Pouvoir colonial et réseau urbain : Vila Boa de Goiás au XVIIIe siècle
p. 107-127
Remerciements
Cet article doit beaucoup aux idées, conseils et encouragement de Laurent Vidal. Je tiens, aussi, à remercier, pour leurs suggestions et remarques, à Jean Hamel.
Texte intégral
« Cependant, peu à peu, l’espace a été saisi. Toute ville ébauchée, si modeste soit-elle, est un point gagné ; toute ville qui grossit une victoire modeste, mais une victoire. De même, tout chemin reconnu signifie un progrès, condition d’autres progrès1… »
Fernand Braudel
1L’historiographie actuelle, notamment celle produite au Portugal et au Brésil, dispose d’informations sur les mines et la capitainerie du Goiás presque toujours à partir d’une image construite à travers la notion de décadence2, ce qui nous renvoie à une construction historiographique qui suppose, fréquemment, une région inhospitalière et presque désertique, aux prises avec la baisse de la production de l’or produit dans les mines du Goiás.
2Nous ne voulons pas ici déconstruire cette notion de décadence qui, en fait, a considérablement marqué son histoire postérieure3. Il s’agit, au contraire, de permettre de voir au moins une partie de la complexité présente dans les relations quotidiennes de pouvoir qui ont eu lieu dans les mines et la capitainerie du Goiás, pendant la deuxième moitié du XVIIIe siècle.
3Néanmoins, même au-delà des limites imposées par l’image de la décadence et, en admettant la petite importance des mines du Goiás dans le contexte de l’Amérique portugaise, nous ne pouvons pas sous-estimer le volume considérable de documents4 afférents aux mouvements politiques et économiques qui ont eu lieu à l’intérieur de la capitainerie à partir de son plus important noyau urbain : Vila Boa de Goiás5.
4Devant ce tableau et en considérant la vitalité politique de la société des mines du Goiás à la fin du XVIIIe siècle, quelques questions peuvent être posées. Malgré la réduction considérable de la production aurifère, caractéristique de la période, et les limites de l’économie locale, peu attractive en fonction de sa basse rentabilité, quels autres facteurs auraient agi pour attirer les élites locales et les autorités plus directement liées à la couronne6, en maintenant vivants leurs intérêts par l’occupation des charges existantes dans la capitainerie et, très spécialement, ceux offerts par la câmara de Vila Boa de Goiás ?
5Si les salaires des conseillers municipaux (vereadores) se trouvaient bloqués7, ce qui indique l’absence de rémunération pour les juges ordinaires et les officiers municipaux, d’autres mécanismes auraient-ils exercé une force d’attraction pour que Vila Boa de Goiás reste extrêmement vif en tant qu’espace de disputes politiques entre différents groupes présents dans la ville8 ?
6Si les descriptions des voyageurs européens, fréquents dans les premières décennies du XIXe siècle, peignent en noir le « triste » tableau économique et social des mines et capitainerie du Goiás9, l’analyse des documents qui enregistrent les relations politiques semble indiquer une autre réalité, un peu différente de tels récits, en permettant même d’entrevoir des conditions suffisamment diverses. Cette constatation nous amène à projeter sur l’écran quotidien de son histoire la vision d’une capitainerie encore séduisante, du point de vue économique. Apparemment, la conscience que le Senado da Câmara de Vila Boa de Goiás conservait un rôle très important en tant qu’espace de négociation, d’articulation et de représentation au cœur de la monarchie portugaise, prêtait un poids significatif à leurs décisions politiques, ce qui rendait leurs charges considérablement désirées parmi les acteurs politiques locaux.
7D’autre part, si l’action politique du Senado da Câmara a été progressivement restreinte en fonction des décisions politiques et administratives de la couronne, ce qui pourrait, de même, avoir provoqué une diminution de l’intérêt à l’accès aux charges municipales, l’autonomie, dans le contexte du gouvernement, du contrôle et d’administration de la ville, est restée pratiquement inchangée. De cette façon, l’exercice du droit d’administrer la ville aurait aussi corroboré un vivant intérêt des élites locales à occuper, stratégiquement, les charges et les offices municipaux.
8Mais au-delà de cette situation, nous connaissons aujourd’hui l’importance de l’instance politique et sa fonction dans les sociétés d’Ancien Régime10. Cela veut dire que le contrôle des procédures et relations politiques pouvait conférer la possibilité d’accès aux sphères des activités économiques. Ainsi, si nous faisons confiance aux actions et attitudes prises en compte par les protagonistes politiques des mines et capitainerie du Goiás, nous sommes amenés à reconnaître qu’eux aussi n’ignoraient pas cette vérité.
9Dans ce sens, c’est exactement en faisant l’utilisation appropriée du pouvoir dont ils disposaient, que les élites politiques de Vila Boa ont cherché a élargir la portée de leurs actions en ajoutant à leurs stratégies d’augmentation des revenus, ressources et pouvoirs à l’intérieur de la vila, des mécanismes de pression sur les économies des autres noyaux urbains éparpillés sur le territoire de la capitainerie. Autour de cette configuration, il est indispensable d’élargir notre champ d’observation, dans le temps et dans l’espace, afin de comprendre les événements qui prêtaient de l’importance aux charges municipales et aux relations politiques tissées dans les mines du Goiás. En fait, un vrai réseau urbain s’ouvrait avec toutes les possibilités virtuelles du domaine économique, s’ajoutant aux autres activités qui agissaient en tant qu’éléments attractifs pour les groupes politiques locaux. En d’autres termes, les élites politiques de Vila Boa de Goiás retenaient le contrôle d’un centre décisif de pouvoir et d’influence basé sur le modèle d’organisation des pouvoirs locaux adopté dans les domaines portugais de l’Amérique.
À l’ouest de l’empire : territoire et réseau urbain dans les mines du Goiás
10Dans les domaines coloniaux portugais de l’Amérique, avec le changement de l’axe économique du nord-est sucrier vers le centre-sud du continent et la découverte de l’or et de diamants en grandes quantités, les concentrations humaines ont pu prendre des dimensions de vrais réseaux urbains11. Le transfert de la capitale administrative de São Salvador vers Rio de Janeiro a été mis en place seulement avec le développement de l’économie d’exploitation de l’or à Minas Gerais et Goiás. Dans ce tableau, la découverte des grands gisements d’or a provoqué un processus d’occupation territoriale qui a eu comme résultat le contrôle de toute la région centrale de l’Amérique pour la couronne portugaise, jusqu’à la frontière ouest, en établissant ses bases au Mato Grosso et à Goiás, à partir d’un réseau de villes placées stratégiquement.
11Pendant le XVIIIe siècle, une double mutation12 indique deux catégories de transformations qui ont modifié considérablement l’apparence de l’Amérique portugaise : une mutation spatiale, résultat d’une rapide et véritable expansion territoriale dans la colonie, notamment au centre-sud et centre-ouest ; et une mutation économique et démographique, conséquence des découvertes, suivie d’une rapide et forte dispersion du peuplement vers les régions d’exploitation d’or et de diamants.
12Du point de vue de la couronne portugaise, les distances presque insurmontables et le temps – conditionné par le rythme particulier de ses institutions politiques et administratives – imposaient des réponses nécessaires aux mouvements démographiques, sociaux et économiques. À la création de nouvelles capitaineries s’ajoutait la nécessité d’adoption d’autres mesures de circonstance comme la création de villes et l’installation d’agents de la couronne auprès des noyaux de peuplement et d’extraction minière, en tant que mécanismes de contrôle et surveillance des droits réels.
Vila Boa de Goiás et l’occupation territoriale de l’Amérique portugaise
13Visitée et connue par les bandeirantes depuis le début de la colonisation de l’Amérique13, occupée officiellement par des explorateurs en 1725, avec la création de l’arraial de Sant’Anna, et séparé de la capitainerie de São Paulo, en 1749, Goiás entre dans l’histoire comme les Mines des Goyazes14.
14Animée d’un dynamisme extraordinaire, une foule considérable affluait en direction des Mines des Goyazes. Dix ans après le début des activités d’exploration d’or, étaient déjà installées dans la région du Goiás à peu près 20 000 personnes, en ouvrant des chemins, en établissant des noyaux urbains et en mettant en activité une partie significative de son immense territoire. Après la création de la capitainerie15 1750, sa population avait déjà atteint environ 40 000 habitants. En 1781, d’après les informations du gouverneur Luis da Cunha Meneses, il y avait à Goiás une population de 58 829 habitants et, en 1783, de 59 287 personnes16.
15Les données que nous avons réunies à partir d’un tableau dressé par le gouverneur Tristão da Cunha Meneses en 1792 (voir tableau ci-dessous), indiquent une population de 60 428 habitants17, révélant un peuplement encore croissant, bien que dans un rythme plus lent. Au cœur de cette conjoncture, le noyau économique et politique essentiel, Vila Boa de Goiás concentrait, en 1792, plus de 22 % de la population de la capitainerie, avec 13 312 habitants, soit 8 840 hommes et 4 472 femmes. De la population totale, 8 568 avaient la condition de noirs captifs, c’est-à-dire plus de la moitié des habitants (64 %), montrant une présence de main-d’œuvre esclave, ce qui peut révéler une activité économique considérable, même dans la dernière décennie du XVIIIe siècle.
