Chapitre 4. La 49e promotion de l’École supérieure de guerre ou la voie de l’intégration
p. 93-116
Texte intégral
1L’hécatombe de la Première Guerre mondiale a mécaniquement amené des officiers aux origines diverses dans les amphithéâtres de l’École supérieure de guerre. Destinée à former « l’élite de l’élite », cette prestigieuse école a ainsi accueilli, au cours des années 1920, un certain nombre d’officiers subalternes ne provenant ni de Saint-Cyr, ni de Polytechnique. Contraint de pourvoir des postes de « brevetés d’état-major » tant aux échelons régimentaires qu’au sein des organes décisionnels, le haut commandement a élargi son recrutement. En réussissant au concours d’entrée et mieux encore au classement final, Henri Morel prouve qu’un officier dont l’origine est l’École normale supérieure et qui, par conséquent, possède un fort bagage intellectuel et théorique peut, en dépit de profondes lacunes dans sa formation militaire, accéder aux plus hautes fonctions. Au terme des deux années de scolarité, il se classe 13e sur 73 officiers brevetés. Mais cette scolarité lui offre aussi l’occasion d’appartenir à une nouvelle « promotion » et, de fait, la possibilité d’intégrer un réseau relationnel. C’est au cours de cette période qu’il fait la connaissance de Jean de Lattre de Tassigny. Frappés tant par leurs différences que par leur originalité réciproque, les deux hommes vont s’apprécier sans toutefois « s’associer ». Au rapport de clientèle que lui propose de Lattre, Morel n’a de cesse de rétorquer : amitié. Leur relation durera près de dix-sept ans.
Concours d’entrée et admission : préludes à une carrière d’officier d’état-major
Un service de renseignement comme cadre de préparation au concours d’entrée
2Lorsqu’il décide de se présenter au concours d’entrée de l’École supérieure de guerre (ESG) en 1926, le capitaine Morel remplit les fonctions de chef du service de renseignement d’Afrique du Nord (SRAN). Cette affectation fait suite à un congé de six mois passé en Espagne. Un séjour au cours duquel il s’est familiarisé avec une langue qu’il ne semblait pas pratiquer auparavant et qui, par ailleurs, a fait office de voyage de noces. Henri Morel a, en effet, épousé la fille d’un contrôleur général de la marine1, Élisabeth Ducorps (1901-1978), en juillet 1924. De leur union naîtront cinq enfants. Ayant acquis l’italien dans sa jeunesse, sa mère étant la fille d’un commerçant italien, et l’anglais au cours de ses études, Morel a donc vraisemblablement appris l’espagnol lors de ce voyage. Aussi, il est possible qu’il ait sollicité une affectation en Afrique du Nord afin de mettre en pratique ses récentes connaissances linguistiques voire géopolitiques. À moins qu’il ne se soit agi d’une recommandation, cette nomination à la tête du SRAN intervenant en pleine guerre du Rif. Hélas, aucun élément ne permet de privilégier l’une ou l’autre de ces hypothèses. Toujours est-il que l’Afrique du Nord constituait un poste d’observation privilégié face aux éventuelles velléités italiennes ou/et espagnoles en Méditerranée. Possédant les deux langues, s’intéressant aux deux pays et s’étant précédemment fait remarquer pour son érudition, le capitaine Morel ne pouvait être qu’un candidat de choix pour le 2e bureau : « Officier d’une haute culture intellectuelle, d’une valeur morale exceptionnelle, d’une grande fermeté de caractère. A dirigé très brillamment le service des renseignements de l’état-major de l’armée dans l’Afrique du Nord […]. Se présente en 1927 à l’École de guerre. Doit réussir et fera certainement un officier d’état-major de tout premier ordre2. »
3Le concours d’entrée à l’École supérieure de guerre comporte six épreuves écrites, sept épreuves orales, une épreuve d’équitation et une note d’aptitude générale. Les officiers subalternes, âgés de moins de 39 ans, qui ont exercé un temps de commandement de plus de trois ans en corps de troupe3 peuvent le présenter à deux reprises en cas d’échec. Le nombre d’admis varie selon les années. En mars 1927, le général Debeney, chef de l’état-major de l’armée et ancien commandant de l’École supérieure de guerre, propose au cabinet militaire du ministre de la Guerre que « soient déclarés admis les 80 candidats ayant obtenu un total de points supérieur ou égal à 12,39. […] Ce nombre de 80 répond aux besoins du service d’État-major et d’après l’avis du Président de la commission d’examens, peut être atteint sans abaisser la qualité du lot d’officiers reçus, mais il ne saurait être dépassé sans inconvénients graves4. » Avec une moyenne de 14,44, Henri Morel appartient au « lot » des vingt premiers reçus. Si ses notes sont médiocres en équitation ou encore en « application tactique », l’ancien élève de l’École normale supérieure excelle dans les épreuves de « culture générale » et d’« histoire militaire » aux coefficients élevés5. La liste de classement établie pour cette promotion ne retient que ceux qui ont obtenu une moyenne supérieure à 10 : soit 102 noms6. En un sens, il est étonnant de constater que Morel figure parmi les vingt premiers tant son origine pouvait paraître handicapante, spécialement pour ce concours. Ce résultat consacre-t-il un effort d’adaptation ou entérine-t-il une évidence : celle de la supériorité du normalien dans les disciplines théoriques qui, précisons-le, constituent les deux tiers des épreuves écrites ? En outre, parmi les 80 candidats reçus au concours, Morel est celui qui obtient les meilleures notes aux épreuves de « culture générale » et d’« histoire militaire ». Des comparaisons effectuées à partir de quelques noms extraits des listes d’admissibilité et d’admission7 autorisent certaines remarques et permettent d’ores et déjà d’appréhender de futurs comportements8. La liste d’admissibilité établit un premier classement suite aux épreuves écrites. Seuls les candidats admissibles sont autorisés à se présenter aux épreuves orales. Quant à la liste d’admission, elle établit le classement final à l’issue des épreuves orales en cumulant l’ensemble des résultats.
Nom | Origine | Classement | Moyenne |
Morlière L. (cap.) | Saint-Cyr | 2e | 14,42 |
Lemonnier E. (cap.) | Polytechnique | 3e | 14,30 |
Morel H. (cap.) | Officier de réserve | 14e | 13,29 |
de Villelume P. (cap.) | Saint-Cyr | 20e | 12,91 |
Revers G. (cap.) | Officier de réserve | 38e | 12,15 |
de Lattre de Tassigny J. (cdt.) | Saint-Cyr | 43e | 11,86 |
Valluy E. (ltn.) | Saint-Cyr | 65e | 11,13 |
Notes et classement à l’issue des épreuves écrites (Extraits de la liste d’admissibilité)
Nom | Origine | Classement | Moyenne |
Lemonnier E. (cap.) | Polytechnique | 1er | 15,98 |
Morlière L. (cap.) | Saint-Cyr | 2e | 15,55 |
de Lattre de Tassigny J. (cdt.) | Saint-Cyr | 3e | 15,54 |
Revers G. (cap.) | Officier de réserve | 5e | 15,31 |
de Villelume P. (cap.) | Saint-Cyr | 11e | 15,12 |
Morel H. (cap.) | Officier de réserve | 19e | 14,44 |
Valluy E. (ltn.) | Saint-Cyr | 53e | 13,18 |
Notes et classement final (Extraits de la liste d’admission)
4Si les épreuves écrites constituent le premier niveau de sélection, la priorité est donnée aux épreuves orales puisque ces dernières totalisent un coefficient de 42 contre 37 pour les épreuves écrites9. À l’issue des épreuves orales, à dominante militaire, Morel rétrograde de la 14e à la 19e place10. À l’inverse, Jean de Lattre de Tassigny progresse, de façon assez stupéfiante, puisqu’il passe de la 43e à la 3e place.
5« Reçu dans un très bon rang à l’École de Guerre, le capitaine Morel a cessé de diriger le SR d’Afrique du Nord le 1er avril 1927. Son départ est une perte pour le 2e bureau et il est à souhaiter qu’il y revienne à sa sortie de l’École11. » En ayant intégré sans difficulté particulière cette « académie guerrière où entre [une] pléiade d’officiers ambitieux12 », Morel a franchi une étape fondamentale sur la voie de sa véritable intégration au sein de la société militaire de l’entre-deux-guerres. Il va dès lors retrouver cette « culture de promotion », inhérente à l’élite, et qui semblait lui avoir fait défaut dans les premières années de sa carrière.
