Chapitre II. Des espaces bons à penser
p. 59-102
Texte intégral
1Lynn White publiait en 1967 une réflexion sur les racines historiques de la crise écologique contemporaine. Le triomphe du christianisme, la plus anthropocentrique des religions, aurait entraîné un dualisme homme/nature irréductible1. Cet article souvent cité a inspiré de nombreux travaux dans les années 70 reprenant cette opinion provocante comme une vérité cardinale : les mondes antiques avaient préservé une sorte de communion avec la nature que les chrétiens ont brisée en plaçant l’homme au-dessus de tout. L’idée que les clercs avaient sur la nature sauvage mérite d’être bien nuancée.
2Il s’agit d’abord dans ce chapitre de rassembler ce qui peut constituer les thèmes et les idées principales hérités des premiers siècles de l’ère chrétienne à la fois sur et à partir de la thématique du sauvage. Sur un fond antique finalement parvenu en miettes, le haut Moyen Âge a reconstruit des valeurs nouvelles. La « révolution chrétienne » a une portée beaucoup plus grande dans l’expérience du sauvage qu’on ne le suppose.
De bonnes images au service du discours chrétien
3L’Église a cherché dans ses propres livres les explications et les interprétations que la compléxité de la Création rendait nécessaire. Parmi les ouvrages théologiques, les commentaires exégétiques apportent beaucoup à la réflexion médiévale dans de nombreux domaines2. Les motifs tirés de la nature sauvage sont variés et sufisamment éclairants pour être utilisés dans un discours rempli d’images simples accessibles au plus grand nombre. En retour, ces motifs conditionnent en partie le regard porté sur les éléments du monde physique. Le succès de ces représentations symboliques tient au fait qu’elles se nourrissent à la fois de la tradition biblique et d’une imagerie païenne.
La matière du sauvage et les topoi littéraires
Le monde sauvage des fables
4La forme des histoires, très courtes et contenant toujours une portée morale, ainsi que les sujets abordés permettent à certains de ces récits d’origine grecque de parvenir jusqu’au Moyen Âge, à travers une longue tradition latine. Le fabuliste Ésope (VIIe-VIe siècle ?), à l’origine d’un grand nombre de ces récits, est copié ou réécrit dès le Ier siècle ap. J.-C. par plusieurs auteurs latins3. À la fin du IVe siècle ou au début du Ve siècle, Avianus s’inspire à la fois du travail de Phèdre et du Grec Babrios (IIe-IIIe siècle ap. J.-C.) pour écrire quarante deux fables en distiques latins. Les animaux sauvages y sont nombreux, fourmi, poisson, guenon, lion… Des histoires mettent en scène aussi des végétaux (le chêne et le roseau4) ou même la pluie d’hiver qui emporte un vase qui se faisait passer pour une amphore5. Sept fables confrontent des hommes avec la nature sauvage, sous la forme de bêtes dangereuses (loup, ourse, tigre, lion), de bêtes consommées (sanglier tué parce qu’il nuit aux récoltes, poisson) ou d’un satyre vivant dans la forêt.
5Le Moyen Âge a largement accès aux fables d’Ésope à travers Phèdre, Avianus6 ou encore Romulus7. L’iconographie vient confirmer le succès de ce genre littéraire, et des thèmes animaliers en général, comme dans les pages de l’Évangéliaire carolingien de Morienval8 où l’on voit le renard guettant le fromage du corbeau, ou sur la grande broderie dite de la reine Mathilde réalisée à la fin du XIe siècle et conservée à Bayeux : le loup et la cigogne, le loup et l’agneau, le rat et la grenouille, le corbeau et le renard alternent avec un bestiaire décoratif dans le registre inférieur de la composition9.
