Épilogue
p. 253-274
Texte intégral
1À la veille de la mobilisation générale, le 1er septembre 1939 (date marquant la fin de son congé de cinq mois), le lieutenant-colonel Henri Morel prend, comme il le souhaitait1, le commandement du 8e régiment de tirailleurs tunisiens stationné à Bizerte au nord de la Tunisie. Son attrait pour les régiments de l’armée d’Afrique n’est pas nouveau. On se souvient, en effet, qu’au début des années 1930, il avait déjà effectué son temps de commandement de chef de bataillon dans les rangs du 28e régiment de tirailleurs tunisiens alors basé à Chambéry. Une période heureuse puisqu’au moment de quitter son unité, Morel confiait à de Lattre son désir de « finir colonel d’un régiment de tirailleurs » : « J’irai au bout de l’Afrique pour retrouver cette race à la fois passive et ardente qui sait aimer2. » Puis en mars 1939, il exposait à son ami en quelques lignes amères sa vision de l’avenir : « Puis, de stage en stage, j’attendrai d’aller prendre un commandement, ou plutôt d’aller dans un régiment dont je prendrai plus tard le commandement. L’Afrique du Nord sans doute. En France, il y a une ambiance de guerre de religions que je ne peux pas supporter3. »
2Le 3 septembre 1939, la France déclare la guerre à l’Allemagne. Morel gagne alors la Tunisie, seul, contraint de laisser une nouvelle fois sa famille en France, afin d’effectuer un temps de commandement dont l’enjeu n’est évidemment plus celui du temps de paix. Période importante dans une carrière militaire, le commandement d’un régiment est obligatoire pour tous les officiers brevetés d’état-major. Mais pour le lieutenant-colonel puis colonel Morel – il est promu à titre temporaire le 1er novembre 1939 – cette période n’excède pas sept mois et sa mission se limite à des manœuvres d’entraînement sur la ligne de Mareth4. Aucune attaque italienne n’intervient et lorsque le gros des unités stationnées en Afrique du Nord est envoyé en France métropolitaine dans l’espoir de juguler une offensive allemande désormais irrésistible, Morel n’est plus le chef de corps du 8e RTT5.
3Faute de documents, les raisons pour lesquelles il a été relevé aussi rapidement restent difficiles à établir. Est-ce la conséquence de sa mission en Espagne et du mode de défense pour lequel il a opté à la fin de celle-ci ? Est-ce la conséquence de problèmes familiaux survenus courant 19406 ? L’une des lettres retrouvées, issues de la correspondance entretenue avec sa femme, prouve cependant qu’il s’attendait dès octobre 1939 à être relevé de son commandement au printemps 1940, mais craignant probablement le contrôle postal il ne donne aucune raison.
« Au printemps nous aurons plus gagné que les Allemands. À ce moment il y a bien des chances qu’on m’enlève à mon régiment. J’avoue que personnellement je ne le souhaite pas. Rien de plus ridicule qu’un officier d’état-major qui est là quand tout est tranquille et qui fuit quand ça commence à s’agiter. J’aimerais conduire au feu le régiment que j’aurais instruit mais l’homme propose et le commandement dispose. Je ferai ce qu’on me dira de faire. Mes dernières initiatives ont trop mal réussi ! J’avoue que je crois possible une fin politique de la guerre par la chute d’Hitler. Sa politique russe est si folle qu’on ne le supporte que victorieux. Je me demande s’il résisterait à un échec7. »
4On retrouve une allusion similaire dans une autre lettre envoyée à sa femme au début février 1940. Mais là encore, il n’évoque aucune raison : « […] j’ai encore de petites poussées d’affolement et c’est à cela que servent les dépêches. J’ai dit à [Eirik] que je ne savais pas ce qu’on allait faire de moi. Mais que si jamais il avait besoin de moi, j’étais à sa disposition même dans une fonction inférieure à mon grade. Pour le moment il ne sait pas. En tout cas, je reste ferme dans mon propos. J’ai dit que je désirais rester à mon régiment8. » Le prénom cité, difficilement déchiffrable, semble bien être celui de Eirik Labonne. Nommé résident général de France en Tunisie après son rappel d’Espagne en octobre 1938, Labonne a effectué une visite du 8e RTT le 10 février 19409. La connivence entre les deux hommes ne fait alors aucun doute et il est donc plus que probable que Morel se soit ouvert à lui des difficultés rencontrées depuis la fin de sa mission en Espagne. Dans une lettre datée de juin 1939, l’ex-ambassadeur se réjouissait de retrouvailles prochaines avec son ex-attaché militaire : « Mon cher Colonel, votre venue prochaine est encore ignorée. Permettez-moi de vous dire que je suis enchanté. Bizerte est à côté de Tunis. Nous pourrons nous voir à notre gré. Oui je me réjouis de tout cœur de reprendre avec vous cette confrontation, ce libre entretien que nous aimions en Espagne et qui m’a été d’un si grand profit. Tout mot de convention mis à part. L’ami Moullec sera également de la partie puisqu’il vient, en septembre aussi, comme attaché naval10. » Mais Morel, une nouvelle fois, reste discret sur sa situation personnelle, les quelques lignes qu’il adresse à sa femme ne font que révéler l’existence d’un problème sans en dévoiler la nature exacte. Ce qui, bien évidemment, n’empêche pas le chef de corps du 8e RTT d’être apprécié par le général commandant l’infanterie divisionnaire de la région militaire comme le prouve le texte d’une notation datée du 25 février 194011.
5Début avril 1940, le colonel Morel est affecté au commandement par intérim du secteur de défense du littoral de Nice pendant quatre courtes semaines. La maladie de son plus jeune fils a vraisemblablement été à l’origine de la zone géographique de la mutation voire de la mutation elle-même. Mais cela ne suffit pas ; son fils décède à la fin du mois. Le général Decamp lui propose alors d’opter pour une affectation qui le maintienne dans le Sud de la France12. Cette proposition correspondait-elle à ses vœux ? Aucun élément ne permet de le savoir. Toujours est-il que, le 25 mai 1940, Morel quitte la région de Nice pour être nommé commandant par intérim de l’infanterie divisionnaire du secteur fortifié de Savoie. Le général commandant le secteur lui confie « le contrôle du sous-secteur de Tarentaise d’une importance primordiale, tenu en partie par des unités de renforcement n’ayant aucune pratique de la montagne13 ». C’est donc à la tête de troupes inexpérimentées que Morel fait face à l’offensive italienne déclenchée le 10 juin 1940. La suite du texte de sa notation précise implicitement les conditions dans lesquelles les unités qu’il commandait se sont battues :
« Pendant la période qui a précédé les hostilités, le colonel Morel s’est acharné à sa tâche, visitant personnellement tous les postes avancés et tous les points d’appui, vérifiant les consignes rectifiant les plans de feu, prescrivant les travaux les plus urgents. À la déclaration de guerre, je lui ai demandé de conserver la même mission, il l’a exécuté avec un cœur et un courage remarquables, en particulier, il a réglé avec maîtrise, après 2 jours de combats, le repli d’éléments avancés, submergés par un ennemi très supérieur en nombre, repli qui s’est exécuté en ordre et presque sans perte. C’est à l’action personnelle du colonel Morel que j’attribue l’insuccès de l’adversaire au col du Petit St Bernard. Affecté le 26 juin à la commission locale d’armistice, le colonel Morel est resté constamment en liaison avec moi pour régler au mieux des intérêts français l’évacuation de la zone démilitarisée14. »
6Ces combats lui inspirent néanmoins un rapport dans lequel il semble renouer avec ses anciennes activités de chef de la section midi du 2e bureau de l’EMA. Cette « note sur la valeur de l’armée italienne au cours des combats du 21 et du 22 juin en Tarentaise15 » apparaît comme une sorte de dénouement à ses précédentes analyses sur la médiocrité de l’armée italienne : « Les récents combats aux avant-postes dans le secteur de Tarentaise, outre les enseignements particuliers qui ressortent de leur déroulement tactique, apportent quelque lumière sur un problème important et jusqu’ici controversé. Il s’agit de savoir dans quelle mesure le régime mussolinien et fasciste avait en 15 ans transformé l’armée ou, plus exactement, augmenté la valeur combative, tant du commandement que de la troupe italienne. » Confrontées, en Tarentaise, à des effectifs français 7 à 8 fois inférieurs, les troupes italiennes se sont délitées sous les tirs d’artillerie et n’ont jamais été capables de donner l’assaut quand les conditions leur étaient favorables. Les chars n’ont pas osé franchir les cols et l’aviation n’est intervenue qu’une unique fois dans la vallée, bien loin des lieux de l’offensive. D’une plume acerbe, Morel conclut sa note par des lignes qu’il aurait probablement rêvé d’écrire six ans auparavant :
« Les troupes italiennes qui eussent dû être gonflées par les succès de leurs alliés, par la connaissance qu’elles avaient de la présence de forces allemandes sur nos arrières ont été incapables de rompre notre ligne et d’exploiter son repli. Ce sont sans contestation possible des troupes d’une médiocrité absolue et d’une combativité nulle. Sans vouloir juger l’armée italienne d’après une seule de ses divisions, il semble que les faits qui viennent d’être relatés tendent à indiquer que l’armée italienne reste celle dont l’histoire a montré les tares et non celle qu’une propagande bien menée et des manifestations tapageuses nous avaient présenté comme l’œuvre du régime. »
7La constitution de l’armée d’armistice permet à l’État français de préserver du reclassement 8 000 officiers d’active16. Au cours de cette réorganisation, qui se déroule au mois de juillet, le colonel Morel commande brièvement une zone du département de l’Isère avant d’obtenir une nouvelle affectation en Tunisie. Son maintien dans les cadres de l’armée d’armistice a-t-il été sujet à caution ? Robert Paxton souligne que le dégagement des officiers jugés « inaptes » « comportait inévitablement des dessous politiques17 ». En outre, toujours selon l’historien américain, le travail des commissions de reclassement a permis d’éliminer des « officiers issus du rang ou d’anciens réservistes assimilés par nécessité sur les champs de bataille de la Première Guerre18 ». Le colonel Morel aurait donc échappé de peu au reclassement. Deux éléments sont cependant à prendre en considération : tout d’abord Morel est officier supérieur breveté d’état-major, ensuite il est très probable que ses rapports avec les officiers du cabinet du ministre (notamment le général Decamp nommé à compter du 1er juillet 1940, sous-chef de l’EMA) ainsi qu’avec le général de Lattre de Tassigny aient compté à ce moment-là.