16Résultat de l’expansion en direction à l’ouest, fille de l’intérêt pour l’or, mais en même temps reflet d’une mutation spatiale et démographique qui a conféré une nouvelle signification aux régions centrales de l’Amérique portugaise, Vila Boa de Goiás a été pensée et planifiée à partir des nécessités essentielles de contrôle de l’empire portugais.
17En cherchant à comprendre les raisons qui poussaient l’occupation territoriale de l’Amérique portugaise, qui se développait de plus en plus vers l’ouest, Sérgio Buarque de Holanda indique comme cause probable de l’avancée de cette frontière l’action consciente, planifiée et stratégiquement stimulée par la monarchie portugaise, combinée avec l’activité des habitants de la colonie18.
18Associés à ce mouvement intentionnel promu par les colonisateurs portugais, deux autres facteurs auraient nourri les intérêts qui poussaient, de plus en plus vers l’ouest, les limites du domaine portugais dans l’Amérique : tout d’abord le découragement dans lequel les Espagnols se sont trouvés après la baisse des mines de Potosi, qui peut avoir facilité l’action de la couronne sur les territoires des frontières délimitées par le Tratado de Tordesilhas et, deuxièmement, le mythe de l’Île Brésil, facteur inspirateur de l’imaginaire géographique de la période coloniale19. Conformément à cette configuration mythologique, il y aurait une liaison aquatique entre le nord et le sud du continent sud-américain, en interconnectant le bassin du fleuve de la Prata à celui de l’Amazone, et le Brésil, placé à l’est de ce chemin aquatique, conformerait une île, l’Île Brésil.
19En fait, à travers la stimulation à la fondation des villes, le roi du Portugal avait l’intention de renforcer sa présence stratégique dans la frontière ouest de l’Amérique portugaise. Au cours de la seconde moitié du XVIIIe siècle, on a assisté à l’occupation de la région et à l’établissement des bases matérielles de la monarchie portugaise en face du territoire espagnol20. Après la fondation de la capitainerie de Mato Grosso, ont été créés sa première capitale, Vila Bela et, ultérieurement, les forts de Coimbra et Príncipe da Beira, ainsi que les vilas d’Albuquerque, de Vila Maria et de Casalvasco. La stratégie adoptée était évidente : c’était exactement entre Casalvasco et Vila Maria que se localiserait le terrain où les bassins des fleuves Amazonas et Prata devaient faire théoriquement leur jonction21. Ainsi, l’initiative portugaise aurait établi un domaine complet sur cette région, en la fermant aux espagnols.
20À la lumière de ce raisonnement, l’intérêt de la monarchie portugaise pour le contrôle et l’expansion vers l’ouest du continent, en stimulant l’occupation stratégique de ce territoire, semble évident. Vila Boa de Goiás, constituerait, ainsi, un centre avancé à l’ouest – placé à proximité de la ligne définie par le Traité de Tordesilhas – qui, non seulement fonctionnait en tant que centre d’une structure fiscale et administrative viabilisant l’extraction de l’or dans les mines de Goiás, mais agissait, aussi, comme un point d’aide stratégique soutenant du point de vue matériel, humain et financier, l’avance progressive de cette dernière frontière coloniale22, dans la région ouest de l’Amérique.
21Symbole d’une nouvelle conception spatiale et urbaine dans les stratégies d’occupation territoriale de la couronne, Vila Boa de Goiás ne s’est pas déconnectée du passé séculaire des villes portugaises, caractérisées par l’omniprésence des anciens concelhos d’origine médiévale. Comme unités fondamentales d’organisation politique et territoriale du royaume, les concelhos portugais n’ont pas souffert de modifications significatives dans le processus d’expansion de la monarchie dans les territoires du nouveau monde. Gouvernés par les Senados da Câmara, qui retenaient des attributions judiciaires, administratives, militaires et fiscales, ils pouvaient être regroupés en circonscriptions plus vastes : les comarcas23.
22De cette façon, nous ne devons pas négliger l’importance de Vila Boa de Goiás dans le contexte du monde luso-brésilien. D’après la définition que Maria Fernanda Batista Bicalho24 prête aux contours de la ville coloniale, nous pouvons la voir comme un territoire de disputes entre des projets politiques et d’intérêts économiques, noyau organisateur du dialogue produit entre la société locale et le roi, dont le sommet serait ancré dans l’action des officiers municipaux. Espace de convergence et de représentation d’intérêts de groupes politiques locaux, Vila Boa s’avérait comme un noyau stratégique de contrôle dans le processus de la colonisation25.
23Bien que la production aurifère n’ait pas mis en scène de techniques avancées d’exploration, en se limitant à l’extraction de l’or à la surface du sol, les relations de marché établies sur les paysages des mines et capitainerie de Goiás ont aussi intégré les flux et mouvements commerciaux établis par les régions tournées vers le commerce d’outre-mer, à travers l’océan Atlantique, et les routes qui les reliaient aux villes localisées à l’intérieur de l’Amérique. Il s’agissait de vraies chaînes commerciales intégrées par des voies de communication terrestres et fluviales, où traversaient des tropeiros, négociants et acheteurs de bétail des différents points du Brésil, notamment du centre-sud et nord-est, principaux marchés fournisseurs de produits aux régions minières26.
24Dans ce sens, parmi les villes de l’Amérique portugaise, la situation de Vila Boa de Goiás, a eu un rôle important dans le contexte de la monarchie portugaise. Bien que sa population reste relativement peu nombreuse, Mary Karasch27 accorde une considération importante à Vila Boa, comme étant un noyau significatif. Elle observe que l’attention des agents du tribunal des Comptes à Lisbonne était attirée par rapport à Goiás qui, en 1775, était le deuxième producteur de l’or de l’Amérique portugaise et la cinquième capitainerie la plus riche du Brésil. Vila Boa était aussi un centre administratif avec juridiction sur une vaste région et, en plus, un entrepôt essentiel dans le commerce pour Vila Bela et, à travers les fleuves Araguaia et Tocantins, en direction de Belém. Elle était également un point d’exploration de l’or tout au long de la décennie 1790. Sans être un siège épiscopal, Vila Boa jouait aussi un rôle significatif en tant que centre religieux.
25En fait, quand on parle de Vila Boa de Goiás, les références ne doivent pas nous tromper : il s’agit d’un espace marqué par les altérités et conflits, dont l’influence allait au-delà des simples frontières de la vila en tant que noyau spatial urbain. Jusqu’au début du XIXe siècle, plus précisément jusqu’en 1809, elle a été la seule vila érigée, par ordonnance du roi, dans toute la capitainerie du Goiás, dont l’étendue du territoire se trouvait complétée par diverses arraiais28.
Réseau de noyaux urbains dans les mines et capitainerie du Goiás
26Cette diversité d’arraiais qui fleurissaient et gravitaient autour des mines a exigé, même avant la création de Vila Boa de Goiás, un appareil administratif et judiciaire avec l’objectif de réduire les difficultés issues de l’absence de mécanismes gouvernementaux, à l’intérieur du territoire d’exploration aurifère29.
27Ainsi, en obéissant à l’ordre du roi du Portugal pour que soit créée une vila dans la région des mines, le comte de Sarzedas, António Luiz de Távora, alors gouverneur de la capitainerie de São Paulo, s’est déplacé vers Goiás où, en février 1737, il a réuni les chefs politiques locaux dans l’arraial de Meia Ponte pour traiter du sujet. Néanmoins, au lieu de « créer » une vila, conformément aux déterminations de la couronne, il a ordonné de nommer, dans chacun des arraiais, deux juizes ordinários (juges ordinaires), un escrivão (greffier), un alcaide et un porteiro ; sa décision fut confirmée deux ans plus tard par ordre du roi30.
28Ce mécanisme de contrôle et de normalisation des mines de Goiás a persisté pendant tout le XVIIIe et le début du XIXe siècle, sans modification. Il a défini la forme d’organisation judiciaire et économique des mines à partir d’un système des julgados31 en tant que circonscriptions judiciaires incomplètes et sans autonomie administrative, en constituant la base d’un réseau urbain dont le domaine et la souveraineté ont été transférés, deux ans plus tard, à Vila Boa de Goiás. Système utilisé par l’administration coloniale, la multiplication des julgados, établie sur une sorte de petits gouvernements municipaux qui, à leur tour, maintenaient sous leur juridiction plusieurs autres bourgades, rendait la situation de Vila Boa « exceptionnellement avantageuse32 ». En tant que seul centre urbain à avoir le titre de vila colonial, elle ajoutait autour d’elle un vaste réseau de noyaux urbains, en imposant son contrôle sur les diverses instances soumises à l’autorité des officiers municipaux.
