Nantes dans sa recherche métropolitaine. Modèles de villes, réseau européen et production de récits de référence territoriale
p. 393-411
Texte intégral
Introduction
1Ce texte se place dans le contexte actuel des transformations urbaines et des projets mis en œuvre dans ces nouveaux contextes urbains, en se concentrant plus particulièrement sur les projets de requalification urbaine des interfaces ville-port ou « waterfront revitalisation », réalité déjà largement étudiée1. Des espaces de grandes friches industrielles et portuaires deviennent aujourd’hui des opportunités foncières, politiques, culturelles, sociales dans le développement contemporain des villes et répondent à l’enjeu de nouvelle centralité urbaine ou « cœur de métropole ».
2Nous posons principalement la question des modèles empruntés, des réseaux existants entre les villes engagées dans un processus de régénération urbaine, et nous lui adjoindrons la question de la fabrication d’un nouveau récit de ville.
3La fabrique du patrimoine et les usages du registre mémoriel dans le cadre de l’action publique urbaine et principalement du projet urbain « Île de Nantes2 » s’inscrivent dans un double contexte, celui de l’urbanisme de projet à vocation de régénération urbaine et celui des nouveaux modes de régulation politique ou « gouvernance » au niveau des villes. En s’appuyant sur ce double contexte, nous montrerons comment ces usages largement renouvelés du registre patrimonial s’articulent autour de trois enjeux : l’enjeu d’un positionnement du projet urbain nantais dans une histoire des projets urbains antérieurs et l’enjeu de l’inscription du projet urbain « Île de Nantes » dans un réseau de projets existants répondent globalement aux stratégies d’internationalisation du projet et de développement métropolitain. Un dernier niveau de l’analyse pourra établir les enjeux à l’interne de la mobilisation de ce registre patrimonial et mémoriel comme autant d’instruments de mobilisation sociale pouvant renforcer une culture commune du territoire, un nouveau récit à partager par de nouvelles élites urbaines s’agrégeant progressivement autour d’un projet urbain en cours.
Contexte de l’urbanisme de projet
4Le politologue Gilles Pinson a déconstruit dans ses travaux3 la logique de projet dans les politiques publiques et notamment dans les politiques urbaines actuelles, logique de projet qui suit la logique de la planification urbaine et celle d’un urbanisme uniquement fonctionnaliste et réglementaire. Il conclut ainsi que le passage du plan au projet s’explique par la transformation de la place des villes dans le capitalisme contemporain. À partir des années 80, on commence à parler de projet ; on invoque souvent la transition post-fordiste comme origine à cette vogue du projet, même si cette théorie de la transition, du post-, a parfois une allure un peu brutale et peut effacer certaines dimensions héritées dans la fabrication de la ville. Nous restons cependant interpellés par cette approche d’une rupture économique post-fordiste ou rupture sociale et culturelle sous-tendue par le vocable de la postmodernité, largement développée par la géographie radicale américaine ou la sociologie politique qui partent de cette transition pour expliciter les nouveaux régimes d’accumulation du capital, les nouvelles relations entre territoire et économie4, le déclin de l’État providence et globalement, une redéfinition du positionnement des villes à qui profite largement cette nouvelle donne.
5Les politiques de ce que Gilles Pinson appelle l’urbanisme de plan dans le contexte keynesiano-fordiste ou de l’État providence avaient avant tout comme objectif de solvabiliser la demande et de redistribuer la richesse, au travers notamment d’une construction de logements en masse et d’une politique d’équipements publics. Les objectifs de ce type de politiques urbaines étaient ainsi clairement quantitatifs. Si l’on suit donc cette idée de rupture ou de transition avec un urbanisme de projet dans un contexte d’économie post-fordiste, l’objectif n’est plus de programmer des logements et construire des équipements à partir d’outils de l’urbanisme planificateur et réglementaire, mais il s’agit davantage de mobiliser des élites locales afin de concevoir collectivement un positionnement stratégique de la ville face à un environnement instable et concurrentiel. Une des grandes conséquences de ce changement dans l’urbanisme contemporain des villes, c’est que l’urbanisme n’est plus simplement réglementaire et opérationnel, il doit aussi créer de la qualité urbaine, et cette qualité urbaine - ou ce récit sur la qualité urbaine, devient la culture commune du projet qui cimente les relations entre les acteurs de ce projet. Les villes sont donc en compétition sur leur capacité à offrir de la qualité urbaine. Cette compétition est tout autant nationale qu’internationale, du moins européenne.
6Nous avons travaillé à adjoindre cet enjeu de qualité urbaine dans un contexte de compétition entre les villes à celui de la mise en valeur des registres patrimoniaux (matériels et immatériels). Au cœur de la notion de « projet » et au moment où elle émerge, sont dénoncées un ensemble de pratiques urbanistiques à l’œuvre et notamment le saccage des centres historiques, le non-respect des traces urbaines héritées, par une démarche de rationalisation poussée à l’extrême de l’aménagement urbain planifié. C’est à Bologne, dans le courant des années 1970, qu’une démarche de réflexion globale et collective sur la ville a présenté les caractéristiques de projet urbain. À travers la notion de « recupero » développée par certains théoriciens de l’urbanisme en Italie, il est pensé que le processus de planification devra « tenir compte de la ville existante dans sa globalité (tant du point de vue de ses échelles que de ses tissus, urbain et social) ainsi que de l’opinion de ses habitants5 ».
7En France, c’est principalement la loi Solidarité renouvellement urbain du 13 décembre 2000 qui consacre les principes d’un urbanisme de projet. La visée est plus clairement qualitative, et dans le propos qui nous concerne à travers cet article, nous voyons se dessiner l’idée qu’il faut, pour des aménageurs, poursuivre en tenant compte des traces de la ville plutôt que de les nier, de réhabiliter plutôt que de rénover, de « faire avec », de « traiter avec l’existant ».
8« L’urbanisme de projet vise donc à valoriser ce qui est valorisable et met ainsi l’accent sur ce que l’urbanisme de plan négligeait : l’aspect qualitatif, paysager, environnemental de l’espace » précise Gilles Pinson. D’autres auteurs désignent ce changement de perspective par le paradigme de « l’incertitude territoriale », « c’est-à-dire le passage d’une conception instrumentale du territoire à une conception davantage compréhensive6 ».
Le « chantier de la gouvernance »
9Un autre élément qu’il nous paraît important de préciser concerne les nouveaux rapports politiques qui se jouent dans les villes au regard de cette question urbaine. C’est ainsi tout le contexte de la gouvernance qui s’entremêle aux problématiques de la transformation urbaine par le projet de ville. Nous avons largement travaillé ces questions depuis les travaux de Patrick Le Galès7 et la perspective de l’économie politique, même si nous restons conscients, encore une fois, qu’une perspective théorique de la transition peut poser certaines limites.
