Chapitre V. Desertum, eremus, solitudo. Essai d’archéologie du désert
p. 191-238
Texte intégral
1Comment vivre la confrontation avec la nature sauvage ? Il s’agit dans ce chapitre de tenter de dépasser le plan des idées, de la spiritualité chrétienne, pour cerner dans les sources hagiographiques les realia des conditions de vie des solitaires du haut Moyen Âge. Mais peut-on étudier positivement le phénomène érémitique dans ses dimensions spatiale, géographique, topographique ? Jean-Claude Meuret affirme avec raison que l’archéologie des cellules d’ermites n’est pas encore née1. Elle est difficile à mener tant est précaire l’habitat des solitaires. Cette prospection serait pourtant utile. Il est à nouveau essentiel de rappeler que les sources hagiographiques renseignent davantage l’historien sur l’époque de l’hagiographe. Mais moyennant une « critique historique appropriée », la recherche de faits d’ordre biographique peut être tentée2.
2Car, il s’avère que l’image de l’ermite caché dans les solitudes d’une forêt profonde et hostile résulte d’une traditio littéraire qui a fini par occulter les réalités de l’ascétisme chrétien. Le topos de l’ascète en son désert est d’autant plus transmis que l’hagiographe du haut Moyen Âge se contente la plupart du temps d’évoquer la période érémitique sans se soucier des détails topographiques3. La conséquence dans la perception de l’environnement du saint à travers les vies est la mise en place du désert-forêt occidental : une vision littéraire de la forêt vide d’homme, impénétrable et dangereuse telle qu’une partie de la littérature antique se la représentait déjà4.
3Nous partirons donc de ce triptyque desertum/eremus/solitudo. Une solitude est d’abord un désert, autrement dit un lieu situé hors du monde, de la vie, de la hiérarchie sociale, un lieu où les valeurs du monde – pouvoir, argent, liens sociaux de toutes sortes – n’ont plus cours et font place à Dieu seul. Dans la Vita Columbani de Jonas de Bobbio, les termes heremus et solitudo sont employés indifféremment pour désigner le désert ou des lieux difficilement accessibles5. Dans la Vita beati Galli rédigée par Wettinus au début du IXe siècle6, mais aussi dans la version de peu postérieure de Walahfrid Strabon7, ou encore dans la description de l’Oberland zurichois contenue dans la vie de saint Meinrad8, le mot solitudo a aussi un sens de « désert ».
4Les thèmes développés dans cette partie s’inspirent notamment de l’ensemble des réflexions présentées par Réginald Grégoire en 1980 autour des informations que l’on peut tirer des sources hagiographiques pour connaître la réalité rurale du haut Moyen Âge9.
5Nous verrons donc dans ce chapitre comment au cours de la période l’élan érémitique a été considéré par l’Église, mais aussi de quelle manière un solitaire choisissait son refuge. Enfin, comment vivait-on au quotidien dans le « désert » ?
Entrer au désert
6Lorsque nous voulons tenter d’y voir plus clair dans la vie quotidienne des ermites dans le désert, nous sommes nécessairement confrontés au problème de l’écriture. C’est d’abord le choix de l’hagiographe de développer ou non cette période de la vie du saint ; c’est aussi le souci constant de celui-ci de faire de son héros la réplique d’un modèle chrétien, en puisant dans les œuvres majeures connues en Occident sur l’anachorèse.
L’exemple des Pères du désert
7Le désert, réel ou imaginaire, a joué un rôle important dans les grandes religions monothéistes10. Les modèles culturels de l’Occident médiéval viennent d’abord de la Bible, autrement dit de l’Orient, une région où le désert est une réalité géographique et symbolique à la fois. L’image biblique du désert évolue, tout en restant très complexe : c’est le désert de la Genèse, désert du chaos originel, puis anti-jardin imposé comme châtiment à Adam ; ce sont les lieux d’épreuves individuelles pour les patriarches ou les déserts de l’exode, le Sinaï de Moïse et du peuple juif. La formule qui connaît le plus grand succès, dont nous retrouvons l’écho dans toute la littérature hagiographique, vient du livre du Deutéronome (32, 10) : Deus invenit populum in terra deserta, in loco horroris et vastae solitudinis. Valorisé dans l’Ancien Testament, le désert n’est pas qu’un lieu de solitude mais aussi un lieu d’épreuve, où se produit la révélation décisive de Yahvé11. C’est surtout un lieu d’errance, de non-attachement. Un changement est marqué avec le Nouveau Testament. Pour Jésus, le désert, où il rencontre Jean-Baptiste, est un lieu dangereux, aride, le lieu de la tentation. C’est le séjour de Satan (Matthieu 4, 1), mais aussi l’endroit où Jésus se réfugie et va chercher la solitude (Marc 1, 35, 45). Dans l’Apocalypse (12, 6-14), le désert est le refuge de Sion, du peuple saint de l’ère messianique, de l’Église des croyants.
8Avec le christianisme commence en Orient au IVe siècle l’épopée du désert. Cette expérience lègue des œuvres majeures qui fondent les grands thèmes de l’hagiographie et de la spiritualité du désert. La plus ancienne est la vie de saint Antoine par Athanase, évêque d’Alexandrie (vers 360). C’est aussitôt un succès qui se traduit par des versions latines diffusées en Occident12. La primauté d’Antoine dans l’érémitisme est bientôt contestée par saint Jérôme qui écrit vers 374-379 dans le désert de Calchis en Syrie, à l’est d’Antioche, une vie de Paul de Thèbes, premier ermite. Peu importe la primeur dans ce style de vie contemplative ; l’Occident médiéval voit en eux les grands modèles de l’idéal désertique.
9Le désert de Paul est une montagne. Son horizon se limite à une caverne, un palmier et une source. Il y vit vêtu de feuilles du palmier et se nourrit chaque jour d’un demi pain que lui apporte un corbeau. Le désert d’Antoine est en tous points similaire : la montagne et la grotte forment l’essentiel d’un décor très minéral. Il vit des fruits d’un palmier. Il est intéressant de noter en outre que Antoine vécut dans un site que le voyageur comtemporain décrit comme particulièrement sévère et aride mais qui est dépeint par Athanase comme le paradis terrestre. Le désert apparaît comme un lieu d’ascèse, favorable au combat de l’âme contre les démons13, et à la purification nécessaire à l’élan mystique. Chez Rufin d’Aquilée, le désert est appréhendé dans cette ambivalence fondamentale14 : c’est un lieu où il est dangereux de s’aventurer ; mais c’est aussi le lieu où l’on peut espérer rencontrer Dieu à travers la personne d’un saint anachorète et obtenir, par l’intermédiaire de celui-ci, une manifestation de la puissance divine sous la forme d’un miracle15. Ainsi les grands penseurs de l’Église ont-ils fixé la raison d’être de la démarche anachorétique. Le motif le plus intime de la fuite au désert est le désir de suivre l’appel évangélique à un degré de perfection exigeant l’abandon de tout ce qui appartient au siècle.
La réflexion sur le désert en Occident
10Sulpice Sévère, biographe de saint Martin de Tours, laisse entendre que l’érémitisme est de qualité spirituelle supérieure au cénobitisme. En Provence cependant, le cénobitisme s’impose dans le milieu des moines comme à Lérins, où Cassien se prononce en sa faveur. Il y a pourtant des ermites à Lérins, comme Eucher, futur évêque de Lyon et auteur du De laude heremi (428) qui justifie l’intérêt de la solitude et du silence aux besoins de la contemplation16. Cassien relate son expérience monastique d’Égypte dans deux œuvres écrites à Marseille vers 420 les Institutions cénobitiques et les Conférences qui ont une influence considérable sur le monachisme occidental17. Les thèmes de la vie au désert circulent également en Occident à la même époque avec la diffusion de la Vie des Pères, une compilation d’anecdotes traduites du grec. Lorsque Romain se retire au désert dans le Jura, il emporte avec lui la Vie des saints Pères (sans doute d’Orient) et l’Institution des Abbés. Ce dernier titre paraît s’appliquer aux institutions de Cassien18. En Occident, l’expérience monastique est donc pénétrée de très bonne heure par les influences égyptiennes. En Gaule, Trèves, Poitiers, Marseille connaissent des anachorètes d’Égypte. Les vitae offrent bientôt nombre de tableaux significatifs malgré la redondance et les topoi, qui s’expliquent par la tradition hagiographique. Ils reprennent le modèle d’anciennes vitae orientales et occidentales. Plus près d’eux les hagiographes de la Gaule peuvent s’inspirer du modèle de saint Martin. La présentation du site de Marmoutier par Sulpice Sévère au début du Ve siècle est à ce propos exemplaire19 :
« Cette retraite était si écartée qu’elle n’avait rien à envier à la solitude d’un désert. D’un côté, en effet, elle était entourée par la falaise à pic d’un mont élevé, et le reste du terrain était enfermé dans un léger méandre du fleuve de Loire. Il n’y avait qu’une seule voie d’accès, et encore fort étroite. Martin occupait une cellule construite en bois et un grand nombre de frères était logé de la même manière. Mais la plupart s’était fait des abris en les creusant dans la roche du mont qui les dominait20. »
11Dans la vie écrite vers 520 de Romain, ermite du Jura, le besoin de rapprocher du modèle oriental est flagrant. La topographie du lieu de retraite se limite aux ressemblances avec le désert de saint Paul : Romain trouve refuge au pied d’une montagne rocheuse, sous un sapin qui l’abrite (faute de palmier dans le Jura)21. L’auteur anonyme de la vita n’hésite pas à présenter le saint comme un imitator Antonii. À partir du début du VIe siècle, si l’Occident doit avoir un modèle de vie au désert, c’est Romain du Jura22.
12La vie anachorétique ne va pas sans poser un certain nombre de questions. Quels sont les grands modèles, les grandes pratiques du désert ? Quel modèle parmi ceux-là faut-il suivre ? Les partisans de l’anachoresis se référent souvent à Jean-Baptiste23, parfois à la retraite et au jeûne de quarante jours que le Christ fait avant d’entamer son ministère24. On connaît aussi les exemples fameux dans la tradition vétéro-testamentaire : Abraham quittant son pays, le peuple d’Israël partant dans le désert ; Élie, Élisée, Jérémie et d’autres prophètes vivent un temps dans la retraire au désert. Beaucoup se demandent également si le style de vie monastique convient à tous ceux qui désirent vivre dans la spiritualité.
13La réponse vient dans une certaine mesure de Jean Cassien25, suivi de la Règle du maître26 et de celle de saint Benoît. Cette dernière règle explique qu’après les moines,
« la seconde espèce est celle des anachorètes, autrement dit, des ermites. Ce n’est pas dans la ferveur récente de la vie religieuse, mais dans l’épreuve prolongée d’un monastère qu’ils ont appris à combattre le diable, instruits qu’ils sont désormais grâce à l’aide de plusieurs, et bien armés dans les lignes de leurs frères pour le combat singulier du désert, ils sont désormais capables de combattre avec assurance les vices de la chair et des pensées, sans le secours d’autrui, par leur seule main et leur seul bras, avec l’aide de Dieu27 ».
14Il ressort de cette présentation une classification des moines en quatre catégories : les cénobites, les anachorètes, les sarabaïtes et les gyrovagues. Les ermites sont donc ceux qui, après un apprentissage dans la communauté, se lancent dans le combat singulier contre les vices de la chair et de la pensée, sans la compagnie apaisante et le soutien d’un ou de plusieurs frères28. Cette vie est réservée aux champions de la foi solidement préparés à la lutte héroïque contre le diable. Dans ses Conférences, Jean Cassien évoque les dangers qui guettent le solitaire. Il rappelle que les démons étaient autrefois beaucoup plus violents « lorsque le désert n’était encore habité que par de rares solitaires. Leur violence était alors si sauvage qu’à peine un petit nombre, d’une vertu bien affermie et d’un âge avancé, pouvait supporter le séjour dans la solitude29 ». Il ajoute que les démons étaient si violents que les cénobites se relayaient la nuit pour veiller et les tenir à distance. Au-delà de toutes les épreuves et les tentations que peut imaginer l’hagiographe, l’ermite doit surmonter des obstacles matériels et psychologiques inhérents à son isolement. Jean Cassien relate notamment le cas de l’abbé Jean qui finit par renoncer à l’érémitisme alors qu’il semblait y réussir. L’abbé céda devant les problèmes matériels aggravés par la multiplication des anachorètes dans la même région et devant le poids des visites qui le détournaient de la contemplation30.
15Pour saint Benoît, la discipline érémitique n’est pas du tout vaine. C’est au contraire un idéal primitif. La spiritualité de la solitude, du silence, de l’éloignement du monde, est commune à l’ermite et au cénobite. La formation cénobitique est la meilleure préparation que puisse recevoir une vocation érémitique ; il faut en conclure que la règle admet qu’un cénobite puisse être appelé au désert. Elle reconnaît également le processus la transformation de l’ermitage en monastère qui essaime à son tour sous la forme d’ermites envoyés sur le front pionnier de la civilisation. En même temps, dans la Règle du Maître comme dans la Règle de saint Benoît, écrites, il est vrai, pour les communautés de cénobites, l’isolement et la solitude sont imposés aux moines qui désobéissent ou qui ont péché sans s’en être repenti31. Le pénitentiel de saint Colomban prévoit aussi l’isolement comme punition pour les moines qui ont manqué d’humilité32. Pourtant, le monachisme irlandais a fait une plus large place à l’érémitisme.
L’érémitisme discret
16Jacques Leclercq distinguait deux catégories d’ermites : ceux qui avaient fait quelque chose qui les avaient rendus célèbres et ceux qui n’avaient rien fait sinon d’être en présence de Dieu. Ces derniers sont en réalité les véritables ermites : mais ils ont fini par se couper du monde au point de disparaître tout à fait de nos sources. En somme, à l’opposé, les ermites dont les hagiographes nous parlent sont ceux qui, rattrapés par leurs renommées, ont plus ou moins quitté leur retraire au désert33. Colomban se retire avec un minister qui l’assiste. Gall avec un diacre. Ces aides ont aussi une vocation de témoins. Ce sont eux qui observent la vie ascétique menée par ces athlètes de Dieu et ensuite en colportent les faits. On imagine mal un ermite, désirant vivre auprès de Dieu et dédaignant les futilités de ce monde, se vanter de sa vie de privations. En dépit de la légende, le plus isolé des ermites ne peut se passer de rencontres humaines. Louis Gougaud remarquait que si l’ermite occupe une si grande place dans la littérature populaire du Moyen Âge, alors que le moine n’y apparaît que rarement, c’est que l’ermite est davantage mêlé que le moine à la vie courante, plus souvent paradoxalement en contact avec les autres membres de la société. L’ermite est une figure familière34.
17Cette tendance n’est pas sans conséquence sur la quantité des récits mettant le saint en contact avec le sauvage. Les familles illustres, sinon l’ermite lui-même, font tout pour ne pas voir disparaître le saint dans l’obscurité des forêts. Dans une société où la pauvreté et l’ascèse extrême se trouvent marginalisées, les serviteurs de Dieu dont on conserve le souvenir après leur mort sont surtout des fondateurs d’églises ou de monastères, la gratitude des clercs et des moines se manifestant par la rédaction d’une vita ou par l’institution d’un culte en leur honneur. Les familles nobles stimulent d’ailleurs leur zèle en distribuant elles-mêmes les reliques de leurs membres les plus illustres. On est très loin de l’idéal ascétique du Ve siècle et plus encore des saints des origines chrétiennes. 90 % des saints du haut Moyen Âge sont des hommes. Les modèles féminins d’érémitisme sont assez rares. Dans l’espace belge, seul le biographe de sainte Waudru y fait allusion en tentant de faire croire que cette dernière se serait installée à Mons toute seule dans une cellule, mais il mentionne presque aussitôt la présence de disciples35. Son propos vise donc à conférer une image érémitique à la vocation monastique de Waudru plutôt qu’à présenter celle-ci comme une véritable ermite36.
18Érémitique ou cénobitique, le début du monachisme ne cherche pas à opposer trop radicalement le désert et la ville. Les moines gagnent les solitudes en fuyant la ville mais l’afflux de moines transforme souvent le désert en ville, même en Egypte37. Paul-Albert Février a montré que dans l’Occident latin du haut Moyen Âge, les modèles urbains très vivant de l’Antiquité Tardive s’imposent aux moines. Les grands maîtres du monachisme occidental réalisent très tôt une sorte d’équilibre entre la ville et le désert38. C’est le cas notamment de saint Martin de Tours qui partage sa vie entre la solitude dans son monastère de Noirmoutier et son siège épiscopal de Tours. C’est aussi le cas de Jean Cassien en Provence.
19Une évolution du courant ascétique vers des formes moins marginales se fait sous l’influence du développement du monachisme cénobitique. À partir du VIe siècle, la législation conciliaire réprouve la vie ascétique avec l’apparition des premières règles monastiques. Le monachisme cénobitique s’impose et le paysage érémitique de la forêt perd de son attrait. Des ascètes, sans doute pour des raisons de sécurité aussi, s’installent dans des villae (qualifiées de ruines parfois dans les vies afin de préserver un semblant d’expérience du désert) et y fondent des monastères. C’est le retour du monachisme vers les centres urbains et les plaines cultivées, où le paysage est appelé de manière significative desertum civitas. Avec le cénobitisme triomphant disparait l’univers ascétique calqué sur le modèle oriental. Il faut ensuite attendre la deuxième moitié du VIe siècle et surtout le VIIe siècle pour voir fleurir à nouveau des formes marginales d’ascétisme, avec le monachisme de type colombanien39.
20Une même vocation solitaire peuple les clôtures et habite les bois et les déserts. De fait, heremita et reclausus sont utilisés comme des synonymes, notamment par Grégoire de Tours40. Les mots monachus et religiosus gardent un sens très général. Tandis qu’abba peut désigner aussi les solitaires. L’emploi du mot eremus sans détermination géographique permet de rapprocher la vocation du héros et celle des Pères du désert érigé en modèle ascétique. Entre le VIe et le Xe siècle, la conception et le vocabulaire transmis par les Pères de l’Église sont conservés, même si une certaine ambiguïté apparaît dans l’emploi de ces termes dans la Regula solitariorum de Grimlaicus du IXe siècle.
La solitude suspecte au IXe siècle
21La règle bénédictine se diffuse lentement en Occident. C’est seulement au VIIIe siècle, quand le Mont Cassin est restauré après les destructions lombardes, et devenu un grand centre de vie monastique, que la règle commence à connaître une diffusion européenne. Dans l’empire carolingien, l’impulsion vient de nouvelles conditions socio-politiques et du concours d’un patrice d’origine wisigothique, Benoît d’Aniane († 821), qui souhaite l’unité des règles des monastères de l’empire et favorise le cénobitisme. Les conditions de vie au désert en sont fortement limitées. Au début de l’époque carolingienne, et déjà sous les Pippinides en Austrasie, la retraite n’est plus présentée comme un arrachement violent au siècle. Il est même de bon ton, lorsqu’on est pieux et de la bonne société, de fonder un monastère où l’on prend ensuite sa retraite après une vie bien remplie41. Mais sont nettement distingués les moines et les ermites.
22Au début du IXe siècle, Smaragde de Saint-Mihiel dit déjà que le vrai ermite est celui qui cherche la solitude pour la prière et non par peur de la vie ou par humeur asociale42. Grimlaicus définit les solitaires dans sa Regula solitariorum non pas par un style de vie individualiste, mais essentiellement par le fait qu’ils ont tout quitté dans le monde pour suivre le Christ43.
23La regula solitariorum est sans doute le document le plus éclairant sur l’érémitisme à l’époque carolingienne44. On ne sait pas grand chose sur Grimlaicus, l’auteur qui rédige ce manuel à la fin du IXe siècle. C’est un ouvrage destiné aux ermites et même aux reclus. La lecture de la règle de Grimlaicus permet de supposer qu’il l’a écrit à un âge où la vie érémitique lui est familière. Ce manuel se présente comme un florilège recueillant les enseignements des maîtres anciens. Après la Bible, la règle de saint Benoît est abondamment utilisée avec d’habiles adaptations aux exigences érémitiques45. Le plus souvent donc, dans l’esprit de Grimlaicus, le candidat à la vie érémitique est déjà moine et le combat du désert ne convient qu’aux moines aguerris par la milice cénobitique. Un solitaire doit en outre se ménager des détentes, par l’activité du travail manuel, au besoin par le voisinage d’un compagnon46. L’intention de Grimlaicus est bien de minimiser l’originalité des reclus pour les intégrer dans le monde monastique réformé par les conciles, plaçant ainsi sa règle parfaitement dans la ligne de législation du pouvoir carolingien47. Nombreux sont ceux qui reconnaissent que l’érémitisme ne convient pas forcément à tout le monde48. Le recul de la faveur du désert, avant le grand foisonnement des XIe-XIIe siècles, pourrait bien être en relation avec l’effort de remise en ordre et l’encadrement observé à l’époque carolingienne, où le non-conformisme religieux est particulièrement mal vu.
