« Avec maison ouverte et commerce établi » : intégration sociale et cohabitation des marchands étrangers au Guipúzcoa durant l’époque moderne
p. 231-251
Texte intégral
1En Espagne, le pouvoir politique s’est toujours préoccupé de favoriser l’installation des étrangers, comme moyen de stimuler l’attraction de capitaux et de technologies, ce qui a impliqué une attitude positive envers les étrangers, matérialisée dans le Droit Positif, provoquant, dans une grande mesure, une dépendance de l’économie espagnole, surtout durant le XVIIIe siècle. Les normes qui régulaient la présence étrangère commencèrent à surgir au XVIIe siècle et se développèrent surtout au XVIIIe siècle, principalement par rapport à la possibilité des commerçants, de passage ou résidents, d’exercer des offices, à la nécessité de professer le catholicisme, au commerce des Indes, à l’Institution de la Junte du Service des Étrangers et des Juges Conservateurs. Déjà, pendant le règne de Philippe IV, il s’est agi de favoriser l’arrivée d’étrangers catholiques et alliés. La résidence permanente des étrangers catholiques sur le territoire espagnol ne fut autorisée qu’en 1703, tout en exigeant d’eux dix années de résidence continue préalable ou d’être mariés avec une Espagnole.
2En 1716, une fois achevée la guerre de Succession, on reconnut comme habitant l’étranger qui satisfaisait à l’une des conditions suivantes : l’obtention du privilège de naturalité, la naissance dans le royaume, la conversion au catholicisme, le droit de bourgeoisie dans une ville quelconque et la jouissance de la possibilité d’occuper des charges municipales ou de profiter de ses biens communaux, le mariage avec un ou une native, demeurer dans une maison habitée pendant dix ans, s’enraciner en achetant une maison et des biens fonciers, exercer un métier artisanal mécanique ou ouvrir une boutique au détail. Cette amplitude d’hypothèses n’empêcha pas cependant que l’étranger domicilié – bourgeois légalisé – reste stigmatisé comme étranger, d’où la perte de droits comme sujet de la monarchie espagnole dans les moments de conflits internationaux, se transformant en cible de représailles (confiscation des biens ou éloignement de la frontière). Avec la Constitution de Cadix de 1812, la situation changea, mais l’étranger devait obtenir une lettre de citoyenneté qui lui permettait de jouir des droits d’Espagnol. Finalement, en 1852, on parvint à l’égalité entre les étrangers et les nationaux, ce qui supposa le remplacement de la simple réciprocité par le principe d’égalité1.
3La présence de commerçants étrangers au Guipúzcoa fut relativement importante durant l’époque moderne, même si son étude est peu approfondie dans l’historiographie basque. Les rares études qui ont analysé cette présence ont une série de caractéristiques communes. Dans la majorité des cas, l’analyse de ces groupes a été conduite de manière biaisée, toujours à l’intérieur d’études plus larges dédiées à la marginalisation de certains groupes, à l’étude de questions économiques générales ou, dans le cadre de cas singuliers ou de travaux locaux, avec une certaine tonalité érudite et économiste. Les études réalisées se sont centrées principalement sur le XVIIIe siècle et sur la fin de l’Ancien Régime, à cause de la précarité mentionnée des sources, mais aussi à cause d’une préoccupation incontestablement plus grande envers les problèmes générés par la présence des étrangers durant la dite période, ce qui a donné lieu à une plus grande documentation. Dominent enfin les études urbaines et celles qui se réfèrent à la bourgeoisie commerciale, située dans des villes portuaires d’importance variée, liées au trafic colonial2. Mais l’étude des commerçants étrangers, dans le cas concret du Guipúzcoa, compte une série de carences. Il manque des analyses des relations des étrangers entre eux, avec leurs lieux d’origine, des liens sociaux et d’amitié qui s’établissent dans les lieux d’accueil, avec ceux avec lesquels ils avaient des relations économiques, politiques et culturelles. Nous ne connaissons que peu ou rien de leurs comportements politiques, leurs habitudes mentales, leurs relations familiales et d’amitié, y compris économiques, ou des mécanismes d’intégration utilisés.
Configuration et défense du principe de noblesse universelle
4Une des principales particularités du cas basque et guipuzcoain, par rapport à d’autres zones de la Couronne de Castille, est le cadre légal représenté par les Fueros (privilèges territoriaux) et l’obsession permanente des autorités provinciales pour la défense du principe de noblesse universelle et de pureté de sang. La législation régionale disposait d’un système de défense des privilèges des naturels face à l’irruption des personnes étrangères, répondant aux intérêts des groupes mercantiles et artisanaux ou comme instrument régulateur de la croissance et de la pression démographiques. C’est ce qui fait que nous devons considérer le cas des étrangers comme une manifestation supplémentaire de marginalisation, au moins géographique et juridique si ce n’est religieuse et raciale, avec des teintes xénophobes, car on leur affectait la même législation qu’aux juifs, morisques ou gitans, sous le prétexte de la pureté de sang. Il faut préciser que le terme « étranger » incluait tous ceux qui n’étaient pas originaires de la province, donc aussi les gens procédant des autres territoires péninsulaires comme les Castillans, les Galiciens, les Aragonais, y compris les Navarrais, les Alavais, les Labourdins et, jusqu’au XVIIe siècle, les Biscayains et les gens de Oñate.
5Après l’expulsion des juifs, les autorités des divers territoires basques établirent une législation contre les conversos qui avait comme arrière-plan l’obtention de la noblesse universelle. En 1510, le Guipúzcoa obtint un brevet royal pour expulser les nouveaux convertis juifs et maures, ce qui fut compris par les autorités de la province comme un adossement pour leurs prétentions à l’obtention de la noblesse universelle. Depuis ce moment, les maires furent en charge de contrôler la pureté de sang et la noblesse des résidents sur leurs territoires, ce qui, à partir du dernier tiers du XVIe siècle, allait faire s’affronter les autorités provinciales et locales. Le titre xli des Fueros contient les principaux décrets qui furent établis à ce sujet en Guipúzcoa durant les XVIe et XVIIe siècles, avec quatre moments clés : les Juntes générales de Rentería de 1527, les Juntes générales de Fuenterrabia de 1557, les Juntes générales de Rentería de 1571 et les Juntes générales de Tolosa de 16043. On y établit la pureté de sang et la noblesse comme frein à l’établissement des étrangers en territoire guipuzcoain et à l’accès aux offices civils et militaires.
6Ce dernier point, davantage que la pureté de sang et la noblesse universelle, fut le principal cheval de bataille des autorités provinciales guipuzcoaines depuis déjà le milieu du XVIe siècle et durant toute l’époque moderne, malgré la politique de cohabitation de quelques autorités locales et municipales. Le principal problème dans cette configuration était essentiellement celui de la présence des Français, majoritaires en nombre – commerçants, artisans, professions libérales, travailleurs pauvres – de par leur mobilité même liée à la surpopulation en France, à la proximité géographique et aux liens culturels, sociaux et économiques entre les provinces basco-espagnoles et basco-françaises, traduits dans ce dernier cas, par exemple, dans les traités d’échange ou bonne correspondance4, dans une période de guerres continuelles avec la France jusqu’à la paix de Vervins en 1598.
7Il y eut deux attitudes des naturels face à l’arrivée des commerçants étrangers. Les marchands puissants, dédiés au commerce de gros, se montrèrent favorables à leur présence, même s’ils s’opposèrent à certaines pratiques qui gênaient leurs intérêts. Les petits commerçants, pour leur part, dédiés au commerce de détail en boutiques, et les petits artisans s’opposèrent à leur présence, sollicitant leur expulsion ou l’imposition de limitations à leur établissement, ayant peur qu’ils accaparent leur activité5. Ce fut à partir de la décennie 1590 que les relations entre les commerçants de Saint-Sébastien et de France se raréfièrent, en conséquence de l’opposition montrée par les autorités provinciales et les commerçants guipuzcoains face à l’établissement de consuls étrangers à Saint-Sébastien. L’inexistence de consuls ou de vice-consuls dans les territoires basques était une autre des grandes particularités, par comparaison avec le reste de la péninsule, bien que la Couronne se soit toujours montrée favorable à leur présence dans l’accomplissement des traités internationaux signés avec le reste des puissances européennes. Les essais pour établir des consuls français ou anglais commencèrent à partir de la fin du XVIe siècle. Leur principal but était d’ordonner l’activité commerciale de leurs compatriotes, facilitant la commercialisation de leurs produits, en les aidant à solutionner les conflits suscités entre eux, mais aussi avec les natifs. Selon Xavier Alberdi, derrière de louables intentions supposées se cachait en réalité l’intérêt des commerçants étrangers, spécialement des membres des grandes compagnies marchandes qui, durant cette période, commençaient à se constituer en France, en Angleterre et en Hollande, et de leurs gouvernements, pour accaparer le trafic commercial légal développé à travers Saint-Sébastien et pour contrôler et fiscaliser le commerce illégal ou de contrebande qui se déroulait entre le dit port et les ports européens, en profitant de l’exemption douanière6.
