Chapitre III. Les territoires de re-création
p. 103-136
Texte intégral
1Aborder l’imaginaire permet de souligner une autre facette de la représentation des espaces du sauvage. Mais il est évident que cette notion même d’imaginaire n’était pas perçue ainsi, voire n’existait pas. Aussi ai-je préféré employer l’expression de re-création, plus conforme, me semble-t-il, à la démarche des auteurs et artistes de cette période.
2Il convient de s’interroger en premier lieu sur la délicate question de l’appréciation sensible de la nature. Peut-on deviner à travers les œuvres que nous ont laissées les lettrés mérovingiens et carolingiens un sentiment de la nature ? Cette question volontairement naïve ne va pas de soi. Quelle que soit la réponse, elle ne concerne que cette fine pellicule de la société altimédiévale qui nous parle à travers les textes. Il faudra aussi regarder comment la nature des espaces sauvages participe à « l’invention » des mondes de l’Au-delà, de l’Enfer et du Paradis. Puis nous devrons considérer les espaces lointains non plus comme nous l’avons vu précédemment en terres étrangères, mais en terres du merveilleux.
Esthétique des espaces sauvages
Un esthétisme topique
La nature chez les poètes du haut Moyen Âge
3Cette esthétique des espaces sauvages est d’abord perceptible à travers le genre poétique. La poésie chrétienne ne s’épanouit, en développant plusieurs genres, que dans le dernier quart du IVe siècle. Cette production littéraire est la conséquence d’un phénomène essentiel dans l’histoire de l’Église et de la société romaine : la christianisation des lettrés. Plusieurs voies s’offrent alors à l’expression poétique : la vie mondaine et les obligations littéraires ; l’enrichissement de la liturgie en langue latine ; l’inspiration de l’ascétisme monastique. Mais la création poétique reste toujours une théophanie, une manifestation de Dieu.
4Les lettrés chrétiens, anciens élèves de grammairiens et rhéteurs, écrivent naturellement de façon classique. L’adaptation de la Bible en hexamètres connaît un gros succès en Occident comme en Orient et se poursuit au cours du VIe siècle1. Prudence de Saragosse est toujours en vogue et de nouveaux poètes l’imitent comme l’Africain Dracontius ou Avitus de Vienne en Burgondie, qui paraphrase notamment en vers les premiers livres de l’Ancien Testament. On assiste alors à un regain de la poésie chrétienne classique2.
5Paradoxalement, l’abolition légale des cultes païens a libéré la poésie antique des soupçons de caractère religieux que le christianisme avait longtemps conçus à son égard3. Du IIe siècle au Ve siècle, l’apologétique chrétienne combat en effet vigoureusement la mythologie païenne, ennemie encore vivace4. Mais dès le VIe siècle, Fulgence propose dans ses Mitologiae de dévoiler « une fois enterrée les inventions fabuleuses de la Grèce mensongère, la signification mystique qu’il faut entendre dans ces choses-là5 ». Environ trois siècles plus tard, la poésie carolingienne donne ainsi des mythes antiques une relecture qui atteste de leur innocuité : les anciens dieux sont bien morts et l’on peut sans risque remédier à l’absence de description de l’enfer dans le Nouveau Testament par un recours massif aux évocations du Tartare6.
6Au haut Moyen Âge les poètes anciens sont lus, mais le genre poétique n’inspire guère les auteurs mérovingiens. À la fin du VIe siècle, seul Venance Fortunat (mais il est italien) compose des vers métriques et rédige sous forme de poésies plusieurs vies de saint. Au terme de son œuvre historique, Grégoire de Tours, auteur majeur du VIe siècle, demande l’indulgence de son public « pour son style grossier » et avoue, en quelque sorte, qu’il n’aurait pas été capable de rédiger ses Dix Livres en vers7. Pourtant, comme le souligne Pierre Riché, la poésie connaît un grand succès en Gaule aux VI-VIIe siècles8. François Brunhölzl résume l’histoire de la poésie mérovingienne en quelques lignes : la tradition de la poésie épique s’interrompt avec Avitus de Vienne et, dans la période suivante, la poésie se limite aux formes rythmiques. On en connaît environ une douzaine, la plupart anonymes provenant de la Gaule mérovingienne et compilées à Saint-Gall avant 8009. Les sujets abordés dans ces rythmes relèvent la plupart du temps du domaine chrétien. Ce sont des poèmes sur le Christ ou sur ses saints, mais aussi des poèmes cosmologiques ou géographiques comme cet abécédaire sur les Six âges du monde attribué à un certain Teodofridus, moine à Luxeuil avant d’être abbé de Corbie à partir de 657 puis évêque d’Amiens († après 683)10, ou encore les anonymes Versus de Asia et de universi mundi rota, jadis attribués au même auteur11. Il y a encore des poèmes eschatologiques, considérés comme les plus anciens témoignages de représentation des fins dernières et du Jugement Dernier en Occident sous forme poétique. La nature sauvage ne constitue pas la matière première de ces poèmes. Les auteurs ne sont guère inspirés par les beautés du monde, fût-il de création divine.
7Comparée à l’époque précédente, l’époque carolingienne est de nouveau celle des poètes. Malgré tout, on a peu de chance de trouver une esthétique de la nature chez les auteurs carolingiens. Leur goût bien connu pour une poésie d’une très grande complexité formelle souligne l’importance prise par la maîtrise de la grammatica et de la langue savante12. Pour autant, la poésie n’est pas devenue un art mineur. La poésie carolingienne participe de la réflexion politique et peut même le cas échéant être le véhicule d’une authentique critique du temps, comme le De imagine Tetrici de Walahfrid Strabon (808/809-849) décrivant la cour de Louis le Pieux13. Dans ce poème, l’auteur polémique autour de l’érection d’une statue du roi ostrogoth Théodoric à Aix. S’inscrivant davantage dans la tradition d’inspiration biblique, en l’occurrence l’Apocalypse de Jean, il assimile l’empereur Louis le Pieux à un nouveau Moïse ; le parc du palais d’Aix devient un véritable paradis où les bêtes sauvages côtoient à nouveau le bétail et où les fauves jouent avec les antilopes14.
8La poésie carolingienne, comme le reste de la production littéraire, s’intéresse d’abord aux hommes et à leurs actions. Lorsque dans les récits épiques en vers les éléments de la nature physique apparaissent, ils ne représentent que le décor des hauts faits d’armes. C’est le cas dans l’œuvre du Poète Saxon ou encore dans le Waltharius, cette épopée carolingienne relatant des événements tirés d’une légende wisigothico-aquitaine15. On retrouve ce mélange de mythologie et de merveilleux chrétien, mâtiné d’un bucolisme « à la Virgile », dans le poème en trois chants d’Abbon de Saint-Germain-des-Prés composé dans les dernières années du IXe siècle. S’il s’exprime en vers pour raconter le Siège de Paris de 885 par les Normands et les événements des années suivantes, l’auteur réfute pour lui-même la qualité de poète, selon une formule de modestie qui fait partie du genre :
« Certes, nulle part, je n’ai, à la façon d’un Silène, groupé pour se jouer aux accents joyeux de ma voix les Faunes et les bêtes sauvages ; nulle part je n’ai forcé les chênes rigides à faire mouvoir leurs cimes ; ni les forêts, ni les oiseaux, ni les murailles n’ont jamais, cédant aux doux attraits de mon chant, accompagné mes pas16. »
9Comme chez Fortunat, on retrouve dans l’œuvre d’Ermold le Noir un certain goût bucolique qui probablement ne laisse pas insensible ses lecteurs du IXe siècle puisqu’il s’agit, pour ce qui concerne le poème en l’honneur de Louis le Pieux, d’un écrit destiné à plaire au souverain et à sa cour17. Sur le modèle de la poésie didactique antique, Ermold parvient à mêler les figures mythologiques et l’observation, comme dans la description des vents violents de la belle saison.
« À l’appel d’Éole, les vents rapides accourent en sifflant à travers les champs, les forêts et les mers : ils arrachent les toitures. Moissons et forêts frissonnent ; l’oiseau qui vit dans le soleil a peine à se tenir avec ses ongles recourbés18… »
10L’un des temps forts de son poème est la scène de chasse impériale organisée lors du fastueux baptême d’Harald roi des Danois au palais d’Ingelheim en 82619. Cette description est à rapprocher de l’épisode de Virgile dans le livre iv de l’Énéide (vers 129 et suivants) dont Ermold emprunte quelques vers. Il convient de la lier aussi à l’Épopée de Paderborn rédigée lors de la rencontre entre Charlemagne et le pape Léon III20. Le passage d’Ermold reprend à cette dernière la galerie de portraits des membres de la famille impériale dans un discours empruntant à l’esprit antique le faste de la chasse royale. Même le repas champêtre dans une loge de verdure au milieu des bois (in medio nemoris viridantia claustra) n’est pas sans rappeler les banquets des aristocrates romains tels que les décrit Pline l’Ancien21. Le but recherché dans ces vers qui décrivent des environnements naturels est de faire de l’effet ; il n’y a aucune place pour un quelconque sentiment de la nature.
11Le goût pour l’imitatio des anciens et la belle langue se retrouve chez les auteurs palatins. Alcuin (vers 730-804) est un familier des poètes classiques, en particulier de Virgile, Horace, Ovide ou encore Calpurnius Siculus. À la cour carolingienne, il reçoit d’ailleurs le surnom du poète Horace. Son œuvre poétique est d’une ampleur et d’une qualité remarquable, mais il s’agit essentiellement de poésies de circonstance : de nombreuses dédicaces, des épitaphes, des éloges, voire des divertissements bucoliques, genres que les poètes chrétiens du Ve siècle, comme Sidoine Apollinaire, pratiquaient déjà volontiers22. Les poèmes comme le Rossignol, ou le Débat entre Printemps et Hiver, malgré leur style élégant, montrent qu’Alcuin, en excellent directeur de l’école palatine, se soucie surtout d’écrire des ouvrages didactiques23. Son Élégie sur sa vie à Aix, écrite à la fin des années 790 après son installation à Tours, est une description à l’antique des environs d’un monastère sans doute imaginaire : un bois de feuillus à l’horizon, un pré en fleurs et rempli d’herbes médicinales, une rivière poissonneuse aux rives fleuries, des roses et des lis dans le jardin… et le chant des oiseaux dans le ciel composent ce tableau virgilien24.
12De même, le poème De pugna avium écrit par le Wisigoth Théodulf en 820 témoigne d’une grande culture classique et d’un goût pour l’imitatio ; ce combat des oiseaux n’exprime aucunement une sensibilité de naturaliste25. Tous ces poèmes sont écrits dans l’intention d’éduquer dans le domaine de la belle langue ou dans celui de la morale, à l’exemple encore du poème Une hirondelle de l’évêque d’Utrecht Radbod (899-917) qui combine le jeu étymologique et l’analogie entre la nature et l’homme26.
13L’œuvre carolingienne qui développe le plus la « matière naturelle » est un opuscule de Wandalbert, moine et diacre à Prüm († vers 870). Il écrit un poème didactique sur les douze mois de l’année, peuplé de références à Virgile, Ovide et Horace. Pour chacun des mois, il donne l’origine étymologique du nom, la position du soleil dans les constellations zodiacales, la longueur des jours ou l’étirement des ombres, le temps qu’il fait, l’évolution de la végétation, les activités agricoles ou les types de chasse et de pêche que l’on peut pratiquer27. Les activités sur les terres mises en culture et dans les espaces incultes sont associées dans ces douze tableaux qui évoquent déjà les scènes enluminées des livres d’heures.
14Dans toutes ces œuvres le conventionnel l’emporte sur la sensibilité. La nature n’est qu’un décor dont les éléments sont convenus et figés depuis longtemps.
Un corpus de clichés
15Il est en effet presque impossible de trouver trace d’un sentiment de la nature tant les conventions de la rhétorique sont dominantes. Les passages descriptifs de Venance Fortunat et de Grégoire de Tours sont, mis à part quelques récits de miracles, les seuls témoins d’un sentiment de la nature qui ouvrent le voile sur la manière dont les Mérovingiens perçoivent leur environnement naturel. Fortunat, influencé par les poètes latins des IIIe-Ve siècles qu’il a étudiés à Ravenne, évoque les fleurs et les plantes avec des accents lyriques plutôt conventionnels28. Chez Grégoire de Tours, les récits de tempêtes sont davantage le reflet de la connaissance de Virgile qu’un réel intérêt pour le monde de la mer.
16L’œuvre de Venance Fortunat paraît de notre point de vue particulièrement riche. Si nous ignorons tout de l’activité de Fortunat comme évêque, il survécut jusqu’à nous grâce à sa poésie29. Pour François Brunhölzl, il est même « le premier poète du Moyen Âge30 ». Ses poèmes montrent qu’il sait voir la nature et la vie qu’elle recèle. Il observe comment, sous la canicule de l’été, un fleuve en est réduit à laisser couler un misérable filet d’eau dans son lit desséché, comment les poissons frétillent dans un ruisseau vaseux31, comment les bergers se penchent pour boire à une source32 ; il regarde, au bord de la Moselle, l’herbe alourdie plonger dans l’eau ses tiges33, comment au bord de la Garonne, l’herbe des prairies, piquetée de fleurs colorées, se couche sous la douceur de la brise34. Il apprécie surtout la beauté du site d’une maison de campagne nichée au flanc d’une colline35. Fortunat se situe alors bien au-dessus de la tradition littéraire de la fin du monde antique où depuis longtemps la perception directe avait été remplacée ou occultée par les artifices de la rhétorique et de la stylistique36. L’observation de la nature est une des caractéristiques évidentes de la poésie de Fortunat.
17La plupart du temps au haut Moyen Âge, la poésie de la nature se limite à des tournures apprises à l’école, en lisant Virgile, entre autres. Au IXe siècle, les clichés sur le printemps ne surprennent pas le lecteur d’Ermold le Noir. Tout est convenu : la campagne verdoyante sous les premiers rayons du soleil, l’herbe ondoyante sous le vent exhalant de suaves parfums37. Il est bien difficile de tirer de ces vers des conclusions sur le sentiment de la nature chez Ermold38 comme chez les autres poètes de l’époque carolingienne. Le Poète Saxon ou l’anonyme du Waltharius s’inspirent pour dessiner la nature des classiques, comme Virgile mais aussi Stace. De même dans le Siège de Paris par Abbon, les forêts sont celles de Virgile39.
