Chapitre IV. Matière du sauvage et récits hagiographiques
p. 137-189
Texte intégral
1À travers la diversité de l’œuvre hagiographique les auteurs cherchent à montrer les fonctions sotériologique, magique et sociale qui caractérisent la sainteté. Les espaces du sauvage participent à la mise en valeur de ces fonctions et reçoivent en retour une valorisation spirituelle, positive ou négative, qui les marquent pour longtemps. Si le miracle se définit principalement par l’admiratio, qui doit éveiller et produire un enseignement, alors l’espace sauvage est à même de susciter cette admiration. Dans quelle mesure les fléaux, les accidents climatiques, le déchaînement sauvage de la nature sont-ils liés pour les chrétiens à l’action du diable ou au contraire à l’action de Dieu1 ?
2Rien ou presque n’est écrit par hasard dans les vies de saints. L’auteur utilise la matière du sauvage comme un argument. Au VIe siècle le miracle devenant un élément majeur dans tous les récits hagiographiques, les auteurs multiplient les situations mettant le héros aux prises avec son milieu. Grégoire de Tours, qui a la conviction que Dieu intervient constamment dans la réalité de tous les jours, nous en donne un florilège presque complet (tempête, jaillissement de sources, végétaux merveilleux, faune…). À l’époque carolingienne, des réserves explicites apparaissent contre le miracle sous la plume de penseurs tels Alcuin et Agobard de Lyon. À partir de 850 environ, un courant à nouveau favorable aux miracles revient, mais sont privilégiés désormais les « miracles spirituels2 ». Ainsi s’explique la diminution du nombre de mises en scène spectaculaires et de rencontres fabuleuses dans les vies de saint au cours de notre période. Cette évolution, associée au fait que le latin à partir du VIIIe siècle n’est probablement plus compris de la population, a pour conséquence un apauvrissement de la matière sauvage dans les récis hagiographiques. Il n’est plus nécessaire de chercher à édifier le fidèle par des récits auxquels ils n’accèdent plus, tandis que l’érémitisme n’est plus érigé en exemple de vie religieuse.
Lieu de combat
Terre sauvage, terre de mission
Détruire les fana
3En annonçant vouloir détruire les bois sacrés et en substituant le culte des saints à celui des fontaines et des sources, l’Église s’est lancée dès la fin de l’Antiquité dans une entreprise de longue haleine. Le but n’était rien moins que l’anthropomorphisme de l’univers à défaut de soumettre à l’homme le monde naturel3. Cela dit, on peut se demander s’il s’agit à chaque fois d’une authentique lutte pour éliminer d’anciennes croyances4. Dans la littérature hagiographique occidentale, le lieu commun de l’éradication du paganisme (des fana remplacés par ecclesias aut monasteria), dont le modèle est la vie de saint Martin de Tours par Sulpice Sévère, est un bon prétexte pour évoquer une vague action missionnaire dans une région encore peu quadrillée par les églises. Alors que le saint de l’Antiquité Tardive est un adepte de la vita passiva, cherchant la perfection par le renoncement au monde, l’Occident du Haut Moyen Âge est surtout marqué par la figure des chefs religieux et des fondateurs profondément engagés dans la vie active. La plus importante contribution des moines hors de leur monastère est l’entreprise missionnaire, motivée tant par le désir ardent de convertir les populations non encore chrétiennes que pour la recherche de la vie ascétique dans l’exil et l’expatriation5.
4Dans la préface des Vitae Patrum, Grégoire de Tours déclare qu’il écrit son œuvre hagiographique dans le but de renforcer la foi de ses ouailles, sans mentionner de conversion de païens. Pourtant dans un passage du De gloria martyrum, il dit : « À ce nom (de chrétien), les ténèbres s’éclairent, les serpents s’enfuient, les idoles sont renversées, le devin se tait, le sorcier se consume, les sectateurs des démons sont chassés6. » L’aide de Dieu est indispensable pour effacer du paysage ces traces d’antiques croyances. À huit milles du castrum d’Eposium sur une montagne où le peuple adore une statue de Diane, Vulfilaicus raconte que dans un premier temps la statue ne vacille pas malgré les efforts des gentils convaincus de leur erreur. Il faut ajouter une prière dans la basilique voisine pour parvenir à abattre l’idole7. Le récit de Vulfilaicus est souvent cité comme un témoignage des survivances païennes dans la région d’Ardenne à la fin du VIe siècle. C’est le seul exemple donné par Grégoire de Tours, assimilable à un paganisme encore actif à son époque. Le reste du temps, ce problème ne le préoccupe guère8.
5Si, en amont, on retrouve les exemples bibliques, en particulier la colère de Jésus chassant les marchands du Temple, la lutte héroïque du saint contre l’idolâtrie s’inspire souvent du même modèle : la vie de saint Martin écrite par Sulpice Sévère vers 3979. De nombreuses grandes vitae du nord du royaume des Francs poursuivent ce modèle : la vie de saint Germain d’Auxerre écrite peu après la mort du saint en 448 par Constance de Lyon ; la vie de saint Marcel de Paris, écrite par Venance Fortunat vers 576 ; les vies de saints qui ont vécu entre le IIe et le VIe siècle par Grégoire de Tours. D’autres vies de saints comme celle de saint Lucius, roi breton parti convertir la Rhétie, c’est-à-dire la Suisse, de sainte Radegonde, épouse du roi Clotaire Ier et morte à Poitiers en 587, saint Romain de Rouen et de son successeur saint Ouen, adversaires des restes de paganismes dans la basse Seine. À partir du VIe siècle, les missions d’évangélisation se déplacent vers le nord10 : saint Amand († 647) obtient de l’évêque de Noyon et du roi Dagobert ier la mission de convertir les populations vivant dans la Belgique actuelle11. Saint Éloi, évêque de Noyon et de Tournai de 641 à 660, poursuit cette action vers la Flandre. Viennent ensuite la Frise et la Thuringe, puis la Saxe au VIIIe siècle. L’invasion des Normands est vécue de ce point de vue comme un retour en arrière, et il faut d’autres apôtres héroïques pour adoucir les mœurs de des nouveaux barbares. La vie de saint Martin de Vertou, près de Nantes au IXe siècle, renoue avec les thèmes mis à l’honneur dans le récit de Sulpice Sévère. La vie de saint Boamirus solitaire et abbé dans le Maine au VIe siècle, écrite sans doute au IXe siècle, évoque le temps du paganisme selon une présentation ayant un parfum de déjà vu, le modèle ayant subi aucune retouche à l’époque carolingienne : le saint détruit un fanum pagarorum mêlant constructions, arbres et pierres12.
6Dans la plupart des cas, les thèmes sont semblables : l’éradication du paganisme passe par la destruction des fana, quitte à laisser l’incendie se propager aux maisons alentour13. Sur le modèle de saint Martin, saint Maurille attiré par la réputation de l’évêque de Tours détruit des fana non loin de Chalonnes-sur-Loire invoquant la colère céleste, ignis de caelo, tel un nouvel Élie14. Les divinités des panthéons anciens sont ravalées au rang de simples avatars du diable en personne15.
7La sauvagerie des lieux et la férocité des mœurs sont associés volontiers à l’univers païen, l’inverse est loin d’être vrai. S’il est question comme dans la Vita Audoini, de transformer la plus féroce sauvagerie des Francs en douceur et d’éradiquer leurs rites païens16 (les mêmes remarques se retrouvent dans la Vita Gaugerici episcopi Viennensis et la Vita Wandregiseli abbatis Fontanellensis17), la destruction des fana est en général évoquée en peu de mots dans les vies mérovingiennes, et selon des formules qui se répètent. Dans la vita Landiberti vetustissima, écrite au début du VIIIe siècle, l’auteur raconte que, alors qu’il traversait la Toxandrie, le saint détruit plurima templa et simulacra18. Saint Hubert d’Ardenne († 727) lors de sa mission évangélisatrice détruit plurima simulacra et multa sculptilia… et sanctuaria per diversa loca en Toxandrie, en Ardenne et dans le Brabant actuel19.
8C’est un thème que l’on retrouve, comme un morceau de bravoure, dans les vies écrites à l’époque carolingienne. Gall doit détruire des fana avant d’établir un monastère sur le lieu qu’il avait choisi20. Amand participe à ce combat héroïque contre le paganisme, dans une vita du VIIIe siècle21. L’épisode se retrouve dans la vita Bavoni, écrite au temps de Louis le Pieux22, dans la vita Walarici23 et dans la vita Audomari24, toutes deux du IXe siècle25.
Forêts, lacs et cours d’eau, grottes
9Les exemples d’arbres abattus sont nombreux. La vie de saint Martin est une fois de plus le modèle. Ne pouvant empêcher le saint de couper leur pin sacré, les gentils abattent eux-mêmes l’arbre, espérant que dans sa chute, le pin écrase l’homme de Dieu. L’épreuve prend alors le caractère d’une ordalie opposant le génie local à la virtus Dei. Par un signe de croix, le pin qui s’abat sur Martin est rejeté par une rafale de vent dans une autre direction26. L’évêque d’Auxerre Amator († 418) fait abattre et brûler l’arbre qui recevait les dévotions des chasseurs, pour contraindre Germain à se convertir, Dieu ayant révélé qu’il serait le prochain évêque d’Auxerre27. La vie de saint Valéry du début du VIIe siècle raconte comment les habitants de la vallée de la Bresle, près d’Eu en Normandie, bien qu’ils fussent déjà baptisés, vénéraient un énorme tronc d’arbre, que le saint fait abattre au péril de sa vie28. Amand fait détruire un arbre dans le pagus de Beauvais en un lieu nommé Ressons (Ressons-sur-Matz dans l’Oise) au bord de l’Aronde. Il convainc une femme aveugle (rendue aveugle par les ténèbres du paganisme) d’abattre ce nefandem arborem, ce qui lui rend aussitôt la vue29. Saint Boniface abat aussi un chêne d’une taille extraordinaire en Germanie, alors haut lieu du paganisme, « Geismar, que les païens vénéraient comme le chêne de Jupiter ». Abattu, les poutres servent à l’édification d’un oratoire dédicacé à saint Pierre Apôtre30. Dans une vita du Xe siècle encore, saint Maurille († vers 453) détruit dans le pagus Commonicus divers arbres dans un bois sacré31.
10L’eau peut manifester également la présence d’un sacré qui n’est pas celui des chrétiens. Lorsque les marins du bateau, où est monté saint Amand de Maastricht († 684) pour se rendre à Rome, capturent un gigantesque poisson, une tempête inattendue éclate immédiatement, comme si l’animal entretenait des rapports étroits avec son milieu avec lequel il interagit32. Il y a là peut-être trace de l’idée qui consiste à reconnaître des épiphanies d’anciennes divinités. Ce sont les vieux démons que l’on bouscule dans les profondeurs abyssales ou dans les bois sacrés. De même saint Gall se voit reproché par deux démons féminins la mort des poissons pêchés par le saint dans le lac de Constance33.
11L’Église a dû se rendre compte rapidement que la disparition d’un culte fontainier est bien plus difficile à obtenir que celle d’un culte officiel. La suppression d’une source pose les problèmes complexes liés à la nature du sol et au débit de l’eau : une fontaine d’un faible débit peut être bouchée et transformée en prairie humide ; un débit plus considérable exige le maintien de la source, simplement privée de ses génies tutélaires. Encore que la chose ne soit pas si simple. Comment en effet empêcher le maintien d’un culte fondé en général sur des vertus salutaires réelles ou supposées ? La solution la plus simple consiste en une christianisation de la fontaine, sa consécration à l’un des saints les plus honorés du moment ou le plus réputé dans la région. Il faut en réalité attendre la fin des temps mérovingiens pour constater la christianisation des fontaines dans l’ancien diocèse de l’Oise étudié par Michel Roblin34. Plus au sud, dans les anciennes terres d’évangélisation, des sources ont déjà connu un changement de patronnage. Grégoire de Tours présente ainsi la fontaine de Julien à Brioude (Virt. Jul. 3), de saint Martin à Nieul-lès-Saintes (Virt. Mart. iv, 31), de Caluppan à Méallet (VP ix)35… Le nombre de sources placées sous le vocable d’un saint est considérable. Mais une source dédiée à un saint n’est pas forcément une source sacrée. Elle peut être un témoin de la popularité d’un saint. Beaucoup de sources portant le nom de saint Martin ne font pas l’objet de dévotion36.
12Pour que les missionnaires s’en prennent sans ménagement aux cultes païens encore pratiqués sur les côtes maritimes, il faut bien qu’il s’y trouve des habitants pour les pratiquer. La population y est restée à l’écart de l’évangélisation, ou bien ce sont des arrivants de fraîche date. Un peu partout des populations côtières semblent avoir existé au milieu d’une nature hostile dont elles vénèrent les manifestations. Les uns redoutent les génies des marais. La plupart craignent les serpents qui paraissent foisonner par endroits. Saint Vigor, au VIe siècle, et plus tard saint Samson pourchassent leur culte sur les rivages du pays de Caux, dans les grottes constituant des sortes de fana37. La vie de saint Paterne évoque un fanum, au voisinage de Scissy (sesciacum) aujourd’hui sans doute Saint-Pair-sur-Mer. Alors qu’il recherche la solitude, il rencontre dans une caverne au bord de la mer des païens rassemblés pour un repas rituel. Il pénètre dans leur antre, admoneste les fidèles et bouscule ollas et cacabos, les marmites et les casseroles où mijotent les viandes destinées aux divinités38.
13La grotte, lieu de refuge à l’occasion, est considérée aussi avec méfiance. C’est un lieu malfaisant où se lovent les créatures dangereuses, comme cette caverne des bords de Loire qui sert de tanière au dragon que combat Maximin. N’est-il pas l’image d’antiques pratiques venues se réfugier dans les profondeurs de la terre ?
Cacher le sauvage païen
14Plutôt que de détruire à tout prix, les missionnaires ont aussi utilisé la solution de la surimposition de lieu. Lorsque l’évêque de Javols au Ve siècle répand le christianisme en Auvergne, il trouve le peuple de la campagne en train de célébrer une fête de trois jours par des offrandes faites sur les bords d’un marais formé dans un cratère volcanique creusé au sommet d’une montagne. « Nulla est religio in stagno », dit-il39. Le pèlerinage se poursuit40. Mais la religio sort bel et bien du marécage. À la place s’élève un édifice de pierre ; la praesentia d’un être humain, les reliques de saint Hilaire. Le pouvoir de saint Hilaire est sensé opérer à travers des relations qui sont la quintessence de l’humain : l’amitié et l’intercession. Le site luimême est incorporé à une structure administrative dépendante de l’autorité d’hommes résidant en une ville fort éloignée des replis gorgés de sens d’un paysage autrefois sacré. Il est devenu une église dans le diocèse de Javols. Vu sous cet angle, l’essor du christianisme en Europe occidentale est un chapitre de l’« hominisation » du monde naturel41.
15L’Église a douté de la manière forte pour éliminer toute trace du paganisme. Elle a souvent accepté un compromis que la pression de la culture autochtone lui imposait en réalité ou bien a cherché très consciemment à substituer un culte chrétien aux cultes païens sans prétendre éradiquer d’un seul coup ces derniers. La persistance malgré tout d’un folklore rural ne montre pas tant la résistance des rustici à l’acculturation chrétienne. Il s’agit plutôt d’une utilisation à des fins missionnaires d’éléments folkloriques détachés et détournés de leur contexte culturel paysan, comme le suggérait déjà František Graus42.
16L’épisode de saint Marcel de Paris et du dragon des marais de la Bièvre offre l’exemple d’un tel compromis. Le témoignage le plus ancien dont nous disposons sur ce dragon est un passage de la vie de saint Marcel de Paris de Venance Fortunat au VIe siècle. Pour la culture folklorique, le dragon est un génie local, un genius loci sans doute redoutable mais dont il est possible de se concilier la puissance par des rites appropriés. Or, l’hagiographe dut composer avec cette conception autochtone du dragon. Dans le récit hagiographique, saint Marcel dompte le dragon au lieu de le tuer. Le cas n’est pas isolé. La violence du saint doit parfois s’effacer devant la nécessité du compromis.
17Du même coup, le saint n’apporte pas que les Évangiles dans ces lieux hostiles. Il est un héros civilisateur qui, composant avec la nature sauvage et ses forces sacrées, établit, comme à Paris, un nouveau faubourg de la cité. Dans d’autres cas, la recherche du compromis est plus explicite encore. Incapable de détruire complètement un culte païen, les hommes de Dieu en conservent les cadres. Cette méthode de conversion des lieux répondait à une directive quasi officielle de l’Église. On cite souvent la célèbre lettre du pape Grégoire le Grand envoyée à l’archevêque Mellitus de Canterbury, apôtre de la Grande-Bretagne. « Ainsi les temples des idoles ne doivent pas être détruits chez ce peuple, mais il faut détruire les idoles elles-mêmes qui sont à l’intérieur des temples. Qu’on asperge ces mêmes temples avec l’eau bénite, qu’on construise des autels, qu’on y mette des reliques, car si ces temples sont bien construits, il faut les faire passer du culte des démons à la vénération du vrai Dieu… Ils accourront plus familièrement vers les lieux auxquels ils sont habitués43. »
18Dans le cas du mont Hélarius et de l’église dédiée à saint Hilaire, l’évêque de Javols a bien évidemment voulu tirer parti de l’homophonie des noms pour détourner les païens de leurs coutumes. Pour Jean-Claude Schmitt, « une telle substitution ne pouvait être un succès que si elle s’enracinait en même temps dans l’espace consacré par la tradition et dans le temps calendaire : l’église de Saint-Hilaire fut dédiée le plus près possible du lac sacré et il est probable que la fête du saint, le 28 février, devait coïncider avec la date de la fête annuelle des païens », peut-être le ier mars qui correspond au premier jour de l’année dans le calendrier romain44. La question se pose alors du panthéon païen visé par l’Église. Le problème est quasi insoluble compte tenu des sources univoques dont nous disposons. Des historiens et des folkloristes ont enquêté sur cette question. Pour Bernard Sergent, ce sont moins les dieux romains que prolongent les saints du Moyen Âge, que ceux qui les ont précédés, les dieux celtiques45. Bernard Robreau montre aussi comment les vies des saints des régions de Chartres et d’Orléans prolongent, même tardivement, une matière mythique celtique qui ne paraît pas avoir subi d’altération majeure46.
19L’archéologie vient parfois confirmer les récits hagiographiques. À Besné en Loire Atlantique, un sondage mené en 1993 par l’équipe de Laurence Noblet a permis de vérifier l’historicité de la tradition, à propos d’un site choisi par l’ermite saint Secondus (ou Secondellus). Il s’était établi sur une des pierres à cupules situées à côté de la chapelle qui se trouve là encore aujourd’hui47. Les campagnes de fouille suivantes ont montré que le choix de cet emplacement n’était certainement pas anodin. Grégoire de Tours mentionne des rites de guérison qui s’y serait déroulés. La découverte sur la paroi même du rocher, appelé aussi « lit du saint » et qui a servi de cellule à saint Secondus, de gravures protohistoriques confirme la vocation religieuse du site bien avant la christianisation48.
Exorciser le monde sauvage
20En fait, le rituel utilisé est un exorcisme qui a surtout pour but de vaincre de génie du lieu, sans annuler la magie du site. Qu’il s’agisse de fontaines, de bosquets ou d’arbres isolés, de rochers ou de montagnes, l’intention est de réintégrer ces lieux de dévotion dans l’espace civilisé et chrétien49. Saint Martin paraît très soucieux d’édifier des monastères et des églises à l’emplacement exact d’anciens sanctuaires païens50. D’autres vandales tels Amand, Bavon, Hubert d’Utrecht, bâtissent des lieux de cultes chrétiens sur les ruines de vieilles croyances51. Saint Boniface va jusqu’à utiliser le bois du chêne sacré de Geismar, débité en planches et en poutres, pour bâtir un oratoire52. Car en agissant ainsi, les missionnaires révèlent aux yeux des gentils la présence du diable sur leur terroir.
Le domaine du diable
21Entrer dans le désert c’est, comme le rappelle Jean Cassien, « lutter contre les démons à front découvert et les yeux dans les yeux… pénétrer sans peur dans les vastes retraites de la solitude53 ». Le diable se présente devant saint Martin portant à la main une corne sanglante, et lui annonçe qu’il venait de tuer un de ses hommes. Martin vérifie qu’aucun moine ne manque à l’appel. Mais un malheureux paysan embauché pour transporter du bois avait été encorné dans la forêt54. Dans l’œuvre hagiographique de Grégoire de Tours, la forêt est un haut lieu d’aventures, merveilleuses ou terrifiantes. Des chasseurs comme Charivald ou Aquilinus sont soudain pris de démence sous l’emprise du démon55. Un homme du Berry qui entre dans la forêt pour couper du bois est assailli par un essaim de mouches, ce qui le rend dément durant deux ans56. C’est donc dans la forêt, loin des terres civilisées, et surtout pour le moine, hors des murs de son monastère, que le diable accomplit ses criminels forfaits. Mais pas exclusivement. Grégoire le Grand raconte comment une moniale gourmande de laitue se fait surprendre par le diable dans le jardin même du monastère57. Et une nuit, Radegonde doit faire fuir une multitude de démons agrippés au mur de son monastère58.
22Ne nous méprenons pas cependant. Il n’y a pas de terriroire du diable. L’implication du diable dans les conflits qui opposent l’Église avec le siècle est extrêmement variée. Le diable agit tantôt par des tentations personnelles (qui ont pourtant tendance à diminuer par rapport à l’hagiographie ancienne), tantôt par le biais des adversaires, parfois politiques, du saint59. Cette action a tendance à augmenter au cours du haut Moyen Âge compte tenu du rapprochement entre l’Église et le pouvoir laïc, avec des martyrs politiques comme Léger d’Autun et Prix de Clermont au VIe siècle. Son action s’exprime aussi à travers des foyers de résistance païenne, ou encore en prenant « possession » d’une personne que le saint guérit par la suite en expulsant le démon60.
23Les lieux éloignés ne sont pas forcément le séjour de Satan. Un jour qu’Oyend du Jura dormait sous un arbre hors de l’enceinte du monastère, il voit dans son sommeil trois hommes s’approcher et se présenter à lui. Il s’agit des apôtres Pierre, André et Paul. Oyend les interroge alors : « Comment se fait-il messeigneurs que je vous voie dans ces campagnes, au milieu des forêts, vous dont les corps, lisons-nous, sont ensevelis depuis votre saint martyre dans les grandes villes de Rome et de Patras61 ? » Ce songe annonce l’arrivée imminente de reliques dont l’auteur anonyme narre la translation dans les lignes suivantes.
24Dans la vie de saint Germain d’Auxerre, c’est la mer qui devient le territoire du mal, lorsque les démons accourent à sa rencontre sur la Manche : « Ils provoquent des dangers, soulèvent des tempêtes, cachent la lumière du ciel sous l’obscurité des nuages et ajoutent à l’épaisseur des ténèbres le fracas horrible de la mer et des airs62. »
25Le combat du bien contre le mal, du diable contre le Christ, prend souvent l’apparence d’une lutte entre des espèces animales emblématiques. Dans la vita Launomari, le saint doit défendre un cerf attaqué par un loup alors qu’il se promenait dans les environs de son monastère. Pour l’hagiographe, il s’agit sans ambiguïté du diable venu sous la forme d’un lupus ferocissimus tenter d’étrangler (strangulare) le cerf, animal symbole du Christ63. Prenons un deuxième exemple, parmi tant d’autres : un jour, un pêcheur amène à sainte Aldegonde un poisson d’une taille énorme. La sainte ordonne qu’il soit jeté vivant dans la fontaine. Mais le poisson se projette hors de l’eau sur la terre ferme. Aussitôt des corbeaux tentent de l’attraper pour le dévorer. On voit alors un jeune agneau les en empêcher par des coups de cornes64. Cette lutte du bien et du mal, quelle que soit son apparence, n’est donc pas cantonnée aux espaces en marges. Au contraire, la violence et la sauvagerie sont d’autant plus prégnantes lorsqu’elles se manifestent dans des lieux réputés préservés.
