Chapitre 2. Professeur d’histoire militaire à Saint-Cyr ou la « destinée théorique1 » du normalien
p. 41-62
Texte intégral
1La nomination comme professeur à l’École spéciale militaire de Saint-Cyr d’un ancien élève de l’École normale supérieure, devenu officier de carrière, fait presque figure d’évidence. Pourtant, c’est au prix d’un mensonge que le capitaine Henri Morel se présente au concours visant au recrutement du corps enseignant de l’école. Réussissant sans difficulté, il y est affecté à la fin 1919. Dès lors et durant cinq années, il y donne cours et conférences souvent construits autour de raisonnements philosophiques qui ne cessent de trahir sa formation. Lorsque la Première Guerre mondiale n’y est pas directement évoquée, elle constitue l’arrière plan de sa réflexion : qu’elle soit la raison d’une remise en cause manifeste du système démocratique et de son corollaire, la nation armée ; qu’elle soit à l’origine d’une critique véhémente des conceptions tactiques du haut commandement, ou encore d’une réflexion sur « le désir universel de paix2 ». Si la liberté de ton dont il use est surprenante, elle est le fruit d’une récusation argumentée, et par là même légitime, des tendances formalistes de l’esprit militaire ainsi que d’une évidente volonté d’indépendance.
La place d’un normalien dans une armée du temps de paix
La « destinée théorique » d’un diplômé en histoire de l’ENS ?
2« Je viens d’être nommé, à la suite d’un concours, professeur d’histoire à Saint-Cyr3 », c’est par cette phrase, on s’en souvient, qu’Henri Morel s’octroyait le droit de poursuivre ses démarches en vue de l’obtention d’une citation pour son comportement lors du combat de Vrégny en mai 1918. Or, cette phrase est l’unique mention des conditions de sa nomination comme professeur d’histoire à l’École spéciale militaire de Saint-Cyr. Aucun document, hélas, ne relate les raisons qui l’ont poussé à opter pour cette affectation ou ne précise la nature qualitative et quantitative des épreuves du concours. Dès lors pour appréhender le contexte dans lequel a eu lieu cette nomination, il faut avoir recourt à d’autres sources.
3En 1922, un officier de la section historique de l’état-major de l’armée, docteur en histoire, publie un ouvrage intitulé L’Histoire militaire. But et utilité – Difficultés et méthodes. La crise de l’histoire. L’enseignement de l’histoire dans les Écoles militaires préparatoires et à l’École de guerre4 dans lequel il remet en cause la place réservée à l’histoire dans l’institution et les écoles militaires, le mode de sélection et le manque de compétence du corps enseignant ainsi que la difficile appréciation par le haut commandement de l’utilité des études historiques quant à la définition d’un cadre stratégique ou encore d’une doctrine de guerre. Avec ce livre le lieutenant-colonel René Tournès ose une critique réaliste de certaines conceptions intellectuelles alors en vogue tant au ministère de la Guerre que dans les états-majors. Bizarrement cette publication n’a aucune conséquence sur la suite de la carrière de son auteur, elle lui vaut même cette notation : « A publié récemment sur la tactique de l’histoire militaire un ouvrage qui paraît devoir faire autorité5. » De fait, cette absence de « sanction » semble surtout refléter le peu d’intérêt accordé à ce genre de question par le haut commandement.
4Le processus de recrutement des professeurs d’histoire pour les écoles militaires dites « préparatoires6 » et la problématique qu’il engendre y sont décrits d’une manière assez saisissante : « Le choix des professeurs s’opère actuellement dans les mêmes conditions qu’avant la guerre ; les candidats subissent deux épreuves, l’une écrite, l’autre orale définies par l’instruction ministérielle du 20 septembre 19207. » En d’autres termes, cette dernière instruction a entériné sans changement un mode de sélection datant d’avant 1914. Le jugement implicite que porte l’auteur sur cette instruction se poursuit alors par sa seule citation : « [Le candidat traite] “un sujet de son choix portant sur une partie intéressante du cours ou de l’un des cours qu’il demande à enseigner ; le travail comportera une rédaction d’environ quatre pages qui sera remise par l’intéressé à son chef de corps. L’épreuve orale consistera en une courte conférence (une demi-heure environ) au cours de laquelle les intéressés auront à traiter devant une commission une ou plusieurs questions relatives à l’emploi ou aux emplois auxquels ils sont candidats”. » Enfin, non sans un certain piquant, Tournès précise : « Au reste, afin de ne pas écarter ceux des futurs professeurs, qui seraient tentés de s’effrayer d’un programme, réduit cependant à la plus extrême simplicité, une circulaire a pris soin de spécifier : “Les épreuves sont organisées de façon à n’exiger aucune préparation particulière ; elles auront simplement pour but de s’assurer que les candidats possèdent les aptitudes de rédaction ou d’élocution indispensables”8. »
5Peu de difficulté donc pour ce concours qui ne demande « aucune préparation particulière », juste l’une ou l’autre « des aptitudes de rédaction ou d’élocution ». Pour le lieutenant-colonel Tournès, ces procédés déconcertants ne peuvent que repousser les vrais candidats, « les épreuves ne permettent pas à ceux d’entre eux qui ont quelque éducation historique d’en fournir la preuve ; le jury d’examen, recruté parmi les officiers des bureaux du ministère, ne peut véritablement s’offenser d’être tenu pour mal préparé à examiner un officier sur sa culture historique9 ».
6On imagine volontiers avec quelle facilité un ancien élève de l’École normale supérieure, diplômé en lettres, est susceptible de réussir un tel concours. En 1927, alors qu’il vient d’être admis à l’École supérieure de guerre, le capitaine Morel remplit une feuille de renseignements administratifs tout à fait routinière. Toutefois, à la case « Diplômes universitaires ou autres », c’est avec surprise que l’on découvre qu’il mentionne « Ancien élève de l’École Normale Supérieure. Licence lettres. Diplôme d’Études Supérieures Histoire10 ». Si aucun document personnel ne stipule que cet artifice ait été utilisé avant cette date, il est cependant, très probablement, le corollaire de la volonté de se présenter au concours pour le professorat d’histoire à Saint-Cyr. Ainsi, le désir de renouer avec la « destinée théorique » du normalien était tel, qu’il a peut-être constitué un motif suffisant pour transformer une licence de philosophie et un diplôme d’études supérieures de lettres en licence de lettres et diplôme d’études supérieures d’histoire. Pour autant, deux remarques liées à la capacité de discernement du jury, tel qu’il est décrit par René Tournès, s’imposent. La première tient au fait qu’il était relativement aisé à un Morel, pétri de culture historique, de se dire diplômé d’études supérieures en histoire étant confronté à des « officiers des bureaux du ministère » auxquels on demande bien évidemment d’autres capacités d’évaluation que celle-ci. La seconde remarque prend, quant à elle, la forme d’un constat : Morel était sans aucun doute parfaitement à même de réussir ce concours sans avoir à mentir sur la nature de ses diplômes. Dès lors, ce mensonge pourrait être la conséquence du réel effort d’adaptation requis par l’intégration à la société militaire de l’immédiat après guerre pour un homme se sentant déjà, en partie, marginalisé.