6Parmi les œuvres remplies de merveilleux où les auteurs chrétiens peuvent trouver un monde sauvage à la fois poétique et fantastique, il y a aussi les compilations de mythes et légendes d’écrivains latins tels que Valère-Maxime, Aulu-Gelle ou Macrobe. Le succès de ces collections tient dans la forme même des œuvres : composées comme des abrégés de livres plus anciens et parfois difficiles à consulter, ils offrent aux auteurs un accès rapide et séduisant à l’ensemble de la culture païenne. Un passage des Nuits Attiques d’Aulu-Gelle (IIe siècle ap. J-C) a un succès particulier dès l’Antiquité Tardive dans le milieu chrétien. Il s’agit du lion qu’Androclus soulage d’une épine dans la patte lors d’un séjour africain. Lorsque Androclus se trouve supplicié dans l’arène à Rome, le lion qui aurait dû le dévorer reconnaît son guérisseur et l’épargne10. Macrobe compose à la fin du IVe siècle les Saturnales11 où il traite de questions de philologie et d’histoire en y mêlant des sujets mythologiques. La partie la plus importante est une explication de Virgile. Mais il puise l’essentiel de ses sources chez Varron, Plutarque et Aulu-Gelle.
7Le réemploi de ces récits contribue également à donner à certains animaux un caractère moral, déjà marqué par la Bible et surtout cette vaste compilation de portée spirituelle sur les choses de la nature qu’est le Physiologus12, qui s’accentue durant tout le Moyen Âge. Des types d’animaux sauvages se dessinent progressivement et prennent forme par l’accumulation de traits qui concernent leur nature et les figent pour longtemps dans une fonction emblématique : le renard rusé, le loup cruel, la mouche intempestive, le lion royal et juste13… Ces récits s’appuient presque toujours sur une longue tradition symbolique concernant chaque animal mais ils contribuent à la fixer en la simplifiant autour d’une ou deux facettes parfois contradictoires.
8Le bestiaire des fables vient donc compléter et renforcer celui du monde chrétien qui a été élaboré dans les Écritures, le Physiologus ou les travaux patristiques. Il s’y intègre avec une grande aisance puisque persiste au Moyen Âge l’une des fonctions de la fable qui était dans l’Antiquité, en Grèce en particulier, de servir d’arguments aux orateurs : elle fournit aux homélistes et aux moralistes autant de preuves, d’exempla, que le croyant doit méditer. Cet héritage, qui ne subit pas de profonds remodelages et a échappé à la censure ecclésiastique exercée contre certains aspects de la littérature païenne, se met au service des clercs qui en émaillent les textes de leurs sermons. Mais les laïcs aiment aussi avoir recours à ce bestiaire imagé au point d’imaginer de nouvelles fables servant leur point de vue. C’est le cas par exemple du roi Théobald que relate Grégoire de Tours. Le roi raconte, à l’homme qu’il soupçonne de lui voler ses biens, une histoire de serpent coincé dans une bouteille par goût pour le vin14.
Motifs littéraires à succès
9Lorsque le prédicateur veut s’adresser à un public populaire, il doit rechercher des mots que tous comprennent, comme le demande Césaire d’Arles au début du VIe siècle15. Il montre lui-même l’exemple en empruntant ses comparaisons à la vie de la campagne pour un public principalement rural : l’âme des chrétiens est un champ de Dieu qu’il faut cultiver… l’ivrogne ne peut pas plus produire de fruit que les marécages de la Camargue… le riche est semblable à l’orme qui doit soutenir la frêle vigne… les fidèles sont des petits veaux qui recherchent le lait que leur préparent les prêtres en broutant sur les collines des Saintes Écritures… Ces sermons ont connu un tel succès que le genre se renouvelle tout au long de la période16. Au milieu du VIIIe siècle, Chrodegang rappelle aux chanoines de Metz qu’ils doivent présenter l’Évangile d’une façon simple en tenant compte de l’âge, du sexe et de la situation sociale17.
10Dans le domaine de la littérature théologique, la Gaule mérovingienne n’a pas produit d’œuvres originales. Les grands penseurs, exégètes et moralistes, sont en Italie (Grégoire le Grand). Les VIIe et VIIIe siècles ne sont pas seulement des siècles d’une culture en latence, mais aussi ceux de la rareté des livres. L’homme instruit cherche donc à acquérir des florilèges capables de replacer plusieurs ouvrages précieux, notamment ceux des Pères de l’Église. Le plus célèbre effort de cette époque, surtout le plus important en raison de sa diffusion, est le moine Défensor du monastère de Saint-Martin de Ligugé. Il écrit sans doute à la fin du VIIe siècle un liber scintillarum qui se présente comme un florilège moral en quatre-vingt-un chapitres. Cette œuvre compile des centaines de courts extraits tirés de la Bible et des œuvres d’une trentaine d’écrivains chrétiens, des Pères de l’Église à Isidore de Séville. Lui-même a dû puiser une partie du moins de sa matière dans d’autres florilèges : le nombre de livres qu’il aurait dû consulter dépassant largement la capacité d’une bibliothèque monastique. Ainsi Défensor est-il un bon exemple de la manière dont les citations se transmettent et figent pour longtemps des images tirées de la nature.
