Chapitre 1. La fin d’une guerre
p. 25-39
Texte intégral
1À l’exception d’une lettre retraçant les différentes étapes du combat qui ont amenées à sa capture en mai 1918, Henri Morel ne laisse aucun écrit de guerre : ni carnet, ni journal, ni notes, ni testament ; aucune correspondance retrouvée. En dehors d’une collection de photographies, rien n’a semble-t-il existé ou n’a été conservé d’une période pourtant essentielle. Si l’engagement de l’École normale supérieure au cours de la Première Guerre mondiale n’apparaît ici qu’en filigrane ; les pertes de sa promotion rapportées à celles de l’École sont éclairantes et déterminent presque, à elles seules, un vécu. Cependant, afin de mieux cerner cette expérience de guerre et les raisons qui ont motivé son choix de carrière, d’autres questions se posent : quel a été le rôle des normaliens au cours du conflit ? Quels sont ceux qui ont choisi d’opter pour une carrière militaire ? En quoi le parcours d’Henri Morel est-il différent de celui des autres normaliens « restés dans l’armée » ? L’unique témoignage, d’ordre personnel, dans lequel il relate un épisode de « sa » guerre – et non des moindres puisqu’il s’agit de celui de sa capture – est un texte très évocateur. Écrit quelques années après la fin du conflit, ce récit laisse apparaître l’évidente prégnance de l’épreuve guerrière et contient les prémices de son anticonformisme.
Une perception « normalienne » de la guerre ?
Approche générale : la contribution de l’École normale supérieure à la Première Guerre mondiale
2En juillet 1911, le directeur de l’École normale supérieure écrivait au ministre de la Guerre :
« […] tous les ans un certain nombre d’élèves quittent l’École sans avoir été autorisés à contracter l’engagement volontaire prescrit par la loi du 21 mars 1905, et sont versés dans les services auxiliaires, où ils accomplissent leurs deux années de service dans une section de commis et ouvriers militaires. Je pense qu’il serait possible de tirer un meilleur parti pour l’armée de jeunes gens qui sont en possession d’une culture supérieure, et qui, s’ils avaient été reconnus aptes au service actif, seraient utilisés pendant leur deuxième année de service comme officier de complément. […]. Il semble que dans les services géographique et historique de l’armée, on pourrait également tirer bon parti de nos élèves historiens et géographes1. »
3Ernest Lavisse déplorait, avant la guerre, le sort fait aux normaliens non reconnus aptes au service militaire mais, en dépit de propositions cohérentes, il n’obtint du ministre de la Guerre qu’une fin de non-recevoir. Par extension et en élargissant l’approche, il est opportun de poser la question de l’emploi des élèves et anciens élèves de l’École normale supérieure entre 1914 et 1918. Cet « emploi » conditionne une expérience et un vécu de guerre qui, de fait, dessinent les contours d’une perception « normalienne » de la Première Guerre mondiale.
4Dans son article consacré aux « normaliens dans la Grande Guerre2 », Olivier Chaline observe que : « Les affectations dans les corps de troupes sont variées, mais presque toujours dans l’armée de terre : infanterie de ligne, zouaves, chasseurs, parfois armée coloniale et même dans un cas Légion étrangère. » Il précise, en outre, que les normaliens y servent essentiellement en qualité d’officier :
« D’après l’état de 1919, en laissant de côté médecins, officiers d’administration ou d’intendance et interprètes qui ne font que 9 %, on constate la prédominance attendue des officiers : 0,3 % de commandants, 10,9 % de capitaines, 15,2 % de lieutenants et 34,3 % de sous-lieutenants, renforcés par 0,1 % en formation à la fin de la guerre, soit au total 60,8 %. Il faut y ajouter quelques officiers de réserve montés en grade avant 1914, tel Péguy, les sous-lieutenants, lieutenants et capitaines de la liste de 1919 viennent des promotions récentes. Les capitaines sont souvent des sous-lieutenants de 1914 rescapés et promus. Plusieurs officiers, après des blessures graves, ont été affectés à des postes moins exposés3. »
5Cette dernière constatation est fondamentale, puisque la majeure partie des élèves issus des promotions 1908, 1909, 1910, 1911, 1912, 1913 et 1914 a combattu en première ligne. À ce titre, l’exemple de la promotion « lettres » 1909-1912 est particulièrement évocateur. Sur les treize anciens élèves « morts pour la France » entre août 1914 et mai 1917, on recense onze officiers subalternes (six sous-lieutenants, un lieutenant et quatre capitaines). De surcroît, au moment où survient leur mort, tous appartiennent à un régiment d’infanterie à l’exception d’un seul, affecté dans un bataillon de chasseurs.
6Les affectations de normaliens en état-major ne sont pas un fait courant. Elles interviennent, pour la plupart, en raison de l’âge ou après une blessure jugée trop invalidante pour un retour sur le front. C’est alors que certains d’entre eux se voient affectés dans les rouages du haut commandement et, notamment, au sein du 2e bureau de l’état-major de l’armée4 où ils se révèlent souvent très compétents. Aussi pour Olivier Chaline :
« Le temps de la dispersion était venu. Il ne s’agissait plus de quitter l’École pour des postes de professeur de lycée ou de lecteur à l’étranger. Désormais il y eut des normaliens sur tous les fronts et dans toutes les parties du monde, affectés à des postes très inégalement exposés. Servir dans un état-major en Algérie ou en Indochine n’avait rien de commun avec se battre à Verdun, sur la Somme ou dans les Balkans. Pour ceux que la guerre avait surpris à l’École, leurs années de formation se passèrent dans un régiment, faisant d’eux des “officiers universitaires” selon l’étonnante mais opportune formule de Paul Dupuy […]5. »
7L’engagement en première ligne des normaliens est très nettement attesté par le nombre de « tués à l’ennemi ». Ainsi, pour les promotions entrées à l’École entre 1908 et 1914, les pertes avoisinent 36 %. Lorsqu’en juillet 1925, le maréchal Foch remet la croix de guerre à l’établissement, le texte de citation qui l’accompagne est le suivant : « L’École normale supérieure. A fourni dans les réserves une brillante phalange de cadres, spécialement instruits pour l’infanterie, qui se sont sacrifiés sans compter et dont la haute valeur intellectuelle et morale, l’esprit d’initiative et de devoir ont collaboré glorieusement au triomphe de nos armées6. » Olivier Chaline ajoute : « La lapidaire rhétorique militaire reconnut ainsi l’exceptionnelle ampleur des pertes normaliennes qui souffrent la comparaison qu’avec celles de Saint-Cyr7. » Les chiffres ci-dessous sont extraits d’une liste établie, en décembre 1926, par la direction de l’ENS pour les promotions 1908-1914 : les plus touchées. Après le calcul et l’étude de ces pourcentages, il apparaît que la promotion 1909 est la plus affectée avec 42,6 % de pertes. Si les « scientifiques » ont perdu plus de la moitié de leur promotion ; les « littéraires » ont, quant à eux, perdu treize des leurs.