Tanta ludificatione daemonum
26Dans certaines vies, le combat contre le diable est avant tout présenté comme une psychomachie. Des visions particulièrement horribles s’imposent à l’ascète, à l’ermite isolé comme au moine au fond de sa cellule. Grégoire le Grand raconte dans ses Dialogues l’agonie du moine Théodore qui avait manifesté de la colère et de la mauvaise volonté :
« Soudain il se prit à crier devant les frères présents, interrompant leurs prières par de grandes clameurs : “Retirez-vous ! Je suis donné à un dragon pour qu’il me dévore. Votre présence seule le retient. Ma tête est déjà dans sa gueule ! Éloignez-vous pour qu’il ne me torture pas davantage, qu’il fasse ce qu’il a à faire.” Alors tous les frères lui dirent : “Qu’est-ce que tu racontes, frère ! Fais un signe de croix. Il répondait avec grands cris : je veux me signer mais je ne puis, car le dragon me broie dans ses écailles65.” »
27Finalement grâce à la prière de ses frères, il échappe au terrible danger, guérit et change totalement de vie en devenant un bon moine.
28Augustin explique que les démons ont conservé un certain nombre de talents de leur nature angélique originelle. Si les démons ne peuvent créer, ils ont une habileté technique très grande, en particulier dans le domaine de l’illusion. Ils sont capables de susciter des visions dans la pensée des hommes. Augustin établit un discours qui domine toute la réflexion médiévale sur le problème théologique que constitue la métamorphose. Il évoque les « perfides jeux des démons », tanta ludificatione daemonum. La métamorphose relève à la fois de deux registres, celui du diabolique, celui de l’irréalité. Les démons ne peuvent ni créer ni altérer la création divine. Ils jouent donc sur les sens de l’homme66.
29D’une manière générale, le fauve est assimilé par les clercs au monde infernal, aux vices. Lorsque Léon le Grand évoque dans un sermon l’entrée de saint Pierre à Rome, il compare la Ville Éternelle à « une forêt peuplée de fauves rugissants67 ». Tout animal dont le comportement principal est la brutalité ou la rapacité relève du domaine satanique. Certains éléments corporels se trouvent alors mis en relief : les griffes, les pattes et surtout la gueule. Celle-ci concentre toutes les caractéristiques de l’animalité agressive : le cri, le rugissement, les crocs qui détruisent, la morsure, la mort. Le cri ou le rugissement est la déformation de la parole du faux prédicateur68. Dans les cas de possession, lorsque le saint pratique un exorcisme, il arrive que l’esprit mauvais s’échappe de sa victime sous une apparence animale, comme le moment où saint Gall libère la fille du duc de Constance du démon qui la possède : un horrible oiseau noir sort de sa bouche69. Le thériomorphisme du diable prend de multiples aspects, du redoutable dragon aux bêtes les plus inattendues. Dans la visio Anselli le diable a les dents noires et des pieds d’ours70. Lorsque le diable qui avait pris l’apparence d’un énorme serpent fuit, vaincu par Florentius, il rugit de colère tel un lion71.
30Et si l’apparence d’un merle noir voletant autour du visage ne suffit pas à perturber le saint, le démon prend une forme beaucoup plus redoutable, celle d’une femme72. Cette apparition, maléfique entre toutes, n’est pas rare dans les vies73. Ces métamorphoses indiquent en tout cas que, moins que la sauvagerie des animaux choisis pour exprimer une attaque diabolique, les clercs ont à cœur de rechercher ce qui va chez leurs lecteurs signifier la plus radicale altérité. Pour un public de moines, la féminité peut être vue comme une aggression plus forte que l’animalité.
31Mais pour terroriser le saint, le diable prend généralement l’apparence ou seulement la voix d’animaux. C’est un topos assez courant dans l’hagiographie que Pierre Boglioni a désigné par l’expression « diavolo panzooico », le diable panzooïque74. Le modèle du genre, montrant l’agressivité animale des démons à travers des visions horrifiques, est pour l’Occident un passage de la plus ancienne traduction latine de la vie de saint Antoine. Une nuit, le diable attaqua Antoine dans la maison où il s’était retiré pour se reposer. « Tout cet endroit parut aussitôt rempli en apparence de lions, d’ours, de léopards, de taureaux, de serpents, de vipères, de scorpions et de loups75. » Dans un récit postérieur dû à Grégoire le Grand, la liste des animaux n’est plus la même : les animaux du désert oriental ont disparu (à l’exception notoire du lion) pour laisser la place aux animaux de la ferme : brebis, ânes, porcs et rats. L’auteur privilégie les impressions sonores au choc visuel des apparitions d’Antoine. « Le vieil adversaire avec des cris énormes et de grandes clameurs, se mit à contrefaire les rugissements du lion, les bêlements des brebis, les braiments de l’âne, les sifflements des serpents, les sons stridents des porcs et des rats76. » Le scorpion, animal du désert d’Orient plus emblématique que le serpent, réapparaît dans la vita anonyme de saint Lautein. C’est dans sa cellule qu’il brise en quatre parties cette terrible apparition (immanissimus scorpio) grâce au signe de croix77. Ces énumérations fantastiques traversent toute la période et se trouvent à nouveau au IXe siècle dans la vita Sadalbergae78 et la vita Bavonis sous une forme plus synthétique79. La vie de saint Philibert reprend l’épisode de l’apparition de l’ours comme une vision monstrueuse et diabolique, presque la matérialisation du démon, à la manière de la vie de saint Antoine et de ses visions horrifiques dans le désert80.
32L’illusion s’étend aussi au lieu. La vie de saint Wulfran de Sens, missionnaire auprès des Frisons à la fin du VIIe siècle, relate que le duc païen Radbod étant malade voit en songe un ange (en réalité le diable) qui lui promet de lui faire habiter un palais s’il conserve les croyances de ses ancêtres. Peu après le diable apparaît à un diacre de Wulfram et le conduit vers cette demeure. Ils entrent dans une large avenue décorée de marbres menant à une place d’or et de pierres précieuses. Là, un admirable palais protège un immense trône. Mais le diacre se rendant compte qu’il s’agissait d’une illusion démoniaque fait un signe de croix et le palais se transforme en boue, les magnifiques jardins en broussailles et en marécages81. Nous retrouvons au passage la vision classique des broussailles et des marais présentés comme des terres maudites, ce que reprend largement la géographie des vies de saint. C’est un épisode qu’il n’est guère surprenant de trouver dans les aventures des missionnaires partis convertir les Germains. Ils démontrent par ces discours la vanité des croyances païennes et l’illusion du paradis germanique.
33Il n’est pas rare enfin que des mortels soient pris dans de véritables duels entre démon et saint, tous deux capables de manipuler à leur guise les éléments. Le diable agite le vent mauvais et la tempête, comme il peut susciter et attiser le feu. Le saint doit alors contre-attaquer et reprendre en main les éléments82.
Le repaire du serpent-dragon
34Lorsque les récits hagiographiques les font intervenir, les serpents et les dragons ont une histoire lointaine et complexe. Les auteurs n’ont eu qu’à puiser dans cet incroyable héritage dont il faut dire quelques mots. Dans le Proche-Orient asiatique, le serpent représentait le mal et la perfidie. Il fut chez les Grecs un instrument de vengeance et de châtiment divin. Il était en même temps un gardien des lieux, comme les dragons gardiens de trésors qui peuplent la mythologie greco-romaine. À Rome, on utilisait des serpents dans les maisons pour chasser les souris. Il peut être aussi le gardien d’une cité. À Lanuvium, à trente kilomètres au sud-est de Rome, Juno Sospita était assistée d’un dragon. Le sanctuaire abritait un serpent sacré auquel une jeune fille vierge devait offrir chaque année des gâteaux. Si le serpent acceptait l’offrande, l’année était fertile83. Le serpent est l’attribut de plusieurs divinités romaines, notamment le dieu guérisseur.
35Animal chtonien, le serpent évoque l’âme des défunts84. Il semble qu’en Gaule, le serpent eut principalement une fonction funéraire ou apotropaïque, comme le serpent qui s’enroule autour d’une bougie posée sur le tombeau de Bénigne († en 179) pour empêcher qu’un enfant ne s’en empare85. Il est intéressant de noter à ce propos que Bénigne, reconnu par les habitants de la région, était encore assez suspect aux yeux d’une partie au moins de l’Église pour que l’évêque Grégoire de Langres († 539) renouvèle d’abord l’interdiction de vénérer son tombeau. L’apparition du serpent est un omen suffisamment douteux dans le monde désormais chrétien du VIe siècle ; il fallut que le saint apparaissent lui-même pour manifester sa vertueuse présence en ce lieu.
36En effet, à une époque tardive de l’Antiquité, le serpent fut à nouveau assimilé aux forces maléfiques : sur le Pilier des Nautes parisiens, le dieu Smertrios, exterminateur de l’ennemi des hommes à l’exemple d’Hercule, brandit la massue pour tuer un serpent86. Les Écritures faisant autorité, elles imposent une vision définitivement inquiétante et suspecte de l’espèce. Dans la Bible, le dragon (serpent immense ou poisson87) symbolise les forces cosmiques hostiles à l’homme. Liliane Bodson a souligné le caractère imprécis du vocabulaire désignant les serpents dans la Vulgate. Serpens qualifie le serpent dans le sens commun du terme. Coluber apparaît dans le même emploi mais indique que l’on a affaire à un serpent venimeux88. Quant au mot draco, adapté du grec drakôn où il signale les grands serpents constructeurs (en Europe la couleuvre du genre élaphe, en Afrique et en Inde les pythons), il désigne selon le contexte un grand serpent ou un reptile imaginaire, une créature terrestre ou aquatique89.
37Nous retrouvons cette indétermination chez la plupart des auteurs des vitae qui ne prennent guère de temps pour décrire un animal à la valeur avant tout symbolique. Ces bêtes vaincues oscillent entre un animal chtonien et un animal à caractère plus ou moins aquatique, puisque le saint lui ordonne de disparaître soit dans le désert soit dans la mer. Mais dans la vie tardive de saint Vigor, sans doute du XIe siècle, l’image du dragon s’approche désormais des représentations de l’art roman : le serpent long de quarante pieds auquel doit faire face le saint montre une gueule aux dents acérées et crache des flammes90.
38Le serpent, comme d’autres reptiles, est également une référence au stade le plus primaire, primitif de la vie91. Pour la psychanalyse, le serpent est un symptôme psychologique de l’angoisse, des troubles anormaux ou des émois inconscients. Dans les régions tempérées d’Europe et d’Asie, les seuls animaux venimeux, voire mortels, sont les serpents, ce qui n’a pas manqué de frapper l’esprit et l’imagination de l’homme créant ainsi un archétype. Des zoologues affirment que la peur et l’horreur qu’inspirent les serpents sont un élément héréditaire très ancien de l’être humain92. Dans les vies de saint, cette terreur peut être utilisée contre les gens mauvais. Grégoire le Grand raconte comment un voleur fut empêché de nuire car on avait placé un serpent comme gardien à l’entrée d’un jardin monastique93.
39Le serpent est d’abord un animal terrifiant devant lequel tout être vivant est glacé d’horreur94. Le témoignage de Caluppan, ermite arverne, que rapporte Grégoire de Tours est éloquent : le saint longtemps après raconte en versant des larmes la frayeur que suscitaient les serpents qui tombaient sur sa tête95. Dans la vita Juniani, c’est sur la route, au grand jour, qu’un serpent agresse indistinctement hommes et bêtes96. Les morsures de serpent ne sont pas souvent mentionnées dans les manuscrits de médecine du haut Moyen Âge qui nous sont parvenus : seulement 1 % des pathologies inventoriées97. L’on comprend alors le désarroi de la médecine officielle face à ces accidents et le recours à la bienveillance du saint pour guérir mais aussi pour prévenir. À l’instigation du diable, les serpents couvrent de morsures le corps d’Amant († vers 600) ermite à Boisse. Prières et salive du saint viennent à bout des blessures, et les serpents disparaissent pour toujours98. Saint Maurille d’Angers guérit ainsi un jeune pasteur (activité particulièrement exposée) mordu par une vipère par l’application de sa salive99. Saint Sénoch est aussi un grand guérisseur des morsures par manipulation, invocations et signes de croix100. Au temps de Grégoire de Tours, enfin, la terre du tombeau du Christ est réputée chasser les serpents101.
Saints sauroctones
40Le motif du combat entre le saint et le dragon est très ancien et plonge ses racines dans les traditions païennes. Cet affrontement entre l’homme et la bête diffère considérablement entre les récits mythologiques et ceux du christianisme où le monstre est fréquemment épargné et non pas tué, dans cette lutte contre les forces naturelles ou surnaturelles. On ne peut assimiler les saints aux héros tels qu’on les concevait dans le monde gréco-romain. Le culte des saints est issu du culte des martyrs102. Quand les auteurs chrétiens parlent des martyrs comme de héros, c’est un ornement littéraire103. Le culte qui leur est rendu après leur mort les éloigne encore plus. Si le saint, ami de Dieu, peut intercéder, les héros n’ont jamais été conçus comme des intercesseurs, car ils n’ont pas de rapports directs avec la divinité104. Un des plus célèbres sauroctones est le pape Sylvestre. Il descendit 365 marches pour aller combattre un dragon on ne peut plus chtonien. La tradition de ce pape sauroctone au changement de l’année pourrait appartenir au monde romain. Dans la Gaule du Nord en revanche, les héros celtes ont peut-être trouvé leurs continuateurs dans les prélats tueurs de dragon. Pour Bernard Sergent, Marcel de Paris serait le continuateur de Cu-Chulainn et de Nera105. En analysant le calendrier des fêtes celtiques, il a pu établir qu’il y avait une connexion entre les saints sauroctones des mois d’octobre et de novembre et les héros comme Cu-Culainn et Nera ou ceux des mois de juillet-août avec le dieu Lug. Mais affirmer que « l’hagiographie, au Moyen Âge, récupère un matériel mythique d’origine celtique » mérite une nuance importante : il convient de rappeler la place du dragon et du serpent dans la Bible en tant que représentation du mal106.
41Le premier modèle de sainteté est le martyr supplicié en défendant sa foi107. Le martyre est présenté comme un combat. L’origine n’est pas seulement vétéro-testamentaire, c’est aussi un thème de la philosophie païenne, notamment du stoïcisme. Le modèle biblique est notamment celui du livre des Macchabées, un livre dans lequel la culture philosophique grecque est évidente. Chaque soldat de Dieu revêt la cuirasse de la justice, s’arme du bouclier de la foi et du glaive de l’esprit. Ces images se retrouvent dans les vies de saints de notre période108. Saint Paul, en développant le thème de la militia109, donna à l’agôn, l’esprit de concours, ses lettres de noblesse chrétiennes. En outre, aux temps des persécutions, le spectacle des chrétiens condamnés à combattre désarmés les bêtes de l’arène, comme les bestiarii professionnels dans une venatio, faisait coïncider image et réalité110. Les bêtes sauvages et, plus largement, la brutalité des supplices, participent à la mort exemplaire des martyrs. Dans l’amphithéâtre, le martyr doit vaincre le diable sur son propre domaine, comme l’affirme Tertullien dans son De spectaculis. Les mouvements du diable sont symboliques : ce sont ceux du serpent qui serre, enlace et s’efforce de glisser111.
42À partir de 312, l’âge des martyrs devient pour la mémoire de l’Église un âge héroïque. À l’exception des victimes occasionnelles d’empereurs hérétiques ou païens, ou encore les rares missionnaires massacrés par la population, il n’est plus question pour personne de donner sa vie pour le Christ au sens martyrial du terme. Mais la liturgie perpétue et exalte, avec le souvenir de ceux dont on découvre, conserve et honore les reliques le souvenir de leurs modèles112. Le thème de l’athleta christi, l’athlète du Christ qui doit affronter le diable, banal dans la littérature consacrant les premiers martyrs chrétiens113, perdure en prenant un sens métaphorique dans les passionnes ultérieures, le démon prenant l’apparence fréquente du serpent.
43Les chasseurs de reptiles sont nombreux dans la littérature hagiographique occidentale114. Jean de Réôme († 544) détruit des serpents venimeux sur l’emplacement du futur monastère de Moutiers-Saint-Jean (Côte-d’Or)115. Alors qu’il est encore novice au monastère de l’île d’Yeu, Amand rencontre un jour sur la plage où il marche un gigantesque serpent sorti de la mer. Malgré sa terreur, il prie et fait le signe de croix ; le monstre retourne alors à l’océan qu’il ne quitte plus116. Nous pouvons encore citer Lietfardus abbé de Meung († vers 550)117 et Maximin abbé de Micy118.
44Lorsque Florentius s’installe au Mont-Glonne, il doit au préalable chasser les serpents qui y vivaient. Plus tard, il met aussi en fuite vers les profondeurs abyssales un énorme serpent par un signe de croix et par l’invocation de la Trinité. C’est donc bel et bien le diable qui était caché dans cette enveloppe119. Au IXe siècle, le thème du saint saurochthone est toujours en vogue : Alcuin dédie un de ses poèmes à saint Michel, autre célèbre tueur de dragon120.
45La victoire est aisée et le combat proprement dit est souvent absent des récits hagiographiques qui préfèrent s’étendre sur la soumission de la bête, comme pour les dragons que les évêques Clément de Metz121 ou Marcel de Paris122 promènent tenus en laisse par leurs étoles avant de les expulser vers les eaux123. Les serpents comme les dragons, qui relèvent de toute façon de la même famille zoologique au haut Moyen Âge, habitent autant le fond des eaux que les trous et les grottes. Ce sont les lieux privilégiés où les hommes de Dieu les traquent ou au contraire ils les confinent. Dragons ou serpents sont rarement exterminés mais plutôt soumis puis rejetés vers l’extérieur car ils sont considérés comme faisant partie intégrante de la création divine. Extirper un basilic d’un puits ou d’une fontaine procède d’un véritable rite de mise en valeur du territoire monastique et assure ainsi la prospérité et le rayonnement de l’établissement. C’est ce respect pour la création qui contribue à la réalisation du dessein divin. Par ce geste de paix, le saint se distingue également des autres héros sauroctones de la mythologie124.
Un espace d’identification
46La sauvagerie, manifestée par la présence de bêtes sauvages, représente le paganisme que l’on repousse. La lutte contre le dragon ou les serpents incarne le combat du christianisme contre le paganisme et les forces démoniaques confondus. Ce lien entre la démonologie et les survivances des pratiques païennes est établi en premier par Augustin. Le diable est partout, et en particulier dans les rites naturalistes qui persistent dans la Gaule christianisée. C’est ce qu’indique, dans un récit du IXe siècle, Walahfrid Strabon lorsque saint Gall chasse les reptiles du lieu où il a décidé de s’installer : « En effet, quand le diable fut chassé de là, il était juste que l’animal à cause duquel l’homme avait été trompé cédât la place à la sainteté125. » L’élimination (par mise à mort ou non) de quelques dragons et serpents revêt souvent un caractère fondateur, permettant à la communauté humaine d’occuper un espace voué jusque là à la sauvagerie. Dans les premiers siècles du christianisme, en pleine mission d’évangélisation de l’Occident, cette élimination est perçue comme une victoire sur le mal et le paganisme, et les forces démoniaques126.
47Quand saint Vaast entre à Arras détruite par les Huns, il trouve au milieu des ruines la tanière d’un ours. Il n’hésite pas à chasser l’intrus hors des murs de la cité127. L’ours qui loge dans les ruines de l’église d’Arras mise à mal par les bouleversements des invasions, n’est pas responsable de ce chaos mais le symbolise, rappelant l’image biblique de la ville en ruine abandonnée aux animaux sauvages, preuves vivantes du désastre128. Saint Vaast chassant l’ours permet la remise en état de l’ordre divin et humain. Il ne peut y avoir de confusion entre l’espace de la ville et celui des bêtes sauvages. Dans le cas de l’ours, la motivation du pouvoir du saint sur la nature sauvage peut s’inscrire aussi dans le cadre de la polémique contre la réputation folklorique de l’animal : le thème de la force de la nature, la valeur totémique et animique que le christianisme s’efforce de combattre129.
48Les espaces réputés sauvages permettent donc d’identifier ce qui est avant de ce qui est après l’intervention de Dieu, par l’intermédiaire des saints. Il faut à Florentius éradiquer les serpents qui peuplent le Mont-Glonne avant d’installer un oratoire. C’est alors que la virtus Dei se manifeste en ce lieu par des miracles130.
49L’insistance sur les obstacles qui constituent des ruptures de continuité dans l’espace, voué par nature au danger et donc au démoniaque, relève de la même démarche. Alors qu’un arbre provoquait sur la Seine de nombreux naufrages, l’action de Geneviève de Paris († 500) débarrasse le cours d’eau de ce péril. Deux monstres de couleurs variées (vario colore) en profitent alors pour s’échapper. Il n’y eut plus aucun navire de perdu en cet endroit131. Cours d’eau, forêts, montagnes permettent de mettre en scène à la fois le péril et sa pacification. Les tempêtes stéréotypées (avec parfois des réminiscences virgiliennes) et les traversées de cours d’eau sont les rééditions du passage de la mer Rouge ou du Jourdain.
50L’homme de Dieu qui s’engage dans le désert réalise une conquête. Celle-ci s’accompagne du rejet du sauvage et du monstrueux, symbole de la nature indomptée ou menaçante vers l’extérieur, au-delà du cercle les collines et des montagnes, vers le désert ou la mer132. Lorsque saint Hilaire de Poitiers s’installe sur une île infestée de reptiles, il ne les détruit pas mais leur délimite de son bâton épiscopal un domaine qu’ils ne peuvent quitter sauf pour gagner la mer comme ultime refuge. Il s’agit d’une confrontation sans violence où la faune reptilienne se soumet de bonne grâce à l’autorité du saint133.
51Avant l’intervention du saint, la faune sauvage et son lieu de vie sont sous le contrôle des démons ou de dieux païens. Lorsque saint Gall († vers 627 ou 645) et son compagnon installés sur les bords du lac de Constance s’adonnent à la pêche et à la chasse aux autours dans les montagnes environnantes, les voix des divinités païennes s’élèvent pour se plaindre de la mort des poissons et des éperviers, soulignant de la sorte le lien qui unit les animaux sauvages aux démons qui perdent alors leurs pouvoirs sur la nature. L’occupation de ce lieu finalement par les hommes de Dieu apparaît comme la victoire sur le paganisme134. Grâce au saint, l’espace humain s’étend au détriment du territoire sauvage. Venance Fortunat évoque ainsi l’œuvre de civilisation de saint Hilaire : « il accrut le territoire des hommes, car sur le territoire de la bête l’homme vint s’établir135 ». La fondation d’un monastère au désert est exprimée souvent en ces termes. Un bel exemple nous est donné dans la Chronique des abbés de Fontenelle à propos de la fondation de cette abbaye par Gond et son oncle Wandrille. Le lieu est présenté comme un site inaccessible, « couvert de buissons épineux, de ronces serrées, d’immenses broussailles inutiles et de marécages ». Et d’ajouter que ce lieu ressemblait « plus à un repère de brigands ou à un antre de bêtes sauvages qu’à l’habitation des hommes136 ». Les fondateurs appliquent, comme le précise les Gesta, la parole d’Isaïe : « dans les bauges où habitaient jusque là les dragons, se lèvent les roseaux et les joncs », c’est à dire les fruits des bonnes œuvres137.
