » – fait ainsi écho à ce que nous avons mis en évidence pour la période précédente dans le cas de la coopérative. Si les modes d’encadrement et les agents de sociabilité évoluent, la sociabilité et les services à la population restent les principaux vecteurs de la politisation70.
Notes de bas de page
1 Lefebvre D., « Coopération et socialisme. La fédération socialiste du Nord (fin XIXe-XXe siècles) », dans Sirinelli J. F., Ménager B., Vavasseur-Desperriers J. (dir.), Cent ans de socialisme septentrional. Actes du colloque de Lille, 3-4 décembre 1993, Lille, Centre d’histoire de la région du Nord et de l’Europe du Nord-Ouest, 1995, p. 56.
2 Furlough E., Consumer Cooperation in France. The Politics of Consumption, 1834-1939, Ithaca, Cornell University Press, 1991, p. 177-178.
3 Gueslin A., L’invention de l’économie sociale. Idées pratiques et imaginaires coopératifs et mutualistes dans la France du XIXe siècle, Paris, Economica, 1998, p. 248.
4 Lefebvre R., Le socialisme saisi par l’institution municipale (des années 1880 aux années 1980). Jeux d’échelles, doctorat de science politique (Frédéric Sawicki, dir.), Université Lille 2, 2001, p. 262.
5 Mischi J., « Observer la politisation des ruraux sous l’angle des sociabilités. Enjeux et perspectives », dans Antoine A., Mischi J. (dir.), Sociabilité et politique en milieu rural, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, coll. Histoire, 2008, p. 7-21, p. 14-15.
6 Sur cette question, voir Guionnet C., Arnaud L. (dir.), Les frontières du politique. Enquêtes sur les processus de politisation et de dépolitisation, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, coll. Res Publica, 2005.
7 Lefebvre R., Le socialisme saisi par l’institution municipale (des années 1880 aux années 1980). Jeux d’échelles, op. cit., p. 163.
8 Arch. départementales du Nord, M 456/41 (Sociétés coopératives Roubaix), règlement de la société coopérative La Paix établie à l’estaminet la Bière, rue Baurenard, no 20, à Roubaix (Nord), tenu par Charles de Hooghe.
9 Ibid., statuts de La Paix approuvés par l’assemblée générale du 18 décembre 1887.
10 Marlière G., La coopération dans le Nord et le Pas-de-Calais. Étude historique, Saint-Amand-les-Eaux, M. Carton éditeur, 1935, p. 29.
11 On suit cette affaire par la presse et à travers les jugements des tribunaux ; voir Arch. départementales du Nord, 6 U 4/312-313 (Tribunal de commerce. Jugements. 1898, 1899) ; Arch. départementales du Nord, 2 U 2/147 (Cour d’appel de Douai, 1ère chambre civile).
12 Texte diffusé aussi comme tract : Arch. départementales du Nord, M 154/84 (Partis politiques, 1880-1940, Parti Ouvrier).
13 Gide C., Les sociétés coopératives de consommation, Paris, Armand Colin, 1910, p. 13.
14 Cité dans Lefebvre D., « Coopération et socialisme. La fédération socialiste du Nord (fin XIXe-XXe siècles) », op. cit., p. 56.
15 Compère-Morel A. (dir.), Encyclopédie socialiste, syndicale et coopérative de l’Internationale ouvrière, vol. : La coopération, Paris, A. Quillet éditeur, 1913, p. 218.
16 L’expression provient du discours de Guesde à la séance de clôture du 2e Congrès international des coopératives socialistes de la région Nord en 1901. Voir L’Égalité, 5 juin 1901.
17 Arch. nationales, F7 13936 (Coopératives, 1890-1922), « Coopération et socialisme », Congrès de Paris, 1910.
18 Jaurès J., « Coopération et socialisme », L’Égalité, 26 juillet 1900.
19 Arch. départementales du Nord, M 154/73 (Partis politiques, 1880-1940, socialistes), rapport du commissaire de police délégué, 4e arrondissement, Roubaix, au commissaire central, 2 septembre 1900.
20 Arch. départementales du Nord, M 154/86 (Partis politiques, 1880-1940, Parti Ouvrier), rapport du commissaire de police, 4e arrondissement, Roubaix, au commissaire central, 4 septembre 1904.
21 Couton P., « Ethnic Institutions Reconsidered. The Case of Flemish Workers in 19th Century France », Journal of Historical Sociology, vol. 16, no 1, 2003, p. 80-110, p. 96.
22 Baker R. P., « Socialism in the Nord, 1880-1914. A Regional View of the French Socialist Movement », International Review of Social History, vol. 12, no 3, 1967, p. 357-389, p. 363.
23 Furlough H., Consumer Cooperation in France. The Politics of Consumption, 1834-1939, op. cit., p. 123-127.
24 Compère-Morel A. (dir.), Encyclopédie socialiste, syndicale et coopérative de l’Internationale ouvrière, op. cit., p. 218.