L’École supérieure de guerre au tournant des années 1930
6Créée à la fin XIXe siècle, en réaction à la défaite de 1870, l’École supérieure de guerre est selon l’un de ses créateurs, le général Jules Lewal, « une école des hautes études militaires, rien de plus. On y donne l’instruction supérieure avancée et complète. C’est si l’on veut une faculté militaire diffusant l’instruction élevée, la communauté des principes, les vues semblables, initiant à tous les détails du fonctionnement de l’armée, principalement13 ». De fait, l’obtention du brevet d’état-major, qui couronne ces deux années de scolarité, est la condition nécessaire au cursus honorum menant aux plus hautes responsabilités. Le concours d’entrée est donc une étape essentielle dans la carrière d’un officier et sa sélectivité permet, en quelque sorte, à l’institution de « séparer le bon grain de l’ivraie14 ». Dans son ouvrage L’armée de Dreyfus. Une histoire politique de l’armée française de Charles X à « l’Affaire », André Bach emploie cette expression pour qualifier le stage à l’état-major général de l’armée qu’étaient amenés à effectuer certains lauréats du brevet d’état-major à leur sortie de l’ESG. Aussi bien, ces officiers « convenablement choisis, introduits au compte-gouttes, formés par un long noviciat, […] ne pouvaient à terme que reproduire la culture de groupe, et renoncer éventuellement aux idées hétérodoxes dispensées dans leur école de formation15 ». Mais n’est-il pas possible d’appliquer les termes « convenablement choisis » ou « introduits au compte-gouttes » à l’École supérieure de guerre elle-même ? Si le concours d’entrée met à l’épreuve les capacités des candidats, qu’en est-il des deux années de scolarité et du classement final ? Au-delà de l’enseignement au sens strict, pouvons-nous discerner les éventuelles velléités de la direction de l’École quant à la reproduction d’une « culture de groupe » ? Une fois affecté dans les rouages du haut commandement, on préférera à ces officiers des comportements attendus. On comprend aisément qu’une certaine « homogénéité » des pensées et des actes soit nécessaire au bon fonctionnement d’un état-major et a fortiori à celui d’un Grand Quartier général, mais jusqu’à quel point ?
7Pourtant, paradoxalement, l’une des principales caractéristiques de l’entre-deux-guerres est la présence sur les bancs de l’École d’une forte proportion d’officiers dont l’origine n’est ni Saint-Cyr, ni Polytechnique : « Mais plus les promotions s’éloignent de la guerre, et surtout à partir de la 55e promotion (1934), plus la proportion des “autres” diminue. En 1938, sans être insignifiante, elle est devenue la moitié moins de celle de 192516. » Les pertes générées par la Première Guerre mondiale ont rendu l’ouverture de l’ESG quasi-obligatoire ; ce qui a évidemment profité à un officier comme Morel. Il est cependant difficile d’analyser les conséquences de cette ouverture pour le haut commandement, car, bien évidemment, les officiers de cette génération n’accéderont au grade de général de brigade que dans l’immédiat avant guerre voire, pour la majorité, qu’au cours de la Seconde Guerre mondiale et l’on sait combien cette dernière influera sur les carrières. Pour les années 1930, toutefois, il est incontestable que l’accès aux hautes responsabilités reste le domaine des saint-cyriens et des polytechniciens brevetés à de rares exceptions près. Le cas le plus connu est, sans aucun doute, celui du général Victor Bourret. Chef du cabinet militaire des ministres Joseph Paul-Boncour (1932-1933) et Édouard Daladier (1936), il fait une entrée remarquée au Conseil supérieur de la guerre en mars 1939 : « Originaire de Saint-Maixent, […] il avait réussi l’École de Guerre et fut apprécié pendant la campagne. […]. En 1931, le colonel Bourret était au secrétariat général du Conseil supérieur de la défense nationale et, en 1932, il entrait au cabinet comme sous-chef […]. Il fut, à ma connaissance, le premier officier sortant de Saint-Maixent qui eut l’honneur d’accéder au Conseil supérieur de la guerre. J’ai prouvé au cours de ma carrière que je n’avais aucun préjugé d’école. […]. Mais, dans le cas du général Bourret, j’ai eu l’impression qu’accédant au plus haut grade, il avait tendance cependant à demeurer ombrageux17. » Cet extrait de l’ouvrage du « saint-cyrien » Gamelin est, au-delà de l’antipathie que les deux hommes éprouvaient l’un pour l’autre et du contexte politique, très révélateur de la ségrégation régnant au sommet de la hiérarchie militaire et ce à un moment où l’armée française compte pourtant des effectifs extrêmement importants.
8La scolarité à l’École supérieure de guerre est exigeante. En plus des cours magistraux dans les amphithéâtres de l’École militaire, elle comprend des stages dans les différentes armes (hormis celle à laquelle appartient le stagiaire), des exercices tactiques sur la carte et sur le terrain ainsi que deux voyages d’études dans l’Est de la France. Sur un plan doctrinal, elle est, au cours des années 1920 surtout, l’un des lieux où l’influence du maréchal Pétain est la plus manifeste. Et afin qu’elle devienne ce temple de la doctrine défensive, la direction en a été confiée à des « disciples » tels les généraux Marie-Eugène Debeney, Julien Dufieux, Pierre Hering et, dans une moindre mesure, Gaston Duffour. Ce dernier commande l’École de 1928 à 1932. Ouvert d’esprit et fin psychologue, les appréciations qu’il porte sur ses stagiaires sont souvent empreintes d’une réelle perspicacité. En une vingtaine de lignes, il parvient à retranscrire les principaux traits de caractère et surtout à faire ressortir les capacités des individus. Ces appréciations, qui comptent certainement parmi les plus importantes au cours d’une carrière d’officier, permettront notamment au chef de l’état-major de l’armée ou à ses collaborateurs de choisir de futurs chefs de bureaux ou encore aux chefs de bureaux de choisir de futurs chefs de section.
9Dans son approche sociologique de l’état-major général de l’armée à la fin du XIXe siècle, André Bach évoque le type de comportement qui seyait alors à l’endroit : « […] politesse affectée, bonhomie au moins apparente, attitude paternaliste des supérieurs impliquant des subordonnés une révérence tacite envers leurs mérites (en attendant de prendre leurs places), conformisme de comportement permettant de mener des études dans une ambiance feutrée inhibitrice de tout débordement caractériel. Il s’agissait de rechercher un certain type de distinction capable d’en imposer au reste des officiers de l’armée et aussi aux interlocuteurs civils. Pour cela, il fallait s’exercer à un certain niveau de retenue, se montrer maître de soi en toutes occasions, comprendre le moment où il n’était plus de bon ton de trop défendre son point de vue, le manquement à cette attitude se retrouvant sèchement reproché dans la notation18 ». Si le rôle l’état-major de l’armée est différent de celui de l’état-major général de l’armée et si les officiers qui le composent sont issus de milieux socialement plus hétérogènes, peut-on pour autant affirmer que la recherche d’individus capables de ce type de comportement n’est plus de mise après la Première Guerre mondiale ? L’analyse de quelques appréciations finales du général commandant l’École supérieure de guerre19 permet d’esquisser un début de réponse.
10Les résultats obtenus lors de la deuxième année d’études apparaissent systématiquement dans les deux premières phrases de l’appréciation. Lorsque ces phrases ont une dominante « positive », elles caractérisent généralement les officiers les plus aptes au travail d’état-major : « très bon officier d’état-major », « officier d’état-major de premier ordre », « officier d’état-major de première valeur », « officier d’état-major de valeur exceptionnelle » ou encore « esprit supérieur ». Lorsqu’elles ont une dominante « négative », elles mettent en exergue des défauts qui peuvent être lourds de conséquence si aucun effort n’est fait pour les corriger : « dépassé par l’ordre des problèmes posés », « manque de modestie intellectuelle et de méthode », « manque de maturité », « confiance en soi quelque peu excessive » ; quand on ne les imagine pas carrément rédhibitoires : « A été desservi à l’École par une difficulté foncière à réfléchir, décider et agir vite », « flottant, superficiel (…) a fait figure d’amateur ». Puis le cœur de l’appréciation dénote les principaux aspects de la personnalité : « caractère ferme et décidé, au zèle inlassable », « caractère franc, qui se livre », « sous une direction qui sache le mettre en confiance et l’amener à s’extérioriser, rendra certainement beaucoup », « le sentiment de sa valeur ne laisse pas de le rendre parfois d’un maniement délicat », « ne laisse pas d’incliner parfois au paradoxe », « zèle inquiet (…) a besoin d’être mis en confiance », « personnalité riche (…), il importera (…) de lui donner du champ mais dans des directions fermement tracées », « une direction attentive l’aidera à dégager sa véritable personnalité », ou encore « sujet très sûr ». Pour la suite d’une carrière, cette partie de la notation pourra s’avérer être aussi importante, si ce n’est plus, que les capacités en matière de travail d’état-major. Que penser, en effet, d’un officier pour lequel le général Duffour fait état d’une « difficulté foncière à réfléchir, décider et agir vite » et qu’il perçoit « avant tout comme un homme de “cabinet”, fait pour les tâches de longue haleine qui demandent des décisions ou des solutions mûrement pesées20 ». Mais qui, au demeurant, est aussi un « sujet très sûr21 ». Cette dernière raison l’a-t-elle emporté sur toutes les autres pour que cet homme soit nommé, en mars 1935, chef du 2e bureau de l’état-major de l’armée puis, en septembre 1939, chef du 2e bureau du GQG de l’état-major du général commandant en chef des forces terrestres ?