8Henri Morel est nommé commandant de la subdivision de Sousse le 25 août 1940. Placé sous les ordres du général Sylvestre Audet, commandant supérieur des troupes de Tunisie, puis de son successeur le général Jean de Lattre de Tassigny, il retrouve alors un semblant de sérénité. Ses talents de conférencier étant connus, il semble avoir été fréquemment sollicité par le général Audet dans le cadre de cours et autres stages destinés aux officiers stationnés en Tunisie19. Les thèmes abordés sont relatifs à l’Empire, à l’Afrique du Nord ou encore, plus spécifiquement, à la Tunisie20. Quant à l’approche choisie, elle est historique, philosophique, voire théologique mais jamais politique. Il s’agit de comprendre la civilisation musulmane afin de commander au mieux des régiments de tirailleurs. Si l’on trouve une allusion au rôle que doit jouer l’Empire dans la renaissance française (« Les 2/3 de la France sont occupés. Toute la France est sous le coup du désastre. Mais si l’on fait intervenir la notion d’Empire, il reste d’énormes éléments de liberté, et par là d’espoir21. »), rien de saillant n’apparaît dans les textes de ses conférences. L’heure n’est plus à la critique. Ces deux années, marquées par la perte de son fils et le désastre de la défaite, paraissent l’avoir terrassé.
9Le 14 septembre 1941, le général de division Jean de Lattre de Tassigny obtient le commandement supérieur des troupes de Tunisie. Les deux hommes se retrouvent et, pour la première fois, l’un sert sous les ordres de l’autre. Cette dernière considération est essentielle puisqu’à partir de cette date, et ce jusqu’en 1943, leur sort va être pour partie lié. « Dès sa nomination, le général de Lattre partit en avion pour Alger où il se présenta au général Weygand, puis pris contact avec celui auquel il devait succéder, le général Audet. […] À Sousse, de Lattre retrouvait son cher camarade de la 49e promotion de l’École de guerre, le colonel Morel […]22. » Cette nomination, Jean de Lattre la doit au général Weygand, délégué général du gouvernement de Vichy en Afrique française depuis le 3 octobre 1940. Dès son arrivée en Afrique, Weygand s’est engagé « dans une campagne active visant à s’assurer du loyalisme des officiers français, dans l’Empire, vis-à-vis de Vichy23 » et pour mener à bien cette mission, il a naturellement choisi de confier des commandements importants à des « fidèles24 ». Lorsque le 15 octobre 1941, le général de Lattre passe en revue les troupes de la subdivision de Sousse, Morel prononce un discours dans lequel il évoque implicitement les liens qui l’unissent à de Lattre mais surtout dans lequel il réaffirme « la fidélité à l’État » et « le dévouement à la Nation une et indivisible » de ses cadres25. Le commandant de la subdivision de Sousse s’inscrit donc dans la droite ligne des directives de Weygand pour qui, l’armée d’Afrique devait à la fois tenter d’endiguer les avancées anglo-gaullistes et contrecarrer les velléités italiennes et allemandes tout en préservant sa neutralité26. Au reste sa notation pour le 1er semestre 1941 tend à prouver qu’il partageait assez largement les vues du général Weygand :
« Le colonel Morel commande depuis un an avec autorité et intelligence la subdivision de Sousse : commandement assez délicat par l’étendue du territoire, les rapports avec les contrôleurs civils et la sensibilité de certaines populations indigènes. Bien qu’affectant un certain scepticisme d’intellectuel, qui trahit ses origines normaliennes, le colonel Morel est en fait un officier passionné de son métier, d’une extrême conscience, voyant l’ensemble et le détail, très actif. Instructeur né. A présenté, à la suite de reconnaissances sur le terrain une conception originale de la défense du Centre tunisien qui lui a valu les félicitations du général Weygand, commandant en chef en Afrique du Nord et qui a été aussitôt mise en application. Mérite d’être promu sans tarder général de brigade27. »
10La mort du général Huntziger, secrétaire d’État à la Guerre, en novembre 1941 vient toutefois brouiller les cartes. Le problème de sa succession fait éclater au grand jour la rivalité qui s’est instaurée entre l’amiral Darlan, ministre de la Défense, et le général Weygand, au détriment de ce dernier. Dans son ouvrage/témoignage, Simonne de Lattre écrit : « Les événements consécutifs à cet accident se succédèrent alors rapidement. Le général Bridoux remplaça le général Huntziger, comme secrétaire d’État. Le général Weygand, convoqué à Vichy, fut relevé de son commandement, le 19 novembre [1941], sans même pouvoir revenir à Alger28. » Mais elle oublie de préciser que le général de Lattre, en personne, a visé le poste de secrétaire d’État à la Guerre et que l’amiral Darlan ne lui a préféré le général Bridoux qu’en avril 1942, laissant le poste vacant pendant cinq mois29. Au cours de cette période, les rapports entre de Lattre et Morel semblent avoir été sporadiques. Dans le brouillon non daté d’une lettre qu’il lui adresse, Morel lui reproche à mi-mots le manque d’intérêt qu’il lui a porté depuis son arrivée en Tunisie et le met en garde sur les conséquences engendrées par le départ de Weygand, « […] depuis que vous êtes en Tunisie, je ne vous ai jamais vu seul. À vous seul je crois devoir dire la vérité, ce que je crois être la vérité, même si elle vous heurte. À quoi servirait sans cela ma respectueuse amitié ? Le départ du général W. a produit les effets que je prévoyais avec une sorte d’unanimité dans l’interprétation qui m’a surpris moi-même. […] Derrière vous jusqu’à présent il y avait le général W. : maintenant il n’y a rien30 ». De fait, moins de trois mois après le départ de Weygand, de Lattre quitte la Tunisie après s’être vivement opposé au général Juin, successeur de Weygand, sur la question de la défense de la Tunisie face aux troupes germano-italiennes. Promu général de corps d’armée, de Lattre reçoit le commandement de la 16e division militaire à Montpellier.
11À partir de février 1942, le colonel Morel est donc subordonné au général Georges Barré, nouveau commandant supérieur des troupes de Tunisie. Les rapports entre les deux hommes semblent avoir été cordiaux. Barré cite le nom de Morel dans son ouvrage Tunisie 1942-194331 à propos de la reprise du plan de défense Audet, auquel le commandant de la subdivision de Sousse a pris part32. Si la rareté des documents retrouvés pour cette période rende son appréhension difficile, force est cependant de constater qu’Henri Morel a conservé une liberté de ton surprenante pour la période. En témoigne la copie d’une lettre adressée au général Barré et dans laquelle le colonel Morel expose les raisons pour lesquelles, il refuse la proposition qu’il lui a été faite de collaborer aux revues éditées par le ministère de la Guerre :
« Mon Général,
Je vous suis reconnaissant d’avoir songé à moi pour collaborer à la propagande envisagée par le Ministre de la Guerre. La question de ma collaboration aux publications et Revues militaires est une très veille histoire que je considère comme définitivement réglée.
J’ai conscience que j’aurais pu être un écrivain militaire, historien et philosophe, qui aurait bien servi l’armée et la Nation. Je me suis heurté à chaque essai tenté de bonne volonté et généralement sollicité à un dogmatisme étroit à une méfiance contre la pensée libre et singulièrement contre la mienne qui m’ont amené à me taire. Je n’écris et n’écrirai plus qu’à l’occasion du service.