10L’hypothèse est alors posée que nous sommes dans un « intermède historique », expression empruntée à Max Weber dans son ouvrage « la Ville » dans lequel il indique que les villes ont pu devenir des formations sociales et politiques complètes, autonomes dans la seconde partie du Moyen Âge. L’analogie permet ainsi à ces chercheurs de la gouvernance de penser la recomposition des États, la mondialisation, l’émergence d’instances supranationales comme l’Union européenne, qui favorisent la redistribution du pouvoir politique dans les villes et les nouvelles formes de régulation qui en découlent. De ces analyses, nous observons la mise en place d’un pluralisme des acteurs dans cet ordre de la gouvernance urbaine, acteurs qui rentrent en coopération, qui mettent en commun leurs ressources, où les relations s’horizontalisent, alors qu’auparavant, le pouvoir de l’État restait hiérarchique et coercitif. Le partenariat public-privé par exemple est au cœur des mécanismes de gouvernance.
11La conséquence de ces mécanismes de gouvernance au niveau de la fabrication de la ville est qu’à l’intérieur de la ville, son avenir est négociable et négocié entre une pluralité d’acteurs, publics, privés, associatifs… Nous verrons que cette introduction sur le chantier de la gouvernance est un contexte qui interroge les mécanismes de fabrication d’un récit de la ville renouvelée. Elle permet également de poser l’hypothèse selon laquelle la mémoire urbaine et le travail autour des récits l’alimentant ainsi que l’ensemble des politiques patrimoniales deviennent un vecteur de coordination entre acteurs impliqués dans un projet urbain, qu’ils permettent de mobiliser et de coordonner autrement les acteurs entre eux.
12De ces deux éléments de contexte, c’est bien le mode d’appréhension de la ville qui est changé : alors que la logique normative d’un urbanisme de plan, mise en œuvre par une hiérarchie administrative et technicienne ainsi que la prééminence des pouvoirs publics dans la production des règles cède le pas à une logique pragmatique et stratégique propre au projet, centrée sur des ajustements mutuels, de création de consensus entre les acteurs, entre les pouvoirs publics et les institutions de la société civile, c’est bien, en arrière-fond, le passage d’un mode d’appréhension de la ville comme objet ou réceptacle (primat de la morphologie spatiale) à un mode d’appréhension de la ville comme une société « en contexte » et « en mouvement ». Dans ce changement de nature et au cœur de la logique de projet, l’accent va alors être mis sur l’identité urbaine censée mobiliser les acteurs à l’interne et attirer et communiquer à l’externe. La gestion de la symbolique urbaine devient un enjeu, dans ce double contexte, pour l’action publique locale.
13Notre hypothèse, pour le cas nantais, est que cette gestion de la symbolique urbaine suivant ces éléments du contexte local, national et international, va progressivement organiser, dans un premier temps, une patrimonialisation spécifique de la ville en cours de renouvellement ou sur les territoires clés du projet (Île de Nantes), et dans un second temps, va présider à une réécriture de l’histoire collective, une nouvelle mise en récit de la linéarité historique urbaine.
Les villes à l’heure du projet : le positionnement du projet « Île de Nantes » dans une histoire des références urbaines antérieures
14Partant de l’idée du « modèle » compris comme « ce qui est donné pour servir de référence » et « ce qui est donné ou choisi pour être reproduit », nous interrogerons ce qui, dans l’inscription du projet nantais dans une histoire de références urbaines antérieures telle qu’ont pu se les approprier les professionnels des projets urbains, est de l’ordre de la référence, de la copie, de l’imitation et de son dépassement. Partant de l’idée du « réseau de villes », qui introduit un usage plus empirique, nous saisirons les enjeux de l’inscription du projet nantais dans un ensemble de projets en cours.
15Dans la fabrication d’une histoire des projets référents, nous pensons à une « imitation de la postmodernité » ou une certaine uniformisation de l’ambiance urbaine à l’œuvre dans des projets de renouvellement urbain de leur façade ville-port. Cependant, l’imitation est couplée avec l’enjeu pour les villes de se spécifier, de construire leur récit, à travers une forme donnée à un projet urbain remarquable. On retrouve une certaine logique diachronique d’imitation-critique, de fantasme-syndrome. Le projet nantais est clairement pris, d’autant plus que Nantes est une ville moyenne, dans cette tension.
16En écrivant une histoire de ces projets de réaménagement des fronts d’eau urbains depuis les États-Unis des années 1950, nous passons d’un aménagement économique, ludique et touristique du territoire sur ces fronts d’eau urbains, à un aménagement économique toujours, mais culturel, architectural du territoire. C’est sur cette question de la qualité urbaine, des propositions culturelles de qualité pour l’aménagement d’un nouveau territoire que se crée une histoire de la critique des projets antérieurs, du moins telle que nous avons pu l’observer à Nantes, et comme nous l’avons observé à Bilbao lors d’une enquête.
Modèles de « waterfront revitalisation » : la création de nouveaux centres économiques, touristiques et ludiques dans la requalification des friches industrialo-portuaires
17Dans les années 1950, les grandes villes portuaires des États-Unis initient un mouvement de recomposition des anciens espaces industriels et portuaires en milieu urbain. Ce mouvement qualifié de « waterfront revitalisation » va progressivement se diffuser en Amérique du Nord puis dans le monde où il va être considéré comme un modèle efficace de revalorisation de ces espaces disqualifiés.
18Maria Gravari-Barbas, géographe de la géographie sociale, a proposé d’observer quel nouvel urbanisme a été impulsé par la « société des loisirs », urbanisme qui est alors à relier avec un nouveau régime d’accumulation post-fordiste8. À la conjonction de plusieurs facteurs économiques et socio-culturels (une sensibilité accrue des individus pour le tourisme, une mobilité croissante, l’explosion de la sphère de la communication, des responsables politiques confrontés à la vacance de territoires liée à la désindustrialisation de la ville…) à la fin des années 1970 et surtout au cours des années 1980, on observe la mise en pratique de ce nouvel urbanisme à caractère ludique, touristique et festif. Concrètement, on a pu observer musées, centres commerciaux, aquariums, multiplex de cinémas, galeries ou lieux patrimoniaux relookés, parcs hôteliers qui ont pris place dans ces nouveaux cœurs de ville. Le modèle de la Festival market place (FMP)9 a ainsi concrétisé la transformation des anciennes friches industrialo-portuaires des villes américaines en hauts lieux touristiques, ludiques et commerciaux. La FMP est « inventée » à Boston et est exportée ou « produite en série » dans de nombreuses villes américaines par la Rouse Company. Concernant notre objet, nous constatons que la FMP propose une mise en scène du patrimoine historique ou tout du moins une certaine valorisation plus portée par le spectaculaire que par un quelconque idéal de reconnaissance historique d’un site.