8Le premier essai pour établir un représentant consulaire fut tenté par les commerçants français quand, en mai 1593, Saint-Sébastien présenta devant les Juntes générales un brevet royal qui, à la demande du commerçant français Vincent Cadio, concédait à Juan Martinez de Argarate, bourgeois de Saint-Sébastien, la charge de « consul de la nation française ». La province, jointe à la ville, alléguait qu’une telle charge blessait ses avantages et privilèges car elle impliquait le recouvrement de nouveaux impôts sur les embarcations françaises qui arrivaient au port. Cadio assurait que c’était Argarate lui-même qui les prenait sur lui pour exercer la dite charge, en échange d’un ducat pour chaque navire de plus de 15 tonneaux. Bien que les Juntes générales de Zumaya de la même année s’opposassent à Argarate, celui-ci persista dans son dessein au moins jusqu’en 15947.
9Un des problèmes les plus importants suscités en Guipúzcoa quant à la présence des étrangers fut celui des Portugais durant les premières décennies du XVIIe siècle. Les facteurs propitiatoires des décrets d’expulsion de 1605 et 1610 furent autant de nature idéologico-religieuse qu’économique. Si d’un côté était la défense de la pureté de sang, de la noblesse et du catholicisme, de l’autre était l’affrontement entre les petits commerçants de Saint-Sébastien, dédiés au commerce de détail, et les grands marchands étrangers, tournés principalement vers les échanges du commerce de gros, mais qui essayaient de s’emparer aussi de ce secteur. Les Portugais avaient connu une importante expansion depuis qu’en 1580 le Portugal était relié à la Castille, essayant d’entrer dans des ports importants comme Bilbao et Saint-Sébastien où ils monopolisèrent le commerce des toiles de lin, de telle manière qu’ils finirent par se convertir en inconvénient et concurrence pour les commerçants autochtones. À l’accusation de judaïsants, pervertissant d’autant la pureté de sang, on unit les contraventions aux privilèges de s’établir sans faire reconnaître sa noblesse, de s’adonner à la contrebande avec la France, l’Angleterre et la Hollande, d’élever le prix du blé d’importation, de concurrence déloyale et de sortie de métaux précieux. Après les tensions du début du XVIIe siècle, les relations connurent une certaine tranquillité jusqu’à la période comprise entre 1640 et 1671, coïncidant avec la guerre du Portugal, débouchant sur l’indépendance du Portugal après le traité définitif de Lisbonne de 1668, complété par la signature du traité de La Haye de 1671 qui déplaça les Portugais en faveur des Hollandais8.
10L’admission des étrangers aux charges publiques s’était convertie en un véritable casse-tête à la fin du XVIe siècle, car les mesures prises n’étaient pas respectées. Dans ce cas, nous voyons un clair affrontement entre les institutions provinciales, qui prétendaient faire une lecture littérale des ordonnances, et les autorités locales qui, mues par leurs propres intérêts, permettaient l’entrée d’étrangers dans certains offices civils et militaires. Face à cela, les Juntes générales de Tolosa décrétèrent le 20 mai 1604 une ordonnance, avec confirmation royale du 9 juin 1664 (chapitre v du titre xli des Fueros) qui fondait la méthode pour établir les preuves de noblesse par le moyen de vérificateurs dont la nomination relevait des conseils de la Junte9. Cette mesure doit être replacée dans le cadre de l’offensive menée à bien dans la perspective du maintien de la pureté de sang et de la noblesse universelle, avec comme résultat la confirmation de cette dernière. En 1610, la Province obtint que ses naturels fussent considérés nobles de sang, ce qui fut confirmé en 1639 dans la chancellerie de Valladolid et en 1640 dans celle de Grenade10.
11La confusion dans l’application de l’ordonnance mentionnée de 1604 et le préjudice causé aux Biscayens et aux habitants du comté d’Oñate, avec qui on prétendait maintenir une certaine réciprocité, mais en même temps le manque d’accomplissement des dispositions et l’abus des autorités locales, comme le signale clairement le texte, obligèrent à l’établissement en 1635, dans les Juntes générales d’Elgoíbar, d’une nouvelle ordonnance (chapitre vi du titre xli), confirmée par Philippe IV en 1636 et 1647, par laquelle on obligeait les étrangers à faire légitimer leur noblesse dans les Salas de Hijosdalgo des chancelleries et à en obtenir des certificats royaux pour pouvoir jouir des offices publics de la province. Étaient exemptés de ces dispositions les naturels de Guipúzcoa, mais aussi ceux de la Seigneurie de Biscaye et ceux du Comté d’Oñate. Pour terminer, on instituait deux livres dans lesquels devaient se faire enregistrer d’un côté ces habitants qui avaient droit et qui aspiraient à occuper des offices, de l’autre le reste des habitants, y compris les forains qui n’aspiraient à aucune charge11. En réalité, cette ordonnance répondait à une provision royale de la Chancellerie royale de 1634 pour que ne se disent pas officiers d’honneur ceux qui n’étaient pas nobles en Guipúzcoa, Biscaye et dépendances12. Dix ans après, en 1644, une nouvelle provision royale confirmait l’ordonnance établie dans les Juntes générales de Motrico de 1641 par laquelle les étrangers et les forains résidant ne pouvaient prétendre être admis dans les offices publics, réservés aux nobles, pour le seul fait d’avoir réalisé des actes positifs, concrètement des revues et des signalements ordinaires d’armes. Mais cette ordonnance allait rester sans effet, ce qui obligea la Province à décréter une augmentation des peines et à réaliser une série de modifications. La corruption développée dans l’élection des vérificateurs mena finalement à l’établissement de diverses ordonnances dans les Juntes de Villafranca de 1666 et dans celles de Deva de 1684, et d’un brevet royal de Charles II le 27 mai 1697, par lesquels on devait élire un collège de 16 chevaliers qui, à son tour, élirait 4 chevaliers vérificateurs13.
12Dans les années cinquante, les problèmes avec les étrangers se reproduisirent, principalement avec les Portugais, mais aussi avec quelques Français14. À partir des années soixante, le problème français se centra sur le cas concret des natifs du sixième bailliage de Navarre (Basse Navarre) qui revendiquaient leur droit à bénéficier des privilèges comme le reste des Espagnols et des sujets de la nation. Les Juntes générales d’Azpeítia décrétèrent en avril 1665 comment faire les filiations des natifs de Basse Navarre, considérés comme des sujets de plein droit du roi d’Espagne15. Malgré cela, ces problèmes se reproduisirent, même jusqu’à la veille de l’introduction des conventionnés en Guipúzcoa. La situation des bas Navarrais était certainement particulière car, bien que vivant en territoire français, ils étaient considérés sujets du roi d’Espagne, avec les mêmes droits et obligations que les autres, depuis qu’en 1513 les six bailliages de Navarre prêtèrent hommage à Ferdinand le Catholique. Les droits des bas Navarrais furent recueillis et compilés par le prêtre bas navarrais don Martin Vizcay et publiés en 1621 par Juan de Lanaja y Quartenet à Saragosse. Dans cette œuvre, Vizcay avance que « les fils de ce bailliage de Saint-Jean de Pied de Port sont habilités et ont clair droit pour prétendre et obtenir quelconques offices, bénéfices, et charges d’honneur dans les dits royaumes de la Couronne de Castille… pour être une nation qui s’est moins mêlée avec les autres nations entre toutes celles qui sont entrées en Espagne16 ». Plusieurs sentences obtenues en leur faveur par les bas Navarrais entre 1583 et 1622 servirent de base juridique à tous les autres, mais aussi à ceux qui, en nombre important, s’installèrent en Guipúzcoa, et dont certains furent durant le XVIIIe siècle d’importants commerçants comme nous aurons occasion de le montrer.