Pertes des promotions 1908-1914 de l’École normale supérieure au cours de la Première Guerre mondiale8
(L : section « lettres » - S : section « sciences »)
Approche particulière : les pertes des « littéraires » de la promotion 1909-1912
8La section « lettres » de la promotion 1909 compte parmi les deux sections « lettres » les plus affectées. Pour autant, si les pertes affichées par la section « lettres » de la promotion 1913 restent concevables, du fait de la modeste expérience militaire des élèves, leur montée au front s’est inévitablement transformée en carnage ; les pertes de la promotion 1909 sont, quant à elles, plus difficiles à expliquer. Ne serait-ce que par rapport à celles plus relatives de la promotion 1908. À l’instar d’Henri Morel, les « archicubes9 » de la promotion 1909-1912 ont terminé leur service militaire en 1914, voire même en 1913 pour ceux qui avaient choisi d’effectuer leur première année de service avant leur entrée à l’École. La liste nominative et détaillée des anciens camarades de Morel « morts pour la France » atteste la conclusion d’Olivier Chaline : « À l’École, les six premiers mois de la guerre ont été à eux seuls presque aussi meurtriers que toute l’année 1915, pourtant la plus sanglante pour les normaliens, les pertes décroissant sensiblement ensuite. L’enthousiasme, une tactique inadaptée et le manque d’expérience expliquent les hécatombes initiales et aussi leur poursuite, même atténuée, en 1915 […]10. »
9Ainsi, parmi les littéraires de la promotion 1909, ont été « tués à l’ennemi » en 1914 : le sous-lieutenant André Ruplinger, né en juillet 1889, affecté au 92e RI, mort en août ; les sous-lieutenants André Arnoult (né en octobre 1888, affecté au 274e RI) et Fernand Mouchet (né en juillet 1889, affecté au 325e RI) ainsi que le sergent Gabriel Béra (né en août 1886, affecté au 254e RI), tous trois morts en septembre ; et enfin les sous-lieutenants Georges Morillot (né en mai 1888, affecté au 27e RI) et Fernand Pétrus (né en juin 1889, affecté au 14e RI), tous deux morts en décembre 1914. Sont décédés dans les six derniers mois de 1915 : le sous-lieutenant Georges Lecerf, né en juin 1887, affecté au 136e RI, et les capitaines Philippe Borrell (né en janvier 1890, affecté au 146e RI) et Jean Vigier (né en mars 1889, affecté au 66e bataillon de chasseurs). Capitaine Vigier à propos duquel l’un des sergents écrivait : « Nous aimions profondément cet officier ; nous pensions par lui, notre devoir était facile : nous n’avions qu’à le suivre. […]. Nous étions partis pour la gloire de combattre […] ; deux mois de guerre nous ont prouvé l’inanité de cette façon de voir et, au moment de notre désarroi, le capitaine Vigier nous a dit : […] “le devoir d’un vrai soldat n’est pas où vous l’avez placé : la guerre actuelle n’a rien de glorieux ; nous sommes les moines de couvents nomades, dont la règle est l’honneur, et notre honneur à nous c’est de souffrir et d’être perpétuellement vainqueurs de notre souffrance”11. » Le capitaine Fernand Galtier (né en 1890, affecté au 14e RI) et le lieutenant Frédéric Gauthier (né en 1889, affecté au 58e RI) ont été tués en juillet 1916 à Verdun. Enfin le capitaine Yves Lemarec, né en 1889, affecté au 136e RI a trouvé la mort le 19 mai 1917 dans l’Aisne12. Un tel bilan est-il une hécatombe ? Quelles répercutions de pareilles pertes ont-elles pu avoir sur les survivants ?
Les raisons probables d’une carrière militaire
10Si l’on excepte le fait qu’il ait rejoint les cadres de l’armée active en octobre 1916, le parcours d’Henri Morel illustre bien l’engagement des normaliens au cours de la Première Guerre mondiale. Seule une blessure plus grave que celle reçue en août 1914 lui aurait value une affectation en état-major. Comme certains de ses camarades, Morel a passé quatre années de guerre à la tête d’une section puis d’une compagnie de mitrailleuses dans un régiment puis une brigade d’infanterie ; poste pour le moins exposé. Et si aucun document ne révèle vraiment les raisons de son engagement dans l’armée d’active, il est cependant possible d’énoncer quelques hypothèses. La première d’entre elles tient évidemment à son échec à l’agrégation de lettres en 1912. En devenant officier de carrière, Morel rompt avec le milieu universitaire et se détourne de l’avenir aléatoire que pourrait y trouver un normalien sans agrégation, tout en respectant l’engagement décennal liant tout ancien élève de l’École normale supérieure à l’État. Ce choix, toutefois, n’a pas été prémédité, puisqu’il évoque une vocation « capricieuse13 ». Les autres raisons restent plus subjectives et tiennent à la fois à l’influence probable d’un officier général, à celle plus certaine d’un officier supérieur ainsi que d’« une véritable découverte de la volonté et du commandement14 ».