19En Europe occidentale, le modèle le plus étudié aujourd’hui et surtout le plus controversé est celui des Docklands de Londres, une opération d’urbanisme sur un vaste quartier de bassins portuaires à l’est de la ville et très influencée par le modèle américain du waterfront.
20Le modèle londonien ne s’appuie sur aucune planification mais se réalise autour de trois axes majeurs : la création d’une Entreprise Zone bénéficiant d’avantages fiscaux destinée aux activités industrielles légères, la création d’une seconde City (Canary Wharf) et la réalisation de lotissements résidentiels haut de gamme. Ce modèle est par excellence le modèle libéral de réaménagement de ces espaces disqualifiés par les forces du marché. Les réalisations sur ces Docklands ne s’appuient absolument pas sur les fonctions traditionnelles de cet espace, ni sur une quelconque identité du territoire. Une dimension touristique microscopique est assurée par la présence d’un musée des Docklands et la conservation de deux grues, encastrées entre les buildings. Une totale liberté est laissée aux aménageurs : aucun plan d’ensemble ne guide le réaménagement, aucune prescription ne régule la hauteur des constructions ou l’affectation des terrains, et l’Île aux Chiens acquiert pour dix ans le statut de zone franche. La tour de Canary Wharf, devenue le symbole de la métamorphose des Docklands, est la réalisation la plus icônique des principes qui ont guidé ce réaménagement.
Les « modèles qualitatifs » : du travail sur les espaces publics au rôle de la patrimonialisation et des politiques publiques de la culture sur l’Île de Nantes.
21L’urbanisme né de cette politique de dérégulation a conduit les responsables des projets suivants à s’interroger sur le rôle de l’architecture et des espaces publics dans la fabrication de la ville. L’objectif est d’éviter un phénomène d’enclave, de réunir la ville et son port, de créer des lieux d’urbanité. Le parti pris londonien, celui du tertiaire et du dynamisme du marché immobilier, a ainsi lancé une réflexion généralisée afin de trouver un équilibre entre des objectifs de rentabilité économique et le respect de préoccupations d’ordre sociales, culturelles et environnementales.
22La recherche des spécificités territoriales et historiques des villes dans les perspectives d’aménagement permettrait alors de rompre avec le modèle largement décrié de la « ville générique10 » telle qu’a pu en parler Rem Koolhaas. La mise en avant de « la ville créative11 », « ville intelligente », « ville innovante12 », dont les villes de San Francisco, Barcelone et Bilbao sont devenues les principales références, s’appuie sur l’idée d’un passage nécessaire de la ville-objet à la ville-société. Il est en train de se construire à l’échelle européenne un consensus sur le rôle de la culture dans le développement économique des villes. Des expressions comme « sociétés des connaissances », « le knowledge comme développement économique », les « identity politics », la « creative economy », les « industries créatives », etc. tendent à se généraliser. Elles créent aussi un consensus fort et participent à la mise en réseau des villes européennes. Est ainsi promue l’idée d’une « sortie par le haut » du développement de l’Europe.
23Ainsi, l’émergence du patrimoine et de la mémoire nous permet de poser l’hypothèse de nouvelles territorialisations et de redéfinition des positionnements des villes dans l’affirmation de ses spécificités productives. Selon Michèle Colin, « l’exemple du redéveloppement des friches industrialo-portuaires marque précisément qu’il existe aujourd’hui, selon les villes, une production tout à fait uniformisante et lisse [l’exemple des Festival Market Place depuis le modèle américain du waterfront revitalisation ou l’exemple libéral de l’aménagement des London Docklands en nouvelle City] ou au contraire des valorisations spécifiques liées à l’identité des territoires13 ».
24C’est dans cette optique que nous avons mené enquête à Bilbao, non pas dans l’optique d’une comparaison avec Nantes mais surtout parce que Bilbao est largement devenue un modèle de ville renouvelée par son développement économique culturel et qu’elle fait clairement référence pour Nantes, référence que partage un bon nombre de villes, qui pourtant ne présentent pas les mêmes caractéristiques morphologiques, économiques ou sociales14.
25À Nantes, la référence n’est cependant pas dans un rapport complet de filiation : Bilbao est pour Nantes à la fois modèle et à la fois syndrome. La question du patrimoine et de la mémoire des lieux peut alors devenir la carte nantaise, l’identité de son projet urbain alors qu’est dénoncée, dans le modèle Bilbao, la tendance trop « postmoderne » à s’être dénaturé par la création d’un « parc thématique d’architecture15 ». Les aménageurs nantais se font donc les chantres de la réutilisation de ces espaces industriels et portuaires délaissés par une attention toute particulière à l’existant, à l’histoire des traces urbaines et aussi à l’histoire industrielle et du travail industriel et portuaire. Sans fétichisation, l’idée du musée ou du musée comme architecture est bannie à Nantes sur ces friches industrielles et portuaires. Cette intervention de Nicolas Binet, directeur adjoint de la SAMOA et en charge des opérations immobilières et foncières16, résume bien la communication qui souhaite être diffusée d’un modèle nantais :
« Toute notre démarche est bien à l’inverse d’un projet de table rase, c’est-à-dire que nous nous efforçons de bien identifier tout ce qui est porteur de mémoire, d’histoire, dans ce territoire et d’éviter toute solution a priori brutale. Ce n’est pas non plus pour faire un conservatisme doctrinaire, parce qu’il faut aussi trouver des usages, il faut trouver des vocations aux bâtiments, mais nous sommes animés d’une grande attention et d’une grande prudence et d’une grande humilité par rapport à l’existant17. »
26Le meilleur analyseur sur le site des anciens chantiers réaménagé et dont l’offre est aujourd’hui culturelle, touristique et ludique reste l’Éléphant. Cette machine mécanisée, produite dans les anciens ateliers de préfabrication pour la grosse chaudronnerie de la Navale nantaise et déambulant sur le site, peut accueillir une trentaine de personnes18. La communication du projet lui confère une authenticité patrimoniale, présentant une fabuleuse machine aux « imaginaires croisés de Léonard de Vinci et de Jules Verne19 ». L’objet est nouveau ou novateur mais l’histoire des lieux est respectée, la mémoire est continue. Ainsi à Nantes, est présentée une culture patrimoniale dite « vivante », basée sur l’événementiel et sur une scénographie où une tension passé – contemporanéité est affichée. Le projet présente tout autant une patrimonialisation (ou esthétisation) des traces de la culture populaire et ouvrière (patrimonialisation des traces physiques présentes sur le site : grues, tracés, etc., options proposées par la maîtrise d’œuvre, la présence d’associations du patrimoine n’est pas remise en question) que de nouveaux projets culturels présentés comme « respectueux à l’égard de la mémoire des lieux ». La régénération est bien culturelle, touristique sur le site des anciens chantiers et cherche à garder le lien avec la mémoire des lieux par une certaine patrimonialisation.