11Concernant le capitaine Morel, l’ensemble de ces appréciations s’est aussi avéré très révélateur mais pour d’autres raisons. Ses instructeurs vont beaucoup lui reprocher : esprit critique, manque de souplesse, penchant inquiétant pour le paradoxe, aigreur, pessimisme ; jusqu’à son aspect même, jugé peu militaire. Ce qui, pour autant, ne l’empêche pas de se classer dans le premier tiers de sa promotion en 1929. En un sens, son rapport à la société militaire transparaît à travers cette situation pour le moins contradictoire. Une façon d’être peu appréciée – quand elle n’est pas totalement réprouvée – associée à des capacités d’adaptation et à une faculté d’analyse, corollaires d’une réelle intelligence, qui le rendent « le plus hautement intéressant22 » aux yeux de certains de ses supérieurs.
Analyse et perception de ces deux années de scolarité
« Officier de belle intelligence […] éprouve quelques difficultés à entrer complètement dans le moule militaire23 »
12Les « notes particulières » que se voit attribuer Morel au cours de ces deux années de scolarité reflètent – de façon précise – le regard porté par ses pairs sur sa réelle singularité. De façon précise, car ces appréciations ne sont pas communiquées à l’intéressé et, de surcroît, ne figurent pas dans son dossier de personnel. Comme elles sont destinées au seul commandement de l’École, les officiers instructeurs peuvent donc livrer sans ambages leurs impressions. Ces appréciations constituent, en fait, l’illustration même de la notation que l’historien de l’administration Guy Thuillier qualifie de « peu bienveillante24 ». En outre, elles présentent la particularité de ne pas être attribuées en fonction de critères strictement hiérarchiques ; ainsi les instructeurs ne jugent pas des capacités de « réalisation » d’un subordonné mais bel et bien des capacités futures « d’intégration » d’un individu au sein du système administratif particulier qu’est un état-major. À la lumière de ces considérations, l’analyse des « notes particulières » reçues par le capitaine Morel au cours de ses deux années de scolarité à l’École supérieure de guerre s’avère d’autant plus intéressante.
13À l’issue de la première année, les instructeurs louent de façon unanime une profonde intelligence, une grande culture ainsi qu’une réelle ouverture d’esprit et remarquent un « caractère réfléchi, calme et pondéré25 ». Mais ils mentionnent aussi « d’énormes lacunes dans sa formation militaire26 », un certain manque de souplesse et une approche en matière tactique parfois trop complexe. Si cette perception est déjà instructive, les appréciations octroyées au terme de la deuxième année sont encore plus signifiantes et, en un sens, bien plus dérangeantes. Ainsi, voici ce que l’on peut lire :
« Tactique générale : “Remarquable de maturité d’esprit et d’originalité de pensée. Inquiétant parfois par ses tendances et son penchant pour le paradoxe. Sa formation accusée ne lui permettra pas de se fondre dans la structure uniforme de l’armée. Susceptible par suite suivant qu’il sera bien ou mal compris de produire beaucoup ou de se braquer et de ne rien rendre. Mais esprit supérieur et de premier plan.”
Artillerie : “Officier intelligent, très cultivé, ayant de la personnalité mais manquant encore de formation militaire. Travaux écrits en grands progrès, notamment les travaux en salles dénotant de la réflexion et du jugement. Sur le terrain et dans les exercices en salles a des vues originales, parfois trop arrêtées.”
Aéronautique : “Personnalité très tranchée, décisions nettes, assises sur des raisonnements bien suivis, souvent paradoxaux, exposés avec facilité, nourris de connaissances nombreuses, et prises toujours très objectivement. La traduction des idées, très clairement exprimées, en ordres d’exécution précis laisse parfois à désirer. Caractère assez anguleux, se renfermant facilement s’il ne se croit pas compris.”
Équitation : “De taille au-dessus de la moyenne et assez empâté a fait de notables progrès malgré son peu de moyens physiques et une appréhension qui a beaucoup diminué. Fait figure honorable sur un cheval facile. Il subit les séances d’équitation. Morne et renfermé ; lorsqu’on cause [‘converse’ a été rayé] avec lui, on sent poindre une certaine aigreur, porté à la critique. Il semble dédaigner la plupart de ceux qui l’entourent. Tenue assez négligée. Attitude peu militaire. Extérieurement n’a rien d’un officier. Assez nombreuses absences”27. »
14Quant à l’appréciation la plus réservée, elle va jusqu’à remettre en question son choix de carrière : « Officier expérimenté ayant la pratique de l’infanterie sur le terrain ; par ailleurs, érudit, possédant, comme ancien normalien, une forte culture littéraire et, pour cette raison, peut-être plus porté vers les études abstraites que vers l’action. Certainement bien doué, se distinguant notamment par de brillantes facultés d’analyse mais trop absolu parfois dans son jugement et enclin à un certain pessimisme, qu’il justifie par ses souvenirs de guerre. Approchant de la quarantaine, un peu alourdi physiquement, ayant depuis la guerre exercé des fonctions lui ayant laissé, pour ses études personnelles, une grande indépendance, ne s’est plié qu’avec peine à la méthode d’enseignement de l’École et s’accoutumera difficilement à la vie d’un état-major en temps de paix. À orienter de préférence vers des travaux historiques, pour lesquels il est très préparé par sa tournure d’esprit autant que par sa formation intellectuelle. Ne donne pas l’impression d’avoir trouvé sa voie en restant dans la carrière militaire après la guerre28. » Le contraste entre ses « notes particulières » et son classement final – 13e sur 73 – ne peut que déconcerter. Ainsi, cet officier chez qui l’on perçoit aigreur et dédain, à qui l’on reproche susceptibilité, pessimisme et raisonnements paradoxaux voire, pire encore, pour lequel on va jusqu’à douter de la carrière même, précède soixante autres officiers à l’encontre desquels aucune remarque aussi radicale que cette dernière n’a été formulée. Le tableau suivant fait état des notes et du classement au terme de la deuxième année des onze officiers ayant constitué le « cercle de Lattre29 ».

Notes et classement au terme de la 2e année (1928-1929)
Tableau réalisé à partir des dossiers de scolarité des intéressés. SHD/DAT, dossiers des stagiaires de l’École supérieure de guerre, non cotés. 49e promotion (1927-1929). Les « notes d’ensemble » ne correspondent pas à la moyenne des notes précédentes.