29Il faut rappeler que, dans l’Amérique portugaise, les chefs-lieux des communes étaient des agglomérations indépendantes qui recevaient le titre de vila, en possédant un gouvernement propre, une câmara et un territoire sous leur juridiction. Pour mieux comprendre l’ensemble urbain qui intégrait le réseau d’arraiais gouvernés par la câmara de Vila Boa, il convient d’éclaircir la distinction existante entre des concelhos et des vilas, puisque dans les registres contemporains les références aux deux mots peuvent, quelquefois, avoir des significations très semblables. Si le concelho est constitué par la vila – noyau urbain siège de la câmara – et son territoire soumis à l’autorité des officiers municipaux pouvant inclure plusieurs localités distinctes – la conception de vila, à son tour, se rapporte aux deux dimensions spatiales définies par le modèle portugais d’organisation de l’espace municipal : le termo et le rossio. Dans ce cas, le terme de la vila correspond au territoire sous la juridiction de la câmara qui, dans le cas de Vila Boa, incluait tout l’espace géographique de la capitainerie et leurs noyaux urbains. Le rossio, patrimoine lié plus directement à la propriété municipale accordée par la couronne, se composait d’une région plus petite, en ayant comme point de référence le centre architectural de la vila jusqu’à l’entourage de son agglomération urbaine33.
30Selon Fernand Braudel, le territoire proche de la ville n’est pas le premier des innombrables cercles qui l’entoure, ce qui confirme que la vie urbaine était liée à des espaces divers, de diverses dimensions34. Néanmoins, dans notre cas spécifique, cette variété de scénarios exige une vision d’ensemble avec l’objectif de capter les rapports de forces dans les enjeux entre des noyaux urbains distincts, mais reliés par des intérêts communs.
31À Goiás, l’image d’un réseau de villes intégrées semble avoir été déterminante pour la définition des règles du jeu, dont la hiérarchie permettait à un centre de pouvoir dominant de superposer la condition et le droit d’accéder et soumettre, d’une façon ou d’autre, l’économie et la vie d’autres noyaux urbains, en fonction de leurs propres complaisances et fragilités. Il s’agit de savoir comment ce réseau d’ensemble autorisait la domination régulière d’une ville sur les autres35, c’est-à-dire que, dépouillés de la condition de vila impériale, les noyaux urbains de la capitainerie de Goiás se pliaient, du point de vue de la domination politique et économique, au centre de ce vaste réseau, à la haute tour de contrôle, localisé à Vila Boa de Goiás.
32En outre, l’existence d’agglomérations reliées entre elles impliquait des nécessités plus larges qui pouvaient être satisfaites à partir d’un cercle de noyaux urbains secondaires à l’intérieur du territoire qui correspondait à la circonscription de Vila Boa. Il ne faut pas oublier, d’autre part, que Vila Boa intégrait aussi un réseau urbain, à partir d’une échelle d’amplitude encore plus vaste, constituée de centres urbains de dimensions continentales comme Rio de Janeiro, les villes du Minas Gerais, São Salvador de Bahia et Recife qui, à son tour, formaient entre elles un autre niveau de réseau, relié, à son tour, à différentes régions et continents de la planète, à l’intérieur et à l’extérieur des limites géographiques de la monarchie portugaise. Ainsi, les diverses connexions, qui donnaient forme à une économie mondiale en interconnectant les grandes villes européennes, semblaient, en dernière instance, animer et donner vie aux réseaux urbains existant dans l’Amérique portugaise et, par extension, dans les mines et capitainerie du Goiás36.
Les dimensions d’une double stratégie : l’action politique et l’action administrative
33Afin d’éclaircir la façon dont la câmara exerçait son influence sur le réseau urbain du Goiás, nous avons constaté qu’une double stratégie guidait ses actions : d’abord, une stratégie qui envisageait la défense des droits de la câmara dans les espaces de sa juridiction et une autre, qui renvoyait aux actions, proprement dites, de contrôle sur le réseau urbain par les officiers municipaux.
34Dans un premier temps, une analyse de leurs pratiques politiques nous laisse entrevoir les difficultés de gestion du réseau urbain depuis Vila Boa de Goiás, au milieu des disputes et intrigues entre les groupes locaux ce qui nous offre une compréhension seulement partielle des fonctions exercées par la câmara sur le tissu urbain de la capitainerie. Néanmoins, si nous déplaçons notre analyse, en réorientant le regard vers les actions administratives, c’est-à-dire vers leurs pratiques non-discursives, la compréhension de la relation entre Vila Boa et les autres noyaux urbains nous semble se compléter, permettant d’identifier l’ensemble des stratégies utilisées.
35Cette approche a le mérite de mettre en lumière les coulisses d’un complexe enjeu politique et administratif où la fragilité évidente, présente dans les pratiques discursives – qu’envisageaient les officiers de la câmara pour assurer leurs privilèges – nourrissait et garantissait l’exercice pratique de sa souveraineté à travers l’administration du réseau urbain des mines et la capitainerie du Goiás37.
36Ainsi, l’interaction entre le discours politique et l’action administrative, entre les pratiques du discursif et du non-discursif, nous invite à démasquer les intérêts perceptibles dans les initiatives des officiers de la municipalité.
La pratique politique des officiers municipaux
37Bien que toute l’organisation municipale se matérialise de façon suffisamment claire, la conduite des procédures pour faire fonctionner son administration méritait un vrai dévouement des officiers municipaux pour garantir la préséance de Vila Boa. Peu après l’installation de la vila, une lettre du gouverneur de la capitainerie de São Paulo révélait déjà les difficultés pour garantir la soumission des noyaux urbains à l’autorité de Vila Boa, anticipant les vrais combats de la câmara contre les arraiais pour maintenir ce privilège. Luiz de Mascarenhas, le 2 octobre 1739, dénonçait au roi du Portugal l’habitude de quelques juges ordinaires des arraiais des mines du Goiás de ne pas respecter les mandats et les déterminations de la câmara. En répondant aux informations du gouverneur, une année et demie plus tard, D. João V réaffirmait la hiérarchie existante dans le tissu urbain des mines de Goiás, en insistant sur la nécessité de subordination de tous les autres arraiais à l’autorité de Vila Boa de Goiás, pour le simple fait d’être la seule vila existant dans toute la capitainerie38.
38À peu près quarante ans plus tard, les difficultés pour faire accomplir cette détermination de la couronne inquiétaient les officiers de la câmara. Une sorte de « perturbation » dans l’ordre des choses – pour utiliser un terme répété à plusieurs reprises à l’époque – a conduit la câmara de Vila Boa à mettre en scène des instruments de contrôle, avec l’objectif de limiter les autonomies et les libertés des autorités placées dans chaque arraial, en imposant ainsi sa prérogative à diriger tous les noyaux urbains de la capitainerie.
39Ainsi, en exposant leurs inquiétudes par rapport au problème et en revendiquant « les liberdades, graças et mercês » que le roi du Portugal avait délibérément conféré à Vila Boa de Goiás, les officiers municipaux accusaient la rupture d’un calendrier bien établi et qui, d’après eux, était indispensable pour le bon fonctionnement de la société des mines de Goiás. En plus, affirmaient-ils, cette normalité quotidienne avait été dérangée par l’initiative de ceux qui devraient, dans toutes les circonstances, observer l’accomplissement des ordres du roi39. À partir de cet argument, en cherchant à renforcer et rendre plus favorable leur position en tant que dépositaires fidèles des déterminations de la couronne, ils ont envoyé, en 1779, à tous les juges ordinaires des arraiais, dans chacun des noyaux urbains des mines de Goiás, une « Lettre de Diligence » en rappelant l’ancienne tradition selon laquelle les revenus de tous les julgados de la comarca de Vila Boa étaient sous leurs seuls responsabilité et pouvoir40.
40Néanmoins, quatre ans après, l’effet attendu n’était pas atteint, le juge ordinaire et les conseillers municipaux ont affirmé leur mécontentement, cette fois, en cherchant clairement à élargir leur pouvoir d’action, en ajoutant à leurs instruments de contrôle la force politique du gouverneur de la capitainerie. Ils ont fait appel à Luiz da Cunha Meneses.
41En alléguant que le gouverneur est le seul à avoir l’autorité et la compétence pour faire exécuter les ordres du roi à l’intérieur de la capitainerie pour l’intérêt commun du peuple de Vila Boa de Goiás, les officiers municipaux ont essayé, en tant que défenseur des mêmes causes, de sensibiliser Cunha Meneses. À travers une correspondance dense, élégante et bien écrite, rationnellement structurée, ils ont sollicité l’intervention du gouverneur pour l’accomplissement des déterminations du roi : tous les revenus et les dépenses réalisés par les juges ordinaires des arraiais passeraient, dorénavant, par la surveillance de la câmara de Vila Boa41.