52Car la lutte contre la sauvagerie est présentée aussi comme le geste du héros civilisateur lors de la création d’un établissement religieux. Ainsi le combat du saint contre le dragon autorise et marque l’aménagement et la mainmise monastique sur une étendue dont il faut détruire ou chasser le génie des lieux. Mircea Éliade a montré que, dans certaines cultures, la construction des maisons est structurellement solidaire du mythe cosmogonique. En Inde, avant de poser la première pierre, l’astrologue indique le point de fondation qui se trouve au-dessus du serpent qui soutient le monde. Le maître maçon taille un pieu et l’enfonce dans le sol, exactement au point désigné, afin de bien fixer la tête du serpent. Ainsi la maison se trouve symboliquement au milieu de l’univers. C’est imiter le geste primordial de Soma ou d’Indra, lorsque ce dernier comme s’exprime le Rig-Veda « a frappé le serpent dans son repaire » (vi, 17-19). Le serpent est Urtra, il symbolise le chaos, l’amorphe, le non manifesté. La décapitation équivaut à un acte de création, la création s’opère par un sacrifice sanglant138.
53Les territoires du sauvage se divisent au moins en deux catégories : un espace à la portée de l’homme, dont le caractère chaotique peut être provisoire (l’expulsion de l’ours de saint Vaast est le signe de la reconquête d’un domaine perdu par la sauvagerie des hommes) ; une périphérie lointaine, le monde souterrain et la mer, lieux de bannissement des forces définitivement hostiles.
Dans la main de Dieu
Sauver, venger ou punir
Dieu dans la Création
54Françoise Thélamon a montré comment dans l’Histoire ecclésiastique de Rufin d’Aquilée les éléments devenaient des signes divins. La terre et le feu étaient utilisés pour punir ; l’eau et le vent tenaient lieu de jugement de Dieu lorsqu’ils étaient suscités139. Ces interventions divines peuplent les vies de saints. Dans la Vita Aredii, la foudre frappe les tria idola qui s’abattent sur le sol140. Une tempête permet à Amand d’échapper à la mort alors qu’il est sur le point d’être décapité au sommet d’une colline. L’orage terrorise si bien ses assaillants qu’ils demandent à leur victime d’arrêter la tempête. À la prière du saint, le temps s’apaise141. Pour contraindre les gentils et les convaincre de la toute puissance de Dieu, il n’est pas rare qu’à la demande du saint, Dieu lui-même intervienne et parle aux hommes, à la manière de l’Ancien Testament. « Aussitôt à sa prière le tonnerre gronde, les éclairs brillent, il tombe une pluie mêlée de feu et de grêle, et tout est bouleversé142. » La tempête éclate sur les gentils lors de célébrations païennes au bord d’un lac du Gévaudan143. C’est la punition divine que Dieu inflige à travers l’orage lorsque le corps d’un pilleur d’église, bien que enterré par ses compagnons sous un tas de pierres, il est mis à découvert par la tempête et ainsi privé de sépulture144. Tel autre méchant est foudroyé à l’intérieur d’une maison145 ou bien avalé par la terre qui vient de s’ouvrir sous ses pieds146. Grégoire de Tours raconte que, du temps d’Alaric, le comte goth Sichlaire voulait s’emparer du moulin d’une communauté de moines. Devant la resistance des frères, il en construisit un autre en aval qui rendit celui des moines inutilisable. À la prière de l’abbé, l’Indre engloutit en une nuit le moulin du mauvais comte147.
55Ces manifestations ouraniennes donnent chez Grégoire de Tours de véritables scènes de mythologie chrétienne, comme lorsque pour éclairer la route des voyageurs égarés dans la nuit « le ciel s’obscurcit tout à tout, et voilà que de grands éclairs avec des grands coups de tonnerre en descendaient. En même temps, deux lances portées par des enfants répandaient des jets de flammes brillants comme des phares et éclairaient leur marche148 ».
56Grégoire de Tours apprécie particulièrement ces épiphanies. Il raconte notamment que, lorsque Maxime de Nole fut sur le point de succomber à son errance solitaire dans la forêt, pour fuir les persécutions qui sévissaient dans sa cité, une manne céleste vint lui redonner vie : « Au buisson près de lui il vit pendre une grappe de raisin dont les grains, pressés dans la bouche du confesseur, ranimèrent un peu ce vieillard et l’aidèrent à se mettre debout149. » Un peu plus loin dans le récit, c’est au tour de Félix de Nole d’échapper de justesse à ses poursuivants en se dissimulant dans un trou aussitôt obstrué par des toiles d’araignées. Les persécuteurs inspectant le trou le pensent inoccupé depuis fort longtemps et s’éloignent. Ainsi, l’action de Dieu peut se manifester à travers les représentants les plus insignifiants de la création.
Sauvagerie et oubli
57L’espace sauvage peut être présenté comme un véritable lieu d’anéantissement. Grégoire de Tours raconte qu’au sommet d’une colline inhabitée de Touraine, on voyait une lueur intermittente et on y respirait par moments une odeur céleste. Ces manifestations trahissaient la présence du sépulcre de deux vierges depuis longtemps abandonné et camouflé par les épines, les ronces, les vignes sauvages et les broussailles150. Les vierges apparurent à un habitant de la région et lui ordonnèrent de leur donner une sépulture digne de leur memoria. Aussitôt, on débroussailla leur sépulcre et un oratoire y fut construit. Dans le même genre, le marbre de la tombe d’Aravatius de Tongres n’était jamais couvert par la neige en hiver, afin que jamais il ne soit dissimulé151. Les espaces sauvages sont ainsi montrés comme des lieux en dehors de la géographie chrétienne, sans loca sancta visible.
58De fait, aux temps des persécutions, nombreuses sont les tentatives de faire disparaître les restes des martyrs afin d’empêcher l’établissement d’un culte152. Si les persécuteurs abandonnent les cadavres dans les « terres sauvages153 », ils choisissent beaucoup plus souvent de les jeter à l’eau154. C’est un épisode traditionnel des passionnes du haut Moyen Âge, même tardives. Des sépultures disparaissent ainsi alors qu’elles ne sont pas si éloignées que cela de la civilisation. Au bord d’un chemin, la tombe de Genès d’Auvergne est devenue invisible. Un bouvier qui a perdu ses bœufs a une vision : « Va par le chemin qui conduit à la forêt et tu trouveras les bœufs que tu cherches en train de brouter une herbe épaisse qui croît près d’une table de marbre155. » Parfois la disparition est volontaire comme pour le tombeau des martyrs d’Embrun. Des végétaux ont tout recouvert pour éviter que les persécutions païennes ne s’acharnent sur leur sépulture156.
59Cette préoccupation d’éviter la disparition d’un lieu saint traverse toute notre période. Nous la percevons dans le récit de la translation des reliques de saint Sever du Calvados, récit daté du début du XIe siècle157. Pour justifier le déplacement de la dépouille de saint Sever depuis l’église rurale où elle est ensevelie jusqu’à l’église de Rouen, l’auteur de la translation décrit l’environnement de la sépulture : « Couverture de pauvre pal et murs de bois tressés (matériaux périssables)… placée au milieu des arbustes de la forêt et des tanières des bêtes sauvages. » C’est un lieu voué à l’oubli et donc indigne de la sainte relique.
L’engloutissement
60À l’évidence, ce qui se passe au fond des eaux ne laisse pas d’intriguer, voire d’inquiéter. Tout ce que l’on y jette ne réapparaît pas ; peut-être même qu’il s’agit d’un passage vers un autre monde. Saint Gall détruit un temple et jette toutes les offrandes dans le lac de Tuggen, espérant que ces pratiques condamnables disparaissent à jamais158. Dans les Miraculi sancti Juliani, ce sont les gentils convertis au christianisme qui engloutissent spontanément leurs idoles dans un lac159. Si les eaux reçoivent les restes des idole, les persécuteurs leur confient parfois le soin de faire disparaître les dépouilles des martyrs.
61L’engloutissement dans les eaux profondes d’un fleuve est suffisamment craint pour être fréquemment associé dans la littérature hagiographique à un miracle spectaculaire160. La capacité du saint à pouvoir faire réapparaître ce que l’eau a englouti relève du miracle. Ce genre d’épisode frappe particulièrement les esprits car il s’agit ni plus ni moins de faire revenir un objet d’un autre monde. Le miracle biblique de la hache tombée dans l’eau et qui réapparaît est un véritable lieu commun, appartenant à la catégorie des universaux repérables aux quatre coins du globe161. Il s’enrichit parfois de la présence d’un poisson qui contribue à la réapparition de l’objet perdu. Paul Diacre raconte qu’Arnoul évêque de Metz († 640) lança son anneau dans la Moselle et qu’il fut découvert dans l’estomac d’un poisson162. Dans la vita Leutfredi, saint Leufroy manifeste cette aptitude à franchir la barrière opaque de l’eau profonde. Un jour que le saint et ses frères sont occupés à débroussailler la rive du cours d’eau non loin du monastère, un frère perd le fer de sa hache qui coule aussitôt. Plongeant son bâton dans l’onde, Leufroy prend, tel un poisson avec un hameçon, le fer de la hache qui vient miraculeusement se fixer au bâton163.
62Le châtiment par noyade signifie la damnatio memoriae contre ceux qui se sont mal comportés envers le saint ou les biens de l’Église164. Après la révolte de plusieurs moines de Luxeuil, au début de l’abbatiat d’Attale, certains revinrent au monastère, mais d’autres restèrent en dehors. L’un d’eux, au passage d’une petite rivière, eut les jambes prises et se noya « dans un tout petit cours d’eau165 ».
63Gilbert Durand explique que l’eau qui se meut, celle de la rivière, du torrent comme de la mer, est perçue négativement166. Déjà chez les Pères de l’Église, la connotation négative de l’élément liquide apparaît, comme chez Augustin167. Dans la tradition vétéro-testamentaire, que l’on retrouve dans l’œuvre de Raban Maur au IXe siècle, Dieu, dont le geste créateur a séparé la terre ferme des eaux mouvantes, est celui qui a vaincu la mer, devenue le symbole des forces du mal168. Le fond des eaux est le repère des créatures démoniaques, une béance qui conduit en Enfer169.
La gueule de la bête
64L’engloutissement et la dévoration symbolisent tous deux la descende aux Enfers170. Être dévoré est un autre signe de la damnatio memoriae et de la mort de l’âme. Dans la Psychomachia de Prudence de Saragosse lorsque la Foi tue l’Hérésie, son corps est mis en pièces : « Chacun saisit un lambeau à disperser aux vents, à donner aux chiens, à offrir même aux corbeaux voraces…, à livrer en proie aux monstres marins171. »
65Les êtres mauvais sont fréquemment punis dans les vies de saint au moyen des bêtes sauvages. Dans la vie de saint Marcel de Paris, Fortunat évoque une femme adultère dont la dépouille est dévorée par un immense serpent172. Selon une vie tardive et très légendaire, les meurtriers des frères Lugle et Luglien, martyrisés à Lillers (Pas-de-Calais) au VIIIe siècle, sont déchirés par des bêtes sauvages173. Tout au long de notre période donc, ces bêtes sont alors moins des compagnons du diable que les véritables instruments de la justice divine. Jonas de Bobbio raconte que deux frères, qui suivaient le moine schismatique Agrestius, sont dévorés par des loups alors qu’ils tentent de s’éloigner de leur monastère174. Et le châtiment n’est pas uniquement exécuté loin des lieux habités. Sous les yeux de Monulphe († 597), des loups se jetèrent sur les habitants de Tongres, détruite par les invasions, alors que ceux-ci voulaient reconstruire leur ville. Cette deuxième invasion montre la colère du ciel à l’égard de la cité et l’opposition divine à son relèvement175.
66Le bon chrétien finit rarement sous les crocs des bêtes et encore moins dans leur estomac176. S’il arrive qu’un fauve mette à mort un homme de Dieu, il se garde bien de s’en repaître et veille même sur sa dépouille. C’est ce que nous dit Grégoire le Grand à propos du prophète désobéissant tué par un lion qui « avait ôté la vie à un pécheur » mais qui ensuite « veilla sur le corps du juste177 ». Comme le souligne Césaire d’Arles au début du VIe siècle, la mort infligée par un lion n’est que transitoire : « Il vaut mieux être victime du lion que victime du serpent. » Selon un discours qui rappelle le martyre infligé aux premiers chrétiens dans les arènes romaines, le croyant doit choisir les crocs qui le broient. Même le juste ne peut échapper à cette épreuve. Dans le Pré spirituel de Jean Moschus († 620), un moine pourtant réchauffé la nuit par un lion, signe de sa pureté et de sa sainteté, sait qu’il sera mangé par le fauve en expiation d’une faute commise autrefois : il avait laissé les chiens qui gardaient son troupeau dévorer un étranger178.
67Cette angoisse de la dévoration ou de l’engloutissement, autrement dit de la disparition partielle ou totale du corps, est perçu notamment dans le Xe livre des Histoires de Grégoire de Tours. Un prêtre nie l’idée de résurrection pour « un être enlevé par des bêtes, noyé dans les eaux, dévoré par la gueule des poissons ». Mais Grégoire de réaffirmer qu’il est « évident que tout ce qui dans un corps humain a été absorbé par un poisson, enlevé par un oiseau, dévoré par une bête peut être rassemblé et remis et état par le Seigneur pour une résurrection, car il ne lui sera pas difficile de réparer les pertes, à lui a créé de rien des êtres qui n’existaient pas179 ».
68L’animal sauvage peut être utilisé aussi pour infliger un châtiment moins violent, comme la promiscuité imposée avec des animaux dégradants. Dans les Miracles d’Eboriac une jeune fille noble doit subir, pour avoir mangé en cachette, la présence d’un sanglier à ses côtés pendant un an lorsqu’elle s’alimente180. Enfin, cela peut être simplement une transformation de l’apparence du pécheur qui rapproche celui-ci de la bestialité. Le moine Lampert qui s’en prend à la réputation de saint Othmar, abbé de saint Gall († 759), est puni par le relâchement de ses membres, ce qui le fait marcher « la tête inclinée vers le sol à la façon d’un quadrupède181 ». Lorsque Dieu intervient au moyen d’une faune réputée indocile (ce qui témoigne pour les clercs de la puissance de Dieu sur toute sa création), il ne cantonne pas leurs actions punitives hors des chemins et loin des habitations. Ces animaux apportent la sauvagerie au cœur des terres civilisées.
L’aide aux égarés
69Il est en revanche une intervention divine qui prend tout son sens dans les lieux écartés au moment où, dans les récits hagiographiques, le héros quitte le chemin et se perd. Ce miracle intervient spécialement en forêt, là où les repères disparaissent, comme dans un désert. Un abbé et son cellérier partis à la recherche de Colomban se retrouvent aux confins de la solitude où le chemin disparaît. Abandonnant la bride sur l’encolure de leurs chevaux, les bêtes marchent tout droit et arrivent devant la porte du bienheureux Colomban182. Fréquemment ce sont les bêtes sauvages, ces autochtones des terres sauvages, qui s’acquittent du rôle de guide dans les récits miraculeux. Deux loups aident saint Trivier, ermite en Dombes au VIe siècle, à traverser la forêt ou il s’est perdu183.
70En témoignent diverses sources narratives et le folklore, les animaux guides ne sont pas propres aux récits hagiographiques184. Paul Diacre raconte comment Leupchis, son trisaïeul, en fuite vers l’Italie avec peu de nourriture, obtient de Dieu l’assistance d’un loup qui l’accompagne pendant plusieurs jours. Mais harcelé par la faim, il tente de le tuer avec son arc, ce qui provoque son immédiate disparition185. Grégoire de Tours écrit dans ses Dix Livres d’Histoire qu’une biche merveilleuse aide Clovis à franchir la Vienne en crue186. Ailleurs, un « animal (cerf) [pénétrant] dans la rivière par ordre de Dieu » indique à Mummolus († 585), patrice du roi des Francs Gontran, et à son armée, un gué sur l’Isère187.
71Depuis l’Antiquité, l’animal intervient aussi pour indiquer le lieu idéal d’un établissement religieux. Cela procède à la fois de l’idée que le divin se manifeste à travers le comportement singulier de certains animaux, et de la notion d’omen, de présage favorisant la fondation. Lorsque sainte Begge hésite sur l’emplacement exact du futur monatère de Nivelles. Son porcher trouve une truie égarée avec sept gorets et son fils Pépin découvre au même endroit une poule sauvage qui abrite sept poussins188. Là encore, pour accomplir le miracle, on fait appel à des personnes et des animaux habitués à arpenter l’incultum. Ce n’est cependant pas systématique : une colombe guide dans la forêt l’évêque Nivard et l’abbé Berchaire sur le lieu idéal pour la fondation de l’abbaye de Hautvillers189. Si le symbole chrétien est évident, il montre aussi que l’on ne perçoit pas alors de domaines hermétiquement séparés entre ce qui relève du sauvage et du domestique.
Retour au paradis
72Dans les épisodes des vies de saint mettant en scène des animaux sauvages, les auteurs cherchent à convaincre le lecteur que la sauvagerie des fauves n’est que provisoire. Mais en attendant le Jugement et l’avènement d’un monde nouveau, seul le saint est dans la capacité de se faire obéir, voire aimer, de ces créatures dangereuses pour le commun des mortels.
Des saints sachant chasser
73L’emprise et la domination des êtres exceptionnels sur les animaux se manifestent dans les sociétés anciennes par l’activité de la chasse. Assez tôt apparaît le thème iconographique du maître des animaux comme un dieu debout sur un animal, ou posant le pied sur un animal. Parmi les saints liés à la pratique de la chasse, le plus connu sans doute est Hubert, évêque de Tongres-Maastricht de 703/706 au 30 mai 727, jour de sa mort. Après l’assassinat de son maître l’évêque Lambert, Hubert lui succède. Il mène quelques campagnes d’évangélisation en Toxandrie, en Ardenne et dans la région du Brabant actuel190. Le début du culte officiel est inauguré le 3 novembre 743. Au cours du premier quart du IXe siècle, l’évêque Walcaud procède à la restauration de la communauté ecclésiastique d’Andage, une fondation carolingienne au cœur de la forêt d’Ardenne. Le 30 septembre 825 le corps de saint Hubert arrive à Andage où de nombreux miracles surviennent. Très rapidement, les habitants des environs rendent une dévotion ardente à saint Hubert qui devient le patron de l’Ardenne. Dès le Xe siècle, une coutume dite ancienne est pratiquée par les grands d’Ardenne. Il s’agit d’offrir tous les ans à saint Hubert les prémisses ainsi que la dîme de leurs chasses. De même, c’est au Xe siècle qu’apparaît au monastère la pratique de la taille pour guérir ou prévenir de la rage191.
74Saint Hubert suscite donc très rapidement une dévotion en tant que patron des chasseurs protégeant de la rage192. C’est au XVe siècle seulement que l’hagiographie d’Hubert s’enrichit d’un récit dénommé la « conversion de saint Hubert » : le chasseur impénitent rencontre un cerf portant une croix dans sa ramure. L’animal le somme de se convertir et d’aller se confier à saint Lambert. Cet épisode est en fait tiré de la légende de saint Eustache, un autre saint chasseur193. La confusion entre saint Hubert et saint Eustache a dû se faire facilement au Moyen Âge puisque les fêtes de ces deux saints ont lieu le même jour, le 3 novembre, d’après les plus anciens martyrologes194.
75La chasse, activité violente et carnivore, est en réalité à l’opposé du pacifisme et du végétarisme des ermites et des hommes de Dieu en général. Aussi les vies de saints véhiculent-elles un autre modèle, celui de l’antichasse, un thème récurrent dans la littérature hagiographique195. La forêt devient alors le théâtre de conflits de pouvoir. Car les saints sont aussi détenteurs de pouvoir, celui de protéger, opposé au pouvoir d’opprimer qui est celui des nobiles196. La chasse, que l’on peut considérer comme une pratique inhérente à la souveraineté sur un territoire donné, est une tentative par un puissant de réappropriation du terrain où un saint s’est installé. Le miracle de l’interruption de la poursuite du gibier est une confirmation de la propriété du saint. Pierre Boglioni explique que la scène de l’animal sauvé par le saint se répète dans plusieurs biographies197. Le chien fidèle peut même passer dans la partie adverse comme dans la vita Vicentiani198. Dans la vie de saint Calais du IXe siècle, un bubalus poursuivi par le roi Childebert trouve refuge auprès du saint et devient doux comme un agneau199. Dans la vita s. Marculphi, c’est un lapin qui vient se blottir contre le saint pour échapper aux chasseurs200. C’est un principe topique dans toute la période de montrer l’espace entourant le saint comme un asile qui abolit toute violence. La bête traquée par des chasseurs se réfugie auprès de l’ermite, dans son enclos ou dans l’église où il est enterré, pour qu’aussitôt la poursuite cesse, les chiens courants sont stoppés net par une barrière invisible. La bête sauvage a su orienter sa course vers cet espace protégé alors que le chasseur aveuglé par sa propre furie ne reconnaît la sainteté du moine solitaire qu’à la suite de ce miracle. La nature sacrée des espaces envahis par la présence du saint se révèle à travers le comportement des animaux traqués comme du gibier (cerfs, biches, ours sangliers201). Ces animaux trouvent refuge auprès du saint lorsque leur propre vie est en danger202. La bête traquée se dépouille alors de sa nature sauvage, manifestant tous les aspects de la soumission, et s’anthropomorphise dans son attitude. L’animal pacifié et sauvé peut repartir tranquillement ou rester définitivement sous la protection du saint, ainsi que choisit de le faire l’ours du moine Florent203. Ce genre de miracle a souvent pour cadre les ermitages isolés dans la forêt qui apparaissent comme des lieux à part échappant aux lois du monde sauvage mais aussi à la juridiction des hommes204. Le chasseur qui vient y débusquer son gibier renonce aussitôt. Le lieu saint s’interpose entre le domaine sauvage et le monde civilisé. Lorsque le chasseur abandonne sa proie et fait donation du territoire où a eu lieu le miracle, il reconnaît le pouvoir du saint205. C’est le cas décrit longuement par Grégoire de Tours à propos de l’ermitage d’Émilien où vient s’abriter un sanglier poursuivi par Brachion et ses chiens dans la forêt de Pionsat206.
Dompter les forces sauvages
76Selon la volonté du Créateur, l’homme est destiné à vivre avec les autres créatures dans un rapport de supériorité et de contrôle. Adam lui-même donne aux bêtes leurs noms dans un monde en totale harmonie207. Après la Chute, l’homme n’est plus capable de vivre dans une telle paix à l’exception d’une figure chrétienne exceptionnelle : le saint208.
77Un des temps forts dans les récits hagiographiques est le moment où le saint, solitaire et isolé, est confronté aux bêtes féroces. Ces duels sont exemplaires à plus d’un titre. L’affrontement de l’homme et de l’ours, animal considéré comme particulièrement dangereux, est un thème récurrent pour illustrer la puissance du saint209. L’ours dans les traditions germanique et celtique a une valeur hautement symbolique en tant que roi des animaux. Le soumettre c’est faire plier tout le règne animal210. Plus largement, l’affrontement homme/ours renvoie aux rapports complexes entre l’homme et son environnement.