11Officier de réserve, Morel a semble-t-il entretenu de bons rapports avec le général Édouard de Curières de Castelnau, commandant la IIe armée en 1914, puis commandant du groupe d’armée du Centre en 1915, adjoint du général commandant en chef (1915-1916) et enfin commandant du groupe d’armée de l’Est à la fin de la guerre. Ce dernier a certainement joué un rôle dans sa décision. Il est du reste probable que les deux hommes aient eu une correspondance assez suivie après guerre, comme tend à le prouver cette lettre de janvier 1927, dans laquelle Castelnau écrit : « Ceux qui vous ont enrôlé dans le SR ont vraiment fait preuve d’intelligence. Vous avez été là dans une situation d’indépendance relative, où vos qualités de réflexion et de perspicacité trouvaient un champ d’action digne de vous et vous permettant de rendre au pays d’excellents services. » Autre preuve des relations entre les deux hommes, une photographie dédicacée sur laquelle on peut lire : « Au capitaine Morel mon très précieux très affectionné et trop modeste collaborateur. Double témoignage de ma profonde et inaltérable gratitude15. » Toutefois, les documents manquent pour déterminer la nature et la fréquence de leurs rapports. In fine, l’unique officier auquel Morel fait clairement allusion comme ayant motivé son engagement est le colonel Alfred Giralt : « Au début de 1916, le colonel Giralt commandant la 147e brigade (actuellement général), dont depuis un an je commandais la compagnie de mitrailleuses, voulut bien m’engager à entrer dans les cadres actifs : on se préoccupait sans doute à ce moment de rechercher des officiers et le colonel Giralt voulait bien ne pas me croire indigne de ce choix. J’hésitais quelque temps devant cette offre sur laquelle il eut la bienveillance de revenir […]16. »
12À l’instar de Maurice Genevoix, la découverte du combat n’a-t-elle pas eu sur Morel un effet quasi salvateur ? « J’avais été, dès les premiers contacts, extraordinairement attentif, voué sans réserve à un métier inconnu, à coup sûr dangereux et dur, mais accepté quel qu’il pût être. Si je devais caractériser d’un mot mon état d’esprit en ces jours, j’écrirai le mot “curiosité”. Triste jusqu’au fond de l’âme, j’étais en même temps curieux, intensément, de toute part ouvert et réceptif, intéressé au point d’en oublier mon appréhension ou ma peur17. » En octobre 1936, alors qu’il décrit la violence des premiers mois de la guerre civile espagnole, Morel formule cette étonnante remarque : « Plus tard, je serai heureux d’avoir vécu cette expérience dont l’intensité n’a d’égale dans mon souvenir que celle de la guerre : intensité et étrangeté18. » Très vraisemblablement attiré par cette « intensité », il « commande sa compagnie de mitrailleuses avec goût et entrain. Inspire la confiance à sa troupe en raison de la sûreté et de l’étendue de ses connaissances. A des qualités de calme et de sang-froid. Vigoureux et très actif. Très belle tenue et conduite parfaite19 ». Si une telle notation laisse deviner de profondes capacités d’adaptation, elle reflète aussi la force d’attraction que constitue la découverte de ce « métier inconnu » et éminemment transcendant. Puisqu’il est important de rappeler que lors de l’examen militaire réalisé en cours de scolarité à l’ENS20, il se classait dans le dernier tiers de sa promotion21.
13Quelles que soient ses exactes motivations et quels que soient les sentiments et les hommes à l’origine de cette décision, Henri Morel est l’un des rares normaliens de sa génération à avoir opté pour une carrière militaire. Comme il le souligne d’ailleurs, lui-même, dans un compte rendu rédigé en septembre 1926 : « Il semble que l’on considère actuellement que quelques entrées dans l’armée, ces cas restant exceptionnels, d’anciens élèves de l’École Normale Supérieure, n’ont point été préjudiciables à la valeur du corps des officiers d’après guerre22. » Lorsqu’en juin 1929, le général directeur de l’infanterie sollicite le directeur de l’ENS pour connaître : « […] les noms et les titres universitaires des anciens élèves de l’ENS qui sont restés dans l’armée active comme officiers ». Ernest Lavisse dresse la liste suivante :
« J’ai l’honneur de vous faire savoir que ces anciens élèves, sont, à ma connaissance, les suivants :
Lettres :
Gainsette Lucien (promotion 1912), licencié et diplômé d’études supérieures à sa sortie de l’École ;
Lacassie Georges (promotion 1907) capitaine à l’état-major de l’armée, licencié et diplômé d’études supérieures à sa sortie de l’École ;
Morel Henri (promotion 1909) capitaine d’infanterie en mission en Espagne, licencié et diplômé d’études supérieures à sa sortie de l’École ;
Thomas Marcel (promotion 1914) mobilisé aussitôt après le concours d’admission, n’est pas venu, à la fin des hostilités, prendre à l’École la place à laquelle il avait droit.
Sciences :
Bartozsewski Stanislas (promotion 1907) ingénieur principal d’artillerie navale, licencié et diplômé d’études supérieures à sa sortie de l’École ;
Labussière Gaston (promotion 1904) ingénieur en chef de l’aéronautique, reçu 4e à l’agrégation des sciences naturelles en 1909 ;
Miconnet Léon (promotion 1910) capitaine d’infanterie, professeur adjoint de sciences appliquées à l’École spéciale militaire de Saint-Cyr, licencié et diplômé d’études supérieures à sa sortie de l’École ;
Salmon Robert (promotion 1913) capitaine d’infanterie breveté à l’état-major de la division, mobilisé à la fin de sa première année d’études ;
Vernotte Pierre (promotion 1917) ingénieur au corps de l’aéronautique, chef du laboratoire de physique au service technique de l’aéronautique, reçu 2e à l’agrégation de physique en 1921.
