Introduction. La ville dans le processus historique de mondialisation
p. 7-21
Texte intégral
1Lorsque les équipes de recherche en histoire des universités de La Rochelle et de Nantes ont décidé de concrétiser leur rapprochement stratégique par l’organisation d’une rencontre scientifique commune, l’idée de se centrer sur les problématiques liées aux rapports entretenus entre la ville et le monde s’est aisément imposée puisque l’histoire urbaine et l’étude des relations internationales constituent deux axes majeurs pour les deux partenaires. D’une certaine façon, il s’agissait de contribuer, à partir de nos forces, à l’enrichissement des débats autour des approches historiographiques connues sous les appellations d’histoire globale ou d’histoire connectée1. Le thème retenu offrait l’opportunité d’interroger les interactions entre développement urbain et effets de mondialisation2, ces deux phénomènes historiques étant saisis dans une longue durée englobant les époques moderne et contemporaine3.
2La notion de ville est fort complexe4. Retenons l’approche suivante : un ensemble matériel et immatériel produit par une société vivant dans un environnement particulier (espace, temps) marqué par une concentration humaine sur un emplacement géographique lui permettant de vivre plus ou moins bien, de prospérer ou de dépérir. Le rapport à l’espace et au temps implique d’insister sur la diversité des expériences5. La ville n’est pas une catégorie immuable, mais plutôt un ensemble d’expériences historiques qui divergent ou convergent plus ou moins selon les moments dans la longue durée. De plus, comme réalité matérielle, la ville n’est jamais synchrone avec elle-même car elle empile en les juxtaposant ou en les réutilisant des constructions renvoyant à des phases très différentes de son existence6. La mémoire des lieux y pèse particulièrement lourd, mais les acteurs sociaux retraduisent constamment dans leurs comportements tout cet héritage au présent.
3La ville et le monde. Du XVe au XXe siècle, le phénomène majeur correspond à la colonisation en deux grandes vagues de la plus grande partie du monde par les Européens, suivie de la décolonisation caractérisée par le décrochage chronologique entre les Amériques (fin du XVIIIe et début du XIXe siècle) et l’Asie et l’Afrique (seconde moitié du XXe siècle) le tout prolongé par les échanges humains, économiques et culturels post-coloniaux, principalement entre métropoles et ex-colonies, mais pas seulement. La colonisation s’entend dans son sens direct et intégral renvoyant au contrôle total, y compris militaire et politique, mais aussi dans son acception indirecte indiquant une domination limitée à l’économique, au technique et au culturel. La décolonisation a laissé perdurer une longue admiration des élites des États émergents pour le modèle européen, mais a aussi permis l’affirmation de la puissance des États-Unis, promus comme nouveau modèle de référence en terme d’urbanité, et naturellement engendré de puissants mouvements nationalistes anti-européens qui en sont en même temps la cause et la conséquence.
4Ces constatations impliquent une grande vigilance méthodologique quant à l’organisation de la réflexion collective, avec deux exigences majeures : la prise en compte de la diversité par l’effort de contextualisation des situations (différenciation des espaces et des moments historiques) et la priorité d’attention accordée à l’analyse des allers et retours entre villes européennes et villes du reste du monde7. Cela nous invite donc à centrer notre réflexion sur deux grands thèmes : la circulation différenciée des modèles européens au cœur d’un processus de rapprochement et l’intégration des villes dans un réseau d’échanges de toute nature, en retenant trois entrées prioritaires : échanges économiques, migrations humaines, circulation de modèles culturels incluant le politique, le technique et les modes de vie et de pensée.
La circulation différenciée des modèles européens dans un processus de rapprochement : progression, apogée, concurrence
5C’est un phénomène historique majeur du XVIe jusqu’au milieu du XXe siècle. Le sens général de l’évolution est double : un renforcement de l’influence, surtout au XIXe siècle, avant une mise en concurrence fatale avec le nouveau modèle nord-américain, lui aussi à prétention universaliste, dans le premier XXe siècle, et un glissement de la diversité vers une relative convergence qui autorise peut-être à poser la question de la formation d’un modèle urbain colonial européen vers la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle.
6Dans la première phase de colonisation, la diversité vient de la variété des civilisations urbaines élaborées sur l’espace européen à travers l’Antiquité et le Moyen Âge, de la différentiation des projets des Européens dans le reste du monde (expansion impérialiste de nature commerciale et littorale ou de type global et continental, imaginaires des populations européennes répondant à cet appel migratoire : fuite de la misère et quête de la richesse, dynamique d’évangélisation chrétienne ou départ vers des terres de liberté pour l’expérimentation d’un projet de société), mais aussi des différences des réponses formées dans les espaces soumis à l’implantation (densités humaines, puissance des États installés, forces internes des civilisations anciennes présentes).
7La diversité marque plus la première phase historique (XVe-XVIIIe siècles) avec les décalages des réalisations espagnoles et portugaises8 à partir du XVIe siècle et celles des grandes compagnies à charte de l’Europe du Nord-Ouest en Asie, en Amérique et en Afrique pour les XVIIe et XVIIIe siècles9. D’emblée, dans cette première phase, quelques questions fondamentales sont posées avec l’examen de trois modalités de transfert qui se sont souvent conjuguées en des dosages variables : transfert européen dominateur, réappropriation autochtone, expérimentations novatrices10. Le pur placage d’un modèle européen sur une zone supposée vierge est improbable11. Le reformatage du modèle européen à partir des réalités autochtones pose le problème du degré d’acculturation et de syncrétisme atteint dans ces synthèses12. Le fait colonial, impliquant la domination politique qui libère des contraintes pesant en Europe sur la transformation de l’urbain, soutient l’énergie créatrice et permet d’envisager l’outre-mer comme un mode expérimental dès cette première phase.
8Avec le XIXe siècle et la première moitié du XXe siècle, l’accélération de l’urbanisation dans le monde est caractérisée par un renforcement de l’influence européenne sous l’effet de l’extension de la colonisation en Afrique13 et en Asie14, des imposantes migrations européennes liées à la transition démographique, du creusement du fossé technique, économique et financier soutenu par les révolutions industrielles et de l’apogée du prestige culturel de l’Europe appuyé sur sa créativité politique, scientifique et artistique. Dans le monde colonisé, directement ou indirectement, la ville exprime plus que jamais la supériorité européenne15. Dans le Nouveau Monde décolonisé, les élites d’Amérique latine restent très attachées aux références européennes16, mais celles d’Amérique du nord s’en détachant plus aisément pour créer de nouvelles modalités de la configuration de l’espace urbain.