Au chapitre sur la fornication :
« 11 : Avoir une femme infidèle, c’est comme saisir un scorpion.
13 : La méchanceté d’une femme altère son visage et elle a grimé sa physionomie comme un ours.
41 : L’herbe verte pousse au bord de l’eau, et le vice de la sensualité à la fréquentation des femmes18. »
Au chapitre sur les dangers de la route :
« 12 : Jésus fils de Sirach a dit : ne t’évente pas à tout vent, et ne va pas par toute voie.
14 : Ne va pas par un chemin raviné, et tu n’achopperas pas sur les pierres.
16 : Grégoire a dit : qu’il est sot le voyageur qui, voyant sur sa route de charmantes prairies, oublie le but de son voyage19. »
Au chapitre sur la tentation et le martyre
« 3 : Pierre l’apôtre a dit : soyez modestes et veillez, car votre ennemi, le diable, tel un lion rugissant, rôde, cherchant qui dévorer20. »
11L’extraordinaire succès de ce livre montre à quel point il correspond au besoin de l’époque. Il s’est diffusé largement durant tout le Moyen Âge. On en connaît aujourd’hui plus de trois cent soixante manuscrits allant du milieu du VIIIe siècle au XVe siècle21.
12La langue latine est riche d’expressions qui empruntent à la sauvagerie des évocations fortes, déjà des stéréotypes, transmises par les apprentissages fondamentaux de la langue. Sans en faire un thème central, tous les genres littéraires évoquent la nature sauvage, en ne faisant bien souvent que l’effleurer22. Les auteurs antiques oubliés pendant la période mérovingienne sont à nouveau copiés au temps de Charlemagne. Même si les œuvres complètes ne sont pas plus lues pour autant, les lecteurs se contentant de quelque florilège, leurs copies à partir du VIIIe-IXe siècle ont permis à de nombreux auteurs antiques de parvenir jusqu’à nous23.
13Si Virgile est toujours lu, ce n’est pas par goût du genre bucolique vite passé de mode dans le milieu chrétien24. La poésie de Fortunat montre à ce sujet un paysage du tardo-antique, plein de lieux communs. Non seulement les images rurales deviennent purement symboliques et stéréotypées, comme l’évêque pastor gregis, mais, fréquentes encore chez Césaire d’Arles, ces images si répandues dans la Bible, se raréfient dans la littérature au cours du VIe siècle. L’Église remplace le réalisme païen par un univers de symboles. Les thèmes empruntés à la culture païenne prennent peu à peu une couleur chrétienne entre le VIIe et le IXe siècle.
14Une épigramme de Martial (44-103), connue sous le nom de Liber spectaculorum, connaît une postérité singulière. Rédigé en 80 pour l’inauguration de l’amphithéâtre des Flaviens, il y met en scène des bêtes sauvages (taureaux, sangliers, lions, éléphants, ours, rhinocéros, tigres…) dont la soumission et la mise à mort dans l’arène contribuent à la gloire et à la puissance de l’empereur. Il développe particulièrement les passages où des animaux montrent de la déférence à l’égard de César25. Cette soumission spontanée des bêtes sauvages devant la puissance divine de l’empereur est tout à fait comparable à celle de ces mêmes bêtes sauvages devant les saints investis de la uirtus Dei dans de nombreux récits hagiographiques.
Les motifs chrétiens
15Toute la science de l’homme, toute l’érudition acquise par le savant, est mise au service des fins de l’Église universelle. Au milieu du IXe siècle, le De universo de Raban Maur s’apparente à une véritable compilation d’allégories tirées de la Bible et des écrits patristiques sur la base de l’encyclopédie de Isidore de Séville. Bien moins préoccupé du sens étymologique des mots comme son illustre prédécesseur, il donne à toutes les choses composant le monde physique une valeur « mystique ». Les animaux sauvages, les phénomènes météorologiques, les éléments du relief, la flore… possèdent un sens positif ou négatif de sorte qu’ils peuvent illustrer n’importe quel argument26.