42Apparemment, la lettre au gouverneur Cunha Meneses est restée sans réponse et sans aucun geste pouvant montrer son accord avec la sollicitation de la câmara. Ainsi, tout indiquait que les liberdades, graças et mercês de Sua Magestade le roi du Portugal tombaient par terre et que la surveillance et le contrôle de la câmara de Vila Boa sur les économies des autres noyaux urbains n’allaient s’accomplir que partiellement.
43Dès lors, il fut nécessaire de faire appel à l’autorité d’un autre gouverneur, le frère et successeur de Luiz de Cunha Meneses. Dans cette nouvelle tentative pour convaincre le gouverneur, une autre lettre a été écrite à Tristão da Cunha Meneses. En annexe, était jointe une copie de la lettre envoyée au gouverneur précédent, ainsi que la copie de la provisão de 1741, adressée à D. Luiz de Mascarenhas, dans laquelle le roi D. João V était personnellement favorable aux droits et à la souveraineté de la câmara de Vila Boa de Goiás.
44En essayant de sensibiliser le gouverneur et, en même temps, de renforcer les arguments exposés dans les correspondances précédentes, les officiers municipaux indiquaient clairement l’existence de coupables par les fréquentes pertes et détours de revenus provenant des arraiais de la capitainerie.
45Conscients de l’existence d’un flanc ouvert dans les finances municipales, les officiers de la câmara combattaient directement les intérêts d’ouvidores et corregedores, en pointant du doigt leur rôle dans l’architecture administrative planifiée par la propre couronne portugaise : à la juridiction des ouvidores et corregedores était réservé seulement le pouvoir d’examiner les dépenses de la câmara, en vérifiant de possibles irrégularités et en prenant les mesures indiquées le cas échéant.
46Ensuite, après avoir accusé les corregedores d’exercer de manière frauduleuse le contrôle des finances des arraiais et d’utiliser de forme arbitraire les revenus des « concelhos », les officiers municipaux ont souligné la « place » où devaient rester les agents royaux, c’est-à-dire à l’intérieur des limites de leurs propres juridictions. Ils devaient donc s’abstenir de toucher aux revenus qui devaient être dirigés par la câmara elle-même, étant sans aucune compétence pour effectuer des transferts de ces revenus ni exercer, aucun type « d’ingérence dans l’administration de ces mêmes revenus ni sur leur manipulation, soit en sa totalité soit en partie, comme quelques-uns sont en train de le faire42 ».
47Probablement influencé par la mobilisation des officiers municipaux et les fondements logiques de leurs revendications, Tristão da Cunha Meneses, dans l’impossibilité de présenter tout de suite une solution en face de la sollicitation de la câmara, dont la dimension semblait extrapoler les limites de sa propre juridiction et pouvoir d’action, a trouvé bien de transférer le problème à la reine du Portugal. En 1786, dans une lettre adressée à D. Maria I, il argumentait auprès de la couronne sur la méthode déficiente d’administration des revenus de la câmara de Vila Boa et présentait des suggestions personnelles pour sa solution43.
48Il faut remarquer que ce mouvement promu par l’initiative des officiers municipaux, qui envisageait de consolider et de rétablir certains privilèges acquis dans le temps passé, faisait partie de leurs initiatives dans le contexte des discours qui composaient les combats entre des hommes politiques, bien marqué par des intérêts divergents, entre des autorités et des groupes de pouvoir locaux. De tels combats suivaient toujours une ligne définie par les caractéristiques et la nature des relations de pouvoir propres à des sociétés d’Ancien Régime.
49Néanmoins, les officiers municipaux à Vila Boa de Goiás semblent ne pas avoir souffert des mêmes oppositions dans l’exercice pratique et quotidien de l’administration sur ce même réseau urbain grâce à l’exercice garanti par un ancien privilège : le droit d’almotaçaria44.
La pratique et l’action administrative des officiers municipaux
50Malgré l’absence de documents très importants – par exemple, les Livres d’Approvisionnements des Ouvidores ou les Termes d’Audiences de l’Almotacés pouvant révéler plusieurs détails de la réalité urbaine coloniale – les sources dont nous disposons pour Vila Boa enregistrent la pratique du droit d’almotaçaria.
51Sans retourner aux origines de l’institution de l’almotaçaria, il convient d’identifier quelques aspects ponctuels de sa généalogie. Dans la ville musulmane, l’almotacé45 était le responsable de la Hisba – en arabe, le titulaire de la Hisba était appelé Muhtasib – dont les fonctions étaient l’étalonnage des poids et des mesures dans les transactions commerciales, le contrôle des métiers urbains, la garantie de l’approvisionnement alimentaire, l’hygiène urbaine et la manutention des aspects physiques de la ville. Ensuite incorporée dans la tradition municipale portugaise, la charge d’almotacé a été maintenue, même après la reconquête, en tant que mécanisme de soutien et contrôle administratif et économique des noyaux urbains46.
52Au Portugal, depuis 1179 les senados da câmara ont commencé à élire les almotacés. Pendant la constitution de l’empire, les attributions des almotacés – le contrôle du marché, de l’hygiène publique et du constructif – ont été préservées dans les régions coloniales, en atteignant tout l’univers urbain portugais, et le système des almotacés a été incorporé aux Ordenações Manuelinas et, plus tard, aux Ordenações Filipinas.
53Pendant l’Ancien Régime, l’institution de l’almotaçaria a pris forme. Dans ce contexte, la société était considérée comme un grand corps, dont la tête était le roi. Ainsi, la ville aussi avait sa tête, représentée par les concelhos ou câmaras qui, à leur tour, coexistaient avec d’autres corps plus petits comme le clergé, les corporations d’offices, les familles et leurs citoyens ou habitants47.
54À la tête des villes, les câmaras coloniales ont bientôt soumis à leur contrôle les fonctions relatives à l’almotaçaria48. Dans le cas de Vila Boa de Goiás, leurs attributions ont été petit-à-petit absorbées par la câmara, qui a pris le rôle d’agent responsable de l’almotaçaria à l’intérieur des frontières de sa propre juridiction.
55Ainsi, responsable par la manutention de l’hygiène publique, par le contrôle des exigences relatives à la construction et à l’édification, ainsi que par la surveillance sur les relations de marché49, la câmara de Vila Boa élargissait son contrôle sur toute la maille urbaine qui l’entourait. Les textes des actes qui enregistrent les réunions hebdomadaires des officiers municipaux nous montrent l’existence d’un contrôle presque implacable sur la vie et les finances des noyaux urbains éparpillés dans les mines et capitainerie du Goiás.
56Divisée en deux régions principales – Vila Boa était le siège du district du sud et São João das Duas Barras, le siège du district du nord – la capitainerie du Goiás était constituée, pendant le XVIIIe siècle, par 14 julgados, sept dans chaque région50. En outre, ces arraiais comme Porto Real, Pontal, Monte do Carmo, Chapada, Almas, São José do Duro, Arraias, Monte Alegre, São Domingos, São Félix, Cavalcante, Amaro Leite, São José do Tocantins, Cachoeira, Muquém, Flores, Água Quente, Rio Claro, Anicuns, Mossâmedes, Curral, Jaraguá, Santo António do Descoberto, Formosa, Bonfim, Santa Cruz, Crixás, Pilar, Anta, Ferreiro, Tesouras, Santa Rita, Meia Ponte, Ouro Fino, Barra, Natividade, Santa Luzia, Trahiras, Dezemboque e Conceição do Norte51, faisaient tous partie d’une diversité de noyaux urbains, en tant que points équidistants d’un réseau lié et dirigé par l’autorité de la câmara de Vila Boa.
57Dans ce contexte, l’hégémonie des intérêts des officiers municipaux s’était ancrée sur le contrôle exercé sur les diverses activités liées au droit d’almotaçaria. Ce droit soutenait les interventions et la surveillance sur pratiquement toutes les nécessités et revendications des populations, en atteignant de forme significative tous les aspects de ce que Magnus Pereira a appelé les trois agendas du vivre urbain52, et en même temps il consolidait la suprématie politique des élites de Vila Boa de Goiás.
58Les mécanismes adoptés et les activités quotidiennes de la câmara de Vila Boa qui indiquent l’exercice de leur pouvoir sur la vie des populations des diverses arraiais sont innombrables : conservation et construction d’équipements d’utilisation commune, paiement de fonctionnaires, de justice et de sécurité publique, approvisionnement et contrôle de la qualité des aliments.
59Un exemple de cet exercice du pouvoir a été l’autorisation donnée par les officiers municipaux au juge ordinaire du julgado de Santa Cruz de réaliser quelques services urbains, comme la récupération de la rue Droite, la construction du pont sur la rivière Água Suja et la restauration des murs de l’immeuble de la prison locale.