78L’ours en fait est un animal sauvage mais pas nécessairement hostile et réfractaire à la domestication211. L’épisode de la vie de saint Germain de Paris écrite au VIe siècle par Venance Fortunat présente même un ours dans le rôle de vengeur (ultor) et comme instrument de punition divine212. Un changement s’opère dans la vision de l’ours pendant les VIe -VIIe siècles dans la littérature hagiographique. Cela correspond-il au moment de l’expansion de l’agriculture, à la contraction progressive des bois et des activités silvopastorales213 ? De fait, la rencontre entre l’ours et l’homme (ermite ? de moins en moins) n’a plus lieu à l’intérieur du bois mais en dehors, généralement à ses marges214. Comme s’il s’agissait de donner des limites de plus en plus claires au monde sauvage. Dans plusieurs cas, l’ours se substitue à la bête de somme ou traîne le chariot d’un saint homme en voyage. La vie de Maximin évêque de Trèves, écrite au IXe siècle par Loup de Ferrières, raconte comment, en compagnie de Martin de Tours, il voit un ours attaquer et dévorer l’âne qui sarcinas beatorum ferebat. Maximin lui ordonne de prendre la place de l’âne, iumenti onus assumeret. Puis arrivé au lieu-dit Ursari villa il lui rend la liberté, en lui interdisant désormais de tuer215. La vita d’Humbert de Maroilles relate un épisode similaire216. Lui aussi est privé de sa monture à cause d’un ours sorti de la forêt. Lui aussi le condamne à remplacer la bête tuée217. Ce dernier doit porter les bagages du saint jusqu’à l’entrée de Rome. L’arrivée de ce carnivore suscite, nous dit l’auteur, suffisamment d’inquiétude pour le pape envoie des serviteurs se charger des affaires du saint et empêcher ainsi l’animal de pénétrer dans la cité.
79À partir du IXe siècle, semble-t-il, commence à apparaître la crainte du loup. Dans la vita ss. Rufiniani et Lupi Loup évêque de Bayeux († entre 466 et 474), vers la vingt-cinquième année de son épiscopat, libéra un nemus de la présence d’un loup féroce qui dévorait les enfants des deux sexes. Le jeu de mot entre la bête et le nom du saint n’échappe pas au lecteur ; on perçoit une reconstruction d’après la tradition populaire dans cette vita écrite probablement au milieu du IXe siècle218. C’est un des rares textes à évoquer le loup comme un danger pour l’homme au haut Moyen Âge. Il est intéressant néanmoins de constater comment l’agresseur change de nature entre deux versions de la vita Marculphi : du chien enragé qui mord le fils d’un noble (vita du VIe ou VIIe siècle) on est passé au loup enragé (vita du IXe siècle ?)219.
80L’espace sauvage est plus un lieu de refuge, d’asile dans la littérature hagiographique de l’Occident, qu’une terre de pénitence et d’épreuves soumise à la tyrannie de bêtes sauvages comme dans l’hagiographie orientale. Dans sa retraite peuplée de bêtes sauvages, saint Gall s’écrit « celui qui délivra Daniel de la fosse aux lions, peut m’arracher à la griffe des bêtes sauvages ». Ce n’est pas l’expression d’une angoisse ; c’est une simple réminiscence scripturaire et une sorte d’hommage aux Pères d’Egypte220. Comme l’a bien souligné Jacques Voisenet, cette menace des bêtes sauvages dans les hagiographies n’est le plus souvent que spéculative221. Lorsque Colomban « marchait en tenant un livre sur les sentiers d’une épaisse forêt et qu’il dissertait en lui-même de la sainte Écriture, soudain cette pensée lui vint à l’esprit : préférerait-il être en proie aux injures et aux injustices des hommes ou souffrir la cruauté des fauves ? […] Et il dit qu’il valait mieux supporter la férocité des bêtes que la rage des hommes qui mettait leurs âmes en danger222 ». Aussitôt après, il rencontre douze ( !) loups. Cette épreuve est surmontée aisément. Une autre fois, il trouve refuge dans la tanière que lui laisse un ours223. Ainsi, l’homme de Dieu qui vit en parfait accord avec lui-même a tous pouvoirs sur les animaux sauvages.
Autour du saint, la douce faune
81Les exemples sont nombreux où le saint soumet la bête sauvage par le signe de croix, par la parole ou la prière. Les prédateurs (loup, ours) viennent manger dans la main, se mettent à son service pour tirer une charrue ou un chariot (après avoir dévoré l’animal de traction)224, alimenter son feu225, garder son jardin226, se substituent aux tâches qui incombent aux animaux domestiques et font preuve d’une totale soumission227. Dans la vita Trudonis, un certain Godmundus promet à saint Trond, fondateur de Sarcing († 693), un porc qui se sauve dans la forêt. Celui-ci va ensuite de lui-même au monastère où il se couche paisiblement devant la porte228. La forêt, territoire des bêtes féroces, des fauves et des dragons, se transforme en havre de paix par l’action du saint229. L’ermite réussit au plus profond des sombres forêts à restaurer l’ordre, celui du paradis originel. Cette douceur et cette familiarité avec les animaux sauvages sont des thèmes présents dans les premières vies de saint, celles d’Antoine et de Paul de Thèbes. À défaut de lions230, les saints occidentaux amadouent des ours, des sangliers, des cerfs ou des écureuils, voire commandent aux insectes231. Du lion reconnaissant à la biche nourricière, en passant par les ours, les loups, les corbeaux, jusqu’aux grenouilles et aux cigales, les légendes hagiographiques sont remplies d’épisodes où l’on montre l’influence exercée par les saints sur divers représentants du règne animal232. Dans la vita Galli, ce sont deux loutres qui rabattent les poissons dans les filets de saint Gall et de ses disciples. Le saint les remercie en partageant la prise avec elles233.
82Parmi les bêtes emblématiques qui se mettent au service du saint, l’aigle, animal solaire, s’apparente presque à la colombe. Un aigle apporte de la nourriture à Didier de Vienne et à ses compagnons234. Un autre vient pêcher un gros poisson sur l’ordre de Corbinien, évêque de Freising († 730)235. Heriger de Lobbes raconte comment un aigle protège saint Servatius de Tongres († 384) alors qu’il dort à la belle étoile236. Un aigle encore survole saint Bertulphe de Flandres († vers 705) pour éviter que le soleil ne lui tape sur la tête237. Pour l’auteur anonyme de cette vita, c’est en réalité le ministère des anges qui prend l’aspect d’un aigle. L’aigle faisant de l’ombre est un topos qui se retrouve dans d’autres vies comme celle de saint Lutwin, archevêque de Trêves († 713)238. Et lorsque qu’il pleut, l’oiseau déploie largement ses ailes, faisant office de parapluie, comme dans la vie de saint Médard, futur évêque de Noyon († 545 ou 557)239. Ce genre de miracle est plus fréquent à la période carolingienne240. Ils protègent aussi le corps des saints défunts, en particulier des martyrs241.
83Au contact des saints, les bêtes les plus féroces deviennent douces comme des agneaux. Dans les Acta Juniani, rédigés au IXe siècle par Vulfin Boèce, saint Junien abbé de Mairé († 587) oblige un renard à relâcher une poule qu’il vient de dérober242. Cette transformation n’est pas présentée comme temporaire, en la seule présence du saint. Avant d’envoyer à nouveau dans la sauvagerie, le saint ordonne à la bête de demeurer dans cet état pacifique. Saint Gall enjoint à un ours de quitter la vallée et de ne blesser désormais ni homme, ni bétail, et lui offre du pain243. Cela entend évidemment un changement de régime alimentaire pour les espèces carnivores. Le fauve devient végétarien244.
84Les animaux de la forêt peuvent montrer une certaine vénération et écouter attentivement les textes sacrés, comme les bêtes de la forêt que présente dans une position d’adoration Walahfrid Strabon face à saint Mammès lorsqu’il prenait la parole : les genoux au sol, les oreilles dressées en gardant le silence245. Jacques Voisenet remarque avec justesse que cet épisode est un écho de celui d’Orphée charmant les animaux sauvages au son de sa lyre. L’influence de l’antique culture grecque n’est pas étonnante dans cette vie de saint d’origine grecque ; le thème d’Orphée fut d’ailleurs très populaire chez les chrétiens d’Orient et il suffit ici à l’auteur de remplacer la lyre par les Évangiles pour acclimater le thème246.
85Si les exemples ne sont pas rares dans les hagiographies continentales, c’est dans la tradition irlandaise que l’on trouve les récits les plus caractéristiques247. Sur les rives de l’Authie, saint Josse caresse et nourrit de sa main les oiseaux et les poissons comme de dociles animaux domestiques. Symbole chrétien et influence celte des relations entre l’homme et la nature se rencontrent ici248. Ce n’est donc pas étonnant de retrouver pareilles affinités entre l’homme et la bête dans la vie de saint Colomban, sans doute l’une des plus riches en épisodes relatifs au problème des rapports entre le saint homme et la faune sauvage, et plus largement, avec la nature249.
86Cette domination spectaculaire sur la faune sauvage, cette capacité des saints à traverser des espaces réputés hostiles à l’homme, peuvent aussi être perçues avec méfiance. Saint Goar vécut en Rhénanie au VIe siècle mais sa vita date du milieu du VIIIe siècle environ, à la charnière entre l’époque mérovingienne et carolingienne250. Un épisode relate que Rusticus, évêque de Trèves, convoque Goar l’accusant de pratiquer la magie, car il avait par sa prière appelé trois biches (Trinité) et s’était mis à les traire pour enduire de leur lait les membres d’un des émissaires de l’évêque, tombé de son cheval251. C’est un Wandermotiv (motif itinérant) comme on en trouve tant dans la matière hagiographique à l’époque mérovingienne252. Le même épisode se retrouve chez Grégoire de Tours, dans la vita Brigidae de Cogitosus ou encore dans la vie de saint Èvre de Grenoble (VIIe siècle ?)253. Mais il semble que ce type de merveilleux commence à rencontrer une résistance dans la culture ecclésiastique carolingienne254.
Délimiter et sanctifier l’espace
87Aux alentours de Bregenz, où Colomban jeûne sévèrement sous un rocher, son minister, Chagnoaldus, futur évêque de Laon, se charge de donner des ordres à un ours qui mange les fruits de la forêt et limite sa portion pour qu’il reste quelque chose à manger aux deux solitaires255. L’animal sauvage est assigné à un domaine qui lui est réservé. Le partage du territoire forestier entre ce qui revient aux moines et à la bête affirme d’une manière spectaculaire la capacité spirituelle du saint à recréer autour de lui la domination du monde sauvage qui était celle d’Adam au paradis. Mais cette limite surnaturelle, parfois matérialisée par le bâton du saint256, rappelle aussi que la paix entre l’homme et l’animal est à venir : elle ne sera totale qu’à l’avènement du royaume de Dieu. Le saint ne fait qu’organiser l’espace en démarquant ce qui reste sauvage et ce qu’il s’approprie257. C’est le pouvoir du saint que d’entrer dans un jardin couvert d’une foule de chenilles et de commander aux bestioles de quitter ces lieux, sur le modèle de saint Antoine qui interdisait son jardin aux bêtes nuisibles258. De même sa vita raconte que Césaire d’Arles chassait les sangliers qui dévastaient les récoltes259.
88Le locus sanctus le plus souvent mentionné et le plus fréquenté, c’est le tombeau du saint. Lorsqu’un animal sauvage pénètre dans l’enceinte sacrée d’un sanctuaire, il arrive qu’il soit foudroyé tel le renard de la vie de Bertulfe260. Le premier livre des Miracles de saint Benoît raconte qu’au temps de Charles le Chauve, alors que de nombreux fléaux annoncent un règne difficile et des temps troublés, l’audace des bêtes sauvages prend l’allure d’un mauvais présage. Un loup surgit subitement de la forêt enlève un jeune enfant. Il fuit à travers la plaine emportant ce fardeau avec lui. L’invocation de saint Benoît libère l’enfant qui est abandonné par son ravisseur sur les limites du domaine de l’abbaye261. Ces anecdotes ne signifient pas le refus du sauvage mais la confirmation que les monastères sont des asiles, protégés des voleurs, qu’ils soient homme ou animal. L’intrusion des bêtes sauvages n’est un prétexte qui dédramatise l’avertissement.
Contrôle météorologique
89Les saints ont aussi la faculté de maîtriser les vents forts et d’arrêter les orages. C’est le signe de croix, donc la virtus Dei, qui apaise les éléments. C’est un épisode fréquent, traité par l’auteur avec plus ou moins de détails262. Saint Martin protège les champs des orages de grêle263. Sainte Leoba peut calmer une tempête qui, soufflant par les fenêtres, soulève les toitures des maisons, en faisant le signe de croix et en levant les mains contre les cieux264. Grégoire de Tours éloigne personnellement un orage de grêle de ses vignes en mettant un cierge de la tombe de saint Martin au sommet d’un grand arbre265. La propre mère de Grégoire de Tours munie de reliques, peut détourner un feu en commandant au vent et sauver ainsi de l’incendie de champ familial266. L’église de Brioude, où reposent les restes de saint Julien, sert de paratonnerre lors des violentes tempêtes267. Pour l’évêque de Tours, cette maîtrise des éléments n’est pas surprenante268. Elle fait partie naturellement de la manifestation de la bienveillance divine, dont les lieux des premiers temps chrétiens peuvent encore témoigner. Là où saint Jean l’Évangéliste est réputé avoir séjourné lorsqu’il rédigeait son livre, sur le sommet d’une montagne, les quatre murs désormais sans toit continuent d’être épargnés par les pluies269.
90Plus simplement, la maîtrise des brusques rafales qui balayent les chemins de terre traversant les bourgs est perçue comme un acte bénéfique. Nous imaginons mal à quel point le vent pouvait être gênant pour les gens du haut Moyen Âge. Dans de nombreux manuscrits médicaux de cette période, il est souvent question des yeux touchés par des pathologies diverses270. Grégoire de Tours utilise ce genre d’incident pour mettre en valeur la vertu d’un saint271. Ces miracles illustrent également les prédications autour de la clairvoyance retrouvée du bon chrétien.
91Des miracles particulièrement spectaculaires ne sont que la transposition de l’expression « la foi déplace les montagnes272 ». Grégoire le Grand toujours raconte qu’un rocher empêchait l’aménagement d’un jardin au monastère établi sur le mont Soracte, montagne peu élevée (691 m) mais imposante tout de même par sa masse isolée. Il s’avérait impossible de le déplacer par la seule force des hommes. Le prieur Nonnosus demanda toute la nuit l’aide de Dieu. Au matin le rocher s’était déplacé suffisamment pour mettre l’espace en culture273. Ce miracle est repris au IXe siècle dans la Vita Launomari, mais avec un arbre mort d’une taille immense274. Plus extraordinaire, l’auteur de la vita Willibaldi indique que les reliques de sainte Agathe avait le pouvoir de stopper les coulées de lave de l’Etna275.
92La puissance des hommes de Dieu paraît donc sans limite. Tout ce qui dans la nature effraie le commun des mortels ne peut échapper au contrôle des saints. Autour d’eux, l’harmonie qui a été voulue par Dieu est rétablie.
Espace de réconciliation entre l’homme et la nature
Terre d’asile
93Les espaces incultes, les forêts, les marais ou les grottes n’ont pas seulement la réputation de lieux d’épreuves dans la littérature hagiographique ; ils apparaissent aussi souvent comme des asiles. En quittant les terres habitées, civilisées, les persécutés s’éloignent de leurs bourreaux, et se mettent en quelque sorte sous la protection divine. C’est d’ailleurs l’autre sens du désert, que l’on retrouve dans la tradition vétérotestamentaire.
La forêt-refuge
94Les Gesta pontificum Autissiodorensium racontent que lors des persécutions du IIIe siècle, des chrétiens quittèrent les cités pour se réfugier dans des places fortes, mais aussi dans des forêts, comme dans le centre de la Gaule où « de très nombreux chrétiens se rassemblèrent dans le pagus d’Auxerre parce qu’il était en ce temps-là couvert dans sa majeure partie d’épaisses forêts276 ». C’est, selon Grégoire de Tours, en fuyant les persécutions que Maxime évêque de Nole s’enfonce jusqu’à se perdre dans le saltus silvarum277. La vierge Agnoflède, fuyant le mariage auquel son père la destine, se réfugie en forêt et se dissimule au creux d’un arbre278. Sainte Aldegonde pour les mêmes raisons fuit la nuit in locum nemorosum279. La forêt est le refuge du persécuté et de la vierge ; l’ermite parvient à trouver sa pitance et le sage un moment de repos et de méditation. C’est en forêt que Colomban se retire pour lire en toute tranquillité280. Alors la forêt cesse d’être menaçante.
La grotte
95Dans plusieurs vies de saints, la grotte est un lieu regardé avec méfiance. C’est le haut lieu des génies païens, vestiges de cultes à mystère considérés comme sataniques. Mais ce lieu remarquable est investi aussi depuis fort longtemps par les forces positives. La Bible compte de nombreuses grottes devenues autant de lieu de recueillement sur la route des pèlerins en Terre Sainte jusqu’au tombeau du Christ. Le voyage de la vierge pèlerine ou Égérie signale toutes ces grottes-étapes : par ordre de citation dans le texte, ce sont celles du Mont des oliviers, de Gethsémani, de la Nativité, du Champs des pasteurs, du Prophète, d’Élie, de l’Annonciation, des Béatitudes, de Macpelah, du Sinaï, d’Horeb, du Tombeau de Job, et du tombeau du Christ281.
96Concrètement, en Occident, les grottes ont toujours été des refuges dans les périodes de crises282. C’est attesté depuis l’Âge des Métaux283. Les vies de saints proposent plusieurs épisodes dans lesquels la caverne devient asylum. Un des serfs d’Agylus, noble franc et futur abbé de Micy, coupable d’une grave faute se réfugia dans une grotte près du tombeau de saint Mesmin, deuxième abbé de Micy. Agylus veut le faire sortir mais une paralysie l’arrête soudain. Le noble promet de doter l’abbaye de Micy et le tombeau du saint s’il recouvre la santé. La guérison suit immédiatement cette promesse284. Des ermites se réfugient dans les grottes, même si cela n’apparaît pas comme des lieux tout à fait appropriés dans les vies de saints. La Chronique des abbés de Fontenelle raconte qu’un certain Milon entre d’abord au monastère sous l’abbatiat de Bénigne puis demande à s’éloigner pour vivre en anachorète. Il se choisit une grotte située dans une falaise sur les bords de la Seine, non sans avoir au préalable purifié l’endroit des nombreux démons de l’air (aereas daemonum) qui la peuplaient285. Des abbés, désireux de vivre une plus grande spiritualité, choisissent parfois une grotte éloignée de leur monastère286. Saint Germer de Flay († vers 660), à la suite de difficultés avec les moines du monastère de Pentale (dans l’Eure) dont il est l’abbé, part vivre avec quelques compagnons dans la grotte de saint Samson. C’est là que saint Ouen vient l’ordonner prêtre287.
Des loca sancta dans l’espace sauvage
97Dans le troisième quart du Ve siècle, la vita Martini, écrite en vers par Paulin de Périgueux, offre une vision personnelle et originale des sancta religione loca. Ceux-ci sont pour le poète avant tout situés en Palestine : ce sont les villes de Bethléem et Jérusalem. Mais il ajoute que d’autres contrées ne sont pas dépourvues de ces « lieux saints au regard de la religion », des lieux illustrés par des martyrs ou par des justes288. Paulin n’est pas le seul parmi les écrivains gaulois à exprimer un tel point de vue. Un peu avant le milieu du Ve siècle, Eucher de Lyon dans la Passio Acaunensium Martyrum qualifie Agaune de locus sacer parce que ce site appartient à la catégorie des loca singula quae [martyres] possident289. Dans un même esprit, l’anonyme qui rédige au début du VIe siècle la Vita Patrum Jurensium considère le monastère de La Balme, près duquel est enseveli le saint abbé Romain, comme un venerabilis locus290. Dans la deuxième moitié du VIe siècle, c’est pour traduire une notion dès lors familière aux hagiographes gaulois que l’expression forgée par Paulin triomphe sous une forme simplifiée : locus sanctus. C’est surtout la forme plurielle loca sancta qui s’impose, consacrée par l’usage qu’en font Fortunat et surtout Grégoire de Tours. Dans les ouvrages de ce dernier, Luce Piétri relève près d’une trentaine d’occurrences de cette expression291.
98Sous la plume des auteurs gaulois, loca sancta s’appliquent aux memoriae des saints, autrement dit à leurs tombeaux et aux sanctuaires bâtis dessus. Mais le locus sanctus dans une acception plus large désigne tous les lieux sacralisés par un saint aussi bien de son vivant qu’après sa mort. Cela inclut donc non seulement là où reposent ses restes mais aussi tous les lieux où il vécut de façon exemplaire et accomplit des miracles. Le substantif locus associé à l’adjectif sanctus retrouve donc son sens premier, plus neutre, de lieu. La formulation implique en quelque sorte un transfert de la sacralité du personnage au locus. Cela débouche sur la conception d’une véritable géographie sainte, une « hagiogéographie ». Ainsi s’affirme l’idée que certains lieux sont prédisposés pour accueillir des saints292. Ainsi, le site de Condat dans le Jura, avec le confluent des vallées, sa source, ses forêts, se présentait comme le locus « répondant aux vœux » de Romain, approprié à son genre de vie293. Acaunus, site montagnard du Valais entouré d’un cercle de sommets escarpés percés d’étroits défilés, tel que le décrit Eucher, dressent son décor sauvage et grandiose294. Il apparaît prédestiné par sa nature rocheuse et son nom, qui en langue celtique signifie « pierre », à accueillir les martyrs de la légion thébaine et l’église ensuite fondée en leur mémoire, de la même façon que sur Pierre est édifiée l’Église universelle295. Déjà Sulpice Sévère dépeignait, sur la rive droite de la Loire, le locus d’accès difficile, resserré entre la falaise à pic d’un mont élevé et le méandre du fleuve, comme offrant providentiellement à Martin une retraite n’ayant rien à envier à la solitude du désert296. Le paysage décrit par Grégoire de Tours à propos de la retraite de l’Arverne Caluppan, quelque part au sud ouest de la cité de Clermont, est tout en élévation et minéralité297. C’est un authentique désert, celui des Pères, un lieu où se renouvèle l’expérience douloureuse de la solitude et des tentations diaboliques.
99Si les hagiographes décrivent avec autant de soin le cadre dans lequel le héros est appelé à vivre ou à mourir, évoquant la disposition du relief, le cours des rivières, l’aspect de la végétation, c’est parce qu’ils veulent suggérer aux lecteurs qu’entre ce cadre naturel et la vocation du saint existe une harmonie mystérieuse préétablie. Pour le martyr en effet, est loin d’être indifférente la nature du site où il va verser son sang et où il y aura probablement sa sépulture298. C’est le cas de saint Patrocle de Troyes dont la passio datée du milieu du VIe siècle nous apprend, qu’arrêté et condamné en application d’un édit d’Aurélien, il est conduit sur les berges de la Seine, près de Troyes pour y être exécuté. Mais effrayé à l’idée que son corps reposerait en cet endroit marécageux, il obtient du bourreau d’être décapité sur la colline voisine, le mons Idolorum, un site évidemment plus propice à l’établissement d’un édifice cultuel. Un petit oratoire funéraire est élevé après l’apaisement de la persécution et remplacé au milieu du VIe siècle par une vaste basilique299.
100Chez Grégoire de Tours, comme l’a montré Patrick Gautier Dalché, l’espace proprement terrestre est le cadre de déplacement des personnages dans le sens horizontal, avec des obstacles privilégiés : cours d’eau, montagnes et forêts essentiellement300. Les liens entre ciel et terre s’y trouvent difficilement. Les phénomènes météorologiques pourraient matérialiser ces liens mais leur signification est ambivalente et leur description stéréotypée. Ils ont pour cause ou bien la puissance divine (qui impliquent châtiment ou protection) ou bien l’intervention démoniaque que le signe de croix ou l’ostension des reliques contra nubem finissent par pacifier. Mais il y a une remarquable errance quant à la localisation précise de l’endroit d’où émane la vertu des corps saints. Le souci de précision vient du fait qu’il faut éviter des manifestations paganisantes et que le culte soit rendu en des endroits illégitimes. Ils sont toujours décrits par des rapports de contiguïté ou de proximité entre les lieux. L’espace n’est donc pas un milieu rempli d’éléments valant pour eux-mêmes mais c’est un réseau, une trame de loca sancta301. Le réseau des loca sancta a pour fonction de modérer l’inquiétude en établissant une série de relations au sein de l’espace réel appréhendé comme source d’angoisse. De là sans doute vient chez Grégoire de Tours l’horreur du désert où disparaît le quadrillage des loca sancta. Le désert n’est que rarement valorisé dans son œuvre. Lorsque, avant son épiscopat, Grégoire de Tours est pris de fièvre alors que lui et ses compagnons sont entrés dans une forêt, on insiste pour qu’il fasse demi-tour302.