15En examinant les « notes particulières » de quelques-uns des officiers ayant constitué ce « cercle », il est possible de cerner le type de personnalité prisé par les instructeurs et, in fine, par la direction de l’École. Ainsi le capitaine Louis Morlière – major de promotion – est perçu, de façon unanime, comme un officier « très équilibré et méthodique » ayant un « esprit clair, logique et simple30 » qui, en somme : « A l’étoffe d’un chef31 ». Le lieutenant Jean Vautrin (4e) fait, quant à lui, figure d’« officier très sûr32 ». Diplômé en sciences politiques et pratiquant quatre langues, on envisage d’ores et déjà pour lui des fonctions d’officier de liaison. Ou encore le capitaine Georges Revers (5e), chez qui l’on apprécie le « sens des réalités », les « solides bases tactiques33 » et surtout un jugement sûr, clair et logique. Bien que ces deux derniers officiers ne soient pas issus d’une grande école militaire, leurs « notes particulières » mettent en exergue une qualité manifestement recherchée par la direction de l’École : la prévisibilité. Dès lors, contrairement à eux, et en dépit de son classement final, Morel ferait-il figure d’imprévisible ? À la fin de la première année, le général Duffour remarque que « formé par les disciplines d’esprit de l’Université (École normale supérieure) », Morel « éprouve quelques difficultés à entrer complètement dans le moule militaire34 ». Quant à son appréciation finale, elle fait toujours mention de cette « forte originalité de pensée ». Laquelle, ajoutée à un goût particulier pour le paradoxe ainsi qu’à une certaine susceptibilité ne pouvaient, de fait, que le rendre difficilement prévisible :
« À fait une seconde année d’études en tous points excellente, qui le classe finalement dans le peloton de tête de sa promotion. Cette réussite est d’autant plus méritoire qu’elle a été obtenue sans que son esprit, vraiment supérieur, ait rien abandonné de sa forte originalité de pensée. L’effort pour remédier à une formation militaire incomplète a été fourni et soutenu avec une sincérité et une modestie admirables. Apportera dans le travail d’état-major une conscience parfaite, une grande maturité de jugement, un sens élevé de la dignité du travail intellectuel. N’est donc pas fait pour des besognes mesquines, qui jureraient avec sa culture. Doit être manié avec cordialité et tact pour bien rendre – car il “se renferme” volontiers quand il ne se croit pas compris. Ne laisse pas d’incliner parfois au paradoxe, mais finit toujours par raisonner objectivement quand on l’y sollicite. Très confirmé dans l’usage de la langue anglaise. Bon en italien. Pourra rendre des services éminents dans les questions de 2e bureau et de SR. Hautement qualifié pour les travaux historiques. Inapte physiquement à l’emploi d’observateur en avion35. A passé la quarantaine et va entrer dans sa douzième année de grade. Ses services de guerre dans la troupe ; les services éminents qu’il a rendu, depuis l’armistice, soit comme professeur d’histoire à Saint-Cyr, soit comme directeur du SR à Tunis ; la manière dont il a réussi à l’École de Guerre – le désignent cette année pour le choix. Un ajournement accentuerait le retard fâcheux de carrière malheureusement dû à son origine universitaire36. »
16Une « origine universitaire » à laquelle ses notations font quasi-systématiquement allusion, et ce, même si le capitaine Morel « entre dans sa douzième année de grade ». Il est d’ailleurs intéressant de constater que cela ne vaut que pour lui. Le lieutenant Jean Vautrin, qui était étudiant en droit à l’École des sciences politiques à la déclaration de guerre et qui s’est engagé, en 1915, après être passé par le centre d’instruction des aspirants, a lui aussi une « origine universitaire ». Pourtant la mention de cette dernière n’apparaît pas dans sa notation. Ayant appartenu à cet « établissement où doit se former l’élite enseignante des lycées et des facultés37 », Morel fait figure d’hétérodoxe. Et pour cause, la forte spécificité de l’élite française rend difficile – voire impossible – tout choix de carrière déviant ; d’où cette perception particulière du normalien « littéraire » devenu officier d’active par l’élite militaire. Mais qu’a-t-il, lui-même, retiré de sa scolarité au sein de ce temple de la pensée militaire ?
« L’École a été pour un certain nombre d’entre nous l’occasion de rares et précieuses amitiés38 »
17En 1923, dans la préface de ses Essais de psychologie tactique pour servir d’introduction à la tactique réaliste, Morel lançait un avertissement provocateur à un lectorat fantomatique : « Peut-être estimera-t-on présomptueux qu’un simple officier subalterne ose avoir sur la tactique des idées qui peuvent heurter en certains points les opinions de personnes plus élevées que lui dans la hiérarchie militaire. Pourtant non seulement l’auteur de ces réflexions ne croit pas attenter à l’ordre nécessaire de cette hiérarchie, mais encore il espère contribuer à lui donner son sens véritable et sa valeur. Si n’ayant jamais commandé qu’une section ou une compagnie il élevait ses prétentions jusqu’à se placer au point de vue du général en chef, s’il parlait stratégie, en dépit du petit nombre de ses galons, un simple brevet d’état-major suffirait à le faire absoudre39. » Même si ses « notes particulières » tendent d’ores et déjà à nuancer cette question, il est cependant légitime de se demander si l’obtention de ce « simple brevet d’état-major » a modifié son approche tactique, sa perception du haut commandement ou encore sa réflexion sur l’organisation militaire du pays.
18En fait, peu d’éléments permettent d’appréhender l’idée qu’il s’est fait de cette scolarité. Les éventuelles notes prises lors des cours ou les éventuelles réflexions manuscrites se rapportant directement ou indirectement à l’enseignement, à ses méthodes, à sa portée n’ont pas, a priori, été conservées. Seuls quatre carnets de stages, deux carnets de voyages et le texte d’un discours prononcé lors d’un dîner de réunion de la promotion ont pu être exploités. Les quatre carnets de stages, qui ont été réalisés respectivement au 504e régiment de chars de combat, au 35e régiment d’aviation, à l’école des liaisons et transmissions et au 12e régiment de chasseurs à cheval40, révèlent tous les évidentes lacunes d’ordre techniques de leur auteur. Car si la finalité de ces stages est de sensibiliser les futurs officiers d’état-major à l’importance de la tactique moderne dite « interarmes », force est de constater que les raisonnements de Morel, agrégats de philosophie et d’exemples pratiques, semblent parfois un peu déplacés. C’est ainsi qu’il nous est donné de lire dans les premières pages de son « carnet de stage de chars de combat », au milieu d’un paragraphe visant à démontrer qu’il est important ne pas s’en tenir aux idées reçues concernant les chars, la remarque suivante : « Mais si les impressions sont celles que, théoriquement, j’attendais, ce qui fait leur nouveauté c’est leur réalité. Rien de plus dangereux qu’un jeu de concepts sans substance que ne leste aucun souvenir. Trop léger, le véhicule dialectique “dérape”. Pour raisonner juste, il faut que les idées générales ne soient pas de simples abstractions, mais soient des “concentrés” de sensations et d’images particulières41. » Cette volonté, pour le moins surfaite, d’intellectualiser un propos qui n’avait pas besoin de l’être n’échappe pas à un correcteur perspicace dont l’annotation marginale en latin est sans appel42.
19Toutefois, Morel se montre intéressé par les problèmes tactiques que pose l’emploi du char. Problèmes liés à la mauvaise visibilité de l’équipage (« Constamment revient cette question de la visibilité. […]. Deux chars sont entrés en collision au retour : ils n’ont été avertis de la rencontre que par la sensation du choc. ») ; à la fiabilité et la rapidité de l’engin (« Les chars peuvent se déplacer sur chenille. Mais après 25 km, étape maxima, il faut 2 ou 3 heures de révision. ») et enfin à la réalisation tactique : « L’exercice, sorte de schéma concrétisé, a lieu sur le Polygone, terrain uni, dans des conditions parfaites de visibilité. Les objectifs sont “monumentaux” (maisons aux lisières du Polygone). Cependant, après un débouché correct, la section tend à se désunir. Un char-mitrailleuse s’écarte à la recherche d’une mitrailleuse et perd le contact. Cela sur un billard. Ce char était chargé du débordement de la ligne d’obstacles : il fait cavalier seul. Le maintien de la section bien articulée au combat doit présenter d’extrêmes difficultés43. » Bien sûr, son approche est fidèle au règlement : le char doit appuyer l’attaque des unités d’infanterie44 et ce même s’il souligne qu’il lui paraît difficile de faire manœuvrer des chars d’assaut dans le seul but de servir l’infanterie. Pour lui ce stage reste une « leçon de prudence45 » ; les contraintes trop nombreuses et les défaillances mécaniques le font réellement douter de l’efficacité des blindés.
20C’est le stage d’aviation qui semble lui avoir laissé la plus forte impression. Bien que considéré inapte au brevet d’observateur en raison de sa myopie, Morel prend part à plusieurs vols. Le stage est axé autour de la reconnaissance à vue et de la photographie aérienne ; seules deux conférences se rapportent à l’aviation de combat (bombardement et chasse). Si l’avion est donc essentiellement perçu comme un moyen de reconnaissance et d’information, le carnet que rédige Morel révèle cependant quelques surprises. On y trouve notamment certaines remises en cause se rapportant à la doctrine défensive, jugée contraire au progrès matériel46, et à l’organisation militaire : « En d’autres termes, s’il faut chercher la figure future de cette organisation, c’est dans les armes qui sont “mécanisées” au maximum, les chars de combat et plus encore l’aviation, non dans l’infanterie ou la cavalerie qui sont contemporaines d’une ère mécanique dépassée, et qui sont-elles mêmes en voie de transformation, mais que des habitudes et des traditions empêchent de se modeler sur les nécessités de leur forme nouvelle47. » Ou encore cette nécessité absolue d’imaginer ce que sera la prochaine guerre48.