60Par rapport à la Rue Droite, la câmara a déterminé que le juge fasse tous les efforts possibles pour que le travail soit accompli, à travers une licitation publique, ou qu’il se fasse en dépenses du julgado lui-même jusqu’à la valeur de cinquante oitavas53 d’or. Concernant le pon, t ils ont autorisé sa construction en limitant, néanmoins, les dépenses jusqu’à la valeur maximum de trente-deux oitavas54. Ils ont aussi donné des orientations pour la construction et réparation nécessaires aux murs de la prison. En fait, il s’agissait du contrat de services dont la réalisation des dépenses devait être autorisée directement par les officiers municipaux à Vila Boa de Goiás, même si les revenus disponibles appartenaient à l’arraial où se trouvaient les problèmes.
61Telle relation de soumission du julgado de Santa Cruz par rapport à la câmara rendait plus forte la position de Vila Boa, basée sur une liaison de domination administrative et une claire sujétion politique. En projetant ce modèle de connexion sur les autres noyaux urbains de la capitainerie, nous voyons clairement se tisser les relations qui donnent forme à un vrai réseau d’arraiais, dont le centre ou le sommet politique et administratif était établi à Vila Boa de Goiás.
62Un cas très semblable apparaissait dans le contenu d’une lettre écrite en mars 1793, adressée à la câmara de Vila Boa par le juge ordinaire et le procureur du julgado de Traíras. Dans cette correspondance, les deux autorités locales sollicitaient l’autorisation de réaliser des dépenses de réparations de plusieurs ponts sur l’Estrada Real. Les officiers municipaux ont demandé quelques explications concernant les activités : quels étaient exactement les ponts, quel type de réparations serait nécessaire et le prix approximatif dépensé dans l’exécution des travaux sollicités, pour lesquels, après l’arrivée des renseignements, ils pouvaient prendre les décisions appropriées55. Bien évidemment, malgré l’urgence de quelques travaux, les autorités locales devaient attendre l’autorisation provenant de Vila Boa pour commencer leurs activités.
63Comme les travaux réalisés dans les arraiais étaient, pour la plupart, autorisés publiquement et réalisés par des exécuteurs privés, ces procédures d’engagement étaient aussi supervisées par la câmara, ce qui obligeait les juges ordinaires à envoyer, tous les mois de janvier, des certificats contenant les valeurs des autorisations réalisées dans leurs juridictions respectives56. Tel a été, sans aucun doute, le cas du juge ordinaire et du procureur de Traíras, ainsi que du juge ordinaire de São Félix, qui ont envoyé à la câmara de Vila Boa, au mois de juin 1793, les certificats des propositions affairant aux réparations des « ponts et chemins sur les routes du julgado57 ». Cet expédient, qui favorisait remarquablement le contrôle des travaux et des revenus locaux, permettait l’élaboration d’une stratégie d’administration des richesses existant dans chaque région des mines de Goiás, en guidant les actions mises en place pour les officiers municipaux.
64D’autres exemples confirment la souveraineté de la câmara de Vila Boa sur les arraiais des mines et capitainerie de Goiás. Un d’eux a été la réponse des officiers municipaux à la demande du gardien du julgado de Pilar de Goiás, qui demandait la valeur correspondante à vingt-quatre oitavas d’or pour l’acquisition d’huile pour l’éclairage de la prison publique. En reconnaissant la justesse de la sollicitation, la câmara démontrait sa volonté d’équilibrer les dépenses par rapport aux recettes, en accordant au gardien la possibilité d’en dépenser seulement dix58.
65Mais, l’éclairage de la prison publique n’était pas la seule responsabilité de la câmara de Vila Boa concernant la sécurité et l’exécution de la justice. Dans cet aspect-là, au-delà d’être une des attributions de la câmara, ses officiers retenaient l’énorme pouvoir de créer et reproduire de petites institutions responsables de l’administration judiciaire dans les arraiais de la capitainerie. Tel était le cas des juizes de vintena. Il faut rappeler que les juizes de vintena, autorisés par les Ordenações Filipinas, étaient les magistrats des bourgades et julgados nommés par les autorités municipales des vilas, « ayant originalement leur nom Vintena (la vingtième partie) du moindre nombre de personnes sujets à sa juridiction, dans des causes de minime importance59 ».
66La nomination de juizes de vintena semble avoir fait partie des activités quotidiennes des officiers municipaux. Cette habitude transparaît dans la demande présentée par le procureur de la câmara en 1793. En alléguant que dans l’arraial d’Ouro Fino il arrivait à plusieurs reprises des excès et désordres qui dérangeaient le bien-être des habitants et des fréquentes fuites d’esclaves, la nomination d’un juge et d’un escrivão de vintena pour l’arrraial60 était sollicité. Les officiers municipaux n’hésitèrent pas : ils nommèrent respectivement Simão Pereira et Francisco de Souza pour les charges de juiz de vintena et d’escrivão61.
67Le rôle de médiateurs entre les différentes arraiais donnait aussi une grande visibilité à la position des officiers municipaux dans le contrôle du réseau urbain organisé à partir d’une hiérarchie bien définie, dont les règles devaient constamment être rappelées et renforcées.
68Ainsi, comme les habitants de l’arraial du Bonfim se trouvaient juridiquement soumis au julgado de Santa Cruz, ils ont rédigé une pétition à la câmara de Vila Boa pour demandaer aux juges ordinaires du julgado la construction d’un bâtiment pour la prison publique et l’installation d’un tronco pour la « punition des malfaiteurs et des flâneurs ». Dérangés par l’insécurité où vivaient les habitants de Bonfim et considérant la responsabilité du julgado de Santa Cruz, les officiers municipaux ont donné tout de suite leur accord, en déterminant la construction de « ladite Cadeia et Tronco62 », dont les dépenses devaient être payées sur les revenus du julgado de Santa Cruz. Ainsi, nous voyons que la viabilité de transfert de ressources d’un arraial à l’autre, c’est-à-dire, d’un point à l’autre du réseau, était un expédient que le recours aux autorités de Vila Boa rendait possible.
69À Vila Boa de Goiás, rien n’échappait aux yeux des autorités municipales : conflits entre voisins, pavés irréguliers qui provoquaient la chute de piétons, chemins et rues mal entretenus, eaux néfastes à la santé des habitants, établissements commerciaux sans la licence nécessaire de fonctionnement, poids et mesures irréguliers et hors les normes établies, oficiais mecânicos sans autorisation, prix de produits en désaccord avec la fixation des prix officiels, action d’accapareurs ou d’intermédiaires interdits d’agir en fonction d’une économie morale qui régulait le marché local. Tous étaient notifiés et convoqués à comparaître au siège de la câmara, sous peine d’être condamnés d’après les posturas de la municipalité.
70Cependant les habitants de Vila Boa de Goiás n’étaient pas les seules cibles de la normalisation imposée par la câmara. L’espace visé par les officiers municipaux s’élargissait au fur et à mesure du contrôle sur toute la maille urbaine qui s’imposait et intégrait, invariablement, les activités et les préoccupations des dirigeants municipaux. Ainsi, nous assistons clairement à l’action de la municipalité à travers le même expédient des correições répété un peu partout dans le réseau urbain du Goiás du XVIIIe siècle. Pour preuve le sujet de la réunion du 15 novembre 1792, où les officiers municipaux ont notifié au lieutenant et almotacel Francisco Soares da Silva, de réaliser des correições aux arraiais de Ouro Fino, Barra et Santa Rita63.
71Nous remarquons ainsi la plénitude et l’actualité, pendant la dernière décennie du XVIIIe siècle, de l’institution de l’almotaçaria, soumettant aux réglementations des posturas de la municipalité le quotidien urbain mouvementé des mines et capitainerie de Goiás, démontrant, dans l’expression proposée par Magnus Pereira, une conscience spécifique de ville64. Conscience que tissait et maintenait, sous le contrôle de la câmara de Vila Boa de Goiás, un vrai réseau d’arraiais.
72La souveraineté exercée sur ce réseau dans le territoire de la capitainerie touchait aussi le contrôle sur l’approvisionnement et l’offre de viandes aux marchés locaux. Outre le contrôle sur le marché de Vila Boa de Goiás de la concession de l’offre de viande à la population – commerce lucratif qui attirai certainement t les intérêts des commerçants coloniaux – la câmara retenait le même droit dans plusieurs autres arraiais. Dans cette activité, le Goiás connaissait une expansion significative, en raison de la production de viandes (la région était suffisante dans cette activité économique) pour le marché colonial, comme une des régions fournisseuses de bétail pour Rio de Janeiro65, pendant la première décennie du XIXe siècle, malgré la distance et la précarité des transports.