9Le transfert continue de s’opérer selon trois grandes modalités : une imitation de la modernisation des villes d’Europe avec un décalage chronologique, une meilleure application du modèle idéal établi en Europe par affaiblissement des contraintes permis par le statut colonial et enfin une opportunité d’expérimentation qui se concrétise par exemple dans la création du type de la cité-jardin. Il convient d’insister sur ce rôle de laboratoire d’idées joué par certaines opérations en territoire colonial, ce qui illustre excellemment ces phénomènes d’interaction influant sur l’évolution des politiques urbanistiques générales17. Si l’hégémonie européenne d’avant 1914 facilite son marquage urbain de la plus grande partie du monde, l’explosion urbaine née des révolutions industrielles sur le vieux continent, fortement transformatrice et uniformisatrice des paysages urbains et des modes de vie, n’a pas gommé toute la diversité de l’organisation de cet espace social matériel et immatériel18. La force intrinsèque des vieilles civilisations asiatiques oppose une ferme résistance et oblige à un certain syncrétisme19. Tout ceci aboutit le plus souvent à une juxtaposition de deux villes20, européenne et indigène, dans un monde sous domination du Vieux Continent, ou au triomphe de l’éclectisme dans le paysage urbain21.
10Cette seconde phase se termine pourtant dans la première moitié du XXe siècle par la dissolution du modèle urbain européen dans un modèle plus général dominé par les nouvelles formes de vie urbaine adoptées aux États-Unis d’Amérique22. Cette symbiose, favorisée par les efforts de conceptualisation de l’urbanisme en Europe, tend à former une science de la ville à prétention universaliste23, au sein de laquelle se dégage même une science de la ville tropicale. Il y a pourtant passage de témoin. Après la seconde guerre mondiale et de façon à peu près concomitante avec les décolonisations africaines et asiatiques des années 1950 et 1960, le modèle américain – version États-Unis – finit par s’imposer partout dans le monde.
11La question des transferts des modèles urbains est ainsi une approche privilégiée. Cela implique de s’intéresser aux acteurs et aux vecteurs. Au départ, la conception européenne de la ville est exportée par tous les Européens œuvrant à l’étranger pour des raisons très variées, tant militaires et politiques qu’économiques, religieuses et culturelles. À partir du second XVIIIe siècle, un rôle croissant de l’État s’appuie sur une professionnalisation des acteurs, tant administratifs que techniques. Il y a une technicité grandissante des agents appelés à intervenir sur la ville et une sophistication croissante des services qui les encadrent, avec de beaux exemples pour la France24 et le Royaume-Uni25. La décolonisation ne supprime pas tout car la référence technique et l’appui financier demeurent, jusque dans les politiques de coopération développée en substitution par les anciennes métropoles, et peut-être bien encore dans la politique de coopération décentralisée menée aujourd’hui directement entre les villes, même si une inspiration de dialogue Nord-Sud s’est fixé comme but de renverser la logique de la relation.
Les allers retours entre les villes européennes et les villes du reste du monde
12Au-delà des transferts de modèle urbain, les relations entre les villes se nourrissent de flux différenciés qui ont structuré progressivement la construction du processus de mondialisation. En lien avec une définition célèbre proposée par Brian J.L. Berry26 qui entend saisir les villes « comme des systèmes dans un système de villes », le titre du colloque invite à se centrer sur l’analyse des réseaux de relation qui intègrent les villes dans un ou des espaces mondialisés dans la longue durée. Afin d’éviter l’éparpillement, il semble utile de retenir trois entrées significatives : les échanges économiques, les flux de population et la circulation des expressions culturelles.
13Les échanges économiques ont beaucoup varié dans le temps en glissant du capitalisme commercial au capitalisme industriel pour aboutir au capitalisme des services, principalement financier27. Ceci a produit des changements majeurs sur la nature des produits échangés, leur quantité, la vitesse de circulation. L’enjeu essentiel est de mesurer les conséquences de ces mutations sur les formes urbaines, les profils sociaux et les modes de vie dans les divers univers urbains28. Les lieux de travail et les espaces de transport ont été profondément transformés par les diverses révolutions technologiques qui se sont succédé29. L’inégale distribution des profits tirés de ces activités a engendré des conditions résidentielles fort disparates, le long d’une tendance lourde à la séparation du lieu de résidence et du travail dès que la hauteur des revenus l’a permis. Or, les échanges économiques entre les villes du monde entier ont été un formidable accélérateur de ces inégalités de fortune.
14Dans le rôle de foyer d’émigration, les villes pourraient bien n’être que de simples relais mettant en liaison un pays répulsif à certains et un pays susceptible de soutenir le rêve d’une vie meilleure30. La ville n’a-t-elle qu’un rôle passif de rassemblement pour les candidats au départ ou joue-t-elle un rôle d’accélérateur ou d’amplificateur auprès d’une frange de sa population de par ses structures de transport, le brassage de ses habitants et le développement d’un imaginaire des horizons lointains, largement pénétré d’exotisme ? Deux grands mouvements ont soutenu les courants d’émigration européenne31 : les questions économiques et sociales, dans lesquelles le grand nombre des miséreux fuyant les crises côtoyait la minorité aisée qui spéculait sur l’accélération de sa fortune, et les problèmes politiques et religieux, liés à des réactions d’intolérance, qui ont poussé certains à rechercher une terre promise outre-mer, tant dans un contexte de liberté religieuse que dans celui de concrétisation d’utopies sociales et politiques.