27Le contexte actuel du « city branding » ou comment une ville cherche à se créer une marque favorise l’idée qu’il faut pour ces villes se régénérant trouver un ancrage original au projet urbain qu’elles portent. À Nantes, l’opération « les fous de Nantes Métropole20 » renvoie à ce récit sur l’originalité nantaise. Seize « fous », dont Jean Blaise, directeur du Lieu unique et concepteur de la Biennale d’art contemporain « Estuaire » entre Nantes et Saint-Nazaire, dont François Delarozière, concepteur des « fabuleuses machines de l’Île », dont René Martin, créateur de « La Folle Journée », accrédite la réputation de « douce folie », de « tolérance », de « respect » et d’un côté éternellement « décalé » de Nantes, ville portuaire.
28Précisons cependant que tout un ensemble de projets actuels fait du traitement de la mémoire urbaine et d’une certaine patrimonialisation des traces héritées un enjeu pour la régénération urbaine : des projets tels que Lyon Confluence, le projet de Cité du Design à Saint-Étienne, Euroméditerranée à Marseille participent aujourd’hui de cette démarche de projet.
La circulation des modèles de villes ; des modèles aux réseaux
29« L’antériorité serait l’expérience professionnelle d’un projet précédent, ce serait la connaissance et une pratique plus ou moins longue de ce territoire, ce serait aussi une capacité de lire et d’interpréter les spécificités urbaines locales. » Dans la continuité, l’extériorité « pourrait être les références et les expériences acquises ailleurs soit dans d’autres villes, soit à l’occasion de processus de transfert d’expériences, de mobilisations de modèles et de références [ainsi qu’une] compétence d’anticipation et de projection21 ». Cette question de l’antériorité des références urbaines et de l’extériorisation du projet nantais pose la question de la circulation de ces modèles ainsi que de leur actualisation dans des projets, comme nous le verrons, particulièrement nette au moment de l’inscription dans les programmes européens.
La circulation des « bonnes pratiques » ou les contraintes cognitives des aménageurs nantais
30La question de la diffusion de modèles de ville a ainsi servi de fil conducteur à la fabrication de cette histoire où l’on a pu se rendre compte d’une montée en flèche des enjeux d’urbanité, de fabrique de la qualité urbaine dans le contexte actuel des projets urbains. Cette perspective liée à l’antériorité aura aussi permis d’analyser le positionnement du projet « Île de Nantes » dans une histoire des références antérieures. Cependant, on pourra se rendre compte des conditions de la circulation de ces modèles et c’est, par exemple, à partir de l’analyse de l’ensemble de la collection « Projet urbain » sous la direction d’Ariella Masboungi22 que l’idée d’une circulation, via ce biais de modèles de ville qui font référence, peut s’établir.
31Lancés au début des années 90 sous la forme d’un cycle de conférences et débats, les Ateliers Projet Urbain, suivis de publications coédités par le Ministère et les éditions de La Villette, sont devenus un gage de reconnaissance tout autant que de communication pour la ville et le projet élus par le PUCA. « Cet atelier se situe comme une instance de réflexion émanant de l’État qui manifeste un certain intérêt vis-à-vis des actions urbaines locales23. » En 2003, Nantes et ses rives de Loire, une étude du projet nantais, fait ainsi l’objet d’un ouvrage dans cette collection, suivant les études de cas de Gênes et de Bilbao entre autres et rejoignant le groupe des villes faisant figure de « meilleures élèves ». Cet ouvrage est un important outil de promotion du projet « Île de Nantes ». Ariella Masboungi pourra ainsi dire que « Nantes est dans la nuance, la raison, la coexistence de ce qui est souvent intellectuellement opposé24 ».
32Cette collection est d’autant plus intéressante qu’Ariella Masboungi est urbaniste en chef de l’État, et qu’alors que les projets urbains sont généralement l’œuvre des collectivités locales, nous retrouvons l’idée d’une expertise en amont par l’État, ou une sorte de pouvoir cognitif de l’État qui fait circuler les bons modèles, les « bonnes pratiques » à suivre. Ainsi, l’ensemble de la collection restitue un corpus de villes élues qui, après une étude de terrain (des workshops dans différentes villes), propose d’analyser ce qui a marché ou non en fonction des enjeux actuels de développement des villes.
33Dans cette analyse et pour avoir écouté Ariella Masboungi à plusieurs reprises dans différents congrès, nous retrouvons largement les présupposés théoriques des travaux de Charles Landry ou de Richard Florida dont A. Masboungi a très souvent fait la promotion.
34Nous acceptons l’hypothèse selon laquelle la circulation de ces modèles de villes ou des villes qui font référence, des villes-fantasmes, est en partie relayée en France par cette expertise en amont d’un urbanisme d’État quelque peu dépossédé de ses prérogatives opérationnelles d’aménagement.
35Charles Landry (The Creative city publié en 2000) a proposé que l’innovation culturelle était un moteur de la croissance économique. Richard Florida est un « philosophe-consultant » américain. Un détour par son site Internet est très éloquent en la matière. The Rise of the Creative Class (publié en 2002) s’appuie sur une théorie qui propose que la vitalité économique des villes dépende de leur capacité d’attirer et d’entretenir une nouvelle classe d’écrivains, d’artistes, d’architectes et de programmeurs (pour ne citer que quelques occupations dites « créatives » par Florida). Cette thèse a gagné l’approbation, à une vitesse fulgurante, des professionnels du développement économique et des dirigeants municipaux d’Amérique du Nord, puis d’Europe. Selon un de nos interviewés, la réussite de la théorie de R. Florida tient en ce qu’elle est conçue pour être opérationnelle au niveau des collectivités locales :
« Au lieu de s’intéresser aux politiques publiques d’un point de vue central, il s’est adressé directement aux collectivités territoriales. Il a dit “l’enjeu aujourd’hui, c’est les métropoles. Mon client, c’est les collectivités locales”. Pas territorial au sens de national, je ne mets pas en place des recettes économiques, type Attali, qui s’adresse à un président, qui va le redéployer sur son territoire, mais je vais directement à l’acteur de terrain, et finalement je m’adresse à ceux qu’on délaisse, c’est-à-dire ceux qui ont des enjeux locaux25. »
36Méthodologiquement, ces deux références ne sont pas considérées, en ce qui nous concerne, d’un point de vue théorique mais bien plutôt de celui des « sources » ou des « matériaux » à analyser dans le sens où ils deviennent une sorte de capital culturel ou cognitif des acteurs nationaux ou locaux, et principalement des nouveaux professionnels de l’aménagement urbain comme nous en parlerons ci-après.