13Saint-Sébastien demeura sans doute le pôle d’attraction le plus important durant le XVIIe siècle. Dans une période d’affrontement ouvert avec la France, au moins jusqu’à la paix de Ryswick, la Couronne se montra préoccupée par le contrôle des étrangers y résidant, rôle que prétendait remplir le capitaine général avec le soutien royal, ce qui généra d’importants conflits avec les jalouses autorités municipales. Celles-ci se souvenaient d’avoir obtenu le brevet royal du 25 mars 1595, renouvelé le 18 octobre 1672, par lequel aucun étranger de quelque nation, qualité ou condition ne pouvait se loger à Saint-Sébastien dans la maison d’un autre étranger, ni dans aucune maison de la zone intra-muros, même si celle-ci était propriété d’un naturel ; ceux qui étaient déjà ainsi logés devaient être relogés dans d’autres maisons de naturels non douteux, en faisant obligation aux maires qui éludaient la question. De fait, les maires de Saint-Sébastien avaient déjà agi judiciairement en 1661, 1665, 1687 et lors des années suivantes contre différents marchands étrangers résidents, les obligeant à vivre avec des habitants naturels et à ne pas faire de commerce de détail, cette attitude étant validée par le brevet royal du 30 juillet 1696, ordonnant qu’on permette aux étrangers résidents mariés avec des filles d’habitants naturels de vivre dans des maisons avec leur femme et leur famille, pourvu que ce fût dans le centre de la ville et non pas proche des murailles, sans qu’ils puissent servir d’hôtes à aucun étranger : ceux-ci devaient vivre avec des habitants matriculés à l’intérieur de la ville17.
14De plus, était ordonné par une lettre de 1618 que les maires ordinaires de Saint-Sébastien s’occupent seuls de ces questions, sans intervention du capitaine général, des gens de guerre et des présides18. En réponse à ces tentatives du capitaine général et à l’obtention par quelques étrangers résidents d’un brevet royal sur l’admission aux charges municipales, Saint-Sébastien établit en 1695 une ordonnance pour que les étrangers ne fussent pas admis dans les offices du conseil. Le 18 octobre 1695, on décida à l’hôtel de ville que, depuis ce jour, on n’admettrait pas les étrangers aux offices d’honneur de la ville jusqu’à la quatrième génération, à cause des préjudices pouvant en dériver pour un port de mer et une place d’armes. Les anciennes ordonnances de Saint-Sébastien, confirmées par Charles I le 10 décembre 1530, établissaient qu’aucun étranger ne fut admis dans aucune sorte d’office. Saint-Sébastien disposait en plus d’une autre ordonnance du 18 octobre 1542, confirmée par Charles I le 13 septembre 1543 et par Philippe IV le premier septembre 1644, par laquelle « aucun naturel français ne puisse jamais s’établir ni demeurer par voie de bourgeoisie ni de résidence dans cette dite ville ni dans son territoire et juridiction, sous peine de mort et perte de tous les biens, mais peuvent bien résider en temps de paix ou trêve seulement ceux qui apportent le ravitaillement… », c’est-à-dire les commerçants. On soupçonnait et accusait les Français de ne pas rompre leurs liens avec leur terre d’origine. On interdisait aux étrangers, à leurs enfants et petits-enfants, même s’ils étaient d’autres provinces, avec filiations et biens immobiliers, d’exercer des charges et des offices. Seuls les arrière-petits-fils des étrangers pouvaient faire étalage d’offices civils et militaires. Le procureur fiscal de la Chancellerie et la Province elle-même attaquèrent cette ordonnance en invoquant l’accord adopté le 15 mai 1694 dans les Juntes générales de Fuenterrabia avec une série de Flamands installés à Saint-Sébastien : José de Gradi, Julian Mas, Felipe et Antonio Joaquin Dubois. Les Flamands commencèrent à arriver au Guipúzcoa par suite de l’invasion française, après la guerre de Hollande (1674-1678) et la guerre des Réunions (1683-1684). Ceci fit que beaucoup se déplacèrent au Guipúzcoa avec lequel ils maintenaient d’étroits liens commerciaux. Pour bénéficier des avantages commerciaux du Guipúzcoa, il était essentiel qu’ils parviennent à obtenir les droits de bourgeoisie et de naturalisation. Les boutiquiers et les petits commerçants de Saint-Sébastien décidèrent d’intenter des actions pour que leur soit reconnu le droit exclusif du commerce de détail. La réponse de Saint-Sébastien fut de confirmer en août 1686 le décret antérieur l’interdisant aux commerçants étrangers résidant en ville.
15Outre le regroupement des commerçants et boutiquiers de Saint-Sébastien, s’interposa une demande devant la justice de la ville contre Julian Mas, commerçant flamand résidant à Saint-Sébastien, originaire de Lille, ville annexée à la France au cours de la guerre de Dévolution, et contre sa belle-mère Mariana de Lezama19, pour qu’ils cessent le commerce de détail. Quelques mois plus tard, en septembre 1686, les auto-dénommés « marchands de bourse et hommes d’affaires », dont Martin de Lans, Felipe Dubois, Pedro Felipe Dubois, Simon Farbacques, José Corbisier, Tomas Brit, Santiago Claessens, José de Gradi, Pedro Morgan et Guillermo de Fanclanq, adressèrent un mémoire à la ville contre les prétentions de Julian Mas. Ils considéraient que dans le cas où Mas exercerait le commerce de détail, les grands commerçants, naturels et étrangers, dédiés au commerce de gros, subiraient d’importants préjudices car ils perdraient une grande partie de leur clientèle puisque les petits commerçants et les boutiquiers leur achetaient les marchandises pour la vente au détail20. Le maire de Saint-Sébastien rendit une sentence contre Julian Mas en mars 1687, qui fit appel à la chancellerie de Valladolid21. Pour cela, Julian Mas se dépêcha de faire reconnaître son titre de noblesse. En réalité, ce que la ville de Saint-Sébastien prétendait éviter était que Julian Mas fut reconnu comme bourgeois de plein droit, en capacité d’exercice de charges et d’honneurs publics. Pour les commerçants flamands, comme pour le reste des commerçants étrangers et naturels, l’exercice des offices publics était un instrument efficace pour soutenir leurs affaires et leurs relations commerciales, surtout en tenant compte que les Hollandais, avec qui ils maintenaient une forte concurrence, étaient interdits de charges publiques22.
16Il se produisit un changement d’attitude des grands commerçants quant à l’établissement de consulats étrangers au Guipúzcoa au commencement du XVIIe siècle ; s’ils s’étaient montrés favorables à l’établissement de consuls en période de guerre, probablement comme méthode pour attirer le trafic, ils s’y étaient opposés en temps de paix. En 1604, dans une période de paix entre de nombreuses nations, les Français réessayèrent d’installer un consul à Saint-Sébastien en présentant à cette occasion un ordre royal concédé à Juan de Clau, tentative restée infructueuse devant l’opposition de la Province et du Corregidor. Les allégations présentées évoquent clairement quel eut été le préjudice d’une telle institution dans le commerce guipuzcoain. En premier lieu, elle eut supposé l’introduction de nouvelles taxes, portant ainsi atteinte aux exemptions guipuzcoaines comme on l’avait déjà prétendu en 1593, supposant une hausse du prix des produits importés, surtout des vivres. En second lieu, la charge de consul eut supposé l’établissement d’un monopole qui se répercuterait de même dans le prix final des produits importés, au détriment des commerçants autochtones. En dernier lieu, il eut supposé l’interruption de la contrebande d’armes, de munitions et matières navales indispensables pour la Marine royale dont tiraient bénéfice tant les commerçants mentionnés que la Monarchie. Juan de Clau poursuivit ses tentatives en 1612 et 1624, sans plus de résultat23.