24Paradoxalement, à la même époque on assiste au renforcement de l’image érémitique conférée au monachisme, peut-être sous l’influence de Benoît d’Aniane qui avait lui-même vécu une expérience érémitique49. De ce fait, les fondateurs d’abbayes sont parfois présentés comme des personnages fuyant le siècle et s’installant dans une solitude où ils construisent un oratoire et une cellula. Mais il ne s’agit pas véritablement de vocation érémitique car ils sont toujours accompagnés de disciples formant en réalité une communauté religieuse naissante50.
25Un grand nombre de biographies de saints rédigées surtout dans le milieu monastique à l’époque carolingienne sont des réécritures de vitae antérieures remises au goût du jour dans la forme et dans la langue. Au moment d’évoquer les faits mémorables de leur héros, les auteurs, parfois peu informés sur une époque qu’ils n’ont pas connue et vieille de plusieurs siècles, tentent de proposer aux communautés monastiques des modèles de sainteté conformes aux idéaux de leur temps : la vie érémitique n’est plus vraiment en vogue dans la recherche de spiritualité et les vitae font facilement l’impasse sur la période anachorétique du saint.
26Les saints carolingiens sont fort peu nombreux par rapport à leurs prédécesseurs51. À l’époque carolingienne, la société chrétienne est davantage tournée sur elle-même et soucieuse de son organisation interne. Ainsi peut-elle ensuite mieux lutter contre le mal qu’elle perçoit davantage en elle qu’à l’extérieur. Cette raréfaction des saints s’explique selon Marc van Uytfanghe par « cette peur carolingienne du nouveau, du faux et du douteux52 ». Ainsi est-on passé d’une chrétienté barbare dominée par le saint héros à l’Église de la renovatio encadrée par des clercs dont quelques-uns ont mérité d’accéder à la sainteté. Ceci explique un réel appauvrissement des mentions sur les espaces en marge, les terres sauvages dans les vitae. Vers 520, les Vitae Patrum Jurensium décrivent avec force détails les premiers temps érémitiques des Pères du Jura, notamment Romain. Les opuscules hagiographiques de Grégoire de Tours donnent d’intéressants témoignages à la fin du VIe siècle. Les Vies de Colomban et de ses disciples par Jonas de Bobbio sont pour le VIIe siècle une source très appréciable. Mais parmi les vitae rédigées entre la fin du VIe siècle et la fin du IXe siècle et dont la datation n’est pas douteuse, rares sont celles finalement qui nous parlent d’ermites.
La forêt : le désert de l’Occident
Quels ermites ?
Des ermitages légendaires
27La période érémitique de plusieurs saints est traitée de manière allusive et stéréotypée : secretis heremi delectatus53. Il est très difficile d’en déduire quelque chose. Des vies d’ermites ont été écartées soit parce que la rédaction est trop tardive (après le IXe siècle)54, soit parce que les éléments historiques sont considérés comme extrêmement douteux par la critique. Boamirus, solitaire du Maine (VIe siècle ?), est un ermite mystérieux connu par une vie écrite peut-être au IXe siècle55. Florentius n’a sans doute pas été ermite au Mont-Glonne (aujourd’hui village du Maine-et-Loire nommé Saint-Florent-le-Vieil), mais il fut à l’origine d’une colonie monastique56. Gall est connu comme un ermite qui aurait vécu près du lac de Constance à une époque indéterminée sans doute au VIIe siècle57. Le breton Josse († vers 650) semble avoir mené une existence solitaire autour des vallées de l’Authie et de la Canche58. La vita Treverii est une source tardive racontant la vie de l’ermite Trivier (VIe siècle), natif de Cahors, qui aurait fini ermite dans les Dombes59. La date de rédaction est difficile à déterminer et il n’existe aucune mention ancienne de son culte. La tradition repose avant tout sur des éléments historiques tirés des Dix Livres d’Histoire de Grégoire de Tours. L’historicité du saint n’est d’ailleurs pas reconnue par tous60. La vita fait état d’un « vaste désert et de la forêt dense » couvrant le Mempisque, partie littorale de l’ancienne cité des Ménapiens entre l’Aa et l’Escaut61.
28D’autres attestations de saints ermites sont plus que suspectes. Elles sont révélées par des sources tardives qui ne permettent pas de confirmer l’historicité de la vocation érémitique. La vita Magnerici évoque ainsi des ermites dans les Vosges (toponyme qui englobe alors le Hunsrück dans le diocèse de Trèves). L’auteur de la vita cite les noms de Paulus, Ingobertus, Disibodus, Wandalinus, puis il parle de Gall et Colomban62. On prête en effet à Paul, évêque de Verdun (attesté de 626 à 643), des débuts érémitiques. Au XIIIe siècle, son ermitage est localisé sur le Paulusberg près de Trèves : il y a un Mons s. Pauli dans une charte de 124163. Mais rien ne laisse supposer qu’il fut réellement ermite. Ingobertus a donné son nom à la ville de Saint-Ingbert, au nord-est de Sarrebrück. On ne peut en dire plus. Disibodus, qui a laissé un toponyme, Disibodenberg au confluent de la Nahe et de la Glau dans le Palatinat rhénan, est réputé être le fondateur de l’abbaye qui s’y trouvait. Seulement nous ne disposons d’aucun document sur lui avant le XIIe siècle, en dehors de la mention de Raban Maur dans son martyrologe64. Wandalinus n’est pas mieux connu65. Absents de tous les martyrologes anciens, ces deux derniers saints ont été ajoutés au XIIe siècle seulement dans le martyrologe primitif d’Echternach (8 juillet et 21 octobre).
29La vita Goaris est écrite alors que le souvenir de la vie de ce saint s’est effacé. La plus ancienne attestation de son culte, sans doute postérieure de peu à sa mort, est une addition gravée au stylet sans encre dans le calendrier de saint Willibrord66. Il est censé avoir vécu au temps de l’évêque Rusticus de Trèves, c’est à dire au début du VIe siècle. Nancy Gauthier pense plutôt qu’il serait du VIIe siècle67. Il a construit dans l’oppidum Germaniorum, où il s’est établi, une petite église dédiée en particulier à sainte Marie et où il est par la suite enterré68. Le lieu bientôt théâtre de miracles est appelé Cella s. Goaris (aujourd’hui Saint-Goar). Il faut noter la vénération dont les populations locales entourent sa tombe aussitôt après sa mort contraste avec la suspicion et les tracasseries de l’évêque à son égard durant sa vie. Le schéma est sans doute analogue dans d’autres vies d’ermites (Disibodus, Wandalinus, Ingobertus) : assez populaires pour laisser leur nom à une ville, mais auprès de population si frustes que le souvenir de leur vie s’est effacé rapidement69.
30Dans le Laonnois, Jackie Lusse constate les mêmes obscurités autour de saints réputés irlandais et compagnons de saint Fursy70. Saint Algis, après avoir évangélisé la région d’Arras serait venu à Laon, puis avec trois compagnons aurait choisi pour retraite une solitude boisée de la Thiérache riveraine de l’Oise, près du mont Saint-Julien, en un lieu dénommé Cellula. Ils y construit quelques cabanes ainsi qu’un oratoire dans lequel saint Algis est enterré le 2 juin 67071. L’ermitage serait donc à l’origine du village de Saint-Algis (commune de Vervins dans l’Aisne). Saint Béotien est honoré dès le IXe siècle à Pierrepont (c. de Marle dans l’Aisne). Était-il ermite en ce lieu, au milieu des marécages, où ses reliques sont conservées ? Le 12 mai 886 Didon, évêque de Laon, évoque le transfert des reliques du saint de Pierrepont à Saint-Vincent de Laon72. Mais il n’existe aucune vie de saint Béotien. Saint Gobain, après avoir séjourné à Corbie, s’installe en un lieu isolé, en pleine forêt, nommé Eremi-mons. La vita nous dit qu’il vient à Laon où un roi (?) lui fait cadeau du terrain sur lequel il bâtit une église dédiée à Saint Pierre73. Il y est enterré vers 670. Le lieu prit plus tard le nom de Saint-Gobain. Toutes ces biographies sont fondées d’abord sur une renommée transmise oralement. Lorsque le moment est venu de les mettre par écrit, le souvenir s’est effacé et il faut s’appuyer sur d’autres vitae74.
31Le dossier de fondation de la communauté féminine d’Auchy est fort intéressant. La vie d’un ermite local, un certain Silvin, traduit sans doute une compétition à l’époque carolingienne entre moines de Saint-Riquier et ceux de Saint-Bertin qui obtinrent finalement le corps de ce missionnaire obscur et le revêtirent de la dignité épiscopale75. Selon la vita Silvini, il était originaire de Toulouse et s’est installé dans la région de Thérouanne avant de partir en pèlerinage en Terre Sainte et parvenir au bord du Jourdain. Revenu en Gaule, il entreprit alors un voyage à Rome. Il fut inhumé à Auchy76. Le culte de Silvin est très sommairement évoqué par Folcuin au milieu du Xe siècle, alors que Saint-Bertin possède le corps de cet ermite. Le récit semble donc davantage être une tentative postérieure pour justifier des possessions de l’abbaye77. Nombre de vies de saint établies aux XIe-XIIe siècles ont été forgées par des communautés dans cette intention.
L’eremus dans le curriculum sanctitatis
32Les types les plus marquants de cette période sont les ermites devenus évêques, les évêques devenus ermites ou encore les ermites missionnaires. Il est inutile cependant de chercher à distinguer un Heiligentypus, car au cours de leur vie spirituelle, les saints peuvent être tour à tour, moine, ermite, abbé ou évêque78. La réclusion a pu aussi constituer une manière de concilier le désir de solitude avec la stabilitas loci bénédictine. Il n’est pas étonnant donc qu’elle ait connu davantage de succès à l’époque carolingienne que l’érémitisme au sens strict. Les véritables vocations d’ermites solitaires sont en effet rares et les expériences de ce type sont limitées dans le temps. C’est le cas par exemple de saint Vulmer, d’après la vita du milieu du IXe siècle : il aurait vécu seul pendant quelques temps au milieu d’une forêt, dans un arbre creux d’abord puis dans une cabane, avant de fonder son monastère79.
33L’inventaire des ermites qui ont vécu du VIe siècle au IXe siècle n’est pas facile. Il y a des ermites qui ne le sont que provisoirement. Beaucoup se font rattraper par leur renommée. Gond quitte Fontenelle, abbaye dont il est le co-fondateur, pour s’établir vers 661 en Champagne, dans un lieu désert de la haute vallée du Petit Morin. Son but est de suivre une existence érémitique selon une vita, ou bien établir un essaim de moines selon une autre80. Béthaire obtient de son évêque d’aller vivre en ermite. Il choisit les bords de la Cisse à trois lieux de Blois (aujourd’hui Saint-Bohaire) mais n’y reste pas longtemps puisque Clotaire ii l’appelle vers 588 pour en faire le directeur de l’école du palais81.
34L’anachorétisme est une étape dans la recherche de la perfection spirituelle ou un moment de la vie du saint. À 17 ans, Germain, premier abbé de Moutier-Grandval († 675), rejoint d’abord Arnoul, ex-evêque de Metz qui vivait retiré en ermite à Horemberg dans les parages de Remiremont82. C’est l’exemple également de saint Lubin. Sa vita du milieu du IXe siècle nous indique qu’environ vingt-cinq ans avant de devenir évêque de Chartres, Leobinus (saint Lubin) connait une carrière errante83. Si nous suivons la vita, après avoir passé huit ans in quodam monasterio (c. 6), il fait une visite à Avitus qui vivait comme ermite dans le Perche (c. 8-11). Il fait ensuite un long séjour à Micy (c. 11), passe quelques temps Javols près de saint Hilaire (c. 12) et cinq ans à Lyon près de saint Loup (c. 14-15). Il passe de nouveau un temps indéterminé près d’Avitus dans les collines du Perche (c. 19-20. in vasta Pertici solitudine), encore cinq ans en Carbonaria (c. 21), puis douze ans au monastère de Bron dont il est l’abbé (c. 25-27-33). Avant de devenir évêque de Chartres, il se rend encore à Arles (c. 40). La vita Aviti trace un parcours spirituel similaire, alternant des périodes de solitude et de direction de communauté84. Dans le cycle des frères de Micy prend place également la vie de saint Calais. Cette vita légendaire écrite au IXe siècle indique qu’il aurait été moine à Ménat. Mais il aurait quitté l’Auvergne avec Avitus et aurait séjourné à Micy, puis serait parti avec son compagnon dans le désert de Sologne et du Perche. Il s’établit ensuite dans le Maine et y aurait fondé un monastère sur la rivière Anille (Anisola) qui porta son nom par la suite. Il semble en fait que ce monastère ait été fondé sous le vocable d’Anille puis placé sous le patronage de Calais, ancien ermite en ce lieu85.
35De même, saint Almire (Almirus), un solitaire d’origine arverne († vers 560) passe quelques temps à Micy puis gagne le Perche avec des compagnons pour fonder l’abbaye de Piciac. Puis, en suivant la vallée de la Braye, il établit un ermitage à Gréez-sur-Roc. La vita du IXe siècle, largement légendaire, ne s’étend pas sur les conditions de vie érémitique86. On trouve simplement la tournure convenue in uasta eremi solitudine87. Les vitae carolingiennes sont dans l’ensemble peu dissertes sur les épisodes érémitiques. Ces tournures topiques sont même employées pour les fondations de monastère. La vita Arnulfioffre une variante tout aussi vague et destinée à créer une comparaison avec les Pères du désert : inter bestias et feras silvae88. Finalement, ces ermites hésitants trahissent l’ambiguïté de leur vocation, entre l’élan spirituel du pauper Christi et la responsabilité des âmes de leur communauté.
36Une comptabilité des solitaires, attestés par des vitae écrites avant la fin du IXe siècle, montre que près de 80 % des saints anachorètes sont réputés avoir vécus aux VIe et VIIe siècles. Ceux qui ont vécu au VIIe siècle sont les plus nombreux. Si la période du VIe siècle donne moins d’exemples, c’est d’abord en raison de l’absence de sources. Grégoire de Tours est un de nos plus importants pourvoyeurs de vies de saint pour ce siècle. Or le nord de la Loire est pratiquement absent de son œuvre hagiographique. Les raisons sont probablement multiples : manque de saints thaumaturges dans cette partie de la Gaule, manque d’informations pour une région lointaine, espace réellement moins humanisé et moins christianisé alors89. Quant au VIIIe siècle, la chute spectaculaire du nombre d’ermites ne surprend pas. Nous ne comptons entre 750 et 1000 qu’une cinquantaine de saints gaulois et germaniques, et parmi eux bien rares sont les adeptes de la solitude90.
Peregrinatio pro Deo
37Le dépaysement, qui était déjà pratiqué dans la tradition stoïcienne puis abrahamique, par les moines orientaux des IVe-Ve siècles, constitue une tendance fondamentale de l’ascétisme occidental au haut Moyen Âge. L’Occident est un monde de la peregrinatio. L’idéal chrétien de l’homme est celui du peregrinus, de l’homo viator91. Exilé en ce monde, il s’impose une solitaire errance, loin de son pays et de ses proches, loin de toute société, afin de mieux atteindre l’absolu dépouillement qui mène à Dieu92. Le mouvement s’oppose à la stabilitas dans les valeurs du monachisme cénobitique, le danger venant de l’extérieur de la clôture. La peregrinatio peut être alors vue comme une forme de martyre, ou encore la recherche du perfectionnement spirituel93. Car la peregrinatio est aussi un départ, un commencement. La vie monastique est considérée comme ce voyage initiatique qu’est la peregrinatio, ainsi qu’il est rappelé dans l’introduction de la notice de Grégoire de Tours sur l’abbé Abraham, comparé à l’Abraham de l’Ancien Testament : « Sors de ton pays et de ta famille et va sur la terre que je te montrerai94. » Dans la littérature hagiographique, cette rupture est souvent signalée au début des vies de moine95. Ainsi, saint Martin poursuit son chemin de Poitiers à Milan, d’Italie en Illyricum, puis revient en Poitou et Touraine et parcourt la Gaule, ne cessant de répandre partout l’Évangile96. Le sentiment d’étrangeté au monde et l’exil volontaire qu’il provoque se traduisent en effet parfois par une véritable errance, qui conduisait le converti à parcourir l’Occident ou la Gaule97. Saint Amand paraît ainsi s’être lancé dans la peregrinatio perpétuelle : ses navigations sur l’Escaut le conduisent à Gand, Anvers, dans une île de l’embouchure de l’Escaut. Il est accompagné durant trois ans par Jonas de Bobbio. L’idéal de vie pérégrine des moines irlandais a probablement une influence sur Amand98.
38En effet, Colomban a admirablement développé ce thème de l’homo peregrinus99. Il fait figure de maître du désert, lui qui a quitté l’Irlande pour les solitudes vosgiennes100. Annegray et Luxeuil sont déjà situés dans des lieux reculés mais le saint les quitte fréquemment lorsque les moines affluent, pour des promenades méditatives ou pour de plus longues retraites. Le but principal de la peregrinatio irlandaise est en effet l’errance ascétique. Mais la société accepte mal ces phénomènes marginaux, ces voyages sans but concret, ni règle humaine. C’est pourquoi s’impose en Occident une conception spirituelle du dépaysement, la peregrinatio in stabilitate, telle que la prônent la regula Benedicti et les règles de Colomban. Même si la vie érémitique continue d’apparaître comme le degré le plus élevé de la vie monastique, l’existence cénobitique lui est préférée pour les garanties d’ordre et d’obéissance qu’elle procure. L’exil chrétien est alors vécu de manière tout intérieure, et exige que l’on devienne étranger au monde, sans s’isoler de lui ; la peregrinatio est acceptée exceptionnellement, comme une étape vers une sainteté qui s’épanouit ensuite dans le cadre communautaire. C’est pourquoi les moines ne peuvent plus quitter leur abbaye sans la permission de l’abbé, même s’ils désirent accomplir une retraite au désert101. Le moine gyrovague et l’ermite sont seulement tolérés à condition de revenir un jour au sein d’un monastère. L’errance n’est plus admise, pour le commun des frères, que sous la forme d’un exil qui punit, comme dans le monde laïc, un grave péché102. L’espace sauvage passe alors de lieu de méditation, de proximité de Dieu, au lieu d’errance.
Un désert végétal
39Les règles de vie monastiques sont nées dans le désert, en Orient, et convenaient tout à fait aux ascètes des pays chauds. Pour l’Occident plus humide et plus froid, il a été nécessaire de tenir compte des conditions naturelles, sous peine de rendre impossible une expérience de retraite dans les solitudes des forêts ou des montagnes. Cette necessitas loci fonde en partie l’originalité du monachisme occidental103. La solitude dans les bois se prête assez bien à des choix alimentaires reposant sur les produits spontanés. Cependant la forêt est décrite non pas en fonction des réalités environnementales mais en fonction du modèle oriental impossible à égaler : le désert d’Égypte ou de Syrie.
Aux marges, l’insularité
40L’érémitisme occidental à la recherche de déserts géographiques correspondant aux modèles orientaux a d’abord, semble-t-il, préféré les îles. C’est le cas de l’île de Lérins où les moines, qui ont introduit en Gaule les Pères égyptiens, tentent de vivre more aegyptionum104. Au Ve siècle, Hilaire d’Arles et Eucher de Lyon, moines de Lérins, chantent la splendeur de cette île provençale, longa uastitate terribile105. La notion de désert oscille entre une vision paradisiaque et une idée d’épreuve terrible106. La vita Marculphi (du VIe ou VIIe siècle) donne un autre exemple de retraite insulaire. Après la fondation de l’abbaye de Nanteuil, Marcoul se retire sur une île proche pour mener une vie érémitique particulièrement astreignante. Réduisant au minimum son alimentation et se privant même de sommeil, il finit par être assailli de visions diaboliques. Le diable sous la forme d’une femme aborde l’île feignant d’être victime d’un naufrage, puis se transforme en serpent avant de disparaître en retournant vers les eaux du fleuve107. L’île est davantage associée au désert des moines irlandais vivant, tels les stylites, agrippés à quelques rochers battus par les flots108. En Occident ces ermites de l’extrême sont marginaux ; dans la plupart des cas le désert prend la forêt pour décor109.