Les conditions que je viens de rappeler ne me paraissent pas en effet avoir changé. “L’organisme composé d’officiers particulièrement choisis et attachés au Cabinet” ne me dit rien qui vaille. Les temps sont moins favorables que jamais à la pensée libre. La prose contrôlée, dirigée, salariée coule à pleins bords.
Pour que l’armée offre à la Nation l’exemple d’une vie ardente et forte, qu’elle attire par le rayonnement, la chaleur, l’audace de sa pensée, beaucoup de choses devront changer : beaucoup de gens disparaître. Cette révolution de générosité, de liberté que j’appelle, j’aurai disparu de la vie militaire avant de l’avoir vue.
En tant que soldat, je me tais et obéis. J’en ai l’habitude et cet effacement m’est devenu une seconde nature. Mais si j’avais à me faire entendre, je n’ai plus l’âge de soumettre ma pensée à des gens que je considère comme des inférieurs, ce serait parce que les circonstances me permettraient de parler en maître dans le plan intellectuel. Il est infiniment vraisemblable que cette occasion, que je ne cherche pas, ne me sera pas donnée.
Je n’en suis pas moins touché de votre estime. Dans le cadre local et hiérarchique de mon activité, je suis à votre entière disposition, comme je le fus à celle du général Audet, pour toute tâche intellectuelle que vous estimerez devoir me confier33. »
12Le texte de cette lettre, rédigé en juin 1942, appelle des commentaires. Sur un plan sémantique, tout d’abord, les termes « pensée », « pensée libre » et « liberté » apparaissent quatre fois et, consacrent, de fait, Morel en libre penseur. Mais quelle réaction le général Barré a-t-il pu avoir à la lecture d’une telle lettre ? A-t-il décidé de la faire remonter à Vichy ? Quant à la dernière remarque, plus inattendue, elle tient à l’absence de mention au général de Lattre. Le commandant de la subdivision de Sousse aurait donc été à la seule disposition du général Audet ? Que sous-tend cette omission ? Reflète-t-elle le nivellement entre les rapports qu’il entretient avec de Lattre et ceux entretenus avec d’autres généraux ?
13Au début juillet, un événement a priori anodin se produit et apporte peut-être une réponse à la question de l’attitude de Barré qui, s’il n’a vraisemblablement pas révélé l’intégralité de la lettre, a néanmoins dû faire part au ministère de la réponse négative de son colonel. Suite à la résistance opposée aux Italiens en juin 1940, Morel avait été cité à l’ordre du secteur fortifié de Savoie et avait reçu à ce titre la croix de guerre 1939-1940. Or, au début de l’été 1942, cette citation lui est retirée pour des raisons obscures. Dès lors, tenant une nouvelle fois tête à l’EMA, il estime ne plus être en mesure de continuer à exercer son commandement34 et obtient sa mutation pour la 16e division militaire de Montpellier. Et comme tend à le prouver un extrait de l’unique lettre retrouvée signée de Lattre, il est plus que probable que ce dernier ait été à l’origine de cette affectation : « Ma dépêche vous a déjà dit ma joie de vous voir affecté près de moi. Soyez sans crainte en ce qui concerne l’avenir. Vous êtes désormais avec moi, je ne vous lâcherai plus.35 » Reconnaissant sa vulnérabilité au sein de l’armée de Vichy, Morel aurait-il pour la première fois sollicité son aide ?
14Le nouveau commandant de l’infanterie divisionnaire de la 16e division militaire arrive à Montpellier début septembre 1942. S’étendant sur six départements (Aude, Aveyron, Hérault, Lozère, Pyrénées orientales et Tarn), la 16e DM compte trois régiments d’infanterie (8e RI, 51e RI et 2e RIC commandés respectivement par les colonels Guillaut, Hautecoeur et Thomas) dont le colonel Morel a la charge. En outre, depuis l’été, le général de Lattre de Tassigny exerce les fonctions de commandant du théâtre d’opérations de Provence : avec pour mission officielle de repousser les Anglo-Américains à la mer en cas de débarquement de ceux-ci et, semble-t-il, pour mission officieuse de poursuivre les troupes allemandes jusqu’à Paris en cas de débarquement anglo-américain en Provence36. Le colonel Morel a-t-il été mis dans la confidence de ce plan secret ? Toujours est-il que lorsque les alliés débarquent en Afrique du Nord (7-8 novembre) et que les troupes allemandes envahissent la zone libre, Morel est partie prenante de la tentative de résistance de De Lattre. Pour Robert Paxton, les ordres donnés – dans la nuit du 9 novembre – par le gouvernement de Vichy à l’armée d’armistice en cas de franchissement de la ligne de démarcation par l’armée allemande « reflétait l’opinion du maréchal Pétain » : « En accord avec la suggestion de Weygand, les ordres donnés permettraient d’éviter à la fois tout accrochage direct et une ignominieuse reddition passive37. » En somme, les unités de l’armée d’armistice doivent s’efforcer de rester neutres. Au cours de cette même nuit, à Montpellier, le général de Lattre convoque ses officiers supérieurs et, selon Simonne de Lattre, les colonels Guillaut et Morel se montrent « très fermes » alors que « les nouvelles concernant les concentrations allemandes à la ligne de démarcation se précisent38 ». Le 10 novembre, le général Verneau, chef de l’état-major de l’armée d’armistice, demande à tous les chefs de divisions militaires de ramener leurs troupes dans leurs garnisons afin de ne pas provoquer les autorités allemandes et d’éviter tout déclenchement de troubles intérieurs. Mais le général de Lattre décide de ne pas exécuter cet ordre.
15D’après l’un des témoins39, le plan du général de Lattre consistait à tenter d’adosser ses troupes à la frontière espagnole et à tenir Port-Vendres, port utilisable pour rejoindre l’Afrique du Nord. Le 11 novembre au matin, alors que des détachements allemands ont franchit la ligne de démarcation, Jean de Lattre quitte Montpellier avec son état-major composé du colonel Henri Morel, des commandants André Tabouis et Jean Constant et du lieutenant René Perpère ; les unités de la 16e DM devant se mettre en route à la mi-journée. Mais l’adjoint du général de Lattre, le général Bonnet de La Tour, resté à Montpellier, obtempère aux directives qui lui ont été données téléphoniquement par le secrétaire d’État à la Guerre en personne, le général Bridoux, et demande instamment aux unités de la 16e DM de ne pas bouger. Très inquiets de l’insubordination de leur commandant de division, les chefs de corps se rallient alors au général Bonnet de La Tour. Dans la nuit du 11 au 12 novembre, de Lattre, Morel, Tabouis, Constant et Perpère sont arrêtés et emmenés à la prison de Toulouse.
« Toulouse. Dans la cellule de Jean, un lit étroit, un poêle, une grande table. Je remarquai aussitôt son sabre accroché au mur au-dessus du lit.