17Dans les Juntes générales de Elgoíbar de 1606, Saint-Sébastien montra de nouveau son mécontentement devant les actions de Jaymes Huych comme consul, cette fois anglais, avec un titre concédé par le roi d’Angleterre, qui était en train de recouvrer un droit de 2 % sur les bateaux anglais qui arrivaient au port. Huych administrait le trafic commercial de la compagnie commerciale à laquelle il appartenait et fiscalisait et contrôlait le trafic du reste des marchands anglais. Finalement, la province admit l’établissement du consul anglais sous la condition de ne pas exiger le droit de 2 % sur les bateaux anglais sans autorisation royale exprès. Huych fut remplacé par Valentin Morgan, désigné en 1661, et ce dernier par Guillermo Flanchant ou Flancland24. Les essais français pour instaurer un consul à Saint-Sébastien reprirent avec élan en 1685 quand fut donnée une autorisation royale pour que Francisco Noël, désigné par le roi de France pour toute la côte de Guipúzcoa et de Biscaye durant trois ans, agisse comme consul. La réaction de la Province ne se fit pas attendre car elle rejeta la nomination au nom des Fueros. En cette occasion, la polémique affecta aussi le consul anglais, Guillermo Flancland, qui en 1686 avait exigé du maître d’un navire anglais, Oliverio Mayo, le paiement de 100 réaux d’argent. La Province lança une enquête quant au maintien du consul anglais, matière dont les Français tirèrent profit pour prolonger leurs interventions pour faire accepter leur consul. Dans les deux cas, les jurisconsultes de la Province recommandaient la suppression de la charge. Parmi les raisons mises en avant, on en revenait à reprendre celles alléguées en 1604, mais, en cette occasion, il n’y eut aucune réticence à manifester que la principale raison était la protection de la lucrative contrebande pratiquée depuis Saint-Sébastien avec la France et l’Irlande, et dont profitaient la Marine royale, les industries navales et sidérurgiques, le ravitaillement alimentaire du Guipúzcoa et la persistance du traité d’échanges avec le Labourd25.
18Curieusement et à la différence de ce qui est advenu avec les Français et les Anglais, la présence d’un consul hollandais fut admise à Saint-Sébastien. En 1649, Pedro de Orischott fut désigné comme nouveau consul. Certaines données paraissent parler d’un consul hollandais en 1662 et 168326. Cette attitude, comme l’affirme très bien Xavier Alberdi Londibe, confirme que ce qui était en jeu dans le cas des consuls français et anglais était la contrebande, question qui n’était pas présente dans les relations commerciales avec la Hollande. Après la paix de Münster de 1648 et jusqu’à ce que se formalise en 1673 le traité de La Haye entre l’Espagne et la Hollande, celle-ci déploya une « diplomatie mercantile » avec l’Espagne, selon l’expression d’Herrero Sanchez, de telle manière que peu de jours après la signature de la dite paix les États Généraux de Hollande décidèrent l’établissement de cinq consuls dans les principales places marchandes péninsulaires : Cadix, Séville, Malaga, Alicante et Saint-Sébastien, et un an après à Bilbao, port principal de sortie de la laine castillane et d’entrée du cuivre utilisée pour la monnaie de billon27. Tandis que la nomination des consuls français et anglais avait supposé l’établissement d’une commission d’enquête en 1687, cette même année on acceptait de nouveau la nomination d’un nouveau consul hollandais à Saint-Sébastien. Il est certain que, à la différence des cas français et anglais, l’établissement d’un consul hollandais ne supprimait pas le commerce illicite puisque ce dernier continuait d’être protégé de manière légale par les consuls hollandais eux-mêmes, intéressés par l’appropriation de la plus grande quantité de métaux précieux possibles et par la participation au commerce américain à travers Buenos-Aires et le Rio de la Plata. De toute manière, nous ne devons pas oublier que dans le cas des consuls français et anglais, il existe un autre facteur de poids avec la création en 1682 du Consulat de Saint-Sébastien, ce qui allait entraîner le début d’un rejet frontal de tout établissement de consul de quelque provenance à partir du XVIIIe siècle et de l’avènement des Bourbons à la Couronne28.
La présence massive de Français au Guipúzcoa
19Tant au XVIIe qu’au XVIIIe siècle, les relations entre la France et l’Espagne déterminèrent le traitement dispensé aux Français au Guipúzcoa. Si durant le XVIIe siècle, l’affrontement militaire compliqua leur séjour sous le soupçon de collaborationnisme, durant le XVIIIe siècle, l’accès de la dynastie des Bourbons au trône d’Espagne et les successifs pactes de famille entraînèrent un important changement, tant qualitatif que quantitatif. Devant les nouvelles perspectives, le nombre de Français installés à Saint-Sébastien et dans les autres ports guipuzcoains crut ostensiblement en nombre, en se situant très au-dessus des autres nationalités. Malgré cela, à Saint-Sébastien, un des principaux centres de commerce illicite, ils durent affronter bien des difficultés pour leur installation. Il existait deux raisons principales à leur arrivée : d’une part la présence de la Compagnie royale de Caracas et son approvisionnement en produits alimentaires et d’échanges et de l’autre la contrebande avec la France, surtout de monnaie avec Bayonne29.
Nationalité | Nombre | Pourcentage |
Français | 913 | 61,5 |
Maltais | 214 | 14,4 |
Génois | 100 | 6,7 |
Irlandais | 52 | 3,5 |
Italiens | 51 | 3,4 |
Flamands | 42 | 2,8 |
Allemands | 42 | 2,8 |
Anglais | 32 | 2,1 |
Hollandais | 15 | 1 |
Bohémiens | 10 | 0,6 |
Suédois | 6 | 0,4 |
Portugais | 6 | 0,4 |
Danois | 1 | 0,1 |
Total | 1.483 | 99,9 |
20Le succès expérimenté durant le XVIIIe siècle avait cependant commencé à se forger un siècle avant. L’intérêt de Colbert pour le commerce avec l’Espagne lui fit proposer aux commerçants de Nantes de s’établir à Cadix, Malaga et Saint-Sébastien. Les premières décennies du XVIIIe siècle furent quantitativement les meilleures et, même si arithmétiquement le pourcentage fut en contraction, il continua de se maintenir à un haut niveau durant tout le XVIIIe siècle. La balance commerciale fut naturellement en faveur de la France durant toute la période, même si le niveau des importations depuis l’Espagne fut aussi élevé ; depuis les ports basques, l’arrivée du fer de l’intérieur, des vins et du tabac de la Compagnie de Caracas, et dans le dernier quart du XVIIIe siècle, la laine de Castille que Français, Anglais et Hollandais embarquaient à Bilbao et à Saint-Sébastien30. Ainsi, L’Espagne fut le principal marché du commerce français durant tout le XVIIIe siècle31.
Période | Commerce avec l’Espagne | Importations d’Espagne | Exportations d’Espagne |
1726-1728 | 18 % | 13,35 % | 21,56 % |
1749-1751 | 16,32 % | 11,33 % | 20,63 % |
1764-1766 | 12,74 % | 9,66 % | 14,80 % |
1775-1777 | 11,55 % | 9,64 % | 13,30 % |
21Les problèmes pour obtenir le droit de bourgeoisie durant le XVIIIe siècle continuèrent à être les mêmes qu’au XVIIe siècle. En 1760, période où étaient établies à Saint-Sébastien 85 familles d’étrangers – en 1764 on compte 22 étrangers à Saint-Sébastien, en 1793 296 Français en Guipúzcoa et 700 étrangers à Saint-Sébastien en 1791 pour une population d’environ 11 000 habitants, dont 96,6 % de Français32 –, Pedro de Larralde et l’hôtel de ville s’empêtrèrent dans un processus exemplaire. Larralde était domicilié en Espagne depuis 26 ans, reconnu comme bourgeois de Saint-Sébastien, employé comme contrôleur pour la reconnaissance, l’estimation et la régulation des droits royaux sur les produits qu’embarquait la compagnie de Caracas, et commerçant en gros et au détail avec boutique. Marié avec une native, avec des enfants – dont un aura aussi des problèmes pour des causes semblables dans la décennie 1790 –, avec des possessions immobilières et des majorats, avec « maison ouverte et commerce établi » dans l’intra-muros, il était réputé comme un de ses bourgeois, enregistré comme tel dans les milices durant la dernière guerre, contribuant comme bourgeois et reconnu comme tel dans les Juntes générales de 1753. Malgré tout cela, le conseil municipal de Saint-Sébastien voulait le considérer étranger et de ce fait non apte pour l’emploi qu’il remplissait, sans bénéfice de solde, en prenant comme base juridique le chapitre vi du titre XLI des Fueros. Larralde alléguait que le dit chapitre se référait uniquement aux migrants et non à ceux déjà établis, en sollicitant qu’on le considère « co-naturalisé en ces royaumes selon leurs lois, et sa famille et enfants réputés comme véritables espagnols ».