La solitude des bois
41Romain dans sa trente cinquième année environ, « attiré par les retraites du désert, après avoir quitté sa mère, sa sœur et son frère, pénétra dans les forêts du Jura proches de son domaine110 ». Richarius († 645 ?) exprima le désir de rejoindre le désert en s’enfonça en forêt de Crécy111.
42Il semble que les forêts du plateau central et du nord de l’Aquitaine aient été en Gaule les premiers déserts peuplé d’anachorètes112. Les ensembles forestiers du Perche, du Maine et de l’Armorique avaient aussi une grande densité de solitudines. La répartition des anciennes forêts du Bassin Parisien est en quelque sorte soulignée par celle des ermitages (Achaire, Vodolad, Vulgis, Gobain, Norbert dans les forêts du Soissonnais et du Laonnois, Fiacre en Brie, Basle dans la forêt de Reims, Rouin en Argonne). Tous les monastères de Colomban s’installent dans des vallées forestières des Vosges : Annegray, Fontaine, puis Luxeuil113. Remiremont, fondé par Amatus114, et Moutier-Grandval, érigé par Waldebertus de Luxeuil et le duc Gundiunus115, sont également perchés en des sites difficiles, de même que le monastère du diacre Vulfilaicus, près de Coblence, qu’a visité Grégoire de Tours116. Ces abbayes ne sont pas sans rappeler les cellules souvent aménagées dans le roc et difficilement accessibles des reclus du VIe siècle dont Grégoire de Tours retrace l’existence117. Lorsque les fondateurs ne disposent pas d’un lieu réunissant toutes les conditions requises, ils mettent l’accent sur celles que présente leur région : petite montagne pour le monastère d’Eparchius de Clermont118, forêt pour Cyran en Brenne119 et pour Jumièges120, ruines pour le monastère de Sénoch près de Tours121, simple solitude pour Wandrille122. La forêt de montagne, avec ses hauteurs boisées, concentre cependant les traits idéaux du site monastique du VIIe siècle, et les grands monastères austrasiens, Luxeuil, aux franges du royaume, Remiremont, Stavelot, Malmédy, Wissembourg, Echternach s’élèvent donc dans ce nouveau désert. La forêt sauvage, espace de la pierre, des feuillages sombres, des eaux torrentueuses et des bêtes féroces, tranche par son paysage, son climat et sa faune, avec la vie des hommes ordinaires123.
43Les saints s’enfoncent dans l’eremus forestier pour fonder une cella ; la description du lieu de fondation est alors en tous points comparable à celui d’un ermitage. L’endroit choisi par Frodobert († vers 667) pour construire l’abbaye de Montier-la-Celle est présenté dans la vita comme un lieu particulièrement inquiétant : ce n’est pas une forêt mais un marais fréquenté par les bêtes sauvages et les serpents124.
44On assiste à la reconstitution d’un espace au plan spirituel125. La description des lieux, sa minéralité privilégiée, jusqu’à la rigueur du climat (excessivement chaud ou froid), tout doit fonder la conviction du lecteur qu’il retrouve dans l’expérience des ermites d’Occident le modèle oriental de l’ascèse. La faune et la flore contribuent à accroître le mimétisme. L’auteur anonyme de la vita Lauteni donne à son héros des accents orientaux lorsque celui-ci rencontre des démons prenant l’apparence de bêtes sauvages (lion, loup) puis d’un scorpion gigantesque ou encore d’un serpent. Tout le bestiaire antonin est ainsi passé en revue126.
45L’ermite oriental avait une prédilection pour un modèle alimentaire de type naturel, fondé sur l’utilisation de la végétation spontanée. C’est un choix qui revient avec insistance dans les biographies des ascètes orientaux des IVe et Ve siècles. Romain se contente de l’eau fraîche que lui procure généreusement un torrent et les baies sauvages qui s’offrent à lui (paucae siluestres arbusculae)127. Le régime végétarien des compagnons de Colomban, aucun aliment sinon la pâture que fournissent les écorces et les herbes, les font un temps presque ressembler aux « brouteurs » orientaux. Mais c’est le modèle ascétique extrême des moines irlandais qui est ici montré en exemple. C’est en outre vécu comme une situation de crise puisque bientôt arrivent des vivres plus réconfortants128. La figure biblique de l’ascète était Jean-Baptiste, comme le rappelle saint Jérôme : « Dur vêtement, ceinture de cuir, comme nourriture les sauterelles et le miel sauvage, tout était destiné à la vertu et à la continence129. » Les disciples de saint Martin qui se retirent non loin de Tours s’habillent ainsi de vêtements faits en « poils de chameau », pour accentuer davantage le mimétisme avec la vie idéale des Pères orientaux130. Le modèle de Jean-Baptiste inspire aussi la retraite de Jean de Réôme131.
46Il y a également un peu de Jean-Baptiste dans la description d’un certain Winnoc, un Breton de passage à Tours sur la route le conduisant à Jérusalem :
« Il n’avait pas d’autre vêtement que des peaux de brebis privées de laine… Il s’adonnait tellement à l’abstinence… qu’il se nourrissait d’herbes sauvages non cuites132. »
47Il y a quelque limite cependant à ces formes d’ascèse. Grégoire de Tours semble reprocher au breton ce genre de vie. D’autant plus que Winnoc est présenté comme un amateur de bon vin, très souvent ivre. Le portrait est définitivement négatif lorsque l’évêque de Tours ajoute que celui-ci finit par être enchaîné dans sa cellule parce qu’il devenait dangereux133. D’ailleurs, le risque est grand pour l’ermite de passer pour un être marginal inquiétant, un véritable homme sauvage. C’est la mésaventure que connut, selon Grégoire le Grand, saint Benoît lorsqu’il fut découvert dans sa grotte par des bergers : « Le voyant à travers les broussailles, vêtu de peaux de bêtes, ils le prirent pour quelque animal134. » L’environnement fait le sauvage.
48La végétation procure au saint tout ce dont il a besoin pour mener une vie simple, mais aussi pour résister à toutes les tentations. Grégoire le Grand raconte comment saint Benoît, sur le point de céder à la volupté, poussé par une démoniaque apparition féminine, se jette nu dans les buissons d’orties et de ronces. Ce cilice végétal providentiel lui permet de se sauver135. Ces récits édifiants ont sans doute un fond de réalisme. L’épreuve de la solitude et l’endurance des privations devaient entraîner ce que les psychologues qualifieraient aujourd’hui des situations de stress.
Le choix du lieu de solitude
49En Occident, l’érémitisme apparaît souvent comme un cas limite d’expérience monastique. Le solitaire semble choisir un lieu loin des hommes et suffisamment inculte pour ne pas attirer d’autres hommes. Les auteurs parlent de vastitas eremi, profond, caché, secret, retiré, éloigné (densa, abdita, secreta, remota) ou encore sauvage, stérile, inconfortable et très peu attirant, eremi squalor. Derrière les expressions sans cesse recopiées, la réalité est souvent tout autre.
Vue d’ensemble
50Sur 4000 localisations d’ermitages en Occident jusqu’au XVIIIe siècle, un quart propose une description utile pour tenter une typologie des lieux retenus. Les montagnes sont le site le plus fréquent en Europe en général, tandis que les bois représentent le lieu le plus courant dans la moitié nord de la France. Comme le dit Réginald Grégoire, la forêt attire les ermites136. Mais le désert en Occident ne se limite pas seulement à la forêt, et les nombreux hagiotoponymes qui suggèrent encore aujourd’hui l’existence d’ermitages forestiers sont à prendre avec prudence. Beaucoup sont nés par tradition folklorique à des époques plus récentes137.
51Les marais et les zones inondables ont été parfois choisis138. Valery installe son ermitage entre la mer et le fleuve. Bertin, en raison de l’augmentation du nombre des moines dans le monastère de Thérouanne est chargé de choisir un nouveau site. Sithiu (Saint-Omer) dominent un vaste marais139. Harlinde et Relinde d’Aldeneik choisissent de vivre dans un lieu marécageux, sans arbre dont elles pourraient manger les fruits140.
52Jean Heuclin a dressé le tableau des vagues successives d’ermitages dans le nord de la Gaule, cité par cité, telles que la tradition hagiographique même tardive et la toponymie nous les font percevoir141. 50 % des ermitages correspondent à des vallées inondables, des îles et des marais où l’homme peut se protéger et pourvoir à sa subsistance. Les vallées sont aussi des points de passage. L’autre type de site privilégié est la forêt, plus précisément la colline couverte de bois (43 %) et non les grands massifs comme l’Ardenne médiocrement pénétrée, où même les Vosges qui ne sont atteintes que par les vallées de la Meurthe et de la Moselle. D’autres ermitages, en nombre nettement moins important, se situent près des abbayes, des bourgs ou dans les villae abandonnées. Ces statistiques, certes fragiles car reposant sur un échantillon d’ermites attestés que par des sources tardives (l’érémitisme étant la genèse commodément reconstituée d’une fondation monastique dans les dossiers hagiographiques des XIe-XIIe siècles), reflètent néanmoins la réalité des implantations : sans que l’on puisse déterminer une situation idéale, l’ermite ne cherche pas à se couper totalement du monde. Cela dit, nous ne travaillons que sur des ermites passés à la postérité qui ont rejoint finalement le siècle. Combien furent les ermites anonymes, et jusqu’où ceux-là pénétrèrent-ils dans les « vastes solitudes » ?
53Les auteurs ont exalté le désir de solitude de Remacle venu en Ardenne depuis le Limousin peu avant 650. Le choc, climatique d’abord, fut sans doute rude142. L’eremus est confirmé par les enquêtes palynologiques. Le végétal envahit les vallons où l’aulne prolifère. Le hêtre occupe les sols limoneux tandis que le chêne et le bouleau se sont emparés des terrains mal drainés143. Dans les couches du pollen du moment, arbres, buissons, bruyères et fougères sont présents en force144. L’Ardenne au VIIe siècle, c’est bie la forêt et la friche, ce que confirment les diplômes mérovingiens.
54La grande partie de la vague monastique antérieure au IXe siècle fut aussi portée sur les régions forestières de l’Europe occidentale. Sur la carte de cette implantation on peut compter quelques quatre cents établissements qui ont trouvé leur site dans la forêt et participé peu ou prou à leur colonisation. Dans ce cas, la retraite au désert n’a pas été passive. Au contraire, elle a contribué de façon dynamique à l’exploitation et à l’ouverture de certains massifs145.
55Cependant, Anne-Marie Helvétius a établi une typologie les premières fondations de communauté de moines en Hainaut dans laquelle la forêt n’est pas l’élément le plus déterminant : soit à proximité d’une forêt ; le long d’une rivière au sein de domaines de fond de vallée ; le plus souvent cependant sur une éminence naturelle sur l’une des deux rives (Mons, Maubeuge, Hautmont, Maroilles) afin d’éviter les marécages et les zones inondables et permettant l’installation de pêcheries et de moulins146.
Dans la main des puissants
56L’étude de Fabienne Cardot sur l’espace austrasien est tout à fait éclairant. Si les monastères urbains d’Austrasie se situent au centre, dans l’est et dans l’ouest du royaume, autrement dit sur la Moselle, le Rhin et la frontière champenoise, les monastères du désert, beaucoup plus nombreux, bordent les limites septentrionales et méridionales du regnum. Ils forment deux groupes principaux, l’un vosgien, de Remiremont à Wissembourg, l’autre ardennais, de Lobbes à Susteren et Stavelot-Malmédy, auxquels s’ajoutent quelques monastères isolés, Echternach et Tholey près de Trèves, Saint-Mihiel entre Toul et Verdun, Montier-en-Der au sud de Châlons. La répartition géo-historique de tous ces monastères résume les traits majeurs de l’évolution de l’espace austrasien ; au VIe siècle, ils sont installés sur les grands fleuves, dans les plus importantes cités (Reims, Metz, Trèves et Cologne) ; au VIIe siècle, ils se multiplient et s’ils apparaissent dans la majorité des centres urbains, ils colonisent surtout les franges ou les zones encore peu occupées, dans les Vosges, entre l’Austrasie, Burgondie et Alémanie, dans des vallées qui permettent le passage d’ouest en est, et à proximité de la rive droite du Rhin, qui leur sert de terrain d’expansion et de mission. Ils se pressent également sur les bords de la Meuse, entre les bouches du Rhin encore mal dominées, et le massif d’Ardenne147. Dès le VIe siècle, des moines y ont tenté des expériences148. Les monastères du VIIe siècle en Austrasie sont construits dans les forêts des Vosges et de l’Ardenne, exprimant par les caractères mêmes de l’espace où ils s’installent, leur spiritualité ascétique et leur rôle de pionnier agricole149.
57Les Mérovingiens collaborent à certaines de ces fondations. Sigebert iii participe avec Grimoald et Cunibert de Cologne à la création de Stavelot et Malmédy. Childéric ii soutient les communautés vosgiennes de Munster, Senones, Moyenmoutier, Saint-Dié et Montier-en-Der150. Mais la plupart sont initiées par de grandes familles austrasiennes. Adalricus, duc d’Alsace à la fin du VIIe siècle, crée un monastère dans la montagne, Hohenbourg, dont sa fille Odile est la première abbesse.
58Dans la Germanie du VIIIe siècle, les forêts ne sont pas non plus sans maître. En 763 Sturm, compagnon de Boniface, arrive à Eihloha au milieu de la silva appelée Bochonia sur la rivière Fulda. Il est à la recherche d’un lieu idéal pour fonder un monastère. La vita écrite vers 800 par Eigil décrit ces investigations avec force détails topographiques avec une précision que l’on ne retrouve guère dans les vitae habituellement151. La forêt y est perçue comme un immense massif de hêtres et de chênes défriché pour la première fois par les moines qui s’installent donc vers le milieu du VIIIe siècle. Cette interprétation pose problème, ce que Chris Wickham a bien montré152. Cette forêt appartient au fiscus et Carloman, le maire du palais, en fait cadeau aux hommes d’Église. La description du site, marquée de nombreux toponymes, désigne chaque cours d’eau et chaque colline. Nous sommes loin d’un horrendum desertum si nous considérons que l’existence de toponymes trahit une occupation plus ancienne. De fait l’archéologie a confirmé l’existence de bâtiments anciens. L’abbaye est en fait construite sur ce qui ressemble à une curtis royale de l’époque mérovingienne, fortifiée par des fossés et des talus, située sur une route importante, mais abandonnée vers 700. L’image d’Eigil de l’horrendum desertum est une fois de plus un pieux topos, même si nous nous trouvons dans une des régions les plus forestières entre Loire et Rhin153.
59Ailleurs aussi, sous le pieux vernis de la « solitude », des monastères s’inséraient en réalité dans un contexte économique précis, celui d’un domaine « en état de marche154 ». Itte et Gertrude établissent le monastère de Nivelles sur les murs d’une villa155.
L’exemple des fondations de Remacle
60Remacle quitte Solignac pour s’établir in deserto dans la forêt d’Ardenne156. Recommandé auprès du roi, peut-être par l’intermédiaire d’Eloi son protecteur, Remacle reçoit de Sigebert iii un diplôme de fondation monastique. Un site est choisi à Cugnon sur la Semois au diocèse de Maastricht. Mais bientôt le projet est abandonné et c’est à Stavelot et Malmédy que Remacle fonde deux abbayes. Dans cet esprit de peregrinatio et de recherche de solitude, Remacle pousse donc plus loin dans la forêt son action. Mais pourquoi Cugnon puis Stavelot ? L’action de Remacle en Ardenne pouvait servir les desseins du roi et de son maire du palais Grimoald, possessionné dans la région. Pour Grimoald, Remacle apparaît comme un pion sur un échiquier politico-stratégique, à un moment où les Pippinides cherchent à conquérir le pouvoir et où les abbayes servent leurs projets. C’est d’ailleurs le maire du palais qui fait « construire les monastères157 ». Ce sont aussi les évêques de Cologne Cunibert et plus tard de Maastricht Théodart qui trouvent un intérêt à l’installation de monastères dans cette région limitrophe de leurs diocèses respectifs. C’est donc dans ce contexte qu’il faut replacer le développement de cette autarcie monastique qui, tout en limitant les prérogatives épiscopales, contribue à l’évangélisation plus en profondeur de la région158. Il faut tenir aussi compte des considérations géologiques. André Ozer explique le choix précis de Malmédy et Stavelot :
« Le poudingue de Malmédy plus tendre que les roches encaissantes est responsable d’une longue dépression entourée des sommets ardennais. Par ses versants en pente douce, ses sols plus riches grâce à la présence de calcaire et à un meilleur microclimat, entre autres un excellent ensoleillement des versants septentrionaux, cette dépression constituait une zone favorable à l’agriculture au sein d’une Ardenne peu adaptée à cette activité. Ces circonstances favorables nous font émettre l’hypothèse que l’homme occupait ce secteur bien avant l’arrivée de Remacle et que c’est sans doute parce que la région était relativement peuplée qu’il y avait fondé deux monastères aussi proches159. »
Un choix judicieux
61Trouver l’emplacement propice à une installation monastique exige de véritables recherches, que suggèrent les longues promenades de Colomban où l’errance de Romain, parce que ce désert doit aussi offrir certaines conditions de survie. La famine peut atteindre vite les cellules où les conditions économiques minimales ne sont pas respectées. L’expérience avortée de Cugnon en est une illustration. Lorsque Remacle arrive en Ardenne, Sigebert iii d’Austrasie projette en 647-648 de bâtir un monastère dans une boucle de la Semois160. Le site paraît propice : un promontoire dominant la rivière qui, comme le « château des fées » trois kilomètres plus loin, a pu servir de refuge dans les périodes troublées du premier millénaire161. Mais en dehors de ce refuge, bien peu de signes de présence humaine.
62Finalement nul monastère ne voit le jour en cet endroit162. Ce topos du déménagement n’est pas rare dans les dossiers hagiographiques : il confirme que les fondateurs choisissent très judicieusement les sites et n’hésitent pas à transférer l’établissement si nécessaire163. C’est aussi le cas dans la fondation de Luxeuil par Colomban.
63La présence d’eau s’avère notamment indispensable, et les auteurs des vitae soulignent toujours la proximité d’une source ou d’un cours d’eau ou relatent les exploits accomplis par le saint pour procurer le précieux liquide à ses moines. Romain cherche longtemps avant de choisir un endroit « propice à la culture » au milieu du Jura, avec une source à portée de seau164. Si les ermites et les reclus du VIe siècle peuvent en effet s’installer dans bien des endroits et y vivre de peu, le choix d’un lieu de monastère demande une certaine organisation de la vie et de l’espace quotidien à l’intérieur et tout autour du monastère. Le cours d’eau prend toute son importance dans ce choix. Chramelène fonde un monastère dans la forêt du Jura sur la petite rivière du Nozon, dans le Jura suisse actuelle. Ce monastère serait Romainmôtier fondé par Romain et Lupicin au Ve siècle et relevé par Chramelène165. Dans le choix des sites de monastères colombaniens du VIIe siècle, il est fort possible également que la proximité de voies d’eau ait pu être un argument important166. L’auteur de la Vita Filiberti, comme celui des Gesta de Fontenelle, ne tarit pas d’éloges également sur le site choisi pour la fondation des monastères de Jumièges et de Saint-Wandrille. Tous deux sont proches de la Seine, voie de communication importante, « admirable par le trafic de ses navires et remarquable par l’abondance de ses poissons167 ».
Distances
64Le paysage dans la littérature monastique a toujours la couleur du désert oriental. C’est l’horror secreti ou les vastitas eremi qui caractérisent même les monastères guère éloignés de la ville168. Les moines de Stavelot-Malmédy, à la fin du VIIe siècle, sont bel et bien isolés. La route passe à des kilomètres des établissements qu’ils viennent de construire au-delà des bois et des marais qui cernent leur domaine169. Mais certains saints sont considérés comme anachorètes, menant une vie ascétique proche des authentiques ermites, alors que leurs lieux de réclusion se situent aux portes de la cité. Ainsi Ours, évêque d’Auxerre, mène une « vie d’anachorète, reclus près de l’église d’Amator170 ». Plusieurs choisissent de mener une vie érémitique à côté du monastère dont ils dépendaient, d’autres s’éloignèrent davantage. Avitus s’enfonce dans la forêt de Sologne, pour établir une cellula à environ dix-sept kilomètres de son abbaye d’origine171.
65L’implantation des ermitages est souvent favorisée par de larges vallées, des régions de passage, les environs des grandes villes. L’attirance des contrées les plus fertiles et les plus peuplées serait paradoxale si les ermites venaient de terres plus pauvres, mais ce sont des gens du pays. Romain entre dans les forêts proches de son domaine172. Nous pouvons admettre que leur vocation, comme de nos jours la vocation contemplative, étaient le produit de la vie urbaine ou d’une population aisée. L’homme qui s’isole est un homme civilisé, et cet isolement est réalisable à très peu de distance173.