21Les deux carnets de voyages49, plus complets encore, abordent des questions d’ordre stratégique et politique qui, bien évidemment, dépassent e simple cadre fixé pour leur rédaction. Conscient de sa différence de perception50, Morel ne se prive pas de rédiger ses « carnets » comme bon lui semble. Critiquant ouvertement les méthodes militaires d’exploitation de l’histoire, il précise – une nouvelle fois – le risque que l’on court à justifier historiquement des « idées préalablement conçues » : « […] la guerre récente et son histoire nous exposent à un danger pareil. Il faut prendre garde en outre que le vainqueur pouvant être tel pour des raisons autres que des raisons tactiques ; la tactique du vainqueur n’est pas nécessairement la bonne51. » Alors que la visite des forts de Verdun et de Metz l’amène à traiter de la fortification permanente, corollaire d’une politique étrangère défensive, dont il estime qu’elle peut permettre « […] initialement, de gagner du temps : a) pour faire jouer au mieux, à l’abri d’un coup de force de l’armée de métier allemande le système de la nation armée qui est imposé ; b) pour donner aux solidarités internationales le courage de se montrer et à notre politique le temps de les organiser ; c) enfin pour placer la guerre sur le seul plan qui nous soit favorable et décourager l’armée de métier allemande, d’adopter un système stratégique et tactique auquel notre armée dans son état actuel ne pourrait pas répondre52 ». Dans ce cadre, les « Gardiens des Portes » (les troupes destinées à occuper les fortifications) doivent impérativement être des professionnels53. En 1934, dans Vers l’armée de métier, le commandant de Gaulle développe une théorie assez proche de celle-ci. En effet, si Morel préconise de garnir les fortifications de troupes de métier afin de garantir la mobilisation de la nation armée ; de Gaulle propose, pour sa part, la création d’un « corps d’intervention » professionnel qui pourrait agir dès les prémices d’un conflit54.
22Ce qu’il ressort de la lecture de ces carnets de stages corrobore la précédente analyse de notation : Morel semble avoir été pour le moins « imperméable » à certains aspects de l’enseignement de l’ESG. Bien que ces carnets aient été rédigés à des dates différentes, tous laissent transparaître des réflexions personnelles et, parmi elles, celles portant sur l’armée de métier qui semblent ici dépasser la prise de position idéologique pour s’inscrire dans le cadre du débat sur le problème démographique français55. In fine, et d’après le discours qu’il prononce lors de la première réunion de la promotion au début des années 1930, l’École supérieure de guerre semble surtout lui avoir été bénéfique sur un plan relationnel : « Une promotion, c’est un certain nombre d’individus qui pendant un temps donné ont vécu exceptionnellement d’une vie étroitement intime entre deux dispersions56. »
23Au-delà des liens de « camaraderie57 » qui se tissent au sein de toute promotion, Morel rencontre au cours de ces années les deux officiers avec lesquels il entretiendra une réelle amitié, Jean de Lattre de Tassigny et Étienne Valluy : « L’École a été pour un certain nombre d’entre nous l’occasion de rares et précieuses amitiés. Ne serait-ce que pour un tel bienfait, il me faut la bénir. Je songe à deux amis présents dont jamais, sans elle, les orbites n’eussent croisé la mienne. J’ai donc pour l’École une reconnaissance analogue à celle qu’on a pour l’autobus où l’on rencontre celui qui sera votre frère, ou celle qui sera votre femme. Elle a été un moyen58. » Ce discours allusif est aussi l’occasion d’une brève description de pratiques sociales qu’il semble pour partie déplorer : « Aussi la camaraderie polytechnicienne est-elle plus forte que la saint-cyrienne, tout en ayant d’ailleurs quelques relents d’esprit d’équipe que l’autre n’a pas. Entre moins de cent individus, que compte une promotion d’École de Guerre, cette solidarité devrait être très forte, plus forte que celle des Écoles d’origine. Or, cela n’est pas59. » Le voici évoquant de manière implicite ses propres problèmes d’intégration auxquels l’ESG n’a finalement apporté qu’une solution imparfaite. Mais pouvait-il en être autrement ?
Les fondements d’une relation paradoxale : Henri Morel et Jean de Lattre de Tassigny
Vers un rapport de clientèle ?
24« Appuyez-vous sur de Lattre, laissez-vous emporter par lui. Vous ferez ensemble beaucoup de chemin. Comme il est pressé d’arriver vite au bout, vous courrez pour votre part la chance de gagner ainsi un an ou deux60 ! » avait soufflé, en mai 1926, un ami au capitaine Charles Bousquet61. Les deux hommes s’étaient rencontrés peu de temps auparavant et le chef de bataillon de Lattre avait d’emblée été séduit par la personnalité de Charles Bousquet. De fait, homme d’étude et germaniste confirmé, Bousquet avait tout pour plaire à de Lattre. Ils décident donc de préparer ensemble le concours d’entrée de l’École supérieure de guerre. De Lattre profite alors d’un Bousquet besogneux palliant son manque de goût pour le bachotage, la lecture et d’une manière générale pour tout type de travail solitaire : « “Voilà les livres, voilà les brochures que je me suis procurés, pour vous et pour moi, sur la bataille de Wagram et sur la guerre de Sécession. Lisez-les, résumez-les, tranquillement, chez moi, ce soir, après dîner. Nous en parlerons dès je que rentrerai. […]”. De Lattre rentrait… à 2 heures du matin62. » À l’issue du concours, de Lattre est reçu troisième et Bousquet vingt-quatrième mais étonnamment ce dernier décide de quitter l’armée au cours de l’été 1927, ce qui pour autant n’entamera pas leur relation.
25La façon dont Charles Bousquet décrit les rapports qu’il entretenait avec Jean de Lattre de Tassigny nous éclaire sur la manière d’être et la singularité du personnage comme sur les procédés en vigueur au sein du corps des officiers. Au-delà de l’amitié qui les liait, ce témoignage révèle l’ambition de De Lattre et son goût pour une certaine forme de fidélité, souvent proche du clientélisme : « Le propos tombait, enveloppant, caressant, inquisiteur : “[…] Serez-vous toujours comme maintenant à mes côtés, avec moi, pas contre moi, quelles que soient les vicissitudes contre lesquelles j’aurai à livrer bataille ? […] Vous êtes de ceux qui ne font et ne conçoivent rien comme tout le monde. Vous détruisez l’équilibre que je me suis donné, mais vous êtes aussi de ceux au contact de qui on s’enrichit rien qu’à les regarder vivre. […] Si des abîmes s’ouvrent sous nos pas, vous m’aiderez, je vous aiderai à les franchir. Ne doutez pas de moi”63. » Si Bousquet peinait parfois à répondre à ce genre de sollicitations, cela ne les empêchaient pas d’être fréquentes. Né le 2 février 1889, le chef de bataillon Jean de Lattre de Tassigny a déjà derrière lui, lorsqu’il intègre l’École supérieure de guerre, une carrière bien remplie tant comme commandant d’unité faisant campagne que comme officier d’état-major. Blessé à plusieurs reprises, officier de la Légion d’honneur depuis 1920, de Lattre est audacieux et surtout impatient. C’est d’ailleurs au cours d’une convalescence (après s’être fait poignardé dans le hall d’un hôtel marocain) qu’il prépare le concours d’entrée à l’ESG. Au-delà de l’obtention du brevet d’état-major, ces deux années de scolarité vont être pour lui l’occasion de s’entourer d’officiers triés sur le volet et, in fine, de se composer une clientèle. Ce « recrutement » étudié va s’avérer très diversifié. Si tous les officiers auxquels il s’intéresse ou presque sont sélectionnés parmi les premiers du classement, chacun l’est pour une ou plusieurs raisons particulières. Ainsi, trouve-t-on pêle-mêle : « dévoués », « intellectuels », « tacticiens », « techniciens » et « anticonformistes ». À l’instar de Bernard Simiot, Simonne de Lattre identifie ces « lieutenants et capitaines [qui] se retrouveront à toutes les périodes de sa carrière (Valluy, Revers, Bergeret, Morlière, de Hesdin, Bousquet, Lalande, Carolet, etc.)64 ».