101La perception de l’espace est ainsi organisée en fonction de l’opposition entre les lieux protégés et les lieux non protégés. L’intrusion du sauvage dans la sphère domestique représente d’abord un danger et une nuisance pour les récoltes comme dans le cas de ces sangliers dans la vie de Césaire d’Arles qui attirent les chasseurs et leurs déprédations dans les champs. L’intervention du saint rétablit l’équilibre entre les deux espaces en empêchant tout retour des sangliers. Une barrière infranchissable est dressée entre les deux mondes et renforce leur valeur303. Les chevaux et les chiens des chasseurs qui avaient violé le vallon paisible où vivait Hadelin, cet Aquitain fondateur de l’abbaye de Celles († 690), meurent, punis d’avoir troublé la retraite du saint304. Ils remettaient en cause l’ordre établi par l’ermite. L’espace environnant est devenu un lieu de non-violence. Cet épisode est à rapprocher d’autres passages de vitae comme celui dans lequel se rencontrent l’ermite Emilien et Brachio le chasseur d’un notable de Clermont. En pénétrant dans l’enceinte de l’ermitage, non seulement le sanglier poursuivi n’est pas mis à mort, mais il est devenu aussi paisible qu’un agneau305.
Le don de Dieu
Des bouts de paradis
102Les saints recherchent la compagnie des anges. Dès lors il n’est guère étonnant que le lieu de retraite soit plus proche du paradis que de l’enfer. Même si c’est un lieu désolé, il peut devenir agréable à vivre. Saint Ermeland († 710/730) considère une île de la Loire non loin de Nantes comme l’antichambre du paradis : ici point de bruit des foules du siècle, mais des chants mélodieux des oiseaux divers qui peuplent les bosquets306. Nous retrouvons dans ce passage la description de la nature selon le modèle classique du locus amoenus. C’est un lieu délicieux avec au moins un arbre ou un bosquet, un pré, une source ou un ruisseau, le chant des oiseaux et le souffle léger du vent. Là, les saints reçoivent l’amitié des animaux. Ce micro-univers restaure l’harmonie primitive de la Création307. Gregorio Penco rappelle qu’à travers la lettre et l’idéologie des Écritures, la nature possède une valeur sacrée, symbolique308 ; même si pour Peter Brown « le morne paysage asocial du désert est une image lointaine du paradis309 ».
103En regardant le comportement de l’homme de sociétés traditionnelles à l’égard d’un territoire inconnu, on rencontre toujours la hâte angoissante de le transformer en cosmos310. Le territoire occupé passe de l’état chaotique à l’état organisé : il est « cosmisé » pour reprendre l’expression de Mircea Éliade311. Ainsi en est-il du territoire que transforme Pirmin : peuplé de toutes les bêtes rampantes de la création (vermines, scorpions, serpents), couverts d’épines, de buissons et d’arbustes aux fruits immangeables, il devient sous l’action du saint, l’athleta Christi Pirminius, un amoenissimus hortus où l’air est sain, le cours d’eau iocundus, la terre fertile ; les forêts sont de haute futaie et les vignes chargées de raisins312.
104La pacification s’étend, dans ces terres réputées hostiles, aux mauvais hommes qui les visitent. Des voleurs viennent à la rencontre de l’ermite Launomarus, retiré dans la forêt du Perche, afin de le dépouiller. Mais frappés par la virtus du personnage, non seulement ils repartent en l’épargnant mais deviennent les ambassadeurs de sa sainteté313. La sauvagerie au sens le plus large est abolie. Le véritable ermite est dépeint comme un être social et sociable.
105Il s’agit encore d’un locus amoenus lorsque l’évêque de Clermont Bonitus († 706), renonçant à son ministère épiscopal pour quelque temps, découvre au monastère de Manglieu des prairies vertes et bordées de bois ombrageux, une rivière courant entre les jardins fleuris et les arbres chargés de fruits314. De même l’île de la Seine sur laquelle se retire Condedus est un lieu privilégié315. La présentation topographique d’une donation royale relève, pour d’évidentes raisons de gratitude envers le généreux donateur, de la même sémantique. Le lieu d’installation du coenobium de Micy dans la vita Maximini reprend tous les poncifs du locus amoenus316. Alors fleuves et forêts ne sont plus des lieux de dangers et de perdition, des lieux sauvages. Le cadeau de la reine Bathilde et de Clovis II s’apparente sous la plume de l’hagiographe de la vita Filiberti à un morceau de paradis :
« C’est ici les frondaisons chevelues de la forêt, la multiplicité des fruits ; ailleurs l’agréable fécondité d’une terre très riche, le verdoiement des herbes des prairies ; ici abondent les fleurs parfumées des jardins, les grappes des vignobles… On peut admirer cette butte merveilleuse, que l’eau de tous les côtés environne, propre à la pâture des troupeaux, généreuse en produits laitiers, propice à tous les genres de chasse, rempli du chant mélodieux des oiseaux317. »
Manne céleste
106Ce que mangent les hommes de Dieu, en particulier les ermites, vient souvent du sauvage (herbes, fruits, baies…). Il leur arrive de recevoir une manne exceptionnelle pour apaiser la faim : Colomban et les siens se rassasient d’une nuée d’oiseaux318. Les hommes de Dieu se présentent alors comme des carnivores, à l’opposé du végétarisme prôné en général. Plus fréquemment ce sont des poissons qui se jettent dans l’embarcation des pêcheurs319. Des saints pêchent, mais ne chassent pas pour se nourrir. La mort de l’animal semble ainsi moins dramatique. Pourtant l’activité halieutique peut être à l’occasion assez sportive. On pêche dans la vita Filiberti des « poissons marins de 50 pieds de long », en fait de petits cétacés dont on tire aussi de l’huile320. Mais il s’agit surtout pour les auteurs des vitae de reproduire l’épisode biblique de la pêche miraculeuse. Et elles sont nombreuses dans les vitae321. À l’occasion des fêtes solennelles à l’abbaye de Saint-Benoît (Fleury), la pêche est suffisamment abondante pour fournir la table322. Les ermites reçoivent du poisson en abondance comme Condedus, retiré dans l’île de Belcinac sur la Seine323.
L’eau et la fertilité
La conversion des sources
107La relation entre l’eau et le corps peut être établie par l’étude de l’utilisation de l’eau en médecine ancienne, comme le montrent tous les ouvrages médicaux324. Dans les sanctuaires médicaux où elles venaient prier et se soigner, probablement recevoir les soins d’autres femmes, les femmes demandaient la guérison à des déesses, celles des sources. En effet, les sources elles-mêmes étaient dans l’Antiquité des divinités féminines. Dans les sanctuaires d’eau, les édifices ont résisté aux invasions du Ve siècle. Leur reconstruction montre que les dieux de guérison y furent le dernier bastion du paganisme. En fait, cultes et soins pouvaient s’accommoder d’installations rustiques ou même, en n’attirant plus que les femmes du voisinage, maintenir une réputation de lieu de guérison. Arrive à ce moment-là en Gaule la concurrence des thaumaturges vivants. Ce sont uniquement des hommes et des évêques : Martin, Allyre de Clermont, Népotien de Clermont. Et les femmes sont leurs plus fidèles collaboratrices325. La répétition des épisodes de conversion ou création de sources dans les vies de saints montre à quel point l’Église a senti l’urgence de la prise en main des fontaines pour établir le contact, parfois le premier, avec les populations rurales encore païennes.
108Un des plus beaux exemples de fabrication de source sainte est donné par Grégoire de Tours. Une femme allait chaque jour assez loin hors du bourg pour puiser de l’eau. Elle y rencontre saint Martin voyageant sur son âne. Elle offrit à boire à la monture du saint puis s’en retourne chargée de sa réserve d’eau. Reconnaissant, saint Martin la suit jusqu’aux portes du bourg. Il prie Dieu d’alléger la peine de cette femme en faisant jaillir une source en cet endroit. L’auteur confirme ainsi l’origine de cette eau providentielle : « Au bord de cette source se trouve en témoignage de ce prodige une pierre qui a gardé l’empreinte des pas de l’âne sur lequel était monté le saint pontife326. » Parmi les innombrables sources vénérées en Gaule, il ne doit pas être permis aux chrétiens de s’égarer vers celles qui sont encore infestées par les génies anciens327. L’eau des campagnes trouve par l’intermédiaire des saints une autre sacralité.
109Le sacrement du baptême est souvent utilisé d’après les textes pour détourner le caractère magique des sources. Willibrord convertit un puits sacré frison qui était reconnu pour ses pouvoirs de fertilité, en le transformant en baptistère328.
110Mais l’épisode le plus fréquent est celui dans lequel le saint plante un bâton dans le sol pour faire jaillir une nouvelle source. Saint Yriez plante la baguette qu’il tient à la main dans le sol aride et fait jaillir une source vigoureuse329. En copiant ainsi le geste de Moïse, le thaumaturge assure l’orthodoxie de la vénération que le peuple porte par la suite à la fontaine. Lors d’une sécheresse exceptionnelle, des habitants de Franchimont envoyés par les moissonneurs assoiffés se rendent chez Hadelin pour implorer son aide. Hadelin, arrivé à Franchimont plante son bâton dans le sol tel Moïse et fait jaillir une fontaine qui désaltère les habitants reconnaissants330. De même saint Trond frappe le sol de son bâton à Amburnia, près de Looz, et encore saint Calais, saint Fursy, saint Landelin, saint Loup de Chalon-sur-Saône, saint Josse, saint Paterne331 … Au début du Xe siècle, c’est un miracle ordinaire que l’on retrouve encore dans la Vita Basoli332. Non seulement, Moïse est la référence biblique invoquée dans ces épisodes, mai il est clair que la capacité à faire jaillir de l’eau est un attribut élémentaire de la sainteté. Lorsqu’un de ses compagnons se plaint de la corvée de l’eau, Colomban lui dit : « Mon fils… tâte un peu la muraille rocheuse. Souviens-toi que le Seigneur à fait jaillir l’eau du rocher pour le peuple d’Israël333. »
111Le sang du martyr considéré comme une fontaine peut devenir une source de guérison. C’est le cas de la source où fut lavée la tête de Julien de Brioude à Vincella, aujourd’hui Saint-Ferréol. Grégoire de Tours témoigne avoir utilisé ses vertus alors qu’il était un jour victime d’une insolation334. Cela reste cependant un cas isolé de confusion finale des lieux de culte païen et chrétien. Rien au VIe siècle n’est offert aux chrétiens pour contrebalancer le pouvoir des sources dans le domaine spécifiquement féminin : maladie génitale, fécondité, maladie ou anomalie des seins qu’accueillaient les sanctuaires païens. La vénération de certaines fontaines finit par être assimilée à de la magie et les femmes qui s’en approchent à des sorcières.
Faire tomber la pluie
112Dans les campagnes, les processions des rogations attestent l’existence de grands rituels ambulatoires dès la fin du Ve siècle. Les rogations étaient trois jours de prières et de processions pour prévenir les dommages causés aux récoltes. Grégoire de Tours évoque leur existence au VIe siècle en Auvergne. Lors des rogations avant l’Ascension, des paysans demandent, pour surseoir à la sécheresse, à l’évêque Quintianus de prier le ciel pour faire venir la pluie335. La christianisation de ces processions est passée par l’utilisation d’objets appartenant ou ayant appartenu à un saint homme. Grégoire le Grand nous raconte dans les Dialogues une des ces processions pour faire tomber la pluie : le peuple portait à travers les champs la tunique qui appartenait à l’abbé Eutichius et la pluie finissait par tomber336. Une vita écrite au VIIe siècle de saint Déodat de Nevers raconte comment sa tunique portait secours en temps de sécheresse et même lors d’inondation ou de « pestilence337 ». Adamnan († avant 704) fournit des détails intéressants dans la Vita irlandaise de saint Columba, abbé de Iona mort en 597. Durant une terrible sécheresse, la communauté du saint homme décida après sa mort que
« plusieurs d’entre leurs aînés devaient parcourir la campagne qui avait été labourée et ensemencée depuis peu, en portant avec eux la tunique blanche de saint Colomban et des livres écrits de sa main ; qu’ils devaient par trois fois lever et secouer dans les airs cette tunique qu’il portait à l’heure où il avait quitté son corps ; qu’ils devaient ouvrir ses livres et de les lire sur la Colline des Anges, là où les hôtes des mondes célestes furent vues descendant pour converser avec le saint homme338 ».
113La pluie tombe évidemment à torrent.
114Il est frappant de voir à travers tous ces exemples qu’en de nombreuses occasions, le saint fait en réalité preuve de sa capacité à féconder la terre. C’est un renversement total de la polarité masculin-féminin du monde antique. L’homme de Dieu s’approprie les eaux souterraines, par les sources qu’il dérobe aux nymphes, tout en revendiquant les eaux ouraniennes, les pluies, qui étaient déjà le domaine des dieux masculins339. Mais les saintes peuvent aussi recevoir l’eau du ciel. Manquant d’eau pour faire son pain, la pieuse Monegunda la reçoit sous forme de neige accumulée sur le rebord de sa fenêtre340.
Arbres saints
Concurrence aux arbres païens
115Dans toute la Gaule, de grands arbres donnent des fleurs et des fruits à profusion au-dessus des tombes de saints341. Grégoire de Tours les regarde avec plaisir car ils ne lui rappellent plus les arbres à ex-voto païens. Ils sont un aperçu de la luxuriance végétale illimitée du paradis342. Nous retrouvons les symboles de l’arbre cosmique et du centre du monde partagés par plusieurs cultures et qui s’intègrent chez les chrétiens dans le symbolisme de la croix perçue comme un arbre qui monte de la terre aux cieux343. La vita Heriberti en est une illustration. Héribert de Cologne demande un jour à ses charpentiers de trouver un arbre convenable pour y tailler un grand crucifix destiné à l’abbaye de Deutz. Mais la recherche est vaine, jusqu’au moment où, dans un verger, le saint tombe sur le poirier idéal344. Dans un autre récit, pour refaire à neuf la toiture d’une église consacrée à saint Laurent, les habitants du lieu abattent des arbres dans la forêt. Mais aucun ne donne une poutre assez longue. Par miracle, à l’invocation du saint le tronc d’un chêne (robur) devient si long qu’il faut le couper. Le reste, nous dit Grégoire de Tours, sert de médicaments pour guérir diversas infirmitates345.
116Dans plusieurs travaux, Mircea Éliade a mis en valeur la solidarité mystique entre l’homme et les plantes dans de nombreuses croyances et légendes346. La transformation du héros assassiné en plante est un motif bien connu des contes populaires, mais aussi les vies de saint347. C’est l’homme végétal né de la semence qu’un être supplicié laisse tomber à terre. La mise au tombeau du saint est l’ensemencement de la création : le miracle produit sur la tombe est souvent la naissance d’une plante. C’est à travers elle que le thaumaturge agit. Dans la vita Tresani, par un cheminement symbolique complexe, le bâton du saint réputé stérile devient, une fois fiché en terre, un arbre qui, après avoir été abattu, révèle entre ses racines une source guérissant les fièvres348.
117Grégoire de Tours n’hésite pas à louer les vertus miraculeuses de la mousse qui pousse sur la tombe de saint Tranquille de Dijon, ou des poires du tombeau de saint Nazaire et de saint Celse d’Embrun349. Aucun doute n’est permis puisque ces végétaux ont le mérite de pousser à proximité immédiate de corps saints reconnus par l’Église.
118Mais la limite entre l’arbre saint et l’arbre du paganisme est suffisamment ténue pour que le doute s’immisce dans l’esprit des chrétiens fraîchement convertis, mais aussi chez les saints. Ce qui explique les précautions prises parfois : lorsque sainte Odile veut planter trois pieds de tilleul, une de ses nones l’avertit de la présence d’une force surnaturelle néfaste qui leur est associé. Aussi la sainte plante-t-elle les jeunes arbres en invoquant la Trinité350.
119Un arbre planté par un saint ne doit pas être coupé. Dans le bourg de Chinon, un laurier est coupé à la mort du reclus Jean et transformé en banc. Mais lorsque l’auteur se rend compte de son acte, il replante les pieds du banc. Bientôt un nouvel arbre apparaît351. L’arbre que Martin a béni au bord de la route à Neuillé-le-Lierre, en Touraine, est toujours debout même mort. Son écorce a été entièrement arrachée pour entrer dans la composition de remèdes médicaux352. Il est dans les pouvoirs du saint de faire reverdir un arbre et, en quelque sorte, d’illustrer ainsi avec la renaissance végétale l’espérance de la résurrection353.
Le mystère de la résurrection
120Grégoire de Tours présente, avec les miracles de Friard sur deux arbres, une réflexion sur le pouvoir des saints dans le cycle végétal. Un jour, Friard ramasse la branche d’un arbre déraciné par le vent, un arbre qui avait été, dit-on, greffé par le saint (un fruitier probablement, même si Grégoire de Tours ne s’intéresse pas précisément à l’essence en question). De cette branche, il s’en fait un bâton puis plus tard, le plante dans le sol. Celui-ci devient rapidement un arbre couvert de fruits. Cet arbre connaît une si grande renommée que le saint effrayé l’abat lui-même à la hache. Grégoire de Tours enchaîne aussitôt sur un autre épisode : Friard (qui a décidément des talents de jardinier) replante un arbre abattu par le vent. Et Grégoire d’ajouter : « Et moi je crois (ce que ce miracle révèle) que celui qui, par la miséricorde de Dieu, a obtenu que des arbres desséchés se couvrent de feuilles en redevenant vert, a pu obtenir par sa prière au Seigneur que les morts reçoivent la vie354. »
121Tous ces miracles renvoient à l’imagerie primitive du Paradis355. Grégoire de Tours est en accord avec les poètes chrétiens de la fin du IVe siècle lorsqu’il recherche les lieux où les hommes peuvent entrevoir l’idée du Paradis. Son œuvre hagiographique est remplie de douces musiques et de parfums mystérieux, qui apportent dans les basiliques de Gaule une note de paradis356. Grégoire évoque plusieurs arbres qui fleurissent près des tombes des saints. Il ne s’agit pas simplement d’avatars de ces arbres sacrés comme en abat Martin avec tant de vigueur. Pour les hommes tels que l’évêque de Tours, il s’agit d’autre chose. Grégoire s’attache à nous montrer qu’ils fleurissent tous les ans. Ce sont souvent des arbres aux fruits comestibles (mûriers, poiriers, châtaigniers…). Poursuivant l’image poétique de Prudence, Grégoire insiste sur la manière particulière dont ils se couvrent de pétales comme d’un duvet de colombe, faisant descendre les lourdes floraisons du paradis dans les cours des sanctuaires357. La végétation florissante rend palpable la vigueur d’une âme bénie : sur la tombe de Sévère, des lys desséchés revenaient à la vie chaque année, montrant par cette image comment l’homme déposé à l’intérieur « fleurit ainsi qu’un palmier dans le paradis358 ».
122Quand Grégoire visite la tombe d’un martyr, il témoigne que « tous les membres de notre groupe eurent les narines envahies par l’odeur des lys et des roses359 ». Pourtant lorsqu’un prêtre de Clermont fut enfermé par son évêque dans une tombe de marbre de Paros, Grégoire écrit : « Il se dégageait des os du mort… une puanteur mortelle qui soulevait non seulement les organes externes mais aussi les entrailles à l’intérieur360. »
123La fraîcheur des traits rend tangible une quasi immédiate résurrection361. À propos de Grégoire de Langres, Grégoire de Tours écrit : « Son visage était si plein de gloire qu’il paraissait une rose. Il était d’un rouge rosé profond, et le reste de son corps brillait comme un lys. On eût dit qu’il était, maintenant même, prêt pour la gloire à venir de la résurrection362. » Lorsque l’évêque de Tours controverse sur la question de la résurrection des corps dans le chapitre x des Dix Livres d’Histoire, il illustre à nouveau son propos en expliquant le cycle végétal :
« En effet, cette résurrection, les éléments que nous avons sous les yeux en fournissent la preuve. Par exemple, quand les arbres, couverts de feuilles en été, se dépouillent lorsque vient l’hiver, puis lorsque le printemps lui succède, se revêtent de ce manteau de feuilles dans lequel ils étaient auparavant comme s’ils réssucitaient363. »
124Ces métaphores végétales du destin du corps après la mort ont décliné à l’époque romane364.
Conclusion
125Dans le discours hagiographique, l’espace sauvage n’est pas toujours représenté comme un espace négatif, horrible et rebutant. Il peut être assimilé à un refuge pour la prière et la contemplation, loin du monde agité du siècle, un lieu de recueillement et de rapprochement de Dieu. Lorsque cet espace devient dangereux, il est provisoirement le domaine du démon ou du paganisme. Le désert est un lieu d’épreuve et d’accomplissement spirituel : tentation, ascèse, isolement365. Cela contribue finalement à valoriser cette Wildnis.
126Les espaces sauvages prennent donc du sens dans les récits hagiographiques et sont mis au service de la sainteté. La nature sauvage sert notamment à exprimer un combat – celui de l’homme contre sa propre nature au moyen de l’ascèse ou celui du missionnaire dans les campagnes d’évangélisation – mais participe aussi à la Création. Dans les mains de Dieu, les lieux sauvages sont des endroits où sa puissance se manifeste. Car, il n’est pas un lieu réputé sauvage qui ne soit transformé par la présence du saint en un territoire pacifique. Le pouvoir qu’ont les saints de se faire obéir des animaux les plus sauvages, et même des éléments, est un des fondements du succès de leur culte auprès des populations366.
127L’idée d’une nature sauvage, à l’état brut, et d’un monde animal maîtrisable par la vertu et la foi chrétienne a pu contribuer au développement d’une mentalité de défricheur et à la naissance d’un véritable élan vers les marges forestières, moins chez les moines (pourtant amateurs de récits hagiographiques) que chez les ermites qui se jetèrent sur les lisières des forêts européennes, ouvrant de nouvelles terres à la sphère domestique. En même temps, le combat contre les forces du mal paraît plus féroce aux portes des villes et au cœur des bourgs ruraux. Cela n’est nullement paradoxal. Quel intérêt y a-t-il en effet à affronter la sauvagerie au fond de la forêt ou dans les marais ?
128Il reste à se demander jusqu’où les hommes de Dieu pénètrent dans les profondeurs du « désert ».
Notes de bas de page
1 La question était posée par Jean Devisse dans son principal ouvrage Hincmar Archevêque de Reims (845-882), Genève, 1976, p. 478, note 61. D’ailleurs il indique qu’aucune réponse claire n’apparaît chez Hincmar.
2 M. Van Uytfanghe, « La controverse biblique et patristique autour du miracle et ses répercussions sur l’hagiographie dans l’Antiquité tardive et au haut Moyen Âge latin », Hagiographie, culture et société, IVe-XIIe siècles, actes du colloque de Nanterre et Paris, 2-5 mai 1979, Paris, 1981, p. 221.