7Pour facile qu’il soit, ce concours est destiné à attirer un maximum de candidats afin de pallier un déficit chronique : « Par une fâcheuse coïncidence, en ce moment où il nous faudrait, pour remédier à l’instruction insuffisante de nos futurs officiers, constituer un corps enseignant remarquable, il n’a jamais été plus difficile d’assurer le recrutement des professeurs d’histoire11. » Poste peu recherché et peu considéré12, le professorat d’histoire en école préparatoire reste pour beaucoup d’officiers une affectation plus subie que réellement voulue et dont il convient de limiter la durée afin qu’elle soit sans conséquence sur le plan de l’avancement. Aussi, le personnel recruté dans ces conditions ne possède que rarement les capacités d’adaptation intellectuelle nécessaires : « En définitive, il est difficile de ne pas reconnaître que l’enseignement historique dans nos écoles préparatoires se ressent nécessairement d’une insuffisante préparation à sa tâche de notre corps enseignant et de l’inefficacité des tentatives esquissées jusqu’ici pour remédier à cette situation ; ajoutons que nous n’avons pas encore défini de façon précise aux professeurs d’histoire militaire vers quels buts doit tendre leur enseignement13. » La critique du manque de compétences, trop souvent notoire, des officiers devenus professeurs se fait alors violente : « Il n’est pas moins nécessaire pour aborder avec utilité l’enseignement historique d’avoir de solides notions de bibliographie, de critique, de méthodologie. Avouons que nos professeurs, pour la plupart, savent généralement fort peu de choses à cet égard, que certains ne savent rien ; reconnaissons aussi que cette constatation n’est pas faite pour relever la valeur de l’enseignement donné dans nos écoles14. »
8Et Tournès de préconiser que les futurs candidats suivent préalablement quelques cours à la Sorbonne « notamment ceux de méthodologie et ceux d’histoire contemporaine professés pour les étudiants à la licence15 ».
9Si cette dernière remarque, à l’instar des différentes solutions proposées par l’auteur de cet ouvrage, n’est pas retenue par la direction de l’infanterie alors gestionnaire des écoles militaires préparatoires, elle ne peut que conforter la liberté intellectuelle qu’un normalien sera susceptible de rechercher une fois devenu titulaire de la fonction. D’ailleurs, comment pourrait-il en être autrement ? Formé aux techniques et méthodes de l’enseignement universitaire, Henri Morel surpasse, de fait, la majeure partie du corps enseignant de l’École spéciale militaire.
Quelle histoire enseigne-t-on ? Quelle histoire enseigne-t-il ?
10Dans le chapitre qu’il consacre à l’« insuffisance de l’enseignement historique dans les écoles préparatoires », le lieutenant-colonel Tournès estime, d’une part, que les fascicules d’histoire militaire se rapportant au Directoire, au Consulat et à l’Empire (périodes dont il est spécialiste) destinés aux cours communs restent « inférieurs, par le fond et par la forme, aux ouvrages analogues, non officiels sur ce même sujet » et, d’autre part, que la circulaire précisant les thèmes et la finalité des cours « assigne […] à l’enseignement de l’histoire militaire une orientation discutable16 ». Cette circulaire rassemble, en effet, l’enseignement de l’histoire et celui de l’économie politique et leur prescrit de « montrer l’évolution de l’art de la guerre à tous les âges et de faire ressortir les lois de l’évolution des peuples ». Si Tournès se montre, à juste titre, extrêmement sceptique sur ce dernier point17, il est logique que le texte de cette circulaire tienne compte des observations réalisées au cours de la Première Guerre mondiale. Observations qui ont été, pour certaines, à l’origine du changement radical de doctrine de guerre :
« L’étude de l’art de la guerre devra être reprise depuis les premiers âges jusqu’à la Révolution, de façon à montrer par un choix d’exemples caractéristiques plus que par un exposé fastidieux de faits l’évolution des méthodes et des procédés de guerre. Cette étude sera naturellement plus détaillée en ce qui concerne les guerres modernes et particulièrement la guerre de 1914-1918. On cherchera dans cet enseignement à développer le jugement des élèves, à élargir leurs idées, à les habituer à raisonner sur les faits et à en dégager les causes et les effets ; dans l’exposé même des opérations militaires, on s’appliquera surtout à faire ressortir les principes tactiques généraux qui s’en dégagent. Il y aura lieu de montrer, en outre, comment certains procédés de guerre, qui ont été imposés par des circonstances particulières de terrain ou d’armement, perdent toute leur valeur si ces éléments variables viennent à changer18. »
11Nommé professeur adjoint d’histoire militaire à l’École spéciale militaire de Saint-Cyr le 1er septembre 1919, le capitaine Morel s’attelle à la rédaction d’une série de cours qui s’inscrivent, pour partie, dans le cadre étroit de cette circulaire. Les titres de quelques-uns de ses fascicules pourraient même dénoter un certain manque d’imagination : L’évolution de l’art de la guerre des origines à nos jours ou encore Notions générales sur les rapports entre la politique, les institutions militaires et l’art de la guerre des origines à nos jours19. Pour autant, la première étude que l’école publie sous son nom porte, non sur « l’évolution de l’art de la guerre », mais sur « les origines de l’organisation militaire en France ». Rédigé entre septembre 1919 et janvier 1920, ce cours s’intitule Quelques aspects historiques du problème de l’armée20. Il ne fait aucun doute que Morel se fait remarquer par ce premier travail. La notation du commandant en second de l’école, bien que comportant quelques réserves évidentes, n’en reste pas moins très élogieuse et souligne ses capacités : « Officier doué d’un jugement sain et sûr, d’une haute valeur morale et très cultivé. Excellent esprit, mais un peu susceptible parce qu’il n’est pas encore très militaire, est en passe de le devenir. Très travailleur et très intelligent, il remplit de la façon la plus brillante les fonctions de professeur adjoint d’histoire à l’École spéciale militaire. À fait en 1920 une étude sur l’Armée dans ses rapports avec la société, qui porte la marque d’un esprit supérieur. Très bon conférencier, apporte dans son exposition beaucoup de méthode, de clarté et d’élégance21. » Que penser du fait que près de trente ans après sa première édition, ce cours agrémenté d’un avant-propos et d’une préface sera réédité par l’atelier d’impression des écoles de Saint-Cyr Coëtquidan22.
12Cette étude met en exergue ce qui constitue, pour Morel, le problème historique de l’armée française à savoir la coexistence de deux systèmes d’organisation, l’un fondé sur une armée d’appel et l’autre sur une armée de métier. Ce thème, qu’il développe alors de cours en articles23, devient un véritable leitmotiv. Fin 1920, il est l’objet d’une seconde étude intitulée Essai sur le sens de l’évolution des institutions militaires24, qui reprend à l’identique l’approche développée dans Quelques aspects historiques du problème de l’armée. Nous sommes donc bien loin des instructions de la circulaire et de ses intentions. La particularité de ces deux cours réside dans leur finalité que Morel expose, sans ambages, dans la conclusion de son Essai sur le sens de l’évolution des institutions militaires : « On aura ainsi les éléments de la réponse à la question qui a fait l’unique objet de cette étude : quelle est la forme d’armée qui convient à l’état intérieur du pays25 ? » Question, à laquelle, il apporte bien plus que de simples éléments de réponse : « Dans une société ou l’évolution industrielle et commerciale est avancée, [l’armée d’appel] arrête en temps de guerre la forme de vie essentielle du pays : en temps de paix, elle affaiblit sa force en enlevant les individus à leur métier […]. [L’armée de métier] convient donc à une société où l’activité industrielle est développée. La plus coûteuse dans son principe, elle devient la forme d’armée la plus économique et la charge la moins lourde pour l’ensemble de la nation. Toutes les sociétés, au cours de leur évolution, y tendent parce qu’elle est le “moindre effort”26. » Bien qu’il se défende d’être partial, il semble difficile d’échapper à l’orientation d’une telle conclusion.