25 Par exemple lors du Congrès de la Fédération des coopératives de la Région Nord à Roubaix en 1905. Voir le Bulletin mensuel de la Fédération des coopératives de la région nord, adhérente au P. S. de F., janvier 1905.
26 Voir, par exemple, Arch. départementales du Nord, M 154/70 (Partis politiques, 1880-1940, socialistes), rapport du commissaire central de Roubaix au préfet, 30 août 1899 ; Arch. départementales du Nord, M 154/73 (Partis politiques, 1880-1940, socialistes), rapport du commissaire de police délégué, 4e arrondissement, Roubaix, au commissaire central, 2 septembre 1900.
27 Couton P., « Ethnic Institutions Reconsidered. The Case of Flemish Workers in 19th Century France », op. cit., p. 95 ; Devaux A., Les coopératives de consommation dans le Nord et principalement dans l’arrondissement de Lille, thèse de sciences politiques et économiques, Lille, Imprimerie Le Bigot Frères, 1907, p. 52 ; Franchomme G., « L’évolution démographique et économique de Roubaix dans le dernier tiers du XIXe siècle », Revue du Nord, no 201, 1969, p. 201-247, p. 212.
28 Pierreuse R., La vie ouvrière à Roubaix de 1890 à 1900, thèse de troisième cycle d’histoire, Université de Lille, 1957, p. 56.
29 Sur les formes prises alors par le paternalisme des patrons envers les ouvriers, voir Charle C., Histoire sociale de la France au XIXe siècle, Paris, Le Seuil, coll. Points Histoire, 1991, p. 305-310.
30 Marlière G., La coopération dans le Nord et le Pas-de-Calais. Étude historique, op. cit., p. 27 ; Lavergne B., Les coopératives de consommation en France, Paris, Armand Colin, 1923, p. 52.
31 Gide C., Les sociétés coopératives de consommation, op. cit., p. 264.
32 Marlière G., La coopération dans le Nord et le Pas-de-Calais. Étude historique, op. cit., p. 44.
33 Voir, par exemple, « Socialisme et coopération », Bulletin de la Fédération des Coopératives Socialistes du Nord, adhérente au Parti Socialiste (SFIO), décembre 1909.
34 Arch. départementales du Nord, M 456/41 (Sociétés coopératives Roubaix), Société coopérative L’Avenir du Parti ouvrier. Roubaix. Statuts. Imprimerie Lagache. Lille. 1887.
35 Le Cri du Travailleur, 28 septembre-5 octobre 1889.
36 Arch. départementales du Nord, M 154/77 (Partis politiques, 1880-1940, socialistes), rapport du commissaire chef de sûreté au commissaire central, Roubaix, 16 décembre 1903.
37 Voir la correspondance à ce sujet du maire de Lille, Delory : Arch. départementales du Nord, J 067 (Fonds de la Fédération du Nord du PS. La Paix de Roubaix).
38 Arch. départementales du Nord, M 154/77 (Partis politiques, 1880-1940, socialistes), rapport du commissaire central au préfet, Roubaix, 24 janvier 1903.
39 Arch. départementales du Nord, M 154/68 (Partis politiques, 1880-1940, socialistes), rapport du commissaire central de Roubaix au préfet du Nord, 24 janvier 1903.
40 Sur l’importance de la chanson comme mode d’expression ouvrière : Marty L., Chanter pour survivre. Culture ouvrière, travail et techniques dans le textile à Roubaix, 1850-1914, Lille, Fédération Léo Lagrange, 1982.
41 Médiathèque Jean Lévy/Fonds régional : « Char de La Paix. Coopérative La Paix de Roubaix. L’Action ouvrière », bureau central de police, 28 février 1910.
42 Baker R. P., A Regional Study of Working-Class Organization in France. Socialism in the Nord. 1870-1924, Phd, Stanford University, 1966, p. 186.
43 Arch. départementales du Nord, M 154/77 (Partis politiques, 1880-1940, socialistes), rapport du commissaire central au préfet du Nord, Roubaix, 18 septembre 1892. Sur la « fronde notabiliaire » de Carrette, voir Lefebvre R., Le socialisme saisi par l’institution municipale (des années 1880 aux années 1980). Jeux d’échelles, op. cit., p. 224-225.
44 Arch. départementales du Nord, M 458/49 (Coopératives), recensement des sociétés et associations coopératives de consommation ; Arch. départementales du Nord, M 149/73 (Coopératives. affaires antérieures à 1914), tract « La Prolétarienne », 30 avril 1922.
45 Ibid., rapport du commissaire de police, 20 juin 1921.
46 Voir, par exemple, Arch. départementales du Nord, M 154/78-A : « Notice sur Henri Carrette » ; Devaux A., Les coopératives de consommation dans le Nord et principalement dans l’arrondissement de Lille, op. cit., p. 51.
47 « Grande réunion publique », L’Égalité, 24 octobre 1900.