La tradition de la Chute
16L’espace sauvage, celui de la violence, de la prédation, du plus fort qui mange le plus faible, n’est pas celui de la Création. C’est la chute d’Adam qui a engendré cette violence et créé une séparation entre les lieux où l’homme se sent en sécurité et les territoires remplis de dangers27. Les clercs ont très tôt établi le territoire naturel de la violence aux marges du monde. S’opposent donc le monde des hommes, de la civilisation, à celui des bêtes et des espaces où règnent le désordre et la loi du plus fort. La violence animale serait sans fondement s’il n’y avait la trahison et le péché des hommes. Dès lors, la nature peut être considérée comme un monde relativement hostile. Il n’y a plus de bonne nature depuis qu’Adam et Ève ont été chassés du paradis terrestre. Cette idée, récurrente dans les récits hagiographiques, fait que lorsque la nature est bonne, cela ressort souvent du miracle.
17Dans les histoires de la Création qui ouvrent nombre de cosmogonies, le Déluge n’est pas un événement initial. Mais il introduit généralement une nouvelle donne : le monde paraît vivre une deuxième naissance28. Dans la Genèse, la Faute a engendré une rupture irréparable entre l’humanité et le monde qui l’entoure. Après le Déluge, Dieu établit un nouveau pacte avec les hommes. Selon le Lévitique, toute la flore et la faune sont leur nourriture, mais il leur est interdit de manger de la viande crue :
« Que tous les animaux de la terre, et tous les volatiles du ciel, et toutes les bêtes qui se meuvent sur le sol, soient frappés de terreur et tremblent devant vous. Tous les poissons de la mer ont été mis sous votre main. Et que tous ce qui se meut et qui vit sera votre nourriture. Je vous ai tout donné y compris les légumes verts. À une exception près : vous ne mangerez pas de chair saignante29. »
18Le Lévitique impose ensuite la séparation entre les aliments purs et impurs, selon une partition qui ne coïncident pas complètement avec la coupure sauvage-domestique mais qui exclut de fait la grande majorité des espèces sauvages. Mais, les Évangiles plus tard atténuent les préceptes hébraïques en déclarant purs tous les aliments30.
19La Chute a aussi provoqué l’insoumission d’une partie des espèces animales qui cohabitaient avec Adam dans le Paradis. L’adversité entre les hommes et la faune sauvage s’est transformée en lutte à mort. Très tôt de grandes figures de belluaires bibliques sont proposées à tous les chrétiens : Samson et le lion de Thamnata ou Daniel affronté aux fauves. Les représentations de Daniel dans la fosse aux lions, inlassablement reproduites dans les catacombes pendant plus de deux cents ans, en sont notamment la preuve31.
20La Bible enseigne aussi que les animaux sauvages sont souvent les instruments de Dieu pour punir les hommes qui ont péché contre lui. Ce qui n’est pas propre aux peuples de la Bible. Le périégète Pausanias parle des premiers temps « où il y avait des bêtes beaucoup plus féroces et beaucoup plus terribles qu’il y a présentement… Certaines d’entre elles étaient même en quelque sorte consacrées aux dieux, qui en suscitaient de temps en temps pour punir le genre humain32 ». La Bible est ainsi jalonnée de ces instruments de supplice que sont devenues les bêtes sauvages, même les plus petites. Le Lévitique énonce la menace de Dieu sur son peuple :
« Si vous marchez encore contre moi et ne voulez pas m’écouter, je vous frapperai sept fois plus selon vos péchés. Je lâcherai contre vous les animaux sauvages, qui vous raviront vos enfants, déchireront votre bétail et vous réduiront à un petit nombre, et vos chemins deviendront déserts33. »
21La Chute a engendré une opposition entre sauvage et domestique ; elle a aussi dramatisé le temps de la nuit, un temps sauvage en quelque sorte, effrayant, dangereux. La durée du jour exprime le cycle de la vie, la nuit s’apparente alors à la mort ; elle n’en devient que plus angoissante. L’évocation de la nuit comme un moment à redouter, cet instant où le monde semble aux mains de forces néfastes, démoniaques, est répandue dans toute la littérature chrétienne. Les vies de saints offrent souvent cette vision terrifiante des ténèbres34. Dans le miroir qu’elle écrit pour lui au IXe siècle, Dhuoda met en garde son fils : Dieu observe lui-même nos actions de l’aube jusqu’au soir, c’est-à-dire « depuis le lever du soleil jusqu’à son coucher, ou si l’on veut, depuis notre sortie du sein maternel jusqu’au terme de notre mort35 ».