Les « prestigieux » réseaux de villes et l’affirmation des spécificités du projet nantais
37De ces modèles, de ces « bonnes pratiques », de la circulation de ces présupposés théoriques et non moins prescriptifs d’un aménagement urbain par la culture, nous pouvons étudier de plus près ces questions-là, en nous concentrant sur le cas nantais. Notre recherche a donné lieu à des séries d’observations lors de diverses réunions, colloques ou forum des réseaux culturels de villes dans lesquels Nantes est inscrite ; du réseau Culture Arc atlantique, du réseau Eurocities, du réseau lié au programme européen REVIT (pour la revitalisation de friches industrielles), du réseau ECCE qui vise le développement économique des entreprises culturelles de toute taille et qui cherche à favoriser la création de pôle de compétitivité en matière culturelle, etc.
38En 1997, Nantes accède au réseau très convoité d’Eurocities. Du 7 au 10 mars 2007, a eu lieu à la Cité des congrès de Nantes un congrès Eurocities avec différents ateliers, « Economic Development Forum », « Culture Forum », « Urban Regeneration working group ». Il est décrit, sur le site Internet d’Eurocities comme un rendez-vous traditionnel sur le rôle des villes dans le développement d’une économie culturelle et créative. À cette occasion, étaient distribués les rapports finaux du réseau « Urbact Culture » sur la régénération culturelle urbaine (Nantes n’appartenant pas à ce réseau), et le projet nantais « Campus des arts », intégré dans le programme européen ECCE, était présenté dans ce nouveau réseau Eurocities. Autre élément, le projet Campus s’installe majoritairement dans les halles Alstom « revitalisées » via le programme REVIT. Le projet « Campus » reprend l’idée désormais courante des pôles de compétitivité en lien avec les activités culturelles. Ce projet suit la mise en place d’équipements publics structurants (palais de justice, école d’architecture, école des beaux-arts, pôle des musiques actuelles, etc.) et vient assurer leur mise en réseau avec diverses entreprises ou partenaires privés (sièges de la télévision locale, de la presse, cabinets d’architectes, juristes de la propriété intellectuelle, graphistes, musiciens en résidence, etc.), en facilitant alors leur installation sur l’Île de Nantes.
39On peut observer une superposition des réseaux dans lesquels les projets s’intègrent ; autant de diffusion du projet urbain et de son rapport à la construction de la qualité urbaine sur ces questions culturelles, créatives, de conservation et de réhabilitation de patrimoine. Une mise en scène de ces principes de la nouvelle économie culturelle et de la ville créative est ainsi facilitée par ces diverses inscriptions du projet « Île de Nantes » dans des réseaux européens favorisant la culture, le respect de l’héritage, la créativité.
Le programme REVIT : échanges pragmatiques, construire la ville sur des bonnes bases méthodologiques
40En deçà de ces réflexions sur les formes des villes, nous pouvons revenir à une échelle beaucoup plus concrète et moins symbolique de l’analyse de l’aménagement des villes, celle des instruments de l’action publique territoriale dans la constitution d’un réseau de villes européennes dans laquelle Nantes s’inscrit.
41Nous proposons de regarder le projet REVIT, programme européen pour la revitalisation des friches industrielles et portuaires. Il met ainsi en relation six villes européennes de la zone nord-ouest de l’Europe – Hengelo, Medway, Stuttgart, Tilburg et Torfaen – autour de projets de revitalisation de friches industrielles et/ou portuaires. Dans le cas nantais, les financements européens concernent la réhabilitation de trois sites tous situés sur l’Île de Nantes : les anciens chantiers navals de Nantes, les anciennes fonderies de l’Atlantique, le site Alstom. La condition apportée par l’Union européenne est que les revitalisations de friches industrielles favorisent la participation locale des acteurs, et que l’attention soit portée à la conservation/réutilisation du patrimoine concerné par le projet. L’accent est aussi mis sur le développement des nouvelles technologies et sur le partenariat public – privé dans les opérations de revitalisation des friches.
42Il est décliné trois enjeux dans la mise en place de ce programme ; un enjeu de communication du projet, un enjeu d’enrichissement des pratiques et un enjeu de partenariat actif. Les trois citations suivantes issues de la brochure de présentation du projet « Île de Nantes » pour le programme REVIT en témoignent :
- Communiquer sur Nantes et l’île de Nantes et promouvoir ces territoires à l’international », « vendre l’île de Nantes et les projets liés à l’international, auprès de divers publics : les secteurs publics et universitaires ; promouvoir le projet comme un projet exemplaire, original, innovant…, le secteur privé ; attirer les investisseurs, promoteurs…, le grand public : faire la publicité du projet et des événementiels liés, y compris événements et projets artistiques, culturels et touristiques (Les Machines, Estuaire…) ».
- Apprendre des autres et de leurs pratiques, s’interroger sur les nôtres et les enrichir. »
- Le partenariat : être présents et actifs, en tant que partenaires du projet européen REVIT, qu’il s’agit de donner à voir aux partenaires REVIT et aux financeurs européens » et enfin « assurer et conforter la présence de Nantes dans les réseaux internationaux, de façon générale, vendre la métropole et la destination nantaises à l’international et traduire concrètement la “dimension internationale” de la métropole, développer nos réseaux et contacts internationaux ».
43Il est intéressant de voir, dans ces transferts de modèles, de méthodes d’aménagement, d’expériences urbaines au sens large, comment, dans la construction d’un discours politique, l’aménagement de l’Île de Nantes est inscrit au cœur d’une histoire des projets de référence internationale, et comment, dans l’analyse des réseaux qui existent concrètement entre les villes, Nantes est en relation directe avec des villes de taille moyenne et inscrites dans des projets de référence locale. L’argument de la conservation du bâti, de la réhabilitation du patrimoine historique, la volonté annoncée comme intellectuelle de traiter avec l’existant, et replacé dans le contexte de ce partenariat, renvoient à une opportunité financière, l’Europe devient partenaire financier du projet, et une opportunité de communication du projet nantais, une nécessité pour faire valoir sa ville et son projet urbain par des alliances stratégiques avec d’autres villes.