22Depuis Madrid, et avant la requête de Larralde, par le moyen d’un ordre royal expédié le 22 décembre 1759, on demanda une information à la municipalité de Saint-Sébastien. Dans sa réponse, celle-ci rappelait que Larralde était natif de France, concrètement de Ciboure, marié ici avec Manuela Duistegui, native de Saint-Sébastien, et recourrait une fois de plus à l’ordonnance municipale déjà citée du 18 octobre 1542, confirmée en 1543 et 1644, qui interdisait à un quelconque Français de demeurer ou de s’établir par voie de bourgeoisie, avec permission de résidence uniquement en temps de paix ou trêve pour ceux qui conduiraient des provisions et des marchandises. Malgré l’octroi de la naturalité et du droit de bourgeoisie par brevet royal, la municipalité protesta, cette fois aiguillonnée par le brevet royal reçu en 1759 contre Juan de Bousignac33. Comme dans les occasions antérieures, les intérêts de l’oligarchie commerciale de Saint-Sébastien étaient réellement derrière l’opposition à la bourgeoisie de Larralde, sous les accusations de manque de réciprocité, danger de monopole, déloyauté et péril pour les petits commerçants et boutiquiers, également invoqués dans le cas des Portugais et des Flamands durant le siècle antérieur. La municipalité prétendait que pour le seul fait d’être marié à une native, Larralde ne pouvait pas aspirer à pouvoir vivre sans hôtes bourgeois de la ville, étant donné que pour y demeurer il devait faire reconnaître sa pureté de sang, ce qu’il n’avait pas fait jusqu’à présent, étant connu comme résident et domicilié, non comme bourgeois du conseil. Elle accusait Larralde de n’avoir aucun bien foncier dans la ville, mais en France, ce qui présumait de son inclination envers son pays et non pour son établissement dans la ville. De même, quant à sa participation à la défense de la Couronne dans la dernière guerre contre l’Angleterre (guerre de l’oreille de Jenkins), elle l’accusait d’avoir été corsaire uniquement pour les bénéfices que lui rapporteraient les prises. La municipalité ne considérait pas non plus que l’emploi qu’il exerçait pour la Couronne devait lui servir pour l’obtention d’offices et d’honneurs, ni pour l’exercice du commerce34.
23La politique des étrangers connut un saut qualitatif à partir de 1764. Pour compléter l’ordonnance royale du 23 décembre 1763, celle du 28 juin 1764 établissait la matricule des étrangers domiciliés et de passage pour éviter les problèmes et les doutes autour des privilèges des étrangers. Dans la dite matricule, on devait indiquer la nation d’origine, l’entreprise, s’ils étaient de passage ou domiciliés, réputés vassaux ou non, et ceux qui dans l’année allait se convertir en nationaux espagnols. Dans le cas du Guipúzcoa, la Province prétendait que, selon ses privilèges, ce devait être les justices ordinaires qui se chargent de mener cela à bien, car la Province n’était pas sujette à capitainerie ou à commandement général35. Les matricules qui se firent depuis cette date incluèrent des extra-péninsulaires, des gens du Labourd, des Navarrais, des Biscayens, des gens d’Álava et d’Oñate, mais aussi des gens du Guipúzcoa non natifs du lieu où se faisait la matricule36. Le droit des étrangers établissait une série d’obligations, de privilèges et d’exemptions. Tout vassal, quelle que furent ses condition et qualité, avait interdiction de sortir du territoire avec sa maison et sa famille sans permission royale. On permettait à tout étranger catholique et ami ou allié d’entrer dans les territoires du roi d’Espagne pour exercer son office et travail, en prenant domicile dans n’importe quelle ville, et, dans le cas que ce fut à vingt lieues de la côte, en obtenant l’exemption du paiement de la taxe de privilège et pour six ans de celui de la alcabala et service ordinaire et extraordinaire, en jouissant des prés communs et d’autres commodités37.
24Pendant cette période, la cohabitation avec les commerçants étrangers fut relativement pacifique, sans être exempte de conflits. En réalité, dans le cas du Guipúzcoa, les conflits doivent être situés seulement à l’intérieur des disputes commerciales survenues entre commerçants étrangers et natifs. Le panorama changea à partir de 1789, par suite de l’éclatement de la Révolution française. À mesure que se produisirent les événements révolutionnaires et que leur notification arriva dans le territoire du Guipúzcoa, la situation des Français se compliqua. En 1790, Francisco Larralde Duistegui, fils de Pedro Larralde et de Manuela Duistegui, ayant obtenu une lettre de naturalité de la Chambre de Castille le 7 mars 1790, en sollicitait une autre pour le commerce avec l’Amérique. En août 1790, le Conseil des Indes exigea qu’il justifie toutes ses qualités devant le Corregimiento, comme l’ordonnait la loi 31, titre 27, livre 9 du Recueil des lois des Indes. Le principal obstacle résidait en ce que Francisco Larralde Duistegui était marié depuis 26 ans avec la Française Maria Durtubie Garro. Ils avaient eu deux fils, l’un appelé Lorenzo de Larralde, lieutenant de navire dans la Marine royale, et l’autre appelé Pedro Larralde Duistegui, bourgeois et commerçant déjà décédé, qui avait été marié avec Maria Bautista de Betbeder, fille d’un autre commerçant français établi à Saint-Sébastien, qui eurent Francisco de Larralde, né et baptisé à Saint-Sébastien. Ceci démontre d’une part que certains étrangers continuaient à maintenir des liens forts et fluides avec leurs lieux d’origine, comme le dénonçaient les ordonnances municipales de Saint-Sébastien de 1542, confirmées en 1543 et 1644, et d’autre part que, dans certains cas, pouvait se produire une certaine endogamie dans leurs relations, même s’il ne semble pas que ce fut habituel. Francisco Larralde Duistegui alléguait 40 années de domiciliation à Saint-Sébastien « avec maison peuplée et commerce continu ». Le Consulat refusa la concession de l’habilitation en avançant deux impossibilités : d’un côté, il ne pouvait pas prouver être marié à une native ou une fille d’étranger née sur le territoire ou aux Indes et, de l’autre, il ne pouvait pas faire valoir de biens immobiliers d’une valeur minimale de 4 000 ducats, puisqu’il n’avait pas présenté de titre écrit de propriété et que les témoins n’y pouvaient suffire.
25Larralde Duistegui avait présenté à la Casa de Contractación et au Consulat de Saint-Sébastien, le 10 mai 1788, une information sur les biens que Manuela Francisca de Duistegui, sa défunte mère, lui avait laissé : concrètement, deux maisons dans le corps de la ville, deux autres appelées de Lizardi, avec leurs terres cultivables, dans la chaussée de Pasajes, liées en majorat, 80 yugadas de terre près du moulin de Santiago, dans le quartier de Loyola, et la maison de campagne de Miravalles avec ses terres et dépendances en Alza, libres de toute charge. Le cas de Larralde démontre que certains étrangers étaient bien établis dans la ville et qu’ils disposaient d’un réseau important d’amis et de collaborateurs parmi l’oligarchie et les forces vives locales. Il présenta ainsi comme témoin Manuel Antonio de Arriola y Corral, patron de Azpe, bourgeois du conseil, Domingo de Olózaga, prêtre bénéficiaire des églises paroissiales de Saint-Sébastien, José Ignacio Pérez de Isaba, trésorier de la Compagnie royale des Philippines, don Juan Francisco de Cardaveraz, bourgeois du conseil, Bernardo de Arrieta, Juan Bautista de Arrieta, Agustín Antonio de Landaberea, Francisco Xavier de Leizaur, José Jacinto de Azcue, Miguel Antonio de Remón et José Antonio de Arrieta, vicaires perpétuels des paroisses de Sainte-Marie et Saint-Vincent. Dans sa défense, Larralde Duistegui avançait qu’il vivait depuis 40 ans à Saint-Sébastien quand les lois des Indes n’en exigeaient que 20, et qu’il possédait des biens d’une valeur supérieure aux 4 000 ducats exigés38.