18Le monde physique intervient aussi dans la poésie selon le motif littéraire fréquent de « l’empathie de la nature ». Dans un poème célèbre, Venance Fortunat consacre plusieurs vers à la tristesse de la mère de Galswinthe voyant sa fille la quitter pour rejoindre la cour de Chilpéric Ier. Toute la terre espagnole compatit : les vallées s’emplissent de larmes et les forêts gémissent. De même, lorsque celle-ci est assassinée sur ordre de Frédégonde, les sources, les forêts, les fleuves, les champs font écho à la douleur de sa sœur Brunehaut40.
19Ce thème de la nature participant à la douleur des hommes se retrouve chez les auteurs carolingiens. Angilbert, qui s’est battu aux côtés de Lothaire, résume l’ambiance du champ de bataille au lendemain de Fontenoy, le 25 juin 841 : « Les champs, les forêts, les marais eux-mêmes tremblent d’horreur41. » Pendant le siège de Paris par les Normands, le peuple entonne une prière pour faire intervenir saint Germain et toute la nature appelle le saint : les rives de la Seine et les forêts d’alentour font écho à la prière42.
20Comme dans la plupart des œuvres chrétiennes du haut Moyen Âge, l’animal est souvent utilisé dans la poésie métaphoriquement. Les Danois qui font le siège de Paris sont assimilés dans un vers d’Abbon au loup audacieux qui regagne le fond des forêts43. Les Maures, lors du siège de Barcelone en avril 801, sont comparés à des oiseaux aquatiques menacés par un rapace (Louis le Pieux). C’est l’occasion pour Ermold d’introduire un court divertissement dans son récit de bataille sur le comportement de la faune sauvage, renouant pendant quelques vers avec le genre de la poésie scientifique antique.
« De même qu’une troupe d’oiseaux aquatiques est posée craintivement sur l’onde d’un ruisseau, l’oiseau de Jupiter fondant du haut du ciel, les a découverts et plane longuement au-dessus d’eux ; eux plongent et se relèvent, se cachent dans les herbes, s’enfoncent dans la vase ; lui, suspendu sur ses ailes, les terrorise, les harasse et saisit celui qui relève la tête au vent44. »
Le printemps est là
21L’hiver n’est pas la saison des poètes. Sedulius Scottus décrit son arrivée en Gaule en 848 dans une envolée lyrique pleine de classicisme.
« Les souffles stridents de Borée, au visage blanchi nous épouvantent de leurs chocs soudains… L’Aquilon sans pitié ravage les plaines de l’air qu’il remplit de cris horribles et de rugissements… La terre languissante se cache sous une robe blanche, la montagne boisée perd ses cheveux et, comme le roseau, le chêne est forcé de plier… Borée en fureur, lamentable spectacle, s’acharne sur nous, doctes grammairiens, pieux ecclésiastiques, car l’Aquilon, de son vol, n’épargne nulle renommée et nous déchire de ses griffes cruelles45. »
22Dans la littérature classique déjà, la saison hivernale représente généralement la période redoutée de l’année, stérile, sombre, voire dangereuse46. À l’opposé, le printemps inspire la beauté. À nouveau Venance Fortunat nous donne le modèle, empruntant à la fois à la tradition littéraire antique et au thème chrétien :
« La terre, en harmonie et partout en travail, déverse ses présents, lorsque l’année lui rend le faste du printemps. Les tendres violettes teintent les champs de pourpre. Les herbages verdoient dans les prés et la chevelure des herbes ondoie. Peu à peu lèvent les fleurs à l’éclat étincelant : elles sont les yeux qui émaillent le gazon et lui donnent son sourire… Perçant l’écorce de la branche mère en son tendre duvet le bourgeon turgescent prépare son cœur à l’enfantement. Le bois dont la chevelure de feuilles avait été arrachée du temps de l’hiver maintenant reverdit et retrouve sa couverture de frondaisons47. »
23Ces allusions au printemps renaissant à la vie sont topiques dans toute la littérature du haut Moyen Âge. Dans le poème épique du Poète Saxon, le mois de mars annonce le retour du printemps. Les jours augmentent, la nature verdit, les oiseaux chantent, les prés et la forêt témoignent de la venue de la belle saison48.
Place de la nature dans les descriptions de région
24L’environnement décrit est souvent présenté comme un cadre de vie économique, religieux ou politique, négligeant les espaces qui n’apportent rien de plus à la connaissance d’une région. La description géographique mêle toujours descriptio, qui donne la position et les limites de la cité ou de la province, et laudatio, qui insiste surtout sur ce qui fait la valeur du lieu49. Les écrivains aquitains des Ve-VIe siècles, encore pétris de culture classique, font volontiers l’éloge de leur province dans laquelle on voyait traditionnellement la partie la plus riche de la Gaule50. Ainsi l’éloge de l’Auvergne, que Sidoine Apollinaire met dans la bouche de Jupiter et qui s’inscrit dans le panégyrique d’Avitus dont cette province est la patrie, respecte ces règles de la laudatio51. Éloge encore lorsqu’il dit que le Mont Lozère l’emporte sur le Caucase des Scythes52. Sidoine Apollinaire applique à ses propres domaines ce principe de la laudatio, notamment dans l’évocation de sa villa d’Avitacum près de Clermont, un lieu qui ressemble à la Campanie53.
25De fait, la description se trouve insérée soit dans les carmina où elle devient un véritable éloge, lié au lieu que le poème glorifie, soit dans des chapitres de chroniques et de vitae, où elle prend la forme d’excursus explicatif ou pittoresque54. En cela, elle reprend la double fonction de louange ou de digression qui était déjà celle de la descriptio antique55.
26Le meilleur exemple de la période est Venance Fortunat. Il se situe entre la tradition du locus amoenus et la poésie mondaine lorsqu’il décrit de quelques vers les domaines de ses amis, comme la villa bordelaise de Besson appartenant à Léonce :
« Il est un lieu, quelle que soit la chaleur au moment de la canicule, où les prés sont toujours verts et couverts de fleurs, où les champs émaillés de teintes safranées embaument et où l’herbe à la chevelure odoriférante répand un parfum plein de charme56. »
27C’est aussi l’héritage de la civilisation urbaine gallo-romaine qui influence la description des régions. La cité la plus importante représente alors toute la région. D’où une absence bien souvent de description des espaces considérés comme sauvages, en réalité largement ruraux et très éloignés de ces principales capitales. La ville est décrite pour être vantée, telle la description de Metz par Venance Fortunat57. Les panégyriques urbains recourent à de vieux topoi mettant en valeur le site de la ville, son histoire et ses constructions58. La richesse de la campagne environnante et la qualité de la fortification du site sont mises en valeur. Ainsi Grégoire de Tours insiste-t-il sur les qualités défensives et économiques (terres arables, eaux poissonneuses et coteaux couverts de vignobles) du site de la forteresse de Dijon59.
28D’autres descriptions, celles des villae ou celles, très rares, de monastères qui ne sont installés ni en ville ni au désert, confirment l’importance de certaines parties construites et de certains éléments naturels comme repères. Fortunat, comme Sidoine Apollinaire, donne d’abord la situation des domaines de ses amis, tels celui de Nicetius de Trèves, Mediolanus, voisin de la Moselle poissonneuse et entouré de collines et de champs fertiles ; après ce rapide tour de l’horizon, le regard s’approche des constructions érigées par l’évêque et détaille les murs et les tours, puis le système d’irrigation et les plantations à l’intérieur de la villa. Monts et rivières, fertilité et protection, tels restent les guides au début du VIIIe siècle, lorsque le moine de Manglieu décrit son monastère, sur un modèle proche de Fortunat60.
29Les poètes de l’époque carolingienne perpétuent la tradition de la laudatio antique. Ermold le Noir décrit dans une œuvre de circonstance le domaine royal de Doué :
« Par delà la Loire, dans un endroit fertile et commode, ceint de forêts et de plaines, mollement enfoui dans la verdure d’une vallée, excellent pour la pêche et abondant en gibier, Louis a bâti un magnifique palais. En voulez-vous le nom ? Il s’appelle Thedwat (Doué)61. »
30On sait que Arbéo de Freising, pour composer la Vita et passio sancti Haimhranni martyris, a eu recours à l’invention. Emmeran vécut dans un passé éloigné et Arbéo ne semble pas avoir disposé d’une tradition orale riche. Cette vie est donc largement légendaire et l’on ne peut distinguer ce que l’on racontait déjà sur Emmeran et ce que l’auteur a créé de toute pièce. Aussi cette vie s’est-elle chargée de stéréotypes et de clichés littéraires comme la description qui suit, celle de la Bavière patrie d’Arbéo, véritable terre de cocagne : « Il voyait là (en Bavière) une terre bonne et un beau sol riche en forêts, abondant en tous biens, des hommes grands et robustes, d’une solide bienveillance et charité, des champs couverts de moissons62. » Ne doutons pas que l’évêque de Freising vante avant tout les qualités de sa province. Lui-même descendant probable de la famille bavaroise des Huosi, il associe parfaitement cet effort littéraire un brin chauvin à l’œuvre de promotion active, qu’il mène jusqu’à sa mort (783), de son diocèse tant dans le domaine ecclésiastique qu’économique63.
31Le fleuve se dégage de ces descriptions de sites. Il peut même devenir objet du discours. L’un des poèmes les plus connus de Fortunat traite du voyage qu’il fait en compagnie du roi Sigebert sur la Moselle et sur le Rhin, de Metz à Andernach64. Il permet de parcourir une région du regard, comme lorsque Fortunat cherche Gogon à travers toute l’Austrasie en naviguant sur le Rhin, la Moselle et la Meuse65. Le cours d’eau s’ouvre comme un monde à part entière, riche de ses flots et du spectacle changeant de ses rives, élément fécondant dans la campagne et point d’observation mobile pour le voyageur.
32Dans la Première épître au roi Pépin, les mérites des Vosges sont comparés à ceux du Rhin. On retrouve sous la plume poétique d’Ermold le Noir les arguments traditionnels de la laudatio : ce sont principalement les valeurs économiques du massif vosgien qui sont évoquées avec le bois de construction, la pratique de la chasse et de la pêche66. Le Rhin réplique en usant d’arguments similaires. Il fertilise ses rives, sert à la navigation et ses eaux sont très poissonneuses67.
La nature du locus amoenus
33Le thème du locus amoenus (du lieu agréable), que l’on retrouve largement répandue dans l’œuvre hagiographique, relève du thème littéraire. Jérôme exploite ce thème du locus amoenus dans la Vita Pauli68. On le retrouve chez Cyprien, au début du récit de sa conversion69. Mais le thème est plus ancien, puisqu’on le trouve dans l’Énéide de Virgile avec la description des Champs Elysées70.
Les descriptions de la Création
34C’est l’un des épisodes bibliques qui a suscité le plus grand nombre de commentaires de la part des exégètes des premiers siècles chrétiens. La description de la Création est l’occasion de montrer la beauté et la perfection de la terre telle que l’a voulu Dieu. C’est aussi la vision du paradis auquel le chrétien peut encore espérer au terme de sa vie terrestre. Le monde physique y est donc souvent embelli. Avec Avitus de Vienne, le thème du paradis perdu retrouve pour la première fois une expression poétique digne de son objet. Dans son épopée biblique en cinq chants, l’évêque de Vienne parvient à sublimer la Création en dépassant tous les clichés topiques du locus amoenus, ce qui fait de lui un poète de premier ordre au début du haut Moyen Âge.
« Déjà dans une belle lumière, il faisait apparaître des formes particulières, l’obscurité reculant devant le jour, et une intense beauté colorait le monde rehaussé de couleurs variées71…
Aussitôt par un doux enfantement, la terre produisit tous les êtres et, toute belle, elle se vêtit d’une herbe soudaine…. Ainsi par la fécondité de la Parole, les forêts se couvrent de feuillages : l’arbre aux racines encore tendres fortifia et déploya ses branches en peu de temps72…
Et, ce que l’esprit ignorant des hommes a le tort de trouver laid est beau du point de vue de la nature, selon son espèce particulière73. »
35Avitus commence par le premier jour, lorsque Dieu inonde le monde de lumière. Puis il décrit la nature. Loin d’être hérissée de taillis horribles, la terre se pare d’un vert manteau de forêts. À l’heure de la Création, la sauvagerie n’existe pas : les bêtes fauves, les serpents et même les vers et les insectes les plus répugnants ne sont pas déconsidérés. Le monde est beau car il est le reflet de la volonté divine. Avitus ajoute encore : « La création plait à son artisan qui l’admire, et le créateur loue le monde qu’il a établi dans un si bel ordre74. »
Est-ce beau ?
36Le sentiment de nature est une notion anachronique jusqu’à une époque récente. Cependant certains textes expriment un sentiment qui s’en rapproche. Arrive-t-il à l’homme du haut Moyen Âge de juger beau son environnement familier ? La question mérite d’être posée et la réponse ne va pas de soi. La nature ignore ce que nous appelons le paysage. C’est une invention moderne. Le mot « paysage » dans son sens pictural n’apparaît en français qu’au milieu du XVIe siècle75. Nos auteurs ne s’intéressent guère au paysage, au sens de la beauté naturelle dans laquelle l’homme se complait sans chercher d’autres significations. Mais on ne peut penser que l’homme d’alors était bien trop étroitement lié à la nature ambiante pour qu’elle soit l’objet d’un jugement esthétique. Cela reviendrait d’une part à « inventer » le sentiment des simples mortels à partir de l’écriture savante, et leur nier d’emblée d’autre part, comme le firent jadis les anthropologues envers les peuples qu’ils rencontraient, toute pensée sur le monde qui les entoure. Sur ce plan là, à vrai dire, nous ne pouvons rester prudemment qu’au niveau des hypothèses.
37Au IXe siècle, Walahfrid Strabon célèbre le retour du printemps en regardant toute la nature se parer de sa verdure : « Comme les forêts se parent de nouveau de feuilles, les montagnes d’un épais gazon, les prés joyeux de verdures éclatantes76 … » Il reprend les lieux communs des amoena prata, des prés verts couverts de fleurs, symbolisant à eux seuls la saison préférée des auteurs chrétiens. Si cet Italien raffiné du VIe siècle qu’est Fortunat paraît tout à fait l’aise en Gaule, c’est que le succès de sa poésie aux accents bucoliques prouve qu’il y a alors un public réceptif au chant de la nature. Cela dit, il n’y a pas loin dans ses descriptions des amoena prata. On trouve même l’expression amoenus ager employée plusieurs fois à propos des campagnes77.