48 « Les funérailles d’Adolphe Denève », L’Égalité, 27 janvier 1903 ; « Les funérailles du citoyen Denève », Le Travailleur, 1er février 1903 ; Arch. départementales du Nord, M 154/77 (Partis politiques, 1880-1940, socialistes), rapport du commissaire central au préfet du Nord, Roubaix, 24 janvier 1903.
49 « Les funérailles du citoyen Tonneau », Le Travailleur, 5 janvier 1905.
50 Furlough H., Consumer Cooperation in France. The Politics of Consumption, 1834-1939, op. cit., p. 176.
51 Lefebvre D., « Coopération et socialisme. La fédération socialiste du Nord (fin XIXe-XXe siècles) », op. cit., p. 60.
52 Furlough H., Consumer Cooperation in France. The Politics of Consumption, 1834-1939, op. cit., p. 176.
53 Baker R. P., A Regional Study of Working-Class Organization in France. Socialism in the Nord. 1870-1924, op. cit., p. 171-172; Baker R. P., « Socialism in the Nord, 1880-1914. A Regional View of the French Socialist Movement », op. cit., p. 367.
54 Gueslin A., L’invention de l’économie sociale. Idées pratiques et imaginaires coopératifs et mutualistes dans la France du XIXe siècle, op. cit., p. 249.
55 Arch. départementales du Nord, M 456/41 (Sociétés coopératives, Roubaix), statuts de La Paix, 1887.
56 Arch. départementales du Nord, M 154/73 (Partis politiques, 1880-1940, socialistes), rapport du commissaire spécial au préfet du Nord, Lille, 2 septembre 1900.
57 Voir les multiples rapports sur des réunions de grévistes : Arch. départementales du Nord, M 154/68 (Partis politiques, 1880-1940, socialistes).
58 Baker R. P., A Regional Study of Working-Class Organization in France. Socialism in the Nord. 1870-1924, op. cit., p. 172.
59 « La réunion de La Paix », L’Égalité, 5 juin 1901.
60 « La coopération socialiste dans la Région du Nord », Bulletin Mensuel de la Fédération des Coopératives de la Région du Nord, no 33, septembre 1903.
61 Ibid.
62 Sur le rôle des activités récréatives dans la propagande socialiste, voir Quillien N., « La SFIO à Roubaix de 1905 à 1914 », Revue du Nord, no 201, 1969, p. 275-290.
63 Mariot N., Conquérir unanimement les cœurs. Usages politiques et scientifiques des rites : le cas du voyage présidentiel en province, 1888-1998, doctorat de sciences sociales (Michel Offerlé, dir.), École des hautes études en sciences sociales, 1999, p. 558.
64 Taïeb E., « La politisation par le regard. Exécutions publiques et brutalisation », Séminaire Politisations comparées, Ceraps-Lille 2, CRPS-Paris 1, IEPI-Université de Lausanne, Pacte-IEP Grenoble, 11 février 2008, http://polcomp.free.fr/textes/seance4_etaieb1.pdf, p. 4 et p. 6.
65 Le Gall L., « Des processus de politisation dans les campagnes françaises (1830-1914). Esquisse pour un état des lieux », Séminaire Politisations comparées, Ceraps-Lille 2, CRPS-Paris 1, IEPI-Université de Lausanne, Pacte-IEP Grenoble, 10 mars 2008, http://polcomp.free.fr/textes/seance5_laurentlegall.pdf, p. 4 (contribution publiée dans Caron J.-C., Chauvaud F. (dir.), Les campagnes dans les sociétés européennes. France, Allemagne, Espagne et Italie, 1830-1930, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, coll. Histoire, 2005, p. 103-139).
66 Déloye Y., Sociologie historique du politique, Paris, La Découverte, coll. Repères, 1997, p. 86 (à propos des travaux de Peter McPhee).
67 Lefebvre R., Le socialisme saisi par l’institution municipale (des années 1880 aux années 1980). Jeux d’échelles, op. cit., p. 164.
68 Ibid., p. 225.
69 Lefebvre R., « Le socialisme soluble dans l’institution municipale ? », Revue française de science politique, vol. 54, no 2, 2004, p. 237-260, p. 250.
70 Ce travail s’inscrit dans le cadre d’un programme de recherche plus vaste qui a financé l’enquête : « Contrat de Projet État-Région » (CPER), attribué par la Maison Européenne des Sciences de l’Homme et de la Société (Lille), pour le projet DPHC (Démocratie participative. Aspects historiques et contemporains), codirigé par Marion Carrel et Paula Cossart. Nous remercions les autres membres de l’équipe de recherche (M. Bresson, M. Carrel, M. Doytcheva, N. Eliasoph, W. Keith, R. Lefebvre, M. Nonjon) et en particulier ceux qui ont pu nous faire part de leurs précieux commentaires lors de l’atelier de travail organisé autour d’un premier texte écrit sur ce sujet. Merci également à Michel Vangheluwe, des Archives départementales du Nord, qui nous a aidés à y trouver des traces de La Paix.
Auteurs
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