15Les questions d’immigration posent d’emblée le problème de l’importance quantitative des arrivants et de leur poids relatif au regard des autochtones32. Les variations induisent des comportements et des réalisations fort différentes. La puissance de l’immigration européenne sur le continent américain et les faibles densités des peuplements antérieurs, augmentées des déportations massives d’esclaves africains ont créé un espace spécifique dans lequel l’Amérique latine espagnole et portugaise ne ressemble pourtant pas à l’Amérique anglo-saxonne du fait de l’opposition de comportement sur la question du métissage. En Afrique et surtout en Asie, les Européens sont demeurés très minoritaires. Ils ont dû expérimenter la gestion de sociétés urbaines multiraciales et pluriculturelles, les juxtapositions plus ou moins perméables, mais aussi les hybridations subies ou recherchées.
16C’est sur ce fond de diversité que doit être questionné le principe général qui semble avoir prévalu dans la plupart des villes des mondes colonisés, à savoir la séparation du quartier européen à l’intérieur de l’espace urbain33. De la simple cohabitation communautariste recherchée par les divers groupes, au principe de ségrégation de type raciste, le problème est variable et complexe. Les contradictions ne sont pas absentes car la recherche de séparation physique dans l’espace urbain peut fort bien s’accompagner d’emprunts aux civilisations traditionnelles comme par exemple dans l’architecture qui prend une allure syncrétique comme l’illustre le style anglo-indien par exemple. La qualification de l’intéressant et la sélection de l’intégrable demeurent toutefois un privilège européen.
17Dans ces phénomènes migratoires, il ne faut pas oublier les apports de l’outremer aux villes européennes. Cela a débuté avec les comportements urbains de colons de retour dans la métropole, surtout de ceux qui ont souhaité manifester la réussite financière de leur expatriation temporaire. Cela s’est surtout manifesté depuis l’ultime phase de décolonisation avec les formes d’intégration problématique à l’univers urbain du plus grand nombre des populations pauvres ayant quitté les anciennes colonies pour la quête d’une vie meilleure dans les villes métropolitaines dont le cosmopolitisme bigarré s’est brusquement accéléré.
18Il s’agit d’accorder une grande attention à l’expression des uns et des autres dans la relation inégale associant dominateurs et dominés.
19Il est intéressant d’examiner les expressions et les représentations associées aux acteurs de l’exportation de l’influence européenne outre-mer (militaires, commerçants, administrateurs, entrepreneurs, ingénieurs, missionnaires, artistes, aventuriers). Il convient d’être fort attentif à la représentation de l’autre, de l’indigène, en allant des postures du colonialisme à celles du tiers-mondisme. Dans le sens inverse, il en est de même du mimétisme des élites indigènes et du processus de divorce initié aux États d’Amérique. Tout ceci peut être questionné à travers la production des idées grâce aux ouvrages et à la presse, mais également à travers tout le réseau de sociabilité culturelle de la ville34 : presse locale, travail des cercles érudits, débats publics des clubs de réflexion, programmation des spectacles et de la vie culturelle et artistique, orientation des collections privées et publiques, organisation d’expositions, évolution de la pastorale des Eglises ou des actions des associations laïques, militantisme de l’aide au développement, mouvement alter-mondialiste
20La question patrimoniale, liée au fort développement des activités touristiques à échelle mondiale, est un bon révélateur des interrogations du temps présent sur l’appropriation et le devenir du paysage urbain ancien dans la prospective du développement de la ville. On y retrouve l’écho des questions résultant du croisement des relations compliquées entre les nouveaux états indépendants et leurs anciennes métropoles, du renversement des transferts de modèle urbain dans une perspective de modernisation et de la prolongation des échanges multiples entre les villes dans une économie relationnelle toujours plus mondialisée.
21En Europe, il existe un décalage de potentiel selon l’ancienneté et la puissance des liens noués avec l’outre-mer. Nul ne conteste la primatie des capitales politiques, surtout dans les États colonisateurs à macrocéphalité. L’intégration aux espaces du commerce international, intra ou extra-européen, a eu plus d’impact sur les villes portuaires35 que sur les villes de l’intérieur, sauf exceptions liées à l’organisation des réseaux économiques. La convocation du passé maritime peut servir à promouvoir l’image de modernité de villes à forte ouverture internationale dans notre époque de mondialisation accélérée. Dans ce travail de valorisation de la ville trouvant dans son identité profonde de place liée aux grands flux mondiaux l’énergie vitale lui permettant de se redéfinir sans cesse, tous les supports culturels sont mobilisables, tant par le travail muséal que par la création artistique contemporaine.
22La question patrimoniale peut faire problème dans la ville européenne quand celle-ci fait des choix mémoriels qui s’écartent trop des réalités historiques en occultant des moments peu glorieux ou en valorisant excessivement des réalités assez secondaires. Les problèmes naissent à cause des demandes sociales, culturelles et finalement politiques des groupes sociaux différenciés cohabitant aujourd’hui dans le même espace urbain et intégrés contradictoirement dans son histoire. Deux archétypes inversés sont fort connus avec la promotion excessive des cités corsaires qui flatte l’imaginaire touristique ou la levée difficile d’un tabou pour les villes portuaires négrières, même si aujourd’hui certaines entendent l’assumer totalement afin de s’inscrire en pointe dans la dynamisation des relations Nord-Sud.
23La question patrimoniale se pose aussi dans les villes non européennes. Que faire du vieux quartier européen marqué par cette affirmation de la supériorité du dominateur36 ? Le conserver au profit de l’État et de ses services, au profit des élites qui peuvent garder un attachement culturel pour la métropole, pour une exploitation touristique soutenant le développement du pays37, grâce à des interventions de l’Unesco ? Le laisser disparaître par volonté de modernisation en y substituant un centre à l’américaine ou à l’internationale, ou plus prosaïquement par manque d’entretien étant donné la pauvreté, par effet de surdensité humaine destructrice38 ? Cet effacement peut aussi se fonder sur une politique plus radicale, nourrie d’ultra-nationalisme désireux de refonder le pays sur des bases totalement nouvelles.
24Poser la question des conséquences de l’insertion de la ville dans un espace mondialisé renvoie vers un mouvement historique de relations urbaines à échelle internationale de longue durée, faisant se succéder une longue phase de suprématie européenne et sa remise en cause plus ou moins rapide par un modèle concurrent issu des États-Unis depuis le XXe siècle. Pour être réellement productive, une telle démarche ne doit jamais se départir de deux grandes précautions : la prise en compte de la diversité par la contextualisation des situations et l’analyse des interactions entre villes européennes et villes du reste du monde39.