La cellule voisine, de la même taille, avait quatre lits au lieu d’un. C’est là qu’étaient installés Tabouis, qu’avait rejoint le colonel Morel, le capitaine Constans, le lieutenant Perpère. Ces derniers arrêtés à Perpignan, traités fort sévèrement et expédiés vers Toulouse, étaient arrivés un peu après Jean et Tabouis40. »
16Début janvier 1943, de Lattre est jugé à Lyon par un tribunal d’État, présidé par le général Frère. Décidant d’endosser seul la responsabilité des événements du 11 novembre, afin préserver ses officiers, de Lattre est condamné à 10 ans de prison « pour abandon de poste et tentative de trahison, en vertu de l’article 229 du code de justice militaire et de la loi du 7 septembre 194141 ». Morel, blême, assiste au réquisitoire42. Son procès et celui des trois autres officiers incriminés se déroule quelques semaines plus tard à Toulouse. De Lattre, quant à lui, est envoyé à la prison de Riom ; d’où il s’évadera pour rejoindre Alger en septembre 1943. Très affecté, Morel comparaît devant le tribunal militaire permanent de Toulouse pour « abandon de poste » et « tentative de trahison ». Sa déposition, retrouvée dans ses papiers, détaille la mission que lui avait confiée le général de Lattre. Il s’agissait pour lui de rejoindre les éléments du 2e régiment d’infanterie coloniale. Cette mission le conduit à Perpignan où il apprend qu’aucune unité n’a bougé : « L’affaire me paraissant surprenante et confuse, j’ai demandé au téléphone le général Bonnet de La Tour. Je l’ai eu aussitôt. Le général Bonnet de La Tour m’a mis au courant de la situation à Montpellier et m’a dit de revenir, j’ai protesté que ni le général [de Lattre] ni moi n’étions dissidents et que vu la situation, je [me] rendrais à Montpellier dès que j’aurais rendu compte au général de Lattre de ma mission et de ce que je comprenais de la situation. Je fus peu après arrêté et livré à la police43. »
17La suite de ce texte est très instructive car on y apprend que Morel est à l’origine du plan44 et que Bonnet de La Tour n’ignorait rien des intentions de De Lattre : « Pendant tous les jours qui ont précédé, le général de Lattre m’avait mis au courant, comme le général Bonnet de La Tour et son entourage, de ses intentions. Ne pas faire sac à terre. Rompre tout contact avec l’envahisseur terrestre et se préparer à résister dans un réduit proportionné aux forces qu’il aurait pu rassembler au sud de la transversale Toulouse Narbonne45. » Il est, en outre, intéressant de constater que Morel justifie l’occupation de Port-Vendres pour parer à un débarquement des Anglo-Saxons et précise que la frontière espagnole était conçue comme « un mur » et non comme « une porte ». Ayant « fait partie de l’Ambassade auprès de la République espagnole » lui-même ne pouvait pas envisager de passage en Espagne46. Le secrétaire d’État à la Guerre suspectant de Lattre d’accointances avec les gaullistes, le tribunal ne manque pas de le questionner à ce sujet. Morel jure alors sur l’honneur47 que le général de Lattre, dès son commandement en Tunisie, comptait lutter tant contre les forces de l’Axe que contre les Anglo-Saxons : « Je n’ai pas connaissance de relations du général avec des Gaullistes. Tout ce qui précède me fait considérer comme impensable une entente du général avec des gens qui n’avaient pas sa conception du caractère essentiellement français du problème de rénovation militaire48. » S’étant engagé sur l’honneur, il y a fort à croire qu’Henri Morel n’ait livré que des faits et des interprétations conformes à sa perception. Au reste, la franchise avec laquelle il répond à une autre question ne permet pas de douter de l’authenticité de l’ensemble de ses propos :
« Étant inculpé de trahison par mes supérieurs, je dois me borner à dire que je ne comprends pas cette inculpation monstrueuse. Le terme de trahison implique une connivence avec l’ennemi ou avec l’étranger. Je ne pense pas que personne puisse m’en accuser. Je me suis borné à exécuter les ordres d’un chef que j’admire et que j’aime et dont j’étais et je suis sûr qu’il ne pouvait que me conduire dans les voies de l’honneur49. »
18Le 23 mars 1943, une ordonnance de non-lieu est rendue par le juge d’instruction du tribunal militaire de Toulouse50. Si, officiellement, aucune charge n’est retenue contre les quatre officiers, Henri Morel doit cependant faire face à des problèmes financiers importants. Mis en congé d’armistice depuis le 1er mars, à l’instar de tous les cadres de l’ex-armée d’armistice, et retiré dans sa propriété de Crémieu dans l’Isère, il n’obtient aucune aide du Service de reclassement des militaires de carrière en dépit des nombreuses demandes faites et doit se contenter d’une demi-solde pour faire vivre sa famille51. Une première réponse datée du 13 avril (répondant à une lettre du 17 mars) précise que les emplois qu’il a sollicités tant auprès du Service historique de l’armée que du ministère des Affaires étrangères ne peuvent lui être accordés, tous les postes ayant été honorés, et que sa candidature à un poste de professeur a été transmise au secrétariat d’État à l’Éducation nationale52.
19En mai 1943, sa situation se dégrade encore puisqu’aucun salaire ne lui a été versé pour le mois d’avril. Une nouvelle fois, il multiplie les lettres au général réglant les affaires courantes pour la région lyonnaise et au chef de l’annexe assurant le paiement des militaires de carrière non encore reclassés53. Il obtient vraisemblablement gain de cause. Afin d’assurer ce paiement et d’être informé de la situation professionnelle des ex-cadres de l’armée d’armistice, le Service de reclassement des militaires de carrière a mis en place un suivi et envoie chaque mois aux intéressés un questionnaire sous forme d’une « notice individuelle ». Morel a conservé certains doubles de ces « notices » et voici ce que l’on peut lire sur celle de juin 1943 :
« Avez-vous demandé une demande de reclassement au Service de reclassement des militaires de carrière ? Oui.
À quelle date ? J’ai adressé plusieurs demandes successives.
Avez-vous été reclassé par ce Service dans un emploi ? Non.
Avez-vous été renseigné par ce Service pour un ou plusieurs emplois
? Reçu demande de renseignement du ministère de l’Éducation nationale.
L’avez-vous refusé ? J’ai répondu. Aucune autre demande ne m’est parvenue ni aucune offre.
Avez-vous pu vous reclasser par vos propres moyens ? Non54. »
20La demande faite auprès du secrétariat d’État à l’Éducation nationale ayant été transmise, l’ancien élève de l’École normale supérieure reçoit fin juillet une lettre du recteur de l’académie de Grenoble lui demandant des précisions sur sa formation, sa carrière et sur les postes qu’il serait à même d’occuper. Morel lui répond sans délai :
« Je réponds de suite à votre lettre par une lettre personnelle, mon cas l’étant. Je n’ai reçu aucune offre de Lyon : je vous suis reconnaissant de m’avoir écrit le premier. Je résume brièvement mes antécédents. Reçu en 1909 à l’École normale, j’y passai en 1re et 2e année les examens correspondants, licence et diplôme d’études supérieures. Mon état de santé pendant les 3 derniers mois m’interdirent de me présenter à l’agrégation et les médecins me prescrivirent un repos intellectuel de quelque durée. Je partis donc au régiment pour y faire les deux années que j’avais à accomplir. La guerre de 1914 me surprit au cours de la 2e année et au bout de 4 ans de guerre, je restais dans l’armée.
La carrière que j’y fis ne m’éloignait pas d’une culture intellectuelle pour laquelle mon goût restait le même. Je fus de 1919 à 1924 prof. d’histoire militaire à St-Cyr. Plus tard comme chef de section au 2e bureau de l’EMA, je fis de nombreuses conférences de politique étrangère (…). Avant [ma période] de commandement de colonel, je fus trois ans attaché militaire en Espagne 1936-1939. Je ne suis pas à même de refuser les offres de reclassement qui me sont faites. J’aperçois comme tous les difficultés de cette mesure qui nous est présentée par notre secrétariat d’État comme quasi obligatoire. D’une part nous apportons à nos “employeurs” une grande inexpérience ou les conséquences de longs oublis. En ce qui me concerne, je me crois aussi cultivé que mes camarades d’école de mon âge. Mais l’enseignement est affaire de savoir et de technique et j’aurai à réapprendre le métier. D’autre part, pour le bien même de l’ordre national nous ne pouvons accepter une position qui matérialise à l’excès la déchéance de notre corps militaire. J’ai 54 ans. Sans les événements récents, je serais depuis [peu] général de brigade. Je n’ai pas d’amour propre mais je dois pour l’opinion publique tenir compte de ce que j’ai représenté.
C’est un problème délicat qui s’offre à votre bonne volonté. Employer dignement mais utilement quelqu’un dont les capacités professionnelles sont pour le moins provisoirement incertaines. Je m’en remets à vous pour le résoudre. Il est certain qu’une fonction de direction correspondrait plus à mes expériences passées dans le plan intellectuel, moral et administratif. Cdt. de régiment, Cdt. d’infanterie div., j’ai dirigé, instruit, administré un corps d’officiers et de sous-officiers.
À défaut de poste de ce genre, je crois être capable de faire des cours secondaires d’histoire. J’ai des connaissances générales en histoire : et en cette matière, on peut procéder par préparations limitées alors qu’en lettres (grec ou latin), c’est la connaissance de l’ensemble qui est chaque fois en question55. »
21Cette lettre méritait d’être reproduite dans son intégralité : tout d’abord, car on y découvre qu’il ne précise pas la nature de ses diplômes. N’ayant pas fait d’histoire à l’ENS, on se souvient qu’il avait déjà usé de cet artifice dans les années 1920, lorsqu’il avait posé sa candidature pour un poste de professeur d’histoire à l’ESM de Saint-Cyr ; ensuite, car elle permet probablement d’appréhender son attitude au cours des années 1943 et 1944. Il semble, en effet, avoir été particulièrement préoccupé par sa situation financière, ayant déjà perdu beaucoup d’argent au cours des trois années passés en Espagne. D’où cette volonté impérieuse de trouver un travail et un salaire décent afin d’assurer la survie de sa famille. Aussi Morel ne cesse pas sa correspondance avec le recteur de l’académie de Grenoble56, même si ce dernier lui précise que les attributions de chaire n’auront lieu qu’à la rentrée universitaire après avis du ministre57. À la fin septembre, le recteur estime cependant pouvoir lui proposer « un emploi de direction dans un service de l’université de Grenoble » : « Dans ces conditions, j’aurais grand plaisir à avoir un entretien avec vous sur cette question, avant d’adresser à Paris les renseignements demandés par le ministre de l’Éducation Nationale58. » Mais quatre jours plus tard, une nouvelle lettre lui enjoint de fournir d’urgence « les certificats d’études supérieures qui composent votre licence ès lettres. Je vous serais très obligé de vouloir bien me donner ci-dessous la liste de vos certificats, la date de leur obtention et la faculté dans laquelle ils vous ont été délivrés59 ».