66Les cartes établies par Jackie Lusse pour le Laonnois permettent de montrer une certaine stratégie spatiale dans l’implantation des ermitages. Sur onze ermitages, deux se localisent à Laon et huit à proximité d’un cours d’eau ou d’une source (sainte Grimonie). Huit ermitages sont installés à proximité immédiate d’une des voies anciennes traversant le Laonnois. Seuls les ermitages de saint Gobain (non loin se trouve dès l’époque mérovingienne le monastère de Barisis-aux-Bois), saint Algis et saint Wasnon semblent plus isolés. Aucun n’est éloigné de plus de quatre ou cinq kilomètres174. Ce qui correspond tout de même à environ trois ou quatre heures de marche sur un territoire sans chemin. Le choix de l’implantation des ermitages semble déterminé à la fois par le souci d’accéder relativement rapidement aux voies de communications et le désir d’échapper à l’intervention d’une autorité.

Ermitages des IIIe-Ve siècles
1. Saint Béat (?)
2. Sainte Benoîte et Sainte Yolande
3. Saint Montain
Ermitages du VIIe siècle
4. Saint Algis
5. Saint Béotien
6. Saint Eloque
7. Saint Gobain
8. Saint Gobert (?)
9. Sainte Grimonie
10. Sainte Preuve
11. Saint Wasnon
Figure 1. – Les ermitages du Laonnois (d’après J. Lusse, Naissance d’une cité…, op. cit., carte 32, p. 200, et carte 35, p. 264).
67De fait, en raison de leur renommée, certains doivent organiser leur solitude au milieu de la multitude à l’image de Bertuin qui abandonne l’Angleterre pour le continent à la recherche d’un endroit désert. Au bout de cette peregrinatio il s’installe dans la forêt de la Marlagne, entre Sambre et Meuse175. Mais lorsque le lieu accueille davantage de disciples, il doit s’enfermer comme reclus pour continuer à vivre selon ses vœux d’isolement176.
68Au début du VIIe siècle, lorsque Amatus, moine à Saint-Maurice d’Agaune, recherche un maioris heremi secretum, il finit par s’installer sur une étroite plate-forme, dans les falaises qui surplombent l’abbaye. Il y trouve un désert vraiment minéral puisque qu’il n’y a pas d’eau177. Cependant Saint-Maurice d’Agaune est situé sur le passage des Alpes et de nombreux pèlerins s’y arrêtent. Amatus ne reste que trois ans sur son rocher. Il est tiré ensuite de sa retraite par un disciple de Colomban, Eustase, qui le convainc de l’accompagner dans les Vosges. Après avoir participé à la fondation de Remiremont, il se retire sous le creux d’un rocher, où on lui tend un peu de nourriture au bout d’une corde. Il n’en sort que le dimanche pour prêcher et lire les Écritures aux frères et aux sœurs de Remiremont.
Les chemins de traverse
69Le désert est parfois remarquable pour les distances qu’il faut parcourir depuis le dernier poste de civilisation. Mais il l’est plus souvent par les difficultés d’accès ou l’absence de chemin. Si le site est en quelque sorte, imposé à Agaune par l’histoire même de la résistance de Maurice et de la légion thébaine178, c’est volontairement que Romain s’enfonce dans les forêts jurassiennes pour y trouver l’emplacement de Condat :
« Parcourant en tous sens ces forêts appropriées et favorables à son idéal de vie, il finit par trouver, au-delà, parmi des vallées bordées de rochers, un endroit découvert propice à la culture : là, les escarpements de trois montagnes s’écartent un peu l’un de l’autre, laissant entre eux un replat de quelque étendue. Comme en ce lieu se rejoignent les lits de deux cours d’eau, le site où se forme une rivière unique ne tarda pas à être appelé couramment Condadisco179. »
70L’auteur des Vitae patrum Jurensium insiste sur la solitude du lieu choisi par Romain, bien que celui-ci ait choisi un site peu éloigné de ses domaines.
« Si quelqu’un décidait, avec une téméraire audace, de couper à travers les solitudes sans chemin pour gagner le territoire des Equestres, sans parler de la densité de la forêt et des amas d’arbres tombés, les crêtes très élevées où vivent les cerfs et les vallées escarpées permettraient à peine à cet homme, même robuste et agile, d’effectuer le trajet en une longue journée de solstice. Quant à parcourir l’étendue de cette chaîne par la droite, sinistre à vrai dire, je veux dire, en partant de la limite du Rhin, d’où souffle l’Aquilon, et en se dirigeant vers les confins du pays de Nîmes, personne ne le pourrait, en raison de la distance et des difficultés d’un relief inaccessible180. »
71L’hagiographe anonyme de la Vie des Pères du Jura décrit avec beaucoup de détails l’isolement du monastère, difficilement accessible, les commodités rustiques du lieu, qui fournit en abondance eau et baies sauvages, et la situation aussi escarpée et retirée du monastère de femmes qui s’élèvera plus tard auprès de Condat181.
72Le « désert » de Gall, situé au bord de la Steinach, se trouve à neuf heures de marche de la citadelle romaine d’Arbor Felix. La traversée est très difficile. Neuf heures, c’est en effet le temps qu’il faut pour parcourir une distance de 10 kilomètres environ, lorsqu’il faut se frayer un chemin entre les pierres et les buissons. Le lieu est sauvage, « âpre et humide, il a de hautes montagnes et diverses bêtes sauvages, de très nombreux ours, des troupeaux de loups et de sangliers182 ».
73Ce ne sont pas forcément des lieux où l’homme n’a jamais posé le pied. Ainsi Colomban s’installe à Annegray dans « un vaste désert nommé Vosges, où se trouvait un poste militaire en ruine depuis longtemps183 ». À environ huit milles de là se trouve un autre poste militaire, très bien construit, avec une source d’eau chaude et de beaux bâtiments, qui deviendra le monastère de Luxeuil184. À Bobbio dans les Apennins, où il construit le monastère dans lequel il finit ses jours, on note également la présence de ruines185. Quant aux pères du Jura, on admettait traditionnellement qu’ils se sont installés au milieu du Ve siècle dans un vallon désert et ont construit des bâtiments qui deviendront le Romanum monasterium. Or les fouilles archéologiques menées depuis 1986 à l’emplacement des anciens bâtiments monastiques ont révélé des structures antérieures qui montrent qu’il existait non seulement une présence humaine en ces lieux avant l’arrivée des ermites, mais que cette implantation faisait vivre une activité artisanale186.
74Si le désert où Meinrad se retire au milieu du IXe siècle après avoir quitté l’abbaye de Reichenau est décrit comme une « forêt sombre » et un lieu difficile d’accès, il s’y trouve déjà des religieux, peut-être des ermites qui l’aident à bâtir son ermitage, et diverses personnes charitables, notamment des femmes, qui lui fournissent des vivres nécessaires187.
75Ainsi, le désert, vide d’hommes, disparaît et seul demeure le désert au sens spirituel ; une existence ascétique que l’on peut pratiquer partout. Il n’y a guère de lieux inaccessibles au point que les saints anachorètes ne soient retrouvés par la société188.
Vivre au désert
76Tous les ermites ne sont pas des saints ou des champions de l’ascétisme. L’on peut donc interpréter certaines manifestations ascétiques décrites par les hagiographes comme le contre-pied de ce que représente la vie ordinaire d’un ermite189.
Habitat
77Peut-on penser que les anachorètes de la Gaule du Nord « étaient dépourvus de tout au fond de leur cabane de branchages190 » ? Il convient de nuancer et d’évoquer une réelle variété de situation.
Le cas du stylite Vulfilaicus
78Nancy Gauthier remarque que les formes de vie ascétique sont comparables en Austrasie à celles du reste de la Gaule du VIe siècle191. L’expérience de Vulfilaicus reste tout à fait originale dans ce contexte. Ce Lombard venu du Limousin, où il avait été disciple de saint Yrieiz, commence par être un ermite solitaire, suivant l’exemple spectaculaire de Siméon le stylite. En s’enfonçant dans le massif ardennais, il découvre une colonne surmontée d’une Diane celtique qu’il renverse pour s’y installer. Vulfilaicus est le seul témoignage connu d’imitation de Siméon le stylite. Ce dernier est pourtant connu en Occident comme l’atteste la vita Genofevae192, ou encore la représentation de l’hypogée de Mellebaude à Poitiers193. L’expérience ne dure pas puisque l’évêque de Trèves le fait descendre. Lorsque Grégoire de Tours le rencontre, il est diacre et gouverne un monastère. La chapelle Saint Walfroy, aujourd’hui détruite, marquait l’emplacement de ce monastère près de la Ferté-sur-Chiers (Meuse).
79Il faut d’ailleurs remarquer l’absence de dendrites, pendants occidentaux des stylites orientaux, qui auraient pu être nombreux dans une Europe septentrionale boisée. Il faut croire que l’érémitisme de l’extrême pratiqué en Orient, correspondait mal à l’idéal de vie au désert en Gaule194. Un cas peut être signalé, celui de Wulmer qui après avoir quitté Hautmont, part vivre quelques temps dans un arbre creux à Eecke (le chêne)195. Si nous y ajoutons les exemples des vierges fuyant le mariage, comme Agnoflède, nous les avons probablement tous196. Des dendrites, nous n’en connaissons que dix exemples seulement à travers toute l’histoire de l’ermitage en Occident197.
L’habitat rupestre
80La grotte est parfois choisie comme lieu de séjour dans le désert sur le modèle idéalisé de saint Martin198. Leobardus, originaire d’Auvergne, s’installe à Marmoutier dans une grotte199. Le bienheureux Martius creuse des cellules non loin de Clermont. Dans la sienne, il sculpte un lit et un banc200. Humbert, reclus à Verdun, et Einold traversent la Moselle qui longe la ville de Toul et découvrent une grotte dans la forêt voisine ; ils s’y cachent avec le dessein de se faire ermites. Michel Parisse, traducteur de la Vie de Jean de Gorze, signale que l’on trouve de telles grottes sur les bords de la Moselle au sud de Toul, sur le territoire de Pierre-la-Treiche201. La Chronique des abbés de Fontenelle relate l’expérience religieuse d’un certain Milon : il se fait d’abord moine puis demanda à l’abbé Bénigne de mener une vitam solitariam anachoritarum more. Il se choisit alors une anfractuosité dans la roche surplombant la vallée de la Seine202. Amatus quitte Agaune pour une grotte étroite, mais n’y reste que trois ans203. D’autres encore (saint Samson, saint Colomban…) tentent cette expérience d’habitat rupestre204.
81Comme tous les lieux appelés aujourd’hui « Ermitage » ou « Désert » n’ont pas nécessairement été occupés par un anachorète, toutes les grottes n’abritèrent pas des ermites. Il s’agit parfois d’une simple analogie de situation, le lieu évoquant un endroit idéal pour un solitaire205. En réalité, il semble que les grottes n’ont pas eu pas la faveur des ermites. Celles-ci devaient servir davantage d’oratoires que de logements. La vie des Pères du Jura évoque de vastes cavernes où une communauté de vierges s’est installée. La mère, dont le nom n’a pas été retenu par l’auteur anonyme est la propre sœur de Romain et Lupicin. Mais cette communauté de femmes n’y reste pas longtemps206.
82Les ermites n’ont pas manqué d’investir également des lieux depuis longtemps abandonnés, des ruines, moyennant quelques aménagements plus ou moins sommaires. Colomban fait partie de ces squatters : Luxeuil est un ancien poste militaire207. La vie de saint Sénoch montre la création d’un monastère dans les ruines près de Tours. Il y installe des habitationes pour les trois moines qui l’accompagnent et s’enferme dans une cellule à l’abri du regard de ses frères pour être plus isolé, dans une condition de vie semi anachorétique208. Là encore, le vocabulaire est trompeur et s’attache davantage à démontrer dans le discours que les solitaires se sont installés quelque part sans demander rien à personne.
Les tentes
83Un habitat provisoire pouvait être fait de tentes, comme celles qui équipent les unités militaires. Selon Grégoire de Tours ce sont des tentes (tabernacula) qui forment le premier habitat de Romain et Lupicin dans le Jura209. Elles repondent particulèrement bien aux besoins du saint viator, comme l’abbé Lupentius, de retour de la cour de Brunehaut, qui campe sur les bords de l’Aisne210. Lorsque Colomban n’a pas le droit d’entrer dans la ville d’Orléans tenue par le roi Thierry, il doit dresser sa tente (tentorium) sur les bords de la Loire211. Encore à la fin du Xe siècle, on s’arrête lors des voyages et on dresse des tentes, le temps, en tout cas, de fabriquer des cabanes de branchages capables de mieux résister à la pluie212. Le sapin sous lequel s’abrite Romain d’après la Vie des Pères du Jura n’est là que pour forcer l’imitatio de saint Paul sous son palmier213. Rapidement il se construit une cabane (tugurium)214.
Parvula tuguria
84Le vocabulaire qualifiant l’habitat des ermites, comme d’une manière générale le vocabulaire désignant l’habitat rural, est varié et approximatif. Mansio, cellula, cella, hospitiolum, parvulum tugurium désignent-il des formes d’habitat particulières ? La cellule de l’ermite ou l’habitat traditionnel du paysan sont considérés sous le même vocabulaire chez Grégoire de Tours, il est impossible d’en tirer un degré de pauvreté ou de confort. Au détour de ses pages, on peut trouver quelques indications : ici des toitures de feuillages et de végétaux, là des murs de planches en clayonnage et torchis215 … La Vita Richarii évoque des tuguriucunla vilissima parva216 ; la vita Arnulfiun parvum mansiunculum217 ; la vita Wynnebaldi des casula218…
85Considérant la fréquence de déplacement de leurs habitants, on devine que ce ne pouvait être qu’un habitat temporaire, fait de matériaux peu durables prélevés dans l’environnement proche du lieu de stationnement : bois, terre, chaume, roseau. Jean-Claude Meuret, qui rappelle par ailleurs que les structures de terre se conservent très bien et très longtemps en milieu forestier, nous explique que les restes d’habitat forestier, comme les loges construites par les charbonniers, les bûcherons ou les peleurs d’écorces indiquent que ces cabanes étaient constituées de charpentes de branches posées à même le sol recouvertes de plisses, les mottes d’humus découpées avec les herbes et de la mousse, et pouvaient durer quelques années219. Mais de telles structures ne sont pas nécessairement ce qui reste d’ermitages. À l’inverse, l’hypothèse existe que certaines enceintes forestières quadrangulaires peuvent avoir été des ermitages : les talus servent à délimiter une aire consacrée, mais aussi plus simplement à protéger un petit jardin. Ces enclos sont fréquemment evoqués dans les récits. Il y a aussi le cas de réemploi d’enceintes d’époque protohistorique.
86De même que pour les ermitages, il faut faire un grand effort d’imagination pour se représenter à partir des diplômes, les débuts d’un monastère, dont les structures initiales devaient se confondre220. La vie religieuse des abbayes mérovingiennes nous échappe presque complètement.
L’exemple de la communauté primitive d’Hamage
87Tous les travaux menés ces dernières années sur les origines des monastères souffrent d’une lacune d’ordre archéologique : dans toute l’Europe on ne connaît pas de vestiges étendus de bâtiments monastiques antérieurs au IXe siècle221. Ne sont connus que quelques sites anglais et irlandais222 et quelques fouilles allemandes223. Cela s’explique notamment par le retard pris par l’archéologie médiévale, mais aussi par les destructions et agrandissements de beaucoup de bâtiments monastiques successifs224.
88Les fouilles archéologiques menées par Étienne Louis sur le site de Hamage, installé sur un îlot sableux dans la vallée marécageuse de la Scarpe, nous intéressent tout particulièrement. C’est en 1990 que des sondages permettent d’identifier sous des bâtiments abandonnés du XVIIIe siècle des restes du haut Moyen Âge. Pendant une douzaine d’années, les campagnes successives ont permis de mettre au jour pour la première fois en France un monastère mérovingien en entier. Les vestiges ont été miraculeusement préservés malgré les aménagements postérieurs : l’abbaye qui disparaît au IXe siècle n’est replacée qu’au XIIe par un modeste prieuré qui a épargné les plus anciens vestiges. L’origine du monastère de Hamage est connue des médiévistes par la tardive vita Rictrudis rédigée par Hucbald de Saint-Amand vers 907225. La fondatrice est une veuve issue de l’aristocratie nommée Gertrude que se retire à Hamage vers 630. Le monastère s’installe sur une parcelle quadrangulaire d’environ 35 mètres sur 70 mètres de côté, dont les limites restent stables jusqu’à nos jours226. Ce qui me semble intéressant dans cet ensemble monastique originel, du VIIe siècle, est la structure même de la clôture : elle est formée d’une palissade de bois et de fossés et les religieuses logent dans des cellules quadrangulaires ou circulaires d’environ cinq mètres de côté, bâties en bois sur des fondations de pierre sèche. Le dessin réalisé par Etienne Louis d’après les fouilles est éclairant. S’il faut s’imaginer ce que pouvait être un habitat d’ermites au haut Moyen Âge au nord de la Gaule, a fortiori dans le cas d’une communauté d’anachorètes, l’habitat devait être très proche de ce premier état du monastère de Hamage227.

Figure 2. – Angle nord-ouest de l’enclos au VIIe siècle (essai de restitution d’après Étienne Louis)
Nourriture
L’eau des torrents
89L’eau est indispensable à la survie de l’ermite. Romain s’installe près d’une source qui correspond sans doute à la fontaine de saint Romain ou à la fontaine du Bugnon228. Lupicinus récupère de l’eau par une canalisation ancienne dans les ruines qu’il investit à Dompierre-sur-Bèbre, près de Lapalisse229. La consommation d’eau manifeste pour le reclus ou l’ermite la privation de vin, de cidre ou de cervoise230. Mais des boissons pouvaient être également confectionnées à partir des feuillages des arbres (comme la frênette)231.
Régime sobre mais pas austère
90Les ascètes bretons sont réputés ne consommer que du pain d’orge et de son, des bouillies de farine et de légumes, mais jamais, malgré la proximité de la mer, de poissons et de coquillages232. Amatus ne consomme que du pain et de l’eau233. De même Patrocle est réputé pour sa très grande abstinence. Sa diète, associée à la privation de sommeil, entraîne même des malaises. Pour s’alimenter, il se contente d’eau avec du miel et mange du pain trempé dans l’eau salée. Ce régime est présenté comme un régime d’une exceptionnelle sévérité234. Grégoire de Tours précise, à propos du prêtre Julien vivant au monastère de Randan, qu’il ne consommait ni vin, ni ragoût, comme preuve de sa très grande austérité235. Sénoch, au temps de Carême, ne mange que du pain d’orge et ne boit que de l’eau236. Ces restrictions trahissent-elle un régime ordinaire moins rude ? À en croire encore l’évêque de Tours, la nourriture de l’ermite ou du moine est semblable à celle du paysan : la provende est faite de pain et de légumes consommés tels quels ou en soupe237. S’y ajoutait-il du fromage, des œufs ou de la viande238 ? Colomban et les siens, certes affamés, mangent des oiseaux sauvages239. La pêche fournit l’essentiel des protéines animales des ermites et des frères du désert. Les épisodes de pêches miraculeuses en témoignent fréquemment ; la recherche de la proximité des cours d’eau répond à ce souci d’approvisionnement240.
91Pour s’alimenter, l’ermite dispose d’un minimum de vaisselle (gobelets, bols, écuelles, pichets). Peut-être, lorsqu’ils sont plusieurs, peuvent-ils disposer d’un four domestique pour cuire le pain. Grégoire de Tours évoque un ermite qu’il ne sait où situer « dans la partie désertique d’une certaine région, à l’est de la Gaule ». Cet ermite a l’habitude de se servir d’une caldaria, une sorte de chaudron en bois dans lequel il met des légumes à cuire. Puis Grégoire raconte qu’il apprit récemment qu’Ingenuus, un ermite aux confins de la cité d’Autun, avait le même récipient. Il s’agit peut-être du même personnage. Il possédait une cabane et un jardin dont il tirait des légumes. Un abbé qui visite Ingenuus partage avec lui une potée au chou et au cresson241.
92Les ermites complètent leur alimentation par la cueillette des fruits et des racines en forêt242. L’ermite Marianus se nourrit de fruits sauvages, de miel et de l’eau des cours d’eau. Il meurt d’ailleurs accidentellement en cueillant des pommes sauvages243. Selon Jonas de Bobbio, Colomban raffole des myrtilles, « fruits minuscules qui poussent dans ce désert et qu’on appelle couramment des blues244 ». À supposer que les champignons comestibles aient été connus des ermites, le très faible apport calorique de ces produits sauvages fait que le ramassage devait relever de la gourmandise.