Deux entrées dans l’étude des liens entre ville et mondialisation
25Les réflexions présentées dans cet ouvrage saisissent la problématique des liens entre ville et mondialisation dans la longue durée historique à partir de deux grandes interrogations : comment l’extension continue des réseaux relationnels à échelle planétaire a contribué à la fabrique de l’urbain, comment la circulation des modèles urbains fut et reste un puissant facteur de mondialisation, la forte tendance à l’uniformisation sous l’influence d’un modèle prépondérant étant compensée par la montée en puissance de la valeur patrimoniale locale labellisée à l’échelle internationale par l’Unesco.
26La première approche se décline elle-même en trois directions : la création de villes pour la maîtrise de l’espace colonial et la satisfaction sociale des élites coloniales, l’impact de la mondialisation, et plus spécialement de la formation du monde atlantique, sur les villes portuaires de la façade occidentale de l’Europe, l’adaptation de la fabrication du lien social au processus migratoire intra-européen ou à destination de l’Amérique coloniale.
27Pour T. Calvo, qui analyse le bilan d’un siècle de création de villes dans l’Empire espagnol après la conquête, c’est la prégnance des contraintes de la maîtrise d’un espace immense qui explique le plus la permanence d’une forme d’organisation urbaine importée d’Europe, mais largement américanisée. L’exemple de la mise en valeur des Mascareignes permet à P. Eve de montrer comment la ville n’est pas première historiquement, mais que rapidement l’exploitation et la sécurisation du quartier, ajoutées à son rôle de tête de pont de la métropole, imposent sa formation dans la partie basse, proche du littoral, même si les conditions géographiques n’en font pas toujours de bonnes villes portuaires à l’exemple de Saint-Denis à Bourbon, contrairement à Port-Louis pour l’île de France. À partir du suivi de la mise en valeur de la région de Campos dos Goytacazos au Brésil, F. Fridman commente l’élaboration progressive d’un réseau urbain à quatre étages. Ce dernier s’est nourri du croisement de sa dynamique avec trois autres phénomènes historiques structurants : la centralisation étatique, la privatisation du sol au profit des agents de l’État, le développement d’une économie capitaliste mercantile. C’est ainsi que les militaires créateurs de villes de toute taille dans une première phase se sont mués en grands propriétaires sucriers ou caféiers, riches de terres et d’esclaves, tout en gardant leur contrôle sur les villes pour fournir une base très solide à leur soutien politique à l’Empire. Le contrôle du pouvoir urbain apparaît même comme un excellent moyen d’atténuer les transitions douloureuses liées aux changements de cycles productifs dans l’économie brésilienne. Ainsi, lorsque la chute de la production aurifère de la capitainerie de Goias au XVIIIe siècle produit une crise économique et sociale traduite dans les mentalités par la notion de décadence, le degré d’influence dans le Senado da Camara de la vila Boia de Goias s’avère fort utile pour conduire au mieux une stratégie de reconversion. F. Lobo Lemes s’interroge ainsi sur le contraste entre le pessimisme des récits des voyageurs et la modération de la documentation administrative. Il apparaît que l’exercice de la fonction politique municipale, dans une institution ayant conservé une réelle force de négociation avec l’Etat, est un excellent moyen de s’assurer le pouvoir économique pour limiter les effets négatifs des retournements de conjoncture. La demande sociale des élites coloniales est aussi créatrice d’urbain. L’exemple des Hill Stations britanniques en Inde aux XIXe et XXe siècles en est une illustration particulièrement remarquable analysée par I. Sacareau. La colonisation fut un puissant facteur du développement du tourisme mondial, les stations ainsi créées devant répondre aux habitudes sociales et culturelles des élites dirigeantes extérieures. Il en fut ainsi dans les villes de villégiature d’altitude fondées en Inde pour les colons britanniques, le caractère fonctionnel spécialisé s’effaçant progressivement au fil du temps par l’adjonction d’autres fonctions urbaines, administratives et éducatives le plus souvent.
28Dans un autre registre, les effets de la mondialisation, dans ses phénomènes d’aller et retour, est abordée ici à travers son impact sur la structuration des villes portuaires du monde atlantique, ici principalement européennes. En tenant compte des leçons de l’évolution récente de l’histoire urbaine, il est essentiel d’étudier cette influence dans l’alliance des deux composants fondamentaux que sont la construction sociale et la réalité matérielle de la ville. En s’appuyant sur le jeu d’échelle entre petite et grande ville maritime, illustrées ici par Vila do Conde et Porto, dans le nord du Portugal, A. Polonia, après avoir caractérisé les trafics commerciaux par les routes et les produits, entend retrouver le poids de cette fonction maritime dans les spécificités de la structure sociale et dans l’aménagement de l’espace urbain. Pour Porto, elle souligne l’importance des liens économiques et politiques avec l’Angleterre et la marque du poids croissant de la communauté britannique dans le paysage urbain. En se centrant sur deux réalités architecturales de villes maritimes de l’ouest français, E. Lefranc montre comment les grands marchands adaptent des formes architecturales à leurs besoins économiques, sociaux et culturels, pour les abandonner ou les renouveler totalement lorsque les mutations des conditions historiques l’imposent. L’analyse des mutations constructives de l’entrepôt à travers toutes ses variantes (cellier, cave, magasins) est ainsi heureusement replacée dans la périodisation de l’essor du commerce international français et des besoins ainsi générés. L’exemple du belvédère s’inscrit dans la dimension socio-culturelle de l’urbain en soulignant avec bonheur comment ces grands marchands adaptent à leur environnement portuaire une forme architecturale reprise des manoirs traditionnels de la noblesse seigneuriale rurale. Avec la naissance de Saint-Nazaire dans le troisième quart du XIXe siècle, G. Saupin s’interroge sur les mécanismes de fabrication de l’espace urbain à partir d’une dimension portuaire. Trois fonctions sont entrées plus ou moins en compétition : le rôle de base militaire, celui d’avant-port de Nantes et celui d’entrepôt pour les Messageries transatlantiques à échelle française. S’il a fallu renoncer assez vite au premier, la ville naissante n’était pas en mesure de contrôler les deux autres. Cette dépendance de l’extérieur et la primauté de construction d’un port dont il a fallu augmenter très vite le gabarit explique que les pouvoirs publics ont mis longtemps pour maîtriser la croissance de cette ville-champignon, « Californie française » selon ses promoteurs. Dans sa phase la plus contemporaine, Bilbao a connu des mutations d’une ampleur remarquable qui en font d’ailleurs aujourd’hui une ville référence. A. Fernandez entend lier la création d’un grand avant-port en pleine mer, pour répondre aux exigences actuelles de la mondialisation, et la rénovation d’un cœur de métropole correspondant au programme d’urbanisme Ria de Bilbao 2000. La gemellité est à rechercher dans l’internationalisation de l’action de la ville, tant dans l’actualisation permanente de sa base économique commerciale traditionnelle que dans le niveau de compétition où elle inscrit sa production d’image et de réputation. La dimension transatlantique a très longtemps dominé et structuré l’aménagement du Brésil à cause de son expérience coloniale et du maintien tardif des liens politiques avec le Portugal dans le XIXe siècle. G. Martinière tire parti du contenu d’un ouvrage officiel de présentation de la puissance et de la modernité du Brésil au début du XXe siècle pour souligner combien l’élite technique et politique de l’époque voyait surtout une façade urbaine littorale ouverte sur le reste du monde. Ceci l’amène à se demander si la problématique de l’arc atlantique née en Europe dans l’esprit de rééquilibrage d’une périphérie est plus ou moins transposable aujourd’hui dans un Brésil orienté vers sa dimension continentale.