22C’est la première leçon que donne la Bible aux chrétiens : le monde sauvage s’oppose aux hommes et les oblige à lutter contre lui et à craindre Dieu.
Une dualité réaffirmée : le ciel et la terre
23Chez Augustin, l’articulation primordiale dans la distinction des loci est celle qui oppose terra et coeli36. Terra, c’est à la fois le monde la chair, tout ce qui est destiné à périr ; Coeli, ce sont les cieux, c’est le royaume de l’esprit. Cette antinomie se retrouve d’une autre façon dans l’opposition de l’extérieur et de l’intérieur : intus in gaudio domini s’oppose aux tenebrae exteriores37. Cette articulation essentielle domine largement la perception de l’espace des clercs38.
24De là découle toute une imagerie ascendante de la montagne, véritable topos de la littérature chrétienne. Pour Grégoire le Grand, la hauteur de la montagne, c’est la pureté de la continence39. C’est l’axe vertical encore qui est souligné lorsque Grégoire le Grand établit trois ordres parmi les esprits selon qu’ils s’éloignent de la surface de la terre : l’ordre des animaux et des reptiles, celui des hommes et celui des anges40. Cette classification élémentaire est passée dans les enseignements scolaires. À l’époque carolingienne, Dhuoda rappelle à son fils cette leçon41.
25La lutte du serpent et de l’oiseau est un des thèmes littéraires et iconographiques les plus répandus dans toute l’Antiquité42. L’aigle, oiseau solaire, combat le serpent, au symbolisme complexe mais toujours en relation avec les forces chthoniennes. Cela explique aisément le succès de cet affrontement dans la représentation de la lutte entre le bien et le mal dans la tradition chrétienne. L’oiseau qui représente le mieux dans la tradition chrétienne le monde céleste est la colombe. Elle cohabite donc dans la tradition chrétienne avec l’aigle dans la représentation de l’aérien. Dans l’encyclopédie de Isidore de Séville, l’aigle est placé en tête du groupe des gros oiseaux43. Sans qu’il soit nommé ainsi, il semble que l’aigle ait été considéré très tôt comme le roi des oiseaux44. La Bible souligne ses qualités, sa puissance, sa rapidité dans le vol, les hauteurs qu’il peut atteindre. Il est cité plus de trente fois dans les Écritures ce qui le place juste derrière la colombe. Le Physiologus complète sa nature en indiquant comment il se débarrasse de sa vieillesse en s’envolant si haut qu’il s’enflamme pour plonger par trois fois dans une source dont il sort rajeuni, le rapprochant ainsi du légendaire phénix45. Il figure pour Raban Maur par ce dernier caractère le Christ incarné, mais aussi les saints et leur intelligence subtile46. Le moine pratiquant l’ascèse est comparé par Cassien dans ses Conférences à un aigle volant dans les cieux mais qui doit pour se nourrir redescendre au fond des vallées de ce monde47. Il symbolise encore l’évangéliste Jean48. Mais l’aigle possède une face noire. En tant que rapace, il représente aussi le diable, les esprits malins ou encore pour Raban Maur le pouvoir terrestre49. Ce double visage traverse le Moyen Âge, en privilégiant cependant le côté solaire, ouranien, de l’oiseau, en raison de la fréquentation des parties les plus élevées du ciel50.