J’ignore les titres universitaires que ces anciens élèves ont pu acquérir depuis leur sortie de l’École23. »
14Après avoir isolé les deux anciens élèves ayant eu la même scolarité que Morel (soit diplôme d’études supérieures ès lettres mais échec à l’agrégation) et après avoir examiné leur dossier militaire, on constate qu’ils ont vécu l’épreuve de la guerre dans des circonstances différentes. George Lacassie, plus âgé, a bénéficié des connaissances acquises lors d’un stage à l’École supérieure de guerre en 1913, puisqu’il est d’emblée affecté à l’état-major de la 136e brigade avant de passer, en août 1917, à celui de la 68e division d’infanterie où il « […] rend d’excellents services au 2e bureau […], qu’il dirige avec beaucoup de compétence et de jugement24 ». Il est nommé capitaine d’active le 20 mai 1919. D’août 1914 à mars 1916, Lucien Gainsette est, quant à lui, chef de section puis commandant de compagnie au 67e RI. Blessé lors de la bataille des Éparges en avril 1915, il est admis dans l’armée active en octobre 1916. Dirigé sur le centre d’instruction d’état-major du GQG de Senlis, il est affecté en 1917 à l’état-major de la 134e DI puis à celui de la 58e DI où il termine la guerre25. Bien que blessé à deux reprises, Morel n’a, quant à lui, jamais bénéficié d’une affectation autre que celle de commandant d’une unité de mitrailleuses : l’a-t-il souhaitée ou l’a-t-il subie ? Une nouvelle fois les éléments manquent pour apporter une réponse précise. Comme ils manquent pour savoir quel impact a pu avoir sur lui la perte de ses camarades. Le fait d’avoir appartenu à l’une des promotions de l’École normale supérieure les plus décimées l’a-t-il laissé insensible26 ? Sigmund Freud n’écrivait-il pas, en 1915, que la guerre modifiait le rapport de l’homme à la mort : « [La guerre] nous dépouille des couches récentes déposées par la civilisation et fait réapparaître en nous l’homme des origines. Elle nous contraint de nouveau à être des héros qui ne peuvent croire à leur propre mort ; elle nous désigne les étrangers comme des ennemis dont on doit provoquer ou souhaiter la mort ; elle nous conseille de ne pas nous arrêter à la mort des personnes aimées27. »
15Une mort à laquelle Henri Morel a lui-même échappé de façon certaine à la fin mai 1918, bien que sa notation ait pris, pour cette année, la forme d’une épitaphe : « Officier remarquable à tous égards, qui a certainement été méconnu. Image du devoir, d’une culture extraordinaire d’une valeur morale peu commune, d’un courage à toute épreuve. Disparu le 28 mai 1918 sur le plateau de Vrégny28. »
L’« affaire » engendrée par sa capture
16Peu de temps après son retour de captivité en janvier 1919, Henri Morel est sollicité par le commandement du régiment d’active auquel il appartient, le 30e RI, afin de s’expliquer sur sa conduite au cours de la journée du 28 mai 1918. Concrètement, cela se traduit par l’établissement d’un rapport dans lequel il retrace les différentes étapes du combat de Vrégny. Il s’agit alors pour lui, comme il l’avoue du reste sans ambages, de « provoquer l’établissement d’une feuille individuelle29 » afin de se voir attribuer une éventuelle nouvelle citation. Cependant, en mai 1919, son détachement au bureau du personnel et des décorations du Grand Quartier général de Foch à Chantilly le pousse à suspendre sa démarche ; ce bureau étant justement en charge de l’appréciation des feuilles individuelles30. Ainsi, il attendra d’être nommé professeur d’histoire militaire à Saint-Cyr pour donner suite à cette demande. Le dossier intitulé « Capture – pièces justificatives » retrouvé dans ses archives personnelles est daté d’octobre-novembre 1919, le dernier paragraphe de la lettre d’envoi qui accompagne le rapport donne le ton : « J’ai conscience de ne mériter aucun blâme. Dans l’absolu, ayant préféré la captivité à la mort, je ne mérite pas d’éloges. Relativement, il vous appartient de juger si j’ai été utile et si j’ai bien fait de me mettre dans la situation qui a amenée ma capture31. »
17Sa capture, ainsi que celle des « rares survivants des sections [qu’il avait] sacrifiées32 » comme il l’écrit avec distance et sans compassion apparente, est donc consécutive à un ordre de repli qu’il a refusé d’exécuter. Passons sur les événements relatés et concentrons-nous sur les termes récurrents du rapport : « J’ai cru devoir prendre sur moi » à la page 1 et « J’ai pris sur moi » ainsi que « J’ai cru devoir prendre le commandement33 » à la page 2 ; qui – in fine – mettent en exergue cet aspect essentiel de sa personnalité : liberté de jugement et donc liberté d’action. Trait de caractère qu’on semblait déjà lui reprocher dans une notation de décembre 1917 : « Esprit critique développé. Caractère original mais un peu difficile34. » Le dossier se compose, en outre, d’un compte rendu rédigé par le lieutenant-colonel – ancien commandant du 230e RI – qui lui est favorable, bien qu’il mentionne la non-exécution de l’ordre de repli35, puisque se terminant par ces mots : « Le capitaine Morel n’est pas à blâmer, mais à féliciter hautement, et j’estime que cet officier dont la manière de servir, le dévouement, la capacité professionnelle et la bravoure ont toujours été légendaires au 230e, mérite une récompense36. » De fait, une citation à l’ordre de l’armée lui est décernée en décembre 1919. Pourtant ce dossier intitulé « Capture – pièces justificatives » semble aussi répondre à une demande d’enquête. Que risquait-il pour avoir désobéi ? Le conseil de guerre ? Le moment où intervient sa capture (fin mai 1918), relatif à la situation du front français lors des offensives Ludendorff, ainsi que ses états de service au cours de quatre ans de guerre l’ont certainement préservé d’une condamnation.