73Les agents de la câmara de Vila Boa de Goiás ont participé activement à cette branche d’activité qui intensifiait les relations régionales. En approchant des groupes de commerçants qui agissaient dans la région du Rio de Janeiro avec des hommes d’affaire établis dans les capitaineries de Minas Gerais, São Paulo, Rio Grande66, Goiás établissait un réseau de négociations et d’intérêts économiques qui reliait plusieurs points de passage de bétail dans toute l’extension sud et sud-est de l’Amérique portugaise. Si une maille d’intérêts se constituait dans les relations entre les capitaineries, une autre se formait, sous le contrôle de la câmara, à l’intérieur du réseau d’arraiais aux mines de Goiás. Bien que transférés aux initiatives d’entrepreneurs particuliers, les processus d’autorisation pour l’approvisionnement de la viande, dans tous les arraiais, étaient soumis au contrôle des officiers municipaux67.
74Tout ce contrôle exercé sur la vie urbaine de Goiás, à partir de l’action des officiers municipaux, exigeait pour son fonctionnement un appareil juridique et administratif dont, probablement, la câmara ne disposait pas.
75Comme stratégie utilisée pour réduire au maximum les déficits de la municipalité, et comme alternative trouvée pour faire pression sur les débiteurs, des agents officiels parcourraient toute l’extension des chemins de la capitainerie, objectivant la régularisation et les paiements des dettes en faveur de la câmara. Cela a été la raison du véritable périple de Manoel Seixo de Britto, fonctionnaire et émissaire officiel qui, au mois de juin 1793, partit de Vila Boa pour un long voyage en visite aux julgados de la capitainerie. Porteur de lettres officielles pour les juges ordinaires, il demandait l’or des arraiais sous leur juridiction et l’aide nécessaire pour avoir du succès dans les conversations avec les débiteurs. De même, il demandait les paiements des dettes non effectués pendant les années précédentes68. Après un voyage de dix mois, le retour de Seixo de Britto ne semble pas avoir été objet de frustration pour les officiers municipaux, puisqu’il rapportait la quantité équivalente à deux-mille sept-cents sept oitavas d’or69. Une valeur significative par comparaison avec les chutes successives de la production globale d’or de la capitainerie.
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76À partir de l’exemple de la capitainerie de Goiás, nous partageons le point de vue de Nuno Gonçalo Monteiro qui a étudié les câmaras du royaume : pris en leur ensemble, « les revenus municipaux étaient peu élastiques70 ». Aussi, dans les mines et la capitainerie de Goiás, la difficulté financière faisait partie du quotidien de la vie municipale. Si les revenus étaient significatifs, les dépenses étaient aussi considérables. Les problèmes qui demandaient des investissements étaient innombrables. Nous percevons clairement l’effort de la municipalité visant à la conservation de ses privilèges, mais les actions des créanciers contre les officiers municipaux étaient récurrentes, ce qui rendait la situation de la câmara encore plus difficile.
77Mais, vu sous un autre angle, les revenus de la câmara pouvaient servir à d’autres intérêts bien présents au royaume du Portugal : même un secrétaire du Conseil d’outre-mer, Joaquim Miguel Lopes de Lavre, était rémunéré par les revenus de la câmara de Vila Boa71. Dans ce sens, d’une manière générale, les mines et la capitainerie du Goiás étaient perçus par les autorités du royaume en tant que source alternative de revenus. Citons comme exemple la demande de Domingos Vandelli72 au prince régent, sollicitant la concession d’une donation annuelle à son fils, propriétaire du métier d’escrivão de l’ouvidoria de Goiás73. Mais ce n’était pas un hasard. Si nous comparons les revenus de quelques concelhos et villes du royaume du Portugal avec les ressources gérées par la câmara de Vila Boa de Goiás, nous pourrions considérer cette dernière comme riche. Par exemple, pour l’année de 1794, d’après les revenus de la câmara de Vila Boa, la valeur de la recette annuelle est estimée à 4 055 oitavas de ouro. Mais en tenant compte de sources complémentaires, nous pouvons estimer que les revenus de cette année s’approchaient de 5 500 oitavas. De ce total, environ 1/3 provenait d’autres arraiais. Budget que nous pourrions considérer très large en le le comparant avec des villes portugaises où, d’après Nuno Monteiro, « même les recettes ordinaires de villes qui étaient sièges de districts, comme était le cas de Barcelos, Bragança, Miranda, Viana, Vila Real et Viseu, jusqu’aux années quatre-vingt-dix du XVIIIe siècle n’arrivaient pas à deux contos de réis74 ».
78Comme nous pouvons voir, Vila Boa de Goiás se plaçait stratégiquement à l’intérieur d’un réseau urbain qui en faisait à la fin du XVIIIe siècle, un très fort attrait pour les autorités provenant du Portugal et pour les élites locales. Les considérations de Mary Karasch75 étaient bien fondées. Rien, bien évidement, de comparable au passé de richesses produites dans l’exploration aurifère à Goiás. Des études sur le sujet montrent qu’entre les années 1752 et 1761, le revenu moyen annuel de Vila Boa de Goiás aurait été de 14 741 oitavas d’or76, à peu près 17 contos de réis, sans compter les revenus provenant de l’administration du réseau d’arraiais existant dans la capitainerie, certainement bien plus significatifs que ceux de l’année 1794.
79On pourrait penser, comme le suggère Monteiro, que les difficultés croissantes imposées à l’administration municipale, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, menaient à une réduction de l’intérêt et de l’attraction pour les charges municipales. Néanmoins, des juges ordinaires, vereadores et procureurs municipaux manipulaient un ensemble considérable de richesses77, en contrôlant de nombreux services et revenus publics et en intervenant dans l’organisation des marchés locaux, à travers l’imposition de prix, de taux et d’impôts. En somme ils jouissaient d’un privilège de contrôle sur le réseau urbain, ce qui lui conférait une indiscutable possibilité d’influence et de pouvoir.
Notes de bas de page
1 Fernand Braudel, Civilisation matérielle, économie et capitalisme, XVe-XVIIIe siècle. Le temps du monde, Paris, Armand Colin, vol. 3, 1979, p. 335.
2 « Décadence ou naturalisation de la vila ? » Avec cette question l’historien Laurent Vidal nous invite à une réflexion concernant la décadence aux mines du Goiás. Voir Laurent Vidal, « Sous le masque du colonial – Naissances et “décadence” d’une vila dans le Brésil moderne : Vila Boa de Goiás au XVIIIe siècle », in Annales HSS, mai/juin 2007, n. 3, p. 577-606.
3 Sur ce sujet voir Nasr Chaul, Caminhos de Goiás : da construção da decadência aos limites da modernidade, Goiânia, Cegraf, 1997.
4 La lecture de documents manuscrits de l’époque coloniale et la découverte des fragments du Livre de Registre du Senado da Câmara de Vila Boa, qui constituent le répertoire des sources utilisées dans ce travail, peuvent permettre des nouvelles lectures, en illustrant la compréhension des rapports de force dans les mines et capitainerie du Goiás. Dans le premier cas, il s’agit de documentation composée par des lettres, pétitions, consultations, décrets, listes et rapports, qui se trouvent dans l’Archive historique d’outre-mer à Lisbonne (AHU). Le Livre de registre du Senado da Câmara est composé de descriptions des sessions hebdomadaires réalisées entre 1792 et 1795, et contient des informations précieuses sur le quotidien de l’administration de Vila Boa et des arraiais éparpillés du nord au sud de la capitainerie.
5 Premier noyau urbain de la région des indiens appelés Goyazes, Vila Boa de Goiás, aujourd’hui Ville de Goiás, a reçu de l’Unesco, en décembre 2001, le titre de Patrimoine historique de l’humanité. Son histoire commence au XVIIIe siècle. Pendant le XVIIe siècle, après les découvertes des Minas Gerais d’un côté et les mines du Cuiabá, de l’autre côté, une idée de la Renaissance (selon laquelle les filons de métaux précieux se disposaient de forme parallèle par rapport à la ligne de l’équateur) irait nourrir l’hypothèse qu’entre ces deux-points il y avait aussi de l’or. Ainsi, ont été intensifiés la présence des bandeirantes, venu principalement de São Paulo, sur le territoire du Goiás. Exactement où habitait la Nation Goyá, Bartolomeu Bueno da Silva (explorateur née à São Paulo) a établi, en 1726, la bourgade de Sant’Anna. Une décennie plus tard, le lieu serait élevé à la condition de vila, avec le nom de Vila Boa de Goiás. À cette époque, la ville appartenait à la capitainerie de São Paulo. En 1744, en fonction de son importance dans l’économie coloniale, le roi a ordonné la création de la capitainerie du Goiás. Malgré cela, le premier gouverneur, Marcos de Noronha, y arriverait seulement cinq ans plus tard.
6 Nous rappelons ici le cas de Tristão da Cunha Meneses nommé par le roi capitão-mor et gouverneur des mines et capitainerie du Goiás. Marque indissociable de son gouvernement a été la longue durée de sa permanence à Goiás (il y arrive en 1783), en étant le mandat le plus étendu de toute l’histoire politique de la période coloniale du Goiás (environ seize années). Il est resté dans la capitainerie pendant tout le gouvernement de son successeur, avant d’être appelé à Lisbonne. Pendant cette période, il s’est impliqué dans des disputes et intrigues politiques, en démontrant ses intérêts personnels aux activités sociales et économiques locales.