26Pour être effectif tout rapport de clientèle implique une relation personnelle, réciproque et interdépendante. Schématiquement, deux types de clientélisme militaire peuvent être identifiés. Le premier est celui qui se développe avec le sommet de la hiérarchie « plus proche des formes de clientélisme analogues à celles de la sphère politique : chef de cabinet auprès du ministre, membre de l’état-major du ministère de la Guerre, secrétaire d’un comité technique. (…) Faire partie des bureaux ou être proche des instances qui décident à ces moments précis est une manière beaucoup plus sûre pour contourner les obstacles à l’avancement65 ». Quant au second, il tend à s’apparenter à la constitution d’un réseau de « camarades » – donc dans un premier temps d’égal à égal – au sein duquel on trouvera soutien, conseils, informations et appuis qui nécessiteront en retour un « paiement » à plus ou moins long terme. Pendant son séjour à l’ESG, de Lattre s’essaie donc au second, et ce non sans une certaine habileté, comme devait d’ailleurs le préciser des années plus tard le général André Laffargue :
« Il avait des antennes extrêmement fines pour jauger très exactement les individus, particulièrement en fonction des services qu’ils pouvaient lui rendre. Lui-même se connaissait bien ; il savait qu’il n’était pas complet. Fait étonnant, ce passionné de primauté, capable de scènes extravagantes à la Saint-Simon pour des questions de préséance, n’avait pas d’orgueil dans le domaine de l’intelligence. Il y manifestait même une certaine humilité, ne se croyait nullement un phénix, un oracle ; aussi, bien loin de se juger infaillible et de s’enfermer dans une tour d’ivoire, avait-il le souci, déjà marqué à l’état-major du général Weygand, de travailler en équipe. Il savait admirablement tirer des qualités de chacun et il exaltait l’activité et les initiatives intellectuelles66. »
27Un individu comme Morel pouvait difficilement échapper aux « antennes » de cet intuitif. Dans ses souvenirs, Simonne de Lattre évoque le capitaine Morel, ses « causeries » sur l’Italie et l’Europe centrale faites à domicile : « Normalien, professeur d’Histoire à l’École de Saint-Cyr, son esprit avait beaucoup séduit mon mari67. » De son côté, Henri Morel revient sur les raisons de son empathie pour Jean de Lattre dans une lettre, probablement la première qu’il lui ait envoyée, datée du 16 octobre 1928 : « Je ne conserve que de bons souvenirs de nos premiers contacts : d’abord parce que vous avez été très gentil avec moi, ensuite parce que j’aime rencontrer de fortes personnalités, même et surtout quand elles sont différentes de la mienne : il n’y a de profit qu’entre complémentaires. Et je crois que nous le sommes. Bonne raison pour s’entendre que de n’avoir pas même terrain de chasse68. » À l’évidence, ces lignes dénotent une réelle franchise et peuvent même paraître empreintes d’une certaine naïveté. Elles nous amènent en tout état de cause à considérer leur relation et à se poser cette question : quels liens les unissaient ?
Une correspondance « active » dénotant une certaine exclusivité
28Cette correspondance active qui comprend treize lettres s’échelonne sur une période de onze ans (1928-1939). S’il a paru intéressant d’aborder les aspects « relationnels » que renferment ces lettres dans ce sous-chapitre, les aspects « factuels » apparaîtront quant à eux, de manière chronologique, dans les chapitres suivants. À l’évidence, les réserves émises dans l’introduction générale, relatives notamment à l’exhaustivité et à la fréquence de cette correspondance, rendent ce travail d’analyse délicat. Dans cette première lettre comme dans la suivante69, Morel évoque leurs différences qui, de fait, ont de quoi laisser songeur : l’un soignant son apparence physique jusqu’à la préciosité, l’autre la dédaignant presque ; l’un ne pouvant travailler sans collaborateur, l’autre intellectuel solitaire ; l’un ayant par avance planifié sa carrière, l’autre résolument désintéressé et conscient des limites que sa situation implique ; l’un incarnant l’officier fréquenté, l’autre fuyant les mondanités et laissant trop souvent court à sa franchise, etc. Bref, deux hommes que tout pouvait opposer et qui avaient certainement tout pour se détester ; seuls l’âge, un certain goût pour l’originalité et un assez net refus du dogmatisme militaire pouvaient les rassembler.
29Une première remarque s’impose : le normalien a sincèrement cherché à appréhender le comportement du saint-cyrien. Et il semble avoir parfaitement cerné son ambition. « Vous avez le droit, avant, de calculer si vous pouvez, dans une carrière que vous avez raison de vouloir rapide, vous payer le luxe de quelques années de don gratuit de vous-même […]70 » lui écrit-il, alors que de Lattre hésite à rejoindre les cadres de l’École de Saint-Cyr au début des années 1930. Alors qu’en janvier 1934, il lui signifie ouvertement l’intérêt qu’il lui porte : « Vous savez que je “m’intéresse” à vous et que votre carrière météorique est pour moi un sujet de méditation71. » En revanche, Morel se soustrait de façon quasi systématique au rapport de clientèle, plus ou moins explicite, que de Lattre tente d’établir entre eux deux : « Vous me pensez oublieux et c’est ce reproche qui me fait vous écrire. Je pense à vous et hier encore nous parlions avec Vautrin de votre personnalité que je suis peut-être mieux à même de comprendre, parce que de votre âge (et sans envie) et si différent de vous que je vous vois du dehors. Si jamais vous rencontrez des difficultés, si mon amitié peut vous aider (non mon pouvoir !) vous me trouverez fidèle72. » C’est avec une franchise toute naturelle qu’il s’adresse à lui et évoque ouvertement ces pratiques relevant d’un clientélisme si utile : « J’aurais pu vous écrire par exemple pour vous demander une place. Je sais que vous vous seriez mis en quatre pour m’utiliser. J’ai voulu rester fidèle à mon discours sur l’amitié et l’esprit d’équipe. » À ce moment, avril 1933, le chef de bataillon Morel termine son temps de commandant au 28e régiment de tirailleurs tunisiens stationné à Chambéry. Il regagnera Paris à l’été suivant et, ayant renoncé à solliciter directement son ami, il occupera à nouveau un poste d’analyste au 2e bureau de l’état-major de l’armée. Bien sûr, le lieutenant-colonel de Lattre aurait pu intervenir dans cette mutation, puisque déjà remarqué par le général Maxime Weygand, il a été affecté en 1932 comme stagiaire au sein de son état-major au Conseil supérieur de la guerre. Mais Morel est, comme il aime à le rappeler, un homme fidèle aux rares autres et surtout à ses principes. Dès lors, pour lui, cette relation fondée sur l’amitié ne doit pas subir une éventuelle transformation susceptible de la réduire à néant. Il n’aura, d’ailleurs, de cesse de le lui répéter : « Félicitations brèves et peut-être les plus sincères que vous aurez reçues, non d’un client, mais d’un camarade bien proche de l’amitié. […]. Ne tenez cette lettre que comme un témoignage un peu morose mais sincère et fidèle d’amitié73. » Ou encore : « J’ai eu peur l’autre jour que vous trouviez mon amitié tiède et réticente. C’est mon genre. Je mesure ce que je donne, mais je le donne entièrement74. » Puis, en 1936 : « On me croit borné à certains jeux de l’intelligence. On ne sait pas que je suis dévoué et fidèle : quand j’ai prêté “hommage” volontairement. C’est comme ça. Quand vous aurez besoin de moi, je vous servirai et ne demanderai nul paiement75. » Toutefois, cette dernière phrase semble refléter une certaine lassitude : Morel, fatigué, aurait-il pour partie cédé aux intentions de De Lattre en acceptant finalement de substituer à cette amitié un hommage lige ?
30Les aspects les plus intimes de cette correspondance révèlent un Morel lucide et parfois amer. En avril 1933, revenant sur certaines de ses déceptions, il confie : « L’intelligence ne paie pas, mais c’est une grande consolation. Comprendre est apaisant. […]. Quand je me suis donné à l’armée, je n’ai passé nul contrat. Il est probable que m’a réussite dans l’université n’eut pas été supérieure. Je n’ai jamais rien regretté76. » Ou encore le 30 janvier 1934, dans une lettre où il est question d’une réception à laquelle il ne s’est pas rendu, il lui confesse : « Vous pensez bien que je ne pouvais pas aller vous voir : je suis un hibou qui craint le soleil. Seul, pauvre et libre ; il faut que je fasse de nécessité vertu. Je suis “honnête” par manque d’occasion. Personne ne m’a jamais tenté. Je ne sais pas si je n’aurais pas eu d’ambition si j’avais eu l’occasion d’en avoir. Mon mérite est donc mince. […]. Je suis aussi honnête par manque de dons77. » Une série de phrases laconiques, où se mêle à la fois humilité, orgueil, autocritique et provocation : « Vie fatigante mais tiède ; mon sang répandu avec une quasi-certitude jusqu’aux limites de l’avenir. Belle fin pour un intellectuel anarchiste78. » C’est probablement à cette époque que les deux hommes se fréquentent le plus : Morel est alors affecté au 2e bureau de l’EMA et constitue, de fait, pour de Lattre une source d’information non négligeable79. C’est pour cette raison que ce dernier va désapprouver sa candidature pour le poste d’attaché militaire à Madrid. À l’hiver 1936, le colonel de Lattre lui fait montre de son mécontentement lors d’une rencontre orageuse. Dans les jours qui suivent, Morel rédige une longue lettre explicative, qui bien que prévenante, n’en dévoile pas moins ses intentions : pas question de se plier à des recommandations quelles qu’elles soient.