38Dans cet autre poème, la beauté de la nature au printemps est bien plus qu’un don de Dieu. C’est une épiphanie :
« Voici que le charme du monde qui revient à la vie atteste que tous les biens lui sont rendus avec son Seigneur. En effet, c’est le Christ triomphant après avoir connu le sombre Tartare que, de toutes parts, célèbrent le bois par ses frondaisons, l’herbe par ses fleurs. Ayant vaincu les lois de l’enfer, Dieu s’avance au-dessus des astres et mérite la louange de la lumière, du ciel, des champs, de la mer. Celui qui avait été crucifié, le voici Dieu régnant sur l’univers, et à leur créateur toutes les créatures adressent leur prière78. »
39La poésie n’offre pas la plupart du temps le regard des hommes du haut Moyen Âge sur la nature. Les auteurs expriment à travers elle la perfection de la création. Ils n’admirent pas la splendeur du monde, mais au-delà, la main de Dieu. C’est selon cette vision que l’on peut comprendre les évocations poétiques de diverses œuvres en prose, notamment dans la littérature hagiographique. Les miracles de Grégoire de Tours, qui nous permettent d’approcher l’esthétique du VIe siècle de plus près que la plupart des autres sources, ont un goût plutôt art nouveau79. L’évêque de Tours décrit la dépouille de Grégoire de Langres : « Son visage béni était si plein de gloire qu’il paraissait une rose. Il était d’un rouge rosé profond, et le reste de son corps était du blanc brillant d’un lys80. » Par l’évocation de la végétation typique des amoena prata, il transforme le défunt en élu du Jugement Dernier. Les couleurs de la carnation annoncent la résurrection à venir.
40La question est donc délicate : au-delà de l’imitation formelle, n’y a-t-il pas la volonté d’exprimer un sentiment vrai81 ? Dans un passage de son Histoire spirituelle, Avitus de Vienne sollicite d’autres sens que la vision dans une description du Paradis où il évoque le mouvement lent des forêts agitées par le vent. Peut-on voir moins une citation poétique formelle que le témoignage d’un homme qui a pu être touché par la beauté simple de la nature lors de l’une de ses promenades ?
« Alors, pour peu qu’une légère brise souffle, l’opulente forêt, agitée par l’haleine ténue des vents, dans un doux murmure, laisse frémir ses feuilles et ses fleurs aux vertus salutaires qui, répandues à terre, exhalent leurs suaves odeurs82. »
41Pour flatter un lieu particulièrement privilégié, Venance Fortunat n’hésite pas à faire appel au plaisir : la vue y est ravissante (deliciosa) ou bien l’attrait du spectacle entraîne le voyageur fatigué vers ce lieu83. Dans un poème dédié à Gogon, Fortunat fait allusion au charme d’une promenade et aux lieux agréables à fréquenter : les rives de la Moselle rafraîchies par une brise légère, les bois ombragés84… Ailleurs, le promeneur est « séduit par le charme d’un bois parfumé85 ». Nous pouvons supposer que ces évocations de l’otium rencontrent alors quelque écho parmi ses lecteurs. Un autre poème de Fortunat semble sans ambiguïté réserver l’appréciation des beautés de la nature à une élite cultivée.
« Si, par une chance inespérée, tout près de là un bosquet offre son ombre et que gazouille l’eau fraîche d’une source transparente, l’homme joyeux se hâte vers l’endroit, s’étend sur ces champs paisibles et roule ses membres sur les coussins d’herbe… S’il a en mémoire quelque poème, il le récite en l’accompagnant de son chant et une brise caressante favorise de doux accents86. »
42Il semble qu’il y a ici quelque chose de vécu. Cet homo laetus qui garde « en mémoire quelque poème » n’est autre que Fortunat.
43Il serait malgré tout prudent de parler moins de « sentiment de la nature », notion par trop anachronique, mais d’un authentique « sentiment de la Création » chez tous ces auteurs sensibles à l’argument de la nature dans la démonstration de la perfection divine du monde.
L’Enfer et le Paradis
Le sauvage dans la vision de l’Enfer
Paysage d’Enfer
44La tradition biblique propose une image assez symbolique du séjour des damnés : c’est un trou dans les profondeurs de la terre où règne une éternelle obscurité. Mais cette évocation est bien trop sobre, voire abstraite, pour répondre au besoin de se représenter un lieu stimulant autant l’imagination. Cependant, les lieux infernaux, comme les lieux célestes, sont envisagés de façon globale et peu précise, tout comme leur faune n’est souvent désignée que par des termes généraux (avis, piscis…)87. S’appuyant sur Jérôme et Augustin88, Isidore de Séville propose une carte des mondes inférieurs dans les Étymologies que reproduit presque à l’identique au IXe siècle Raban Maur89. L’évêque de Séville énumère les lieux infernaux tirés de la tradition antique et biblique, sans proposer une topographie, même vague. Il indique seulement que la géhenne, séjour des supplices éternels, est locus ignis et sulphuris90 et le Tartare un lieu glacial91.
45Si l’Enfer est situé sous la terre, Prudence de Saragosse l’imagine comme un pays de lacs et de grottes caverneuses, en ajoutant l’eau noire et dormante que les auteurs antiques associaient aux marais du Styx92. Dans un autre livre du De Universo, Raban Maur imaginerait aussi l’Enfer comme une mer hideuse, peuplée de démons93. L’élément liquide inspire aussi Bède le Vénérable qui décrit le lieu où sont précipités les damnés comme « un horrible fleuve dans lequel se trouvent comme des poissons au milieu de la mer, de nombreuses bêtes diaboliques qui dévorent les âmes des pécheurs94 ».
46Les clercs transportés en vision au fond de l’Enfer visitent divers lieux et assistent aux châtiments des damnés. Le modèle de ce genre littéraire est la visio Pauli apostoli apocrypha appelée aussi l’apocalypse de Paul traduite du grec en latin à la fin du Ve siècle ou au début du VIe siècle95. Lors de sa descente en Enfer l’apôtre « vit un fleuve épouvantable dans lequel se trouvaient de nombreuses bêtes diaboliques, comme des poissons au milieu de la mer, qui dévoraient sans aucune pitié les âmes pécheresses, comme le loup dévore les brebis96 ». Le fleuve n’est pas le seul élément topographique remarquable de l’Enfer. Peu à peu, le monde infernal s’enrichit.
47L’Enfer dans la littérature chrétienne a très tôt son modèle. Au Ve siècle, le poème d’Orientus, De Providentia, décrit les Ténèbres, le feu de soufre, le froid glacial, les chaînes de fer rouge, les vers et les serpents97. Dans la Visio Bonelli du VIIe siècle, il y a des démons qui n’ont pour compagnons que des corbeaux perchés près de chaudrons de cuivre98. Guthlach († 714) est amené en Enfer par le diable et y trouve des tourbillons de soufre mêlés à de la grêle glacée99. Exceptionnellement, l’Enfer est évoqué comme une forêt, comme celle où un énergumène, qui se présente devant Hériger, évêque de Mayence, prétend avoir festoyé en compagnie de Jean-Baptiste en échanson et Pierre en cuisinier100.
48À l’époque carolingienne, on voit apparaître un réalisme dans la description des démons et des tortures qui sont infligées aux pécheurs. Parmi elles, plusieurs mettent en scène des éléments de la nature. Dans la visio Wettini, rapportée par Heito († 836), un abbé est perché sur une montagne, exposé au vent et à la pluie101. Dans la visio Bernoldi écrite par Hincmar de Reims vers 877, c’est Charles le Chauve qui est plongé dans la boue pour y être dévoré par les vers. Charles le Gros rencontre des dragons qui cherchent à le dévorer, des scorpions et aussi des serpents102. Ainsi, peu à peu se constitue le bestiaire qui remplit les visions postérieures. En même temps, la géographie de l’Au-delà devient plus variée. Le pont sur le fleuve des visions mérovingiennes disparaît dans les visions carolingiennes. Mais on trouve désormais des montagnes, des vallées, des fleuves de feu ou des puits enflammés, et des marais fangeux, que les voyageurs parcourent à pied103.
Les fauves infernaux
49Jacques Voisenet a rappelé comment le thème de la dévoration est très tôt associé à l’Enfer104. La morsure est le supplice le plus souvent énoncé parmi les peines endurées éternellement. Isidore de Séville donne un sens à la fois funéraire et infernal en rapprochant les animaux carnassiers des agents du diable105.
50Aux IVe et Ve siècles, l’image du diable demeure encore celle du dragon ou du serpent106. En effet le dragon antique est toujours serpentiforme107. Dans la culture chrétienne, l’image est principalement déterminée par le souvenir du serpent de la Genèse108. Et dans l’Apocalypse de Jean la signification du dragon ne fait aucun doute109. Le dragon est donc l’apparence naturelle du diable ainsi que l’affirme encore Lactance, qui le reconnaît sous la figure grecque du serpent d’Épidaure110. À la suite de l’Apocalypse de Jean, et surtout du thème oriental du fauve dangereux le diable est souvent évoqué comme une bête féroce monstrueuse. De Prudence à Sulpice Sévère, le diable est fréquemment désigné par le terme de bestia111. C’est surtout dans les vitae égyptiennes que le maître des phantasmes apparaît sous des formes animales variées, notamment dans la vie d’Antoine112. Jacqueline Amat souligne que ce bestiaire diabolique, souvenir du bestiaire égyptien, représente plutôt la troupe des démons que le diable lui-même. Il s’agit en outre de phantasiae, donc d’apparences fugitives et sans consistance113.
51Parmi les damnés, Bède le Vénérable précise que ceux qui ont trahi leur vœu de chasteté et les infanticides sont dévorés par les flammes mais aussi par les serpents, les dragons et les vers114. Cette faune se retrouve dans toutes les évocations de l’Enfer durant le haut Moyen Âge et même après. La visio Wettini décrit comment Charlemagne endure sur ses parties sexuelles les morsures d’un animal pour expier une vie de débauche115. C’est le châtiment réservé aux fornicateurs, qu’ils soient prêtres ou laïcs.
52Ainsi la faune de la géhenne est principalement constituée par des animaux féroces dont les cornes, les sabots ou les crocs déchirent, et aussi par des reptiles, des insectes et des vers. La présence de ces animaux répond selon Jacques Voisenet à trois grands axes : la souffrance physique qu’ils infligent, l’horreur qu’ils suscitent et la honte qu’ils inspirent aux divers coupables tombés au plus bas niveau de la création. Cette promiscuité avec les animaux rampants constitue à la fois le symbole de leur déchéance et la matérialisation de leurs tourments éternels116.
53Rares sont les auteurs qui remettent en cause l’existence d’une telle conception du séjour en Enfer. Au IXe siècles, l’Irlandais Jean Scot Érigène est l’un de ceux-là. Pour lui, l’Enfer n’est ni le lieu du feu éternel où se consument les impies, ni le lieu de la consommation par les vers117.
Le sauvage paradisiaque
Où est le Paradis ?
54Dans les premiers siècles du christianisme, la question n’allait pas de soi comme le rappelle Jean Delumeau118. Si Ambroise, et d’autres, a proposé une interprétation spirituelle du Paradis, se rapprochant ainsi de la tradition antique du mythe de l’âge d’or119, l’Occident chrétien a largement favorisé une vision réaliste du jardin des origines. Pour Lactance, par exemple, il est certain que Dieu a placé Adam « dans le jardin de plus fécond et le plus agréable qui soit120 ». Augustin se prononce aussi en faveur d’une réalité matérielle du paradis121. Son avis est important compte tenu de la portée de son œuvre en général dans la pensée chrétienne. Cette opinion se retrouve ainsi au VIIe siècle dans le De Ordine creaturarum d’Isidore de Séville122, mais aussi au IXe siècle dans le De universo de Raban Maur123.
55Suivant la plupart des Pères de l’Église, qui se fondent sur le livre biblique de la Genèse, Isidore de Séville le situe quelque part en Asie, théorie reprise ensuite par la cosmographie médiévale124. Venance Fortunat le nomme poétiquement de pays de l’Aurore125. Dans son Commentaire sur la Genèse, Bède le Vénérable indique que le paradis terrestre se trouve en Orient, par-delà mers et montagnes, qui figurent donc une frontière126. Au VIIIe siècle, la Cosmographie dite d’Aethicus Ister indique qu’il est inaccessible : de hautes montagnes barrent la route terrestre et la chaleur des mers orientales interdit une approche par bateau. Ethicus pense par ailleurs que le paradis est situé dans le Caucase et dans les montagnes indiennes127. C’est là que le place la cartographie médiévale128. Angélôme de Luxeuil (mort vers 855) indique qu’en remontant un des quatre fleuves qui coulent du paradis, on peut y accéder129. Rémy d’Auxerre († vers 908) précise qu’il se trouve sur une montagne et que le déluge ne le fit pas disparaître pour cette raison130.
Une topographie inspirée de la nature
56Pour Ambroise, le paradis est un pays intemporel, sans saisons, sans ténèbres, par opposition aux mondes infernaux131. Cette immatérialité ne séduit guère les artistes et de nombreux chrétiens. En puisant dans l’univers bucolique et la vision des Champs-Élysées, le paradis devient le lieu qui concentre le charme de toutes les saisons132. Les souvenirs virgiliens sont là : des gazons toujours odorants, des jardins parfumés de fleurs divines. Bède propose un modèle qui semble s’imposer pendant toute la période carolingienne : l’Au-delà est un monde parallèle au nôtre et lui ressemble133. Les auteurs suivent assez souvent la description faite par Grégoire le Grand à la fin du VIe siècle : dans une vaste prairie se diffuse sans cesse un extraordinaire parfum, des hommes vêtus de blanc habitent des maisons construites de briques en or134. Dans la vision de Maxime, c’est un inimitable ambroseus odor qui se dégage de fleurs plus belles que tous les printemps de la terre et un fleuve merveilleux irrigue la vallée135.
57Dans la multitude d’évocations souvent comparables et peu variées du paradis, l’originalité de Prudence de Saragosse est, pour Jacqueline Amat, de le décrire en mêlant heureusement le lyrisme des Psaumes et du Cantique, et le goût hellénistique et romain pour les laudes hortorum136. Prudence peut évoquer le paradis sobrement, comme un gazon fleuri traversé de ruisseaux qui constitue le paysage alexandrin137. Il peut aussi le décrire dans une luxuriance orientale multipliant les évocations de senteurs et de couleurs. Ces traits se retrouvent encore dans le paradis de Dracontius, une sorte de « jardin botanique » où toutes les plantes et les espèces créées à la genèse du monde se trouvent ainsi miraculeusement conservées138. L’évocation topique du paradis rassemble principalement trois éléments de décor : les arbres et arbustes chargés de fruits et dispensateurs d’une ombre bienveillante, le ou les fleuves (quatre) prenant leur source dans l’Eden, l’herbe d’une prairie verte, fleurie et parfumée139.