13Entre octobre 1921 et février 1922, Morel prend une nouvelle fois ses distances avec la circulaire en rédigeant sept fascicules retraçant l’Histoire de la politique extérieure de la France27 du Moyen Âge au XIXe siècle. En privilégiant une approche politico-diplomatique, ce cours s’inscrit délibérément dans le cadre d’un enseignement de type universitaire et non militaire, aucun aspect tactique ou stratégique n’y est développé, la guerre n’y est abordée que comme moyen politique. Autant de remarques qui laissent à penser que ce cours, comme d’autres, ne lui a probablement pas été commandé. Cependant, avant leur impression, les sept fascicules manuscrits ont été soumis à la lecture du général Tanant, commandant l’école. Après lecture, on constate que les trois derniers, portant sur la politique révolutionnaire et la politique étrangère au XIXe siècle, ont été assez largement censurés. Les douze pages d’introduction du cahier intitulé La politique révolutionnaire. Ses principes, de la déclaration de paix à la déclaration de guerre ont manifestement dû être réécrites par leur auteur. Quelques extraits censurés dans les autres fascicules permettent de saisir la raison pour laquelle ces pages ont probablement été supprimées : « Napoléon et la France révolutionnaire font moins bien que Louis XVI et Vergennes, pire que Louis XV et Bernis. Quel contraste, et si en politique le succès est juge quelle étonnante leçon28 ! » ; « Nous avons vu successivement à l’œuvre la politique expérimentale et la politique idéologique : l’une avait été appliquée avec succès par la Maison de France ; l’autre, suivie par la Révolution et par l’Empire, avait abouti à une issue désastreuse. » Ou encore, dans le même cahier, le paragraphe suivant :
« L’expérience étant commune, le risque eut été partagé. Par malheur, il n’en fut rien. Seule la France plaça dans sa politique les principes généraux avant le souci exclusif de l’intérêt national. À vrai dire le langage idéologique de la politique révolutionnaire fut communément admis (par l’effet de prestige que justement la politique traditionnelle avait valu à la pensée française). Mais par l’étranger comme un simple langage, une noble parure qui connaît mal les nécessités impérieuses des intérêts nationaux, tandis qu’il était pris en France comme l’expression d’une réalité. Il s’en suivit pour la France une grave infériorité qui, s’ajoutant à d’autres désavantages, ceux-là inéluctables, contribua à la cruelle décadence de la France au cours du dernier siècle29. »
14Ajoutons à cela, ces considérations sur Napoléon qui, si elles n’ont pas été supprimées, situent idéologiquement leur auteur : « Mais arrivé en ce point de notre histoire, je ne puis taire l’écrasante, la dévorante personnalité du maître de notre destin politique, du Tyran que la démocratie française s’est librement donné, Napoléon Bonaparte. Je n’essayerai pas de faire un portrait de cet homme […]30. » Ainsi cette orientation politique, qui était déjà apparente dans certaines de ces précédentes études, devient manifeste dans ce cours et contraint le commandement de l’école à la censure.
15L’approche choisie et la bibliographie utilisée pour la rédaction de cette Histoire de la politique extérieure de la France s’inscrivent pleinement dans le courant historiographique français du XIXe siècle, courant à propos duquel l’un des fondateurs de l’école des Annales écrira : « Ce goût presque exclusif de l’histoire diplomatique (“Ah, si nous l’avions mieux apprise, nous n’en serions pas là !”) qui d’Albert Sorel, ce demi-dieu, à Émile Bourgeois, ce dixième de Dieu, obsédait les hommes qui nous endoctrinèrent de 1895 à 190231. » Et en plus des très traditionnels Manuel de politique étrangère d’Émile Bourgeois et premier tome de L’Europe et la Révolution française d’Albert Sorel, figurent en bonne place dans la bibliographie proposée La diplomatie française et la ligue des neutres de Fauchille, Le ministère des Affaires étrangères sous Vergennes de Doniol, le premier tome de l’Histoire diplomatique de De Barral, Le principe des Nationalités de Johannet, l’Esquisse de l’histoire de France de Cavaignac ou encore l’Histoire de deux peuples de Bainville. Il est intéressant de constater que cette dernière étude a été rédigée d’après les thèmes abordés dans un cycle de conférences donné en 1907-1908 par Jacques Bainville dans le cadre de l’institut d’Action française et que l’ouvrage d’Eugène Cavaignac a, quant à lui, été récompensé en 1905 par le prix d’histoire de l’Action française32. Quant à Albert Sorel, « [il] montrait son incompréhension […] de la Révolution tant dans son caractère social et démocratique que dans son aspect “national” : “Elle pense, écrit-il, la gloire militaire en Genevoise cosmopolite et en Européenne philosophe”33 ». Une incompréhension que Morel partage largement, pour lui la politique révolutionnaire repose sur le postulat suivant : « […] de même que l’individu est bon à l’état de nature et qu’il est artificiellement perverti, les peuples sont naturellement bons. Le mal international et sa conséquence, la guerre est donc le résultat d’une déformation de la volonté générale34. » Ardent défenseur des principes monarchiques, Morel ne cache guère ses affinités intellectuelles avec l’Action française. Si la partie de son cours consacrée à la politique révolutionnaire en est un remarquable exemple, il est important d’en cerner la méthode et de tenter d’en saisir l’intention.
16Au cœur de cette réflexion figure l’opposition entre politique « traditionnelle » et politique « nouvelle ». La première, basée sur la raison pratique et l’expérience, « s’efforçait d’organiser le réel en réalisant le possible et en saisissant l’opportun », elle était « débarrassée de tout souci transcendantal », avait pour « seul principe immuable, la Raison d’État, c’est-à-dire l’intérêt de la Nation » et pour « seule méthode, celle qui ordonne toute activité raisonnable en vue de lui faire atteindre le but qu’elle se propose par les moyens les plus économiques ». La seconde, issue de la Révolution française, est « profondément pénétrée de métaphysique. Elle pose des principes généraux, vrais universellement et procède par déduction : attitude de mathématiciens religieux. L’expérience n’est là que pour confirmer les principes posés. Il y a une Vérité, un Bien politique valables partout et pour tous ». Pire encore, là où la politique traditionnelle avait pour unique objectif l’intérêt de la France, la politique nouvelle « subordonne l’intérêt national à l’intérêt général de l’humanité » et « si l’intérêt national souffre de cette subordination, tant pis35 ». Au total : « La révolution est un mouvement religieux : sa politique extérieure en principe du moins une croisade36. » Une croisade visant à généraliser le mode de gouvernance démocratique qui, seul, peut garantir la paix et la liberté des nations et Morel d’arguer que, dès lors, « un État n’est pas libre de choisir sa forme de gouvernement car il y a des formes mauvaises, tyranniques et une forme bonne, démocratique : on devra donc intervenir dans les États mal gouvernés pour y établir le bon gouvernement37 ». Puis, abandonnant sa démonstration philosophique, il conclut sa réflexion introductive sur le postulat de la continuité historique cher à Albert Sorel ou encore à Alexis de Tocqueville : « Au lieu d’être les apôtres d’une religion nouvelle, les grands révolutionnaires n’ont été pour une grande part que les continuateurs heureux ou malheureux d’un Sully et d’un Richelieu, qu’ils nommaient leurs maîtres, d’un Louis XIV le tyran qu’ils ne nommaient pas38. »
17La finalité recherchée dans ses différents cours place Henri Morel dans le sillage d’historiens tels Augustin Thierry ou François Guizot qui ont, au cours du XIXe siècle, « […] tenté d’expliquer – voire de légitimer – le présent à la lumière du passé39 ». Conception à laquelle il restera toujours profondément attaché. Aussi, il est intéressant de remarquer que s’il n’a pas « pratiqué » l’histoire à l’École normale supérieure, il s’inscrit toutefois dans le courant historiographique qui y était alors enseigné. Morel entre donc dans cette catégorie d’historiens, qui, pour Antoine Prost, « affectionnent les larges fresques chronologiques, parcourant plusieurs siècles en quelques leçons. Cela leur permet de dégager les grandes évolutions. Du coup, leur histoire n’est pas strictement politique. Ils entrent rarement dans le détail des événements, préférant en résumer la signification globale et les conséquences40 ». De fait, la prégnance de sa formation universitaire l’emporte sur l’emprise de son statut militaire. Ce qui, au fond, n’a pas échappé au commandant en second de l’école : « Le capitaine Morel est devenu très militaire, d’esprit et de cœur, malgré son aspect un peu universitaire. Très dévoué à la tâche d’instruire les futurs officiers, est ancien normalien, resté dans l’armée au moment ou tant d’officiers songeaient à s’en sortir, est une recrue précieuse pour nos cadres41. »
18S’il n’a jamais été affilié à la Ligue d’Action française, Henri Morel n’en demeure pas moins très marqué par la doctrine maurrassienne. Le début des années 1920 est, sans aucun doute, la période au cours de laquelle sa réflexion est la plus fidèle aux théories intellectuelles développées par le mouvement ; pour autant il semble difficile et, de ce fait, inopportun de détailler avec exactitude la liste de ses « liens idéologiques » avec l’Action française. Il a paru plus intéressant de tenter de déterminer le moment auquel est intervenu son identification à la droite maurrassienne et qu’elles en ont été les éventuelles raisons.