26Dans cette symbolique de l’esprit divin, l’aigle est en concurrence avec la colombe. Elle est largement glorifiée par la tradition chrétienne mais n’obtient pas une appréciation totalement positive en comparaison de sa cousine la tourterelle. Pour Isidore de Séville, la turtur est avis pudica, un oiseau chaste qui demeure au sommet des montagnes, dans la solitude du désert et de la forêt, en fuyant les maisons des hommes51. Elle signifie pour Raban Maur l’Église, l’Esprit saint, l’intelligence de l’Esprit, ou encore les saints, les Apôtres ou l’amour de Dieu52. Les territoires sauvages sont à travers l’évocation du biotope de la tourterelle glorifiés comme les lieux de la sublimation et du rapprochement avec Dieu. Cette vision du désert se retrouve évidemment dans toute la littérature hagiographique. Tandis que la colombe offre un portrait plus contrasté : elle vit à proximité des hommes et fait naitre le désir sexuel par des baisers. Isidore de Séville rappelle que les auteurs de l’Antiquité la rattachaient à Vénus. Raban Maur évoque donc la colombe provocatrice (prouocatrix columba) et en fait l’emblème des Juifs. C’est malgré tout l’oiseau le plus cité de la Bible dans laquelle il jouit la plupart du temps d’une valeur positive. Elle illustre alors comme la tourterelle les vertus chrétiennes et les grandes figures de la foi. Par la fréquence des occurrences dans l’Ancien et le Nouveau Testament, la colombe est devenue l’oiseau par excellence du christianisme53.
La bestia comme exemple
27À propos de la faune sauvage, Jacques Voisenet donne dans ses divers ouvrages et articles de très nombreux exemples montrant comment, et avec quelle variété, la faune pouvait inspirer les auteurs du haut Moyen Âge. J’évoquerai donc rapidement le cas d’Isidore de Séville. Il n’innove pas mais reprend une tradition ancienne qui circule depuis les fabulistes mais aussi avec le Physiologus54. Cet ouvrage chrétien anonyme, rédigé en grec peut-être au IIe siècle et au plus tard au IVe siècle, rassemble en quarante neuf chapitres des animaux, les plantes et des pierres, en en faisant des symboles du Christ, de l’Église, de l’homme et du diable. C’est un livre essentiel dans la construction du symbolisme chrétien, maintes fois traduit et complété55. Augustin recommande à ses lecteurs d’en faire usage56. Il remporte un grand succès dans le monde latin comme en atteste le nombre de manuscrits présents dans les bibliothèques57. Malgré la mise à l’index de l’ouvrage par le décret gélasien (du VIe siècle ?), il reste populaire au IXe siècle. La majeure partie de l’ouvrage est occupée par les animaux, qui appartiennent dans leur quasi totalité au domaine sauvage. Comme l’a montré auparavant Jacques Voisenet, « les animaux sauvages semblent offrir une plus grande symbolicité que leurs congénaires soumis à l’autorité humaine58 ». Quant au reste du monde physique, le Naturaliste (traduction de Physiologue), il se résume à un bref lapidaire et à une courte référence aux arbres. Isidore de Séville puis Raban Maur ont, sur ces derniers, eu davantage de choses à dire.
28Isidore a pu aussi puiser abondamment dans l’Ancien Testament les exempla animaliers. Plus proche du christianisme que du judaïsme biblique, il affirme que le Créateur a toujours joint au mal son remède, ainsi au venimeux basilic, la belette son ennemie59. Ainsi nous avons dans les Étymologies toute une galerie de portraits moraux, selon la tradition des fabulistes de voir dans le comportement des animaux un enseignement à tirer : le daim paisible et craintif (XII, 1, 22), le lièvre peureux (XII, 1, 23), l’âne sot et rétif (XII, 1, 48), le loup ravisseur et sanguinaire (XII, 2, 24), le chien intelligent et sensible (XII, 2, 29), le renard fourbe (XII, 2, 29), la tourterelle pudique (XII, 7, 60), la colombe et la palombe chastes (XII, 7, 61), la perdrix fourbe et immonde (XII, 7, 63), la huppe malpropre (XII, 7, 66)60.
29Au IXe siècle, Raban Maur puise dans la matière offerte par Isidore de Séville, accentuant davantage encore l’interprétation vétéro-testamentaire61. Il se place résolument sur le terrain de l’allégorie morale lorsqu’il s’intéresse par exemple aux ruminants que le Lévitique considère comme purs. Les animaux qui n’entrent pas dans cette catégorie sont les pécheurs et les gens immondes. Par contre les ruminants incarnent les hommes saints qui méditent perpétuellement dans leur cœur et leur bouche les préceptes divins. Le sabot double s’applique aux fidèles qui, croyant aux deux testaments, assurent solidement leur démarche. Pour les autres ruminants, dépourvus de cette particularité, ils représentent les juifs qui ne portent leur intérêt que sur l’Ancien Testament. Quant aux animaux à cornes que l’on offre en sacrifice à Dieu, tels le veau, le bélier, le bouc mais aussi le cerf, le daim, le chevreuil, ils signifient les saints, pourvus des cornes des vertus qu’ils portent contre le diable62.