44À Nantes, ces conditions, ces prescriptions sont concrètement traduites. Dans les halles Alstom par exemple, ce que les aménageurs nantais appellent « le campus des arts », une « ligne de force » autour du design, des arts appliqués, du graphisme, de l’infographisme, des biotechnologies, etc. se structure avec des établissements publics comme l’école des beaux-arts et l’école d’architecture et avec une sorte de « pépinière d’entreprises » qui prennent place dans cet environnement. On rejoint dans ce projet l’idée de « ville créative », de « société du knowledge ». À l’issue de ce projet REVIT, Nantes a été sollicité pour trois autres projets européens. Un projet relatif à la « ville pour les jeunes », un projet relatif au développement de politiques, mécanismes et outils de soutien à l’économie locale et aux PME, que Nantes souhaite coordonner en lien avec le projet européen ECCE, dans lequel elle rentre tout juste, sur les industries créatives. Et enfin, un projet dans le réseau ERIH, route du patrimoine industriel en Europe.
La mise en récit de la « ville renouvelée » à Nantes
45Cette réflexion sur l’antériorité et l’extériorité des références mobilisées dans le cadre d’un projet urbain et par les acteurs de l’aménagement nous a permis de réfléchir à la fabrication et à la circulation des références urbaines en matière de renouvellement urbain. Il convient enfin de regarder, en l’interne cette fois-ci, comment est construite cette dimension culturelle, qualitative du projet urbain et quels sont les enjeux qu’elle véhicule.
46L’hypothèse est posée de l’invention d’un récit de ville se construisant dans la référence aux projets antérieurs, dans l’adhésion aux principes d’une expertise présentant les « bonnes pratiques » à suivre ainsi que par l’inscription dans une série de réseaux thématiques. Ce récit permet à Nantes, précisément au projet urbain « Île de Nantes » et au-delà, à la construction métropolitaine, de se spécifier, de se présenter à travers un modèle original de ville renouvelée. À Nantes, ce récit passe par la mise en scène de la mémoire des lieux, d’une attention portée aux traces du passé industriel et portuaire de la ville, d’une certaine patrimonialisation couplée avec la promotion d’une originalité de l’offre culturelle et spectaculaire nantaise. Ce récit, cette mémoire inventée et portée par le projet urbain lui-même est alors un instrument puissant du marketing urbain. Ce récit tronque largement l’uniformisation ou la marchandisation de la ville, en tout cas, son inscription dans une économie post-fordiste et une société postmoderne. Nous suivons cette analyse de M. Gravari-Barbas selon laquelle « les projets optent en effet pour un passé aseptisé et idéalisé, facile à accepter et à être partagé. Plus que la mise en valeur du patrimoine, c’est l’exploitation de l’image du passé qui prévaut26 ». Les choix d’aménagement de ces fronts d’eau font ainsi appel au passé de la ville. Ce modèle d’aménagement est aussi à relier avec l’affirmation d’une cité alors postmoderne, au sens de David Harvey, au sens où « son attitude envers la tradition culturelle est celle d’un pastiche irrévérencieux et sa superficialité systématique sape toutes les solennités métaphysiques, en recourant parfois à une esthétique brutale, sordide et choquante27 ». L’argument mémoriel au sens large est de plus en plus mobilisé parce qu’il crée de l’urbanité, une « image globale de localité » ; il est un opérateur dans la constitution du projet lui-même, un outil pour comprendre comment et sur quoi s’élabore l’idée de projet.
47Ce récit de la ville renouvelée appuie donc une certaine interprétation de la trame spatiale en train de se construire. C’est finalement la mémoire du projet lui-même qui est au centre de la constitution d’un récit de la ville renouvelée.
À qui est destiné « ce récit de la ville renouvelée » ?
48Des usages du patrimoine (conçus alors comme une mise en scène sélective de l’histoire des lieux) deviennent, à l’interne, des instruments de mobilisation sociale renforçant ainsi une culture commune du territoire, un nouveau récit à partager par de nouvelles élites urbaines s’agrégeant progressivement autour d’un projet urbain en train de se faire.
49Nous suivons ainsi les analyses de G. Pinson pour qui « le projet est clairement utilisé comme outil de renforcement de la visibilité de l’agglomération à l’extérieur et de fédération des acteurs en son sein28 ». Au cœur même du processus de projet à l’œuvre sur l’Île de Nantes, une des propositions principales de la maîtrise d’œuvre est de considérer l’espace public comme un levier majeur de la transformation de l’Île. La préservation du patrimoine et le travail sur la qualité des espaces publics doivent donc créer la cohérence du paysage urbain, au point où « l’espace public fait de plus en plus partie du patrimoine lui-même29 ». L’espace public, support de patrimonialisation, devient ainsi un concept de la nouvelle culture urbaine, enjeu d’un volontarisme des pouvoirs publics dans l’aménagement des espaces publics qui va créer une mobilisation de l’ensemble des acteurs privés, immobiliers, entrepreneurs et va impulser une dynamique de marché. On pourra voir qu’est ainsi créée une mémoire fondée sur les actions de conservation et de valorisation des éléments patrimonialisés susceptibles de s’adapter à l’ensemble de la ville renouvelée. Patrick Le Galès pourra préciser à cet égard que « la culture est mobilisée par les élites locales pour tenter de créer un sens de l’appartenance, de l’unité, au-delà des clivages sociaux et des conflits, pour mobiliser les ressources nécessaires à l’élaboration d’un intérêt général urbain30 ».
50Cette mémoire transposée dans les opérations d’aménagement de la ville en chantier fournit dès lors un nouveau récit urbain aisément partageable par tous les acteurs du renouvellement urbain et au-delà par les nouveaux habitants attendus de la ville renouvelée. Nous utilisons volontiers, pour le cas de l’Île de Nantes, l’analyse de Stéphane Valognes d’une « ironie patrimoniale sur fond de gentrification/densification progressive du quartier31 », dans ce que l’on peut appeler un « postmodernisme version passéiste ». Un de nos interviewés (O. C., 30 ans, chargé de mission à la SAMOA) a pu résumer l’enjeu que représentait la présence de l’Éléphant sur le site des anciens chantiers au regard de ce qu’il croit en matière d’attractivité des classes créatives à Nantes.