58Ce qui l’est moins, c’est d’envisager le paradis au sommet d’une montagne. Cela s’insère pourtant dans la tradition vétéro-testamentaire, puisqu’il faut bien que ce lieu ait été épargné par la montée des eaux du Déluge. Prudence innove en installant Jonas sur une haute montagne, à l’abri d’une plante qui ne fane pas140. Le Livre de Jonas ne fait pas mention d’une haute montagne : après sa prédication et l’entrée en pénitence des Ninivites le prophète se retire simplement à l’est de la ville pour voir sa destruction. Il s’y construit un abri contre le soleil. Dieu fait pousser dans la nuit une plante qui couvre Jonas de son ombre fraîche pendant la journée. Mais le lendemain, la plante meurt, pour le plus grand chagrin du prophète et pour son instruction141.
59La montagne que gravit Jonas n’est pas seulement un poste d’observation. Les moralistes païens et les chrétiens nous ont habitués à situer le sage dans les hauteurs inaccessibles, loin du monde et du bruit, où l’esprit, dégagé des passions et des contraintes du corps, peut contempler et juger sereinement les misères humaines142. Dans une perspective christologique que Prudence ouvre un peu plus loin, il s’agit plutôt du siège du sacré et du divin vers lequel s’élève le Christ en son Ascension, une fois sa seconde mission accomplie. Les références ne manquent pas dans la littérature païenne comme dans la Bible, pour prouver que Dieu habite les sommets inaccessibles143.
60Les Évangélistes donnent le mont Thabor pour cadre à la Transfiguration. Matthieu et Marc font gravir à Jésus une montagne du haut de laquelle il prononce les Béatitudes. Dans sa transposition en vers des Évangiles, le premier grand poète chrétien de langue latine avant Prudence, Juvencus (première moitié du IVe siècle), multiplie le nombre des montagnes évangéliques et donnent sur leur aspect des indications absentes de son modèle. Après son baptême, le Jésus de Juvencus gagne, non plus le désert mais des montagnes ombreuses144. La montagne des Béatitudes est une roche très élevée145. Pour la seconde multiplication des pains, située par Marc et Luc dans un lieu désert, Juvencus assied le Christ au sommet d’une très haute montagne146. Que la montagne sainte soit aussi celle du Jugement est un enseignement des prophètes, enrichi par l’exégèse qu’en avait donné les Pères.
61Si, lorsque les auteurs offrent une image tangible du paradis, ils s’inspirent tout naturellement des éléments du monde physique, ceux-ci n’en sont pas moins sublimés. Avitus de Vienne révèle une véritable chromatique du paradis. Les fleurs du jardin d’Eden sont les lis blancs, les violettes, les roses rouges. L’herbe est très verte. L’association du lis et de la violette est typique du locus amoenus147. Cette palette s’enrichit dans la description des cours d’eau, des pierres et des champs :
« Ici, d’une source transparente surgit une étincelante fontaine : moins vif est l’éclat de l’argent, moins abondante la lumière que reflètera le cristal scintillant de l’eau glacée. Sur le bord des rives brillent de petites émeraudes ; ces pierres précieuses que la vanité du monde admire, là-bas gisent comme des cailloux ; les guérets présentent des couleurs multicolores et ornent les plaines d’une parure naturelle148. »
Climat propice
62Chez Hilaire, la fonte des neiges n’est qu’une comparaison métaphorique : c’est la disparition des souffrances terrestres devant la béatitude de l’Au-delà149. Le paradis est le pays du calme météorologique. C’est le lieu du printemps éternel. Dans le locus amoenus cette saison est toujours associée à l’automne, autre saison qui présente des caractéristiques similaires150 :
« Ici les brumes du solstice ne surviennent jamais selon l’alternance des saisons, et les chaleurs de l’été ne reviennent pas après les frimas… Ici la clémence du ciel maintient un printemps éternel : pas de vent violent du midi, mais sous un ciel toujours pur, les nuages s’enfuient pour laisser place à un temps constamment serein151. »
63Il n’y a jamais d’intempéries au paradis. Pas de pluie donc selon Avitus de Vienne mais une rosée fécondant la terre152. Le paradis de Raban Maur, comme celui d’Isidore, ne connaît ni le gel ni la canicule, s’opposant de fait aux tourments atmosphériques des mondes infernaux153. Ce choix dans la saison du jardin des délices n’est pas sans poser de questions. Les auteurs chrétiens se sont sérieusement interrogés sur le moment de la création du paradis. Si, rapidement, il est admis que le jardin précède la venue d’Adam, le mois précis a fait longtemps débat. Pour Isidore de Séville, Bède le Vénérable ou Raban Maur, suivant une même tradition, ce fut en mars, quand les arbres se couvrent de feuilles, et que les prés fleurissent154.
La forêt originelle
64Plus qu’un jardin complanté de omni genere ligni et pomiferarum arborum155, le paradis peut être vu comme une forêt, un bois. Lorsque Isidore de Séville emploie le terme de nemus, il suggère bien un massif un peu plus dense156. Au tout début du VIe siècle déjà, Avitus de Vienne évoque poétiquement cette topographie, combinant des éléments déjà cités :
« Donc, là où commence le monde, par delà les Indes, là où, dit-on, se rejoignent les confins de la terre et du ciel, sur une hauteur inaccessible à tous les mortels, demeure un bois sacré (lucus) fermé par une barrière éternelle157… »
65Lucus désigne dans la langue latine poétique classique un bois consacré à une divinité et aussi le bois sacré qui entoure l’entrée des Enfers virgiliens158. Avitus de Vienne évoque à propos du paradis, soit un lucus159, on un sacrum nemus160, traduisible par forêt originelle. Cette vision du bois où tout commence traverse le Moyen Âge. Encore au XIIe siècle, Bernard Sylvestre considère, dans une œuvre retraçant la création du monde, la forêt comme « le plus ancien visage des choses, la matrice infatigable de la vie », selon un point de vue néo-platonicien161.
66Mais d’autres auteurs, suivant une tradition différente, préfèrent encore imaginer un paradis où dominent la vigne, les prés et les champs. Prudence, par une christianisation du mythe de l’âge d’or, décrit le paradis comme un lieu où le miel coule des roches, l’amome des chênes et le baume des tamaris. Comme dans la quatrième Bucolique de Virgile où les chèvres viennent d’elles-mêmes porter leur lait, le raisin pousse naturellement sur les ronces, le miel coule des chênes162. Dans la seizième Épode d’Horace également, la terre est inarata et la vigne inputata, le miel y coule des chênes les chèvres présentent leur lait163. Mais chez Prudence, il n’y a aucune allusion à la spontanéité d’une nature non cultivée : il est question d’ager, le raisin pousse sur la vigne, le miel est distillé par les abeilles164. Bref, comme le souligne Jean-Louis Charlet, le monde imaginé ici est géorgique et non bucolique. Cet univers idéalisé, c’est celui sur lequel Dieu a accordé la domination à l’homme. Ce paradis est celui de l’harmonie entre l’homme et la nature165. Les monastères du haut Moyen Âge ont recréé parfois cette image du paradis complanté d’arbres. D’après le célèbre plan de l’abbaye de Saint-Gall, le cimetière doit être un agencement soigneux de tombes et d’arbres choisis avec discernement pour évoquer les essences pomifères du séjour des bienheureux166.
Sauvagerie abolie
67Dieu a en effet permis à l’homme de tout dominer. L’affirmation de la domination de l’homme n’est pas neuve167. Tandis que le fleuve ou l’océan peuvent être des lieux infernaux, la maîtrise de la mer est pour Dracontius l’une des premières marques de la civilisation168. Avitus de Vienne rappelle les premières volontés de Dieu, à la création de l’homme : « Qu’il maîtrise l’océan cruel, et maintienne sous son esprit tenace tout ce qu’il voit ; que la bête sauvage, malgré sa rage lui soit soumise169. » Les premiers hommes ont été placés dans un lieu où, selon Isidore de Séville, « aucune créature ne pouvait leur nuire, où le feu ne brûlait pas, où l’eau ne noyait pas, où les fauves ne tuaient pas, où les épines ne piquaient pas170… »
68Par contraste, la Faute engendre le chaos, une perversion de la création. C’est la naissance de la violence, du sauvage. Les plantes, les bêtes et même l’atmosphère doivent être redoutées par les hommes. Avitus de Vienne, une fois encore, illustre parfaitement ce désordre :
« La terre, enflée de corruption sinistre, répandit dans les plantes la sève mortifère. Puis les bêtes sauvages (ferae), craignant jusqu’alors de se déchaîner, s’enhardirent à combattre, pour la première fois conscientes de leur force : griffes, dents, sabots, cornes se transforment en armes. À leur tour, les éléments se mirent à transgresser les lois et à rivaliser entre eux pour trahir la confiance des mortels171. »
La fin des temps
69Il est logique, puisque l’espace sauvage est né de la faute originelle, que la frontière entre les deux mondes soit abolie à la fin des temps. Le prédateur disparaîtra, les espèces sauvages et domestiques cohabiteront dans une commensalité végétarienne et pacifique : « Le loup et l’agnelet paîtront ensemble, le lion comme le bœuf mangera de la paille172. »
70Pour Cassiodore et Bède le Vénérable la bête sortie de l’Abîme représente dans une perspective eschatologique le diable ou l’Antéchrist qui vient s’affronter à l’agneau christique173.
71Un exemple éclatant du millénarisme pagano-chrétien dans les régions de christianisation récente nous est donné avec le Muspilli, poème bavarois qui a survécu dans un manuscrit de la première moitié du IXe siècle174. Il dépeint la destinée de l’âme, puis la destruction du monde par le feu au cours d’un combat fantastique, d’après un passage du livre des Révélations ou Apocalypse selon saint Jean175. L’Antéchrist combat Élie le Prophète, le champion de la vie éternelle.
« Mais beaucoup d’hommes de Dieu crient qu’Elie sera blessé dans la bataille, de telle sorte que son sang coulera sur la terre. Puis les montagnes prendront feu, plus un seul arbre ne se dressera sur la terre, les eaux sècheront, les marais les avaleront, le ciel s’embrasera, la lune tombera et la terre brûlera. Plus une pierre ne tiendra debout, puis le jour du Jugement traversera le pays avec une langue de feu qui visitera son peuple. Alors il n’y aura plus aucun secours face au Muspilli176. »
72De toute évidence la catastrophe est absolue et, derrière l’habillage chrétien, largement d’inspiration païenne. La nécessité d’un combat militaire, l’affirmation des liens de parenté et le déchaînement des éléments, les uns vénérés, comme les montagnes et les arbres, le ciel et la lune, les autres redoutés, telles les eaux et les marais vus comme les portes d’entrée de l’Enfer, sont caractéristiques d’une cosmogonie païenne, bien loin de l’Apocalypse chrétienne.
Voyage dans l’Au-delà
73À partir de la fin de l’époque patristique, au VIe siècle, les récits de voyage dans l’Au-delà et d’intervention des esprits célestes ou infernaux sur terre se multiplient. Ces visions, esquisses de rêves où se rejoingnent le monde d’icibas et l’autre monde en une synthèse étrange, ont été accueillies avec une certaine réticence par l’Église, toujours méfiante à l’égard de visionnaires et des prophètes177. Le phénomène des visions n’est pas propre au christianisme. Il est bien plus ancien. Le monde romain, avec le célèbre Songe de Scipion, et les mondes germanique et celtique connaissent de nombreux récits de songes178. Dans la littérature chrétienne occidentale, ces récits et ces poèmes visionnaires forment une longue chaîne qui va de la vision que la jeune Africaine Perpétue eut en prison à Carthage en 203-203179, jusqu’au voyage à travers les royaumes de l’Au-delà de Dante, guidé par Virgile et Béatrice. S’adressant surtout à l’imagination, les Dialogues de Grégoire le Grand où sont consignées tant de visions, ont une grande influence sur les récits mérovingiens et carolingiens. Une autre vision qui a connu un grand succès est celle du moine Barontus († 685), dans laquelle on retrouve des thèmes empruntés aux Dialogues. Dès le début de la période carolingienne, la visio Baronti connaît une large diffusion et a sans doute influencé les idées médiévales sur l’Au-delà.
74Entré au monastère de Longoretus (Saint-Cyran, près de Bourges), il n’est pas dans l’état religieux depuis longtemps quand il fait l’expérience qu’un frère sur ses indications consigne par écrit peu de temps après (en 678-679). Un jour, après Matines, soudain pris d’une fièvre et saisi de douleurs atroces, il appelle son fils. Barontus est trouvé gisant sur le sol, la main accrochée à son cou dans une rigidité cadavérique. Au soir, il s’éveille en hurlant trois fois : gloria tibi Deus ! Le récit de la vision commence alors, dans une langue grossière et barbare, mais dans un style vivant et captivant180. Le début de son voyage vers les portes du paradis nous intéresse ici. Deux démons le saisissent et menacent de le dévorer. L’archange Raphaël le défend en lui touchant la gorge. Il sent alors son âme sortir de son corps, toute petite comme un oisillon qui vient de sortir de l’œuf. Ils vont ensemble dans la forêt derrière le monastère et, de là, Barontus voit le monastère voisin, éloigné de 12 milles. Accompagné de l’archange, il traverse ce monastère où ils rencontrent des moines morts depuis longtemps et les démons qui tentent à nouveau d’entraver leur progression. Puis Barontus commence son ascension vers le paradis181.
75La forêt apparaît ici comme une porte vers l’autre monde. Depuis celle-ci, il voit un autre monastère (l’Au-delà est semble-t-il un reflet de notre monde) séparé symboliquement de 12 milles du sien, chiffre de l’accomplissement. Ayant franchi ce premier passage, il peut commencer son élévation vers le Ciel.