19Force est de constater que ses fascicules de cours sont les premiers documents retrouvés dans lesquels apparaît clairement cette identification. Identification, qui est peut-être la conséquence de quatre années de guerre vécues en première ligne ; car il est en effet peu probable que l’élève de l’École normale supérieure qu’il fût ait fréquenté « intellectuellement » l’Action française au cours de ses années d’études. Les rares documents retrouvés dans ses archives personnelles, se rapportant à cette période, trahissent un jeune homme profondément romantique. Le choix du sujet de son mémoire de diplôme d’études supérieures, Baudelaire critique d’art (quelques idées esthétiques de Baudelaire dans ses salons), en est d’ailleurs la plus belle illustration. Cet intérêt pour l’auteur des Fleurs du Mal et des Paradis artificiels, en tant que grand admirateur d’Eugène Delacroix, semble refléter des appétences littéraires et esthétiques totalement affranchies. Là où, Charles Maurras « avait été amené à distinguer entre l’idéalisme romantique, qui engendrait l’anarchie, le mal et un classicisme, également idéal, qui soutenait les principes d’ordre : forme, hiérarchie et discipline. La distinction, facile à formuler, était difficile à mettre en pratique. […]. Mais dans sa jeunesse, il avait nettement établi le partage entre les auteurs vivifiants et nets, Dante, Racine, Poussin, et les corrupteurs, Musset, Baudelaire, Rimbaud, le pire de tous étant Jean-Jacques Rousseau42 ». Maurras a donc exclu tous les romantiques « du panthéon littéraire de l’Action française43 ».
20Alors Henri Morel aurait perdu ses illusions sur la République au cours de la Première Guerre mondiale. La propagande en serait-elle l’une des causes ? « La guerre s’installait. Tous s’étaient mis à mentir : les orateurs, les journalistes, les écrivains, les savants. Par entraînement, par sottise ou par bassesse44. » Ces lignes d’un autre normalien, dont l’engagement républicain est pourtant resté indéfectible, dessinent un sombre tableau des moyens d’une république en guerre. Ou bien est-ce le dégoût de la guerre de masse, si coûteuse en vies humaines et corollaire d’un système politique démocratique et égalitaire ? « Depuis que les Nations se sont armées, on a vu de splendides boucheries dont les résultats politiques n’étaient pas toujours supérieurs à ceux des quadrilles stratégiques dont on se moque », écrit-il dans une étude intitulée Pour limiter la guerre. Réflexions inactuelles45.
Un dérivatif à l’épreuve guerrière
« Que la main qui écrit ces lignes ait tué des hommes […]46 » Réflexions sur la Première Guerre mondiale
21Si le capitaine Morel n’a semble-t-il conservé qu’un unique document d’ordre privé relatant un épisode de « sa » guerre, ses réflexions d’ordre général sur « la » guerre sont relativement nombreuses. Pour l’essentiel, elles prennent la forme de textes de conférences « hors programme47 » destinées aux élèves officiers d’active ou de réserve et affichent bien souvent un non-conformisme évident. Cette dernière constatation est, en elle-même, facilement remarquable. Ces textes ont certainement constitué un dérivatif à l’épreuve guerrière, car au-delà de l’analyse politico-historique transparaissent les critiques d’un homme qui, exposé quatre ans durant au danger de mort, en éprouve aussi une réelle amertume. Certaines remarques trahissent donc des réactions personnelles. Il l’avoue, du reste, sans ambages dans l’un de ses textes portant sur la valeur de l’expérience du combattant : « Je me permettrais de prendre mon exemple personnel pour ne fâcher personne. Je lis sur ma fiche : officier mitrailleur dans une division de réserve, a fait 1914 – rien en 1915 – 1916, Verdun incomplet – 1917 – éliminé en juin 1918 ; n’a pas vu l’offensive. On voit d’ici tous les points où il faudra rectifier mon témoignage, si je ne l’ai pas fait moi-même48. »
22La première d’entre elles est portée sur le système de la nation armée. « Ainsi oublions ce mot de nation armée qui au fond est impropre49. » Critique apparente et constante, certes, mais cette fois-ci formulée pour une raison éminemment personnelle. L’industrialisation de la guerre a provoqué le rappel de milliers de combattants : « Il ne restait dans l’infanterie la plus épuisée par ces demandes perpétuelles que ceux qui n’avaient pas de métier ou un métier sans rapports avec les innombrables besoins de guerre. Le conférencier ici présent finit par ne plus avoir dans une compagnie de mitrailleuses qu’un armurier qui dans le civil était bricoleur dans un village […]50. »
23Les premières lignes étaient alors garnies de « paysans comme soldats, comme officiers des professeurs, instituteurs, ecclésiastiques, avocats, employés de magasin bref des gens qui n’étaient bons à rien51 ». Le voici se glissant implicitement parmi les « bons à rien », ceux que l’on retrouvait dans la « zone effrayante de mort » ou dans la « zone d’accidents » mais pas dans la « zone de tranquillité absolue52 ». Ainsi le capitaine Morel se départit une nouvelle fois de son uniforme pour revêtir le costume civil de l’universitaire que le système de la « nation armée » n’a pas épargné. Au reste, comme le précisent Stéphane Audoin-Rouzeau et Annette Becker, cette dernière remarque était alors répandue dans les milieux intellectuels français : « Après la guerre, les différentes préfaces des volumes de l’Anthologie des écrivains morts à la Guerre ont repris inlassablement le même thème : “Nous souffrirons toujours de cette blessure à la tête.” On y lit que la mort des cerveaux est une spécificité bien française et que la France “cerveau du monde, a subi une manière de trépanation”53. »
24En outre, le système de la nation armée a permis le prolongement de l’état de guerre entre les deux pays54 et Morel de souligner que s’« il n’était pas nécessaire que la guerre de 1870 finit en quelques mois : il n’était pas nécessaire que la guerre récente durât des années55 ».