« Aujourd’hui, un mec qui va s’implanter dans l’immeuble Couchou [me montre le programme DY 25 Rive Gauche], il va se retrouver à 50 m à pied du Parc des Chantiers pour faire bistrot. Voilà, ça, typiquement c’est une caractéristique qui plairait à Florida s’il venait benchmarker Nantes, direct, il se dirait “putain, c’est un truc de fou, avec un éléphant dans ton champ de vision quand tu regardes par la fenêtre”. Aujourd’hui, Moswo, qu’est-ce qu’il s’offre en venant sur le Campus, Moswo, c’est une boîte de com’, ben il s’offre que ses graphistes, quand ils bossent, quand ils regardent par la fenêtre, ils voient l’éléphant passer. C’est une tuerie32. »
51À l’interne donc, la fabrication et la diffusion de ce « récit de la ville renouvelée », véritable outil du projet urbain, servent tout autant une mobilisation des acteurs, professionnels de l’aménagement, publics ou privés, s’agrégeant progressivement au projet en cours en stabilisant une culture urbaine commune qu’elles deviennent le principe d’une narration attractive en direction des « classes créatives » ou autres « gentrifieurs » attendus par les élites urbaines.
De nouvelles cultures professionnelles
52Dans cette perspective, nous pouvons nous rendre compte que ces nouveaux usages du patrimoine, sur ces espaces « reterritorialisés » ont favorisé l’émergence de nouveaux acteurs, comme un ensemble de chargés de mission, issus des DESS ou autres master, IEP, etc. qui savent désormais agencer les questions patrimoniales et culturelles à la problématique internationale du projet.
53Sur ce point, nous avons pu retracer les trajectoires scolaires et professionnelles de quelques-uns de nos interviewés, plutôt des jeunes recrutés, à la SAMOA et à Nantes Métropole, des chargés de missions pour la plupart. Nous avons passé plusieurs entretiens à Nantes avec O. C. (30 ans), récemment recruté à la SAMOA pour piloter le projet Campus. Un premier entretien visait ainsi à établir son parcours et sa position sur le poste occupé aujourd’hui alors qu’un second entretien visait à l’interviewer à nouveau sur sa lecture des travaux de Florida, dont il avait pu m’assurer qu’il était un fin adepte. Sa trajectoire scolaire et professionnelle est intéressante : il a suivi une formation initiale avec une maîtrise d’économie et gestion d’entreprises à l’université de Nantes, puis un diplôme d’études supérieures spécialisées (DESS) – aujourd’hui master professionnel – autour des questions de développement culturel de la ville entre Nantes, La Rochelle et Bordeaux. Ensuite, il a été administrateur d’une SMAC (scène de musiques actuelles), puis chef de service à l’Université de Nantes au niveau du Service de la vie étudiante. Il a enfin monté une petite entreprise d’ingénierie culturelle avant d’être recruté à la SAMOA en tant que chargé de mission « Campus ». En le questionnant sur sa trajectoire, pour l’ensemble locale, il a surtout insisté sur le fait qu’il avait beaucoup voyagé par lui-même, même s’il est du coin. On retrouve là une valorisation du capital international de ces nouveaux recrutés en quelque sorte, et qui nous semble aussi être un moteur à la circulation des théories et modèles de villes.
54L’étude des trajectoires professionnelles de nouveaux chargés de mission au fort capital international, mais bénéficiant aussi de ressources locales, nous permet aussi d’envisager la circulation de ces présupposés théoriques d’un aménagement urbain par la culture, les mémoires et l’attention aux formes héritées du passé.
55P. Le Galès précise à ce titre que « les couches moyennes éduquées des villes européennes, qui sont devenues majoritaires dans les partis de gauche et les Verts, sont particulièrement sensibles à cet enjeu culturel qui valorise des ressources, un capital social au sens de Bourdieu, qui justifie leur influence politique face notamment aux élites économiques33 ». En effet, la stabilité politique de la municipalité depuis 1989 ainsi que la forte figure mayorale de Jean-Marc Ayrault, au point où l’on pourrait même parler d’une « patrimonialisation de ces figures politiques34 », tout comme la constitution de la communauté urbaine de Nantes par cette même classe politique assurent une très forte unité à ce récit. O. C., ainsi que l’ensemble de nos entretiens avec les praticiens du projet urbain, montrent qu’il y a une réelle croyance dans ce que le projet urbain met en scène, dans les valeurs politiques qu’il sous-tend, dans cette culture du projet présentée comme un juste agencement entre audace et humilité.
*
56La construction d’une qualité urbaine est devenue un impératif du projet : face à un univers concurrentiel et instable, face aux enjeux de la globalisation, les villes sont entrées dans des processus de régénération urbaine qui s’expriment principalement sur des territoires, telles les friches urbaines, à requalifier. En contrepoint de ces impératifs d’aménagement, c’est ainsi toute une qualité mémorielle à construire pour la ville renouvelée. Cette vive compétition interurbaine impose aux villes se dotant d’un projet de régénération urbaine de répondre à la fois aux exigences d’un aménagement que l’on ose qualifier de générique, sur des territoires urbains globalisés (la Cité internationale des congrès à Nantes, un quartier d’affaires nommé Euronantes, une gare TGV reliant Nantes à Paris en seulement deux heures, etc.) et à la fois d’affirmer une originalité et rester attractive par la communication de sa singularité.
57« C’est ça le drame dans lequel on est, la singularité devient la norme et une norme de compétitivité » a pu conclure Jacques Roux lors de la journée d’étude « Villes en construction : projet, regards d’ailleurs, mémoires », à Saint-Étienne, le 12 janvier 2007.
58Peut-on ainsi penser ce « récit de la ville renouvelée » comme une reterritorialisation des cultures urbaines et la mise en avant d’une mémoire à partager qui serait fondée sur la trame spatiale en train de se faire ? Cette fabrication d’un récit « mémoriellement correct » laisse supposer que des mécanismes d’exclusion peuvent s’opérer par ce processus de nouvelle historicisation du territoire, que des usages d’effacement sont à l’œuvre en contrepoint. Certaines mémoires n’auraient alors plus droit de cité.
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Notes de bas de page
1 Entre autres, voir B.S. Hoyle, D.A. Pinder (éd.), European Port cities in transition, London, Belhaven Press, 1992 ; D.M. Wrenn Associate, Urban land Institute, Urban Waterfront Development, Michigan, UMI, 1999 ; A. Breen et D. Rigby, The New Waterfront, a worlwide urban success story, Singapour, Thames and Hudson, 1996 ; M. Collin (dir.), Ville et port, XVIIIe-XXe siècles, Paris, L’Harmattan, 1994 ; Cl. Chaline, Ces ports qui créèrent des villes, Paris, L’Harmattan, 1994.