76Le franchissement d’un cours d’eau marque aussi une étape importante dans ces voyages fantastiques. On retrouve plusieurs fois le passage d’un fleuve dangereux au moyen d’un pont étroit. Cet épisode, repris de légendes orientales, se retrouve chez Grégoire de Tours182 et chez Grégoire le Grand. Un soldat tombé dans un coma profond revient à la vie et raconte son voyage :
« Il disait… qu’il y avait un pont, et sous ce pont un fleuve roulait des ondes d’une noirceur sinistre, exhalant une buée d’une puanteur insupportable. Si l’on franchissait le pont, on trouvait des prairies charmantes… Ce pont était un pont d’épreuve. Si un mauvais voulait le passer, il tombait dans le fleuve ténébreux et puant. Les bons qui n’avaient pas de faute pour leur faire obstacle passaient d’un pas tranquille et libre pour parvenir aux lieux charmeurs183. »
77Au VIIIe siècle, ce thème est toujours présent comme dans la vision du moine de Wenlock relatée par Boniface184. À la fin du siècle, Paul Diacre raconte le voyage dans l’Au-delà du roi Gontran. Le double du roi, sous la forme d’une petite bête semblable à un serpent, sort de sa bouche pendant son sommeil et traverse un ruisseau sur une épée posée en travers185. Une fois sur l’autre rive, elle entre dans l’ouverture d’une montagne, puis en ressort peu après et réintègre la bouche du dormeur en retournant par le même chemin. Pendant ce temps, le roi rêve qu’il traverse un fleuve sur un pont de fer et entre sous une montagne où il trouve un trésor186. Une histoire analogue est attribuée par un hagiographe de la fin du IXe siècle à un légendaire roi Dagobert187. Le double est alors figuré par un papillon qui désire traverser le ruisseau. Le témoin pose l’épée sur celui-ci, le papillon traverse et entre dans un chêne. Le roi, dans son rêve, se voyait marchant dans les prairies agréables (amoena prata) mais boueuses. Plus loin il trouve un trésor dans un très beau bâtiment. Ce motif se retrouve dans plusieurs récits où le double du dormeur sous sa forme animale trouve un trésor après une pérégrination difficile188. Le récit relatif à Dagobert se rapproche un peu plus de celui du moine de Wenlock. Le double traverse des prés agréables avant de traverser le pont et au-delà, entre dans un très bel édifice. Ceci rappelle le paradis ou la Jérusalem Céleste. Mais ces prés sont boueux parce qu’ils représentent la vie dans le monde présent et les péchés.
78Monde parallèle, l’Au-delà emprunte tous ses éléments du décor au monde physique terrestre. Si le fleuve, le marais ou encore la forêt apparaissent comme des lieux d’épreuve, de passage, de frontière avec l’autre monde, ils n’ont pas toujours une valeur négative. La forêt est la première porte avant de monter au paradis dans la visio Baronti, tandis que le franchissement du fleuve chez Grégoire le Grand permet d’accéder aux amoena prata.
Les territoires du merveilleux
79On devine qu’il existe un lien fort entre l’éloignement des lieux habités et la possibilité d’événements extraordinaires. Dans ces espaces éloignés et cachés, accessibles seulement en traversant une épaisse forêt ou en franchissant l’étroit pont d’un fleuve impétueux, on a toutes les chances de rencontrer au détour du chemin des créatures hors du commun.
Les revenants
80Les revenants sont exceptionnellement associés à l’espace sauvage. L’apparition de défunts a lieu près des lieux où ils ont vécu ou bien là où ils ont été laissés sans sépulture. En général, les revenants de cette époque appartiennent à l’élite des morts, les saints, qui apparaissent à des clercs et des moines ou à des rois, eux-mêmes des vivants exceptionnels. Ces apparitions servent souvent à l’authentification de la tombe d’un saint notamment lorsque celle-ci est tombée dans l’oubli entourée de ronces sauvages. Lorsque les revenants sont plus agressifs, ils représentent des âmes tourmentées, celles des morts sans sépulture. Un passage de la Vie de saint Germain d’Auxerre, souvent cité, est à ce propos exemplaire189 : pendant un voyage qu’il effectue en hiver avec quelques compagnons, il doit faire étape sur sa route à la nuit tombée. Le saint choisit une demeure en ruine pour gîte.
« Il y avait à quelque distance une demeure à la toiture à demi ruinée et inhabitée depuis longtemps. Par négligence, on avait même laissé les arbres sauvages la recouvrir, de sorte qu’il valait presque mieux passer la nuit au froid, en plein air, plutôt que d’entrer dans ce lieu dangereux et horrible. D’autant plus que deux vieillards demeurant dans le voisinage avaient prévenu que justement cette maison était inhabitable parce qu’elle était hantée d’une façon terrifiante190. »
81Malgré la présence de ces risques naturels et surnaturels191, Germain choisit de s’y installer. L’hagiographe montre déjà la virtus du saint par l’assurance avec laquelle il occupe ce lieu. Germain s’endort rapidement tandis qu’un de ses compagnons veille pour lire un peu.
« Soudain un épouvantable spectre apparaît devant le visage du lecteur et se dresse peu à peu sous ses regards, pendant que les murs sont frappés d’une grêle de pierres. Alors le lecteur terrifié implore le secours de l’évêque. Celui-ci se lève en sursaut et considère la silhouette de ce fantôme épouvantable et, après avoir d’abord invoqué le nom du Christ, lui commande d’avouer qui il est et ce qu’il fait là. Immédiatement, ayant abandonné son apparence effrayante, il s’exprime d’une voix humble et suppliante. Lui et son compagnon ont été les auteurs de nombreux crimes, ils gisent sans sépulture, et s’ils tourmentent les vivants, c’est qu’ils ne peuvent être eux-mêmes en repos. Ils lui demandent de prier le Seigneur pour eux afin qu’ils méritent d’être admis au repos éternel. A ces mots le saint homme s’afflige, il lui commande de désigner l’endroit où ils gisent. Alors, les précédents avec une bougie, le fantôme les guide et, au milieu des ruines, qui leur opposent des obstacles difficilement surmontables, en pleine nuit, il indique l’endroit où on les avait jetés192. »
82Le lendemain, Germain rassemble des habitants des environs et inhume les ossements comme il convient. Dès lors, le lieu n’est plus hanté et peut être réoccupé. L’endroit appartenait à l’espace sauvage provisoirement et d’une façon accidentelle. Il est caractéristique de voir que cet épisode (rare encore une fois) de revenant se situe dans des ruines au bord d’une route193.
Terre de merveilles et marges du monde
83L’utilisation directe ou indirecte des poètes de l’Antiquité, mais aussi l’étude des récits bibliques apportent une certaine familiarité avec les contrées et les lieux que les auteurs occidentaux ne connaissent pas par ailleurs, pour ne les avoir jamais visités. À cela s’ajoute le goût permanent pour l’eruditio que nous avons déjà évoqué.
84La répression du merveilleux païen ne touche pas la littérature savante. Le merveilleux géographique et zoologique est épargné, parce que l’Église ne le trouve pas vraiment dangereux. Pline, Virgile, Solin, Aulu-Gelle continuent d’être copiés et propagés194. Grégoire de Tours témoigne d’une curiosité pour les faits extraordinaires dans toute son œuvre, en particulier dans les récits hagiographiques. Il connaît et utilise directement l’Adversum Paganos d’Orose, qui présente une description complète du monde suivant la division traditionnelle en trois parties Asie, Europe, Afrique. Dans les Dix Livres d’Histoire, Orose est cité ou démarqué à plusieurs reprises195. Il décrit par exemple la Mer Morte, les arbres à laine que l’on trouve près de Jéricho, le mastic de l’île de Chio ou les truites énormes du lac Léman. Pourtant à aucun moment, Grégoire de Tours n’associe ces terres de prodige à un monde primitif, hors de la civilisation, bien au contraire, chaque phénomène vient confirmer la présence universelle du Créateur.
85Pline l’Ancien voyait dans les étendues désertiques et dans les océans, autres déserts, des lieux qui donnent naissance aux êtres les plus monstrueux196. La montagne apparaît aussi comme un univers vraiment hors du commun. Paul Diacre apprend à ses lecteurs que de gigantesques bisons vivent dans les Alpes et que quinze hommes peuvent s’étendre sur la peau d’un seul197. Claude Lecouteux a établi une typologie de la vision de la montagne dans la littérature médiévale selon cinq thèmes, montrant la richesse de ces évocations merveilleuses : la montagne sacrée, le lieu de la prouesse héroïque et initiatique, la montagne comme refuge, le lieu de la perdition et de la réconciliation, la montagne paradis et enfer198.
86Le champ du merveilleux et du monstrueux débute donc aux portes du monde christianisé. Le monstre est un produit de cet espace extérieur, un être des marges. Ce lieu du désordre, de l’animalité et de la difformité est pour les auteurs le domaine par excellence du paganisme et des démons. Les endroits déserts, aimés du démon, sont des lieux privilégiés de rencontres avec Satan199. Ce thème biblique largement utilisé par l’hagiographie orientale a en réalité beaucoup moins de succès dans les Vitae occidentales200. L’esprit critique de Jérôme se manifeste à ce propos par sa réflexion sur l’hippocentaure que rencontre Antoine dans le désert, et qui lui montre le chemin de l’ermitage de Paul201. Le monstre parle un langage barbare et grince des dents dans une bouche hérissée de poils rudes. Jérôme a sans doute trouvé ce portrait dans la tradition égyptienne, au même titre que les faunes, les satyres et les incubes, mais il hésite à le prendre pour une apparition diabolique. Il suggère qu’il peut s’agir d’un produit naturel de la faune du désert. En Occidental, il n’adhère pas si facilement à l’imagination des Orientaux. L’hagiographie occidentale conserve d’ailleurs cette réserve quant aux apparitions diaboliques sous la forme de créatures diverses. Les manifestations diaboliques sont plus intériorisées202.
Bestiaire fantastique
87Les dragons, comme d’autres bêtes d’une taille extraordinaire, n’appartiennent pas qu’au genre mythologique. Ces créatures fabuleuses font l’objet de notices dans les œuvres encyclopédiques ou géographiques. Du IIIe siècle ap. J. -C. à l’époque carolingienne, il n’est pas un ouvrage à visée encyclopédique qui ne consacre un développement à cette matière intégrée à la culture commune.
88Dans la deuxième moitié du VIIe siècle ou au début du VIIIe, paraît en Occident (dans le monde mérovingien ?) le Liber monstruorum de diversis generibus. C’est la plus ancienne description d’êtres monstrueux revenant constamment au Moyen Âge qui nous soit parvenue. Bien que son influence sur les écrits altimédiévaux ne semble pas avoir été très importante, il faut en dire quelques mots. Pour l’auteur de cet opuscule, tous ces monstres hauts en couleur ne sont que les chimères des poètes et des fabulistes. Parmi les créatures fantastiques qu’il décrit, plusieurs d’entre elles ont un comportement sauvage qui accentue leur altérité. Le premier livre est consacré à des hommes terrifiants. Les femmes à barbe d’Arménie se servent de tigres et de léopards comme chiens de chasse. Pire, il y a des cannibales : des beaux hommes de l’Est ne mangent que du miel sauvage et de la chair crue, des géants noirs dévorent d’autres hommes près de la mer Rouge et, sur une des îles, des êtres trompent les nouveaux arrivants en parlant toutes les langues pour mieux les dévorer ensuite. Dans le deuxième livre l’auteur traite des grands donc monstrueux animaux sauvages, énumérant les lions, les tigres, les éléphants, les crocodiles… Le dernier livre est consacré aux serpents de toutes sortes203.
89Comme chez les encyclopédistes, les bêtes fantastiques ne sont pas forcément des hybrides, des créatures improbables et composites, telles celles qui peuplent l’imaginaire et les marginalia des manuscrits médiévaux204. Les monstres qui apparaissent au détour d’un récit sont aussi des animaux certes spectaculaires, mais bien réels. Au début du XIe siècle, Raoul le Glabre décrit un monstrum qui n’est autre qu’une baleine croisant les côtes de la Manche. Comme le suggère Lucien Musset, l’histoire de la baleine que l’auteur glisse dans son récit provient probablement de l’abbaye de Saint-Denis à laquelle le domaine de Berneval (dans l’arrondissement de Dieppe en Seine Maritime) appartient depuis au moins 968. La présence des baleines sur les côtes de la Manche est attestée dans les sources normandes durant tout le haut Moyen Âge205. Malgré tout ces gros cétacés pouvaient encore étonner, voire épouvanter, quelques religieux qui ne portent jamais leur regard vers le large206.
90Les hybrides, les monstres ou hybrides monstrueux, les animaux fantastiques ont en commun malgré leur étonnante diversité d’être des aberrations taxinomiques, comme ils ont aussi en commun d’être symboliques207. Le monstre ne peut pas ne pas signifier. L’autre devenu monstre exalte son altérité, témoigne à sa manière de la richesse et de la fécondité de la création mais pose en même temps une question terrible à l’être humain : conservet-il dans l’ailleurs son identité ?
91L’Église se demande si les êtres mi-homme mi-animaux existent réellement et de quelle manière ils font partie de la Création. Tout sépare ici l’interprétation chrétienne du phénomène humain des structures imaginées par l’Antiquité classique. Le christianisme proclame un principe unificateur. Il n’y a qu’une seule humanité descendant d’Adam et Ève et promise au même titre à la Rédemption. Mais l’imaginaire s’avère plus fort que la logique. Ainsi l’homme différent est sauvé, bien qu’il ne corresponde ni au sens profond de l’idéologie chrétienne ni aux réalités de ce monde. Il faut tout simplement lui trouver une nouvelle raison d’être pour le mettre d’accord avec la théologie208. L’essentiel est dit par Augustin dans la Cité de Dieu : Il n’est pas sûr d’abord que ces êtres fabuleux existent. Cela reste tout de même possible, mais dans ce cas leur essence humaine et leur descendance d’Adam sont à juger non à partir de l’enveloppe charnelle mais à l’aune de leur nature spirituelle. Augustin conclut : « C’est pourquoi je dirai : ou ce qu’on a écrit sur ces peuples est totalement faux ou, si c’est vrai, ils ne sont pas des hommes ou, si ce sont des hommes, ils descendent d’Adam. » Selon Augustin, l’homme se présente comme un être doué de raison, définition remarquable par sa modernité. Si un être doué de raison existe, il est un homme, quelle que soit la différence de ses traits. Le Père de l’Église avait tranché, bien qu’une certaine hésitation quant à l’existence de l’homme différent marque son discours. Mais ces doutes sont vite oubliés, et les auteurs suivants retiennent surtout l’approbation de principe. Isidore de Séville compile une liste très complète des peuples fabuleux ou monstrueux209. Raban Maur aborde lui aussi le sujet dans son De universo, faisant ainsi entrer l’homme différent dans le monde réel210.