3 Vauchez A., « Le saint », L’homme médiéval, Le Goff J. (éd.), Paris, 1989, p. 346.
4 Sur cette question, voir Wood I., The Missionary Life. Saints and the Evangelisation of Europe 400-1050, Harlow, 2001.
5 Cf. Constable G., « Monasteries, rural churches and the cura animarum in the early Middle Ages », Critianizzazione ed organizzazione ecclesiatica delle campagne nell’alto medioevo : espansione e resistenze, i, Spolète, 1982, p. 356. Merdrignac B., « Bretons et Irlandais en France du Nord (VIe -VIIIe s.) », Ireland and Northern France A. D. 600-850, Picard J. -M. (éd.), Dublin, 1991, p. 119-142. Rouche M., « La christianisation des pays au nord de la Somme », De Franse Nederlanden, Les Pays-Bas français, Rekkem, 1981, p. 81-91. Heuclin J., Aux origines monastiques de la Gaule du nord, op. cit., p. 124-128.
6 Grégoire de Tours, Gl mart. 91, p. 549.
7 Grégoire de Tours, Decem libri…, VIII, 15.
8 Grégoire mentionne bien d’autres exemples de destruction mais en évoquant des saints des époques antérieures : la destruction du temple de Cologne par saint Gall (VP VI, 2, p. 680) ou celui du lac de Saint-Andéol (Gl. Conf. 2, p. 749), tous deux de la première moitié du VIe siècle ; la destruction du temple de Brioude (Virt. Jul. 5, 6) comme celle du temple de Vasso-Galate à Clermont (Decem Libri…, I, 32) sont mentionnées le IVe siècle. Cf. Vieillard-Troiekouroff M., Les monuments religieux de la Gaule d’après les œuvres de Grégoire de Tours, Lille, 1977, p. 389.
9 Sulpice Sévère, Vita sancti Martini, XII-XV, en particulier le passage XIV, 3-7, Fontaine J. (éd.), Paris, 1967-1969, p. 284-286. Id., Dialogues, III, 8, 4-7. Cf. Fontaine J., « Hagiographie et politique de Sulpice Sévère à Venance Fortunat », RHEF 62, 1976, p. 113-140.
10 Wood I., The Missionary Life, op. cit., p. 10-12.
11 Ibidem, p. 39-42. Toujours utile, de Moreau E., Saint Amand, apôtre de la Belgique et du nord de la France, Louvain, 1927. Id., « La vita Amandi prima et les fondations monastiques de saint Amand », Anal. Boll. 67 1949, p. 447-464. Voir aussi Verhulst A., Declercq G., « L’action et le souvenir de saint Amand en Europe centrale. À propos de la découverte d’une Vita Amandi antiqua », Aevum inter utrumque, Van Uytfanghe M., R. Demeulenaere, den Haag (éd.), 1991, p. 503-526. Cf. Mériaux C., « De la cité antique au diocèse médiéval. Quelques observations sur la géographie ecclésiastique du nord de la Gaule mérovingienne », Territoires et frontières en Gaule du Nord et dans les espaces septentrionaux francs, Revue du Nord, t. 85, juillet septembre 2003, p. 602-606.
12 Vita sancti Boamiri, AA. SS. novembre i, p. 667. Cf. Poncelet A., « Les saints de Micy », Anal. Boll., t. XXIV, 1905, p. 56-59 et 91-92.
13 Il s’en faut de peu pour saint Martin. Sulpice Sévère, Vita Martini, 14, 1, p. 283.
14 Vita Maurilii c. 2, (voir aussi c. 6), p. 73.
15 Cf. Sulpice Sévère, Vita Martini, 22, 1, p. 301.
16 Vita Audoini episcopi Rotomagensis c. 4, MGH SSRM 5, p. 556.
17 Vita Gaugerici episcopi Viennensis, c. 13, MGH SSRM 3, p. 657. Vita Wandregiseli abbatis Fontanellensis, c. 16, MGH SSRM 5, p. 21-22.
18 Vita Landiberti vetustissima c. 10, MGH SSRM 6, p. 363-364.
19 Vita Hugberti, c. 3, MGH SSRM 6, p. 484-485. (VIe du VIIIe s.) Baudovinie raconte dans la vita Radegundis reginae comment la reine donne l’ordre de détruire un bâtiment supposé être un temple païen vénéré par les Francs (Baudovinie, Vita Radegundis reginae, c. 2, MGH SSRM 2, p. 366-367). L’on trouve à peine plus de détails dans la vita Aredii à propos d’un temple consacré à trois idoles auxquelles un culte est rendu ; celles-ci sont bien sûr détruites par Aredius (Vita Aredii abbatis Lemovicini, c. 45, MGH SSRM 3, p. 597-598). Et encore Passio Kiliani martyris Wirziburgensis, c. 3, MGH SSRM 5, p. 723. Vita Vulframni, c. 6-9, MGH SSRM 5, p. 665-668. Vita Willibrordi par Alcuin, c. 10-11, MGH SSRM 7, p. 124-126. Vita Iuniani conf. Commodoliacensis, MGH SSRM 3, p. 378.
20 Wettinus, Vita Galli, c. 4, MGH SSRM 4, p. 256-280. Walahfrid Strabon, Vita Galli, I-4, MGH SSRM 4, p. 280-337.
21 Vita Amandi episcopi, c. 13, MGH SSRM 5, p. 426-428. Cf. de Moreau E., Saint Amand…, op. cit., Louvain, 1927. Dierkens A., « Saint Amand et la fondation de l’abbaye de Nivelles », Revue du Nord 68, 1986, p. 325-334.
22 Vita Bavoni confessoris Gandavensis, c. 4, MGH SSRM 4, p. 537.
23 Vita Walarici abbatis Leuconaensis, c. 22, MGH SSRM 4, p. 168-169.
24 Vita Audomari, c. 5-6, MGH SSRM 5, p. 756.
25 Jonas de Bobbio relate un épisode similaire dans la vie de Bertulfe (Vita Columbani…, c. 25) : le moine Mérovée détruit par le feu un sanctuaire païen avec des arbres autour.
26 Sulpice Sévère, Vita Martini, XIII, 1-8, p. 280-282. Venance Fortunat relate dans un récit plus vivant le même épisode dans le livre i. Vita Martini, p. 18.
27 StephanusAfricanus, Vita Amatorisiv, c. 24, AA. SS. mai i, p. 58. (vita du VIe s.).
28 Vita Walarici Abbatis Leuconaensis, MGH SSRM 4, p. 168-169. Rouche M., « Les Saxons et les origines de Quentovic », Revue du Nord, 1977, p. 41.
29 Vita Amandi I, c. 24, MGH SSRM 5, p. 447. Sans doute cet arbre est-il sculpté, d’après l’allusion :… in quo praedictum idolum adorare consueverat, scilicet arborem, quae erat daemoni dedicata…
30 Vita Bonifatii auctore Willibaldo, c. 6, MGH SRG in usum scolarum, Hanovre, 1905, p. 31-32.
31 Vita Maurilii, c. 19, MGH AA iv, 2, p. 74.
32 Vita Amandi I, c. 11-12, MGH SSRM 5, p. 435-436.
33 Vita Galli, MGH SS II, p. 9-10.
34 Roblin M., « Fontaines sacrées et nécropoles antiques, deux sites fréquents d’églises paroissiales rurales dans les sept anciens diocèses de l’Oise », RHEF, t. LXII, n ° 168, janvier-juin 1976.
35 D’autres exemples sont cités par May Vieillard-Troiékouroff, op. cit., p. 389.
36 Delehaye H., Les légendes hagiographiques, Bruxelles, 1955, p. 168.
37 Vita Vigoris, c. 5-6, AA. SS. novembre i, p. 300-301. Vita Samsonis, AA. SS. juillet vi, col. 573-591. (Vita du VIIIe S-IXe s.)
38 Venance Fortunat (vers 609), Vita Paterni, c. 3, PL 88, col. 490-491.
39 Grégoire de Tours, VP II, p. 668-672. Voir aussi Gl conf. 2, p. 749.
40 « Partout où la communitas s’est manifestée avec fréquente et à grande échelle, existe la possibilité d’une reviviscence, même dans le cadre d’un système religieux différent. » Turner V., Turner E., Image and Pilgrimage in Christian Culture, New York, 1978, p. 33.
41 Grégoire de Tours, VP II, p. 668. La légende de la fondation du sanctuaire de saint Julien à Brioude raconte la même histoire : le sanctuaire était en compétition pour les ex-voto avec un temple païen voisin, où avait lieu une fête régulière ; mais la communitas dont Brioude restait le centre était reliée à un réseau de relations de patronage aristocratique qui, dans l’histoire de la fondation, s’étendait déjà de l’Espagne à Trèves.
42 Graus F., Volk, Herrscher…, op. cit., p. 197 et suivantes.
43 Grégoire le Grand, Epist., XI, 56. Lettre est reprise par Bède le Vénérable dans son Histoire ecclésiastique du peuple anglais, achevée en 731 (Bède le Vénérable, Histoire ecclesiastique du peuple anglais, I, Conquête et conversion, Szerwiniack O., Bourgne F., Elfassi J., Lecuyer M., Molinier A. [éd.], Paris, 1999).
44 Schmitt J.-C., « Les superstitions », Histoire de la France religieuse i : des dieux de la Gaule à la papauté d’avignon, Le Goff J. (éd.), Paris, 1988, p. 450.
45 Voir Sergent B., « Saints sauroctones et fêtes celtiques », Saints et dragons. Rôle des traditions populaires dans la construction de l’Europe, Stavelot, 1988, p. 54.
46 Robreau B., La mémoire chrétienne du paganisme carnute, Chartres, 1997, p. 156. P. Saintyves voyait plutôt dans les saints chrétiens les successeurs des dieux du paganisme, sur la base de certaines continuités culturelles dans des lieux déjà considérés comme sacrés dans l’Antiquité (source, roche ou bois). Il affirmait que, sous le vernis du christianisme, s’étaient prolongés assez tard dans le Moyen Âge les cultes rendus par les Gallo-romains à des demi-dieux ou des génies incarnant les forces de la nature. Ces positions présentent l’inconvénient d’extraire le saint de l’histoire en faisant de son culte un simple paravent à l’abri duquel survivaient des rites d’un autre âge. Saintyves P., Les saints successeurs des dieux. Essais de mythologie chrétienne, Paris, 1907.
47 Grégoire de Tours, VP X, p. 705-709.
48 Cf. Archéologie Médiévale, no 25, 1995, p. 230-231. N° 26, 1996, p. 237-238.
49 Lecouteux C., Démons et génies du terroir au Moyen Âge, Paris, 1995, p. 157.
50 Cf. Stancliffe C., St Martin and his hagiographer, Oxford, 1983, p. 332-334.
51 Sulpice Sévère, Vita Martini XIII 9, p. 283. Vita Bavonis confessoris Gandavensis, c. 4, MGH SSRM 4, p. 537. La vita fait référence à la vie de saint Amand (Vita Amandi, c. 15, MGH, SSRM 5, p. 428). Vita Hugberti Episcopi Traiectensis, MGH SSRM 6, p. 484-485.
52 Vitae Bonifatii, Rau R. (éd.), Darmstadt, 1968, p. 31.
53 Jean Cassien, Conférences,Pichery E. (éd.), Paris, 1958, p. 17.
54 Sulpice Sévère, Vita Martini, XXI, 2-4, p. 299.
55 Grégoire de Tours, Mir. Mart., i, 26 et 27.
56 Grégoire, Decem libri…, X, 35, p. 517.
57 Grégoire le Grand, Dialogues, i, c. 4-7, p. 43.
58 Vita Radegundis II, c. 18, MGH SSRM 2, p. 390.
59 Sur le diable au Moyen Âge la littérature est abondante et inégale. Parmi les travaux récents voir notamment Dinzelbacher P., « Die Realität des Teufels im Mittelalter », Der Hexenhammer, Segl P. (éd.), Cologne, 1988, p. 151-175. Id., « Der Kampf der Heiligen mit den Dämonen », Santi e demoni nell’alto medioevo occidentale (secoli V-XI), II, Spolète, 1989, p. 647-695. Roskoff G., Geschichte des Teufels, Neudruck Nördlingen, 1987. Russel J. -B., Lucifer. The Devil in the Middle Ages, Ithacca New York, 1984. Le diable au Moyen Âge, Sénéfiance 6, Aix-en-Provence, 1979. Judic B., « L’antique ennemi de Grégoire le Grand à Raoul Glaber », Graphè 9 : Figures de Satan, Lille, 2000, p. 45-74. Un numéro des Semaines de Spolète y a été consacré (Santi e demoni…, op. cit). Y voir aussi les articles de Pietri C., « Saints et démons : l’héritage de l’hagiographie antique », p. 15-90. Graus F., « Hagiographie und Dämonenglauben. Zu ihren Funktionen in der Merowingerzeit », p. 93-120. Gandolfo F., « Luoghi dei santi e luoghi dei demoni : il riuso dei templi nel medioevo », p. 883-916. Elbern V.-H., « Heilige, Dämonen und Magie an Reliquiaren des frühen Mittelalters », p. 951-980. Cf. aussi, même si en dehors de nos limites chronologiques, Boureau A., Satan hérétique. Naissance de la démonologie dans l’Occident médiéval (1280-1330), Paris, 2004.
60 Voir notamment Rubellin M., « Le diable, le saint et le clerc : deux visions de la société chrétienne au haut Moyen Âge », Haut Moyen Âge, Culture, Éducation, Société, op. cit., p. 265-272. Il peut alors prendre l’apparence d’un serpent dont la morsure symbolise l’emprise du mal. Saint Lautein guérit un voleur de la morsure d’un serpent, autrement dit, le libère du démon qui l’obligeait à commettre ses larcins (Vita Lauteni, c. 10, AA. SS. novembre i, p. 285).
61 VPJ, Oyend c. 154, p. 405.
62 Constance de Lyon, Vita s. Germani, III, c. 13, p. 146.
63 Vita Launomari, AA. SS. OSB I, p. 341-342.
64 Vita Aldegundae prima, c. 20, Ghesquière J. (éd.), AA. SS. B, 4, p. 322. (Autre édition par Mabillon, AA. SS. OSB II, p. 807-815.) Cf. Delehaye H., Les légendes hagiographiques, 3e éd. Bruxelles, 1927 (subsidia hagiographica 18), p. 27-38.
65 Grégoire le grand, Dialogues IV, 40 3-5, p. 140-142.
66 Augustin, Cité de Dieu, XVIII, c. 18, trad. Combès G., Bruges, 1960. Cf. Harf-lancner L., « La métamorphose illusoire ; des théories chrétiennes de la métamorphose aux images médiévales du loup-garou », Annales ESC, janvier-février 1985, p. 209-210.
67 Léon le grand, Sermo in natali apostolorum Petri et Pauli, 82, 4, PL 54, col. 424. Silvam istam frementium bestiarum…
68 Cf. Sulpice Sévère, Vita Martini, XXI, 2, p. 299.
69 Vita Galli, c. 11, MGH SS II, p. 45-46.
70 Visio Anselli, PL 87, col. 643.
71 Vita Florentii (vita du IXe s.), c. 10, AA. SS. septembre vi, p. 430.
72 Vie et Miracles de saint Benoît II, 2, 1, p. 131.
73 Cf. VPJ, c. 54, p. 299. C’est la reprise du modèle des Pères du désert. Le diable prend l’apparence d’une femme dans la vie d’Antoine (c. 4, PL 73, p. 129C), de Pachôme (c. 9, PL 73, col. 235 AB). Mais la vie de Romain du Jura présente dans les détails de la scène une nette originalité. (Cf. note 1, p. 299 de Jacques Fontaine).
74 Boglioni P., « Il santo e gli animali nell’alto medioevo », L’uomo di fronte al mondo animale nell’alto medioevo, Spolète, 1985, p. 966-967. Id., « Les animaux dans l’hagiographie monastique », L’animal exemplaire au Moyen Âge, op. cit., p. 68-72.
75 Vita Antonii, 9, 6, Bartelink G. J. M. (éd.), Paris, 1994, p. 160.
76 Grégoire le Grand, Dialogues III, 4, 2, p. 271.
77 Vita Lauteni (vita anomyne carolingienne ?), c. 9, AA. SS. novembre i, p. 285.
78 Vita Sadalbergae, c. 15, MGH SSRM 5, p. 58. Lorsque sainte Sadalberge († 665) entra dans la cité de Laon, les habitants virent une procession d’animaux en sortir.
79 Vita Bavonis, c. 11, MGH SSRM 4, p. 543.
80 Vita Filiberti abbatis Gemeticensis et Heriensis, c. 3, MGH SSRM 5, p. 585-586. Cf. Vita Antonii, IX, 6.
81 Vita Wulframni episcopi Senonici, MGH SSRM 5, p. 670. L’éditeur du texte fait remarquer que raus de la langue gothique remplace ici le mot latin harundinis et a donné roseau en français et Rohr en allemand. C’est probablement la toute première occurrence de ce mot. Cf. sur cet épisode Lebecq S., « Le baptême manqué du roi Radbod », dans Les espaces du pouvoir. Temps médiévaux, territoires africains, Redon O., Rosenberger B. (éd.), Paris, Vincennes, 1994, p. 141-150.
82 Grégoire de Tours, Mir. Mart. I, 2 et 4.
83 Properce atteste de cette pratique vers 15 avant J.-C. dans son quatrième livre des Élégies. Properce, Élégies, Paganelli D. (éd.), Paris, 1980.
84 Virgile raconte comment Enée, chassé par les vents vers la Sicile, renouvèle les honneurs funèbres sur la tombe de son père : « Sorti des saintes profondeurs du sépulcre, un reptile luisant… enlaça tranquillement la tombe et se laissa glisser au milieu des autels… Il se déroule en rampant à travers les patères et les coupes brillantes ; il goûte aux mets sacrés et rentre inoffensif, au fond du tombeau, abandonnant les autels où les offrandes sont consumées. » Virgile, Énéide, v, 42-103.
85 Grégoire de Tours, Gl Mart. 50, p. 522-523.
86 Restauré, le pilier des Nautes est désormais visible dans le frigidarium du Musée de Cluny à Paris.
87 Le Tannin de la Genèse (i, 21) et le Léviathan de l’Apocalypse (Jean 40, 25).
88 Genèse 49, 17-Exode 4, 3 – Proverbes 23, 32 ; 30, 19 – Isaïe 14, 29 – Amos 5, 19…
89 Cf. Bodson L., « L’évolution du statut culturel du serpent dans le monde occidental de l’Antiquité à nos jours », Histoire et animal, II, Couret A., Ogé F. (éd.), Toulouse, 1989, p. 525-548.
90 Vita Vigoris, c. 5, AA. SS. novembre i, p. 300.
91 Ophidiens, sauriens et chéloniens sont associés, de même que les amphibiens, au domaine chthonien. Les habitudes amphibies font d’eux des animaux équivoques.
92 Marcuzzi G., « Les relations mythologiques symboliques entre l’homme et les animaux pendant la préhistoire et dans l’histoire de l’Europe », Histoire et animal I : des sociétés et des animaux, op. cit., p. 185.
93 Grégoire le Grand, Dialogues, I, 3, 2, p. 35. Cf. aussi Grégoire de Tours, VP XIV, 2, p. 718.
94 Ainsi que le rappelle Burkert W., Sauvages origines. Mythes et rites sacrificiels en Grèce ancienne, trad. fr. Paris, 1990, p. 88.
95 VP XI, p. 709-711.
96 Vita Juniani, c. 15, AA. SS. octobre vii, p. 148.
97 Voir le tableau de Biraben J.-N., « Les maladies en Europe », Histoire de la pensée médicale en Occident, I : Antiquité et Moyen Âge,Grmek Mirko D. (éd.), 1993, p. 305. L’inventaire des manuscrits latins de médecine pour le haut Moyen Âge, entre les VIIe-IXe s., est dû à Ernest Wickersheimer (1966). Ce sont des manuscrits sortis principalement des monastères de France.
98 Vita Amantii, Anal. Boll. VIII, p. 349. (Vita du IXe s.)
99 Maimbeuf, Vita Maurilli, c. 4, AA. SS. septembre iv, p. 72.
100 Grégoirede Tours, VP XV, p. 720-724.
101 Grégoire, GL Mart. 7, p. 493.
102 Comme le rappelait déjà Delehaye H., Les légendes hagiographiques, op. cit., p. 156.
103 Brown P., Le culte des saints, Paris, 1984, p. 17, note 23.
104 Gernet L., Le Génie grec dans la religion, Paris, 1970, p. 221.
105 Sergent B., « Saints sauroctones et fêtes celtiques », art. cit., p. 57.
106 Van Uytfanghe M., « Modèles bibliques dans l’hagiographie », Le Moyen Âge et la Bible, Lobrichon G., Riché P. (éd.), Paris, 1984, p. 449-487. Voir aussi id., « L’empreinte biblique sur les plus anciennes hagiographies », Le monde latin antique et la Bible, op. cit., p. 565-611. Id., Stylisation biblique et condition humaine dans l’hagiographie mérovingienne (600-750), Bruxelles, 1987. Id., « Le culte des saints et l’hagiographie face à l’Écriture : les avatars d’une relation ambiguë », Santi e demoni…, op. cit., p. 155-204.
107 Déléani-Nigoul S., « Utilisation des modèles bibliques du martyre par les écrivains du IIIe s. », Le monde latin antique et la Bible…, op. cit., p. 315.
108 Cf. Jonas de Bobbio, Vita Iohannis abbatis Reomaensis, c. 3, MGH SSRM 3, p. 508.
109 Ephésiens 6, 13-17.
110 Sur la signification de ce type de martyre, tel que les textes chrétiens le rapportent, et sa complexité, voir l’étude de Philippe Buc, « Martyre et ritualité dans l’Antiquité Tardive. Horizons de l’écriture médiévale des rituels », Annales HSS, janvier-février 1997, p. 63-92.
111 Tertullien, Les spectacles, 18, 3, Turcan M. (éd.), Paris, 1986, p. 250-252.
112 Déléani-Nigoul S., art. cit., p. 337.
113 Saxer V., Bible et hagiographie. Textes et thèmes bibliques dans les actes des martyrs authentiques des premiers siècles, Berne-Francfort-New York, 1986.
114 Elisa Anti donne plusieurs exemples tirés des vies de saint d’Italie du Nord. Cf. Anti E., Santi e animali nell’Italia Padana secoli IV-XII, Bologne, 1998, p. 213-235. Chez Grégoire de Tours, on trouve Amable, prêtre de Riom, qui a le pouvoir de commander aux serpents (Gl conf. 32, p. 767), Jean de Réôme qui tue un basilic caché dans un puits et rend ainsi l’eau potable (GL conf. 85, p. 802).
115 Jonas de Bobbio, Vita Iohannis Reomaensis, c. 2, MGH SSRM 3, p. 507.
116 Vita Amandi, c. 2, MGH SSRM 5, p. 432.
117 Vita s. Lietfardi c. 5-6, AA. SS. juin i, p. 293-294.
118 Vita s. Maximini, c. 21, AA. SS. OSBi, p. 596. (vita de première moitié du IXe siècle). Cette grotte devient par la suite le lieu de sa sépulture… (c. 22, p. 596-597). Cf. Head Th., Hagiography and the cult of saints. The diocese of Orleans, 800-1200, Cambridge, 1990, p. 109.
119 Vita Florentii, c. 10, AA. SS. septembre vi, p. 430.
120 Alcuin, Sequentia de sancto Michaele, MGH, Epist. i, p. 160-351. Autre saurochtone, voir aussi Venance Fortunat, Vita s. Hilarii Pictaviensis, c. 10, PL 88, col. 445.