30Encore plus que les animaux domestiques, la faune sauvage est chargée de symboles. Dans le De universo, les espèces animales sont plus nombreuses que les espèces végétales. Il est clair que les bêtes sont plus parlantes et plus efficaces dans l’édification d’images et d’allégories63. Les bêtes sauvages ont été engendrées par l’exil hors du paradis d’Adam. Avant l’homme les dominait toutes, désormais il doit se protéger des fauves. Ceux-ci incarnent le péché et sont associés (ou associables) au Tentateur, qui a pris lui-même l’apparence d’une bête pour tromper Ève. Pour Raban Maur, les ferae silvarum peuvent représenter aussi bien les nations païennes, les démons ou les gens féroces et méchants64. L’expression « bête féroce » devient un cliché que l’on retrouve dans toute la littérature chrétienne durant la période. Au Xe siècle, Flodoard de Reims nous raconte comment Berthe, fondatrice du monastère d’Avenay, est assassinée par ses beaux-fils et comment ceux-ci « aussitôt livrés à Satan en punition de leur crime, périrent dit-on dépouillés de tout sentiment humain et, pour ainsi dire, changés en bêtes féroces (in belluinam feritatem mutati)65 ».
L’arbre et la forêt
31Dans la Bible, la forêt a une charge symbolique plutôt négative66. C’est un endroit dangereux qui tua plus d’hommes que l’épée67 ; c’est bien sûr le domaine des bêtes sauvages : le sanglier, les ours, même le lion68… jusqu’au jour dernier ou l’on pourra dormir dans les bois en toute sécurité69. Pour Grégoire le Grand cependant les paroles de Dieu sont comme une profonde et fraîche forêt : « Chaque fois que nous la (la profondeur des paroles) scrutons, essayant de comprendre, que faisons-nous, sinon entrer dans l’opacité des forêts pour nous dérober dans sa fraîcheur aux chaleurs étouffantes de ce monde ? Là, en lisant, nous cueillons les vertes pousses des pensées70. »
32Pour Raban Maur, la forêt toute entière illustre l’histoire du salut : sauvage et stérile, elle attend la greffe civilisatrice comme le peuple des gentils la révélation divine71. L’accent est clairement mis sur le passage de la nature stérile à la richesse productive des arbres grâce à l’action humaine, passage que Raban Maur rapproche de l’intervention du Christ sauvant les païens72. D’autres auteurs du IXe siècle recherchent davantage une analyse moralisante notamment Paschase Radbert († 865) et Angélôme de Luxeuil († vers 855)73.
33L’allégorie biblique de l’arbre bon, portant de bons fruits et des mauvais arbres sans fruits, symbolisant les hommes bons et les mauvais, est reprise par Raban Maur dans le De universo74. D’une manière générale, l’arbre a une valeur positive. Représentant le genre humain, il symbolise aussi l’incarnation du Christ75. Le tronc de l’arbre, le bois comme matériau, représente la passion76. Par la crucifixion, le Christ devient le reflet de l’arbre de vie cité dans la Genèse, planté au milieu du paradis77. Dans ce florilège d’allégories qu’est le De universo, les feuilles comme les fleurs ont une valeur positive78. Ezéchiel parle « des arbres fruitiers, plantés au bord de l’eau qui sort du sanctuaire, et dont les fruits seront une nourriture et les feuilles un remède79 ». Et Fortunat d’évoquer poétiquement la Passion : « Croix fidèle, arbre unique et noble, tel que nulle forêt n’en produit, pour ses fleurs, son feuillage et son fruit, doux bois, doux à mon cœur, Ô toi qui par les clous soutiens le doux fardeau80. » Les métaphores végétales peuvent être parfois compliquées. Ces images méritent alors une exégèse. Un vers du psaume 103 évoque les splendeurs de la Création : « Les arbres de Dieu se rassasient, les cèdres du Liban qu’il a planté ; c’est là que nichent les passereaux, sur leur cime le héron a son gîte81. » Bède le Vénérable explique que les arbres de la plaine représentent le peuple chrétien82, les cèdres, les nobles et les personnages importants de ce monde, les passereaux figurent tous ceux qui ont renoncé au siècle et remis leur existence au Christ. Ils vivent dans les cèdres mais leur chef est le héron qui est le Christ83.