92Ce qui n’empêche pas de continuer à s’interroger. Quel peuple habite les terres des confins ? Au IXe siècle, Ratramne de Corbie doit écrire une longue lettre pour répondre aux interrogations du missionnaire Rimbert partant pour les pays du nord où il s’attend à rencontrer des êtres mi-hommes mi-bêtes comme les cynocéphales211.
Le cas des cynocéphales
93Ces hommes à tête de chien occupent une place à part. Ils ont même donné un saint puisque, d’après la tradition, saint Christophe, martyr du IIIe siècle très populaire au Moyen Âge, aurait été un cynocéphale.
94On doit à Claude Lecouteux une étude historique de cette tradition tératologique212. Depuis la haute Antiquité, nombreux sont les auteurs à avoir rapporté des témoignages de leur existence. Hésiode pour la première fois, puis Scylax de Caryande (fin du VIe siècle avant J. -C.), Ctésias de Cnide, ou encore Mégasthène, évoquent les cynocéphales dans leurs récits de voyages. Ce dernier auteur grec, qui vécut plusieurs années en Inde, a consigné ce qu’il a vu et entendu dans ses Indika, que nous ne connaissons que par les fragments donnés par des géographes ou encyclopédistes comme Diodore de Sicile, Arrien, Strabon, Pline l’Ancien et Élien. Aulu-Gelle et Solin prolongent cette longue chaîne de tradition jusqu’à Augustin213. Les cynocéphales mangent de la chair de bêtes sauvages214, crue ou « rôtie » au soleil215. Ils communiquent par des aboiements ou par des signes qu’ils font avec leurs mains. Les auteurs latins ont surtout retenu leur aspect monstrueux et animal : gueule de chien, dents et ongles de prédateurs, vêtements de peau de bête. Toutes les descriptions situent ces créatures à la frontière entre l’homme et l’animal, tant dans l’aspect physique que dans le comportement, une apparence monstrueuse crédible dans une Antiquité qui croit à la fécondité entre hommes et bêtes. Ils sont localisés dans les espaces exotiques au monde méditerranéen grec ou romain, en Inde216, en Afrique217 et dans les lieux réputés en marge, montagnes et forêts218.
95L’Église dut se poser la question de l’existence de ces hybrides. Augustin consacre un chapitre célèbre de la Cité de Dieu aux monstres. Il place les cynocéphales plutôt parmi les animaux, et non parmi les hommes219. Isidore de Séville recopie Augustin dans le chapitre xi des Étymologies consacré aux monstres220, Raban Maur reprend presque mot pour mot le paragraphe d’Isidore221. L’auteur anonyme du Liber monstruorum se démarque de la description traditionnelle, en précisant qu’ils mangent de la chair crue à la manière des bêtes sauvages222. L’aspect monstrueux s’exacerbe dans l’Epistola Premonis ad Traianum imperatorem datée du VIIe siècle : les cynocéphales ont une tête de chiens mais aussi une crinière de cheval, des défenses de sangliers, et crachent du feu223.
96Au VIIIe siècle, la cosmographie d’Aethicus Ister situe les cynocéphales sur l’île de Munitia, au nord de l’Europe, innovant d’après la tradition qui les situait plutôt en Inde ou en Ethiopie224. À la fin du VIIIe siècle, Paul Diacre entérine cette tradition de la localisation nordique dans l’Historia Longobardorum. Les Lombards, originaires de l’embouchure de l’Elbe et de la Scandinavie, faisaient croire à leurs ennemis qu’ils avaient dans leurs armées des cynocéphales si féroces qu’ils buvaient leur propre sang quand ils ne pouvaient pas boire celui de leurs ennemis225. Adam de Brême, dans la Gesta Hammaburgensis ecclesiae Pontificum, vers 1076, raconte :
« Il y a encore de nombreuses îles, pleines de peuples barbares ; les navigateurs les évitent. On dit aussi que sur ces côtes de la mer Baltique vivent des Amazones, et aujourd’hui ces rivages s’appellent « pays des femmes ». Les uns racontent qu’une gorgée d’eau les féconde, d’autres qu’elles le sont par des marchands de passage, des prisonniers qu’elles font, ou par d’autres êtres étranges qui, dans ce pays, sont choses courantes. Et je crois que cela est plus vraisemblable. En effet, tous leurs enfants mâles naîtraient cynocéphales, mais les filles fort belles. Elles vivent ensemble et méprisent le commerce des hommes qu’elles repoussent vaillamment, si d’aventure quelques-uns les approchent. Les cynocéphales ont la tête sur la poitrine. En Russie, on les voit souvent prisonniers et ils parlent en aboyant226. »
97La localisation errante des cynocéphales montre à quel point l’altérité peut être associée à des terres non encore touchées par le christianisme227. L’inquiétude de Rimbert portait sur l’aptitude ou non des cynocéphales à être baptisés. Son interrogation de missionnaire est fondée sur l’exégèse d’alors qui considérait le chien comme une figure du païen228. Ratramne de Corbie montre que les cynocéphales habitent ensemble donc possèdent des règles de vie sociale ; la culture des champs et le port de vêtements sont d’autres preuves d’humanité. Il conclut qu’étant doués de raison, ils peuvent être baptisés229.
Conclusion
98En dehors de cas très isolés, les auteurs chrétiens se sont contentés de dépeindre la nature sauvage en puisant dans leurs souvenirs d’école. Pourtant, entre la littérature classique et les saintes Écritures, la vision poétique de la nature a pris un chemin original en Occident. Les clichés, les lieux communs emplissent les vers laissant peu de place pour l’élan du cœur. Le poète chrétien parle d’abord de la Création dans sa perfection. La nature sauvage, plus que belle, est l’œuvre de Dieu. De la même manière, les auteurs embellissent leur patrie à la manière de la laudatio antique.
99Admirateurs de la terre d’ici-bas, les chrétiens ne conçoivent pas autrement le paradis qui attend le juste. Ainsi, la géographie de l’Au-delà est-elle calquée sur le monde physique. L’Enfer est également recréé à partir des éléments de la nature, ce qui finalement en fait un paysage assez familier. Au-delà de l’horizon, les terres lointaines, étranges et étrangères, inquiètent et fascinent. Là-bas est projeté tout un merveilleux.
Notes de bas de page
1 Pour l’Orient, cf. Barenhewer O., Geschichte der altkirchlichen Literatur, IV, p. 86-395. Pour l’Occident Martin R., Approche de la littérature latine tardive et protomédiévale, de Tertullien à Raban Maur, Paris, 1994.
2 Riché P., Éducation et culture dans l’Occident barbare VIe -VIIIe s., Paris, nouv. éd. 1995, p. 72-73. Il ne faut pas négliger non plus l’inspiration biblique des livres des Psaumes et du Cantique des Cantiques, dont les commentaires nombreux de la part des Pères témoignent du succès.
3 Fontaine J., Naissance de la poésie dans l’Occident chrétien. Esquisse d’une histoire de la poésie latine chrétienne du IIIe au VIe siècle, Paris, 1981.
4 Harf-lancner L., « Le Moyen Âge et la mythologie antique », Pour une mythologie du Moyen Âge, Harf-lancner L., Boutet D. (éd.), Paris, 1988, p. 5.
5 Fulgence, Mitologiae, R. Helm (éd.), Leipzig, rééd. 1970, p. 11.
6 Viarre S., « La relecture des mythes antiques dans la poésie carolingienne », La mythologie, clé de voûte du monde classique, Tours, 1986, p. 161-162.
7 Grégoire de Tours, Decem libri…, X, 31.
8 Riché P., Éducation et culture…, op. cit., p. 167.
9 Brunhölzl F., op. cit., p. 151. Sur la base de ce recueil de Saint-Gall deux autres collections ont été composées au début de l’époque carolingienne à Vérone et à Saint-Martial de Limoges. Rhythmi aevi merovingici et carolini, MGH, Poet. I, Hanovre, 1880.
10 De sex etatibus mundi, MGH, Poet. Rhythmi aevi merivingici et carolini, p. 559 et suivantes.
11 MGH Poet. IV, 2, p. 545-559.
12 Guerreau-Jalabert A., « La « renaissance carolingienne » : modèles culturels, usages linguistiques et structures sociales », B. E. C., 1981, p. 28-29.
13 Herren M. W., « The “De imagine Tetrici” of Walahfrid Strabo. Edition and tranlation », Journal of Medieval Latin, 1, 1991, p. 118-139. Id., « Walahfrid Strabo’s de imagine Tetrici: an interpretation », Latin culture and medieval Germanic Europe, North M., Hofstra T. (éd.), Groningen, 1992, p. 25-41. Voir aussi Godman P., Poets and emperors. Frankish politics and Carolingian society, Oxford, 1987.
14 Herren M. W. (éd.), op. cit., v. 120-127, p. 126.
15 Poeta Saxo, MGH, poet. IV, 1, Hanovre, 1899. Waltharius, MGH Poet. VI, 1, 1951, p. 24-83. Cf. Godman P., Poetry of the Carolingian Renaissance, Londres, 1985.
16 Abbon, Le siège de Paris par les Normands, Waquet H. (éd.), Paris, 1964, p. 4-5.
17 Ermold le Noir, Poème en l’honneur de Louis le Pieux, Faral E. (éd.), Paris, 1964, v. 142-143, p. 16-17.
18 Ermold, v. 334-337, p. 30-31.
19 Ermold, v. 2362-2447, p. 180-186.
20 Édité dans les Monumenta sous le titre Karolus magnus et Leo papa, MGH, Poet. i, Hanovre, 1881, p. 372-374. Cf. Godman P., « The poetic hunt. From saint Martin to Charlemagne’s Heir », Charlemagne’s Heir. New Perspectives on the reign of Louis the Pious (814-840), Godman P., Collins R. (éd.), Oxford, 1990, p. 565-589. De Karolo rege et Leone papa. Der Bericht über die Zusammenkunft Karls des Großen mit Papst Leo iii in Paderborn 799 in einem Epos für Karl den Kaiser, Hentze W. (éd.), Paderborn, 1999.
21 Ces décors champêtres étaient en vogue à Rome. Pline l’Ancien raconte le banquet que fit donner Licinius Mucianus, consul et légat de province de Lycie, au pied d’un platane dont le vaste pied avait été creusé et aménagé comme une petite grotte pour accueillir ses convives. HN, XII, p. 22.
22 Banniard M., Genèse culturelle de l’Europe Ve-VIIIe s., Paris, 1989, p. 175.
23 MGH, Poet. I, Hanovre, 1881, p. 274-275 et p. 270-272.
24 Alcuin, MGH, Poet. I, p. 243-244. Cf. Godman P., Poetry of the Carolingian Renaissance, Londres, 1985.
25 Theodulf, De pugna avium, MGH, Poet I, p. 567-569.
26 Radbod, MGH, Poet. IV, 1, Hanovre 1899, p. 172-173.
27 Wandalbert de Prüm, De mensium duodecim nominibus signis culturis aerisque qualitatibus, MGH, Poet. II, Hanovre, 1880, p. 604-616.
28 Sur le style de Venance Fortunat, qualifié parfois de maniérisme baroquisant, voir Reydellet M., « Venance Fortunat et l’esthétique du style », Haut Moyen Âge. Culture, éducation et société, M. Sot (éd.), Paris, 1990, p. 69-77. Curtius E. R., La littérature européenne et le Moyen Âge latin, t. 1, trad. fr. rééd. Paris, 1986, p. 427-470.
29 George J. W., Venantius Fortunatus. A latin Poet in Merovingian Gaul, Oxford, 1992.
30 Brunhölzl F., op. cit., p. 126.
31 Sur le Gers. Fortunat, Carmina, Reydellet M. (éd.), Paris, 1994, I, 21, v. 11-16 et v. 31-36, p. 46.
32 Ibid. I, 19, v. 13-14, p. 44.
33 Ibid. III, 13, v. 4, p. 109.
34 Ibid. I, 20, v. 12-14, p. 45.
35 Domaine de Preignac, I, 20, p. 45.
36 Brunhölzl F., op. cit., p. 119-120.
37 Ermold, Poème sur Louis le Pieux, I, v. 140-143, p. 16.
38 Cf. les remarques de Faral E., Ermold le Noir. Poème sur Louis le pieux, op. cit., p. xxiv-xxvi. Voir aussi Verdon J., « Recherches sur la chasse en Occident durant le haut Moyen Âge », Revue Belge de Philologie et d’Histoire, LVI, 1978, p. 827-829. Et surtout Godman P., « The Poetic Hunt », art. cit., p. 565-591.
39 Abbon, Le siège de Paris, v. 228-229, p. 82.
40 Fortunat, Carmina vi, 5, v. 127-13, Reydellet M. (éd.), Paris, 1998, p. 65. Id., p. 73, v. 304. Un autre exemple de communion des éléments se trouve dans Grégoire le Grand, Dialogues IV, 23, 2, p. 81. Lors des invasions lombardes en Italie, le vénérable Suranus est tué d’un coup d’épée. Cuius corpore in terram cadente, mons omnis protinus et silua concussa est, ac si se ferre non posse pondus sanctitatis eius diceret terra, quae tremuisset.
41 MGH, Poet II, p. 138.
42 Abbon, v. 273, p. 86.
43 Abbon, v 164-165, p. 29.
44 Ermold, v. 540-547, p. 45. (Cf. Virgile, Énéide, IX, v. 564 ; VIII, v. 423.)
45 Sedulius Scottus, Carmina,Meyer J. (éd.), CCCM 117, Turnhout, 1991.
46 Cependant Pierre-Jacques Dehon propose de relativiser cette image, comme celle d’une stérilité et d’une improductivité de la terre que l’on trouve chez d’autres poètes, qui ne correspond pas tout à fait au milieu péninsulaire méditerranéen. La poésie antique offre une grande diversité d’impressions, et même une véritable esthétique de la nature sauvage qui va au-delà de l’ignorance, du mépris ou de la crainte. Dehon P.-J., Hiems latina. Études sur l’hiver dans la poésie latine, des origines à l’époque de Néron, Bruxelles, 1993, p. 318.
47 Fortunat, Carmina III, 9, v. 9-22, p. 100.
48 Poeta Saxo, MGH, Poet IV, 1, v. 570-575, p. 44.
49 Guenée B., Le métier d’historien au Moyen Âge. Étude sur historiographie médiévale, Paris, 1977, p. 166-167. Cf. aussi Witzel H. J., Der geographische Exkurs in den lateinischen Geschichtsquellen des Mittelalters, Francfort, 1952.