93Quelques vies de saint évoquent les ruches245. Il est possible que la production de miel (seule source alors de sucre concentré), cantonnée à la périphérie des terroirs, ait été sous la garde des ermites comme sur la marche d’Anjou-Bretagne246. Les essaims sont récoltés dans la forêt puis élevés247. Les abeilles sont gardées dans des troncs creux aménagés en ruches.
Les jardins du désert
94Si l’ermite semble pouvoir se contenter de ce qu’il trouve, le reclus, parce qu’il est enfermé, se nourrit de ce que les fidèles ou ses frères lui apportent. L’ermite est-il plus mangeur de plantes et le reclus mangeur de miches ? Lorsqu’il en a la possibilité, le reclus cultive un potager ou un petit verger contre sa cellule248. Dans le jardin de Martius, Grégoire de Tours imagine y trouver oleribus, cepisque et alliis sive pomis249. Il semble qu’assez rapidement après leur installation les anachorètes, surtout s’il s’agit d’un petit groupe, organisent une mise en culture de leur terrain sous la forme de jardins ou de petits champs. Milon, l’ermite sorti de l’abbaye de Fontenelle, plante de sa main à flanc de coteau au-dessous de son ermitage en vallée de Seine des arbres fruitiers et des vignes250.
Activités
Le désert comme école
95Le premier travail au désert est la prière bien sûr, la lecture aussi251. Leobardus, reclus à Marmoutier, reçoit de Grégoire de Tours les Vies des Pères et les Instituta Monachorum qui sont sans doute L’histoire des moines d’Égypte traduite et adaptée par Rufin d’Aquilée et le De institutis coenobiorum de Cassien252. Colomban déambule tranquillement dans la forêt, plongé dans ses lectures253. Vulmarus, moine au monastère d’Hautmont, reçoit de l’abbé la tâche de garder les troupeaux de bovins et d’approvisionner le monastère en bois. Tout en allant chercher du bois dans la forêt avec un vehiculum tiré par des bœufs, il en profite pour étudier l’alphabet254. Quant à Patrocle, reclus en Berry, il dispose non seulement de livres mais aussi d’un nécessaire à écriture255.
Une vie de pionnier
96Les textes ne nous renseignent guère sur les premiers défrichements menés par les ermites. Mais les textes témoignent d’un effort même modeste du solitaire pour aménager peu à peu son désert256. Les hommes de Dieu ne sont pas dépourvus d’outils : Romain du Jura apporte avec lui des semences et une pioche257. Sans doute disposent-ils de tous les outils de charpenterie, ce qui est sous-entendu dans l’évocation de la constrution d’habitacula pour de nouveaux arrivants. Ces outils sont parfois nommés dans les vitae. À côté des pioches, haches et autres doloires, on trouve râteaux, coins et masse, voire des gants258.
97Lorsque Martius s’installe près de Clermont, il ne possède que sa pioche et ses vêtements. Il est d’abord nourri par des fidèles. Peu à peu lui aussi attire des disciples et cultive un jardin « agréable à l’œil et d’une délicieuse abondance avec des légumes et des arbres fruitiers ». « À l’ombre de ces arbres dont les feuilles murmuraient doucement au souffle du zéphyr, le bienheureux vieillard était ordinairement assis259. » L’auteur mentionne également un oratoire. Il ne s’agit alors plus d’un ermitage mais d’un groupement d’anachorètes. Faut-il y voir l’évolution de l’ermitage peut-être vers un monastère ? À aucun moment pourtant Grégoire de Tours ne le précise260. L’espace monastique décrit par Grégoire de Tours n’est pas structuré de façon rigide et traduit sûrement la réalité de son temps261. Aemilianus, cherchant un désert en Auvergne, le trouve dans les forêts de Pionsat (en Puy-de-Dôme). Il défriche et cultive un champ pour vivre et un petit jardin qu’il arrose avec une réserve d’eau de pluie. Autour de sa cellule, il y a un enclos qui attire bientôt des disciples262.
98Les frères commencent donc par déboiser. De nombreuses anecdotes de la vita Columbani et de la vita Germani Grandivallensis mettent en scène l’abbé ou le saint pendant un travail en forêt263. Suit la mise en culture de champs qui gagnent sur l’incultum au fur et à mesure que le nombre de moines et les besoins augmentent. Cela pousse la communauté à gagner des terres neuves sur un sol et sous un climat parfois difficile. D’autres travaux sont également entrepris pour permettre de maintenir une autarcie que rend encore souhaitable à la fois l’idéal du désert et la situation isolée. À Condat, le diacre Sabinianus fait ainsi construire des moulins et aménager le lit du torrent pour accélérer la marche des roues264 ; Germain de Moutier-Grandval transforme au VIIe siècle la vallée où est installé le monastère et en facilite l’accès, en remettant en état les grandes voies de communication qui relient l’Oberrhein à la Bourgogne et au Grand-Saint-Bernard265.
99De préoccupations de simple survie l’abbaye passe alors à la mise en valeur agricole et technique des alentours immédiats, et finit par faire œuvre publique en aménageant accès et routes qui, de fait, la met bientôt en communication avec le monde266. Pour assurer la liaison de son monastère de la région de Loches avec l’extérieur, Sénoch, abbé de la deuxième moitié du VIe siècle, fait construire des ponts sur les rivières267. L’exemple du monastère double de Stavelot-Malmédy est bien connu268. Aux alentours de 700 une route est aménagée à l’est du domaine pour assurer les liaisons avec Trèves au sud et Maastricht au nord. L’archéologie a montré le grand soin apporté à cette construction : soubassement de bois dans les zones humides, empierrement. La nécessité de créer de nouvelles routes pour briser l’isolement des premiers temps s’explique par le fait que ces monastères fondés au désert finissent rapidement, par le truchement des donations successives, par devenir de véritables centres de domaine ruraux, drainant des biens et des hommes et revendant les surplus à l’extérieur. Il faut ainsi aménager spécialement des chemins pour relier le monastère de Prüm fondé en 721 dans les solitudes de l’Eifel au nord-ouest de Trèves269. L’abandon de l’idéal du désert est consécutif à l’orientation économique des monastères à la recherche de débouchés économiques.
100Les textes, là encore finissent, par nous piéger. Les descriptions des sites d’implantation trahissent les préoccupations de l’auteur de la vita au moment où il écrit plus sûrement que les motivations qui ont guidé son héros. La vita de saint Amand († 679), d’époque mérovingienne, décrit des prés fertiles, une irrigation généreuse, une forêt giboyeuse et un fleuve poissonneux. Le tout montre une région riante : pâturage, eau vive, pêche et chasse présentent surtout un domaine économiquement intéressant270.
101René Noël a montré comment à trois siècles d’intervalle les deux vitae Bertuini considèrent la forêt de la Marlagne de manière totalement différente. Dans la vita composée vers 800, le magnus saltus est décrit selon les tournures du genre271. Mais vers 1100 lorsque qu’un hagiographe écrit une autre vie de Bertuin, il ne dit rien des confins de la future abbaye. Il ne revient même pas sur le sens de l’appellatif forestier de la Marlagne : « le paysage est comme effacé du tableau272 ». Il décrit principalement les aménagements du site par Bertuin. Au tournant des XIe et XIIe siècles, alors que partout les essarts repoussent les terres incultes, l’anthropisation du territoire semble préoccuper davantage les auteurs273.
102C’est un fait déjà noté par les historiens : la création d’un ermitage a souvent entraîné par la suite la naissance d’un habitat multiple puis d’un véritable monastère. Jean Heuclin a compté que du Ve au VIIIe siècle, des ermites auraient été à l’origine de 52 centres monastiques et de 78 villes dans le seul nord de la Gaule274. Mais en réalité, le rôle de ces monastères mérovingiens dans la colonisation des hautes terres demeure très difficile à évaluer. Il semble que Condat n’ait guère provoqué de mouvements de population, aux VIIe -VIIIe siècles dans le Jura275. Bien que la Vie des Pères du Jura évoque tout d’un coup, une certaine affluence de frères, de pélerins, de malades, ce qui laisse supposer l’aménagement des accès plus praticables (ou d’accès ayant toujours existés !)276. Dans les Vosges et en Ardenne, où la situation de départ était différente puisque des noyaux d’habitat existaient déjà, l’installation monastique dut soutenir et renforcer l’essor du peuplement germanique277.
Les dangers de la solitude : un risque calculé
La peur
103La frayeur suscitée par le « désert » est-il un topos hagiographique ? Selon Gherardo Ortalli, l’insistance des auteurs sur la solitude de l’homme dans le désert-forêt, le signe de croix avant de pénétrer dans un bois, l’invocation de Dieu, la prière, le port des reliques lors d’un voyage sont autant de témoins de la peur278. C’est exagérer la portée des témoignages. L’argument de l’inquiétude et de la protection divine est commun. Nombre d’évocations de ce genre sont d’ailleurs calquées sur les modèles bibliques279. La terre sauvage doit apparaître comme une terre prédestinée à la conquête au nom de Dieu, c’est une épreuve que doit endurer le saint pour manifester son élection divine et le caractère héroïque de son entreprise280. Sturm († 779), le fondateur de Fulda, alors qu’il se trouve un soir seul dans la forêt entend soudain un bruit. Il ne peut sur le coup distinguer s’il s’agit d’un animal ou d’un homme. La scène montre non pas un moine paniqué par ce qui pourrait surgir de l’oscurité, mais un véritable homme des bois réagissant avec le sang-froid qu’il convient dans ce genre de situation281.
104Les animaux de la forêt ne sont pas forcément présentés comme une « réalité angoissante282 ». Lors de ses bivouacs, Sturm construit une barrière de fortune moins pour empêcher les intrusions de la faune sauvage (le dispositif étant insuffisant) que pour interdir à son âne de s’éloigner pendant la nuit283. Peut-être est-ce aussi chez ce Germain d’origine un geste symbolique (magique ?) dans le but de fonder pour la nuit le lieu de son séjour. Plutôt que de peur, parlons davantage de prudence.
105La rencontre avec la faune sauvage n’est d’ailleurs pas toujours mauvaise. Dans l’évocation de l’écureuil qui vient se glisser dans le manteau de Colomban, la relation entre l’animal et le saint est tout à fait affectueuse284.
106On trouve souvent dans l’hagiographie celtique ces rencontres amicales. Elles émaillent également plusieurs vies de saint du continent : Émilien de Vannes († 767), ermite en Saintonge, nourrit chaque jour des passereaux285. Josse laisse les oiseaux et même les poissons venir manger dans sa main.
Se protéger du froid
107Les exercices ascétiques consistant à refuser tous vêtements supplémentaires lorsqu’il fait un froid excessif révèlent les difficultés quotidiennes des ermites pour se protéger des rigueurs de l’hiver. Sénoch supporte les frimas ne mettant absolument rien pour couvrir ses pieds286. Lupicin revêt juste ce qu'il faut pour ne pas être saisi par le froid : des semelles de bois appelées « socques » et un capuchon insuffisant pour le défendre contre la morsure du gel287. Il est fréquent d’ailleurs, et pas seulement pour les ermites, d’évoquer la pauvreté et l’ascèse rigoureuse en utilisant le climat288. Opportune, selon ce que nous rapporte son biographe Adalhelme vers 890, s’inflige une grande discipline en portant le cilice, en refusant les bains et en portant les mêmes vêtements, été comme hiver289. Vulfilaicus raconte les tourments que lui inflige la rigueur des hivers ardennais. Le gel forme des glaçons dans sa barbe et les engelures entraînent la chute des ongles de ses pieds290. Le froid intense est une épreuve que s’infligent volontiers les hommes de Dieu. Lors de son exil au monastère de Stavelot, peu après 675, l’évêque Lambert de Maastricht († vers 705) se lève une nuit pour prier, mais laisse tomber sa chaussure qui brise le silence. L’abbé, ignorant à qui il a affaire, lui ordonne d’aller se recueillir devant la croix située à l’extérieur du bâtiment. Lambert s’exécute malgré le froid et la neige291.
108Si les déserts chauds et arides des Pères permettaient de vivre pratiquement nu, les conditions de vie érémitique dans le nord de l’Europe nécessitent un assouplissement dans le dénuement292. La charité exercée entre les moines exige en outre qu’ils réchauffent, réconfortent les frères qui affrontent au dehors le mauvais temps d’hiver293. Les conditions de vie sont évidemment plus difficiles dans les montagnes. L’anonyme de la vie des Pères du Jura évoque la difficulté de la mise en culture autour du monastère de Condat :
« Les rigueurs de l’hiver non seulement recouvrent mais ensevelissent le pays sous les neiges ; en revanche au printemps, en été et en automne, ou bien le sol surchauffé par la réverbération de la chaleur sur les rochers voisins est en feu, ou bien les pluies désespérantes emportent dans les torrents, non seulement la terre ameublie pour les cultures, mais aussi les terrains incultes et durs, avec l’herbe, les arbres et les arbustes294. »
109Cela pose à l’historien toutes les questions de l’habillement et à nouveau de la qualité de l’habitation, auxquelles les textes ne répondent finalement pas.
Disparition
110Entrer dans une forêt vaste, c’est prendre simplement le risque de se perdre. Les nombreux miracles autour des égarés l’attestent. C’est également s’exposer à une mort plus ou moins violente. Gobain est réputé avoir été assassiné, peut-être vers 670, par des barbares au cœur de la forêt. De même, Béotien († 22 mai 668) est un martyr des brigands des marais de Pierrepont295. Selon la tradition hagiographique, onze ermites du nord de la Gaule auraient fini assassinés296. L’on peut se demander s’il n’y a pas là l’élaboration d’un modèle martyrial.
111Comme le reste de la population, les solitaires ne sont pas épargnés par les maladies : Romaric, compagnon d’Arnoul de Metz, ouvre des casulae dans la forêt vosgienne pour accueillir des ermites lépreux297. Le risque de famine n’est parfois pas loin. C’est la mésaventure que connaissent les disciples de Colomban réduits à manger des écorces et des herbes avant l’arrivée de vivres298. Sulpice Sévère raconte comment Martin faillit mourir empoisonné parce qu’il a absorbé de l’hellébore alors qu’il ne se nourrissait depuis quelques temps que d’herbes et de racines299. Combien d’ermites sont-ils morts intoxiqués ? À moins que ces hommes des bois aient acquis une solide connaissance des plantes et des baies comestibles, dès leur jeunesse et transmise entre compagnons de solitude. Nous évoquons ici cette familiarité avec le terroir que les ermites choisissent d’occuper. Dès les premiers chapitres dans certaines vies de saint cette connaissance des marges du finage est évoquée, notamment au moment de rappeler la jeunesse du héros. L’hagiographe indique alors que le jeune saint est gardien de troupeau tel David300. C’est le cas entre autres de Leobinus, Médard, Vulmarus301…
Biotope hostile ?
112La curiosité scientifique de l’hagiographe ne transparaît pas dans les vies de saints302. Dans ce sens, les récits ne peuvent guère nous renseigner sur la connaissance en matière de science naturelle et la réalité du monde rural303. Prolongeant l’explication de Dieter von der Nahmer, Chris Wickham avertit l’historien de l’économie qu’il ne peut évaluer l’état du territoire au moment de l’occupation par les ermites ou moines sur les seules données fournies par les hagiographes304.
113L’auteur de la vita Bertuini semble de prime abord connaître la région d’entre Sambre et Meuse. Il distingue des cours d’eau, estime les distances et localise rigoureusement Namur. Mais la situation retient davantage que le site. Les étendues forestières sont sans topographie et si l’évocation paraît réaliste, elle est surtout calquée sur des passages du Livre d’Isaïe305.
114Pourtant, certains auteurs offrent quelques mentions intéressantes. Jonas de Bobbio ne surprend guère lorsqu’il évoque les bois de viorne. L’auteur de la vita Columbani montre à plusieurs reprises ce souci de vérité et ses connaissances du milieu jurassien306. L’auteur de la vita Vulframni introduit dans son récit non seulement un détail botanique concernant les marécages frisons en évoquant les roseaux mais surtout apporte au latin un mot à consonance germanique totalement inédit. Le mot latin classique harundines est remplacé par la racine étymologique du mot français rausea, du vieux germanique Raus qui a donné aussi Rohr en allemand307.
115Les descriptions des animaux que peuvent rencontrer les ermites sont rarement précises. Les loups qui aident saint Trivier, ermite en Dombes au VIe siècle, à retrouver son chemin sont présentés par l’auteur de la vita (rédigée au IXe siècle d’après un texte mérovingien) avec beaucoup de vraisemblance : la tête basse, les oreilles tombantes, la queue entre les jambes (adulantibus caudis. Adulatio = action de se prosterner), les deux loups ne manifestent aucune agressivité et montrent au contraire tous les signes de la soumission amicale308. Dans la Vita Sturmi comme dans la Vita Galli, on retrouve le triptyque forestier (et tout germanique) du loup, de l’ours et du sanglier dans le bestiaire que rencontrent les saints309. Ont-ils pour autant rencontré ces animaux comme attestent les auteurs de ces vitae ? Dans les forêts germaniques du haut Moyen Âge, cela est tout à fait probable. Mais cette probabilité ne fait pas de ces récits des documents sur lesquels les zoohistoriens peuvent s’appuyer aveuglément. Citons comme autre exemple Bède le Vénérable qui, dans la vie de saint Cuthbert, invite les pasteurs insulaires à se préserver des lions310. Nous n’avons là qu’un décalque épique sur le modèle antique et biblique311.
116Que dire encore des serpents si nombreux dans l’entourage des ermites ? Leur apparition, et la frayeur à l’occasion qu’elle peut légitimement engendrer, reste du domaine de l’épisode convenu. Dans les scènes apparemment authentiques, le vocabulaire approximatif pour désigner le reptile entretient le doute. Ainsi dans la Vie des Pères du Jura, lors de travaux d’aménagement d’un cours d’eau, des moines voient glisser entre leurs mains une colubra ou une vipera312. La couleuvre et la vipère n’induisent pourtant pas le même danger. La confusion trahit une anecdote volontairement placée dans le registre de la mythologie chrétienne.
Conclusion
117Il bien difficile de déterminer si les solitudes couvrant les massifs montagneux étaient considérées comme plus sauvages, plus désertiques, que les bosquets de plaine. C’est la perception des lieux par les saints qui nous échappe en vérité, une perception du réel qui, au-delà des arguments topiques du genre littéraire hagiographique, n’a jamais intéressé les auteurs des vitae. Le choix de la solitude chez les moines est très relatif. Flou dans sa définition, discuté, voire contesté par les meilleurs directeurs monastiques et par les théologiens, contrarié par les vicissitudes de la vie, par les visiteurs, infléchi par une vocation supérieure, l’anachorétisme apparaît comme une solution temporaire à certains problèmes spirituels dans une oscillation perpétuelle entre la vie solitaire, la vie en communauté ou la vie publique.
118Ces hommes qui s’engageaient dans la vie anachorétique n’étaient pas de doux illuminés. Cultivés, conservant souvent des liens sociaux avec leurs groupes familiaux, ils savaient ce qu’ils pouvaient tirer de leur environnement et jaugeaient leurs propres limites. Sublimés par les récits de leurs expériences aux marges des domaines cultivés, ils ont en réalité anticipé puis accompagné la conquête de nouvelles terres ; ils contribuèrent à une meilleure connaissance du territoire.
119Parce que le phénomène du désert semble surtout le fait des VIe et VIIe siècles (la période suivante connaissant une certaine décrue jusqu’au XIe siècle), et qu’il y a toujours l’idée de reproduire l’exemple d’un illustre prédécesseur, il est bien difficile de distinguer entre le VIe et le IXe siècle une évolution. Il faudrait plutôt mettre en avant une certaine unité dans la manière de vivre le désert au haut Moyen Âge, le modèle l’emportant sur la volonté d’innover. À tel point que, au XIIe siècle, Orderic Vital évoque dans son Histoire ecclésiastique l’arrivée de saint Evroul et de ses disciples dans l’immense forêt d’Ouche :
« Enfin ces amoureux de la solitude pénétrèrent dans la forêt que les habitants de la région appellent Ouche ; terrible tant par l’épaisseur de sa végétation que par les brigands qui la parcouraient sans cesse, elle abritait des fauves épouvantables ; d’un pas intrépide ils parcoururent son étendue immense et désolée sans trouver un endroit qui puisse accueillir leur dévotion313. »
120À propos des fondations cisterciennes des XIIe-XIIIe siècles, George Despy a vérifié dans les campagnes entre Loire et Rhin la réalité des « déserts ». En traquant les pseudo-déserts confiés aux moines, il découvrit au contraire, chartes à l’appui, l’image de seigneuries laïques en plein essor314.