29La fabrique de l’urbain est aussi dépendante des grandes migrations tant celles-ci ont été un vecteur majeur dans le processus historique de mondialisation. L’immigration a profondément nourri le développent urbain tant au niveau des transferts technologiques de tout type que dans l’apport des groupes humains nécessaires au déploiement et la valorisation de ces derniers. Les processus d’insertion des immigrés dans un nouveau cadre de vie urbain sont particulièrement étudiés dans cet ouvrage dans le cadre des Basques et de l’Empire espagnol. A. Aragon Ruano livre une étude sur les vicissitudes de la présence et de l’insertion des étrangers européens dans le port basque de Saint-Sébastien au long des trois siècles de l’époque moderne. Le contraste entre l’arrivée importante de marchands étrangers désireux de s’insérer dans les trafics légaux et illégaux au sein de l’Empire espagnol et la politique de préservation des intérêts des marchands basques et plus spécialement guipuzcoens, surtout concrétisée dans le refus d’établissement officiel de consul, à la différence d’autres ports espagnols, lui permet de montrer les jeux de conflits et d’association entre les marchands, mais aussi la rivalité entre les diverses institutions basques et castillanes quant au contrôle du pouvoir, à partir de variations dans l’interprétation des Fueros. A. Angulo Morales s’intéresse aux formes associatives facilitant l’intégration des Basques dans les villes hors des trois provinces, que ce soit en Espagne ou en Amérique. Ó. Álvarez Gila reprend la même problématique en s’interrogeant sur les causes de la permanence du phénomène dans des contextes historiques et des espaces géographiques différenciés. Il est ainsi amené à discuter des deux alternatives retenues par l’historiographie : ou il s’agit d’un réflexe défensif de protection de l’identité originelle qui freine et fragilise l’intégration dans la société du pays d’accueil ou il s’agit d’une première phase temporaire de sécurisation nécessaire par laquelle doit passer le long processus d’assimilation. De même, il importe de mesurer le poids relatif de deux demandes basiques dans ce genre de situation : l’entraide matérielle concrète face aux déboires de la nouvelle existence ou l’attachement culturel au mode de vie du pays d’origine. L’impact dans la fabrique de l’urbain est analysée à travers des pratiques sociales aussi diverses que les sociétés de secours mutuel, les festivals culturels, le culte religieux autour d’une chapelle ou église paroissiale, mais aussi le rôle des pensions comme relais dans les itinéraires des migrants ou la gastronomie comme révélateur de degré d’intégration.
30La seconde grande interrogation structurant l’ouvrage entend questionner les processus historiques d’internationalisation des modèles urbains. Deux angles d’attaque ont retenu l’attention des auteurs. Le premier concerne la circulation des références urbanistiques depuis leur lieu d’émission jusqu’à leur zone de concrétisation, sans oublier les phénomènes inverses de retour. Il s’agit alors de modèles transformés, enrichis des apports de l’insertion dans un espace et une civilisation originale, résultant donc d’une synthèse véritablement originale, pouvant ainsi servir de laboratoire d’expériences. Historiquement, cette circulation s’est réalisée dans deux contextes différents. Dans une première phase ouverte avec la Renaissance et les Découvertes au XVe siècle et se prolongeant largement dans le XXe siècle, les deux colonisations successives ont soutenu l’hégémonie européenne et le transfert de ses références dans le reste du monde. Dans une seconde, débutant avec le XXe siècle, la concurrence du modèle américain, élaboré concrètement aux États-Unis, a rapidement tourné au profit de ce dernier, provoquant par effet retour une adaptation du modèle européen. Les exemples d’élaboration, de transferts et de durabilité des modèles présentés dans cet ouvrage s’inscrivent dans une très longue durée et dans une extension progressive du champ géographique dans l’internationalisation.