22Aucun élément ne permet de savoir si Henri Morel a répondu ou non à cette dernière lettre. Quoi qu’il en soit, avec ou sans réponse de sa part, le poste qu’il sollicitait ne lui a pas été attribué. L’affaire du 11 novembre 1942, en dépit de l’ordonnance de non-lieu, a annihilé toute possibilité de reclassement. Au reste, un document retrouvé dans son dossier de personnel, daté du 23 octobre 1943 et émanant de la direction du personnel du secrétariat d’État à la Défense, stipule que les officiers ayant pris part aux « événements de novembre 1942 » aux côtés du général de Lattre n’étaient « pas à l’abri de toute critique » et qu’ils ne pouvaient ignorer que les ordres auxquels ils avaient obéis étaient « en contradiction avec ceux du gouvernement ». À ce titre, ces derniers sont exclus d’office des emplois importants60. À partir de ce moment, Morel semble avoir de plus en plus de mal à faire face à la situation, la « notice individuelle » qu’il remplit au mois de novembre 1943 révèle une évidente détresse : « Reçu une circulaire de la “Production industrielle” : j’en reste à la dernière offre ferme de cet organisme : contrôleur de la PI à laquelle j’ai répondu par une acceptation éventuelle sans condition. Il ne dépend pas de moi que je sois reclassé j’ai toujours répondu de suite et affirmativement à toutes les offres faites : je n’ai aucun emploi et ne touche aucune rémunération. Je soussigné certifie sur l’honneur que les renseignements fournis par la présente notice sont exacts et je demande à bénéficier des dispositions de l’art. 4 de la loi 33 du 1er au 30 novembre 194361. » Cette « notice » est vraisemblablement la dernière qu’il ait remplie. Aucun autre document relatif à une quelconque demande d’emploi n’a pu être retrouvé après cette date.
23Paradoxalement, alors que l’administration vichyste le laisse sans emploi, un mémoire de proposition pour le grade de commandeur de la Légion d’honneur lui est adressé par le colonel Peltey, commandant la subdivision de Grenoble, le 18 décembre 1943. Ne recevant aucune réponse de l’intéressé, ce dernier lui adresse un télégramme officiel le 31 décembre. Cette fois-ci Morel répond et refuse la proposition. Peltey en rend alors compte à son supérieur le général commissaire régional militaire de Lyon : « Le 3 janvier 1944, le colonel Morel m’informe de son désir de n’être pas présenté, alléguant que le tableau étant actuellement faussé par l’absence de nombreux camarades et les circonstances ne se prêtant pas, à son avis, à des promotions dans l’ordre de la Légion d’honneur. Dans ses conditions il ne juge pas utile de signer le mémoire joint62. » Ce refus a-t-il contribué à éveiller la suspicion des autorités vichystes déliquescentes ?
24Le 9 mai 1944, Henri Morel est arrêté à son domicile de Crémieu par la Gestapo. Le rapport relatif à son arrestation émanant du commissariat régional militaire de Lyon et figurant dans son dossier de personnel relate les faits suivants :
« Le 9 mai à 8 h 30 deux hommes (allemands en civils) dont l’un armé d’une mitraillette, ont demandé à Madame Morel à voir son mari. Ils l’ont suivi dans la chambre où il dormait et l’ont prié de se lever et de les suivre. Le colonel Morel a eu le temps de prendre une tasse de café, une mallette avec un peu de linge et est parti avec les deux hommes sus indiqués qui ont été corrects. Il n’y a pas eu de perquisition. Aux questions posées par Mme Morel un de ces fonctionnaires a répondu “Si le colonel n’a rien à se reprocher vis-à-vis de la politique du Maréchal vous aurez de ses nouvelles dans huit jours, sinon vous n’en aurez pas avant un mois. Je serais étonné d’ailleurs qu’il puisse se justifier”63. »
25Ce document détaille ensuite le lieu de résidence, la situation militaire à partir du 1er janvier 1939 ou encore la situation de famille de l’intéressé. On y apprend que les motifs de l’arrestation sont « inconnus » mais qu’elle « ne paraît toutefois pas devoir être considérée comme faisant partie de la mesure dont l’application a entraîné les arrestations des 2 et 3 mai64 ». En prévision du débarquement allié, les Allemands avaient en effet procédé à un certain nombre d’arrestations de généraux et d’officiers supérieurs, afin que ces derniers ne puissent prendre le commandement de troupes « résistantes ». On y apprend en outre que Morel est détenu à la prison de Montluc à Lyon et qu’une « intervention est en cours auprès des services de police allemands de Lyon dans le but de connaître les motifs d’arrestation du colonel Morel. Le résultat en sera transmis dès que ces services auront fait connaître leur réponse65 ». Aucune suite n’a vraisemblablement été donnée à cette demande. Ce rapport fait aussi état d’autres arrestations, le même jour, dans la ville de Crémieu. Une liste établie par la préfecture de l’Isère stipule que dix-sept personnes ont été arrêtées dans le département le 9 mai 1944 et, parmi celles-ci, dix l’ont été dans la ville de Crémieu66. Mais il n’est, semble-t-il, pas possible d’établir un quelconque lien entre ces arrestations et celle d’Henri Morel67.
26Le 31 mai 1944, le secrétariat d’État à la Guerre du gouvernement de Vichy, la direction des services de l’armistice, la délégation française auprès de la commission allemande d’armistice de Wiesbaden, le service des relations franco-allemandes en zone sud sont informés par écrit de cette arrestation68, comme de toutes celles touchant des officiers69. À cette date, Henri Morel est toujours incarcéré à la prison de Montluc à Lyon. Jusqu’au 9 juillet 1944, il y occupe la cellule 118 sous le matricule LA 7 991. Considéré comme « prisonnier politique », il est transféré au camp de transit de Compiègne le 10 juillet70. Puis le 16 juillet, il est intégré à l’un des quatre convois massifs en direction du camp de concentration de Hambourg-Neuengamme. Arrivé le 18 juillet, il est immatriculé sous le no 36 38471. Henri Morel décède le 13 septembre 1944 « de pneumonie, de pleurésie et d’œdème généralisé72 » à l’infirmerie du camp de Neuengamme. Son corps est incinéré.
27Les raisons qui ont conduit, tout d’abord, à son arrestation, puis, à sa déportation ainsi que ses conditions de détention tant à la prison de Montluc qu’au camp de Neuengamme restent floues. Le dossier nominatif conservé au bureau « Résistance » du Service historique de la Défense ne révèle aucune appartenance aux Forces françaises combattantes (FFC), aux Forces françaises de l’intérieur (FFI) ou à la Résistance intérieure française (RIF), seule une mention ajoutée au stylo précise « isolé73 ». De la même manière, le dossier constitué en vue de l’obtention du statut de « déporté résistant » n’apporte aucun élément permettant d’établir qu’Henri Morel ait appartenu à un réseau, à une organisation ou à un mouvement de la Résistance74. La distinction entre les statuts de « déporté politique » et de « déporté résistant » a été établie par deux lois datées d’août et septembre 1948 ; car comme le stipule le Bulletin officiel des armées, les Allemands ne faisaient à l’origine « aucune distinction entre déportés “politiques” et “Résistants”. Tous étaient des déportés politiques75 ». Ce même Bulletin officiel des armées précise que pour obtenir le statut de « déporté résistant » – qui, pour les intéressés ou leurs ayants cause, octroyait des pensions et droits plus conséquents76 –, il fallait : « Prouver : l’activité dans la Résistance, la matérialité de l’internement ou de la déportation ; la relation de cause à effet entre l’arrestation et l’activité résistante77. »
28Henri Morel a obtenu le statut de « déporté résistant », le 21 août 1950, sur la base du certificat de résistance établi le 5 décembre 1949 par le général Jean de Lattre de Tassigny, alors chef d’état-major général et inspecteur général de l’armée de terre.
« Le colonel Morel, Louis, Henri a été sous mes ordres à Montpellier […], alors que je commandais la 16e Division militaire. Il remplissait les fonctions de commandant de l’infanterie. Résolu à regrouper mes troupes dans le massif des Corbières et à y résister en cas d’invasion de la zone libre par les Allemands j’avais fait du colonel Morel mon confident et principal collaborateur pour la préparation et l’exécution de ce plan. Je connaissais en effet cet officier de très longue date et j’avais toute confiance dans ses qualités d’organisateur, dans son courage et dans la fermeté et dans l’élévation de son caractère.
Le 11 novembre 1942, à 7 heures, j’apprenais que la Wehrmacht avait commencé à franchir la “ligne de démarcation”. Contrairement aux instructions du gouvernement de Vichy, prescrivant le maintien des troupes consignées dans leurs quartiers, je donnais à mes unités l’ordre d’effectuer les mouvements de regroupement prévus, et je partis, accompagné du colonel Morel et de quelques officiers, pour le massif des Corbières. Alertées de cette intention de résistance par mon propre adjoint pour le commandement des troupes, le général Bonnet de La Tour, les autorités de Vichy mirent aussitôt en place tout un réseau de police et de gendarmerie pour faire échec à cette tentative.