50 Cf. Salvien, Du gouvernement de Dieu, VII, 8, Lagarrigue G. (éd.), Paris, 1975, p. 434-436.
51 Sidoine Apollinaire, Carmina VII, v. 139-148, p. 59 et suivantes Voir aussi la descriptio de Burgus sur la Gironde (XXII, v. 101-141, p. 137-138), de Narbonne (XXIII, v. 32-68, p. 145).
52 Ibid. XXIV, v. 44-45, p. 166.
53 Ibid. XVIII, v. 7-8, p. 130. La vue sur le lac depuis la piscine de son domaine l’inspire particulièrement (XIX, v. 4, p. 131).
54 Comme l’évocation du mascaret sur la Gironde décrit d’une manière poétique par Sidoine Apollinaire (XXII, v. 101-113, p. 137) ou sur la Seine par Abbon de Saint-Germain-des-Prés au IXe siècle (v. 45-46, p. 68-70).
55 Riché P., Éducation et culture dans l’Occident barbare (VIe-VIIIe siècles) nouv. éd. 1995, p. 242-250 et 267-274.
56 Fortunat, I, 18, v. 1-4, p. 43.
57 Ibid. III, 13, p. 105-111.
58 Cardot F., L’espace et le pouvoir. Étude sur l’Austrasie mérovingienne, Paris, 1987, p. 92-96.
59 Grégoire de Tours, Decem libri…, II, 19, p. 82.
60 Vita Boniti, c. 16, MGH SSRM 6, Hanovre, 1913, p. 130.
61 Ermold, v. 744-749, p. 58-59.
62 Arbéo de Freising, Vita Haimhrammi episcopi, versio B, p. 35.
63 Brunhölzl F., op. cit., p. 228.
64 Fortunat, Carmina x, 9: De navigio suo. Sur le modèle de la Moselle d’Ausone.
65 Ibidem VII, 4. Fortunat cherche Gogon à travers toute l’Austrasie, c’est-à-dire sur le Rhin, sur la Moselle, sur la Meuse, puis à Metz, dans l’Ardenne et dans les Vosges.
66 Ermold, v. 97-105, p. 208-210.
67 Ibidem, v. 90-96 et v. 115-130, p. 208-212.
68 Jérôme, Vita Pauli, 5, PL 23, col. 21. Cf. Bastiaensen A. A. R., « Jérôme hagiographe », Hagiographies. Histoire internationale de la littérature hagiographique latine et vernaculaire en Occident des origines à 1550, vol. 1, Philippart G. (éd.), Turnhout, 1994, p. 116-117.
69 Cyprien, Ad Donatum, 1, Hartel G. (éd.), CSEL 3, 1868, p. 3-4.
70 Virgile, Énéide, VI, v. 638 et suivantes
71 Avitus de Vienne, Histoire spirituelle, chant I, v. 17-19, N. Hecquet-noti (éd.), Paris, 1999, p. 128. L’éditeur souligne que la beauté du monde est mise en valeur par le nom gratia, pris dans un sens métaphorique, comme dans Virgile, Géorgiques, i, 83.
72 Avitus, op. cit., chant I, v. 24-29, p. 130.
73 Ibid., chant I, v. 42-43, p. 132. Cf. Paulin de Nole, Carmina 10, Piétri C. (éd.), Paris, 1964 : « ce que les hommes trouvent laid est beau aux yeux de Dieu ».
74 Avitus, op. cit., chant I, v. 48-50, p. 132.
75 Les sentiments de la nature, Bourg D. (éd.), Paris, 1993. Delort R., Walter F., Histoire de l’environnement européen, Paris, 2001, p. 89-95.
76 WalahfridStrabon, Hortulus II, v. 30-31, MGH, Poet II, Berlin, 1964, p. 336.
77 Fortunat, Carmina I, 19, v. 2, p. 44. Id., III, 12, v 17-18, p. 108.
78 Ibid. III, 9, v. 31-38, p. 101.
79 Brown P., « Reliques et statut social au temps de Grégoire de Tours », La société et le sacré dans l’Antiquité Tardive, Paris, 1985, p. 174.
80 Grégoire de Tours, Vitae Patrum, VII, 3, MGH SSRM I, 2, Hanovre, 1885, p. 238.
81 Jacqueline Amat a montré qu’en dépassant le discours simplificateur de l’imitation, à propos de la poésie post-virgilienne, on arrive à percevoir du subjectif, une vision personnelle de l’auteur, son « paysage intérieur ». Amat J., « L’image bucolique post-virgilienne », Les imaginaires des Latins, Thomas J. (éd.), Perpignan, 1992, p. 77-87.
82 Avitus, Histoire spirituelle, chant I, v. 247-250, p. 160.
83 Fortunat, I, 6, v. 16 et 19.
84 Ibid. VII, p. 89.
85 Ibid. V, 1, p. 9.
86 Ibid. VII, 8, v. 17-20, 23-24, p. 98.
87 Voisenet J., « L’animal et la représentation de l’espace chez les auteurs chrétiens du haut Moyen Âge », Histoire et animal II, Couret A. (éd.), Ogé F., Toulouse, 1989, p. 254.
88 Jérôme, Sur saint Matthieu, 10, 28, éd. Bonnard E., Paris, 1977, p. 203. À propos de l’origine du mot géhenne, Jérôme revient sur l’antique bosquet qui abritait un culte à Baal, près de Jérusalem, au pied du mont Moria, là où coule la source de Siloé, « On appelait ce lieu Gehennon, c’est-à-dire vallée des fils d’Hénnom ».
89 Isidore, Etym. XIV, 9 : De inferioribus terrae, PL 82, col. 525-526. Raban Maur, De Universo, XIII, 23 : de loco Cocyti, PL 111, col. 374.
90 Isidore, Etym. XIV, 9, PL 82, col. 526.
91 Ibidem. Il ajoute, suivant la tradition : Duplicem autem esse gehennam, et ignis, et frigoris. col. 526.
92 Prudence, Amartigenia, v. 940-966, Cunningham M. P. (éd.), Turnhout, 1966, CCSL 126, p. 148. Id., Liber Cathemerinon IX, 71, op. cit, p. 50. Amat J., Songes et visions, L’au-delà dans la littérature latine, Paris, 1985, p. 388.
93 Raban Maur, De universo XI, 6 : de abysso, PL 111, col. 314-315.
94 Bède Le Vénérable, Homilia 100, PL 94, col. 501.
95 Visio Pauli apostoli apocrypha, Brandes H. (éd.), Halle, 1885 (BHL 6580-6582). L’original en grec date du IIIe-IVe siècle ( ?). Trad. française Amiot F., Évangiles apocryphes, Paris, 1952, p. 295-331. Cf. Meyer P., « La descente de saint Paul en enfer », Romania, XXIV, 1895, p. 357-375.
96 Trad. P. Meyer, c. 17, p. 366-367.
97 Orientus, Poèmes, Bellanger L. (éd.), Paris, 1902, p. 330-331.
98 Visio Bonelli, PL 87, col. 433-434.
99 AA. SS. OSB, iii, 1, p. 271.
100 Ed. Mullenhoff K., Scherer W., Denkmäler deutscher Poesie und Prosa aus dem VIII-XII Jahrhundert, Berlin, 1892, p. 53-55.
101 Visio Wettini (816), c. 8, PL 105, col. 775.
102 Hincmar de Reims, De visione Bernoldi, PL 125, col. 1116. Voir Dutton P. E., The politics of dreaming in the Carolingian Empire, Lincoln, 1994.
103 Cf. Carozzi C., « La géographie de l’Au-delà et sa signification », Popoli e paesi nella cultura altomedievale, ii, xxixe Settimane, Spolète, 1983, p. 456-457.
104 Voisenet J., « Périr par la gueule de la Bête », Milieux naturels, espaces sociaux, Mornet E. (éd.), Morenzoni F., Millioud D., Paris, 1997, p. 209-218. Les Grecs et les latins connaissent les chiens et les loups mangeurs de cadavres, thème repris par les Pères de l’Église. Le monde celtique aussi propose les mêmes images. Cf. Hubert H., « Notes d’archéologie et de philologie celtiques. Gweil-Gi, l’océan et le carnassier androphage », Revue Celtique, 34, 1913, p. 1-13.
105 Isidore, Sententiarum III, iv, 32-33, PL 88, col. 666.
106 Amat J., Songes et visions. Op. cit., p. 336.
107 « Draco », Dictionnaire des Antiquités, 2, 1, col. 403.
108 Ambroise, De Paradiso, 1, 2, 9, PL 14, col. 294.
109 L’exégèse de Victorin de Pettau vers la fin du IIIe siècle l’a souligné. Victorin de Pettau, Scholia in Apocalypsin beati Joannis, 12, 4, PL 5, col. 318-319.
110 Lactance, Des institutions divinesii, 16, 11, éd. Monat P., Paris, 1987, p. 199.
111 Apocalypse 13, 4 ; Psaume 148, 10 ; Ezéchiel 34, 25. Cf. Prudence, Amartigenia, v. 195, p. 124; Sulpice Sévère, Epist. 3, 16.
112 Vita Antonii, 8. Le bestiaire des apparitions diaboliques est pratiquement au complet.
113 Amat J., Songes et visions. Op. cit., p. 340.
114 Bède, Homilia 100, PL 94, col. 501-502. Cf. aussi Visio Pauli, op. cit., trad. Meyer P., p. 369-371.
115 Haito, Visio Wettini, PL 105, col. 775. Voir aussi Walahfrid Strabon, De visionibus Wettini (825-826), PL 114, col. 1073. Brooke M., « The Prose and Verse Hagiography of Walahfrid Strabo », Charlemagne’s Heir, op. cit., p. 551-564.
116 Voisenet J., Bêtes et hommes dans le monde médiéval. Le bestiaire des clercs du Ve au XIIe siècle, Turnhout, 2000, p. 188-189.
117 Jean Scot Erigène († 877), Periphyseon ou De divisione naturae, v, 36, PL 122, col. 971.
118 Delumeau J., Une histoire du paradis, I, Le jardin des délices, Paris, 1992, en particulier, p. 27-33.
119 Ambroise, De Paradiso, PL 14, col. 276.
120 Lactance, Des institutions divines, II, 15, p. 175.
121 Augustin, De Genesi ad litteram, Paris, 1972, Bibliothèque augustinienne 49, p. 9-35.
122 Isidore, De ordine creaturarum, I, 10, PL 83, col. 939-940.
123 Raban Maur, De universo, XII, 2, PL 111, col. 334.
124 Isidore, Étym. XIV, chap. iii : de Asia, PL 82, col. 496. Mcdannell C., Lang B., Storia del paradiso nella religione, nella letteratura, nell’arte, Turin, 1991.
125 Fortunat, Carmina V, Reydellet M. (éd.), p. 33.
126 Bède le Vénérable, In Genesim, I, 1436-1450, Jones C. W. (éd.), CCSL 118A, Turnhout, 1968, p. 46.
127 Wuttke H. (éd.), Leipzig, 1853, c. 23 et 105.
128 Un poème, sans doute écrit au VIIe-VIIIe siècle, et reprenant les indications de Isidore de Séville, perpétue cette géographie du jardin d’Eden. Versus de Asia et de universi mundi rota, MGH Poet IV, 2, Berlin, 1964, p. 550.
129 Angélôme de Luxeuil, Commentarius in Genesim, PL 115, col. 129. Une idée qui se retrouve dans l’Iter Alexandri Magni ad Paradisum dans la première moitié du XIIe siècle.
130 Rémy d’Auxerre († vers 908), Commentarius in Genesim, PL 131, col. 60.
131 Ambroise, bon. Mort. 12, 53, 9.
132 Amat J., op. cit., p. 398.
133 Carozzi C., « La géographie de l’Au-delà et sa signification », art. cit., p. 477.
134 Grégoire Le Grand, Dialogues, iv, 37, 8-9, de Vogüé A., Antin P. (éd.), Paris, 1980, p. 131.
135 PL 87, col. 431.
136 Amat J., op. cit., p. 399.
137 Prudence, Liber Cathemerinon. III, 101, p. 14.
138 Dracontius, Carmen de Deo I, v. 180-193, PL 60, col. 705. Amat J., Op. cit. p. 401.
139 Lactance, Des institutions divines, II, p. 175. Augustin, De Genesi ad litteram, Paris, 1972, p. 35. Raban Maur, De universo, XII, 2, PL 111, col. 334. Miglio M., « Il giardino come rappresentazione simbolica », L’ambiente vegetale nell’alto Medioevo, Spolète, 1990, p. 709-732.
140 Prudence, Liber Cathemerinon, VII, v. 136-140, p. 39.
141 Déléani S., « Une quatrième variation sur le paradis dans le Cathémérinon de Prudence (7, 136-140) », De Tertullien aux Mozarabes. Antiquité Tardive et christianisme ancien (IIIe-VIe s.), Paris, 1992, p. 465.
142 Voir par exemple l’invitation de Cyprien à son ami Donat, 6, CCSL 3A, l. 112.
143 Déléani S., art. cit., p. 474-475.
144 Juvencus, Evangelicae historiae I, v. 400, PL 19, col. 113.
145 Ibid. I, v. 488, PL 19, col. 120 I, v. 770, PL 19, col. 144.
146 Ibid. III, v. 196, PL 19, col. 231.
147 Hecquet-Noti N., Histoire spirituelle d’Avit de Vienne, p. 160, note 1. Prudence, Liber Cathemerinon V, v. 124, p. 27.
148 Avitus, op. cit., chant I, v. 251-257, p. 160-162
149 Hilaire, Tractatus in cxlvii Psalmum, 6, PL 9, col. 877.
150 Avitus, op. cit., chant I, v. 237, p. 160. Cf. Virgile, Géorgiques, 2, 149. Prudence, Liber Cathemerinon III, v. 103, p. 14. Sidoine Apollinaire, Carm. 2, 409. Dracontius, Carmen de Deo I, v. 183-189, PL 60, col. 705.
151 Avitus, op. cit., chant I, v. 218-219 et v. 222-224, p. 156-158.
152 Ibid. chant I, v. 225-226, p. 158.
153 Raban Maur, De universo, XII, 2, PL 111, col. 334. Isidore, Étym. XIV, 3, 2, PL 82, col. 496.
154 Delumeau J., op. cit., p. 230-231. Isidore, De ordine creaturarum, X, PL 83, col. 938-939. Bède le Vénérable, In Genesim i, Jones C. W. (éd.), CCSL 118A, Turnhout, 1968, p. 40-44. Raban Maur, Commentariorum in Genesim, I, 11, PL 107, col. 471-474.