« Mon cher Colonel,
Il faut que je m’excuse pour avoir reçu avec si peu d’amabilité l’expression de votre sollicitude amicale. J’étais énervé pour de nombreuses raisons dont certaines psychologiques. Le brouhaha où nous nous rencontrions n’était pas favorable à des explications nuancées.
Vous avez blâmé ma candidature pour Madrid. J’ai posé il y a bien longtemps cette candidature parce que je ne pensais pas avoir mon tableau80, j’estimais que mon départ du 2e bureau était nécessaire et que cette place était une récompense adéquate pour une activité somme toute honorable.
Quand j’ai eu mon tableau, j’ai été voir mon chef de bureau. Je lui ai dit que j’étais payé et même débiteur et que si le commandement avait, en me donnant mon tableau, eu l’intention de m’utiliser en fonction de mon nouveau grade, j’étais prêt à servir où que ce soit et je n’insistais plus pour une place d’attaché militaire.
J’ajoutais que pour la place qui pouvait m’être attribuée, je pouvais demander celles auxquelles mes expériences précédentes me démontraient propre : pour des formes d’activités nouvelles, c’était à mes chefs de décider d’un essai.
Mon attitude a donc été, je crois, correcte et orthodoxe. L’affaire en est là. Elle en restera sans doute là. Il va sans dire que je crois que certaines de mes qualités pourraient être utilisées en France. J’ai une certaine aptitude à exprimer sous forme d’idées générales des idées et des faits particuliers. Mon sort normal est de fabriquer des études et des notes sur des sujets larges. C’est une spécialité pour grands chefs. Comme deuxième sous-chef d’un bureau, on peut trouver des gens qui intellectuellement me sont inférieurs mais qui sont techniquement plus efficaces. Peu de chefs ont besoin d’un bureau d’études politiques. Il n’y a aucune apparence que ces chefs éprouvent le besoin de ma collaboration. C’est comme ça. Ce n’est pas ma faute. On ne me considère pas comme un collaborateur commode. On me trouve trop entier, trop personnel. On me croit borné à certains jeux de l’intelligence. On ne sait pas que je suis dévoué et fidèle : quand j’ai prêté “hommage” volontairement. C’est comme ça. Quand vous aurez besoin de moi, je vous servirai et ne demanderai nul paiement. Au fond, j’ai besoin d’un minimum de salaire pour ne pas m’aigrir. C’est-à-dire pour ne pas gêner mon mécanisme intellectuel. Mais actuellement, je ne me crois pas plaçable. […].
Excusez encore une fois cette lettre trop personnelle. Vous savez que j’ai pour vous beaucoup d’amitié et que j’étais fâché de n’avoir pu vous dire ma reconnaissance pour vos conseils qui sont justes mais irréalisables81. »
31S’il est difficile de remettre en cause la franchise de ces propos, on est cependant en droit de se demander ce que dissimule une telle lettre ? Il est évident que Morel est à la recherche d’une relation exclusive. Or par son franc-parler et la sévérité de certaines de ses allusions, Morel se démarque vraisemblablement des autres officiers que de Lattre côtoie. En outre, il est aussi probable qu’il mette un point d’honneur à jouer le rôle de l’intellectuel affranchi, car comme le rappelle François Mauriac : « Cela seul importe de correspondre à une certaine image que se fait de nous-mêmes l’être à qui nous écrivons82. »
32Appréciant tout particulièrement les anticonformistes, Jean de Lattre ne pouvait qu’attirer à lui un personnage comme Henri Morel. Bien qu’incomplète, cette correspondance prouve néanmoins qu’au cours de ces premières années les deux hommes se sont véritablement appréciés. Leur relation connaît par la suite des hauts et des bas. À la fin 1936, c’est un Morel esseulé qui doit faire face au procès d’intention que lui inflige l’état-major de l’armée pour son attitude en Espagne. Craignant des retombées sur sa propre carrière, de Lattre se garde bien d’intervenir dans cette affaire aux relents politiques indéniables. Pire même, il cesse presque toute correspondance ; ce dont Morel souffre sans toutefois lui en tenir rigueur. Il se borne à le lui faire remarquer par deux fois, en février 1937, « J’ai été un peu étonné de n’avoir pas de vos nouvelles. (…). Écrivez-moi un mot. Vous me ferez plaisir83 » et en janvier 1938, « Je vous remercie de votre lettre. J’avais été peiné de votre silence. Il coïncidait avec une sorte d’erreur judiciaire dont j’ai été victime. J’étais alors à la recherche de sympathie et de compréhension84. »
33Ces deux années de scolarité à l’École supérieure de guerre couronnées par l’obtention du brevet d’état-major vont profondément influer sur la vie et la carrière d’Henri Morel. Resté plus de quatorze au grade de capitaine, il est – après une année passée comme officier stagiaire au 2e bureau de l’EMA – promu chef de bataillon et versé au 28e régiment de tirailleurs tunisiens à Chambéry afin d’effectuer son temps de commandement réglementaire. L’isolement, qui avait marqué les premières années de sa carrière après guerre, a pris fin. Morel appartient désormais un peu plus à cette société militaire de l’entre-deux-guerres. Mais jusqu’où peut-on parler d’intégration ?
Notes de bas de page
1 Joseph Ducorps (1874-1950).
2 SHD/DAT, 13 Yd 602, dossier du général de brigade Louis Henri Morel. Notation signée par le colonel Dumont, chef du 2e bureau de l’EMA, 5 décembre 1926.
3 Jean Delmas, « L’École supérieure de guerre », Revue historique des armées, no 3/2002, p. 48.
4 SHD/DAT, 7 N supplément 499, admission à l’École supérieure de guerre en 1927, 49e promotion. EMA, 3e bureau, section des écoles, note pour le cabinet militaire du ministre, objet : admission à l’École supérieure de guerre, le 14 mars 1927. Signé : Debeney.
5 SHD/DAT, ibid., feuille de notes détaillée : Morel H. L.
6 SHD/DAT, ibid., concours d’admission à l’École supérieure de Guerre en 1927. Liste de classement.
7 SHD/DAT, ibid., listes d’admission et d’admissibilité.
8 Ces officiers vont tous appartenir au « cercle » que va constituer le chef de bataillon Jean de Lattre de Tassigny au sein de la promotion. Voir infra.
9 SHD/DAT, 7 N supplément 499, admission à l’École supérieure de guerre en 1927, 49e promotion, feuille de notes détaillées : Morel H. L. et de Lattre de Tassigny J. J.
10 SHD/DAT, ibid., dossiers des stagiaires de l’École supérieure de guerre, non cotés. 49e promotion (1927-1929), dossier Morel ; H. L., capitaine, infanterie.
11 SHD/DAT, 13 Yd 602, dossier du général de brigade Louis Henri Morel. Notation extraite du relevé de note destiné à l’avancement signée par le colonel Dumont, chef du 2e bureau de l’EMA, 1926.
12 Jean Lacouture, De Gaulle…, p. 116.
13 Cité par André Bach, L’armée de Dreyfus. Une histoire politique de l’armée française de Charles X à « l’Affaire », Paris, Tallandier, 2004, p. 519.
14 Ibid., p. 523.
15 Ibid., p. 520.
16 Jean Delmas, « L’École supérieure… », p. 49.
17 Maurice Gamelin, Servir, tome 2…, p. 89-90. L’École d’infanterie de Saint-Maixent permettait aux officiers de réserve et aux sous-officiers de devenir officiers d’active. Bourret y est entré, en 1900, avec le grade de sergent (SHD/DAT, 13 Yd 742, dossier du général d’armée Victor Bourret).
18 André Bach, L’armée de Dreyfus…, p. 525.
19 En l’occurrence, celles de dix officiers appartenant à la 49e promotion (dont celle de Morel) et l’une d’un officier appartenant à la 48e promotion (SHD/DAT, dossiers des stagiaires de l’École supérieure de guerre, non cotés).
20 SHD/DAT, 13 Yd 1280, dossier du général de brigade Maurice Gauché. Extrait de la notation signée par le général Duffour, commandant l’École supérieure de guerre, 1er septembre 1928.