Notes de bas de page
1 Meuret J.-C., Peuplement, pouvoir et paysage sur la Marche Anjou-Bretagne des origines au Moyen Âge, Laval, 1993, p. 477. Même si les limites chronologiques de son travail sont les XIe-XIIe siècles, les intéressantes remarques qu’il fait sur les ermites me paraissent valables pour la période précédente. (p. 476-480).
2 Cf. Van Uytfanghe M., « Le remploi dans l’hagiographie », art. cit., p. 360. Cf. Baumeister T., « Zeugnisse der Mentalität und Glaubenswelt einer vergangenen Epoche. Hagiographische Literatur und Heiligenverehrung in der alten Kirche », Kriminalisierung des Christentums ? Karlheinz Deschners Kirchengeschichte auf dem Prüfstand, Seeliger H. R., Reinhard H. (éd.), Freiburg, Basel, Wien, 1993, p. 207-268. Helvétius A.-M., « Ermites ou moines. Solitude et cénobitisme du Ve au Xe siècle (principalement en Gaule du Nord) », Ermites en France et en Italie (XIe-XIVe s.), Vauchez A. (éd.), Rome, 2003, p. 1-27. Id., « Les saints et l’histoire. L’apport de l’hagiologie à la médiévistique d’aujourd’hui », Die Actualität des Mittelalters, Goetz H. W. (éd.), Bochum, 2000, p. 135-163. Id., « Comment écrire une nouvelle histoire du monachisme ? », Mediävistik im 21. Jahrhundert. Stand und Perspektiven der internationalen und interdiziplinären Mittelalterforschung, Paderborn, 2003, notamment p. 8-9.
3 Voir le point sur la question par Lafon Delaplace C., « Paysage forestier et littérature hagiographique de l’Antiquité Tardive : mythes et réalités du paysage érémitique occidental », Hommes et terres du nord, 1986, 2-3, p. 167-171.
4 M. Clavel rappelle que, jusqu’au IVe siècle, la littérature latine a quasiment ignoré la forêt. Clavel M., « La forêt en Gaule d’après les sources littéraires », Annales littéraires de la faculté de Besançon, « Colloque sur la forêt », 1967, vol. 88, p. 31-41. Voir aussi Lafon Delaplace C., Paganus, images du paysan et le la société rurale en Occident à la fin de l’Antiquté (IVe-VIe s.), Université de Paris iv Sorbonne, Paris, 1985, 3 vol. dactylographiés, notamment chapitre iv, « le paysage érémitique », p. 407-432.
5 Jonas, Vitae Columbani i, 11, p. 76-77.
6 Wettinus, Vita Galli, c. 28, MGH, SSRM 4, p. 266.
7 Walahfrid Strabon, Vita Galli, c. 10, MGH SSRM 4, p. 272.
8 AA. SS., janvier i, p. 382, col. 2.
9 Grégoire R., « Il contributo dell’agiografia alla conoscenza della realtà rurale. Tipologia delle fonti agiografiche anteriori al XIII secolo », Medioevo rurale. Sulle tracce della civiltà contadina, Fumagalli V., Rossetti G. (éd.), Bologne, 1980, p. 343-360. Voir aussi Golinelli P., « Elementi per la storia delle campagne padane nelle fonti agiografiche del secolo XII », Bollandiana, dell’Istituto storico italiano per il Medio Evo, 87, 1978, p. 1-54 (rééd. dans Città e culto dei santi nel medioevo italiano, Bologne, 1996, p. 173-214). Cf. Boglioni P., « Les animaux dans l’hagiographie monastique », L’animal exemplaire au Moyen Âge (Ve-XVe s.), Berlioz J., Polo de Beaulieu M A (éd.), Rennes, 1999, p. 64-65.
10 Le Goff J., « Le désert-forêt dans l’Occident médiéval », Traverses, 19, Le désert, Paris, 1980, p. 22, rééd. dans L’imaginaire médiéval, Essais, Paris, nouv. éd. 1991.
11 Abécassis A., « L’expérience du désert dans la mentalité hébraïque », Les mystiques du désert, p. 107-129.
12 Pricoco S., « Le transformazioni del monachesimo », Morfologie sociali e culturali in Europa fra Tarda antichità e alto medioevo, Spolète, p. 752.
13 Guillaumont A., « La conception du désert chez les moines d’Égypte », Les mystiques du désert dans l’islam, le judaïsme et le christianisme, 1974, p. 38.
14 Cf. Thélamon F., Païens et chrétiens au IVe siècle. L’apport de l’Histoire Ecclésiastique de Rufin d’Aquilée, Paris, 1981, p. 391-392.
15 Guillaumont A., « La conception du désert », La Bible et les Pères, Paris, 1971, p. 3-21.
16 Eucher de Lyon, De laude heremi ad Hilarium Lirinensem presbyterum epistula, c. 33, PL 50, col. 708.
17 Chadwick O., John Cassian. A study on primitiv Monasticism, 1968. Biarne J., « La Bible dans la vie monastique », Le monde latin antique et la Bible, op. cit., p. 410-411.
18 Martine F., Vita Patrum Jurensium (VPJ), c. 11, p. 253. C’est en tout cas l’hypothèse retenue par François Martine. Cassien lui-même a intitulé son ouvrage tantôt Institutiones, tantôt Instituta coenobiorum.
19 Cf. Helvétius A.-M., « Ermites ou moines », art. cit., p. 4-5.
20 Sulpice Sévère, Vita Martini X, 4, 5, p. 274.
21 VPJ, c. 7, p. 247. Le mimétisme va jusque dans l’expression employée par l’anonyme : patulis diffusa comis pour patulis diffusa ramis chez saint Jérôme (Vita Pauli, c. 5, PL 23, col. 21).
22 VPJ, c. 12, p. 253.
23 Matthieu, 3, 1-12.
24 Matthieu, 4, 1-11.
25 Jean Cassien, Conférences, XVIII 4, t. III, Pichery E. (éd.), Paris, 1959, p. 13-14.
26 La Règle du Maître I, de Vogüé A. (éd.), Paris, 1964, p. 328-330.
27 La Règle de saint Benoît I, de Vogüé A., Neufville J. (éd.), Paris, 1972, p. 436-438.
28 Cf. Pricoco S., « Le transformazoni del monachesimo », art. cit., p. 768-769.
29 Jean Cassien, Conférences, VII, 23, Pichery E. (éd.), Paris, 1955, p. 265-266.
30 Ibid., Conférences, XIX, 2-5, t. III, p. 39-43.
31 La Règle du Maître, c. XIII, 41-48, t. II, p. 40-43 ; La Règle de saint Benoît, c. 23-29, t. II, p. 542-554.
32 Regula coenobialis S. Columbani abbatis, éd. Seebass O., Zeitschrift für Kirchengeschichte, t. XVII, 1897, p. 223. De Vogüé A., Règles et pénitentiels monastiques de saint Colomban, Bellefontaine, 1989, p. 124.
33 Leclercq J., « L’érémitisme en Occident jusqu’à l’an Mil », L’eremitismo in occidente nei secoli xi e xii, Miscellanea del centro di studi medioevali iv, Milano, 1965, p. 27-44. La bibliographie sur l’érémitisme est abondante, voir entre autres la thèse de Heuclin Jean, Aux origines monastiques de la Gaule du Nord. Ermites et reclus du Ve au XIe siècle, Lille, 1988. Voir aussi sur le concept même d’érémitisme et sur les topoi hagiographiques qui lui sont liés, Bosl K., « Eρεμος-eremus. Begriffsgeschichtliche Bemerkungen zum historischen Problem der Entfremdung und Vereinsamung des Menschen », Polychordia. Festchrift Franz Dölger, II, Amsterdam, 1967, p. 73-90.
34 Gougaud L., Ermites et reclus, Ligugé, 1928, p. 51-52.
35 Vita Waldetrudis (vers 900), Daris J. (éd.), « La vie de sainte Waudru, patronne de la ville de Mons, d’après un manuscrit du XIe siècle », Analectes pour servir à l’histoire ecclésiatique de la Belgique 4, 1867, p. 225. En réalité, c’était bien un monastère que Waudru avait établi à Mons et elle en avait entamé la contruction bien avant de s’y installer, comme nous l’apprend l’auteur de la vita Aldegundis prima, qui avait connu personnellement la sainte. Cf. Helvétius A.-M., « Avant la ville, la campagne : recherches sur les paroisses primitives et les domaines anciens autour de Mons en Hainaut », Villes et campagnes au Moyen Âge., Duvosquel J.-M., Dierkens A. (éd.), Liège, 1991, p. 367-381.
36 Helvétius A.-M., « Les modèles de sainteté dans les monastères de l’espace belge du VIIIe au Xe siècle », Revue Bénédictine, 1993, vol. 103, Le monachisme à Byzance et en Occident du VIIIe au Xe siècle, p. 63-64.
37 Chitty D. J., The desert a city, Oxford, 1961. Bartelink G. J. M., « Les oxymores desertum civitas et desertum floribus vernans », Studia monastica 15, 1973, p. 7-15.
38 Février P.-A., « La ville et le désert », Les mystiques du désert, op. cit., p. 39-61.
39 Lafon Delaplace C., « Paysage forestier et littérature hagiographique de l’Antiquité Tardive : mythes et réalités du paysage érémitique occidental », Hommes et terres du Nord, op. cit., p. 170.
40 Grégoire de Tours, VP XI, p. 709-710. Cf. Biarne J., « L’espace du monachisme gaulois au temps de Grégoire de Tours », Grégoire de Tours et l’espace gaulois, p. 115-138 et surtout 130-132.
41 Gauthier N., L’évangélisation des pays de la Moselle, op. cit., p. 442-443. Cf. aussi Helvétius A.-M., « Ermites ou moines… », art. cit., p. 1-27.
42 Smaragde de Saint-mihiel, Commentaria in reg. S. Benedicti 1, PL 102, col. 725.
43 Grimlaicus, Regula solitariorum, PL 103, col. 573-664.
44 PL 103, col. 575-664. C’est la reprise de l’édition de Holstein L., Codex des anciennes règles, II, Rome, 1661, p. 464-600.
45 On retrouve aussi des références à la Regula pastoralis de Grégoire le Grand, au De ecclesiasticis officis de Isidore de Séville, ou encore aux écrits d’Alcuin, de Paulin d’Aquilée, Smaragde de Saint-Mihiel.
46 « Érémitisme en Occident », Dictionnaire de spiritualité, IV, 1, Paris, 1960, col. 958-960.
47 CF. Chartier M.-C., dans DHGE 22, Paris, 1988, p. 273-274.
48 La raréfaction des ermites a également été constatée aussi pour l’Aquitaine par Poulin J.-C., L’idéal de sainteté dans l’Aquitaine carolingienne d’après les sources hagiographiques (750-950), Québec, 1975, notamment, p. 68-72.
49 Poulin J.-C., L’idéal de sainteté…, op. cit., p. 78-79.
50 Voir par exemple, l’installation de saint Landelin à Crespin. Cf. Helvétius A.-M., « Les modèles de sainteté dans les monastères de l’espace belge du VIIIe au Xe siècle », Le monachisme à Byzance et en Occident du VIIIe au Xe siècle, Revue Bénédictine 103, 1993, p. 62.
51 Ganshof F.-L., « Les destinées de l’empire en Occident de 395 à 888 », Histoire générale du Moyen Âge, Glotz G. (éd.), t. 1, Paris, 1928, p. 163, note 169. L’auteur dénombre 350 saints gaulois et germaniques entre 480 et 750 contre seulement 50 entre 750 et 1000. Pour une approche générale du phénomène érémitique voir Sainsaulieu J., « Ermites en Occident », DHGE, 15, Paris, 1963, p. 766-787. « Erémitisme en Occident », Dictionnaire de spiritualité, IV, Paris, 1960, p. 953-982. « Eremitismo », Dizionario degli Istituti di perfezione, III, Rome, 1976, P. 1153-1264.
52 Van Uytfanghe M., « Le culte des saints et la prétendue « Aufklärung » carolingienne », Le culte des saints aux IXe-XIIIe siècles, Civilisation Médiévale 1, Poitiers, 1995, p. 157 (p. 151-166).
53 L’usage du mot eremus sans toponyme permet de rapprocher l’expérience du héros de celle des Pères du désert. Cf. Martine F., Vita Patrum Jurensium, p. 244.
54 Saint Basle, après une expérience au monastère de Verzy, au pied de la montagne de Reims, se replia non loin de là pour vivre en ermite. Mais la vita est du Xe s. Vita Basoli confessoris, c. 7, AA. SS OSB II, p. 66.
55 Vita Boamiri, AA. SS. novembre i, p. 669-670. C’est aussi le cas de Deicolus, vita douteuse du Xe s. éditée dans AA. SS. janvier ii, p. 563-574.
56 C’est une vie sans valeur datée du IXe siècle. Hourlier J., « Florent », DHGE, col. 589-590.
57 Philippart G., « Gall », DHGE, col. 800-801.
58 Vita Judoci, c. 5, AA. SS. OSB II, p. 567. Le Bourdelles H. (éd.), « Vie de saint Josse avec commentaire historique et spirituel », Studi Medievali 3e série, t. 34, 1993, p. 916-934. Selon l’éditeur, la vie fut rédigée par un moine breton réfugié à Montreuil-sur-Mer au début du Xe siècle.
59 Vita Treverii, AA. SS. janvier ii, p. 33-35.
60 Cf. C. Mériaux, « Thérouanne et son diocèse jusqu’à la fin de l’époque carolingienne. Les étapes de la christianisation d’après les sources écrites », BEC, t. 158, 2000, p. 386 et notes 28-29.
61 Vita Treverii, c. 5, p. 34.
62 Vita Magnerici, c. 31, AA. SS. juillet vi, p. 188.
63 Goerz A., Mittelrheinische Regesten oder chronologische Zusammenstellung des Quellenmaterials für die Geschichte der territorien der beiden regierungsbezirke Koblenz und Trier in kurzen Auszügen, III, Coblence, 1876, no 696, p. 528.
64 Raban Maur, Martyrologe, PL 110, col. 1167. Cf. Büttner H., « Studien zur Geschichte von Disibodenberg », Studien und Mitteil. zur Geschichte des Benediktines-Ordens, 52, 1934, p. 1-45.
65 Lui aussi a laissé un toponyme : c’est aujourd’hui la ville de Saint-Wendel à l’est de Tholey. Cf. Selzer A., St Wendelin, Leben und Verehrung eines alemannischfränkischen Volksheiligen, Saarbrücken, 1936. Volkelt P., « Der Heilige Wandalin in neuerer Forschung », Zeitschrift für die Geschichte der Saargegend, 12, 1962, p. 122-133.
66 Levison W., « À propos du calendrier de saint Willibrord », Frühzeit, p. 342. II Non. Iul. (6 juillet), s. Goaris.
67 Gauthier N., op. cit., p. 443.
68 Vita Goaris, c. 12, MGH SSRM 4, p. 422-423.
69 Gauthier N., L’évangélisation des pays de la Moselle…, op. cit., p. 443.
70 Lusse J., Naissance d’une cité. Laon et le Laonnois du Ve au Xe siècle, Nancy, 1992, p. 199-202.
71 La vita empruntée à celle de saint Fursy est sans valeur. Vita Adelgisi, AA. SS. juin i, p. 216-222.
72 Lusse J., op. cit., p. 201-202. Poupardin R., « Cartulaire de Saint-Vincent de Laon », Mémoires de la société de l’histoire de Paris et de l’Ile de France, t. XXIX, 1902, p. 184.
73 Vita Gobani, AA. SS. juin v, p. 19-22.
74 Lusse J., op. cit., p. 199.
75 L. van der Essen (Étude critique… op. cit., p. 415-418) propose une rédaction dans la première moitié du IXe s. Cf. Platelle H., « Silvino », Bibliotheca Sanctorum XI, 1968, col. 1089-1091.
76 Vita Silvini, AA. SS OSB III, 1, p. 294-299.
77 Gesta abbatum Sithiensium, c. 19, MGH SS XIII, p. 611. Rédigés en 961-962, les Gesta forment un cartulaire dans lequel sont insérés des passages narratifs. B. Guérard a édité le manuscrit le plus ancien (Bibliothèque Municipale de Boulogne-sur-Mer, ms 146, XIIe s.) dans Cartulaire de l’abbaye de Saint-Bertin, Paris, 1840 (collection des cartulaires de France 3). Les actes ont été aussi édités par Gysseling M., Koch A.C.F., Diplomata belgica ante annum millesimum centesimum scripta, Bruxelles, 1950, 2 vol.
78 Graus F., Volk, Herrscher und Heiliger im Reich der Merowinger. Studien zur Hagiographie der Merowingerzeit, Prague, 1965, p. 119. Cf. aussi à propos du curriculum sanctitatis Monaci Castagno A., « Il vescovo, l’abate e l’eremita : tipologia della santità nel Liber Vitae Patrum di Gregorio di Tours », L’agiografia latina nei secoli IV-VII, Roma XXIV, 1er-2 août 1984, p. 239 (p. 235-264). Helvétius A.-M., « Ermites ou moines… », art. cit., p. 1. « Avant le XIe siècle, il est rare qu’un ermite soit clairement qualifié d’heremita et les notions de moine, monastère, ermite, anachorète, désert, cénobite ou reclus peuvent désigner des réalités variables selon le contexte. »
79 Vita Vulmari prima, c. 6, Anal. Boll. III, 1884, p. 452.
80 Vita Godoni (IXe siècle ou après), AA. SS. mai vi, p. 441. Alia vita, Martène (éd.), Amplissima collectio 6, p. 795-804.
81 Calendini P., « Béthaire », DHGE, col. 1244-1245. MGH SSRM 3, p. 612-619.
82 Vita Germani abbatis Grandivallensis (vita fin VIIe s.), AA. SS. OSB II, p. 512.
83 Cf. Anal. Boll. 24, 1905, p. 25-31.
84 AA. SS. juin iv, col. 282-291. Belmon C., « Avit de Micy », DHGE, col. 1204-1205.
85 Grégoire, Decem libri …, V, 14, p. 203. Vita Carilefi, MGH SSRM 3, p. 386-394. Havet J., « Questions mérovingiennes, les chartes de Saint-Calais », BECXLVIII, 1887, p. 5-58, p. 209-247. Schmitz P., « Calais », DHGE, col. 333-334.
86 Cf. Calendini L., « Almire », DHGE, col. 658-659. L’auteur rectifie le lieu de l’ermitage que Ulysse Chevallier plaçait à Grez-en-Bouère. Répertoire bio-bibliographique, I, col. 159.
87 Vita Almiri, c. 2, AA. SS. septembre iii, p. 803. Même chose dans la vita Boamiri (IXe s.), c. 1, AA. SS. novembre i, p. 667. In vasta heremo solitudinem. Ou encore la Vita Aviti, c. 5, MGH SSRM 3, p. 383.… vastas Pertici solitudines…
88 Vita Arnulfi, c. 21, MGH SSRM 2, p. 441.
89 Cf. Vieillard-Troiekouroff M., Les monuments religieux de la Gaule…, op. cit., p. 442-446 et carte p. 442.
90 Ganshof F.-L., « Les destinées de l’empire… », op. cit., p. 163, note 169. Sainsaulieu J., « Ermites en Occident », DHGE, 15, Paris, 1963, p. 766-787.
91 Cf. Angenendt A., Monachi peregrini. Studien zu Pirmin und den monastischen Vorstellungen der frühen Mittelalters, Munich, 1972.
92 Colomban, Epistula 1, 4, Gundlach W. (éd.), MGH Epist. III ; Ibid. 2, 6 ; Vita Arnulfi, c. 6, MGH SSRM 2, p. 433.
93 Cf. Dierkens A., Abbayes et chapitres entre Sambre et Meuse (VIIe-XIe s.). Contribution à l’histoire religieuse des campagnes du haut Moyen Âge, Beheifte der Francia, 14 Sigmaringen, 1985, p. 312.
94 Grégoire, VP III, p. 672.
95 Par exemple, Grégoire, VP X, p. 705 (Friardus). VP XII, p. 711 (Aemilianus).
96 Sulpice Sévère, Vita Martini, 5-9, 16, passim.
97 Vita Wynnebaldi, c. 2, MGH SS XV, 1, p. 108.
98 Lesne E., « Amand », DHGE, 1, col. 942-945. Cf. Mériaux Ch., « De la cité antique au diocèse médiéval. Quelques observations sur la géographie ecclésiastique du nord de la Gaule mérovingienne », Territoires et frontières en Gaule du Nord et dans les espaces septentrionaux francs, Revue du Nord, t. 85, juillet septembre 2003, p. 602-606 (avec renvois bibliographiques).