25Vient ensuite la critique du commandement. Orientée pour l’essentiel sur les plans tactique et stratégique, elle se fait virulente même si elle prétend ne signaler que les « occasions manquées » : « J’explique et je ne juge pas, mais cette impuissance acceptée [du commandement français] à diriger l’action tactique fut une cause certaine de la durée de la guerre56. » Partisan acharné de la doctrine défensive, Morel pointe les erreurs de conception doctrinale du GQG. Qui, en 1915, voit dans la reprise de la guerre de mouvement – et donc de l’offensive – la seule « vérité » stratégique sans tenir compte des échecs et des pertes qu’elle a générées en 191457. « On pourrait comparer la lutte de la défensive contre l’offensive au mythe éléate d’Achille et de la Tortue. À chaque pas, Achille rejoint avec facilité le point que vient de quitter la Tortue. Mais pendant ce temps, la Tortue a marché, si peu que ce soit et il faut une enjambée si petite soit elle pour la rejoindre. Mais de nouveau, la Tortue a progressé et ainsi de suite. Jamais au cours de 3 ans de guerre Achille-Offensive n’a rattrapé la Tortue-Défensive58. » Puis prenant l’exemple de l’échec de l’offensive d’Artois en mai 1915, il montre que si le commandement français concevait « théoriquement » les offensives, il s’avérait bien souvent incapable d’en contrôler les batailles : « Elle [la bataille d’Artois] s’était déroulée sans lui, elle avait évolué sans lui. L’occasion qu’avait vu naître le combat que les exécutants et le commandement subalterne avaient cru tenir, le commandement supérieur par son éloignement du point décisif de l’action avait été incapable de la saisir et de l’exploiter59. »
26Le commandement français souffrait-il d’une inaptitude tactique chronique ? Selon Morel, il finit par la pallier en 1917 par « une supériorité matérielle écrasante employée avec le maximum de précision et de science. Point de part faite à l’imagination, peu de part au risque. […]. On engage la bataille que lorsqu’on l’a gagnée sur le papier en faisant des totaux et des différences. » Ce qui ne peut-être qu’une « solution “géométrique” du problème de la guerre60 ». Là, où Ludendorff replace le « problème dans le plan psychologique ». Usant de gaz « abrutissants (lacrymogène, arsine, sternutatoire) et de fumigènes », il endort ou « aveugle la défense au lieu d’annihiler son feu par le feu ». De fait, pendant un temps, Ludendorff est vainqueur car « il a triché ce qui est tout l’art de la guerre : il a coupé le nœud gordien que depuis 3 ans on s’efforçait de dénouer. Suivant une vieille habitude, il jouait au poker. Notre commandement au bridge61 ». Puis à partir de juillet 1918, ne comptant plus que sur sa supériorité matérielle et humaine pour gagner la guerre, l’armée alliée aligne « 250 000 hommes par mois de renfort. (…). Le commandement allemand malgré son habileté et notre bonne volonté ne pouvait nous faire autant de prisonniers que nous recevions de renforts. Sa tâche était, sur ce point, désespérante62. »
27Cette guerre d’effectifs, cette guerre industrielle, Morel en dénonce l’inanité. Ainsi, pour lui Verdun est « le fond de l’affreuse impasse à laquelle avaient conduit l’impuissance tactique et le développement frénétique des moyens matériels impuissants. 400 à 500 000 morts des deux meilleures armées du monde sacrifiés […]. Quand la guerre en arrive à ce point que la victoire ne puisse plus être approchée qu’à coup de centaines de milliers de victimes d’une décimation réciproque, on peut dire nettement que personne ne peut être sûr de l’obtenir63 ». Dans cette gigantesque entreprise de mort, l’homme est littéralement annihilé : « Il y avait, inclus dans la contemplation d’une puissance matérielle si gigantesque, un secret orgueil qui portait à mépriser des facteurs jusque-là tenus pour essentiels, l’état du terrain celui du ciel, et leurs retentissements sur les corps et les âmes. Jusqu’alors l’art de la guerre avait cru que ces contingences dominaient l’action. Dès lors, délibérément, on les tint pour des troubles fêtes et on les méprisa64… » Pourtant, « les corps et les âmes » tiennent à défaut de consentir. Cette résignation et cette obéissance qui caractérisent, selon Frédéric Rousseau65, le soldat de la Première Guerre mondiale et plus particulièrement celui de Verdun, apparaissent déjà sous la plume d’un Henri Morel, acteur et historien : « Du point de vue de la psychologie militaire (et de la psychologie tout court), il faut noter la capacité incroyable “d’encaissement” de l’homme. Ces hommes qui subirent à Verdun les plus extraordinaires tourments étaient des hommes comme vous… et moi. Il n’y avait pas à proprement parler d’héroïsme, puisqu’à vrai dire l’épreuve n’était pas volontaire et qu’ils montaient au martyre “en suivant le guide”66. »
28Corollaire de sa critique de la nation armée, cette dénonciation de l’industrialisation de la guerre pose, par ailleurs, Morel en « tacticien humaniste ». Pour qui, l’art de la guerre est un exercice subtil – reposant à la fois sur l’intelligence, l’imagination et l’empirisme – dont la finalité est d’atteindre un objectif quel que soit le procédé utilisé, pourvu qu’il épargne moyens humain et matériel. C’est pour cette raison que Ludendorff trouve grâce à ses yeux ; c’est pour cette raison que « la défensive l’emporte sur l’offensive67 ». Dans un court texte intitulé Préface aux réflexions tactiques d’un officier subalterne, le capitaine Morel dit toute l’importance de la petite tactique et de ses simples exécutants : « La hiérarchie militaire a donc un deuxième sens : de bas en haut cette fois. Le stratège dépend de l’exécutant tactique autant que celui-ci dépend du stratège68. » D’évidence la guerre a contribué à nourrir sa réflexion et à exacerber son intérêt pour la « psychologie militaire », élément constitutif de toute pensée tactique telle que peut la concevoir un normalien.
29Cette préface est extraite d’une longue étude intitulée Essais de psychologie tactique pour servir d’introduction à la tactique réaliste ; laquelle, composée de huit textes rédigés entre janvier et avril 1923, nous est parvenue presque complète69. Si ces Essais sont vraisemblablement restés inédits – l’un d’entre eux a néanmoins été publié sous la forme d’un article – ils permettent malgré tout d’appréhender la singularité de sa réflexion et les raisons intellectuelles qui l’ont amenées à côtoyer l’Action française. Car à l’instar de Charles Maurras, Morel « est un rationaliste qui se veut concret, expérimental, à la manière du positivisme d’Auguste Comte70 ». C’est au nom de l’expérience qu’il justifie sa légitimité à remettre en cause différents raisonnements tactiques et donc stratégiques : « Mais un officier subalterne veut-il affirmer sa compétence particulière au sujet de la petite tactique, de celle qu’il a pratiqué lui et ses semblables, et pas les autres, on le rappelle à l’orthodoxie des principes. Ces principes, enfants ingrats de sa sanglante expérience, enfants de sa chair et de son sang, mais qui adoptés par de plus puissants et plus riches, changés en nourrice, dédaignent son humilité71. » Le ton est acerbe. Les reproches sont à la mesure de la souffrance endurée. Le haut commandement français a fait preuve pendant quatre ans d’un manque de réalisme tactique inconcevable pour un pragmatique voué au culte de « Notre Seigneur le Réel » et de « Sa Majesté l’Expérience72 ». Au-delà du culte « maurrassien » voué à « l’empirisme organisateur » d’Auguste Comte73 qui apparaît ici, il ne fait aucun doute que l’adhésion intellectuelle de Morel à l’Action française est une forme de contestation de l’ordre établi74.
30Raymond Aron écrivait à propos du philosophe Alain que ce dernier avait, en réaction à la Première Guerre mondiale, « transformé en vertu philosophique cette espèce de résistance larvée, et [avait] représenté les pouvoirs, l’administration, les riches, les chefs militaires, comme constituant une sorte de danger permanent à la fois pour la liberté des citoyens et pour la paix75 ». Ceci sans pour autant remettre en cause les fondements de la société, en somme : « Obéissons donc au pouvoir parce qu’il est inévitable, mais ne courbons pas le genou devant lui. Soyons critiques, soyons contre lui en ce sens que nous devons toujours tâcher de limiter les dégâts76. » Comment ne pas établir de parallèle avec l’idée de fond véhiculée par les Essais de psychologie tactique… du capitaine Henri Morel « officier de fortune77 » ? Pour Raymond Aron, Alain est parvenu à combiner tradition cartésienne et tradition positiviste78. En est-il autrement pour Morel, lorsqu’il affirme que si « l’autorité est absolue quand elle décide : elle est dépendante quand elle délibère » et que son inspiration « doit venir d’en bas, parce que c’est en bas qu’est la réalité indépendante de l’intelligence79 » ?