Le colonel Morel fut appréhendé dans la soirée du 11 novembre à l’entrée de Perpignan, où je lui avais donné l’ordre de se rendre pour hâter le mouvement de la garnison, tandis que j’étais arrêté à St-Pons. Incarcéré avec moi à la prison militaire de Toulouse, et poursuivi à mes côtés pour “trahison et abandon de poste”, ce ne fut qu’après ma condamnation par le Tribunal d’État, devant lequel j’avais couvert mes subordonnés ayant obéi à mes ordres, que le colonel Morel bénéficia d’un non-lieu en mars 1943. Placé en congé d’armistice, il se retira à Crémieu (Isère). Quand il apprit, qu’après mon évasion de Riom, j’étais arrivé en Algérie, il réussit à me faire prévenir qu’il était prêt à me rejoindre à mon premier appel.
Après plusieurs essais de liaison infructueux, je pus lui envoyer un agent de notre SR. Ce dernier devait lui dire de ma part qu’il devait se trouver le mardi 16 mai 1944 à Limoux (Aude) où une filière de passeurs se chargerait de le faire évader par l’Espagne. Mais la Gestapo qui surveillait étroitement le colonel Morel depuis la fin de 1942 et soupçonnait ses activités dans la Résistance, l’arrêtait le 9 mai 1944. L’aspirant Baron, chargé de mon message, arrivait à Crémieu le 12 mai, pour apprendre son internement au fort de Montluc à Lyon. […].
Le rôle joué par le colonel Morel en novembre 1942, sa décision de rejoindre l’Afrique du Nord, son arrestation par la Gestapo et sa mort en déportation, justifient pleinement sa qualification de Résistant, selon l’article 2 du décret no 49-427 du 25 mars 194978. »
29Il est, en outre, intéressant de constater que ce certificat fait suite à une précédente attestation du général de Lattre de Tassigny datée du 3 mars 1947 :
« Le colonel Morel se trouvait sous mes ordres, en tant que commandant l’infanterie de la 16e division militaire à Montpellier, lorsque le 11 novembre 1942, je décidai de ne pas assister passivement à l’occupation par les troupes allemandes de la région dont j’avais la charge. Cet officier supérieur participa directement et de la façon la plus active à ma tentative de résistance, ce qui lui valut, après l’échec de celle-ci, d’être incarcéré avec moi à la prison militaire de Toulouse et poursuivi à mes côtés pour “trahison” et “abandon de poste”. Ce n’est qu’après ma condamnation par le Tribunal d’État devant lequel j’avais entièrement couvert ceux de mes subordonnés qui avaient obéi à mes ordres, qu’il put enfin bénéficier en mars 1943 d’un non-lieu.
Dès mon arrivée à Alger, après mon évasion de la prison de Riom, j’eus le vif désir de voir venir en Afrique du Nord le colonel Morel dont j’appréciais hautement les éminentes qualités intellectuelles et morales. Malheureusement, aucun de mes messages ne lui parvint. J’en éprouve encore un regret d’autant plus profond que s’il avait été touché par mes appels, il aurait sans doute échappé à sa seconde arrestation, cette fois par la Gestapo, et évité la déportation où il devait mourir pour la France79. »
30Les différences entre ces deux textes sont notoires. Si bien que les éléments qui ont été ajoutés au premier laissent penser que le second n’a pas été considéré comme suffisant pour prouver « la relation de cause à effet entre l’arrestation et l’activité résistante80 ». En outre, la question de l’évasion par l’Espagne reste en suspend ; Morel était-il vraiment prêt à traverser l’Espagne franquiste pour gagner l’Afrique du Nord ? En cas d’arrestation, les risques encourus devaient lui paraître trop « évidents » (étant parfaitement connu des services de renseignements de l’État espagnol). Rappelons qu’en 1943, il estimait son passage en Espagne impossible. Ajoutons, par ailleurs, que son état de santé n’était peut-être pas des meilleurs à ce moment-là. La tentative de résistance à l’invasion de la zone libre par l’armée allemande en novembre 1942 ainsi que sa mort en déportation constituaient, à juste titre, pour de Lattre des raisons suffisantes pour l’obtention du statut de « déporté résistant ». On note, au reste, que l’essentiel du certificat de résistance établit en décembre 1949 est consacré à cette tentative de novembre 1942.
31Parallèlement, dans sa demande de promotion rétroactive au grade général de brigade au profit d’Henri Morel, le général Étienne Valluy ne fait aucune allusion à la Résistance. Voici le texte de la lettre qu’il adresse en juillet 1945 au général Besançon, chef du cabinet militaire du ministre de la Guerre, André Diethelm :
« Il s’agit de mon ami le meilleur, le colonel Morel, qui était également l’ami du général de Lattre et qui a été votre camarade à l’EMA (2e bureau) en 1935-1936. Morel a été déporté en mai 1944 et est mort à Hambourg, le 13 septembre, de privations et sévices. Il était avec le général de Lattre en novembre 1942 à Montpellier et a été emprisonné avec lui. C’était un homme d’une valeur exceptionnelle par le cœur, le caractère et l’intelligence. Colonel depuis 1939, il a exercé des commandements de régiment et d’infanterie divisionnaire en Tunisie et a fait la guerre brillamment contre l’Italie (front des Alpes) en juin 1940. N’eut été les événements de novembre 1942, il serait passé général en décembre 1942. Il nous serait très précieux, à sa famille (il laisse quatre enfants) et à nous, ses amis, que cette nomination ait lieu avec effet rétroactif. Pourriez-vous attirer l’attention de monsieur Diethelm – dont Morel a dû être l’aîné à l’École normale – sur ce cas extrêmement digne d’intérêt81. »
32Le 4 mars 1946, un décret portant nomination « des officiers supérieurs déportés82 » dans « le cadre de l’État-Major général de l’armée » stipule que « le colonel d’infanterie Morel Louis, Henri » est promu au grade de général de brigade « pour prendre rang du 1er janvier 194483 ». En outre, à l’instar de tous les militaires ayant obtenu le statut de déporté ou d’interné de la Résistance et étant morts en déportation ou en détention, Henri Morel reçoit la médaille de la Résistance. Son nom figure dans la liste du décret du 4 octobre 1954 « portant attribution de la médaille de la Résistance à titre posthume84 ».
33Quelques hypothèses peuvent toutefois être formulées sur les raisons qui ont conduit à son arrestation et à sa déportation. Si, suite aux événements de novembre 1942, Henri Morel a été mis à l’écart par le Service de reclassement du gouvernement de Vichy85, il a aussi très probablement fait l’objet d’une surveillance « administrative ». La suspicion des autorités vichystes et allemandes à son encontre s’est vraisemblablement accrue après septembre 1943, date de l’évasion du général de Lattre de Tassigny de la prison de Riom. L’envoi du mémoire de proposition pour le grade de commandeur de la Légion d’honneur en décembre 1943 par le secrétariat d’État à la Guerre – qui a peut-être été le fruit d’un dysfonctionnement administratif – aurait aussi pu être fait à des fins de contrôle (de présence86 ou peut-être même de « fidélité » au régime). Quoi qu’il en soit, son refus n’a pu que confirmer les doutes à son sujet.
34Au printemps 1944, alors que la perspective d’un débarquement allié en France devient évidente, les arrestations se multiplient. Henri Morel est arrêté au début mai par la police politique allemande avec une dizaine de personnes dans la seule ville de Crémieu. Les trois mois de détention à la prison de Montluc à Lyon permettent à la Gestapo de faire la lumière sur son passé : les dossiers de personnel des officiers détenus par le secrétariat d’État à la Guerre du gouvernement de Vichy étant d’excellentes sources d’information. Ses fonctions d’officier du 2e bureau de l’EMA puis d’attaché militaire auprès du gouvernement de la République espagnole au cours de la guerre civile ; son comportement lors du 11 novembre 1942 et ses relations avec Jean de Lattre de Tassigny ont vraisemblablement constitué des charges suffisantes pour qu’il soit dirigé vers le camp de transit de Compiègne pour être déporté. Au reste, une « notice sur les prisonniers politiques français détenus en France et en Allemagne » rédigée par le général Debeney, directeur des services de l’armistice du gouvernement de Vichy, fait état d’environ 150 000 prisonniers politiques français à la date du 27 juillet 1944 et classe ces prisonniers en cinq catégories, parmi celles-ci : « Les “détenus d’honneur”, hauts fonctionnaires et officiers généraux ou supérieurs, arrêtés en raison de leur personnalité ; […] ; les détenus préventifs, comprenant les individus jugés dangereux (communistes) ou les personnes que leur activité antérieure a rendus suspect (anciens militaires du 2e bureau)87. »
Notes de bas de page
1 SHD/DAT, 7 N 2767, EMA/2 Espagne, le lieutenant-colonel Morel chargé de mission à Perpignan à monsieur le président du Conseil, ministre de la Défense nationale et de la Guerre (Direction de l’infanterie), « Demande d’affectation », Paris, le 14 mars 1939.