18Dans une lettre manuscrite destinée à sa femme, non datée mais probablement écrite quelques années après l’établissement de ce dossier, Morel revient sur cet épisode qu’il décrit comme un point important de sa vie : « […] il finit ma guerre et le mot capture évoque des idées troubles37 ». De fait, avoir préféré la « vie en captivité » à la « mort au champ d’honneur » pouvait être considéré comme un manquement personnel au « devoir ». Mais ce texte, qui s’articule très méthodiquement autour de trois parties, laisse transparaître autre chose. Dans un premier temps, il expose les premières heures de l’opération allemande Blücher sur l’Aisne. On remarque que le nom « allemands », bien qu’orthographié avec une minuscule, n’est jamais remplacé par un terme péjoratif38 :
« Ma division était au repos dans la région de Soissons quand on apprit le 26 mai 1918 à 16 heures par des prisonniers l’imminence de l’attaque du chemin des Dames. Nous fûmes alertés vers 19 heures et nous partîmes vers 23 heures pour garnir de prétendues positions de repli au Nord de l’Aisne. Mon bataillon reçut à partir de 1 heure un tir de barrage asphyxiant à longue distance (15 kil.) qui fatigua les hommes et moi-même, qui venais d’avoir la grippe alors nouvelle et plus bénigne qu’en octobre. Nous arrivâmes sur les positions vers le matin et vers midi nous reçûmes le choc allemand qui avait à ce point submergé les troupes en ligne que nous n’en vîmes pas revenir un homme. Le premier choc inattendu pour les 2 adversaires fut un échec pour les Allemands qui ignoraient notre division. Mon bataillon étant en réserve, ma compagnie n’eut pas à intervenir. Nouvelle attaque vers 18 heures, échec encore. Mais nos pertes nous forcèrent à engager nos réserves : je donnais une de mes sections, que je ne revis pas. La compagnie de mitrailleuses comprenait alors 12 pièces, 4 sections de 2 pièces, 4 pièces de réserve. Je formais avec ces pièces (sans servant) deux sections de réserve grâce aux hommes de liaison qui m’entouraient (mais ce fait compromis ma liaison avec mes sections). La nuit du 27 au 28 se passa sans escarmouches. À droite, les Allemands progressaient, se répandaient au sud de l’Aisne dans notre dos. Le matin du 28 vers 7 heures nouvelle attaque. Elle fut repoussée également, mais les éléments de 1re ligne se replièrent et le bataillon de réserve, le mien, se trouva au contact des allemands, ma compagnie (3 sections plus 2 sections de marche) entrait en action… »
19La deuxième partie est consacrée au contexte particulier et se rapporte essentiellement à l’action de son bataillon et de sa compagnie :
« J’avais préparé à loisir des stocks de munitions. Chaque section avait à peu près 15 000 cartouches. Mes chefs de section et moi-même commîmes une première faute : croire le stock inépuisable. Nous réussîmes par des tirs continus à tenir les Allemands à distance de 7 heures du matin à midi, mais nous épuisâmes, sans leur infliger grandes pertes, nos munitions. Vers midi, un ordre de la division prescrivit de reformer des réserves. Certains bataillons iraient se reformer en arrière, et les bataillons restant s’étendraient pour prendre le front des bataillons relevés. Le résultat de cet ordre, théoriquement sage, pratiquement absurde, fut que ceux auxquels on dit de partir, partirent très vite et que ceux auxquels on dit de s’étendre, pris sous un feu violent, restèrent sur place : notre ligne, mince mais continue jusque-là, fut trouée à de nombreux endroits. Le nouvel effort des Allemands vers 13 heures amena leur irruption principalement à la droite de mon bataillon. J’étais à une de mes sections : j’avertis de suite mon chef de bataillon. Il donna l’ordre de repli à ceux qu’il pouvait atteindre. Je donnais cet ordre à la section qui possédait un officier. Je gardais les autres sous mon commandement. Commandement théorique, car le tir dirigé sur le village était tel (multiplié par les ricochets contre les murs) que j’étais coupé de la 4e et de la 1re section. Aucun agent de liaison, que j’envoyais, ne revint39. »
20On note que la non-exécution de l’ordre de repli apparaît ici comme un fait secondaire, alors qu’il était le point de « fixation » du précédent dossier. Le style est convenu et ne laisse pas transparaître la violence de l’affrontement. Cependant, la dégradation de la situation et finalement son impossibilité deviennent peu à peu patentes.
« Il était 15 heures environ. J’étais seul dans le village qui tenait grâce au tir de mes sections d’ailes. Cette situation se prolongea 2 à 3 h : nos munitions s’épuisaient, mais les Allemands subissaient des pertes assez lourdes. Vers 18 heures, sentant le ralentissement de notre tir, ils se portèrent à l’assaut. Je puis alors joindre la 1re section, le tir des Allemands qui se portaient à l’attaque ayant ralenti, et je donnais l’ordre de retraite aux sections de marche et à ma 1re section. La 4e section sans munition venait d’être anéantie. Je partis moi-même seul avec 2 agents de liaison pour rejoindre le point de ralliement le plus vite possible. Mais arrivé sur la crête en arrière du village, je fus arrêté par des mitrailleuses allemandes, installées par conséquent dans notre dos. Je perdis un de mes agents de liaison : je me couchais et j’espérais que la nuit me permettrait de me replier. Je restais une demi-heure sans pouvoir faire un mouvement, protégé par un remblai d’une cinquantaine de centimètres (mon sac tyrolien était continuellement percé de balles). Les Allemands qui avaient occupé le village que j’avais abandonné vinrent me cueillir dans cette position ridicule. »
21Si le style laisse toujours peu de place à la compassion, la relation de la phase de repli à la première personne du singulier semble transcrire le profond sentiment de solitude ressentit face à une fin probable. Alors qu’il mentionne ses deux agents de liaison et la mort de l’un des deux, il se raconte seul. Violemment pris a parti par les mitrailleuses allemandes, le capitaine Morel est cloué au sol puis capturé sans que l’on sache ce que devient l’autre agent de liaison.