121 Vita s. Clementi, XVII, Catalogus codicum hagiographicorum Bibl. Reg. Bruxellensis, 1889, II, p. 499-500. Clément reconduit un monstrueux serpent à la rivière où il le somme de disparaître. Cf. aussi les tardives (XIe s.) Gesta episcoporum Mettensium, textus secundus, PL 95, p. 713. Un immense serpent qui s’attaquait ausssi bien aux hommes qu’au bétail sur le chemin qui conduisait à la cellule de Junien († vers 500), ermite à Commodoliac, est chassé de la contrée par ce saint à la demande des habitants. Le reptile reçoit l’ordre de rejoindre la mer sans faire de mal à personne. Il obéit et traverse tout le pays des Pictaves pour se jeter dans l’océan. (Vita Juniani, c. 5, AA. SS. octobre vii, 2, p. 848-849.)
122 Fortunat, Vita s. Marcelli, MGH AA IV, 2, p. 49-54. Grégoire de Tours parle lui d’un « énorme serpent », serpentem immensum (Gl conf. 87, p. 804).
123 Cf. Chazan M., « Le dragon dans la légende de saint Clément, premier évêque de Metz », La gueule du dragon. Histoire-Ethnologie-Littérature, Privat J.-M. (éd.), Sarreguemines, 2000, p. 17-35.
124 Cf. Derouet J.-L., Recherche d’histoire des mentalités sur les textes hagiographiques du nord et de l’est de la Gaule VIIe-VIIIe siècles, Thèse 3e cycle, Paris X Nanterre, Paris, 1972, p. 415. Voisenet J., « L’animal et la représentation de l’espace chez les auteurs chrétiens du haut Moyen Âge », Histoire et animal II, p. 257.
125 Walahfrid Strabon, Vita Galli, I, c. 13, MGH SSRM 4.
126 Voisenet J., « L’animal et la représentation de l’espace chez les auteurs chrétiens du haut Moyen Âge », art. cit., p. 255.
127 Vita Vedastis episcopi Atrebatensis duplex, I, c. 6, MGH SSRM 3, p. 409-410.
128 Isaïe 13, 21-22 – 23, 13 – 34, 11-15. Sophonie 2, 14. Jérémie 50, 39.
129 Graus F., Volk, Herrscher…, op. cit., p. 237-238.
130 Vita Florentii, c. 4-5, AA. SS. septembre vi, p. 429 (vita du IXe s., chargée de poncifs).
131 Vita Genovefae (début du VIIIe s.), c. 35, MGH SSRM 3, p. 230. Il est noter au passage qu’il n’y a pas dans les textes du haut Moyen Âge de couleur attribuée à ce qui est sauvage. Ici, il y aura mention du noir, ailleurs simplement allusion à la couleur de la fourrure du fauve, là des couleurs variées.
132 Le Goff J., « Culture ecclésiastique et culture folklorique au Moyen Âge. Saint Marcel de Paris et le dragon », Pour un autre Moyen Âge, Paris, 1977, p. 256.
133 Venance Fortunat, Vita Hilarii, I, 10, PL 88, col. 445.
134 Vita Galli vetustissima (VIIIe s.), MGH II, p. 9-10. Knappert L., « La vie de saint Gall et le paganisme germanique », Revue d’histoire des religions, 29, 1894, p. 287.
135 Venance Fortunat, Vita Hilarii, MGH, AA IV, 2, p. 5.
136 c. 5, Pradié P. (éd.), Paris, 1999, p. 14-15. Cf. aussi la Vita Godonis, c. 4, AA. SS. mai vi, p. 441. Ou encore la vita Frodoberti, c. 12, MGH SSRM 5, p. 78.
137 Ibid. (Isaïe 35-7). La formule biblique est toujours employée au XIIe siècle. Suger l’utilise dans le De rebus in administratione sua gestis (1144-1145), c. 10, PL 186.
138 Éliade M., Briser le toit de la maison. La créativité et ses symboles, Paris, 1986, p. 93.
139 Thélamon F., Païens et chrétiens au IVe siècle. L’apport de l’Histoire Ecclésiastique de Rufin d’Aquilée, Paris, 1981, p. 330-333.
140 Vita Aredii, c. 45, MGH SSRM 3, p. 597.
141 Vita Amandi, c. 23 MGH, SSRM 5, p. 446.
142 Grégoire de Tours, Mir. Jul. 6.
143 Grégoire, Gl Conf. 2, p. 749.
144 Grégoire, Mir. Jul. 13.
145 Ibid. 15.
146 Grégoire, Gl. Conf. 62, p. 784
147 Grégoire, VP XVIII, p. 734.
148 Grégoire, Mir. Mart. I, 11.
149 Grégoire, GL Mart. 103, p. 557.
150 Grégoire, Gl. Conf. 18, p. 757.
151 Grégoire, Gl. Conf. 71, p. 790.
152 Cf. Euric, roi des Goths, fit fermer les sanctuaires par des ronces en espérant éteindre la religion. Grégoire, Decem libri…, II, 25, p. 71.
153 Voir notamment la Passio Reveriani, c. 4, AA. SS. I, p. 40. Une bonne et pieuse matrona du nom de Maxima retrouve les restes des martyrs in vasta solitudine et les ensevelit chrétiennement. Cf. Van der Straeten J., « Actes des martyrs d’Aurélien en Gaule », Anal. Boll., LXXX, 1962, p. 135-139.
154 Grégoire, Gl. Mart. 48, p. 521. (les cendres des quarante huit martyrs de Lyon jetées dans le Rhône sont récupérés). Saint Quentin du Vermandois se révèle à une femme aveugle qui recouvre aussitôt la vue. Son corps martyrisé avait été jeté dans le marais qui longe le sud de la cité (Gl Mart. 73).
155 Grégoire, Gl. Mart. 66, p. 533. De même Grégoire de Tours raconte que le tombeau de saint Amarand, martyr d’Albi fut longtemps caché par les ronces et les épines (Gl. Mart. 56, p. 526-527).
156 Grégoire, Gl. Mart. 46, p. 519.
157 Beati Severi translatio Rotomagum anno 1089, AA. SS. février i, p. 192-194 (BHL 7669).
158 WalahfridStrabon, Vita Galli I, c. 4, MGH SSRM 4, p. 287-288. Version similaire dans Wettinus, Vita Galli, c. 4, MGH SSRM 4.
159 Grégoire, Mir. Jul. 6.
160 Grégoire, Gl. Mart. 58, p. 528. Gl. Conf. 22, p. 761.
161 Grégoire le grand, Homélie sur Ezéchiel I, 10, p. 64. (Cf. Rois IV, 6, 5-7). Ce motif existe aussi dans le folklore indien et chinois.
162 Paul Diacre, De ordine episcoporum, PL 95, col. 704-705. Voir aussi Vita s. Arnulfic. 6, MGH SSRM 2, p. 434 (vita de la première moitié du VIIe s.).
163 Vita Leutfredi, c. 21, AA. SS. OSBiii, p. 590. (Cet épisode a été supprimé dans l’édition de W. Levison. Celui-ci estimait cette partie sans intérêt.)
164 Par exemple Constance de Lyon, Vita Germani, III, 18, p. 158. Jonas, Vita Columbani, I, c. 21, p. 95. Grégoire, Mir. Mart. I.
165 Jonas, Vita Columbani, II, 2.
166 Durand G., Les structures anthropologiques de l’imaginaire, Paris, nouv. éd. 1992, p. 82-83.
167 Rouge J., « Saint Augustin et la mer : rhétorique et réalité », Cahiers d’Histoire, xxvii, 1, 1982, p. 45-46.
168 Voisenet J., Bêtes et hommes…, op. cit., p. 114. Cf. Guillet J., Thèmes bibliques, Paris 1950, p. 208 et suivantes. Delort R., Les animaux ont une histoire, Paris, 1984, p. 225.
169 Raban Maur, De universo, XI, 6 : de abysso, PL 111, col. 315 (Job XLI, 23).
170 Voisenet J., art. cit., p. 215. Eliade M., « Le symbolisme des ténèbres dans les religions archaïques », Polarité du symbole, Paris, 1960, p. 24.
171 Prudence de Saragosse, Psychomachia V, v. 722-723, Lavarenne M. (éd.), Paris, 1933.
172 Fortunat, Vita Marcelli, MGH, AA IV, 2, p. 53.
173 Passio Luglii et Lugliani, c. 13, AA. SS octobre x, p. 121. C’est une vie douteuse relatant l’aventure de ces deux frères irlandais dont L. Van der Essen dénonce les lieux communs. L’historien date en outre le texte de la fin du ixe ou du début du Xe siècle. Il n’existe aucune attestation de culte avant le XVe siècle. Van der Essen L., Étude critique, op. cit., p. 418-420.
174 Jonas, Vie de saint Eustase, dans Vita Columbani ii, c. 10, MGH SSRM 4, p. 127.
175 Vita Monulphi ou Gondulphi, c. 4, AA. SS. juillet iv, p. 163. Cf. Van der Essen L., Étude critique… op. cit., p. 136. L’auteur fait remarquer que dans la vita Monulphi secunda, du milieu du XIIIe siècle, les loups sont remplacés par les principes qui se comportent « à la façon des loups » (c. 2, AA. SS. juillet iv, p. 159).
176 Voisenet J., « Périr par la gueule de la bête », Milieux naturels, espaces sociaux… op. cit., p. 213.
177 Grégoire le Grand, Dialogues, IV, 25/1.
178 Jean Moschus, Le pré spirituel, Paris, 1946, p. 167.
179 Grégoire, Decem Libri…, X, 13, p. 497.
180 Jonas, Vita Colombani, II, c. 22, MGH SSRM 4, p. 142.
181 Walahfrid Strabon, Vita Othmari, c. 5, PL 114, col. 1036.
182 Jonas, Vita Columbani, I, c. 7, p. 73-74.
183 Vita Treverii (VIIe-IXe s. ?), I, 5, AA. SS. janvier II, p. 34 p. 398.
184 Cf. Krappe A. H., « Guiding animals », Journal of American Folklore, LV, 1942, p. 228-246. Ortalli G., « Gli animali nella vita quotidiana dell’alto medioevo : termini di un rapporto », Lupi genti culture, Uomo e ambiente nel medioevo, Turin, 1997, p. 54-55.
185 Paul Diacre, Historia Langobardorum IV, c. 37, MGH SRL, p. 131. Les ours rendent également ce service, comme dans la vie de saint Séverin, apôtre du Norique († 482). Eugippe, Vita Severini, VIII, c. 37, AA. SS. janvier i, p. 493.
186 Grégoire, Decem libri…, II, c. 37, p. 86.
187 Grégoire, Decem libri…, IV, c. 44, p. 179.
188 Vita Beggae, c. 6, AA. SS. Belgii V, p. 111-124. C’est surtout pour L. Van der Essen une justification étymologique après coup du toponyme Septem ecclesiae. Étude critique…, op. cit., p. 185.
189 Vita Nivardi, c. 8, MGH SSRM 5, p. 167. Récit repris par Flodoard, Histoire de l’Église de Reims, livre II, c. 7 : de sancto Nivardo,Lejeune M. (éd.), RMAL, p. 266. (Voir aussi p. 194 : un aigle désigne l’emplacement d’une fondation.)
190 Voir l’étude récente de Paolo Galloni, « Sant’Uberto : caccia e santità ; consolidamento del potere carolingio e cristianizzazione delle campagne », La chasse au Moyen Âge. Société, traités, symboles, Paravicini Bagliani A., Van den Abeele B. (éd.), Turnhout, 2000, p. 33-53.
191 Humbert de Maroilles et Hubert d’Andage sont tous deux invoqués comme protecteurs contre la rage, voir Coens M., « L’étole de saint Forannan, abbé de Waulsort et la rage. Un cas de concurrence déloyale ? », Études d’histoire et d’archéologie namuroises dédiées à Ferdinand Courtoy, Gembloux, 1952, p. 257-263 (nouv. éd. dans Recueil d’études bollandiennes, p. 94-100).
192 Cf. Le culte de saint Hubert au pays de Liège. Saint Hubert en Ardenne, catalogue d’exposition, 1991. Saint Marcoul aussi parmi ses miracles guérit un enfant de la rage. Il est cependant principalement vénéré pour la guérison des maladies de peau (c. 17, AA. SS. mai i, p. 76).
193 Il s’agit d’une vita très tardive (post XIIe s.) extraite en partie de la vita Lamberti († 705) de Nicolas de Liège (MGH SSRM 6) qui est alors interpolée pour la première fois de la légende de saint Hubert converti en présence d’un cerf crucifère. AA. SS. novembre i, col. 832-833 (BHL 4001). Cf. Delehaye H., « La légende de saint Eustache », Mélanges d’hagiographie grecque et latine, subsidia hagiographica, Bruxelles, n ° 42, 1966, p. 212-239. Voir aussi Boureau A., « Placido tramite. La légende d’Eustache, empreinte fossile d’un mythe carolingien ? », Annales ESC, 37, 4, 1982, p. 682-699.
194 Van Der Essen L., Étude critique… op. cit., p. 68. Passio Eustachi, AA. SS. septembre vi, p. 123-135 (VIIIe ou IXe siècle. BHL 3993). Le thème de l’animal crucifère se développe surtout entre le XIIe et le XVe siècle, même si l’on trouve des traces dès les premiers temps chrétiens. Sur un denier mérovingien du VIIIe siècle appartenant au trésor de Biais apparaît un cerf dont une patte antérieure est remplacée par une petite croix. (Cf. Dom Jean Coquet, « Identifications proposées : le cerf baptismal de Poitiers », Bulletin de la Société Nationale des Antiquaires de France, 1880-1881, p. 108.) Cf. en dernier lieu Voisenet J., Bêtes et hommes…, op. cit., p. 294.
195 Cf. Galloni P., Il cervo e il lupo. Caccia e cultura nobiliare nel Medioevo, Rome-Bari, 1993, p. 117-121 (l’anti-caccia del santo).
196 Cf. Brown P., Le culte des saints, Paris, 1984, p. 149-171.
197 Boglioni P., « Il santo e gli animali », art. cit., p. 976.
198 Vita Vicentiani confessoris Avolcensis, MGH SSRM 5, p. 122. Voir aussi Grégoire, VP 12, p. 711-715 (Émilien et Brachion).
199 Vita Carileffi abbatis Anisolensis, c. 6, MGH SSRM 3, p. 391.
200 Vita Marculphi I, c. 18, AA. SS. mai i, p. 76.
201 Grégoire, VP xii, p. 711-715 (sanglier). Vita Judoci (du IXe s.), c. 11, AA. SS. OSB ii, p. 569 (sanglier). Vita Basoli (du début du Xe s.), c. 10, AA. SS. OSB ii, p. 66 (cf. aussi c. 23, p. 74) (sanglier).
202 Le thème est encore vigoureux au Xe siècle. Cf. la vie d’Humbert de Maroilles où un cerf poursuivi par un chasseur trouve refuge sous le manteau du saint.
203 Grégoire le Grand, Dialogues III, 15, 3, p. 317. Ce thème se retrouve dans des vies de saints au-delà du IXe siècle. Cf. Voisenet J., « L’animal et la représentation de l’espace chez les auteurs chrétiens du haut Moyen Âge », Histoire et animal ii, op. cit., p. 258-259.
204 Florent est d’ailleurs si attaché à son ours que la mort de celui-ci, assassiné par quatre moines jaloux, suscite sa colère. « J’espère en Dieu tout puissant que dans cette vie aux yeux de tous, ils recevront le châtiment de leur méchanceté, ceux qui ont tué mon ours qui ne leur faisait aucun mal » (III, 15-7, p. 319). Presque aussitôt, les moines périssent. C’est une véritable inversion de la caritas. Florent se repend immédiatement : la vie d’un homme est plus importante que celle d’un animal.
205 Voisenet J., art. cit., p. 260.
206 Grégoire, VP XII, p. 712-713.
207 Genèse, I, 26 et II, 19-20. Dronke P., « La creazione degli animali », l’Uomo di fronte al mondo animale II, Spolète, p. 809-848. Muratova X., « Adam donne leurs noms aux animaux », Studi medievali, IIIe série, XVIII, 1977, p. 366-394.
208 Orselli A. M., « Super leonem et draconem. Animali biblici tra imperatori cristiani e uomini santi », Gli animali e la Bibbia, p. 59-73. Anti E., Santi e animali nell’Italia padana secoli IV-XII, Bologne, 1998, p. 181-182. Boglioni P., « Il santo e gli animali nell’alto medioevo », L’uomo di fronte al mondo animale nell’alto medioevo,ii, Spolète, 1985, p. 968-969. Penco G., « L’amitizia con gli animali », p. 3-10.
209 Boglioni P., « Il santo », art. cit., p. 935-993. Cf. Loomis C. Grant, White magic. An introduction to the folklore of Christian Legend, Cambridge Mass., 1948, p. 58-70 (pour les animaux), p. 78-89 (pour le pouvoir sur les éléments).
210 Pastoureau M., « Le problème du roi des animaux : le témoignage de l’héraldique et de l’emblématique », Le monde animal et ses représentations au Moyen Âge (XIe-XVe s.), Toulouse, 1985, p. 133-139. Id., L’ours, Histoire d’un roi déchu, Paris, 2007.
211 Montanari M., « Orsi e omini », art. cit., p. 57.
212 Fortunat, Vita Germani episcopi Parisiaci, c. 5, MGH SSRM 7, p. 376.
213 Montanari M., Campagne medievali. Strutture produttive, rapporti di lavoro, sistemi alimentari, Turin, 1984, p. 32 et suivantes, p. 149 et suivantes. Fumagalli V., Quando il cielo s’oscura. Modi di vita nel medioevo, Bologne, 1987, p. 21 et suivantes.
214 Montanari M., « Orsi e omini », art. cit., p. 64.
215 Loup de Ferrières, Vita Maximini episcopi Trevirensis, c. 7, MGH SSRM 3, p. 77.
216 Nous sortons de nos limites ; cette vita est du milieu du Xe siècle. Cf. Helvétius A.-M., Abbayes, évêques…, p. 326-330.
217 Vita Humberti Maricolensis, c. 5, AA. SS. mars iii, col. 559-560. Encore un épisode comparable dans la Vita Corbiniani episcopi Baiuvariorum retractata B, c. 10, MGH SSRM 6, p. 609-610. Là aussi l’ours apparaît e silva egrediens.
218 c. 9, AA. SS. octobre xi, p. 672.
219 Vita i Marculphi, c. 17, AA. SS. mai i, p. 76. VitaII, c. 17, AA. SS. mai i, p. 80.
220 WalahfridStrabon, Vita Galli, c. 10, MGH SSRM 4.
221 Voisenet J., « L’animal et la représentation de l’espace… », art. cit., p. 265.
222 Jonas de Bobbio, Vita Columbani, I, 8, p. 74.
223 Jonas, Vita Columbani, I, 8, p. 74. Une autre fois encore un ours se soumet à Colomban et s’éloigne de la carcasse d’un cerf sur laquelle le saint veut prélever la peau (c. 17, p. 83).
224 Comme pour l’ours qui transporte les affaires d’Humbert de Maroilles jusqu’aux portes de Rome. Vita s. Humberti, I, 5-7, AA. SS., mars 3, col. 559-560. Cf. aussi Ps. Hérimbert, Vita Vincentiani (VIIIe-IXe s.), MGH SSRM 5, p. 125. Vita Maximini (du VIIIe s.), II, c. 3, AA. SS. mai vii, p. 21. Vita Corbiniani (du Xe s.) III, c. 21, AA. SS. septembre iii, p. 285 (autre édition dans MGH SSRM 6, p. 609-610). C’est d’ailleurs un passage recopié sur la vita Maximini. Un loup remplace l’âne d’Austreberte, abbesse de Pavilly († 704), dans la vita Austrebertae, vita prima, AA. SS. OSB III, 1, p. 28-37 (BHL 832). Traditionnellement datée de l’époque mérovingienne, la vita est plutôt attribuée désormais à la période carolingienne. Cf. Bauer T., « Austreberta », Lexikon für Theologie und Kirche, t. I, 3e éd. 1993, col. 1284. Le souvenir de ce type de miracle s’est maintenu dans le folklore avec la fête du loupvert à Jumièges pour la saint-Jean. L’interprétation étymologique repose sur la déformation de « loup verse ou versé », autrement dit retourné, converti. Cf. Voisenet J., Bêtes et hommes…, op. cit., p. 210-211.
225 Vita Galli vetustissima (VIIIe s.), MGH SS II, p. 9.
226 Grégoire, VP XIV, 2, p. 717.
227 Voir aussi en dehors de notre champ géographique, Merdrignac B., « Les saints et les loups dans l’hagiographie bretonne du Moyen Âge », Ollodagos, XVI, 2002, p. 167-201.
228 Vita Trudonis, c. 19, MGH SSRM 6, p. 290. Relicto porcorum consortio, solus ut aper in silvis saltibusque commoratur… Il est à noter que ce retour à la vie sauvage n’est pas original pour une espèce, sus domesticus, qui se dinstingue alors mal de son cousin sauvage, sus scrofa, avec lequel il partage une certaine apparence physique, les mêmes aires de nourriture et les mêmes souilles.
229 Une bonne partie de ces remarques est à rapprocher de celles sur les saints saurochtones traités précédemment selon un autre point de vue.
230 Le lion n’est cependant pas absent de la littérature médiévale comme le rappelle Pastoureau M., « Pourquoi tant de lions dans l’Occident médiéval ? », Il mondo animale. The World of animals, Micrologus VIII, 1, Turnhout, 2000, p. 11-30.
231 Friard ordonne aux guêpes de rentrer dans leur trou pour laisser les moissonneurs travailler tranquillement. Grégoire, VP 10, p. 705-709.
232 Cf. Gunter H., Psychologie der Legende, Fribourg-an-Brisgau, 1949, en particulier le chapitre I où l’auteur cite de nombreux exemples avec des parallèles tirés de l’Antiquité païenne. Waddell H., Beasts and saints, Londres, 1934. Bernhart J., Heilige und Tiere, Munich, 1937. Le silence imposé aux grenouilles est un thème fréquent dans les vitae (par exemple Vita Audeoni, AA. SS. août iv, p. 800).
233 Walahfrid Strabon, Vita Galli I, c. 28, MGH SSRM 4, p. 306. Même épisode dans Wettinus, Vita Galli, MGH SSRM 4, p 619 et Vita Galli vetustissima c. 3, MGH SSRM 4, p. 253.
234 Vita Desiderii episcopi Viennensis, c. 13, MGH SSRM 3, p. 634.
235 Arbéo, Vita Corbiniani, c. 17, MGH SSRM 6, p. 574-575.
236 AA SS Mai, III, p. 216.
237 Vita Bertulphi III, c. 13, AA. SS. février i, p. 686.
238 Vita Basini III, c. 18, AA. SS. mars i, p. 317.
239 Radbod, Vita Medardii, I, c. 5, AA. SS. juin ii, p. 83.
240 Voisenet J., Bêtes et hommes…, op. cit., p. 296.
241 Passio Floriani, c. 8, MGH SSRM 3, p. 70. Dans la plus pure tradition des animaux gardiens de sanctuaires dont la diffusion est quasi universelle. Cf. Thompson S., Motiv-index of Folk Litterature. A classification of narrative Elements in folk Tales, Ballads, Myths, Fables, Medieval Romances, Exemples, Fabliaux, Jest Books and local Legends, 6 vol. , nouv. éd. Copenhague, 1955-1958. Loomis C. G., White Magic…, op. cit., p. 58-60. Cf. Sébillot P., Le folklore de France : la faune, Paris, 1984.
242 Acta Juniani III, 27-28, AA. SS. août iii, p. 44. Rappelons l’exemple du renard qui dérobait régulièrement une poule dans la cour de la maison maternelle de Boniface. Excédé après un nouveau vol, le saint se précipite à l’église et se plaint de ne pouvoir profiter de l’élevage de sa mère (Grégoire le Grand, Dialogues, I, 9, 18, p. 91). Encore le même miracle dans la Vita Condedi anachoretae Belcinnacensis, c. 9, MGH SSRM 5, p. 650.