31Une question, cependant, reste posée : Morel a-t-il découvert le positivisme à travers Maurras ou bien est-ce le positivisme qui l’a conduit à Maurras ? Aucun élément ne permet de le préciser. Toujours est-il que la pertinence et la valeur qu’il accorde à son raisonnement le pousse à porter ses critiques très loin ; n’en déplaise à sa hiérarchie. Ayant mis en exergue sa propre définition de la tactique, qui « est l’art d’organiser préventivement le désordre spontané du champ de bataille, en en utilisant à travers leur retentissement psychologique les réalités morales et matérielles80 », il s’autorise des commentaires particulièrement incisifs : « “Cette guerre dans le plan psychologique” l’intelligence militaire alourdie ne tend-t-elle pas à s’en détourner ? La pauvreté psychologique de grands et vastes cerveaux est une chose qui inquiète. Ce Maître qu’ils ont tant étudié, ne leur a t’il pas pourtant offert quelques-uns de ses secrets. À force de penser par schéma, ils ont oublié l’essence même des manœuvres Napoléoniennes […]81 ». Si son dédain pour ce qu’il nomme, avec cynisme, « l’intelligence militaire alourdie », est alors particulièrement marqué ; il ne se rapporte pas uniquement à la guerre passée : « Rien donc, semble-t-il, de plus inconséquent que ce mépris du stratagème et de la ruse dans une guerre où la solution de force faisait faillite. Rien de plus dangereux que cette absence de souplesse et d’audace, ce mépris des ressorts psychologiques auquel amènera l’évolution actuelle de la tactique82. » Morel conclut : « Pour l’avenir, il faut des tempéraments et des intuitifs83. » En dépit des vœux formulés en conclusion, il semble improbable que ce texte ait pu faire l’objet d’un cours ou même d’une seule conférence à l’École spéciale militaire. Il est néanmoins révélateur d’une attitude intransigeante qui, de fait, ne pouvait passer inaperçue : « D’une haute valeur morale, d’idées originales frisant parfois le paradoxe ayant le sens critique très développé et le caractère quelque peu susceptible, tout cela dû à sa haute culture, le capitaine Morel est aussi la vivante image du devoir, un beau caractère désintéressé d’homme et de soldat. Il est à souhaiter qu’une personnalité aussi accusée soit bien employée, bien menée et rende à plein84. »
32Si la Première Guerre mondiale a fait du normalien Émile Chartier (Alain) un militant pacifiste, ardent dénonciateur de la guerre et du militarisme ; qu’a-t-elle fait d’Henri Morel ? À la lumière des critiques précédentes, la question ne peut que se poser. En 1922, dans le cadre d’un cycle de conférences85, il propose à ses élèves officiers de « préciser ces mots de paix et de guerre », de « réfléchir un moment au contenu mental qu’ils renferment d’après le sens commun avant tout examen ». Aussi, voici l’essentiel de la définition en six points86 qu’il donne à ces deux mots :
« I. La paix c’est l’absence de guerre […]. Au premier abord le mot paix n’a pas de contenu positif. On peut le remplir avec des mythes et des allégories lui faire signifier l’ensemble des travaux qui remplissent les périodes dites pacifiques. Mais véritablement la paix ne se comprend que par la guerre : elle est une interruption de la guerre : elle a besoin de la guerre pour être définie et limitée. Elle apparaît comme un armistice au sens exact du mot.
II. Si l’on pousse plus loin la méditation on observe d’autre part que la paix n’est que la succession d’une certaine sorte de luttes à une autre sorte de luttes. On ne peut concevoir la paix absolue que sous la forme de la Mort. Dans tous les temps et actuellement plus encore, les luttes diplomatiques, politiques, intellectuelles, sociales, économiques existent, ardentes, pendant la paix alors qu’elles font trêve dans une certaine mesure pendant la guerre. Il n’y a somme toute que succession de deux formes d’antagonismes. […]. Si la paix est la suspension de l’antagonisme guerrier, la guerre est dans une certaine mesure une suspension des antagonismes pacifiques. On peut donc considérer la vie nationale et internationale comme placée sous le signe permanent de la lutte, la guerre et la paix ne diffèrent que par la nature des luttes dont elles sont le théâtre.
III. La guerre peut apparaître à certains moments comme une forme d’antagonisme plus simple et plus économique d’effort en ce sens qu’elle atteint par des voies plus rapides et plus brutales des buts analogues à ceux auxquels vise la paix. Voies plus rapides et nullement absurdes c’est ce qui explique que la guerre est acceptée par la conscience universelle comme un fait normal de l’existence internationale. […] Redoutée pour tous les inconvénients et les dangers qu’elle fait naître, la guerre est cependant admise comme un moyen de décider entre les peuples de leurs droits partiels ou totaux. Cette acceptation de la guerre a survécu à toute l’idéologie pacifiste dans le bon sens populaire. Elle explique la facilité des mobilisations dans les pays les plus civilisés d’Europe en 1914. On n’aime pas la guerre, on en déteste les effets mais on ne se rebelle pas contre ce fait que les idéologues rejettent comme une monstruosité : on y répugne, simplement.
IV. Cependant normalement on désire la paix on préfère la paix, non pour elle-même puisqu’elle n’est rien, mais pour ce qu’elle nous permet d’accomplir. […]
V. Nous posons donc en principe que tous, y compris les militaires qui à l’époque présente ne sont en France du moins que des citoyens spécialisés dans le métier des armes et ne possèdent pas une mystique guerrière qui fasse d’eux des prêtres d’un culte sanglant, tous visent à limiter la guerre et espèrent pour un temps rapproché ou comme un mythe nécessaire dont la réalisation est à l’infini la suppression de la guerre et l’établissement d’une paix universelle.
VI. Ce sentiment est si profondément humain, cette espérance est si fortement enracinée dans les âmes que tout le long de l’enquête historique que nous entreprenons nous les trouverons soit proclamés soit sous entendus. Nous ne ferons que l’histoire des différentes tentatives qui ont pour but de donner la paix au monde et des résultats auxquels elles ont abouti. Cette enquête dont le but dernier est de rechercher les conditions les plus probables de l’établissement d’une paix solide et le calcul des chances actuelles de l’établissement de cette paix sera faite sans y mêler ni “déclarations larmoyantes”, ni “invectives sentimentales”. Nous considérons comme acquis le désir universel de paix. D’un point de vue professionnel, nous rechercherons dans quelle mesure l’armée dont c’est le métier de faire la guerre peut servir à faire la paix. »
33La conclusion de cette démonstration philosophique à la modernité troublante semble nous apporter les éléments d’une réponse :
« L’armée ouvrière de la paix ? Les mots ne jurent-ils pas ensemble ? Est-ce bien notre rôle à nous soldats de parler de paix ? Pouvons-nous, sans mentir ou sans contredire à notre raison d’être, choisir la paix ? Sans hypocrisie, sans scandale, il faut répondre hardiment oui. […] Que cette glorieuse maison dont l’enseigne est la Victoire entende ces mots de paix. Il n’y a ni faiblesse, ni chimère. Notre espérance est forte, lucide, virile. La guerre, comme les autres citoyens nous la détestons sans la craindre, nous la préparons sans la désirer. […] Que la main qui écrit ces lignes ait tué des hommes, que cette tête ait pensé des ordres de mort, ces dures nécessités ne nous disqualifient pas pour parler de paix pour désirer un ordre pacifique, pour rechercher les conditions de cet ordre. »
34D’autre part, le double aveu d’avoir donné la mort et d’avoir fait donner la mort nous fait à nouveau entrer dans le domaine du témoignage. Révélation souvent absente des récits comme le constatent Stéphane Audoin-Rouzeau et Annette Becker, qui, s’appuyant sur les travaux de certains anthropologues, écrivent « “on est tué” à la guerre, mais on ne tue pas87 ».
Les hypothèses d’une confrontation avec Charles de Gaulle
35Les responsables du cours d’histoire militaire de l’École de Saint-Cyr pour l’année 1921 sont au nombre de cinq : le chef de bataillon Desmazes, chef du cours ; le chef de bataillon Salerin, son adjoint et trois capitaines, Baillot, Morel et de Gaulle88. Si l’affectation du capitaine Charles de Gaulle à l’ESM a été de courte durée, elle n’a pas été sans conséquence pour les deux hommes. Pour autant, aucune allusion se rapportant à de Gaulle n’apparaît dans les documents laissés par Morel et réciproquement pour ce qu’il est possible de savoir. Il semble néanmoins qu’ils se soient copieusement détestés. Rivalité, antipathie réciproque, plagiat89 ? « En 1921, à Saint-Cyr raconte le général Nérot, nous avions trois professeurs d’histoire : le capitaine Morel, qui traitait “du soldat dans l’Antiquité”, le commandant Desmazes, qui parlait des armées françaises de l’Ancien Régime, et le capitaine de Gaulle qui brossait leur histoire du début de la Révolution française à l’armistice de 1918. Morel était un enseignant de premier ordre : on parlait à son sujet d’Ardant du Picq… Mais c’est de Gaulle qui nous impressionnait le plus90. » Qu’en fut-il en réalité ? Difficile à savoir. On peut cependant penser qu’il ne pouvait y avoir de pire concurrence pour un saint-cyrien « professeur d’histoire », qu’un normalien « professeur d’histoire ». En dépit d’une filiation professorale, le style et la raideur de De Gaulle, s’ils pouvaient « impressionner », ne reflètent qu’un extrême conformisme. Il n’est guère étonnant que les différents témoignages le décrivent « en gants blancs », « botté, le sabre au côté », très « solennel ».