31L’impact de la mondialisation peut d’abord être mesuré à travers la comparaison entre deux expériences urbaines historiques très éloignées dans le temps, mais aussi géographiquement et culturellement, à savoir le mode de formation de l’espace urbain dans les émirats d’Al Andalus au Moyen Âge et dans le Brésil du XXe siècle, à travers la réflexion urbanistique sur Sao Paulo. Prenant en compte les avancées les plus récentes de l’historiographie qui a abandonné le paradigme de la ville islamique pour s’intéresser aux caractéristiques du système urbain arabe à partir des observations sur les villes de l’Empire ottoman, C. Mazzoli-Guintard entend explorer la capacité heuristique d’une comparaison entre ces dernières et les villes arabo-andalouses médiévales. Elle s’y attache à travers deux questionnements : le mode de gestion de l’espace urbain par quelle autorité en l’absence de pouvoir municipal et les modes d’interaction entre les hommes et le bâti. La première approche débouche sur le constat d’une évolution caractérisée par un isolement grandissant du pouvoir dans la ville et par le regroupement par communautés religieuses. La seconde montre combien la pratique des fondations pieuses et la tradition des droits d’usage sur l’environnement proche des constructions privées ont pesé dans la production de la forme urbaine. Ainsi, dans une aire de civilisation fortement marquée par les pratiques religieuses, il existe une adaptabilité au contexte politique global. À partir de l’expérience de Sao Paulo dans la première moitié du XXe siècle, M-S. Bresciani en profite pour critiquer trois lieux communs : la périodisation de l’histoire de la ville, l’importation de modèles étrangers et l’inadéquation de ces références pour une société brésilienne archaïque. Elle valorise au contraire l’ampleur des discussions existant autour d’une expertise critique des réalisations internationales à partir des écoles polytechniques et d’ingénieurs fondées en 1893 et 1894. Ceci l’amène à souligner combien au XXe siècle l’urbanisme est devenue une science à dimension mondiale, fournissant ainsi une somme de références aux spécialistes dont l’art sera de sélectionner et d’assembler ce qui paraît le plus productif pour la concrétisation de leur projet dans un espace urbain donné. Si la réalisation doit être adaptée au plus près aux conditions locales de développement urbain, le catalogue de références est déjà mondialisé.
32La circulation des modèles urbains à l’échelle internationale est abordée à partir de trois exemples renvoyant principalement au XIXe siècle. I. Amorim s’intéresse aux allers et retours entre le Portugal et l’Outre-Mer, à partir de la puissance de référence que représente la reconstruction de Lisbonne par Pombal, tant au niveau du modèle urbain valorisé que de la richesse de l’expérience administrative et technique ainsi rassemblée. Si cette exportation d’idées et de savoir faire ne surprend pas, elle ne doit pas masquer l’importance de l’expérience américaine pour l’apprentissage de la nécessaire adaptation à un environnement global fort différent. C’est ainsi qu’elle peut mettre en exergue combien l’étape brésilienne a été décisive pour un ingénieur militaire chargé de l’aménagement d’Aveiro, ville littorale du nord du Portugal. La question du transfert et du degré d’innovation apportée par l’implantation américaine est aussi cœur de la réflexion de M-F. Bicalho sur la fonctionnalité des grandes places urbaines de Rio de Janeiro au début du XIXe siècle. La reproduction de la place royale du Teirreiro do Paço de Lisbonne, mêlant fonctions politiques et commerciales, dans le Largo do Paço de Rio est contrebalancée par l’adjonction d’une seconde place de référence, plus intérieure, à partir de l’exil de la monarchie portugaise en 1808, mais surtout de l’indépendance en 1822, alors que la concentration fonctionnelle à Lisbonne avait marginalisé l’ancienne place publique plus intérieure du Rossio. Les impératifs politiques obligeant la dynastie portugaise à resserrer symboliquement les liens avec l’ensemble des groupes sociaux pour renforcer sa légitimité dans cet espace refuge ont ici imposé cette polarisation duale qui n’avait pas lieu d’être dans la ville du Tage. L’effet retour internationalisé est spectaculaire dans le cas de Colombres, village de la côte asturienne transformé en petite ville moderne par les investissements des riches Indianos originaires du lieu. Rares figures exemplaires de la réussite sociale à partir d’une émigration massive de pauvres vers les colonies espagnoles américaines, puis ensuite les nouveaux pays indépendants, ces richissimes hommes d’affaire ont voulu rendre hommage à leur terre natale en lui offrant une petite ville dotée des équipements publics les plus modernes et constitués d’édifices publics et privés inscrits dans un éclectisme poussé dans lequel les références internationales ne laissent qu’une place minime aux traditions locales. M-C. Morales Saro dresse le portrait social de ces mécènes, tout en soulignant le caractère ouvert et composite de leur modernité, volontiers encline vers le spectaculaire.
33Le dernier aspect envisagé introduit dans une discussion sur le fonctionnement actuel de l’interaction entre l’accentuation des phénomènes de mondialisation et le réflexe sociétal de rattachement à des appartenances territoriales beaucoup plus limitées, correspondant à l’espace vécu, et dont le succès croissant de la demande patrimoniale est un des marqueurs les plus significatifs. Appliqué à l’espace urbain qui forme le cadre de vie le plus fréquent, ce paradoxe soulève les questions de réflexe culturel défensif face au sentiment d’insécurité entretenu par les tensions économiques et sociales produites par la mondialisation.
34Les anciennes villes européennes dont le développement était fondé sur un complexe industrialo-portuaire sont parmi celles qui ont le plus souffert d’une crise née de la globalisation des échanges et de la concurrence de pays émergents. Les reconversions y ont été spectaculaires, à la mesure de la gravité de l’effondrement d’activités basiques traditionnelles dans la métallurgie lourde ou les constructions navales. Les opérations urbanistiques de waterfront ont vraiment touché et caractérisé l’ensemble des villes du monde atlantique industrialisé durant ces vingt dernières années. Deux exemples particuliers permettent ici d’illustrer une diversité des options retenues dans un mode d’action qui pourrait apparaître global. Pour la ville portuaire asturienne de Gijón, M.-S. Alvarez analyse le recours à l’art public, principalement à la création de sculptures contemporaines dans des espaces urbains jugés stratégiques, car fortement porteurs d’identité urbaine. Au sein du recours classique à l’industrie culturelle et à l’économie des loisirs pour relancer un dynamisme urbain, l’acte créatif artistique sculptural, invité à produire du mobilier urbain monumental, incarne la volonté d’innovation sur laquelle doit se reconstruire l’image de la ville évaluée à l’échelle régionale, nationale et internationale. À partir du programme Île de Nantes où la requalification des friches industrielles et portuaires est orientée vers la constitution d’un cœur de métropole, A. Nicolas s’interroge sur les conditions de validation sociale de l’opération tant par la communauté de résidents que par l’opinion internationale, évaluation obligée à ce niveau de la hiérarchie urbaine. Trois entrées ont retenu son attention : les références urbanistiques empruntées, l’évaluation du modèle au sein de réseaux urbains qualifiés et la fabrication d’un récit de ville œcuménique et mobilisateur dans lequel l’innovation dialogue avec la mémoire des lieux.