243 Walahfrid Strabon, Vita Galli, c. 11, MGH SSRM 4, p. 293.
244 Comme déjà dans Le pré spirituel de Moschus où un lion soigné par l’abbé Gérasime ne s’alimente plus que de pain et de légumes bouillis. Jean Moschus, Le pré spirituel, 107.
245 Walahfrid Strabon, Vita Mammae, c. 4-5, PL 114, col. 1049-1050.
246 Cf. Voisenet J., Bêtes et hommes…, op. cit., p. 210. Passio s. Mammertis, 55, 8, dans Anal. Boll. LVIII, 1940, p. 131. Sur un autre saint d’Orient sur le même thème, Halkin F., « Un émule d’Orphée. La légende grecque inédite de saint Zosime », Anal. Boll. LXX, 1952, p. 249-261.
247 C’est d’ailleurs dans les vies irlandaises que l’amitié entre le bienheureux et l’animal s’impose comme un trait typique aux multiples variantes. Dans la vie d’Albeus, évêque d’Emly († 541), une louve s’occupe de lui alors qu’il est abandonné dans la forêt encore enfant. Plus tard cette louve poursuivie par des chasseurs trouve refuge à son tour auprès du saint. Vita Albei I, c. 44, Plummer C. (éd.), Vitae sanctorum Hiberniae I, Oxford, 1910, p. 46-62 Voir aussi l’évêque de Ferns, Moling mort en 697. Vita s. Moling, XXII, ibid., II, p. 200.
248 Vita Judoci, c. 6, AA. SS. OSB, p. 567.
249 Anti E., Santi e animali…, op. cit., p. 182.
250 Vita Goaris, c. 5, MGH SSRM 4, p. 415.
251 Arrivé à la résidence épiscopale de Trèves, il avait en outre suspendu sa cape à un rayon de soleil (c. 6, p. 416).
252 Cf. Frenken G., Wunder und Taten der Heiligen, München, 1925, p. 95-101.
253 Vita Apri eremitae Grationopolitani, éd. Hagiographi Bollandiani Catalogus Parisiensisii, Bruxelles 1890, p. 89-93.
254 Sur le « blocage » de la culture folklorique par la culture ecclésiastique à l’époque mérovingienne voir Le Goff J., « Culture cléricale et tradition folklorique dans la civilisation mérovingienne », Pour un autre Moyen Âge, Paris, 1977, p. 223-235.
255 Jonas, Vita Columbani, I, 27, p. 105.
256 Cf. les serpents de l’île de la côte ligure où s’installe Hilaire d’Arles. Fortunat, Vita Hilarii, MGH AA IV/2, p. 5.
257 Plus largement, sur la question de la sacralisation de l’espace par le saint voir, Helvétius A.-M., « Le saint et la sacralisation de l’espace en Gaule du Nord d’après les sources hagiographiques (VIIe-XIe siècles) », Le sacré et son inscription dans l’espace à Byzance et en Occident. Études comparées, M. Kaplan (éd.), Paris, 2001, p. 137-161.
258 Grégoire, Dialogues I, 9, 15, p. 89.
259 Vita Caesarii, I, c. 48, MGH SSRM 3, p. 475-476.
260 Jonas, Vie de Bertulfe, dans Vita Columbani, II, c. 25, MGH SSRM 4, p. 152.
261 Miracles de saint Benoît livre premier, XXXIX, de Certain M. (éd.), p. 82-83.
262 Sur la mer, sur un lac ou sur un fleuve. Cela peut être aussi un violent orage d’été. Voir par exemple Vita Genofevae c. 39 et 51, MGH SSRM 3, p. 231 et 236. Vita Radegundis I, c. 31, par Fortunat, MGH, SSRM 2, p. 374. Vita Columbani c. 21. Vita Maximini epis. Trevirensis par Loup de Ferrière, c. 19, MGH SSRM 3, p. 80-81. Vita Filiberti, c. 15, MGH SSRM 5, p. 593. Vita Leobini II, c. 6 (du IXe s.), AA. SS. mars ii, p. 346 (il s’agit d’un orage d’été qui menace la récolte), et encore la Vita Hugberti, c. 8, MGH SSRM 6, p. 487…
263 L’huile mêlée de la poussière du tombeau de saint Martin est efficace selon Grégoire de Tours pour écarter la tempête des champs qui en ont été aspergés. Mir Mart. 2.
264 AA. SS SeptembreVII, p. 766.
265 Ibid., Virt. Mart., I, 34.
266 Ibid., Gl. Mart. 83, p. 94-95.
267 Ibid., Mir. Jul. 27.
268 D’ailleurs ce type de miracles est fréquent dans son œuvre. Gl. Mart, 43, p. 517-518, 75, p. 537-539, 83, p. 544. VP XVII, p. 727-733, Gl. Conf. 21, p. 760, Decem libri…, III, 28, p. 124. IV, 34, p. 167. X, 29, p. 524. Mir Mart. IV, 32. II, 17. I, 9…
269 Ibid., Gl. Mart. 30, p. 505-507. De même la lampe brûlant sur le tombeau de saint Thomas n’est jamais éteinte par le vent. (Gl. Mart. 32, p. 507-508). C’est un argument biblique bien connu dans la tradition vétéro-testamentaire (Psaumes 107, 25-30) et néo-testamentaire (Matthieu, 8, 23).
270 Biraben J.-N., « Les maladies en Europe », op. cit., 1993, p. 306.
271 Cf. Grégoire, Mir. Mart. II, 53. III, 20, IV, 17, IV, 18. Le vent atise aussi les incendies (Gl. Conf. 80, p. 798).
272 Cf. Grégoire le Grand, Dialogues, I, 1-4, p. 25. La puissance salvatrice du signe de croix peut prendre un caractère tout à fait spectaculaire comme lorsque le monastère fondé par Honorat à Fondi, alors en Campanie, est menacé par l’effondrement d’un rocher surplombant le site. Le saint, par invocation du nom du Christ et opposant le signe de croix à la chute de la roche, immobilise celle-ci sur la pente. Cette curiosité géologique est encore en place lorsque Grégoire le Grand en fit le récit.
273 Dialogues, I, 7, 2, p. 67.
274 Vita Launomari, c. 15, AA. SS. OSB I, p. 338.
275 Vita Willibaldi, c. 4, MGH SS xv, 1.
276 Gesta pontificum Autissiodorensium, I, Lobrichon G., Goullet M. (éd.), Paris, 2002, p. 13.
277 Gl. Mart. 103, p. 103.
278 Vita Lonoghylii, (de la fin VIIIe-début IXe s.), c. 5, MGH SSRM 7, p. 435. Dans une forêt du diocèse du Mans, dans la région de Mamers.
279 Vita Aldegundis secunda, c. 13, par Hucbald de Saint-Amand (fin IXe s.), PL 132, col. 866 (AA. SS. janvier III, p. 651-655. BHL 245). Cf. Helvétius A.-M., « Les modèles de sainteté dans les monastères de l’espace belge du VIIIe au Xe siècle », Revue Bénédictine 103 : Le monachisme à Byzance et en Occident du VIIIe-Xe siècle, 1993, p. 67.
280 Jonas, Vita Columbani, c. 28, p. 103.
281 Égerie, Maraval P. (éd.), Paris, 1982 : Monts des oliviers p. 69, de Gethsémani p. 72, de la Nativité p. 76, du Champs des pasteurs p. 78, du Prophète p. 90, d’Élie p. 90 (voir aussi p. 139 et 191), de l’Annonciation p. 94, des Béatitudes p. 97, de Macpelah p. 103, du Sinaï p. 133, d’Horeb p. 139, du Tombeau de Job p. 195, du tombeau du Christ p. 236-237.
282 Voir l’exemple de Privat, évêque de Javols, réfugié dans une grotte lors de l’invasion des Alamans. Grégoire, Decem libri…, I, 34, p. 26.
283 Audouze F., Buchsenschutz O., Villes, villages et campagnes de l’Europe celtique, début du IIe millénaire à la fin du Ier siècle avant J.-C., Paris, 1989, p. 158.
284 C. 3-4, AA. SS. août vi, p. 566-567.
285 Chronique des abbés de Fontenelle, III, c. 2, p. 43.
286 Je reviens sur l’habitat rupestre dans le chapitre suivant.
287 Vita Geremari, c. 11-12, MGH SSRM 4, p. 631. Cf. Vita Samsonis, c. 59, AA. SS. OSB I, p. 168.
288 Paulin de Périgueux, De vita sancti Martini episcopi, V, v. 101-153, p. 111-112.
289 Passio Acaunensium martyrum I, MGH SSRM 3, p. 33.
290 VPJ, c. 61, p. 306.
291 Piétri L., « » Loca sancta » : la géographie de la sainteté dans l’hagiographie gauloise (IVe-VIe s.) », Luoghi sacri e spazi della santità, atti del convegno di studio l’Aquila, Rome, Boesch Gajano S., Scaraffia L. (éd.), Turin, 1990, p. 23-35. Voir aussi ibid., « Grégoire de Tours et la géographie du Sacré », Grégoire de Tours et l’espace gaulois, op. cit., p. 111-114.
292 Piétri L., art. cit., p. 25.
293 VPJ, c. 6-7, p. 244-246.
294 Passio Acaunensium matyrum, c. 4-5, MGH SSRM 3 p. 34.
295 VPJ, c. 3, p. 240.
296 Sulpice Sévère, Vie de saint Martin, X 4, p. 274.
297 Grégoire, VP XI, p. 709. En l’absence de toutes traces archéologiques, les supputations historiques ont déterminé que le lieu probable de la réclusion de Caluppan était à l’est de Méallet dans le canton de Mauriac, sur une confluence du Marilhoux. Pour les références les plus récentes voir Vieillard-Troiekouroff M., Les monuments religieux de la Gaule d’après les œuvres de Grégoire de Tours, Lille, 1977, p. 168-169. Weidemann M., Kulturgeschichte der Merowingerzeit nach der Werken Gregors von Tours, t. 2, Mainz, 1982, p. 72.
298 Piétri L., art. cit., p. 28.
299 Vita sancti Patrocli martyris c. 9, AA. SS. janvier ii, p. 710.
300 Gautier Dalché P., « La représentation de l’espace dans les Libri Miraculorum de Grégoire de Tours », Le Moyen Âge LXXXVIII, 1982, p. 410.
301 GautierDalché P., art. cit., p. 412.
302 Grégoire, p. 32.
303 Vita Caesarii episcopi Arelatensis I, c. 48, MGH SSRM 3, p. 475-476.
304 Hériger de Lobbes, Vita s. Hadelini, ii, c. 10, AA. SS. février I, p. 379.
305 Grégoire, VP XII, p. 712.
306 Donat, Vita Ermelandi abb. Antrensis, c. 3, MGH SSRM 5, p. 691.
307 Penco G., « L’amitizia con gli animali », Vita monastica, XVII, 1963, p. 3-10. Id., « Il simbolismo animalesco nella letteratura monastica », Studia monastica, VI, 1964, p. 7-38.
308 Penco G., « Il ritorno al paradiso », Vita Monastica, XXI, 1967, p. 81-86. Grégoire R., « Il contributo dell’agiografia alla conoscenza della realtà rurale : tipologia delle fonti agiografiche anteriori al XIII secolo », Medioevo rurale. Sulle tracce della civiltà contadina,Fumagalli V., Rossetti G. (éd.), Bologne, 1980, p. 343-349.
309 Brown P., « La gloire d’Adam », Histoire de la vie privée I : de l’empire romain à l’an Mil,Ariès Ph., Duby G. (éd.), Paris, nouv. éd. 1999, p. 269.
310 Voir les exemples donnés par Éliade M., Le mythe de l’éternel retour, Paris, 1949, p. 27 et suivantes.
311 Éliade M., « Structure et fonctions des mythes », Eranos, 1953. Repris dans Briser le toit de la maison. La créativité et ses symboles, Paris, 1986, p. 90.
312 Vita Pirmini, c. 5, MGH SS, XV, 1, p. 25.
313 Vita Launomari, c. 5, AA. SS. OSB I, p. 336.
314 Vita Boniti episcopi Arverni, c. 16, MGH SSRM 6, p. 127-128.
315 Vita Condedi, MGH SSRM 5, p. 648. C’est un endroit idéal, exception faite des crues périodiques de la Seine qui conduisent plus tard à transférer les reliques de ce saint, sans doute au XIe siècle, à l’abbaye de Fontenelle. CF. Van Doren R., dans DHGE, col. 424.
316 AA. SS. OSB I, c. 7, p. 593 (vita de la première moitié du IXe s.).
317 Vita Filiberti, c. 7, MGH SSRM 5, p. 588. Voir plus largement sur la nature et le locus amoenus autour du dossier hagiographique de Fontenelle Maximilian Diesenberger, « Wahrnehmung und Aneignung der Natur in der Gesta abbatum Fontanellensium », Text-Schrift-Codex. Quellenkundliche Arbeiten aus dem Institut für Österreichische Geschichtsforschung, Egger C., Weigl H. (éd.), Vienne-Munich, 2000, p. 9-33, ici surtout p. 17-19.
318 Jonas, Vita Columbani, c. 27, p. 102.
319 Grégoire, Mir. Mart. II, 16, p. 614.
320 Vita Filiberti, c. 9, p. 590.
321 Exemples de pêche miraculeuse, Grégoire, VP XVII, 4, p. 730. Gl. Conf. 5, p. 751. Jonas, Vita Columbani, c. 11, p. 77. Arbéo, Vita Corbiani, c. 17, p. 207.
322 Adrevald, Premier livre des miracles de Saint-Benoît, XXII, p. 52. Autres exemples : Vita Eucherii episc. Aurelianensis (mi-VIIIe s.), 14, MGH SSRM 7, p. 53.
323 Vita Condedi, c. 6, MGH SSRM 5, p. 648.
324 Cf. La médecine en Gaule. Villes d’eaux, sanctuaires des eaux, éd. Pelletier A., t. 21-22, Revue Archéologique du centre de la France, Paris, 1985.
325 Rousselle A., « La sage-femme et le thaumaturge dans la Gaule tardive. Les femmes ne font pas de miracles », La médecine en Gaule…, op. cit., p. 245.
326 Il s’agit de la source de Nieul-les-Saintes. Grégoire, Mir. Mart. IV, 31.
327 Il faut alors débarasser la source ou le puits de cette infection. Cf. Grégoire, Gl. Conf. 81, p. 799. Le reclus Eusitius chasse un basilic du puits pour rendre l’eau potable pour les chrétiens.
328 Vita Willibrordi archiepiscopi Traiectensis auctore Alcuino, MGH SSRM 7, p. 124-125.
329 Grégoire, Decem libri…, X, 29, p. 524.
330 c. 11. Cette source existe encore aujourd’hui et porte le nom de fontaine Saint-Hadelin. Elle est l’objet le dernier dimanche de juillet d’un important pèlerinage annuel. Cf. Dierkens A., « Un aspect de la christianisation de la Gaule du Nord à l’époque mérovingienne. La vita Hadelini et les découvertes archéologiques d’Anthée et de Franchimont », Francia 8, 1980, p. 620 et note 48.
331 Vita Trudonis c. 18, MGH SSRM 6, p. 289-290. Cf. Paquay A., « Amburnia et la source miraculeuse de saint Trudon », Bulletin de la société d’art et d’histoire du diocèse de Liège, XIV, 1903, p. 251-266. Lorsque Calais parvint ad heremum densae solitudinis, il ressent rapidement le besoin d’avoir une source. Dans cette vita du IXe siècle, sans doute largement légendaire et peuplée de références scripturaires, le jaillissement d’une source est on ne peut plus conventionnel. Vita Carileffi, c. 4, MGH SSRM 3, p. 390. Ubi Moysaico ritu sanctus Carileffus, facta oratione, aquam vivam invenit… (Exode 17, 6. Nombres 20, 11). Voir encore sur le même modèle les virtutes Fursei abbatis Latiniacensis (début IXe s.), c. 11, MGH SSRM 4, p. 444. Vita Landelini (vers 900), c. 7, MGH SSRM 6, p. 443. Vita Lupi (IXe s. ?), AA. SS. janvier i. Vita Judoci, c. 11, p. 569. Vita Paterni, par Venance Fortunat (vers 609), c. 5, PL 88, col. 492.
332 Vita Basoli, c. 8, AA. SS. OSB II, p. 66.
333 Jonas, Vita columbani, c. 9, p. 75. Cf. Nombres, 20, 7-11, Exode 17, 6.
334 Grégoire, Mir. Jul., 3.
335 Ibid., VP IV, c. 4, p. 675.
336 Grégoire le Grand, Dialogues, III, xv, 18, p. 326-327.
337 AA SS juin iii, p. 882.
338 Adamnan, Vita Columbae, II, c. 44, de Smedt C., de Backer J. (éd.), Acta Sanctorum Hiberniae, Edimbourg-Londres, 1888 (BHL 1886).
339 Deux exemples : dans la vita Audoini, Ouen provoque une pluie fécondante qui arrose le sol d’Espagne, lors d’un séjour au-delà des Pyrénées (Vita Audoini, c. 7, MGH SSRM 5, p. 558). Grégoire de Tours évoque à plusieurs reprises les vertus fécondantes des héros de la chrétienté. Ainsi sur le territoire de Limoges, une source captée pour irriguer les jardins et les vergers finit par se perdre dans des marais. Gl Mart. 36, p. 511 (image négative de l’eau stérile). Grâce aux reliques de saint Clément, la source reprend son cours mettant fin en même temps à deux années de sécheresse.
340 Grégoire, VP XIX, p. 736-741.
341 Un bref inventaire des arbores contenus dans l’œuvre de Grégoire de Tours nous donne la liste suivante : laurus (Gl. Mart. 77 ; Gl. Conf. 23), quercus (Decem libri X, 30), castanea (Gl. Mart. 73), Avellanus (Decem libri VII, 45), Oliva (Gl. Mart. 79), Pomum (Gl. Conf. 80 ; VP 14, 2), prunus (Decem libri III, 15), Pirus (Gl. Mart. 46), Morus (Gl. Mart. 67). Si tous ne sont pas en relation avec une tombe de saint, ce sont tous des fruitiers (ou en partie comestibles) et entrent en scène à l’occasion de miracles symbolisant la vitalité ou la fertilité. Cf. aussi Vieillard-Troiekouroff M., Les monuments religieux de la Gaule d’après les œuvres de Grégoire de Tours, Lille, 1977, p. 389-390.
342 Brown P., L’essor du christianisme occidental, Paris, 1997, p. 139.
343 Eliade M., Initiation, rites et sociétés secrètes, op. cit., p. 256.
344 Vita Heriberti Archiepiscopi Coloniensis IV, AA. SS marsii, p. 482.
345 Grégoire, Gl. Mart. 41, p. 516. Ce miracle de la poutre allongée est un thème fréquent. de Gaiffier B., « Le thème hagiographique de la poutre allongée », Mittellateinisches Jahrbuch 17, 1982, p. 18-25.
346 Il en fait le rappel dans « Gayomart, Adam et la mandragore », Ex Orbe religionum. Studia Geo Widengren, II, Leyde, 1972, p. 65-74.
347 Cf. Genès, martyr à Arles, et son mûrier qui pousse à l’endroit où il fut décapité (Grégoire, Gl. mart. 67, p. 533). Voir aussi VP VI, p. 686.
348 Vita Tresani, c. 11-12, AA. SS. février ii. Voir aussi l’histoire plus conventionnelle dans les récits hagiographiques du stimulus (aiguillon employé par les bouviers) de saint Théodulphe qui prend racines lorsqu’il est planté en terre. Vita Theodulphi, c. 6, AA. SS. OSB I, p. 347. Idem, c. 6, AA. SS. mai i, p. 99.
349 Gl. Conf. 43, p. 774. Gl mart. 46, p. 519. Auxquels on pourrait ajouter au sud de la Loire les feuilles et l’écorce du laurier de la tombe de saint Baudile de Nîmes (Gl mart. 77, p. 539-540).
350 Vita Odiliae Abbatissae Hohenburgensis c. 15, MGH SSRM 6, p. 45.
351 Grégoire, Gl. Conf. 23, p. 762.
352 C’est un geste fréquent des pèlerins qu’a relevé Grégoire de Tours (Gl. Conf. 7, p. 753. Gl. Mart. 67, p. 533). Ceux-ci peuvent encore prélever l’herbe ou la mousse qui poussent sur les sépultures (VP VI, p. 686).
353 Sainte Radegonde fait reverdir un laurier transplanté (c. 33, MGH SSRM 2, p. 375). Saint Genès de Bigorre rend à un châtaignier sa vigueur (Grégoire, Gl. Mart. 73, p. 537).
354 Grégoire, VP X, c. 3, p. 707.
355 Brown P., Le culte des saints, op. cit., p. 102.
356 Grégoire, Decem libri…, II, 16, p. 64 ; II, 31, p. 126. Gl. Conf., 93, p. 807. Mir. Jul.ii, 46, p. 582.
357 Grégoire, Gl. Mart. 90, p. 548-549. Ici, le lien entre la sainteté et la fertilité est évident. Grégoire de Tours relate un phénomène miraculeux qui se déroule sur la tombe d’Eulalie de Mérida en Espagne. Trois arbres (Trinité) inconnus (sed ignarus ego cuius sint generis) donnent le jour anniversaire de l’immolation de la sainte des fleurs qui ont la forme de colombes. Le miracle se double d’un présage : l’apparition du feuillage dès le mois de décembre est le signe d’une bonne récolte à venir.
358 Grégoire, Gl. Conf. 50, p. 778. De même, le lis qui reverdit le jour de la fête de Genès de Bigorre depuis son martyre (Gl. Mart. 73, p. 537). Voir encore la table de marbre destinée à recouvrir le tombeau de Genès d’Auvergne et autour de laquelle l’herbe est plus verte qu’ailleurs (Gl. Mart. 66, p. 533).
359 Grégoire, Gl. Conf. 40, p. 772. De la même manière Grégoire décrit l’éclat de la beauté de la défunte Radegonde (Gl. Conf. 104, p. 814).
360 Grégoire, Decem libri…, IV, 12, p. 143.
361 Voir à ce propos Deonna W., « Croyances antiques et modernes : l’odeur suave des dieux et des élus », Genava 17, 1939, p. 167-263.
362 Grégoire, VP VII, 3, p. 688.
363 Grégoire, Decem Libri…, X, 13, p. 499.
364 Cf. Bynum C. W., The resurrection of the body in western christianity (200-1336), New York, 1995.
365 Je rejoins ici les remarques de Réginald Grégoire. Grégoire R., « La foresta come esperienza religiosa », L’ambiente vegetale…, op. cit., p. 702.
366 Boglioni P., « Les animaux dans l’hagiographie monastique », L’animal exemplaire au Moyen Âge (Ve-XVe siècles), op. cit., p. 68-69.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Un constructeur de la France du xxe siècle
La Société Auxiliaire d'Entreprises (SAE) et la naissance de la grande entreprise française de bâtiment (1924-1974)
Pierre Jambard
2008
Ouvriers bretons
Conflits d'usines, conflits identitaires en Bretagne dans les années 1968
Vincent Porhel
2008
L'intrusion balnéaire
Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au tourisme (1800-1945)
Johan Vincent
2008
L'individu dans la famille à Rome au ive siècle
D'après l'œuvre d'Ambroise de Milan
Dominique Lhuillier-Martinetti
2008
L'éveil politique de la Savoie
Conflits ordinaires et rivalités nouvelles (1848-1853)
Sylvain Milbach
2008
L'évangélisation des Indiens du Mexique
Impact et réalité de la conquête spirituelle (xvie siècle)
Éric Roulet
2008
Les miroirs du silence
L'éducation des jeunes sourds dans l'Ouest, 1800-1934
Patrick Bourgalais
2008