26Au début du XVIIIe siècle, l’attitude de la Province quant à l’établissement de consuls étrangers sur son territoire ne paraît pas changer. Depuis 1708, le Juge conservateur général des Français délégua au corregidor la juridiction privative en première instance sur les causes civiles et criminelles des Français. Le roi choisit Pascual de Villacampa, auditeur du Conseil royal de Castille comme Juge conservateur de la Nation française, qui à son tour subdélégua sa juridiction à Villegas pour qu’il se réserve les causes. Le 23 mai 1708, Daubenton écrivait à don Alvaro de Villegas, corregidor au Guipúzcoa, pour qu’on choisisse Brulenne, commissaire de la Marine de France, comme Juge conservateur général à Saint-Sébastien. Mais les républiques du Guipúzcoa et le Consulat de Saint-Sébastien élevèrent une protestation en invoquant un privilège opposé. Les républiques prétendaient que si le corregidor s’arrogeait les compétences des maires en matière militaire et de la Alcadía de Sacas en matière de douanes pour juger les Français, il serait difficile de les envoyer en prison, de recouvrer sur eux les droits de tonnage à Pasajes, et que personne ne voudrait commercer avec eux. Le Consulat alléguait, en premier lieu, qu’il lui revenait en propre de connaître toutes les causes de commerce et de commerçants, sans exception d’aucune nation, une des causes pour lesquelles le Guipúzcoa s’opposa à l’établissement d’un consul français pendant tout le XVIIIe siècle. Il existait aussi, en second lieu, un raisonnement économique selon lequel « les Français étant les uniques commerçants qui de l’extérieur viennent dans cette ville par mer et par terre », il se produisait une grande quantité de différents entre les Français eux-mêmes et entre ceux-ci et les commerçants autochtones, résolus verbalement en première instance par le Consulat lui-même et en seconde instance par le juge de Alzadas ou des Appels – le corregidor quand il le prenait de résider à Saint-Sébastien ou, par défaut, un des maires ordinaires de Saint-Sébastien39. En troisième lieu, les lettres de change étant si communes, le changement de tribunal permettrait la fuite du débiteur, ce qui diminuerait la confiance et avec elle le commerce. En quatrième lieu, cela obligerait les commerçants à s’absenter de la ville pour présenter leurs livres. En cinquième lieu, si les Français restaient hors du Consulat, le prieur et les consuls ne pourraient pas les obliger à comparaître et, dans l’impossibilité de savoir la vérité, le commerce irait en chutant. En sixième lieu, au cas où s’établirait la nouvelle juridiction, le tribunal du Consulat s’éteindrait et disparaîtrait faute de moyens, car il ne percevrait plus les 4 % destinés au paiement de ses fonctionnaires. Enfin, la distance vers Tolosa, Azpeitia et Azcotia, où se trouvaient les bureaux du Corregimiento, obligerait les capitaines et les marins à se déplacer sur beaucoup de kilomètres pour régler leurs litiges sur les taxes et les salaires. En définitive, cela nuirait aux revenus du Consulat, ce qui diminuerait les dons et les prêts qu’il faisait à la Couronne40.
27La France essaya de nouveau d’établir un consul à Saint-Sébastien, ce qui fut accepté par la Diputación, dans ce que Xavier Alberdi qualifie de manœuvre contre le pouvoir croissant du Consulat, face à la radicale opposition de Saint-Sébastien. Cela suscita un procès qui se termina en 1713, avec l’acceptation de l’élimination dudit consul par le Conseil de Castille. Le fait que l’agent en cour de la Province se félicite en 1715 du succès obtenu contre le consul français et la prise de mesures contre le consul anglais en 1726 corroborent cette attitude41. En 1737, les conflits entre la Province et le Consulat se reproduisirent sous le motif de l’acceptation par la première d’un consul français dans la ville. En 1735, Martin de Bergeret, un des directeurs généraux de la compagnie de Terre, proposa don Juan de Bousignac, commerçant français résident à Saint-Sébastien et exerçant la charge de consul, comme le seul commis pour valider les acquits ou certificats des tabacs qui arrivaient à Saint-Sébastien depuis la France. La contrebande de tabac provenant des Indes orientales était certainement importante. Il semble que les commerçants de Saint-Sébastien y participaient en fournissant aux propriétaires des bateaux français les faux certificats qui confirmaient l’arrivée du tabac dans le port basque alors qu’il était porté en réalité dans d’autres ports français, car sur les 8 000 sacs supposés entrer annuellement, il n’en arrivait en réalité que 1 500. Bousignac commença son travail en 1737, mais le Consulat initia des actions contre lui. Le Français recourut à la Diputación qui l’autorisa à exercer sa charge, mais uniquement au service de la compagnie de Terre, et débouta le Consulat en alléguant qu’il n’avait pas juridiction sur l’émission de certificats ou acquits, mais uniquement dans le recouvrement de droits. Une fois de plus, la Province essayait de réduire le pouvoir du Consulat. En réalité, la Diputación n’avait pas accepté l’établissement d’un consul français à Saint-Sébastien, mais d’un agent appartenant à une compagnie.
28Tout au long du XVIIIe siècle, on suivit la même politique et on ne permit jamais la présence légale d’un consul français, ce qui fit que les autorités françaises se virent obligées de recourir à des pratiques plus ou moins frauduleuses, commettant de manière couverte les tâches mêmes de consul à quelque commerçant résidant à Saint-Sébastien. Le Consulat ne céda pas la partie jusqu’à ce qu’il obtienne, le 1er mars 1765, un décret royal qui convertissait les consuls étrangers en simples agents de commerce, sans faculté juridictionnelle quelconque. Ce décret vint à former une partie du titre 27 de ses nouvelles ordonnances, approuvées en 1766, qui entendait réserver exclusivement au Consulat les fonctions de contrôle du trafic que réalisaient les consuls étrangers42. Le 13 mars 1769, l’Espagne et la France signèrent une convention sur le service des respectifs consuls et vice-consuls, dont le premier article indiquait qu’ils devaient être nommés, admis et reconnus réciproquement, en présentant la patente de leur souverain, en obtenant le mandat d’approbation de la partie opposée et en montrant les deux au gouverneur ou aux juges de la place.
29Jusqu’en 1786, la Province n’eut jamais de problème avec aucun député de la Nation française, jusqu’à l’arrivée de Pedro Blanque. Lorsque, en 1787, don Pedro Blanque voulut remplir cette charge concédée par le roi de France, les Juntes de Tolosa établirent que, comme député de la Nation française à Pasajes, il prendrait en charge la levée de droits sur ses bateaux. Dans les juntes générales de Mondragón, on rendit compte du problème soulevé par la Diputación extraordinaire de juin 1787, sur le motif du mémoire présenté par Blanque qui demandait à exercer ses fonctions à Pasajes, Saint-Sébastien et dans le reste de la Province. Le Consulat, pour sa part, rendit un verdict négatif : même s’il ne s’opposait pas aux fonctions du député, il exigeait qu’il se limite à être un simple agent des capitaines et embarcations françaises, sans qu’il puisse exiger des droits, ni perturber la juridiction consulaire. Pour cela, le Consulat faisait état du décret royal déjà cité de 1765 qui établissait qu’ils étaient de simples agents de leur nation et qui les invalidait pour exercer une quelconque juridiction, même entre les vassaux de leur roi, pouvant uniquement arranger les différents entre eux, de manière extrajudiciaire et amicalement. Quant aux acquits-cautions des bureaux que les capitaines étrangers apportaient de leurs douanes pour faire constater à leur retour le déchargement des marchandises qu’ils apportaient aux ports du Guipúzcoa, le Consulat ne pouvait permettre qu’elles soient traitées par les négociants résidant à Saint-Sébastien, même s’ils en étaient autorisés par leur roi, parce c’était un privilège du prieur et des consuls comme l’établissait le titre 27 du chapitre 6 des ordonnances du Consulat.
30En réalité, cela faisait un certain temps que Blanque exerçait sa charge de façon voilée. Le 15 septembre 1788, il envoya un avis à Alexandre Groisard, capitaine du bergantin Le Courrier de Nantes, armé à Bayonne, lui mandant de comparaître dans les 24 heures à Pasajes avec l’obligation de présenter sa lettre de mer, son rôle d’équipage, conforme à l’ordonnance du roi français, et tout son équipage. Son prédécesseur, Esteban de Cabarrus43, condamna sa conduite, contraire à la justice provinciale et à la juridiction consulaire, car il n’avait pas d’autorité pour juger les différents entre le capitaine et l’équipage ; au mieux, il avait droit de représentation tandis que le Consulat avait celui de juger et la Diputación d’envoyer les capitaines devant les juges. Il l’exhorta à être plus modéré, car c’était lui qui l’avait fait nommer et il s’était fié à sa conduite. La Province ordonna le 5 septembre au maire de Pasajes d’avertir Blanque de ne pas sortir de ses fonctions. Blanque nia les accusations et affirma que ce qui était perçu étaient des « petites gratifications que donnent les capitaines ou les maîtres des navires français comme également les commissions, à proportion du droit de douane réglant le commerce de France44… » Il semble finalement que Blanque finit par suivre les recommandations et qu’il ne continua pas à outrepasser ses fonctions, comme le montre le cas du chirurgien José Ramon de Vila. En 1788, sur l’ordre du chirurgien de la frégate française « la Félicité » on appela celui-ci pour soigner le marin José de Virelau. Le blessé ne put être transporté à l’hôpital et dut faire sa convalescence dans la maison de Vicenta de Echevarria et être soigné durant deux mois, ce qui généra un coût de 448 réaux que, à l’origine et selon le chirurgien, Blanque s’était engagé à payer, lequel prétendait n’avoir promis que de s’occuper du paiement45. Entre 1789 et 1790, il fut remplacé dans la charge par Bousignac46.