35Cette attention patrimoniale, fortement soutenue par le succès social croissant de l’idéal de développement durable, n’est pas antinomique de mondialisation puisque l’Unesco a cru utile de construire un grand programme d’action à échelle mondiale dont le succès se mesure au nombre élevé de sites reconnus et à l’affluence des candidats à la labellisation. La haute valeur artistique ou mémorielle ne se traduit pas seulement en termes culturels mais aussi en développement créé à partir de l’essor de l’économie touristique. C. Horn discute de l’ensemble de ces enjeux dans le cadre de la ville africaine de Porto-Novo, capitale du Bénin, tant au niveau de la dynamique espérée que dans les éventuelles contradictions, en se centrant plus spécialement sur les rapports entre les pouvoirs publics et les acteurs sociaux. En retenant l’échelle de l’Europe urbaine, P. Gosselain pose la question de la tension qui opposerait la protection patrimoniale et l’innovation permanente indispensable au développement pour prétendre jouer un rôle dans une compétition internationalisée. Récusant une opposition facile entre immobilisme et mouvement, il situe les oppositions dans un divorce culturel entre des acteurs conscients et attachés à une identité urbaine européenne spécifique et d’autres qui trouvent dans la dynamique de la mondialisation des raisons de penser que c’est une attitude historiquement dépassée.
Notes de bas de page
1 Pour une très pratique mise au point, voir le numéro spécial du bulletin de la SHMC. Caroline Douki, Philippe Minard (dir.), « Histoire globale, Histoires connectées : un changement d’échelle historiographique ? », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 54-4 bis, supplément 2007. Voir aussi : « Une histoire à l’échelle globale », Annales, Histoire, Sciences sociales, numéro spécial, 2001-1.
2 Olivier Mongin, La condition urbaine. La ville à l’heure de la mondialisation, Paris, Le Seuil, 2005.
3 Cette approche est facilitée par l’orientation de la dernière et excellente synthèse sur l’histoire de l’Europe urbaine publiée en langue française. C’est une base de départ essentielle, tant pour le positionnement problématique que pour les références de lecture. Jean-Luc Pinol (dir.), Histoire de l’Europe urbaine, Paris, Le Seuil, 2003, 2 tomes.
4 Jean-Louis Biget et Jean-Claude Hervé (éd.), Panoramas urbains. Situation de l’histoire des villes, Fontenay-aux-Roses, ENS Fontenay-Saint-Cloud, 1995.
5 Lewis Mumford, La Cité à travers l’histoire, Paris, Seuil, 1964. Marcel Roncayolo, Lectures de villes. Formes et temps, Marseille, Parenthèse, 2002.
6 Bernard Lepetit, « Une herméneutique urbaine est-elle possible ? », dans Bernard Lepetit, Denise Pumain (éd.), Temporalités urbaines, Paris, Anthropos, 1993, p. 293.
7 Jean-Luc Pinol, François Walter, « La ville contemporaine jusqu’à la Seconde Guerre mondiale », Odile Goerg, Xavier Huetz de Lemps, « La ville européenne outre-mer », et Guy Burgel, « La ville contemporaine, de la Seconde Guerre mondiale à nos jours », dans Jean-Luc Pinol, op. cit., livres 4, 5, 6. Paul Hohenberg et Lynn Hollen Lees, La Formation de l’Europe urbaine, 1000-1950, Paris, PUF, 1992. Adam Van der Woude, Jan de Vries, Akika Hayami (éd.), Urbanization in History: a Process of Dynamic Interactions, Oxford, Clarendon Press, 1990.
8 Francisco Solano, Historia urbana de Iberoamérica, t. i, La ciudad ibero-americana hasta 1573 ; t. ii, La ciudad barroca ; t. iii, La ciudad illustrada 1750-1850, Madrid, Consejo superior de los Colegios de Arquitectos de España, 1987,1990, 1992. Javier Aguilera Rojas, Fundación de ciudades hispanoamericanas, Madrid, Mafpre, 1994. Jorge Enrique Hardoy (éd.), Urbanization in Latin America: Approaches and Issues, New York, Anchor Books, 1975. Jorge Enrique Hardoy et Richard P. Morse (éd.), Nuevas perspectivas en los estudios sobre historia urbana latino-americana, Buenos Aires, Grupo Editor Latino-Americano, 1989. Walter Rossa, Cidades indo-portuguesas. Contribuiçōes para o estudo do urbanismo português no Hindustao Ocidental, Lisboa, Comissāo Nacional para as Comemoraçoes dos Descrubrimentos Portugueses, 1997. Manuel Teixeira, Margarida Valla (éd.), O urbanismo portugués : séculos XIII-XVIII, Portugal-Brasil, Lisbonne, Livros Horizonte, 1999.
9 Robert Home, Of Planting and Planning. The making of British Colonial Cities, Londres, E et FN Spon, 1997. Laurent Vidal et Émilie d’Orgeix (éd.), Les villes françaises du Nouveau Monde. Des premiers fondateurs aux ingénieurs du Roi (XVIe-XVIIIe siècles), Paris, Somogy, 1999. Frank Broeze (éd.), Brides of the Sea. Port Cities of Asia from the 16th-20th Centuries, Honolulu, University of Hawaï Press, 1989. Id. (éd.), Gateways of Asia. Port Cities of Asia in the 13th-20th Centuries, Londres, Paul Kegan, 1997.
10 Catherine Coquery-Vidrovitch et Odile Goerg, La Ville européenne outre-mer : un modèle conquérant ? (XVe-XXe siècles), Paris, L’Harmattan, 1996.
11 Xavier Malverti et Pierre Pinon (éd.), La ville régulière. Modèles et tracés, Paris, Picard, 1997. Gilles-Antoine Langlois, Des villes pour la Louisiane française. Théorie et pratique de l’urbanisme colonial au XVIIIe siècle, Paris, L’Harmattan, 2003.
12 Philip Davies, Slendours of the Raj. British Architecture in India 1660-1947, Londres, John Murray, 1985. Jean-François Beguin, Arabisances. Décor architectural et tracé urbain en Afrique du Nord, 1830-1950, Paris, Dunod, 1983.