2 Fonds privé Morel, correspondance active Morel/de Lattre, lettre d’avril 1933, Chambéry (42 route de Bassens).
3 Institut de France, fonds de Lattre de Tassigny, dossier D2, documents de presse, lettres. Ambassade de France en Espagne, attaché militaire (rayé), Perpignan, le 26 mars 1939.
4 Ligne de fortification construite par la France de 1934 à 1939, entre le sud de Gabès et le nord de la plaine de Djeffra, face à la Tripolitaine, afin d’entraver toute pénétration des troupes italiennes.
5 « 13 avril 1940 : Le colonel Morel quitte définitivement le régiment, le commandement provisoire sera assuré a/c de ce jour par le chef de bataillon Thévenot. » « 20 avril 1940 : Prise de commandement du lieutenant-colonel Jourdan. » « 25 mai 1940 : Embarquement du régiment à destination de Marseille. » SHD/DAT, 34 N 261, JMO du 8e RTT (20 août 1939-14 septembre 1940).
6 L’un de ses fils est souffrant.
7 Fonds privé Morel, lettre adressée à sa femme, Bizerte, le 15 octobre 1939. Une politique russe qu’il qualifie de « folle » très probablement en raison des concessions faites par Hitler à Staline quant au partage de la Pologne (nouveau traité germano-soviétique du 28 septembre 1939). Selon Morel, cette politique ne serait acceptée par la population allemande qu’en raison des victoires d’Hitler.
8 Fonds privé Morel, lettre adressée à sa femme, Bizerte, le dimanche 11 [février 1940], 7 heures.
9 SHD/DAT, 34 N 261, JMO du 8e RTT (20 août 1939-14 septembre 1940).
10 Fonds privé Morel, lettre d’Eirik Labonne, résident général de France en Tunisie, 29 juin 1939. Eirik Labonne occupe les fonctions de résident général de France en Tunisie jusqu’au 3 juin 1940 ; date à laquelle, il est remplacé par l’amiral Jean-Pierre Esteva.
11 « Commande le 8e RTT avec beaucoup d’autorité et de savoir. Le colonel Morel n’est pas un chef de corps de modèle courant. Il a une personnalité particulièrement affirmée, ses connaissances générales sont très étendues et ses connaissances militaires de premier ordre. Par sa haute valeur, il a su acquérir très rapidement sur ses officiers et hommes un ascendant incontesté. Il commande. Il est obéi. C’est un chef. » Notation signée par le général Berthomé, commandant l’ID de la XIXe région militaire, 25 février 1940. SHD/DAT, 13 Yd 602, dossier du général de brigade Louis Henri Morel.
12 Fonds privé Morel, lettre du général Jules Decamp, cabinet du ministre de la Défense nationale et de la Guerre, Paris, le 3 mai 1940.
13 SHD/DAT, 13 Yd 602, dossier du général de brigade Louis Henri Morel, extrait de la notation signée par le colonel de la Baume, commandant le secteur fortifié de Savoie, 8 juillet 1940.
14 SHD/DAT, idem.
15 Fonds privé Morel, « Note sur la valeur de l’armée italienne au cours des combats du 21 juin et du 22 juin 1940 en Tarentaise », 27 juin 1940, 4 pages (ou 7 pages manuscrites).
16 Robert Paxton, L’Armée de Vichy : le corps des officiers français 1940-1944, Paris, Tallandier, 2004, p. 58-59, voir aussi p. 171.
17 Ibid., p. 61.
18 Idem.
19 Fonds privé Morel, directives du général Audet pour la « conférence d’ouverture demandée au col. Morel », (s.d.) (1940 ou 1941), 4 pages.
20 Fonds privé Morel, textes retrouvés : Compréhension de la Tunisie, connaissance de l’Empire, texte de conférence, juin 1941, 17 pages ; Occupation militaire de la Tunisie, texte de conférence, juin 1941, 19 pages.
21 Fonds privé Morel, extrait d’un texte de conférence dactylographié de 28 pages (sans titre, ni date, ni lieu), p. 23.
22 Simonne de Lattre de Tassigny, Jean de Lattre…, p. 201 et 202.
23 Robert Paxton, L’Armée de Vichy…, p. 98.
24 Voir aussi la communication de Jean Delmas, « Le général de Lattre de Tassigny en Tunisie (septembre 1941-janvier 1942) », Du plan de Lattre en Tunisie (1941) au maréchalat (1952), études et témoignages, Panazol, Lavauzelle, 2003, p. 17-22.
25 « Mon général, je ne suivrais pas l’ordre de mes pensées, si je ne vous disais dès l’abord le plaisir personnel que j’ai à vous recevoir. Ce plaisir me dispense de toute autre louange. » Fonds privé Morel, texte du discours prononcé le 15 octobre 1941 à l’occasion de la visite du général de Lattre. Troupes de Tunisie, subdivision de Sousse.
26 Robert Paxton, L’Armée de Vichy…, p. 111 ; voir aussi p. 246-247 (« Préserver l’Empire »).
27 SHD/DAT, 13 Yd 602, dossier du général de brigade Louis Henri Morel, notation signée par le général Audet, commandant supérieur des troupes de Tunisie, 20 août 1941. En dehors de cette allusion, aucun élément ne permet d’établir la part éventuelle prise par Morel dans le nouveau plan de défense de la Tunisie mis au point par de Lattre.
28 Simonne de Lattre de Tassigny, Jean de Lattre…, p. 207.
29 Robert Paxton, L’Armée de Vichy…, p. 288. On perçoit évidemment la limite de l’ouvrage de Simonne de Lattre de Tassigny qu’il faut assimiler à un témoignage décrivant très bien certains faits de portée réduite mais en en révisant fréquemment d’autres…
30 Fonds privé Morel, brouillon d’une lettre adressée à Jean de Lattre, (s.d. mais décembre 1941 ou janvier 1942).
31 Georges Barré, Tunisie 1942-1943, Paris, Berger-Levrault, 1950, 332 pages.
32 Ibid., p. 32.
33 Fonds privé Morel, copie d’une lettre adressée au général Georges Barré, Sousse, le 20 juin 1942.
34 Fonds privé Morel, copie d’une lettre adressé au général (?), Sousse, 1er juillet 1942.
35 Fonds privé Morel, correspondance passive de Lattre/Morel, Le Larzac, 29 août 1942.
36 Simonne de Lattre de Tassigny, Jean de Lattre…, p. 222.
37 Robert Paxton, L’Armée de Vichy…, p. 401.
38 Simonne de Lattre de Tassigny, Jean de Lattre…, p. 239.
39 Il s’agit du général Jean Bermont de Vaux, cité par Véran Cambon de Lavalette, « 1942, de Lattre à Montpellier, un tournant dans la guerre », Du plan de Lattre en Tunisie (1941) au maréchalat (1952), études et témoignages, Panazol, Lavauzelle, 2003, p. 41.
40 Simonne de Lattre de Tassigny, Jean de Lattre…, p. 245.
41 Ibid., p. 272.
42 « Je n’oublierai pas la présence du colonel Morel, très pâle, le regard ardent, avec sa barbe naissante […] », ibid., p. 271.
43 Fonds privé Morel, feuillets manuscrits de sa déposition au tribunal militaire de Toulouse, « Au cours de la journée du 11 Nov. J’ai reçu 3 ordres (verbaux) du Gal de L. », (s.d.), p. 2.
44 Son implication dans la genèse du plan de repli des troupes de la 16e DM est, en outre, avérée par un document manuscrit de 12 pages intitulé « Note sur le Royaume de Cerdagne ». Fonds privé Morel, « Note sur le Royaume de Cerdagne », (s.d.), 12 pages.
45 Fonds privé Morel, feuillets manuscrits de sa déposition au tribunal militaire de Toulouse, « Au cours de la journée du 11 Nov. J’ai reçu 3 ordres (verbaux) du Gal de L. », (s.d.), p. 4.
46 « Il n’était pas en particulier en ce qui me concerne [possible] d’envisager un passage en Espagne étant donné que j’avais fait partie de l’Ambassade auprès de la République espagnole. » Fonds privé Morel, ibid., p. 5.
47 Fonds privé Morel, feuillets manuscrits de sa déposition au tribunal militaire de Toulouse, « Au cours de la journée du 11 Nov. J’ai reçu 3 ordres (verbaux) du Gal de L. », (s.d.), p. 8.
48 Fonds privé Morel, idem.
49 Fonds privé Morel, ibid., p. 6.
50 SHD/DAT, 13 Yd 602, dossier du général de brigade Louis Henri Morel. Lettre du Commissaire régional à la Guerre de Toulouse à M. le général de division, secrétaire général à la Défense terrestre, direction du personnel militaire, 1re sous direction, 2e bureau, discipline générale, affaires contentieuses, « Officiers poursuivis devant les tribunaux militaires », Toulouse, le 30 avril 1943.