99 Colomban, Instructio, VIII, 2, Walker G. S. M. (éd.), Scriptores Latini Hiberniae II, Dublin, 1957.
100 Colomban, Epistula 2, 7, MGH Epist. iii, p. 157. Cardot F., L’espace et le pouvoir…, op. cit., p. 228-232.
101 Voir les hésitations de Colomban au sujet des moines qui désirent partir au désert, Epist., op. cit., 1, 7.
102 Grégoire, VP XI, p. 709-711 (à propos de Caluppan). Colomban, Poenitentiale, B 1, 2, Wasserschleben (éd.), p. 353-360. Cf. Laporte J., Le pénitentiel de saint Colomban, Paris, 1958.
103 Cardot F., L’espace et le pouvoir…, op. cit., p. 215.
104 De Vogüé A., « Monachisme et Église dans la pensée de Cassien », Théologie de la vie monastique, Paris 1961, p. 213-240. Pricoco S., « Tepidum monachorum genus (Cassian., Conl. 18, 4-2) », Studi classici e cristiani offerti a F. Corsaro, Catania, 1994, p. 563-573.
105 Hilaire d’Arles, Sermo de s. Honorato, c. 15. Eucher de Lyon, De laude eremi, c. 8-9.
106 Cf. Pricoco S., L’isola dei santi. Il cenobio di Lerino e le origini del monachesimo gallico, Rome, 1978.
107 Vita s. Marculphi, c. 10-11, AA. SS. mai i, p. 74. (10). Au VIIe siècle Condedus, un moine d’origine anglaise, quitte l’abbaye de Fontenelle pour mener une vie érémitique sur une île de la Seine. Vita Condedi, MGH SSRM 5, p. 644-651.
108 Cf. McKinlay J. M., « In Oceano desertum: celtic anachorites and their island retreats », Proceedings of the society of Antiquaries of Scotland, XXXIII, 1899. Gougaud L, Les chrétiens celtiques, Paris, 1911. Voir aussi la présentation du site archéologique spectaculaire de Skellig Michael, Horn W., White Marshall J., Rourke G. D., The Forgotten Hermitage of Skellig Michael, Los Angeles, 1990. Lebecq S., « Les saints anglais et le milieu marin. Contribution de quelques textes hagiographiques à la connaissance du milieu littoral de l’Angleterre du début du Moyen Âge », CRAI, janvier-mars 1995, p. 43-56.
109 Le Goff J., « Le désert-forêt dans l’Occident médiéval », L’imaginaire médiéval, Paris, nouv.. éd. 1991.
110 VPJ, c. 5, p. 244.
111 Vita Richarii Centulensis, c. 8, MGH SSRM 7, p. 448.
112 Cf. Guelphe W., « L’érémitisme dans le Sud Ouest de la Gaule », Annales du Midi, t. XCVIII, 1986, p. 293-315. Gabriel Fournier avance l’hypothèse selon laquelle le mouvement érémitique a favorisé la colonisation des territoires forestiers en basse Auvergne. Il s’appuie pour cela essentiellement sur l’hagiographie, notamment les récits de Grégoire de Tours. Fournier G., Le peuplement rural en Basse Auvergne durant le haut Moyen Âge, Paris, 1962.
113 Jonas, Vita Columbani, c. 6, p. 72, c. 10, p. 76. Même description à propos du site de Bobbio, Vita Columbani, c. 30, p. 107.
114 Vita Amati, c. 10, MGH SSRM 4, p. 219. Vita Germani Grandivallensis, c. 5, AA. SS. OSB II, p. 512. Vita Sadalbergae, c. 9, MGH SSRM 5, p. 49-66.
115 Vita Germani Grandivallensis, c. 7-8, AA. SS. OSB II, p. 512.
116 Grégoire, Decem libri…, VIII, 15, p. 380.
117 Par exemple, Grégoire, VP XI, p. 709-711 : de sancto Caluppane recluso ; VP XIV, p. 717-720 : de sancto Martio abbato. Voir encore la cellule d’Amatus près de Remiremont, vita Amati, c. 10, MGH SSRM 4, p. 219.
118 Grégoire, Decem libri…, II, 21, p. 67. GL. Conf. 22, p. 761.
119 Visio Baronti, 5, 1, MGH SSRM 5, p. 368-394.
120 Vita Bathildis, c. 8, MGH SSRM 2, p. 482-508.
121 Grégoire, Decem libri…, v, 7, p. 204. VP XV, p. 720. VP. XIII, p. 715. Voir aussi la description du site de la basilique Saint-Martin dans la Woëvre, où se réfugient Ursio et Berthefredus (Grégoire, Decem libri…, IX, 12, p. 371).
122 Vita Wandregiseli, c. 14, MGH SSRM 5, p. 1-24.
123 Vita Bertuini episcopi Maloniensis, c. 6, MGH SSRM 7, 1, p. 181.
124 Adson, Vita Frodoberti abb. Cellensis, c. 12, MGH SSRM 5, p. 78.
125 Ainsi que le rappelle Dieter von der Nahmer. « Solitudo und heremus sind in den Viten also keine siedlungsgeschichtlichen Termini sondern zunächst solche des asketischen Lebens », p. 110. « Die Klöstergründung « in solitudine » : ein unbrauchbarer hagiographischer Topos ? », Hessisches Jahrbuch für Landesgeschichte, XXII, 1972, p. 90-111.
126 Vita s. Lauteni, AA. SS novembre i, p. 285.
127 VPJ, c. 8, p. 247.
128 Jonas, Vita Colombani, c. 7, p. 73.
129 Jérôme, Epist. 125, 7 (d’après Matthieu 3, 4).
130 Sulpice Sévère, Vita Martini, 1-4, p. 275.
131 Jonas, Vita Iohannis abbatis Reomaensis, MGH SSRM 3, p. 507.
132 Grégoire, Decem libri…, V, 21, p. 229, et VIII, 34, p. 403.
133 Mais cela correspond aussi à la piètre opinion de Grégoire à propos des Bretons en général : pillards, aimant le vin et assez peu religieux. Cf. Riché P., « Grégoire de Tours et l’Armorique », Grégoire de Tours et l’espace gaulois, Gauthier N., Galinié H. (éd.), p. 26.
134 Grégoire le Grand, Dialogues, II, 1, 8, p. 137.
135 Grégoire le Grand, Dialogues, II, 2, 2, p. 139.
136 Grégoire R., « La foresta come esperienza religiosa », L’ambiente vegetale nell’alto medioevo, Spolète, 1990, p. 678.
137 Cf. Cottineau L. H., Répertoire topo-bibliographique des abbayes et prieurés, I, Mâcon, 1935, col. 405-412 (boscus). Pour « forêt », col. 1194-1195 ; pour les dérivés de « silva », col. 3037-3039.
138 Vita Gobani, c. 7, AA. SS. juin iv, p. 24.
139 Derville A., « Le marais de Saint-Omer », Revue du Nord, 1980, p. 78.
140 Paludosam tamen atque infructuosis arboribus occupatam. Vita Harlindis et Relindis (2de moitié IXe siècle) AA. SS. mars iii, p. 387 (BHL 3755). Cf. Dierkens A., « L’abbaye d’Aldeneik », Le Moyen Âge, 85, 1979, p. 405-407. L’analyse des pollens à Aldeneik a révélé 12 % de pollens de chêne et 7,5 % de pollen d’aulne.
141 Heuclin J., Aux origines monastiques de la Gaule du Nord. Ermites et reclus du Ve au Xe siècle, Lille, 1988, p. 67-81.
142 Baix F., « Saint Remacle et les abbayes de Solignac et de Stavelot-Malmédy », Revue Bénédictine, LXI, 1951, p. 167-207. Gauthier N., L’évangélisation des pays de la Moselle, op. cit., p. 310-312, 391-392. Vita Remacli episcopi et abbatis, p. 107-108. Vita secunda Remacli et gesta episcopum, par Hériger de Lobbes, c. 49, p. 185, c. 54, p. 187-188.
143 René Noël dresse un inventaire des analyses de dépôts polliniques dans « Moines et nature sauvage… », art. cit., p. 587. Pour le secteur de Malmédy et les abords de la vieille chaussée des Fagnes, quelques références récentes : Damblon F., « Étude palynologique comparée de deux tourbières du plateau des Hautes Fagnes de Belgique : la Fagne wallonne et la Fagne de Clefay », Bulletin du jardin botanique national de Belgique, XXXIX, 1969, p. 17-45. Bastin B., Juvigne E., « L’âge des dépôts de la vallée morte des Chôdires (Malmédy) », Annales de la société géologique de Belgique, ci, 1978, p. 289-304. Dalemans C., Streel M., « La via mansuerisca enfouie dans la Fagne des Wes, est mérovingienne, pas romaine », Hautes Fagnes, fasc. 184, 52e année, 1986, p. 93-102. Gerkens G., « La via mansuerisca est-elle mérovingienne ? », ibid., fasc. 189, 54e année, 1988, p. 2-4. Corbiau M.-H., « La via mansuerisca », Études archéologiques du tracé et des structures, Bruxelles, 1981 (Archaeologia Belgica CCXXXV), p. 27-29.
144 Je renvoie à nouveau vers l’article de René Noël, « Moines et nature sauvage…. », p. 577 et l’abondante bibliographie contenue dans les notes.
145 Higounet Ch., « Les forêts de l’Europe occidentale », op. cit., p. 385. Cf. aussi id. « L’Église et la vie rurale pendant le très haut Moyen Âge », Agricoltura e mondo rurale…, Spolète, 1960, p. 784-803.
146 Helvétius A.-M., Abbayes, évêques…, op. cit., p. 145.
147 Cardot F., L’espace et le pouvoir…, op. cit., p. 209-210.
148 Comme le rappelle Eugen Ewig, « Les Ardennes au haut Moyen Âge », Spätantikes… op. cit., p. 546. Saint Walfroy (nord d’Ivois), saint Monon (sud de Nassogne), saint Remacle (Cugnon)…
149 Cardot F., L’espace et le pouvoir…, op. cit., p. 210-212.
150 Cf. Munster, n ° 52, Bruckner A. (éd.), Regesta Alsatiae aevi Merovingi et Karolini (496-918), Strasbourg, 1949. Saint-Dié, n ° 47, Bruckner A. (éd.), op. cit. ; Montier-en-Der, no 423, Pardessus J. M. (éd.), Diplomata, chartae et instrumenta aetatis merovingicae, II, Paris, 1849.
151 Eigil, Vita sturmi, c. 5-13, MGH SS II, p. 367-371. Soldiers of Christ. Saints and saints’ Lives from late Antiquity and the early Middle Ages, Noble Th. F. X., Head Th. (éd.), Pennsylvanie, 2002, p. 169-176.
152 Wickham C., « European Forests in the early Middle Ages: Landscape and Land Clearance », op. cit., p. 481-484.
153 Engelbert P., Die Vita Sturmi des Eigil von Fulda, Marburg, 1968. Stengel E. E., Urkundenbuch des Klosters Fulda I, Marburg, 1958, no 6. Hahn H., « Die Ausgrabungen am Fuldaer Domplatz, 1953 », Skt Bonifacius. Gedenkgabe zum zwölfhundertjähringen Totestag, Fulda, 1954, p. 641-693. Id., « Eihloha-Sturm und das Kloster Fulda », Fuldaer Geschichtsblätter, lvi, 1980, p. 50-82. Brunert M. E., « Fulda als Kloster in eremo. Zentrale Quellen über die Gründung im Spielgel der hagiographischen Tradition », Kloster Fulda in der Welt der Karolinger und Ottonien, Schrimpf G. (éd.), Frankfurt, 1996, p. 59-78 (surtout p. 63-67). Id., Das Ideal der Wüstenaskese und seine Rezeption in Gallien bis zum Ende des 6 Jahrhunderts, Münster, 1994. Wood I., The Missionary Life. Saints and the Evangelisation of Europe 400-1050, Harlow, 2001, p. 68-72.
154 Dierkens A., Abbayes et chapitres…, op. cit., p. 312. Sato S., « Les implantations monastiques dans la Gaule du Nord : un facteur de croissance agricole au VIIe siècle ? Quelques éléments d’hypothèse concernant les régions de Rouen et de Beauvais », La croissance agricole du haut Moyen Âge. Chronologie, modalités, géographie, Flaran 10, Auch, 1990, p. 169-177. Guizard-Duchamp F., « Topographie et vision du “désert” dans les vitae occidentales (VIe-IXe s.) », Espaces représentés, espaces dénommés, Géographie, cartographie, toponymie, Herbin J.-Ch., Tamine M. (éd.), Presses Universitaires de Valenciennes, 2007, p. 229-242.
155 Cf. les résultats des fouilles de Mertens J., « Recherches archéologiques dans l’abbaye mérovingienne de Nivelles », Archaeologia Belgica 61, Bruxelles, 1962, p. 89-113.
156 Stiennon J., « Une description peu connue de l’Aquitaine par Hériger de Lobbes († 1007) », Annales du Midi, t. LXXII, 1960, p. 273-286. À l’opposé, si l’on se fie aux études toponymiques récentes, Mal(u) m und(a)-arium désignerait un endroit où règnent des eaux capricieuses ; Stabulum signifierait écurie, le suffixe-aus, ou-laus, qualifierait les bas-fonds, les lieux humides ou encore les forêts. Cf. Herbillon J., « Essai sur l’étymologie de Malmédy », Folklore Stavelot-Malmédy, t. XVIII, 1954, p. 49-54. Christophe R., « Malmédy ou Malmedy ? », Folklore Stavelot-Malmédy, t. XLIX, 1985, p. 5-11.
157 Halkin J., Roland C.-G., Recueil des chartes de l’abbaye de Stavelot-Malmédy, t. I, no 4, Bruxelles, 1909. Pour toutes les références aux sources cf. Müller-Kehlen H., Die Ardennen im Frühmittelalter. Untersuchungen zum Königsgut in einem karolingischen Kernland, Göttingen, 1973, Veröffentlichungen des Max Planck Instituts für Geschichte, no 38.
158 Art. cit., p. 321, dans Évangélisation des régions entre Meuse et Moselle et la fondation de l’abbaye d’Echternach (Ve-IXe siècle), Luxembourg, 2000. Voir aussi du même auteur « Saint Remacle, évangélisateur en Ardenne (vers 650). Mythe et réalité », La christianisation des campagnes, Bibliothèque de l’Institut historique belge de Rome, t. XXXVIII, Bruxelles-Rome, 1996, p. 47-70.
159 Ozer A., « Pourquoi Remacle à Stavelot-Malmédy ? Explication géologique », Évangélisation des régions entre Meuse et Moselle, op. cit., p. 339-340.
160 Halkin J., Roland C.-G., no 1, p. 3-4.
161 Matthys A., Hossey G., « Sondage dans un oppidum protohistorique à Cugnon », Archaeologia Belgica, fasc. 196, Bruxelles, 1977, p. 25-27. Id., « L’oppidum du Trinchi à Cugnon », ibid. fasc. 215, Bruxelles, 1979, p. 5-23. Noël R., Quatre siècles de vie rurale entre la Sémois et la Chiers (1050-1470) I : Connaissance des hommes et des choses, Louvain, 1977, p. 79-84. Id., « Moines et nature sauvage.. », art. cit., p. 31-32.
162 Gauthier N., Évangélisation des pays de la Moselle…, p. 311-312. Werner M., Der lütticher Raum im frühkarolingischer Zeit. Untersuchungen zur Geschichte einer karolingischen Stammlandschaft, Göttingen, 1980, p. 359.
163 Ainsi que le remarque également A.-M. Helvétius pour les fondations dans le Hainaut. Abbayes, évêques…, op. cit., p. 146-147.
164 VPJ, c. 6, p. 244. C’est l’impression donnée en effet par le site de la ville de Saint-Claude. Ibidem, c. 7, p. 246.
165 Jonas, Vita columbani, c. 14, p. 80. Cf. De Vogüé A., Vie de Colomban et de ses disciples, note 6 p. 126.
166 Cf. Lebecq S., « Entre Antiquité tardive et très haut Moyen Âge : permanence et mutations des systèmes de communications dans la Gaule et ses marges », op. cit., p. 489-499 (ici, p. 489). Les fondations furent tout aussi nombreuses sur le littoral.
167 Gesta abbatum Fontanellensium, I, c. 5, Lohier F., Laporte J. (éd.), Rouen-Paris, 1936, p. 7. Même intérêt pour la navigation dans Vita Philiberti, c. 7, MGH SSRM 5, p. 588.
168 Pricoco S., « Le transformazioni del monachesimo », art. cit., p. 754. En Égypte d’ailleurs, le désert n’est pas très loin des zones habitées ; les laures et les monastères se nichent dans les banlieues. Cf. Wipszycka E., « Le monachisme égyptien et les villes », Études sur le christianisme dans l’Égypte de l’Antiquité tardive, Rome, 1996, p. 281-336.
169 Noël R., « Moine et nature sauvage… », art. cit., p. 591.
170 Gesta pontificum Autissiodorensium I, Lobrichon G., Goullet M. (éd.), Paris, 2002, p. 55. Les éditeurs indiquent que cette église se trouve au sud-ouest de la cité, sur la nécropole antique du Mont Artre. Cela dit, aucun texte ne vient confirmer cette existence recluse, la BHL ne signale aucun Ursus à Auxerre. Cf. AA. SS. juillet vii, p. 158.
171 Head Th., Hagiography and the cult of saints. The diocese of Orléans 800-1200, Cambridge, 1990, p. 108.
172 VPJ, c. 5, p. 244.
173 « Ermite », DHAE, 15, Paris, 1963, p. 771.
174 Lusse J., Naissance d’une cité… op. cit., cartes no 32, p. 200 et no 35, p. 264.
175 MGH SSRM 7, p. 181.
176 Les exemples de Lobbes et de Malonne sont étudiés par Dierkens A., Abbayes et chapitres…, op. cit., p. 312-314.
177 Vita Amati, MGH SSRM 4, p. 215-221.
178 Voir les chapitres 4 et 6 de la Passio Acaunensium martyrum par Eucher de Lyon (MGH SSRM 3, p. 34-35) et l’évocation de ce texte dans le prologue de la Vita Patrum Jurensium. Eucher décrit avec une certaine précision la topographie du site (c. 5, p. 34).
179 VPJ, c. 6, p. 245.
180 VPJ, c. 9, p. 248 (cf. aussi c. 13, p. 254).
181 VPJ, c. 25 et 60, p. 264-265 et 304.
182 Wettinus, Vita Galli, c. 10, p. 262 ; WalahfridStrabon, Vita Galli, I, 30, p. 291-292.
183 Jonas, Vita Columbani, I, 6-7, p. 72-74.
184 Ibidem, I, 10, p. 76.
185 Ibidem, I, 30, p. 106-107.
186 Jaton P., Eggenberger P., Sarott J., Weidmann D., « Chronique archéologique 1988 », Revue historique vaudoise, t. 97, 1989, p ; 158-163 ; « Chronique archéologique 1989 », ibidem, t. 98, 1990, p. 132-134 ; « Chronique archéologique 1990 », ibidem, t. 99, 1991, p. 178-181.
187 AA. SS. janvier ii, p. 382, col. 2.
188 Santschi C., « La solitude des ermites. Enquête en milieu alpin », Médiévales, 28, printemps 1995, p. 29.
189 Jean Heuclin a déjà tenté d’explorer la vie quotidienne des ermites. Il n’y parvient pour la période allant du IXe au XIe siècle qu’en utilisant des sources postérieures. Heuclin J., Aux origines monastiques…, op. cit., p. 235-242.
190 Rouche M., « Haut Moyen Âge occidental », Histoire de la vie privée I : de l’empire romain à l’an mil, Ariès Ph., Duby G. (éd.), Paris, nouv. éd. 1999, p. 439.
191 Gauthier N., L’évangélisation des pays de la Moselle…, op. cit., p. 246.
192 Vita Genofevae, MGH SSRM 4, p. 226.
193 Elbern V. H., « Le fragment du saint Syméon à l’hypogée de poitiers », Bulletin de la société des antiquaires de l’Ouest, 9, 1967, p. 255-266.
194 Grégoire R., « La foresta come esperienza religiosa », art. cit., p. 685-686.
195 Dans l’arrondissement d’Hazebrouck, sur l’actuelle commune de Steenvoorde. Cf. Vita Vulmarii, c. 7, AA. SS. juillet v, p. 85.