13 Catherine Coquery-Vidrovitch, Histoire des villes d’Afrique noire. Des origines à la colonisation, Paris, Albin Michel, 1993.
14 John G. Butcher, The British in Malaya, 1880-1941, Kuala Lumpur, Oxford UP, 1979.
15 Felix Driver et David Gilbert (éd.), Imperial Cities. Landscape, Display and Identity, Manchester, Manchester UP, 1999.
16 Jeffrey D. Needell, A Tropical Belle Epoque. Elite Culture and Society in Turn-of-the-Century Rio de Janeiro, Cambridge, CUP, 1987.
17 Hélène Vacher, Projection coloniale et ville rationalisée. Le rôle de l’espace colonial dans la constitution de l’urbanisme en France, 1900-1931, Aalborg, Aalborg UP, 1997.
18 Laurent Vidal (éd.), La ville au Brésil (XVIIIe-XXe siècles). Naissances, renaissances, Paris, Les Indes savantes-Rivages des Xantons, 2008.
19 Mariam Dossal, Imperial Designs and Indian Realities. The Planning of Bombay City, 1845-1875, Bombay, Oxford UP, 1991.
20 Zeynep Celik, Urban Forms and Colonial Confrontations. Algiers under French Rule, Berkeley, U. of California Press, 1997. Charles Fourniau, « Le phénomène urbain au Vietnam à l’époque coloniale », dans Pierre-Bernard Lafont (éd.), Péninsule indochinoise. Études urbaines, Paris, L’Harmattan, 1991.
21 Heliana Angotti Salgueiro, La Casaque d’Arlequin. Belo-Horizonte, une capitale éclectique au XIXe siècle, Paris, Éd. EHESS, 1997.
22 François Weil, Naissance de l’Amérique urbaine, 1820-1920, Paris, SEDES, 1992. Hélène Harter, Les ingénieurs des Travaux publics et la transformation des métropoles américaines 1870-1910, Paris, Publications de la Sorbonne, 2001.
23 Yves Grafmeyer et Isaac Joseph, L’École de Chicago. Naissance de l’écologie urbaine, Paris, Éd. du Champ urbain, 1979. Anthony Sutcliffe, Towards the Planned City, German, Britain, The United States and France, 1780-1914, Oxford, Basil Blackwell, 1981. François Ascher, Métapolis ou l’avenir des villes, Paris, Éd. Odile Jacob, 1995. Laurent Vidal, De Nova Lisboa à Brasilia. L’invention d’une capitale, XIXe-XXe siècles, Paris, Éd. IHEAL, 2002.
24 Sylviane Munoz, Monographie historique et économique d’une capitale coloniale : Rabat de 1912 à 1939, Nice, thèse université, 1985. Daniel Rivet, Le Maroc, de Lyautey à Mohammed V. Le double visage du protectorat, Paris, Denoël, 1999.
25 Norma Evanson, The Indian Metropolis. A View towards the West, New haven, Yale UP, 1989.
26 Brian J.L. Berry, « Cities as systems within system of cities », dans John Friedman, William Alonso, Regional Development and Planning, Cambridge (Mass.), MIT Press, 1964. Cité par Jean-Luc Pinol, op. cit., p. 9.
27 Philip D. Curtin, The World and the West. The European Challenge and the Overseas in the Age of Empire, Cambridge, CUP, 2000.
28 Paul Bairoch, De Jéricho à Mexico. Villes et économie dans l’histoire, Paris, Gallimard, 1985.
29 Brian Hoyle et David Hilling (éd.), Seaports Systems and Spatial Change. Technology, Industry and Development Strategies, New York, 1984. Brian Hoyle et David Pinder (éd.), European Port Cities in Transition, Londres, 1992.
30 Leslie P. Moch, Moving Europeans. Migrations in Western Europe since 1650, Bloomington, Indiana UP, 1992.
31 Alison Games, Migration and the Origin of the English Atlantic World, Cambridge (Mass.), 1999.
32 France Guerin-Pace, Deux siècles de croissance urbaine. La population des villes françaises de 1831 à 1990, Paris, Anthropos, 1993. Jean-Luc Pinol, Les mobilités de la grande ville. Lyon, fin XIXe-début du XXe siècle, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1991. Id. (éd.), Les immigrés et la ville. Insertion, discrimination, XIIe-XXe siècles, Paris, L’Harmattan, 1996.
33 Charles Goldblum, Métropoles de l’Asie du Sud-Est. Stratégies urbaines et politiques du logement, Paris, L’Harmattan, 1987.
34 Andrew Lees, Cities Perceived. Urban Society in European and American Thought, 1820-1940, New York, Columbia UP, 1985. Bernard Lepetit et Jochen Hoock (éd.), La Ville et l’Innovation : relais et réseaux de diffusion en Europe, XIVe-XIXe siècles, Paris, Éd. EHESS, 1987.
35 Guy Saupin, « Présence et représentation du monde atlantique dans les villes d’Europe occidentale du Moyen Âge au XXe siècle », dans Guy Saupin (éd.), Villes atlantiques dans l’Europe occidentale du Moyen Âge au XXe siècle, Rennes, PUR, 2006. Franklin F. Knight et Peggy Liss (éd.), Atlantic Ports Cities. Economy, Culture and Society, 1650-1850, Knoxville (Tennessee) 1991.
36 Thomas Metcalf, An Imperial Vision : Indian Architecture and Britain’s Raj, Londres, Faber et Faber, 1989.
37 Aidan McQuillan, « Preservation planning in post-colonial cities », dans Terry R. Slater (éd.), The Built Form of Western Cities, Leicester, Leicester UP, 1990. René Parenteau et Luc Champagne (éd.), La Conservation des quartiers historiques en Indochine, Paris, Karthala, 1997. Maria-Cecília Londres Fonseca, Patrimônio em proceso : trajetória da politica de preservaçao no Brasil, Rio de Janeiro, URRJ-IPHAA, 1997, 2005.
38 Gustave Massiah et Jean-François Tribillon, Villes en développement. Essai sur les politiques urbaines dans le tiers monde, Paris, La Découverte, 1988.
39 François Moriconi-Ebrard, Géopolis. Pour comparer les villes du monde, Paris, Anthropos, 1994.
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