51 En l’occurrence, ses quatre enfants et sa femme.
52 Fonds privé Morel, lettre du secrétariat général à la défense terrestre, service de reclassement des militaires de carrière, Hôtel des Bains, Vichy, le 13 avril 1943.
53 Fonds privé Morel, brouillon de lettre adressé à un général, (s.d.) et lettre adressée au chef de l’annexe CAT de l’Isère, 25 mai 1943.
54 Fonds privé Morel, « notice individuelle » de juin 1943 (recopiée).
55 Fonds privé Morel, brouillon non daté [mais 29 juillet 1943, datable grâce à la réponse du recteur du 3 août 1944] d’une lettre adressée au recteur de l’académie de Grenoble.
56 Lettre du 22 septembre 1943 (brouillon non retrouvé).
57 Fonds privé Morel, lettre du recteur de l’académie de Grenoble, Grenoble, le 3 août 1943.
58 Fonds privé Morel, lettre du recteur de l’académie de Grenoble, Grenoble, le 27 septembre 1943.
59 Fonds privé Morel, lettre du recteur de l’académie de Grenoble, Grenoble, le 1er octobre 1943.
60 SHD/DAT, 13 Yd 602, dossier du général de brigade Louis Henri Morel, « Notice particulière jointe à la notice établie en vue du reclassement du colonel Morel (Henri) dans le service du contrôle économique », secrétariat d’État à la Défense, direction du personnel, cabinet, Royat, le 23 octobre 1943. Il ait notamment fait mention de la note no 690 I/Cab du 19 janvier 1943 « prescrivant que les officiers qui avaient eu des défaillances, lors des événements de novembre 1942, devaient être écartés de l’encadrement des formations dont la mise sur pied était envisagée » ainsi que de la note no 2235/Rec/Cab du 20 février 1943 sur les emplois de 1re et 2e catégories.
61 Fonds privé Morel, « notice individuelle » de novembre 1943.
62 SHD/DAT, 13 Yd 602, dossier du général de brigade Louis Henri Morel, lettre du colonel Peltey, commandant la subdivision de Grenoble à monsieur le général commissaire régional militaire de Lyon, « Proposition pour commandeur de la Légion d’honneur », Grenoble, le 4 janvier 1944.
63 SHD/DAT, ibid., rapport no 173 relatif à l’arrestation de M. Morel Louis, Henri, commissariat régional militaire de Lyon, Lyon, le 31 mai 1944.
64 SHD/DAT, idem.
65 SHD/DAT, idem.
66 Archives départementales de l’Isère, 13 R 963, listes et fiches des personnes arrêtées (mai 1943-juillet 1944), préfecture de l’Isère.
67 SHD/DAT, 13 Yd 602, dossier du général de brigade Louis Henri Morel rapport no 173 relatif à l’arrestation de M. Morel Louis, Henri, commissariat régional militaire de Lyon, Lyon, le 31 mai 1944. La fiche de renseignement de la préfecture de l’Isère précise en outre que : « Monsieur le colonel Morel résidait dans la commune de Crémieu depuis la dissolution de l’Armée française. Il était bien connu à Crémieu où il était respecté. Il ne s’occupait pas de politique. » AD de l’Isère, 13 R 973, fiche de renseignements no 139/2, Crémieu, le 11 mai 1944.
68 SHD/DAT, 13 Yd 602, dossier du général de brigade Louis Henri Morel, bordereau d’envoi attaché au rapport « concernant l’arrestation du colonel Morel Louis, en non disponibilité », commissariat régional militaire de Lyon, Lyon, le 31 mai 1944. Notons qu’un télégramme daté du 13 mai avait déjà informé le secrétariat d’État à la Guerre de cette arrestation.
69 Se reporter à SHD/DIMI, 2 P 25, Vichy, Cabinet du ministre et organismes en dépendant directement, conditions dans lesquelles doivent être signalées les arrestations opérées par les Allemands (janvier 1943-août 1944).
70 SHD/DIMI, bureau des archives des victimes des conflits contemporains, dossier/statut Morel Henri-Louis, né le 31 juillet 1889.
71 Lettre envoyée à l’auteur le 3 avril 2003 et Bulletin de la Fondation pour la mémoire de la Déportation, « Dossier Neuengamme », no 38, juin 2003, 15 pages.
72 « Je soussigné, colonel Bonnefont Germain, déporté politique au camp de Neuengamme près d’Hambourg (Allemagne) atteste et certifie que : le colonel Morel Louis, Henri né le 31 juillet 1889 à Lyon, déporté politique, est mort à l’infirmerie du camp de Neuengamme (Revier) de pneumonie, de pleurésie et d’œdème généralisé le 13 septembre 1944 entre 4 et 5 heures du matin et que son corps a été incinéré. Fait à Paris, le 18 février 1946, signé Bonnefont. » Fonds privé Morel, dossier relatif à sa déportation.
73 « Décompte des campagnes : 1 an – 4 mois – 3 jours. Service : 9 mai 1944 au 13 septembre 1944. Non FFC, non FFI, non RIF mais “isolé” [mention manuscrite au stylo]. Interné du 9 mai 1944 au 15 juillet 1944, déporté du 16 juillet 1944 au 13 septembre 1944. Déclaration d’Élisabeth Morel du 14 octobre 1950 : “arrêté le 9 mai 1944 par la Gestapo franco-allemande de Lyon”. Non identifié FFC/non identifié RIF. » SHD/DIMI, bureau « Résistance », extraits du dossier Louis, Henri Morel.
74 SHD/DIMI, bureau des archives des victimes des conflits contemporains, dossier/statut Morel Henri-Louis, né le 31 juillet 1889.
75 Ministère de la Défense, Bulletin officiel des armées, no 308 « Combattants de la Résistance », Paris, Imprimerie nationale, 1er avril 1981, p. 330.
76 En l’occurrence, Élisabeth Morel et ses quatre enfants devaient alors faire face à une situation financière très difficile : « Le colonel Morel était l’un de mes meilleurs amis. Il est mort pour la France en laissant sa famille (épouse, 4 enfants) dans une situation matérielle très précaire. Madame Morel, peu au courant de ses droits, se débat toute seule dans des difficultés de tous ordres. Ainsi ce n’est que tardivement qu’elle vient de solliciter l’attribution du titre de “déporté résistant” pour son mari. Cette revendication légitime est susceptible d’améliorer dans une certaine mesure sa situation matérielle. » Lettre du général Étienne Valluy au ministre des Anciens combattants et victimes de guerre, Paris, le 8 juillet 1950. SHD/DIMI, bureau des archives des victimes des conflits contemporains, dossier/statut Morel Henri-Louis, né le 31 juillet 1889.
77 Ministère de la Défense, Bulletin officiel des armées, no 308 « Combattants de la Résistance », Paris, Imprimerie nationale, 1er avril 1981, p. 330.
78 SHD/DIMI, bureau des archives des victimes des conflits contemporains, dossier/statut Morel Henri-Louis, né le 31 juillet 1889 et fonds privé Morel, dossier relatif à sa déportation.
79 Fonds privé Morel, dossier relatif à sa déportation.
80 Ministère de la Défense, Bulletin officiel des armées, no 308…, p. 330. Notons, par ailleurs, que parmi les pièces retrouvées dans le dossier/statut d’autres sont datées de 1947.
81 Fonds privé Morel, lettre du général Valluy au général Besançon, Paris, le 24 juillet 1945. Dossier relatif à sa déportation.
82 Décret « portant nomination dans le cadre de l’État-Major général de l’armée », 4 mars 1946 : « Art. 1er – sont nommés à titre définitif dans la 1re section du cadre de l’État-Major général de l’armée, les officiers supérieurs déportés dont les noms suivent : […] ». À l’exception d’un ou deux cas, tous les officiers supérieurs du grade de colonel, morts en déportation, ont été promus au grade de général de brigade.
83 SHD/DAT, 13 Yd 602, dossier du général de brigade Louis Henri Morel.
84 Journal officiel du 14 novembre 1954, « Décret du 4 octobre 1954 portant attribution de la médaille de la Résistance à titre posthume », p. 1123-1124.
85 SHD/DIMI, 3 R 572, secrétariat d’État à la Guerre du gouvernement de Vichy, cabinet, « Liste des officiers signalés comme ayant eu des défaillances lors des événements du 11 novembre 1942 ». Son nom y apparaît.
86 Ajoutons qu’un contrôle de présence des officiers avait été mis en place dès la dissolution de l’armée d’armistice. Ces derniers devaient émarger une fois par mois au commissariat police ou à la brigade de gendarmerie de leur lieu de domicile.
87 SHD/DIMI, 2 P 25, Vichy, Cabinet du ministre et organismes en dépendant directement, lettre du général Debeney, directeur des Services de l’armistice (Hôtel des Princes) à monsieur le président de la Délégation française auprès de la Commission allemande d’armistice de Wiesbaden, objet : « Protection des prisonniers politiques », Vichy, le 26 juillet 1944.
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