2 Le projet « Île de Nantes » concerne un vaste territoire de 337 ha en bordure de centre-ville, appelé à devenir un cœur de métropole et jonché, dans sa partie ouest de tout un ensemble de friches industrialo-portuaires. Depuis 1999 et l’étude de définition lancée par la Ville, c’est l’équipe Chemetoff-Berthomieu qui a en charge la maîtrise d’œuvre des espaces publics et la définition du projet dans son ensemble.
3 G. Pinson, Projets et pouvoirs dans les villes européennes. Une comparaison de Marseille, Venise, Nantes et Turin, thèse de sciences politiques sous la direction de Joseph Fontaine, soutenue le 30 novembre 2002, Rennes 1. G. Pinson, Projet de ville et gouvernance urbaine, RFSP, vol. 56, no 4, août 2006, p. 619-651.
4 Voir notamment les travaux de Pierre Veltz, Mondialisation, villes, territoires : une économie d’archipel, Paris, PUF, 1996 ; Des lieux et des liens. Politiques du territoire à l’heure de la mondialisation, La Tour d’Aigues, Éd. de L’Aube, 2002.
5 P. Ingallina, Le projet urbain, Paris, PUF, p. 75. Sur la notion de « recupero », voir la thèse du même auteur, Les politiques de réhabilitation et de reconquête des milieux intra-urbains. Le « recupero » en Italie, la réhabilitation en France, thèse de doctorat en urbanisme, Paris I, 1993.
6 D. Pagès et N. Pélissier (dir.), Territoires sous influence/2, Paris, L’Harmattan, 2000 (introduction, p. 6).
7 P. Le Galès, Le retour des villes européennes, sociétés urbaines, mondialisation, gouvernement et gouvernance, Paris, Presses de Sciences Po, 2003.
8 M. Gravari-Barbas, « Les nouveaux loisirs créent-ils un nouvel urbanisme », 12e Festival international de géographie, 2001. http://xxi.ac-reims.fr/fig-st-die/actes/actes_2001/barbas/article.htm.
9 M. Gravari-Barbas, « La “Festival market place” ou le tourisme sur le front d’eau. Un modèle américain à exporter ? », Norois, 1998, Poitiers, t. 45, no 178, p. 261-278.
10 R. Koolhaas, La ciudad generica, Madrid, GG. Minima, 1997 (édition originale en suédois, pas de version française).
11 C. Landry, The Creative City, Londres, Earthscan, 2000; R. Florida, Cities and the Creative Class, Routledge, 2005.
12 Expressions répandues chez les consultants anglo-saxons.
13 M. Colin, « Nouvelle Urbanité des friches de l’époque industrielle », http://multitudes.samizdat.net/spip.php?Article189, mis en ligne en septembre 2001.
14 Pour plus de détails, voir A. Nicolas, Perspectives culturelles de l’aménagement urbain et mémoires du port industriel. Nantes et Bilbao, Actes du colloque « Aménagements civils portuaires et littoraux », avril 2006, Presses universitaires de Rennes (à paraître).
15 Intervention de Laurent Théry, directeur de la SAMOA (Société d’aménagement de la métropole ouest atlantique – maîtrise d’ouvrage urbaine du projet « Île de Nantes ») au colloque « L’après-friche », Nantes, février 2005.
16 Société d’aménagement de la métropole ouest atlantique, société d’économie mixte ayant en charge la maîtrise d’ouvrage déléguée de Nantes Métropole pour le projet « Île de Nantes ».
17 Intervention de Nicolas Binet, Table ronde « Projets urbains et représentations », Aestuaria, L’invention de l’estuaire, Patrimoine – territoire – représentations, no 3, 2002, p. 331.
18 Cette machine de 11 m de haut a été réalisée par François Delarozière, directeur artistique de l’association « La Machine » et qui s’est fait reconnaître pour l’ensemble des machines créées pour la compagnie de théâtre de rue Royal de Luxe. Elle est le premier élément d’un ensemble de machines destinées à prendre place sur l’ensemble du territoire de l’Île de Nantes.
19 « Île de Nantes : création d’un projet touristique “Les machines de l’Île”. » Dossier de presse du conseil communautaire du 18 juin 2004.
20 Voir. http://www.fousdenantesmetropole.com.
21 Retranscription de la table ronde animée par Christophe Bétin, responsable des études générales à la direction départementale de l’Équipement de la Loire, Journée d’étude « Villes en construction : projet, regards d’ailleurs, mémoires » organisée dans le cadre de l’atelier de recherche « Travail de mémoire, mémoires partagées : vérités, traduction, événement, reconnaissance » (MODYS) du programme interministériel de recherche « cultures, villes et dynamiques sociales », le 12 janvier 2007 à l’université Jean Monnet de Saint-Étienne.
22 Ariella Masboungi est architecte-urbaniste en chef de l’État, chargée de la mission « Projet urbain » auprès du directeur de la DGUHC (Direction générale urbanisme habitat construction) du ministère de l’Écologie, du Développement et de l’Aménagement durable.
23 P. Ingallina, Le projet urbain, op. cit., p. 101.
24 A. Masboungi (dir.), Nantes, La Loire dessine le projet, Projet urbain, Éd. La Villette et DGUHC, 2003, p. 11.
25 Entretien avec O. C., chargé de mission à la SAMOA, 4 mars 2008.
26 M. Gravari-Barbas, « La “Festival market place” ou le tourisme sur le front d’eau. Un modèle américain à exporter ? », Norois, 1998, Poitiers, t. 45, no 178, p. 261-278.
27 D. Harvey, « L’accumulation flexible par l’urbanisation : le “postmodernisme” dans la grande ville américaine », http://www.multitudes.samzdat.net/L-accumulation-flexible-par-l.html, septembre1995.
28 G. Pinson, « Projet de ville et gouvernance urbaine », RFSP, vol. 56, no 4, août 2006, p. 619-651.
29 F. Tomas, Variations autour du patrimoine. Un cas d’école : le Forez, Publications de l’université de Saint-Étienne, 2004, p. 266.
30 P. Le Galès, op. cit., p. 314.
31 S. Valognes, « Ironie patrimoniale et mémoire écran », Travail de mémoire et requalification urbaine, coll. Repères, Éd. de la DIV, 2007, p. 108-111.
32 Entretien avec O. C., SAMOA, 4 mars 2008.
33 P. Le Galès, op. cit., p. 314.
34 Intervention de Camille Tiano, « Mettre en récit l’urbain, un outil pour la reterritorialisation des friches urbaines », GT14, 18e congrès de l’AISLF, Istanbul, 8-10 juillet 2008.
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