196 Vita Lonoghylii (fin VIIIe-IXe s.), c. 5, MGH SSRM 7, p. 435.
197 Sainsaulieu J., « Ermites », DHGE 15, Paris, 1963, p. 776.
198 Sulpice Sévère, Vita Martini, X, 4-5, p. 274.
199 Grégoire, VP XX, p. 741-744. Aux confins du territoire de Clermont, saint Caluppan vit en ermite puis opte pour la réclusion dans sa grotte voisine du monastère de Méallet. Grégoire, VP XI, p. 709-711.
200 Grégoire, VP XIV, 1, p. 717.
201 Vie de Jean, abbé du monastère de Gorze († 975), Parisse M. (éd.), Paris, 1999, p. 66-67.
202 Chronique des abbés de Fontenelle, III, 2, Pradié P. (éd.), Paris, 1999, p. 42-43. Cette « grotte à Milon », où la tradition a placé le séjour de l’ermite a existé assez longtemps sur les bords de la falaise dominant la Seine, sur la rive droite de la Rançon. Cf. Lohier F., Laporte J., Gesta abbatum Fontanellensis, p. 25, note 56.
203 Vita Amati, c. 10, MGH SSRM 4, p. 219. Besson M., « Amé », DHGE I, col. 1143-1144.
204 Vita Samsoni, AA. SS. OSB I, p. 165-186. Jonas, Vita Columbani, c. 8-9, p. 74-75. La grotte dite de saint Colomban domine le Breuchin sur sa rive droite à trois kilomètres au nord-ouest d’Annegray.
205 Hubert J., « L’érémitisme et l’archéologie. Bibliographie et méthode », L’eremitismo in occidente nei secoli XI e XII, Miscellanea del centro di studi medioevali iv, Milan, 1965, p. 462-484 (ici p. 463-464). Cf. aussi Buisson A., « Les grottes refuges d’époque romaine dans le Jura méridional et les Alpes du Nord françaises », Peuplement et exploitation du milieu alpin (Antiquité et haut Moyen Âge), Caesarodunum 25, 1991, p. 51-67.
206 VPJ, c. 25, p. 266. Des fouilles ont montré que ces cavernes ont été effectivement occupées… mais aux temps préhistoriques.
207 Jonas, Vita columbani, c. 10, p. 76.
208 Grégoire, VP XV, p. 720-724.
209 Grégoire, VP I, 1, p. 663-664.
210 Grégoire, Decem libri…, VI, 37, p. 277-278.
211 Jonas, Vita Columbani, c. 21 p. 90.
212 Cf. « Translatio sancti Viviani episcopi in coenobium Figiacense et ejusdem ibidem miracula », Anal. Boll. 8, 1899, p. 263-265 (vers 980). Cf. Lauranson-rosaz C., dans Autour de Gerbert d’Aurillac, le pape de l’an Mil, Guyotjeannin O., Poulle E. (éd.), Paris, 1996, p. 121-124.
213 VPJ, c. 7, p. 246. Cf. Jérôme, Vita Pauli, c. 5, PL 23, col. 21.
214 VPJ, c. 12, p. 252.
215 Cf. Lorren C., Périn P., « Images de la Gaule rurale au VIe siècle », Grégoire de Tours et l’espace gaulois… op. cit, p. 94.
216 Vita Richarii, c. 12, MGH SSRM 4, p. 397.
217 Vita Arnulfi, c. 21, MGH SSRM 2, p. 441.
218 Vita Wynnebaldi, c. 7, MGH SS XV, 1, p. 111.
219 Meuret J.-C., Peuplement, pouvoir et paysage… op. cit., p. 477.
220 Helvétius A.-M., « Le saint et la sacralisation de l’espace en Gaule du Nord d’après les sources hagiographiques (VIIe-XIe siècles) », Le sacré et son inscription dans l’espace à Byzance et en Occident. Études comparées, Kaplan M. (éd.), Paris, 2001, p. 140-141.
221 Louis E., « Aux débuts du monachisme en Gaule du Nord : les fouilles de l’abbaye mérovingienne et carolingienne de Hamage (Nord) », Clovis, II : Le baptême de Clovis, son écho à travers l’histoire, p. 843.
222 Peers C., Raleigh-Redford C.-A., « The Saxon Monastery of Whiby », Archaeologia, LXXXIX, 1943, p. 27-88. Herity M., « Les premiers ermitages et monastères en Irlande 400-700 », Cahiers de civilisation médiévale, XXXVI, 3, 1993, p. 219-261.
223 Wohn-und Wirtschaftsbauten frühmittelalterlicher Klöster, Sennhauser H. R. (éd.), Zürich, 1996.
224 À Landévennec, la fouille entreprise n’a retrouvé que peu de choses des bâtiments claustraux les plus anciens. Bardel A., « L’abbaye de Saint-Gwénolé de Landévennec », Archéologie médiévale XXI, 1991, p. 51-102.
225 AA. SS. mai iii, p. 81-88. Un autre document du haut Moyen Âge concerne Hamage, il s’agit d’un diplôme de Charles le Chauve. Cf. Tessier G., Recueil des actes de Charles ii le Chauve, Paris, 1952, II, no 435, p. 471-475.
226 Louis E., « Wandignies-Hamage, ancienne abbaye de Hamage », Archéologie en Nord-Pas-de-Calais, DRAC, Villeneuve d’Ascq, 2002. Id., « Fouilles de l’abbaye méovingienne puis carolingienne de Hamage », Handelingen de Maatschappij voor Geschiedenis en Oudheikunde te Gent, Gand, 1996, p. 45-69. Id., « Archéologie des bâtiments monastiques, VIIe-IXe s. Le cas de Hamage (France, département du Nord) », Religion and belief in medieval Europe, De Boe G., Verhaeghe F. (éd.), Zellik, 1997, p. 55-63. Id., « Hamage (Nord), Espaces et bâtiments claustraux d’un monastère mérovingien et carolingien », Pratique et sacré dans les espaces monastiques au Moyen Âge et à l’époque Moderne, Racinet Ph. (éd.), Histoire médiévale et archéologie, 9, p. 73-97.
227 L’on peut aussi regarder du côté des cellules (casae, domunculae) des Îles Britanniques. Cf. Herity M., art. cit., p. 219-261. Peers C., art. cit., p. 27-88.
228 VPJ, c. 7, p. 246.
229 Grégoire, VP, XIII, p. 715.
230 Grégoire, Decem libri…, v, 10, p. 204.
231 Meuret J.-C., Peuplement, pouvoir et paysage…, op. cit. p. 478. En tassant dans un récipient des feuilles de frêne séchées recouvertes d’un peu d’eau et laissées fermentées quelques jours.
232 Cf. Riché P., L’empire carolingien (VIIIe-IXe s.), Paris, nouv. éd. 1994, p. 207.
233 Vita Amati, c. 10, MGH SSRM 4, p. 219.
234 Grégoire, Decem libri…, V, 10, p. 204. VP IX, p. 702-705.
235 Grégoire, Decem libri…, IV, 32, p. 166.
236 Grégoire, VP XV, 1, p. 720. Selon une tournure que l’on retrouve dans d’autres vitae, le régime au pain d’orge et à l’eau est celui aussi de saint Marcoul. Vita Marculfi, c. 10, AA. SS. mai i, p. 74 (panis hordeaceus… et aqua).
237 Grégoire, Decem libri…, II 15, p. 64 ; x 8, p. 490. Gl. Conf. 31, p. 767 ; 98, p. 811.
238 Grégoire, Gl. Mart. 80, p. 542. Decem libri…, VI, 6. Gl. Conf. 1, p. 748.
239 Jonas, Vita Columbani, c. 27, p. 104. Même si le miracle est une réécriture biblique.
240 Cf. Jonas, Vita Columbani, c. 11, p. 77. Vita Condedi, c. 6, MGH SSRM 5, p. 648.
241 Grégoire, Gl. Conf. 96, p. 809.
242 Sur l’alimentation végétale des anachorètes, voir Montanari M., « Vegetazione e alimentazione », L’ambiente vegetale, op. cit., p. 281-288. Id., Alimentazione e cultura nel Medioevo, Rome-Bari, 1988.
243 Grégoire, Gl. Conf. 80, p. 798.
244 Jonas, Vita Columbani, c. 9, p. 75 (aussi c. 27, p. 103). Cette baie noire de la famille des éricacées se trouve en abondance dans les Vosges aux altitudes fréquentées par le saint irlandais. Dans la région elle est encore appelée blue ou belue, au Canada bleuet.
245 Grégoire leGrand, Dialoguesiii, 26, 3, p. 367. Le solitaire Ménas doit protéger ses ruches de la gourmandise des ours.
246 Meuret J.-C., Peuplement, pouvoir et paysage…, op. cit., p. 478.
247 Grégoire, Virt. Mart. iv, 15. Gl. Conf. 82, p. 800.
248 Le reclus Jean, qui s’installe à Chinon en face de l’église, aménagea un petit verger à côté de sa cellule. Grégoire, Gl. Conf. 23, p. 762. C’est aussi le cas d’Aemilianus, VP XII, p. 711.
249 Grégoire, VP XIV, 2, p. 718.
250 Chronique des abbés de Fontenelle, III, 2, p. 44-45.
251 VPJ, c. 10, p. 250.
252 Grégoire, VP XX. Cf. aussi VPJ, c. 11, p. 252 et les commentaires de F. Martine. Voir encore Prinz F., Frühes Mönchtum in Frankenreich. Kultur und Gesellschaft in Gallien, den Rheinlanden und Bayern am Beispiel der monastischen Entwicklung (4 bis 8 Jahrhundert), Munich-Vienne, 1965, p. 68.
253 Il lit sur un tronc de chêne couché (vita Columbani, c. 28, p. 104). Une autre fois, il se promène en forêt portant un livre sur l’épaule (ibidem c. 8, p. 74. Cf. aussi Adamnan, Vita Columbae II, c. 8-9, de Smedt C., de Backer J. [éd.], Edimbourg-Londres, 1888. Le livre est porté dans un sacculus de cuir pendant à l’épaule.). Ibidem, c. 17, p. 83.
254 Vita prima Vulmari, c. 3, Anal. Boll. 3, 1884, p. 451. Cf. Brouette E., « Vulmaro », Bibliotheca Sanctorum, 12, Rome, 1969, col. 1370-1371. Van der Essen L., Études critiques…, op. cit., p. 412-414. Helvétius A.-M., Abbayes, évêques…, op. cit., p. 87-88.
255 Grégoire, Decem libri…, v, 10, p. 200.
256 Par exemple Grégoire, VP I, 1, p. 663 ; XII 1, p. 711. Un des exemples les plus spectaculaires se déroule en Italie. Saint Frigdianus entreprend un véritable aménagement du territoire dans la région de Lucques en ordonnant à la rivière Ausarit de suivre le tracé nouveau qu’il marque depuis son lit avec un petit râteau. L’Ausaris ou Auser, l’actuel Serchio, se jetait alors dans l’Arno, tandis qu’aujourd’hui il débouche dans la mer. Grégoire le Grand, Dial., III, 9, 3, p. 289.
257 VPJ, c. 10, p. 248.
258 Doloires (dolabra) VPJ, c. 13, p. 254. Râteau (rastrum), Grégoire, VP IX, 2, p. 702. Coin et masse (cuneis arieteque…) Vita Columbani, c. 15, p. 81. Gants (wantos) Vita Columbani, c. 15, p. 81 ; Vita Filiberti, c. 11, MGH SSRM 5 ; Vita Betharii, c. 9, MGH SSRM 3, p. 617.
259 Grégoire, VP, XIV, p. 718.
260 Cf. Biarne J., « L’espace du monachisme gaulois au temps de Grégoire de Tours », Grégoire de Tours et l’espace gaulois, op. cit., p. 128.
261 Biarne J., « Cloître, clôture et peregrinatio, la frontière spirituelle du moine dans le monde antique d’Occident », Frontières terrestres, frontières célestes dans l’Antiquité, Rousselle A. (éd.), Perpignan, 1995, p. 389-407. Voir aussi Verdon J., « Grégoire de Tours et la vie monastique au VIe siècle. Structures sociales et mentales », Revue Mabillon, vol. 61, no 311-312, 1988, p. 339-354.
262 Grégoire, VP, XII, p. 711-715.
263 Par exemple, Vita Columbani, c. 13, p. 78 ; c. 15, p. 81 ; Vita Germani Grandivallensis, c. 5, AA. SS. OSB II, p. 512.
264 VPJ, c. 52, p. 296 ; ibid. c. 57, p. 300. Des tuyaux de bois sont aménagés plus tard, alimentant depuis une source le monastère de Condat, comme on peut encore en voir dans le haut Jura.
265 Vita Germani Grandivallensis, c. 9, p. 513. Cf. Pyke J., « Germain de Moutier-Grandval », DHGE, col. 911-914.
266 Cf. Sato S., « Les implantations monastiques dans la Gaule du Nord… », art. cit., p. 169-177.
267 Grégoire, VP, XV, 3, p. 724.
268 Lebecq S., « Entre Antiquité tardive et très haut Moyen Âge… », art. cit., p. 490-491. Voir aussi Corbiau M.-H., La « via manuserisca », Étude archéologique du tracé et des structures, Bruxelles, 1981, Archaeologica Belgica, CCXXXV. Noël R., « Moines et nature sauvage… », art. cit., p. 563-597. Dierkens A., Abbayes et chapitres entre Sambre et Meuse (VIIe-XIe siècles). Contribution à l’histoire religieuse des campagnes du haut Moyen Âge, Sigmaringen, 1985. Helvétius A.-M., Abbayes, évêques et laïques. Une politique du pouvoir en Hainaut au Moyen Âge (VIIe-XIe siècles), Bruxelles, 1994.
269 Devroey J.-P., « Le service du transport à l’abbaye de Prüm au IXe siècle », Revue du Nord, 1979, p. 543-559.
270 Vita Amandi, MGH SSRM 5, p. 427.
271 Vita Bertuini, c. 6, MGH SSRM 7, p. 181.
272 Noël R., « Pour une archéologie de la nature… », art. cit., p. 769.
273 Vita sancti Bertuini episcopi Maloniae in territorio Namurcensis quiescentis, Poncelet A. (éd.), Anal. Boll. 6, 1887, p. 20-21 et 25-26.
274 Heuclin J., Aux origines monastiques… op. cit., p. 80.
275 Cf. Moyse G., « Les origines du monachisme dans le diocèse de Besançon (Ve-Xe s.) », BEC, 131, 1973, p. 1-120.
276 VPJ, c. 14-15, p. 256. Il s’agit peut-être en l’occurence du chemin du Bugnon.
277 Cf. Ewig E., « Les Ardennes au haut Moyen Âge », Spätantikes und fränkisches Gallien. Gesammelte Schriften (1952-1973), Munich, 1976, p. 523-552. Cardot F., L’espace et le pouvoir…, op. cit., p. 218.
278 Ortalli G., « Gli animali nella vita quotidiana dell’alto medioevo. Termini di un rapporto », Lupi genti culture. Uomo e ambiente nel Medioevo, Turin, 1997, p. 49-50.
279 Comme c’est la cas pour la vita Sturmi. Cf. Brunert M. E., « Fulda als Kloster in eremo… », art. cit., p. 67.
280 En dernier lieu Wood I., The Missionary Life, op. cit., p. 18-20 et p. 68-72.
281 Vita Sturmi († 779), c. 8, MGH SS ii (BHL 7924).
282 Je ne partage donc pas l’interprétation faite par Pierre Boglioni (qui reprend vraisemblablement les propos de G. Ortalli). Boglioni P., « Les animaux dans l’hagiographie monastique », L’animal exemplaire au Moyen Âge Ve-XVe s., Rennes, 1999, p. 69.
283 Vita Sturmi, c. 7-8, p. 40.
284 Jonas, Vita Columbani, I, 17, p. 85.
285 Vita Aemiliani, Anal. Boll. 13, p. 437.
286 Grégoire, VP XV, 1, p. 720.
287 VPJ, c. 64, p. 310. Voir aussi saint Oyend (VPJ, c. 129, p. 379).
288 Peut-on aller jusqu’à dire que ces exercices témoignent des conditions climatiques plus rudes de l’époque mérovingienne ? Non. Un mauvais hiver n’a jamais fait un âge glaciaire. Noël R., « Moine et nature sauvage… », art. cit., p. 576.
289 Vita Opportuna, c. 7, AA. SS avril iii, p. 64. Constance de Lyon dit la même chose de Germain d’Auxerre. Vie de saint Germain d’Auxerre (vita de 475-480), I, c. 4, p. 126.
290 Grégoire, Decem libri…, VIII, 15.
291 Vita s. Landiberti (vers 730), c. 6, MGH SSRM 6, p. 359. Voir aussi le martyre par le froid des quarante huit martyrs d’Arménie exposés nus sur un lac gelé de montagne pour leur faire abjurer leur foi (Grégoire de Tours, Gl Mart, 96).
292 Jean Cassien, Conférences, XXIV, 8, Pichery E. (éd.), Paris, 1955-1959, t. III, p. 178-179.
293 VPJ, c. 113, p. 356.
294 VPJ, c. 23, p. 262-264.
295 Lusse J., Naissance d’une cité…, op. cit., p. 201-202.
296 Heuclin J., Aux origines monastiques… op. cit., p. 74.
297 Fait évoqué par Hatton E., « Arnoul », DHGE, col. 614.
298 Jonas, Vita Columbani, c. 7, p. 73.
299 Sulpice Sévère, Vita Martini, v, 5, p. 266 (cf. Fortunat, Vita Martini, v. 149-154, Paris, 1996). Cette plante herbacée de la famille des renonculacées est une vivace dont la racine possède des propriétés purgatives et vermifuges. Mais la plante contient aussi de l’helléborine, un poison violent qui agit sur le cœur et paralyse le système nerveux.
300 Rois I, 16, 11. Cf. Voisenet J., Bêtes et hommes…, op. cit., p. 234.
301 Vita Leobini, MGH AA IV, 2, p. 73. Vita Medardi, MGH AA IV, 2, p. 68. Vita Vulmari, c. 4, AA. SS. juillet v, p. 85. Cf. Graus F., Volk, Herrscher… op. cit., p. 288.
302 Penco G., « Il senso della natura nell’agiografia monastica occidentale », Studia monastica, XI, 1969, p. 7-17.
303 Cf. Grégoire R., « Il contributo… », art. cit., p. 348.
304 Wickham C., « European forests… », art. cit., p. 484. Von der Nahmer D., « Die Kloster-gründung “in solitudine”… », art. cit., p. 90-111.
305 Comme le montre Noël R., « Pour une archéologie de la nature dans le nord de la Francia », L’ambiente vegetale nell’alto Medioevo, Spolète, 1990, p. 769.
306 Jonas, Vita Columbani, c. 17, p. 83.
307 Palustria plena longissimis rauseis virgultis… Cf. Lebecq S., « Vulfram, Willibrord et la mission de Frise : pour une relecture de la vita Vulframni », Évangélisation des régions entre Meuse et Moselle, op. cit., p. 444.
308 Sans avoir observé les loups, il est probable que l’auteur a observé un chien (le sien ?). Vita Treverii, I, 5, AA. SS. janvier ii, p. 34.
309 Wettinus, Vita Galli, c. 10, MGH SSRM 4, p. 262. Vita Sturmi, c. 7, p. 139. Cf. Brunert M. E., « Fulda als Kloster in eremo… », art. cit., p. 71.
310 Bède, Vita Cuthberti metrica, c. 135, PL 94, col. 579.
311 Grégoire R., « Il contributo… », art. cit., p. 349. Curtius E. R., La littérature européenne et le Moyen Âge latin, Paris, 1956, p. 228.
312 VPJ, c. 57, p. 302.
313 Orderic Vital, Histoire Ecclésiastique, Le Prévost A. (éd.), Société de l’histoire de France, 5 vol. , Paris 1838-1855, t. III, p. 56. La vita Ebrulfiutilisée et interpolée par Orderic Vital dérive d’un texte plus ancien, peut-être antérieur au IXe siècle. Cf. Arnoux M., « Perception et exploitation d’un espace forestier : la forêt de Breteuil (XIe-XVe siècles) », Espaces du Moyen Âge, Médiévales, no 18, printemps 1990, p. 19 et note 13. Chibnall M., « The merovingian monastery of Saint-Evroul in the light of conflicting traditions », Studies in Church History, VIII, Cambridge, 1972, p. 31-40.
314 Despy G., « À propos de “déserts” dans les campagnes au XIIe siècle », Campagnes médiévales : l’homme et son espace, 1995, p. 559.
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