21 SHD/DAT, idem.
22 SHD/DAT, dossiers des stagiaires de l’École supérieure de guerre, non cotés. 49e promotion (1927-1929), dossier Morel ; H. L., capitaine, infanterie.
23 SHD/DAT, 13 Yd 602, dossier du général de brigade Louis Henri Morel. Extrait de la notation du général Duffour, commandant l’École supérieure de guerre, le 1er septembre 1928.
24 Guy Thuillier, Pour une histoire de la bureaucratie en France, tome II, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière éditions, 2001, p. 38.
25 SHD/DAT, dossiers des stagiaires de l’École supérieure de guerre, non cotés. 49e promotion (1927-1929), dossier Morel ; H. L., capitaine, infanterie.
26 SHD/DAT, idem.
27 SHD/DAT, idem.
28 SHD/DAT, idem. Infanterie.
29 Cette liste a été établie à partir des ouvrages de Bernard Simiot, De Lattre, Paris, Flammarion, 1994, 349 pages et de Simonne de Lattre de Tassigny, Jean de Lattre, mon mari, Paris, Presses de la cité, Paris, 506 pages. À noter que le dossier de scolarité de l’École supérieure de guerre du chef de bataillon de Lattre de Tassigny n’a pu être consulté faute de reversement.
30 SHD/DAT, ibid., dossier Morlière ; L. C., capitaine, infanterie coloniale.
31 SHD/DAT, idem.
32 SHD/DAT, ibid., dossier Vautrin ; J. E., lieutenant, infanterie.
33 SHD/DAT, dossiers des stagiaires de l’École supérieure de guerre, dossier Revers ; G., capitaine, artillerie.
34 SHD/DAT, 13 Yd 602, dossier du général de brigade Louis Henri Morel. Notation du général Duffour, commandant l’École supérieure de guerre, le 1er septembre 1928.
35 En raison d’une assez forte myopie. Fonds privé Morel, « Carnet de stage d’aviation, 35e régiment d’aviation », 5 juin 1927, p. 5 et 19.
36 SHD/DAT, 13 Yd 602, dossier du général de brigade Louis Henri Morel. Notation du général Duffour, commandant l’École supérieure de guerre, le 1er septembre 1929.
37 Cité par Jean-François Sirinelli, Génération intellectuelle…, p. 120.
38 Fonds privé Morel, 49e promotion de l’École supérieure de guerre. Premier discours de tradition prononcé par le commandant Morel au dîner du 10 octobre 1931, p. 4.
39 Fonds privé Morel, Essais de psychologie tactique pour servir d’introduction à la tactique réaliste, (par le « capitaine H. Morel de l’infanterie, officier de fortune, janvier, mars, avril 1923 ») : 1. Préface aux réflexions tactiques d’un officier subalterne, janvier 1923, p. 1.
40 Fonds privé Morel, Carnet de stage de chars de combat, 504e régiment de chars de combat, 20 avril-3 mai 1927, 33 pages (manuscrites) ; Carnet de stage d’aviation, 35e régiment d’aviation, 5 juin 1927, 39 pages (manuscrites) ; Carnet de stage de liaisons et transmissions, École des liaisons et transmissions, 29 octobre 1927, 13 pages (manuscrites) ; Carnet de stage de cavalerie, 12e chasseurs, 6-18 août 1928, 28 pages (manuscrites).
41 Fonds privé Morel, Carnet de stage de chars…, p. 4.
42 « Nihil est in intellectu quod non prius fuerit in sensu », fonds privé Morel, idem. Le correcteur en question est le chef de bataillon Henry Martin alors professeur stagiaire au cours d’infanterie.
43 Fonds privé Morel, Carnet de stage de chars…, p. 8-9, 27 et 8.
44 Fonds privé Morel, ibid., p. 33.
45 Fonds privé Morel, ibid., p. 34.
46 Fonds privé Morel, Carnet de stage d’aviation…, p. 14-15.
47 Fonds privé Morel, ibid., p. 22.
48 Fonds privé Morel, ibid., p. 35.
49 Fonds privé Morel, Visite des forts de Verdun et de Metz. Réflexions diverses sur la fortification permanente, cours du génie, septembre 1928, 22 pages (manuscrites) ; Carnet de voyage. Frontière du Nord-Est et Rhin. Itinéraires et réflexions choisies, (s.d.), 52 pages.
50 Fonds privé Morel, Carnet de voyage. Frontière du Nord-Est…, p. 2.
51 Fonds privé Morel, ibid., p. 51.
52 Fonds privé Morel, Visite des forts de Verdun et de Metz…, p. 7.
53 Fonds privé Morel, ibid., p. 20.
54 Charles de Gaulle, « Forgeons une armée de métier », Revue des Vivants, 13 janvier 1934. Extrait de : Articles et écrits, Paris, Plon, 1975, p. 309.
55 « […] c’est d’ailleurs une constatation effarante de voir un pays qui se dépeuple tenant mordicus pour le système qui le désavantage le plus, celui qui suppose la quantité, l’armée de conscription. » Fonds privé Morel, Visite des forts de Verdun et de Metz… p. 14.
56 Fonds privé Morel, 49e promotion de l’École supérieure de guerre. Premier discours de tradition…, p. 3.
57 « Il y a dans l’armée un sentiment vague et noble qui est la camaraderie. […]. Cette camaraderie entre officiers est vague, parce que nous sommes trop. » Fonds privé Morel, ibid., p. 4.
58 Fonds privé Morel, ibid., p. 4-5.
59 Fonds privé Morel, ibid., p. 6.
60 Collectif, Jean de Lattre maréchal de France, le soldat, l’homme, le politique, Paris, Plon, 1953, 409 pages. Charles Bousquet, « Dans l’amitié de Jean de Lattre », p. 152.
61 Charles Bousquet est né le 26 août 1896. Bachelier ès lettres, il entre en service avec le grade d’aspirant en 1916. Après la guerre, il sert en état-major et s’y fait notamment remarquer par sa pratique parfaite de l’allemand. Charles Bousquet quitte le service actif le 1er août 1927, soit un mois avant d’intégrer l’École supérieure de guerre. Quelques années plus tard, il devient directeur commercial des Sociétés de raffinage et de distribution de pétrole Desmarais frères. SHD/DAT, 8 Ye 103 209, dossier du chef de bataillon Charles, Émile Bousquet.
62 Collectif, Jean de Lattre maréchal de France…, p. 159.
63 Idem.
64 Simonne de Lattre de Tassigny, Jean de Lattre…, p. 26.
65 Christophe Charle, Les Élites de la République 1880-1900, Paris, Fayard, 1987, p. 189.
66 André Laffargue, Fantassin de Gascogne, Paris, Flammarion, 1962, p. 272.
67 Simonne de Lattre de Tassigny, Jean de Lattre…, p. 41.
68 Fonds privé Morel, correspondance active Morel/de Lattre, lettre du 16 octobre 1928, Paris.
69 Fonds privé Morel, correspondance active Morel/de Lattre, lettre (s.d. mais 1929 ou 1930), Héricy, Seine et Marne.
70 Fonds privé Morel, idem.
71 Fonds privé Morel, ibid., lettre du 30 janvier 1934, (s.l.).
72 Fonds privé Morel, ibid., lettre d’avril 1933, Chambéry, Savoie.
73 Fonds privé Morel, ibid., lettre du 30 janvier 1934, (s.l.). De Lattre est alors membre de fait de l’état-major du général Weygand.
74 Fonds privé Morel, ibid., lettre de septembre 1934, (s.l.).
75 Fonds privé Morel, ibid., lettre de février 1936, Paris (40 rue de Varenne).
76 Fonds privé Morel, ibid., lettre d’avril 1933, Chambéry, Savoie
77 Fonds privé Morel, ibid., lettre du 30 janvier 1934, (s.l.).
78 Fonds privé Morel, idem.
79 Le lieutenant-colonel puis colonel (à partir du 25 juin 1935) de Lattre de Tassigny sert, à ce moment-là, à l’état-major du général Georges (major général).
80 Il s’agit du tableau d’avancement pour le grade de lieutenant-colonel.
81 Fonds privé Morel, correspondance active Morel/de Lattre, lettre de février 1936, Paris (40 rue de Varenne). C’est lui qui souligne.
82 François Mauriac, « Cinquante ans », Nouvelle Revue française, octobre 1939, p. 549. Cité par Daniel Madelénat, La biographie…, p. 116.
83 Fonds privé Morel, correspondance active Morel/de Lattre, lettre du 14 février 1937, Grand Hôtel, Banyuls-sur-Mer.
84 Fonds privé Morel, ibid., lettre du 28 janvier 1938, Barcelone.
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