155 Isidore, Étym. XIV, 3, 2, PL 82, col. 496.
156 Isidore, Étym XIV, 3, 3, PL 82, col. 496. Là encore, Raban Maur commence sa notice en recopiant celle d’Isidore. Raban Maur, De universo, XII, 3, PL 111, col. 334.
157 Avitus, op. cit., chant I, v. 211-214, p. 156.
158 Virgile, Géorgiques, 4, 468, et Énéide 6, 154. C’est aussi le lucos inaccessos où se cache Circé, Énéide 7, 11.
159 Avitus, op. cit., chant II, v. 13, p. 188.
160 Ibidem, chant II, v. 138, p. 204.
161 L’auteur connaît le Timée de Platon par le commentaire de Calchidius. Bernard Sylvestre, De mundi universitate sive Megacosmus et Microcosmus (avant 1148), Dronke P. (éd.), Leiden, 1978 (textus minores 53).
162 Virgile, Bucolique, IV, v. 21-22, 29-30.
163 Horace, Epode XVI, v. 43 et suivantes
164 Prudence, Liber Cathemerinon III, v. 66-80, p. 13.
165 Charlet J. -L., « Culture et imagination créatrice chez Prudence », art. cit., p. 454-455.
166 Saint-Gall, Stiftsbibliothek Ms. 1902, Plan de Saint-Gall (vers 820-830). Cf. Horn W., Born E., The plan of Saint-Gall: a study of the architecture and economy of, and life in a paradigmatic carolingian monastery, t. II, Berkeley-Los Angeles, 1979, p. 211-215.
167 Cicéron, De Naturae Deorum 2,140, éd. van den Bruwaene M., Bruxelles, 1978.
168 Dracontius, Carmen de Deo II, v. 290-291, PL 60, col. 834-835.
169 Avitus, op. cit., chant I, v, p. 136.
170 Isidore, De ordine creaturarum, X, 8, PL 83, col. 940.
171 Avitus, op. cit., chant III, v. 318-322, p. 300.
172 Isaïe 65, 25.
173 Cassiodore, Complexiones in Apocalypsis sancti Joannis, PL 70, col. 1411. Bède, Explanatio apocalypsis II, 12, PL 93, col. 167.
174 Dictionary of the Middle Ages, Strayer J. -R. (éd.), VIII, New York, 1987, p. 650. Sonderegger S., « Die althochdeutsche Literatur », Neues Handbuch der Literaturwissenschaft, 6, Europäisches Frühmittelalter, Wiesbaden, 1985, p. 196-199. Édité par Müllenhoff K., Scherer W., Denkmäler deutscher Poesie und Prosa aus dem viii-xii Jahrhundert, Berlin, 1892, p. 7-15.
175 Apocalypse 11, 5-9.
176 Op. cit., v. 50-57, p. 10-11.
177 Voir Aubrun M., « Caractères et portée religieuse et sociale des Visiones en Occident du VIe au XIe siècle », Cahiers de civilisation médiévale, 23, 1980, p. 109-130 (p. 110). Isidore de Séville par exemple émet des réserves sur la crédibilité des songes. PL 83, col. 668-669.
178 Courcelle P., « La postérité chrétienne du Songe de Scipion », Revue des Études Latines, XXXVI, 1958, p. 205-234. Bar F., Les routes de l’autre monde. Descentes aux enfers et voyages dans l’audelà, Paris, 1946. Sur la littérature des visions en général voir Dinzelbacher P., Vision und Visionsliteratur im Mittelalter, Stuttgart, 1981.
179 C’est l’un des tout premiers exemples de vision, consigné dès le IIIe siècle dans les Actes de Félicité et de Perpétue. Perpétue, sur le point de grimper à l’échelle d’or qui unit la terre au ciel, est menacée par un terrible dragon qui tente de la dévorer, image du diable. (PL 3, col. 26-27). Cf. Robert L., « Une vision de Perpétue, martyre à Carthage en 203 », CRAI, Paris, 1983, p. 227-276.
180 Brunhölzl F., op. cit., p. 140-141.
181 Visio Baronti monachi Lengoretensis, MGH SSRM 5, p. 390-391.
182 Cf. le rêve de Sunniulf, abbé de Randan. Grégoire de Tours, Decem libri…, IV, 33.
183 Grégoire le Grand, Dialogues, IV, 37, 8, p. 131.
184 Boniface, Epistula 10, Rau R. (éd.), p. 36.
185 On remarquera ici la connotation nullement négative du serpent.
186 Paul Diacre, Histoire des Lombards III, c. 34, Bougard F. (éd.), p. 75.
187 Passio sancti Dagoberti, MGH, SSRM 2, p. 518-520. Voir Carozzi C., « La vie de saint Dagobert de Stenay : histoire et hagiographie », Revue Belge de Philologie et d’Histoire, 62, 1984, p. 225-258.
188 Carozzi C., Le voyage de l’âme dans l’Au-delà, d’après la littérature latine (Ve-XIIIe siècles), Paris, 1994, p. 216-217.
189 Cf. Schmitt J.-C., « Les superstitions », Histoire de la France religieuse i : des dieux de la Gaule à la papauté d’avignon, Paris, 1988, p. 425-453.
190 Constance de Lyon, Vita sancti Germani, Borius R. (éd.), Paris, 1965, p 138.
191 Il est topique de mêler ces deux plans dans les vies de saints. Le risque est d’abord réel : des végétaux ont poussé entre les pierres et ont fragilisé les murs de leurs racines. L’état de la maison est le résultat de l’abandon du lieu. L’explication de cet abandon vient ensuite : elle est hantée. Il s’agit en outre d’un superbe exemple d’esprits frappeurs (poltergeisters).
192 Constance, op. cit., p. 140-142.
193 Sur le phénomène plus large des revenants voir Schmitt J.-C., Les revenants. Les vivants et les morts dans la société médiévale, Paris, 1994.
194 Lecouteux C., « Paganisme, christianisme et merveilleux », Annales ESC, juillet-août 1982, p. 701.
195 Gautier Dalché P., « La représentation de l’espace dans les Libri Miraculorum de Grégoire de Tours », Le Moyen Âge, LXXXVIII, 1982, p. 398-399.
196 Pline, HN, II, 10.
197 Paul Diacre, Historia Langobardorum II, 8, MGH SRL, Hanovre, 1878, p. 90 (trad. F. Bougard, p. 41).
198 Lecouteux C., « Aspects mythiques de la montagne au Moyen Âge », Croyances, récits et pratiques de tradition, Mélanges en Hommage à Charles Joisten, Le monde alpin et rhodanien, Revue régionale d’ethnologie, numéro spécial, 1982, p. 43-55. Repris dans Au-delà du merveilleux, des croyances au Moyen Âge, Cultures et civilisations médiévales XIII, Paris, 1995, p. 134-149.
199 Isaïe 34, 11 et 13-15 ; Jérémie, 51, 37 ; Baruch, 4, 35…
200 Le Goff J., « Le désert-forêt dans l’Occident médiéval », l’Imaginaire médiéval, Paris, 1985, p. 64.
201 Jérôme, Vita Pauli, 7, PL 23, col. 13-60.
202 Amat J., Songes et visions, op. cit., p. 341.
203 Éd. Bologna C., Milan, 1977. Cf. aussi Haupt M., Opuscula, II, Leipzig, 1875.
204 Cf. Kappler C., « Le monstre médiéval », Revue d’histoire et de philosophie religieuses, 58, 3, 1978, p. 253-264. Id, Monstres, démons et merveilles à la fin du Moyen Âge, Paris, nouv. éd. 1988. Lascault G., Le monstre dans l’art occidental. Un problème esthétique, Paris, 1973. Baltrusaitis J., Le Moyen Âge fantastique, Paris, 1955. Voisenet J., Bêtes et hommes…, op. cit., p. 16-27.
205 Cf. Lebecq S., « Scènes de chasse aux mammifères marins », Milieux naturels, espaces sociaux, p. 241-253 (ici p. 250-253), qui donne notamment les exemples suivants : Bède, Historia ecclesiastica gentis Anglorum i, c. 1, Colgrave B., Mynors R. A. B. (éd.), Bede’s ecclesiastical History of the English People, Oxford 1969, p. 14. Vita Filiberti, c. 9, MGH SSRM 5. Charte de l’abbé Hilduin de Saint-Denis relative au partage des biens entre mense abbatiale et mense capitulaire, Saint-Denis 22 janvier 832 (original : AN, K9 no 5). Tardif J., Monuments historiques, Paris, 1866, p. 85. Confirmation de la charte précédente par Louis le Pieux, Saint-Denis, 26 août 832 (AN, LL 1156, fol. 37 v °). Dom Bouquet, Recueil des historiens de la Gaule et de la France, t. VI, no 176, p. 579-581. Miracula sancti Vedasti, c. 6 (fin IXe s.), MGH SS xv, 2, p. 400. Miracula sancti Bavonis III, c. 14 (Xe-XIe s.), MGH SS xv, 2, p. 596.
206 Raoul Glaber, Histoires, II, 2, Arnoux M. (éd.), Turnhout, 1996, p. 91-95. C’est une évocation transformée d’un passage de la Navigatio sancti Brendani abbatis (Xe s.) dans Vita sanctorum Hiberniae, Plummer C. (éd.), I, p. 111-112.
207 Sperber D., « Pourquoi les animaux parfaits, les hybrides et les monstres sont-ils bons à penser symboliquement ? », L’homme, Revue française d’anthropologie, XV, 2, avril-juin 1975, p. 7.
208 Boia L., Entre l’ange et la bête. Le mythe de l’homme différent de l’Antiquité à nos jours, Paris, 1995, p. 58-63. Voir aussi Entre l’ange et la bête. L’homme et ses limites au Moyen Âge, Bély M.-E., Valette J.-R., Vallecalle J.-C. (éd.), Lyon, 2003.
209 Isidore, Etym., XI, 3, PL 82, col. 419-424.
210 Raban Maur, De universo VII, 7, PL 111, col. 195-199.
211 Ratramne de Corbie, Lettre sur les cynocéphales (IXe siècle), Dümmler E. (éd.), MGH Epist. 6, p. 155-157. Sur la localisation à partir du VIIe siècle des cynocéphales au nord de l’Europe, voir aussi ce que dit Aethicus Ister, Cosmographia, éd. Reise A., Geographi latini minores, Heilbronn, 1878, p. 71-103. Paul Diacre, Historia Langobardorum, I, 11, MGH SRL in usum scholarum, Hanovre, 1878, p. 59-60. Pour une interprétation de la lettre, cf. Wood I., « Christians and Pagans in ninth century Scandinavia », The Christianisation of Scandinavia, Sawyer B., Sawyer P., Wood I. (éd.), Alingsås, 1987, p. 64 et suivantes
212 Lecouteux C., « Les cynocéphales. Études d’une tradition tératologique de l’Antiquité au XIIe siècle », Cahiers de civilisation médiévale, Xe-XIIe siècles, XXIVe année, no 2, avril-juin 1981, p. 117-128.
213 Lecouteux C., art. cit., p. 117-119.
214 Ctésias de Cnide (Ve av. J.-C.), Indica, XX, Gilmore J. (éd.), Londres, 1888. Cf. Reese W., Die griechischen Nachrichten über Indien, Leipzig, 1914, p. 75 et suivantes. Jacoby F., Die Fragmente der griechischen Historiker, Berlin/Leyde, 1926, II B, no 688.
215 Élien (IIIe ap. J.-C.), Traité sur la nature des animaux, Scholfield A. S. (éd.), 3 vol. , Londres, 1958-1959.
216 C’est en Inde que Scylax de Caryande, Ctésias de Cnide, Mégasthènes ont recueilli leurs témoignages, repris par Pline, Solin et Aulu-Gelle. Sur l’origine indienne des cynocéphales, voir Realenzyclopädie des klassischen Altertums, Pauly-Wissowa (éd.), XII, 1, Stuttgart, 1922, col. 26. Cf. Lecouteux C., art. cit., p. 117-118.
217 Pline parle d’une peuplade éthiopienne de Cynalmogues (HN, livre IV, 35, 17). Voir aussi Philostrate († 269), Vie d’Apollonius de Thyane, VI, 1, Kayer C. L. (éd.), Leipzig, 1870.
218 Pseudo-Callisthene, Vie d’Alexandre de Macédoine (Leben und Taten Alexanders von Makedonien), Van Thiel A. (éd.), Darmstadt, 1974, p. 155.
219 Augustin, De civitate Dei, Bombard B., Kalb A. (éd.), Turnhout, 1955, XVI, 8.
220 Isidore, Etym. XI, 3, 15, PL 82, col. 421.
221 Raban Maur, De universo, VII, 7, PL 111, col. 195-196.
222 Liber Monstrorum, I, 16, Haupt M. (éd.), Opuscula, II, Leipzig, 1875, p. 221-252.
223 Faral E., « Une source latine de l’histoire d’Alexandre, la lettre sur les merveilles de l’Inde », Romania, 43, 1914, p. 202-215 et 353-357.
224 Aethicus Ister, Cosmographia,Reise A. (éd.), Geographi latini minores, Heilbronn, 1878, p. 71-103. Auteur inconnu dont l’origine est discutée. Wuttke H., Die Kosmographie des Istrier Aithikos, 1853.
225 Paul Diacre, Historia Langobardorum, I, 11, MGH SRL, Hanovre, 1878 (trad. F. Bougard, p. 18). Cf. Wood I., « Christians and pagans… », art. cit., p. 64.
226 Adam de Brême, Gesta Hammaburgensis Ecclesiae Pontificum, IV, 19, PL 146, col. 634-635. Eupolemius vers l’an Mil situe les hommes cynocéphales chez les Suèves, selon la tradition nordique. Eupolemius, Messias II, 528, Manitius M. (éd.), 1892, p. 513-556. Cf. Lecouteux C., « Les cynocéphales… », art. cit., p. 122.
227 Cf. Wood I., « Missionaries and the christian Frontier », The Transformation of frontiers. From late Antiquity to the Carolingians, Polh W., Reimitz H. (éd.), Leyde, 2001, p. 209-218.
228 Bührer-Thierry G., « Des païens comme chiens dans le monde germanique et slave du haut Moyen Âge », Impies et païens entre Antiquité et Moyen Âge, Sot M., Mary L. (éd.), Paris, 2002, p. 175-187.
229 Cf. Depreux Ph., Sociétes occidentales du milieu du VIe à la fin du IXe siècle, Rennes, 2002, p. 15-16.
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