22La troisième partie, enfin, prend la forme d’un bilan personnel :
« Comment ai-je agi ? Théoriquement, peu de choses à me reprocher : j’avais tenu jusqu’à épuisement de mes munitions. Pratiquement, mes fautes étaient nombreuses. 1) Gaspillage de mes munitions qui me laissa démuni lors de l’attaque décisive. 2) Manque de sang-froid dans l’ordre de repli40. Contrairement à mon rapport, je pouvais tenir quelques heures de plus dans le village même encerclé, et attendre la nuit qui eut permis un repli plus facile. 3) J’aurais pu essayer de passer sous le feu. Quelques-uns ont passé. Il y avait à peu près une chance sur dix. Je devais tenter cette chance. J’étais complètement abruti, démoralisé par l’impression de défaite et usé par 4 ans de guerre. Manque certain d’héroïsme. Qui, comme je le dis, excluait toute possibilité de récompense quelles que fussent les dispositions heureuses prises par moi dès la veille. Aussi la citation suite à cette affaire est si imméritée que je n’en porte pas la palme. En me comparant à beaucoup ce jour-là, il est certain que j’ai agi plus utilement. J’ai eu raison de rester dans le village dont j’ai prolongé de 3 h la résistance. J’ai bien agi en prévoyant dès la veille, la consommation du lendemain et en amenant près de 60000 cartouches sur les positions. Jusqu’à 18 heures ma conduite a été louable (sauf gaspillage des munitions). C’est à cette heure qu’à bout de forces morales et physiques, je me suis en quelque sorte affolé : j’ai renoncé trop tôt à défendre les maisons du village, j’ai renoncé trop facilement à passer. En balançant le pour et le contre, le bilan ne m’est ni favorable, ni défavorable. Les éloges de mes chefs ne signifient rien. Ils ont beaucoup à se reprocher, plutôt plus que moi : en me louant, ils se louent. »
23Ce qui semblait donc s’annoncer comme une tentative de justification, se transforme en une autocritique lucide et, enfin, en une critique ouverte du commandement. Puis la suite se dépouille totalement de la retenue et des conventions, quelque peu administratives, qui imprégnaient les deux premières parties. Ce qu’il retire de ces quatre ans de guerre tient peut-être dans ces deux derniers paragraphes :
« Voilà le bilan : je n’ai pas à avoir honte, je n’ai pas à me vanter. Je vous dis ce qui est, car vous y avez droit. Sauf quelques héros, on vaut dans les crises beaucoup moins que dans la vie normale. J’ai été ces jours-là, supérieur à beaucoup, inégal à moi-même, inférieur à quelques-uns : “Ceux-là sont morts”, comme disait le grognard à Alexandre.
Voilà un exemple de guerre moyen, non revu par Kerillis. De braves gens qui tiennent à leur peau et ont d’autre part le sentiment de leur devoir, qui font des choses utiles et d’autres absurdes, qui tiennent le coup un certain temps puis finissent par être dominés par les circonstances, l’homme de tous les jours, ma pauvre chérie, avec son intelligence de tous les jours, transporté dans un cataclysme qui le dépasse. Bien peu y sont égaux. Les uns s’effondrent tout de suite d’autres durent une heure. J’ai tenu 10 à 12 heures : et puis j’en ai eu assez, tellement assez, que je n’ai même plus eu le courage de mourir. »
24La référence à Henri de Kerillis, acerbe, reflète le contexte dans lequel a été rédigée cette lettre. « Héros » parmi les hommes, Kerillis a suscité nombre de récits hagiographiques dont voici un exemple, parmi d’autres, extrait du Dictionnaire des parlementaires : « Dès le 2 septembre 1914, il entre en Belgique et participe, le 10 septembre 1914, au fameux raid de l’“Escadron Gironde” dans les arrières lignes ennemies : blessé, il est fait chevalier de la Légion d’honneur et passe dans l’aviation où il se fait aussitôt remarquer par son audace. […]. Deux cent cinquante missions aériennes, six citations et le grade d’officier de la Légion d’honneur, une grave blessure (trépanation) : voilà ce qu’à 29 ans, le capitaine Henri de Kerillis rapportait de 40 mois de campagnes ininterrompues41. » Morel semble dénoncer à travers cette allusion un genre en vogue dans la France des années 1920, et pour cause : la geste héroïque. Allusion d’autant plus forte qu’elle est suivie par la formulation d’un sentiment partagé par l’immense majorité des combattants : celui d’avoir été dépassé par les événements et leur horreur42.