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31L’exemple guipzcoain reproduit par conséquent le modèle de comportement enregistré dans d’autres zones péninsulaires, à l’exception de certaines particularités dérivées de son cadre légal spécifique, ce qui, dans le cas des commerçants, sous prétexte de maintien de la pureté raciale, cache la tentative de préserver une position privilégiée de relations commerciales. Comme on a pu le vérifier, l’évolution des groupes installés dans les ports du Guipúzcoa a varié en fonction des intérêts économiques et des vicissitudes politiques, en tenant compte que, dans la majorité des cas, le Guipuzcoa ne représentait qu’une visée secondaire dans un cadre plus large dont l’objet principal était les richesses américaines. La présence de marchands français ne commença à être massive qu’avec le début du XVIIIe siècle, en conséquence de la venue de la dynastie des Bourbons sur le trône espagnol. Jusqu’alors, les commerçants cohabitèrent avec des Anglais, des Hollandais, des Italiens, des Portugais ou des Flamands. Ceci eut aussi beaucoup à voir avec l’évolution même de l’économie du Guipuzcoa, avec la force ou la faiblesse de son essor capitaliste et avec le rôle joué par les Guipuzcoens sur les marchés européens. Ce fut lorsque ces derniers cessèrent d’agir comme simples transporteurs et intermédiaires pour se convertir en importants commerçants et gestionnaires de réseaux commerciaux que les commerçants étrangers virent une plus grande nécessité et une possibilité de s’installer dans les ports guipuzcoens, d’où ils pouvaient partager le contrôle des réseaux qui unissaient le nord de l’Europe à l’Amérique.
32Les relations des commerçants étrangers avec le Guipuzcoa eurent deux enjeux ou scénarios. D’un côté, les réticences des commerçants autochtones à l’établissement d’une figure consulaire qui eut mis en péril le monopole que ceux-ci exerçaient sur des activités très importantes, pas toujours licites. En second lieu, l’accès à des charges ou des offices civils et militaires fut interdit aux étrangers, à l’exception finalement de leurs descendants, sous prétexte de l’atteinte aux Finances royales et du danger de collaboration avec les puissances ennemies, ce qui cachait en réalité une dispute pour le contrôle que permettaient les instruments légaux, surtout du milieu local, sur le devenir des marchés. L’histoire des commerçants étrangers au Guipúzcoa est par conséquent celle de la lutte des différents intérêts économico-commerciaux et de deux modèles commerciaux opposés, qui dans certaines occasions plaça face à face diverses sensibilités à l’intérieur du groupe de commerçants autochtones ou qui fit s’affronter les institutions provinciales avec le Consulat de Saint-Sébastien.
33Les marchands étrangers se virent obligés de reproduire les schémas sociaux des territoires et lieux où ils se rendaient. À la recherche de la jouissance des avantages – même s’il existait aussi des obligations – qu’apportait la considération de régnicole, les commerçants étrangers développèrent une authentique stratégie de naturalisation, en utilisant n’importe quel moyen permettant de l’obtenir. Ils conclurent des mariages avec des femmes de Saint-Sébastien ou de Navarre47, même si parfois ils se transportèrent avec toute leur famille, ce qui montrait sans équivoque la volonté de s’intégrer et de renoncer à leur nationalité, et ils eurent des enfants nés localement. Ils menèrent à bien une importante politique d’achat de biens immobiliers (maisons et terres), aussi bien dans les lieux de résidence que dans les alentours, et ils demeurèrent pendant au moins dix ans en maisons d’autochtones afin d’obtenir la bourgeoisie et jouir des charges civiles et militaires ou communales. Ils participèrent à la défense du royaume, prenant part aux armées de terre et de mer. Quelques-uns d’entre eux – les Quehille, Tastet, Larralde ou Francine – parvinrent à entrer dans le réseau d’approvisionnement royal ou furent habilités pour l’achat et la vente de tabac en gros et au détail, ce qui leur rapporta richesse, prestige et reconnaissance sociale.
34Leur séjour ne fut pas exempt de conflits et de difficultés, ni leurs stratégies d’échecs, mais en général la majorité bénéficia d’un haut statut social et économique et acheva par s’intégrer et se diluer dans la population autochtone. Ceci ne signifie pas qu’au moins sur deux ou trois générations ils aient coupé les liens d’union et de relation avec leurs lieux d’origine ; ceci eut été impossible car leur survie dépendait, entre autres choses, du maintien de contacts et réseaux fraternels et commerciaux, tant dans leurs lieux d’origine que dans ceux d’accueil, pour garantir le succès de leurs affaires. Dans le cas guipuzcoain, la rareté de la documentation, en sus de leur nombre réduit et de la disparité entre provenances et envois, ne nous permet qu’à peine d’établir des mécanismes de solidarité, comme sous d’autres latitudes48. De toute manière, les données sur lesquelles nous nous basons nous permettent d’entrevoir qu’il existait une certaine solidarité au niveau familial ou en rapport avec le lieu d’origine, car l’arrivée d’un individu permettait, à la légalisation de sa situation, l’arrivée des membres de sa famille et de ses concitoyens, avec qui il était en contrat ou qu’il employait. Á la différence de ce qui put se passer avec les péninsulaires dans d’autres zones du pays ou d’autres pays, les étrangers ne formèrent aucune institution d’assistance, de confrérie, de congrégation ou de corporation de métier, mais essayèrent de participer à celles qui existaient déjà dans les lieux d’accueil49. Nous voyons ainsi que les diverses villes portuaires du Guipúzcoa furent durant l’époque moderne un lieu de rencontre, de contact, de transmission et de transfert entre différentes cultures, idées et visions du monde, mais aussi d’importants milieux d’accueil et d’intégration pour des communautés étrangères.
Notes de bas de page
1 Álvarez-Valés y Valdés M., La Extranjería en la Historia del Derecho Español, Oviedo, Universidad de Oviedo, 1992, p. 389-527 ; González Beltrán J.M., « Extranjeros en el siglo XVIII : procesos de integración y de solidaridad interna », Villar García M. B, Pezzi Cristóbal P. (éd.) : Actas del I Coloquio Internacional « Los extranjeros en la Época Moderna ». Málaga, 2003, t. ii, p. 381-382.
2 Alcorta Ortiz de Zárate E., « Negocios familiares y circuitos laneros en Bilbao en la segunda mitad del siglo XVIII », in González Enciso A., El negocio de la lana en España, 1650-1830, Pamplona, 2001 ; Angulo Morales A., Del éxito al fracaso del Consulado : la formación de la burguesía mercantil de Vitoria (1670-1840), Bilbao, 2000 ; Angulo Morales A., « Las resistencia a un poder desconocido. La polémica de los mercaderes portugueses en Guipúzcoa (1600-1612), in Porres Marijuan R., Poder, resistencia y conflicto en la Provincias Vascas (siglos XV-XVIII), Bilbao, 2001 ; Azcoba Guerra A.M., Comercio y comerciantes en la Navarra del siglo XVIII, Pamplona, 1996 ; Azpiazu Elorza J.A., Esclavos Y Traficantes. Historias ocultas del País Vasco, Donostia, 1997 ; Basurto Larrañaga R., Comercio y burguesía mercantil de Bilbao en la segunda mitad del siglo XVIII, Bilbao, 1983 ; Garate Ojanguren M., La Real Compañía Guipuzcoana de Caracas, San Sebastián, 1990 ; Gracia Cárcamo J., Mendigos y vagabundos en Vizcaya, 1766-1833, Bilbao, 1993 ; Guiard y Larrauri T., Historia del Consulado de Bilbao, 1924 ; Gutierrez Muñoz M.C., Comercio y banca. Expansión y crisis del capitalismo comercial en Bilbao al final del Antiguo Régimen, Bilbao, 1994 ; Fernández de Pinedo E., Crecimiento Económico y transformaciones sociales en el País Vasco, 110-1850, Madrid, 1974 ; Fernández de Pinedo E., « Los movimientos emigratorios médium-distance vasco-navarros, 1500-1900 », in Eiras Roel A. ; Rey Castelao O., Migraciones internas y médium-distance en la Península Ibérica, Santiago, 1994 ; Mauleón Isla, M. La población de Bilbao en el siglo XVIII, Valladolid, 1961 ; Mora Afán J.C., Zapirain Karrika D., « Evolución social de los siglos XVI y XVII », Cuadernos de Historia y Geografía, 24 (1996) ; Orella Unzue J.L., Las raíces de la hidalguía guipuzcoana, San Sebastián, Universidad de Deusto, 1995 ; Otazu A., La burguesía revolucionaria vasca a fines del siglo XVIII, San Sebastián, 1982 ; Reguera I., « Marginación y fueros. Legislación excluyente y discriminatoria en el País Vasco en la Edad Moderna », in González Minués C., Marginación y exclusión social en el País Vasco, Bilbao, 1999 ; Reguera, I., « Todos cuatro costados de limpia sangre. Excluidos y marginados : la defensa de la hidalguía universal y de la pureza de raza », in García Fernández E., Bilbao, Vitoria y San Sebastián, espacios para mercaderes, clérigos y gobernantes en el Medievo y la Modernidad, Bilbao, UPV, 2005, p. 463-504 ; Zavala Uriarte A., El comercio y tráfico marítimo del Norte de España en el siglo XVIII, Zarauz, 1983 ; Miguel López I., El comercio hispanoamericano a través de Gijón, Santander y Pasajes, Valladolid, 1992 ; Zylberberg M., Une si douce domination. Les milleux d’affaires français et l’Espagne vers 1780-1808, Paris 1993. Rey Castelao O., « Los extranjeros en la cornisa cantábrica durante la Edad Moderna », in Villar García M.B., Pezzi Cristóbal P. (éd.), Actas del I Coloquio Internacional « Los extranjeros en la Época Moderna ». Málaga, 2003, t. ii, p. 23-57.