7 Si le gouverneur Luiz da Cunha Menezes à suggéré l’abolition des rémunérations des officiers municipaux en 1780, sept ans plus tard l’intendant et ouvidor intérimaire José Carlos Pereira a ordonné que les vereadores et les juges ordinaires étaient interdit de recevoir des « salaires », en leur retirant un privilège pratiqué depuis la création de la câmara et la fondation de Vila Boa. Ainsi, après 41 ans en recevant 200 mil réis de rémunération annuelle, les officiers municipaux sont restés sans cet ancien privilège (AHU, Cx. 37, D. 2316). Sur la réaction des officiers municipaux et leurs tentatives de rétablir le contrôle sur le budget de la câmara, voir notre étude : Fernando Lobo Lemes, A oeste do império – Dinâmica da câmara municipal na última periferia colonial : um estudo das relações de poder nas minas e capitania de Goiás (1770/1804). Dissertação de Mestrado, Goiânia, Universidade Federal de Goiás, 2005, p. 92-97.
8 Le mot ville, employée dans ce texte, a la prétention de désigner un rapport plus générique avec le caractère urbain des agglomérations humaines aux mines du Goiás. Nous préférons, d’autre part, nous abstenir de traduire le terme vila en fonction des dimensions particulières du mot dans le lexique urbain portugais du XVIIIe siècle. Sur ce sujet voir Cláudia Damasceno Fonseca, Des Terres aux villes de l’or. Pouvoirs et territoires urbains au Minas Gerais (Brésil, XVIIIe siècle), Paris, Fondation Calouste Gulbenkian, 2003, p. 21.
9 Sur les descriptions et la vision des voyageurs européens sur Goiás voir Heliane Prudente Nunes, Memória da Ocupação e Colonização de Goías na Primeira Metade do Século XIX : A Visão dos Viajantes Europeus, Ciências Humanas em Revista, Goiânia, Universidade Federal de Goiás, vol. 3, p. 71-118, 1994 ; et Nars Chaul, Caminhos de Goiás : da construção da decadência aos limites da modernidade, op. cit., 1997.
10 Nous considérons ici que le fonctionnement des marchés d’outre-mer, soit transocéanien, soit les marchés internes ou régionaux, avaient comme références essentielles les règles qui guidaient le fonctionnement des sociétés d’Ancien Régime. C’est-à-dire qu’ils étaient caractérisés fondamentalement par l’interférence et l’influence de la politique sur le commerce. Nous sommes éloignés, donc, de la notion d’un marché autorégulé dont le fonctionnement serait déterminé par des règles ou des « lois » du marché capitaliste contemporain. À propos de ce sujet, voir l’étude de João Fragoso, Mercados e negociantes imperiais : um ensaio sobre a economia do império português (séculos XVII-XIX), Curitiba, História : Questões e Debates, numéro 36, p. 99-127, 2002.
11 Cláudia Damasceno Fonseca, Des Terres aux villes de l’or, op. cit., p. 17.
12 Guy Martinière, « A implantação das estruturas de Portugal na América (1620-1750) », in Frédéric Mauro, O Império Luso-Brasileiro (1620-1750), Lisboa, Estampa, 1991, p. 91-261. Il s’agit ici d’un concept utilisé pour expliquer les transformations profondes qui ont caractérisé l’Amérique portugaise pendant le XVIIIe siècle.
13 Cette abondante documentation qui fait référence au passage des bandeirantes sur le territoire du Goiás depuis la fin du XVIe siècle, en parcourant les cours des fleuves Paranaíba, Tocantins et Araguaia et en retournant à São Paulo par le fleuve Tietê. Nous avons aujourd’hui des observations documentées par rapport à peu prés seize Bandeiras, bien qu’elles n’avaient pas l’intention de se fixer dans la région du Goiás, en cherchant seulement l’emprisonnement d’indiens. La première en partant de São Paulo, est arrivée aux sertões du Goiás, dans la région est du fleuve Tocantins. Elle a été conduite par Antônio Macedo e Domingos Luís Grau (1590-1593). Ensuite elles ont été suivies par celle de Domingos Rodrigues (1596 - 1600), qui a descendu jusqu’à la confluence du fleuve Tocantins avec l’Araguaia. Il y eut ensuite celle d’Afonso Sardinha (1598 - ?) ; celle de Belchior Carneiro (1607-1609), qui a passé encore davantage vers le nord ; celle de Martins Rodrigues (1608-1613) ; celle d’André Fernandes (1613-1615) ; celle de Pedroso de Alvarenga (1615-1618) ; celle de Francisco Lopes Buenavides (1665-1666) ; celle de Luis Castanho de Almeida et l’expédition familière d’António Paes (1671) ; et, finalement, celle de Sebastião Paes de Barros (1673). Cette dernière, la plus grande des sorties de São Paulo vers Goiás, a été constituée par environ 800 membres et s’est fixée dans la région des fleuves Tocantins et Araguaia, concernant surtout l’exploitation de l’or. Luiz Palacin et Maria Augusta Moraes, História de Goiás (1722-1972), Goiânia, Universidade Católica de Goiás, 2001, p. 7.
14 Luiz Palacin, O século de ouro em Goiás 1722-1822 : Estrutura e conjuntura numa capitania de minas. Goiânia, UCG, 2001, p. 27.
15 Circonscription administrative et militaire, ainsi que le territoire de juridiction du gouverneur.
16 Luiz Palacin, O século do ouro em Goiás…, op. cit., p. 77.
17 AHU, Cx. 38, D. 2395. Lettre du 28 juillet 1792 du gouverneur Tristão de Cunha Meneses, en envoyant au secrétaire d’État de la marine et de l’outre-mer Martinho de Melo e Castro une carte de la population de la capitainerie du Goiás.
18 Domingos Sávio da Cunha Garcia, A ocupação de terras por estrangeiros na fronteira oeste do Brasil nos primórdios da República : ocupar para desintegrar. In : Anais eletrônicos da ABPHE, Caxambu, 2003. Disponible : http://www.abphe.org.br/congresso2003/textos.html.Accèsle03avril2005.
19 Idem.
20 Concernant les définitions des frontières d’Amérique portugaise voir Maria Fernanda Batista Bicalho, « Sertão de Estrelas. A Delimitação das Latitudes e das Fronteiras na América Portuguesa », Varia História, Belo Horizonte, vol. 21, 1999, p. 73-85.
21 Domingos Sávio da Cunha Garcia, A ocupação de terras por estrangeiros…, op. cit.
22 Dans les domaines de l’outre-mer portugais, aux limites plus éloignées de leurs possessions, la culture qui se développait dans le nouveau sol était complexe, en dépassant les modèles d’une simple transposition institutionnelle et culturelle. Non seulement en fonction de la diversité des cultures originaires apportées par l’immigration, mais aussi parce qu’ont apparus d’autres, produit de ces cultures originaires en conflit. Voir Helenilda Cavalcanti et Isabel Guillen, Atravessando fronteiras : movimentos migratórios na história do Brasil, in : Université de São Paulo (USP), Revue Imaginário, número 7, 2005, p. 1-4. Disponible : http://www.imaginario.com.br/artigo/revista/rev7.shtml. Accès le 03 avril 2007. Dans ce contexte, l’idée de la dernière frontière coloniale est utilisée ici avec l’intention de renforcer une condition et une spécificité de la région du Goiás, qui est caractérisée par l’éloignement d’autres centres urbains dans la géographie de la monarchie portugaise – soit de Lisbonne, au Portugal, soit de Rio de Janeiro, en Amérique.
23 Les comarcas constituent une circonscription judiciaire sous le pouvoir des ouvidores et corregedores chargés de l’administration de la justice en seconde instance. Pour une description plus complète du lexique urbain portugais du XVIIIe siècle voir Cláudia Damasceno Fonseca, Des Terres aux villes de l’or, op. cit., p. 18-22.
24 Maria Fernanda Batista Bicalho, « Cidades e elites coloniais – redes de poder e negociação », Varia História, Belo Horizonte, no 29, p. 17-38, 2003.
25 Notion de ville coloniale en tant qu’espace politique utilisée par Maria de Fátima Gouvêa, « Redes de poder na América Portuguesa – o caso dos homens bons do Rio de Janeiro, 1790-1822 », Revista Brasileira de História, São Paulo, no 36, 1998, p. 299.
26 Júnia Ferreira Furtado, Homens de Negócios. A interiorização da metrópole e do comércio nas Minas setecentistas, São Paulo, Hucitec, 1999, p. 199.
27 A. J. R. Russel-Wood, « Centros e periferias no mundo luso-brasileiro, 1500-1808 », Revista Brasileira de História [online], 1998, vol. 18, no 36, p. 187-250. Disponible : http://www.scielo.br/scielo.php?script=sci_arttext&pid=S0102-01881998000200010&lng=en&nrm=iso. Accès le 15 set. 2004.