25Aussi ce témoignage, qui mêle des souvenirs obsédants à une analyse profondément lucide, nous montre comment Morel a sacrifié les autres (ses hommes) mais ne s’est pas sacrifié lui-même, consciemment, puisqu’il aurait pu choisir la mort. Car il s’agit bien d’un choix. Le moment d’inaction relative – la demi-heure heure passée derrière le remblai – lui a donné le temps d’une réflexion sur son propre sacrifice : « J’aurai pu essayer de passer sous le feu. Quelques-uns ont passé. Il y avait une chance sur dix. » Puis la capture, même dans une « position ridicule », lui est vraisemblablement apparue comme une délivrance. Bien que contrebalancé par une explication nuancée, ce texte semble trahir un réel remord : « Je devais tenter cette chance. […]. Manque certain d’héroïsme. […] j’ai renoncé trop tôt à défendre les maisons du village, j’ai renoncé trop facilement à passer. » Quant à l’aveu final, il se passe de tout commentaire : « J’ai tenu 10 à 12 heures : et puis j’en ai eu assez, tellement assez, que je n’ai même plus eu le courage de mourir. »
26Il a paru intéressant de comparer cette lettre avec celle d’un autre normalien. Bien qu’écrit dans des circonstances différentes, le texte qui accompagne le testament de Marc Bloch est aussi celui d’une correspondance d’ordre privé :
« Quand vous lirez cette lettre, j’aurai cessé de vivre. Je serai “mort à l’ennemi”. Je ne vous demande pas d’avoir du courage, je sais trop que vous en aurez. Que vos larmes ne soient pas trop amères ! Je suis mort volontairement pour une cause que j’aimais ; j’ai fait le sacrifice de moi-même ; c’est la plus belle des fins. Je mentirais en disant que je ne regrette pas la vie, je serais injuste envers vous qui me l’avez faite si douce ; mais vous m’avez appris à mettre certaine chose au-dessus de la vie même. Songez que j’aurais pu comme tant d’autres tomber au mois d’août 1914, pendant la retraite, et mourir en désespérant de la France ; ce sont ceux-là qu’il faut plaindre. Moi je suis mort sûr de la victoire, et heureux – oui vraiment heureux –, je le dis dans toute la sincérité de mon âme, de verser mon sang ainsi43. »
27Cette lettre, rédigée en 1915, pouvait difficilement être dénuée d’emphase. La mort pouvant survenir à tout instant, il est humain de lui chercher un sens. Pour autant, Stéphane Audoin-Rouzeau ne manque pas de remarquer que : « Ce patriotisme français, exacerbé, étincelant, est presque impossible à entendre aujourd’hui44. » On mesure tout ce qui sépare ce texte de celui d’Henri Morel.
28Cette lettre apparemment anodine, ne comportant aucune date, retrouvée dans une banale enveloppe décachetée, est le seul témoignage dans lequel Morel évoque – de manière directe – son expérience de guerre, ce qui suffit déjà à le rendre fondamental. Mais ce témoignage, dépourvu de toute complaisance, est aussi d’une étonnante modernité. Habité par un véritable réalisme critique, il fait de son auteur un homme profondément marqué par quatre années de guerre vécues en première ligne et semble l’éloigner à jamais du jeune homme romantique auteur de ces lignes : « Et le froid descend dans la nuit étouffée et grondante. Je tremble de peur, de froid, de regret pour la lumière que je n’ai pas su voir, tandis qu’elle couvrait d’or les pentes rocheuses des montagnes. Devant mes yeux fermés, passent distinctement un pan de ciel, et dans un creux de rocher, de l’eau bleue où calmes se baignaient des herbes… Nous n’arriverons jamais. L’ombre se prolonge indéfiniment et replié sur moi-même sous la neige glacée qui tourbillonne, je cherche à ne pas voir45. »
Notes de bas de page
1 AN, 61 AJ 84, École normale supérieure, papiers des directeurs, gestion Lavisse.
2 Olivier Chaline, « Les normaliens… », no 183, 1996, p. 99-110.
3 Ibid., p. 100.
4 Michaël Bourlet, « Des normaliens dans les services de renseignement du ministère de la Guerre (1914-1918) », Revue historique des armées, no 247, 2/2007, p. 31-41.
5 Olivier Chaline, « Les normaliens… », p. 101. Paul Dupuy était le secrétaire général de l’École.
6 Journal officiel, 21 juillet 1925, p. 6859. Cité par Jean-François Sirinelli, Génération intellectuelle : khâgneux et normaliens dans l’entre-deux-guerres, Paris, PUF, 1994, p. 29-30 et Olivier Chaline, « Les normaliens… », p. 99-110.
7 Olivier Chaline, « Les normaliens… », p. 99.
8 Tableau réalisé d’après : AN, 61 AJ 203, École normale supérieure, dossier « Professions exercées par les anciens normaliens » ; document intitulé : « Statistiques par promotions 1908, 1909, 1910, 1911, 1912, 1913, 1914 d’après tableau dressé du 8 au 20 décembre 1926. »
9 Ancien élève de l’ENS.
10 Olivier Chaline, « Les normaliens… », p. 107-108.
11 Cité par Olivier Chaline, « Les normaliens… », p. 104-105. Jean Vigier est mort de ses blessures le 12 novembre 1915 près de Verdun et non en 1916, comme le précise l’annuaire des anciens élèves sur lequel se base cet article.
12 Cette liste détaillée a été réalisée à partir du site www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr. Le treizième nom de la liste est celui de Charles Reynaud, mort en 1916 d’après l’annuaire des anciens élèves et dont la fiche n’a pas pu être retrouvée.
13 « Je ne comparerai pas ma situation à celle de mes camarades des Écoles Militaires qu’une vocation plus ancienne et moins capricieuse a justement avantagé par rapport à moi. » Fonds privé Morel, brouillon d’une lettre adressée au général commandant l’École spéciale militaire, le 12 mars 1922.
14 Olivier Chaline, « Les normaliens… », p. 104.
15 Fonds privé Morel, lettre du 7 janvier 1927 et photographie du général de Castelnau, non datée.
16 Fonds privé Morel, brouillon d’une lettre adressée au général commandant l’École spéciale militaire, le 12 mars 1922.
17 Extrait de Trente mille jours, cité par Olivier Chaline, « Les normaliens… », p. 104.
18 SHD/DAT, fonds Moscou, 2e versement, EMA/2 Espagne, extrait d’une lettre manuscrite adressée au général Gérodias, Madrid le 23 octobre 1936.