3 Cosas memorables o Historia General de Guipúzcoa. Vol. ix : Fuero de Guipúzcoa (Edición facsímil del Fuero de Guipúzcoa. Editado en 1696). Bilbao, Editorial La Gran Enciclopedia Vasca, 1981.
4 Véase Alberdi Lonbide X., Conflictos de intereses en la economía marítima guipuzcoana durante la Edad Moderna, Vitoria, UPV, 2006 (Tesis doctoral inédita), t. i, p. 653-671.
5 Alberdi Londibe X., op. cit.., p. 672.
6 Ibidem, p. 673
7 Ibidem, p. 674.
8 Mora Afán J.C., Zapirain Karrika D., « Exclusión social en los siglos XVI y XVII : esclavos, judíos y portugueses en la Gipuzkoa moderna », Vasconia, 24 (1996), p. 157-192 ; Angulo Morales A., « La resistencia a un poder desconocido. La polémica de los mercaderes portugueses en Guipúzcoa (1600-1612), in Porres Marijuan R., Poder, resistencia y conflicto en las provincias vascas (siglos XV-XVIII), Bilbao, UPV, 2001, p. 151-183 ; Angulo Morales A., « El control y la persecución de los mercaderes portugueses en la Castilla de la primera mitad del siglo XVII », in García Fernández E. (éd.), Exclusión, racismo y xenofobia en Europa y América. Bilbao, UPV, 2002, p. 179-203 ; Reguera Acedo I., « Todos cuatro costados de limpia sangre. Excluidos y marginados : la defensa de la hidalguía universal y de la pureza de raza », García Fernández E. (éd.), Bilbao, Vitoria y San Sebastián, espacios para mercaderes, clérigos y gobernantes en el Medievo y la Modernidad, Bilbao, UPV, 2005, p. 463-504 ; Alberdi Lonbide X., op. cit.., p. 686-706.
9 El Fuero guipuzcoano…, op. cit.., p. 330.
10 Archivo General de Guipúzcoa (AGG-GAO), JD IM 4/10/64.
11 El Fuero guipuzcoano…, op. cit.., p. 331.
12 AGG-GAO, JD IM 4/10/42.
13 Idem, p. 335-336, chap. x, titre XLI.
14 AGG-GAO, JD IM 4/10/64.
15 AGG-GAO, JD IM 4/10/68.
16 Vizcay M. Derecho de Natvraleza que los naturales de la Merindad de San Ivan del Pie del Puerto tienen en los Reynos de la Corona de Castilla. Sacado de dos sentencias ganadas en juicio contencioso, y de otras escrituras autenticas. Zaragoza, Juan Lanaja y Quartenet, 1621.
17 AGG-GAO, JD IM 4/10/99.
18 AGG-GAO, JD IM 4/10/71.
19 AGG-GAO, JD IM 2/22/45.
20 Alberdi Londibe X., op. cit.., p. 710-711.
21 AGG-GAO, CO ECI 1693 y JD IM 2/22/45.
22 Julian Mas acheta des biens (maisons et terres) dans des localités proches de Saint-Sébastien, comme Hernani et Oyarzun, dans la perspective d’occuper des charges du conseil (Aragón Ruano A., Agirre Maulrón J., La casa « Torrea » de Iturriotz : Historia y Patrimonio cultural. Oyarzun, Oiartzungo Udala, 2003, p. 44-52).
23 AGG-GAO, JD IM 2/22/46 et 48.
24 AlberdiI Lonbide X., op. cit.., p. 675-676.
25 AGG-GAO, JD IM 2/22/48.
26 González González A.F., La realidad económica guipuzcoana en los años de superación de la crisis económica del siglo XVII, San Sebastián, Diputación Foral de Guipúzcoa, 1994, p. 166-167.
27 Herrero Sánchez M., El acercamiento hispano-neerlandés (1648-1678), Madrid, CSIC, 2000, p. 63-72.
28 Alberdi Lonbide X., op. cit.., p. 679-680.
29 Zylbergberg M., Une si douce domination. Les milieux d’affaires français et l’Espagne vers 1780-1808, Paris, ministère des Finances, 1993, p. 180-209.
30 Zylbergberg M., Une si douce domination…, op. cit.., p. 53-54, 65.
31 Ibidem, p. 75-76.
32 Fernández de Pinedo E., Crecimiento económico y transformaciones sociales en el País Vasco, 1100-1850, Madrid, 1974.
33 Juan de Bousignac, residente en San Sebastián desde 1717, pleiteó en la Real Chancillería de Valladolid entre 1752 y 1759 (Archivo de la Real Chancillería de Valladolid, Civiles, Zarandona y Wals, Fenecidos, C 2728/1 – L 556) y ante la Cámara de Castilla entre 1753 y 1756 para que no se le aplicase la nueva ordenanza de extranjeros de 1746 (Archivo Histórico Nacional (AHN), Consejo de Castilla, Escribanía de Cámara Pinilla, L 28564/7). Pero no conforme con la sentencia contraria a sus intereses elevó recurso de injusticia notoria entre 1759 y 1761 al Consejo de Castilla (AHN, Consejo de Castilla, Escribanía de Cámara Pinilla, L 28585/3), y finalmente consiguió el avecindamiento (Alberdi Lonbide X., op. cit.., p. 1286).
34 AGG-GAO, JD IM 4/10/99.
35 AGG-GAO, JD IM 4/10/100.
36 AGG-GAO, JD IM 4/10/101.
37 AGG-GAO, JD IM 4/10/100 et 106.
38 AGG-GAO, CO MCI 4621.
39 Lazcano S., Creación y Ordenanzas del Consulado de San Sebastián. San Sebastián, Cámara Oficial de Comercio, Industria y Navegación, 1986, p. 64.
40 AGG-GAO, JD IM 4/10/86.
41 Alberdi Lonbide X., op. cit.., p. 680-681.
42 Ibidem, p. 684, 1121. Lazcano S., op. cit.., p. 64.
43 Les Cabarrus étaient originaires de Haute Navarre, mais au début du XVIIIe siècle ils s’établirent à Cap-Breton, d’où ils passèrent ensuite à Bayonne (Zylbergberg M., op. cit.., p. 139-140).
44 AGG-GAO, JD CO 46, fol. 117.
45 AGG-GAO, JD IM CO ECI 4616.
46 AGG-GAO, JD IM 2/22/107.
47 Ceci mériterait à lui seul une recherche approfondie. Il faut en chercher la raison dans le rôle joué par les femmes de la zone nord-ouest de Navarre (Cinq Villas et Báztan) dans les activités d’intermédiation du commerce de détail des deux côtés de la frontière et entre le Royaume de Navarre et la province de Guipúzcoa.
48 Gonzalez Beltran J.M., op. cit.., p. 388-389.
49 Les tailleurs d’origine française eurent d’importants problèmes avec la Confrérie de San Antonio de Padua de Saint-Sébastien au milieu du XVIIIe siècle, comme nous l’analyserons dans une future recherche.
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