36Sur le fond des cours et des conférences du capitaine de Gaulle, Jean Lacouture constate que « dans les textes publiés dans Lettres, notes et carnets (tome II, p. 111-204), on ne retrouve pas le mouvement, l’ingéniosité, le sens étonnant de la mise en perspective immédiate qui mettent hors de pair, […], les exposés du prisonnier de 191791 ». De fait, cette guerre, épreuve charnière pour Henri Morel, qu’a-t-elle été pour de Charles de Gaulle ?
37Dans une lettre écrite en septembre 1918, alors qu’il est en captivité en Allemagne, il confie à sa mère :
« Je suis un enterré vivant. Lisant l’autre jour dans quelque journal le qualificatif de “revenants” appliqué à des prisonniers rentrés en France, je l’ai trouvé lamentablement juste. […]. Pour travailler il faut avoir un but. Or, quel but puis-je avoir ? Ma carrière, me direz-vous ? Mais, si je ne peux combattre à nouveau d’ici la fin de la guerre, resterai-je dans l’armée ? Et quel avenir médiocre m’y serait fait ? Trois ans, quatre ans de guerre auxquels je n’aurais pas assisté, davantage peut-être ? Pour avoir quelque avenir dans la carrière, en ce qui concerne les officiers de mon âge et qui ont quelque ambition, la première, l’indispensable condition sera d’avoir fait la campagne, d’avoir, au fur et à mesure qu’elle changeait de forme, appris à la juger, formé ses raisonnements, trempé son caractère et son autorité. Au point de vue militaire je ne me fais aucune illusion, je ne serai moi aussi qu’un “revenant” […]92. »
38Affecté par sa « non guerre », de Gaulle s’est semble-t-il aménagé une période de convalescence. Au cours de laquelle il s’est reconstruit, étape par étape. Cela commence en 1919, par un stage à Saint-Maixent, se poursuit en 1920 en Pologne, où il s’attelle à la formation des cadres de l’armée polonaise et s’achève en 1922 avec son entrée à l’École supérieure de guerre. Entre-temps, en 1921, « le commandant polonais redevenu capitaine français aura obtenu la nomination qu’il brigue, celle de professeur d’histoire à Saint-Cyr93 ». Aussi la confrontation avec un officier issu de l’École normale supérieure, dont l’érudition et les capacités pouvaient déjà paraître gênantes mais qui – plus encore – possédait une expérience de la guerre « supérieure » à la sienne, ne pouvait être qu’inévitable.
39En 1931, les deux hommes se partagent la couverture de la Revue militaire française94. À ce moment, Morel semble avoir abandonné à d’autres les questions relatives à la « psychologie » du commandement au sein de l’armée française. Dans le cadre de sa thèse portant sur la Revue militaire française et la Revue militaire générale dans l’entre-deux-guerres, le juriste Christian Boyer observe que : « De cette philosophie de l’action, attribut classique des vertus d’un chef, à l’empirisme proclamé d’une doctrine de guerre, la tonalité pragmatique de l’essai du capitaine Morel semble préfigurer les conceptions présentées bientôt dans la Revue militaire française par un autre officier, fraîchement émoulu de l’École de Guerre. Charles de Gaulle proposera en effet, sous la magnificence littéraire du style, un hommage altier à cette “école d’intonation”95 et de caractère qu’est le commandement, menacée une fois encore, par le retour de vieux réflexes formalistes voire dogmatiques96. »
Notes de bas de page
1 Je souhaite vivement remercier Éric Vial de m’avoir suggéré cette formulation.
2 Fonds privé Morel, extrait d’une note d’introduction à un cycle de conférences, sans titre (intitulée pour cette étude « Guerre et paix : approche philosophique »), (s.d. néanmoins rédigée entre 1919 et 1924), 5 pages manuscrites.
3 Fonds privé Morel, double du dossier « Capture – pièces justificatives », octobre-novembre 1919.
4 René Tournès, L’Histoire militaire. But et utilité – Difficultés et méthodes. La crise de l’histoire. L’enseignement de l’histoire dans les Écoles militaires préparatoires et à l’École de guerre, Paris, Lavauzelle, 1922, 116 pages.
5 SHD/DAT, 13 Yd 1507, dossier du général de brigade René Tournès. Promu colonel en décembre 1923, il est attaché militaire près l’ambassade de France à Berlin de 1927 à 1930. Général de brigade, il est placé sur sa demande, par anticipation, dans la section de réserve le 1er décembre 1930.
6 Il s’agit des écoles d’élèves officiers de Saint-Cyr, Saint-Maixent, Fontainebleau, Versailles et Saumur.
7 René Tournès, L’Histoire militaire…, p. 76.
8 Ibid., p. 77.
9 Ibid., p. 78.
10 SHD/DAT, dossiers des élèves de l’École supérieure de guerre, non cotés. 49e promotion (1927-1929), dossier Morel ; H. L., capitaine, infanterie. Feuille de renseignements manuscrits datés du 14 novembre 1927.
11 René Tournès, L’Histoire militaire…, p. 76.
12 Ibid., p. 77.
13 Ibid., p. 82.
14 Ibid., p. 87.
15 Idem.
16 Ibid., p. 81 et 82.
17 Ibid., p. 83.
18 Cité par René Tournès, L’Histoire militaire…, p. 82.
19 Fonds privé Morel, cours d’histoire (EOR), L’évolution de l’art de la guerre des origines à nos jours, 1921-1922 et 1922-1923, 125 et 61 pages ; cours d’histoire (1re année), Notions générales sur les rapports entre la politique, les institutions militaires et l’art de la guerre des origines à nos jours, 1923-1924, 255 pages.
20 Fonds privé Morel, cours d’histoire militaire, Quelques aspects historiques du problème de l’armée, Versailles, septembre 1919-janvier 1920, 99 pages.
21 SHD/DAT, 13 Yd 602, dossier du général de brigade Louis Henri Morel. Notation signée par le lieutenant-colonel Gombeau, commandant en second l’ESM, 27 décembre 1920.
22 SHD/DAT (bibliothèque), cours d’histoire militaire (tome 1), Quelques aspects historiques du problème de l’armée (de l’armée royale à l’armée du Second Empire), extrait du cours du capitaine Morel, édité à l’École spéciale militaire en 1920, Librairie militaire de Saint-Cyr Coëtquidan (ateliers d’impression), (s. d.), 75 pages.
23 Notamment « Considérations historiques sur la forme de l’armée », Revue militaire française, octobre 1922, p. 77-96.
24 Fonds privé Morel, cours d’histoire militaire (1re année), Essai sur le sens de l’évolution des institutions militaires, août-octobre 1920, 103 pages.
25 Fonds privé Morel, ibid., p. 102.
26 Fonds privé Morel, idem.
27 Fonds privé Morel, cours d’histoire militaire (1re année), Histoire de la politique extérieure de la France (version dactylographiée et imprimée), Versailles, avril 1922, 166 pages.
28 Fonds privé Morel, 6. La politique révolutionnaire. La politique de Napoléon. (27 p.) (non daté, non signé), p. 5.
29 Fonds privé Morel, 7. La politique étrangère au XIXe siècle. Le retour à la politique traditionnelle (1814-1848) (32 p.), 17 février 1922, p. 1 et 2.
30 Fonds privé Morel, 6. La politique révolutionnaire. La politique de Napoléon. (27 p.) (non daté, non signé), p. 1.
31 Lucien Febvre, Combats pour l’Histoire, A. Colin, 1953, avant-propos, p. VII cité par Dominique Decherf, Bainville, l’intelligence de l’Histoire, Bartillat, 2000, p. 95.