28 Luiz Palacin,Subversão e corrupção : um estudo da administração pombalina em Goiás, Goiânia, Editora Universidade Federal de Goiás, 1983, p. 56. Dans les zones d’exploitation de l’or, soit aux Minas Gerais, soit au Goiás et au Mato Grosso, les agglomérations humaines non-indépendantes ont pris le nom particulier d’arraiais. Le sens original du mot au Portugal indiquait l’existence d’un simple campement, mais dans les régions d’exploitation coloniale il a servi pour désigner les établissements réglementés et stables, de plusieurs dimensions, qui ne possédaient pas d’autonomie judiciaire ou administrative, en restant dépendants d’un vila ou d’une ville. Voir Cláudia Damasceno Fonseca, Des Terres aux villes de l’or, op. cit., p. 559.
29 Luiz Palacin, Subversão e corrupção : um estudo da administração pombalina em Goiás, op. cit., p. 56.
30 Luis Antônio da Silva de Souza, Memória sobre o descobrimento, governo, população e cousas mais notáveis da Capitania de Goyaz (texte de 1849). In : José Mendonça Teles, Vida e Obra de Silva e Souza, Goiânia, Editora da Universidade Federal de Goiás, 1998, p. 84.
31 Malgré la nomination de juges ordinaires et d’autres officiers et auxiliaires, comme il est arrivé dans les mines du Goiás avant la création de la première vila, les julgados, dans les régions de l’outre-mer, restaient comme des circonscriptions avec autonomie judiciaire incomplète, localisés à l’intérieur du territoire des concelhos. Ils ne constituaient pas un vrai corps municipal, en étant, donc, dépourvus d’autonomie administrative. Voir Cláudia Damasceno Fonseca, Des Terres aux villes de l’or, op. cit., p. 562.
32 Luiz Palacin,Subversão e corrupção : um estudo da administração pombalina em Goiás, op. cit., 1983, p. 56.
33 Cláudia Damasceno Fonseca, Des Terres aux villes de l’or, op. cit., p. 21-22.
34 Fernand Braudel, Civilisation matérielle, économie et capitalisme…, op. cit., vol. 1, p. 443.
35 Ibid., p. 223.
36 « Ces villes s’accrochent donc les unes aux autres en se partageant les tâches, forment des réseaux, occupant des plans superposés, constituent une pyramide. Elles impliquent en leur centre, ou à leur sommet, une ville dominante, plus lourde et impérieuse que les autres, liée à elles. » Fernand Braudel, Civilisation matérielle, économie et capitalisme…, op. cit., vol. 3, p. 150.
37 Laurent Vidal propose un approche de l’histoire sociale des villes en termes de processus et de seuils qui présupposent une modification d’échelle, en substituant l’observation statique par l’étude dynamique des identités sociales et spatiales en constitution, ce qui, selon lui, exige l’adoption d’une attitude prudente concernant les sources disponibles. Le raisonnement employé ici dialogue avec cette approche de l’histoire des villes. Voir Laurent Vidal, « Os trilhos da história do Brasil urbano, Lisboa », Ler História, no 48, 2005, p. 75-85.
38 AHU, Cx. 36, D. 2198.
39 Idem.
40 AHU, Cx. 36, D. 2198.
41 Idem.
42 AHU, Cx. 36, D. 2198.
43 Idem.
44 Sur le sens du mot almotaçaria, Magnus Roberto Pereira nous informe qu’il a été utilisé, depuis la période médiévale, soit dans le sens général soit au sens particulier, pour désigner l’institution ou ses attributions et les activités quotidiennes de l’almotacé et, plus tard, de la câmara par rapport l’approvisionnement des villes. Almotaçar correspondait à surveiller le commerce, en garantissant que tous pouvaient profiter des aliments trouvés dans le marché, en rationnant ou en fixant un prix lorsque nécessaire. C’est ce sens là qui est arrivé jusqu’au XIXe siècle, quand l’almotaçaria était considérée comme toute espèce ou type de fixation des prix. Sur ce sujet voir Magnus Pereira, « Considerações sobre o direito de almotaçaria nas cidades de Portugal e suas colônias », Revista Brasileira de História, São Paulo, no 42, 2001, p. 365-395.
45 Le mot almotacé nous semble suffisamment rare, en étant conséquence d’une adaptation pour la langue portugaise du nom original en arabe. Le nom aurait été latinisé, au Brésil, pendant le XIXe siècle. Voir Magnus Pereira, « Considerações sobre o direito de almotaçaria… », op. cit., p. 392.
46 Idem.
47 Magnus Pereira, « Considerações sobre o direito de almotaçaria… », op. cit., p. 378.
48 Dans ce long parcours, en arrivant à la seconde moitié du XVIIIe siècle, nous assistons à la démonstration d’une vitalité persistante de l’almotaçaria, dans le royaume et dans les colonies, en atteignant la première moitié du XIXe siècle, quand les câmaras, au Brésil et même au Portugal du libéralisme, utilisaient le droit d’almotaçaria de la même façon que bien des siècles auparavant. Magnus Pereira, « Considerações sobre o direito de almotaçaria… », op. cit., p. 381.
49 Ordenações Filipinas, livre I, titre lxviii, paragraphes 1-42, in « Reproduction “fac-simile” de l’édition de Cândido Mendes de Almeida, Rio de Janeiro, 1870 », Lisbonne, Fondation Calouste Gulbenkian, 1990.
50 Les sept julgados du nord étaient les suivants : Porto Real, Natividade, Conceição do Norte, Arraias, São Félix, Cavalcante et Traíras. Les sept du sud : Crixás, Pilar de Goiás, Meia Ponte, Santa Luzia, Santa Cruz, Araxá et Desemboque. Voir Leandro Mendes Rocha (dir.), Atlas Histórico : Goiás Pré-Colonial e Colonial, Goiânia, Cecab, 2001.
51 Idem.
52 Magnus Pereira, « Considerações sobre o direito de almotaçaria… », op. cit., p. 377.
53 Mesure utilisé pour définir la valeur de l’or dans les mines du Goiás. Une « oitava » de l’or correspondait, à l’époque, à 3,686 grammes, soit la huitième partie d’une « onça ».
54 Livro de Registro do Senado da Câmara (dorénavant LRSC), 1792, fol. 71-71 vo.
55 LRSC, 1793, fol. 88.
56 AHU, Cx 36, D. 2198.
57 LRSC, 1793, fol. 97 v.
58 LRSC, 1792, fol. 72.
59 Ordenações Filipinas, livre I, titre lxv, paragraphe 73.
60 LRSC, 1793, fol. 84 vo.
61 Ibid., fol. 85.
62 LRSC, 1793, fol. 98 vo.
63 LRSC, 1792, fol. 78.
64 Magnus Pereira, « Considerações sobre o direito de almotaçaria… », op. cit., p. 389.
65 D’après Maria de Fátima Gouvêa une partie du bétail pour l’approvisionnement de la ville du Rio de Janeiro était produit au Goiás. Maria de Fátima Silva Gouvêa, « Poder, Autoridade e o Senado de Câmara do Rio de Janeiro, 1780-1820 », Revista Tempo, Rio de Janeiro, no 13, 2000, p. 138.
66 Maria de Fátima Silva Gouvêa, « Poder, Autoridade e o Senado de Câmara… », op. cit., p. 135.
67 LRSC, 1793, fol. 103 vo.
68 LRSC, 1793, fol. 98.
69 LRSC, 1794, fol. 131 vo.
70 Nuno Gonçalo Monteiro, « Os concelhos e as comunidades », in Antônio Manuel Hespanha (dir.), História de Portugal. O Antigo Regime (1620-1807), Lisbonne, Estampa, vol. 4, 1993, p. 323.
71 LRSC, 1794, fol. 133 vo.
72 Domingos Vandelli (1730-1815), Italien, a été le premier lente de chimie et d’histoire naturelle à l’université de Coimbra après les réformes pombalines, en étant un des stimulateurs de la création de l’Académie royale des sciences de Lisbonne en 1779. In C. P. da Silva et M. M. Lopes, « O ouro sob as Luzes : a “arte” de minerar no discurso do naturalista João da Silva Feijó (1760-1824) », História, Ciências, Saúde, Rio de Janeiro, vol. 11, no 3, 2004, p. 731-750.
73 AHU, Cx. 43, D. 2596.
74 Nuno Gonçalo Monteiro, « Os concelhos… », op. cit., p. 322-323.
75 A. J. R. Russel-Wood, Centros e periferias no mundo luso-brasileiro…, op. cit., p. 22.
76 Luiz Palacin, « Subversão e corrupção : um estudo da administração pombalina… », op. cit., p. 61.
77 Nuno Gonçalo Monteiro, « Os concelhos… », op. cit., p. 323.
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