19 SHD/DAT, 13 Yd 602, dossier du général de brigade Louis Henri Morel. Notation signée par le lieutenant-colonel Boulle, commandant le 222e RI, 31 décembre 1915.
20 « […] les élèves devaient suivre, durant leur séjour à la rue d’Ulm, une instruction militaire en cours de scolarité : à la fin de chaque année universitaire, les normaliens étaient astreints à un stage dans une unité régulière ». Jean-François Sirinelli, Génération intellectuelle…, p. 315.
21 AN, ENS, 61 AJ 84, « Papiers des directeurs, gestion Lavisse », examen militaire de 1912, liste et notes du 8 mai 1912.
22 SHD/DAT, 13 Yd 602, dossier du général de brigade Louis Henri Morel. EMA/2e bureau, SR « Le capitaine Morel Henri, de l’État-major de l’armée, 2e bureau, SR à M. le ministre de la Guerre (direction de l’infanterie) », Alger, le 16 septembre 1926.
23 AN, ENS, 61 AJ 204, « Professions exercées par les anciens normaliens », dossier « Anciens normaliens entrés dans l’armée active entre 1907 et 1917 ». Lettre du directeur de l’ENS au général directeur de l’infanterie, ministère de la Guerre, Paris, le 17 juin 1929.
24 SHD/DAT, 8 Ye 13 232, dossier du colonel Georges Lacassie.
25 SHD/DAT, 8 Ye 45 734, dossier du lieutenant-colonel Lucien Gainsette.
26 Marcel Berthelot, l’un de ses camarades de promotion, confiera des années plus tard son propre malaise : « Survivant d’une promotion lointaine, durement éprouvée par la guerre de 1914, il me suffira de laisser le témoignage d’une existence demeurée profondément fidèle au souvenir des années que j’ai passées à l’École, à la pensée de mes camarades et de mes maîtres, et reconnaissante pour les bienfaits que j’ai recueillis de leur amitié et de leur soutien dans ma vie intellectuelle. » Notices nécrologiques de l’annuaire des anciens élèves de l’ENS, École normale supérieure, 1976.
27 Sigmund Freud, Essais de psychanalyse. Considérations actuelles sur la guerre et sur la mort (1915), Paris, Petite bibliothèque Payot, 2002, p. 46.
28 SHD/DAT, 13 Yd 602, dossier du général de brigade Louis Henri Morel. Notation signée par le lieutenant-colonel Lourvet, commandant le 230e RI, le 12 juillet 1918.
29 Fonds privé Morel, double du dossier « Capture – pièces justificatives », octobre-novembre 1919.
30 « J’étais en train de remplir ces formalités quand je fus détaché au GQG, bureau du personnel et décorations. Ce bureau s’occupant, en autres attributions, de juger les feuilles individuelles, je crus correct de suspendre toutes démarches. Tant ma présence à ce bureau pouvait paraître devoir influencer les résultats. » SHD/DAT, 13 Yd 602, dossier du général de brigade Louis Henri Morel.
31 SHD/DAT, ibid.
32 SHD/DAT, ibid., extrait du rapport intitulé : « Sommaire des combats du 27-28 mai 1918. (Vrégny – 4e CM – 230e RI). »
33 SHD/DAT, ibid.
34 SHD/DAT, ibid., extrait de la notation du lieutenant-colonel Boulle, commandant le 222e RI, le 21 décembre 1917.
35 Fonds privé Morel, dossier « Capture – pièces justificatives », octobre-novembre 1919. Extrait du rapport du lieutenant-colonel Lourdel, Virieu-le-Grand, le 5 octobre 1919 : « […] il prit sur lui de les maintenir momentanément en place, malgré l’ordre de repli, et se mettant personnellement à leur tête, il les fit tirer jusqu’à ce qu’elles n’aient plus de cartouches ».
36 Fonds privé Morel, ibid.
37 Fonds privé Morel, lettre manuscrite retrouvée dans une enveloppe décachetée. Cette lettre est non datée mais a probablement été écrite vers au début des années 1920.
38 À l’instar de certains écrits de Marc Bloch, à propos desquels Stéphane Audoin-Rouzeau ne manque pas de remarquer : « […] c’est avec une sobriété totale qu’est évoqué l’adversaire : “l’ennemi” dit Marc Bloch, ou encore “les Allemands”. » Marc Bloch, Écrits de guerre 1914-1918 (textes réunis et présentés par Étienne Bloch), introduction de Stéphane Audoin-Rouzeau, Paris, Armand Colin, 1997, p. 20.
39 Le journal des marches et opérations du 230e RI précise qu’à 14 heures : « […]. Dans Vrégny, la 13e compagnie (Bataillon Rendu) et les mitrailleuses tirent jusqu’au corps à corps. » SHD/DAT, 26 N 722, JMO du 230e RI, 28 mai 1918.
40 Notons que cet ordre de repli est effectivement intervenu à 15 h 30 : « Mais débordées de nouveau, elles [les troupes] reçoivent l’ordre de gagner Verrizel. Ont disparu pendant ce moment de repli : le commandant Romain, le capitaine Morel, le capitaine Lefebvre, le capitaine Favre, le s/lieutenant Berrut. » SHD/DAT, 26 N 722, JMO du 230e RI, 28 mai 1918.
41 Dictionnaire des parlementaires français (1889-1940), tome 6, Paris, PUF, 1970, page 2051.
42 Voir Frédéric Rousseau, La guerre censurée. Une histoire des combattants européens de 14-18, Paris, Points Seuil, 2003, p. 22-23 et Stéphane Audoin-Rouzeau, Combattre. Une anthropologie historique de la guerre moderne (XIXe-XXe siècles), Paris, Seuil, 2008, 327 pages.
43 Lettre du 1er juin 1915. Marc Bloch, Écrits de guerre…, p. 12.
44 Idem.
45 Fonds privé Morel, poème intitulé Nuit angoissée, août 1910, 2 pages.
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