32 Domique Decherf, Bainville…, p. 92-93.
33 Ibid., p. 95.
34 Fonds privé Morel, cours d’histoire militaire (1re année), sept fascicules manuscrits, Histoire de la politique extérieure de la France : 6. La politique révolutionnaire. La politique de Napoléon. Introduction : la politique nouvelle, p. 2.
35 Fonds privé Morel, ibid., p. 1.
36 Fonds privé Morel, ibid., p. 2.
37 Fonds privé Morel, ibid., p. 3.
38 Fonds privé Morel, ibid., p. 5.
39 Extrait de la chronique d’Emmanuel de Waresquiel sur la réédition du Napoléon de Jacques Bainville parue dans Le Monde des Livres en avril 2005.
40 Antoine Prost, Douze leçons sur l’histoire, Paris, Points Seuil, 1996, p. 24.
41 SHD/DAT, 13 Yd 602, dossier du général de brigade Louis Henri Morel. Notation signée par le lieutenant-colonel Gombeau, commandant en second l’ESM, 30 décembre 1922.
42 Eugen Weber, L’Action française, Paris, Stock, 1964, p. 97.
43 Ibid., p. 98.
44 Jean Guéhenno, Journal d’un homme de 40 ans, Paris, Grasset, 1934 (1980), p. 164.
45 Fonds privé Morel, Pour limiter la guerre. Réflexions inactuelles, (s.d. mais certainement rédigée entre 1922 et 1923), p. 5.
46 Fonds privé Morel, extrait d’une note d’introduction à un cycle de conférences, sans titre (intitulée pour cette étude « Guerre et paix : approche philosophique »), (s.d. néanmoins rédigée entre 1919 et 1924), 5 pages manuscrites.
47 Fonds privé Morel, compte rendu du « capitaine Morel, professeur adjoint d’histoire à monsieur le général Tanant, commandant l’École spéciale militaire », le 18 avril 1921.
48 Fonds privé Morel, Essais de psychologie tactique pour servir d’introduction à la tactique réaliste. De la valeur de l’expérience du combattant, (s.d.), p. 2.
49 Fonds privé Morel, Réflexions sur l’armée de la guerre et les tendances de l’armée d’après guerre, 1922, p. 4.
50 Fonds privé Morel, ibid., p. 2.
51 Fonds privé Morel, ibid., p. 3.
52 « Très près de la zone effrayante de mort, il y avait une zone d’accidents, avions ou canons à longue portée, puis zone de tranquillité absolue. Dans la zone d’accidents les gens quelque fut leur métier étaient habillés en militaire. Dans la zone de tranquillité, en militaire ou en civil, mais tout cela indifféremment c’était la nation armée. […]. Les combattants devenaient le petit nombre élite en principe, résidu en fait, les non combattants devenaient la majorité : on désarmait un nombre de plus en plus grand d’individus pour fournir des armes aux autres : c’est cela qu’on appelé la nation armée. » Fonds privé Morel, ibid., p. 3.
53 Stéphane Audoin-Rouzeau, Annette Becker, 14-18, retrouver la Guerre, Paris, Folio, 2003, p. 197.
54 Fonds privé Morel, Introduction à l’histoire de la guerre de position. Leçon faite aux EOR à l’ESM, juillet 1922, p. 2.
55 Fonds privé Morel, idem.
56 Fonds privé Morel, Réflexions tactiques, extraits, 1915-1918, (s.d. mais certainement rédigé en juillet 1922), p. 4.
57 « Le commandement français envisage la reprise de la guerre de mouvement. Il n’a pas encore abandonné ses conceptions du début. Il n’a pas abdiqué devant l’expérience tactique. » Fonds privé Morel, ibid., p. 1.
58 Fonds privé Morel, ibid., p. 2-3.
59 Fonds privé Morel, ibid., p. 4.
60 Fonds privé Morel, ibid., p. 8.
61 Fonds privé Morel, ibid., p. 9.
62 Fonds privé Morel, ibid., p. 10.
63 Fonds privé Morel, ibid., p. 6.
64 Fonds privé Morel, ibid., p. 5.
65 Frédéric Rousseau, La guerre censurée. Une histoire des combattants européens de 14-18, Paris, Points Seuil, 2003, p. 16.
66 Ibid., p. 6.
67 Fonds privé Morel, Introduction à l’histoire de la guerre de position…, p. 7.
68 Fonds privé Morel, Essais de psychologie tactique… Préface aux réflexions tactiques d’un officier subalterne, janvier 1923, p. 1.
69 Fonds privé Morel, Essais de psychologie tactique pour servir d’introduction à la tactique réaliste, (par le « capitaine H. Morel de l’infanterie, officier de fortune, janvier, mars, avril 1923 »), étude composée de huit textes.
70 Raymond Aron, Introduction à la philosophie politique. Démocratie et révolution, Paris, Le livre de Poche, 1997, p. 26.
71 Fonds privé Morel, Essais de psychologie tactique… Préface aux réflexions tactiques…, p. 1.
72 Fonds privé Morel, Essais de psychologie tactique… Empirisme organisateur et esprit de finesse en tactique, février 1923, p. 1.
73 Bruno Goyet, Charles Maurras, Paris, Presses de Sciences po, 2000, p. 192.
74 Voir Jean-Louis Loubet del Bayle, Les non-conformistes des années 30. Une tentative de renouvellement de la pensée politique française, Paris, Seuil, 1969 (2001), p. 46-47.
75 Raymond Aron, Introduction…, p. 24-25.
76 Ibid., p. 19-20.
77 Fonds privé Morel, Essais de psychologie tactique pour servir d’introduction à la tactique réaliste, couverture.
78 Raymond Aron, Introduction…, p. 20.
79 Fonds privé Morel, Essais de psychologie tactique… Préface aux réflexions tactiques…, p. 3.
80 Fonds privé Morel, Essais de psychologie tactique… Quelques règles de tactique défensive, mars 1923, p. 1.
81 Fonds privé Morel, Essais de psychologie tactique… De l’imagination manœuvrière ou du stratagème, avril 1923, p. 6.
82 Fonds privé Morel, ibid., p. 3.
83 Fonds privé Morel, ibid., p. 7.
84 SHD/DAT, 13 Yd 602, dossier du général de brigade Louis Henri Morel. Notation signée par le colonel Philippot, commandant en second l’ESM, 17 août 1924.
85 Fonds privé Morel, compte rendu du « capitaine Morel, professeur adjoint d’histoire à monsieur le général Tanant, commandant l’École spéciale militaire », le 18 avril 1921.
86 Fonds privé Morel, extrait d’une note d’introduction à un cycle de conférences, sans titre (intitulée pour cette étude « Guerre et paix : approche philosophique »)….
87 Stéphane Audoin-Rouzeau, Annette Becker, 14-18…, p. 64.
88 Ministère de la Guerre, Annuaire officiel de l’armée française pour 1920-1921, Paris, Berger-Levrault, 1921, p. 1297-1298.
89 Les deux fils d’Henri Morel m’ont fait remarquer que leur père reprochait à Charles de Gaulle d’avoir repris à son compte certaines de ses idées.
90 Cité par Jean Lacouture, De Gaulle, le rebelle (1890-1944), Paris, Point Seuil, 1990, p. 113.
91 Idem.
92 Extrait des Lettres, notes et carnets, tome I, p. 519-520, cité par Jean Lacouture, De Gaulle…, p. 95. Le calcul exact des années de guerre « manquées » par de Gaulle est, d’après Jean Lacouture, de deux ans et dix mois.
93 Ibid., p. 110.
94 Revue militaire française, n ° 120, juin 1931. Articles du chef de bataillon C. De Gaulle, « Du prestige », p. 395-412 et du chef de bataillon H. Morel, « Les forces militaires de l’Empire britannique », p. 413-443.
95 Henri Morel, « Éloge du dogmatisme militaire », Revue militaire française, juin 1924, p. 388.
96 Christian Boyer, La Revue militaire française (1921-1936) et la Revue militaire générale (1937-1938) : contribution à l’histoire des institutions militaires en France entre les deux guerres, thèse de doctorat de droit sous la direction de Jean Bastier, université de Toulouse I, 1995, tome 2, p. 510.
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