Allégorie sur le climat
34Les allusions climatiques peuplent les textes chrétiens sur toute la période. Raban Maur en propose un véritable florilège dans le De universo84. Comme pour les bêtes, les éléments climatiques ont un versant symbolique positif et négatif. Grégoire le Grand avertit que « la duplicité étend sur les fautes le voile du brouillard (nebulis)85 ». Dans une homélie sur Ezéchiel, il représente les pécheurs comme les nuages dans le ciel86. Tandis que Raban Maur rappelle que les nuages peuvent avoir valeur d’épiphanie : ils sont annonciateurs de la venue de Dieu ou de l’incarnation du Christ87. Les nuages sont encore les prophètes et les prédicateurs de la parole divine.
35Dans les mains de Dieu, ils servent aussi à protéger. Les nuages, comme la forêt, peuvent aussi signifier l’obscuritas scripturarum. Dans la Règle pastorale, Grégoire le Grand compare les fautes, certes minimes, mais fréquentes, à de petites mais innombrables gouttes de pluie qui « remplissent les profondes cavités des fleuves. La sentine où l’eau monte sans bruit fait ce que fait la tempête qui sévit avec éclat88 ». Dans un fragment de manuel de pastorale de l’époque carolingienne, l’impiété et l’hérésie sont assimilées au froid, à la neige et à la pluie89. Au contraire, la pluie peut évoquer la parole divine qui vient toucher, par une vertueuse cascade, le cœur des hommes par l’intermédiaire des prédicateurs. Grégoire le Grand nous donne à nouveau un exemple : « Quand ils (les saints prédicateurs) prêchent, leur cœur est inondé de l’eau divine, telle l’eau qui du ciel vient sur un toit. Leur parole nous irrigue, telle l’eau qui ruisselle d’un toit sur la terre90. » Au IXe siècle, Arbéo de Freising évoque dans des termes similaires la mémoire de saint Emmeran, missionnaire en Bavière :
« Ses discours étaient pour les cœurs de ses auditeurs comme la pluie du printemps quand elle arrive au bon moment pour pénétrer les champs desséchés et dont la pénétration bienvenue revivifie les racines de la moisson, fait verdir toutes sortes de plantes et restaure de sa parure la terre dans son ancienne beauté, comme si elle se réveillait du sommeil de la mort91. »
36Les vents, en particulier les vents violents, sont associés à la malice du démon. C’est la force invisible qui fait vaciller les âmes pécheresses92. Il n’est pas surprenant de voir derrière toutes ces forces en mouvement la main du démon ou de Dieu. Les hagiographes en ont remplis leurs récits de miracles. Il en va de même pour les précipitations catastrophiques. Les Écritures donnent le modèle : la grêle manifeste la force et le pouvoir de Dieu qui emmagasine des grêlons pour les jeter sur ceux qui se refusent à le suivre. Ailleurs la grêle est le symbole de la force, c’est aussi un phénomène de la nature qui accompagne la théophanie93. Isidore de Séville, qui pourtant cherche à expliquer les phénomènes à partir des connaissances puisées dans les ouvrages antiques faisant autorité, ne manque pas non plus d’apporter une dimension plus théologique à ces mêmes phénomènes, par exemple le tonnerre, si fréquemment mis en scène dans les vies de saints94. De la même manière est évoqué le discours prononcé par de vénérables prélats dans la vita sancti Germani de Constance de Lyon : des flots torrentueux d’éloquence avec des tonnerres apostoliques et évangéliques95.
37Dans les œuvres poétiques, Dieu est d’ailleurs souvent surnommé Tonantus, le Tonnant96.
38Les catastrophes naturelles n’échappent pas non plus à une lecture mystique. Il y a un rapport entre les secousses du sol et le Jugement, quand les pécheurs et les terrini homines seront frappés et secoués par le souffle de la bouche de Dieu. De même, l’ébranlement de la terre est la conversion des hominum terrenorum à la foi97.
La chasse comme argument de pastorale
39Le point de vue de l’Église sur la chasse et le chasseur est beaucoup plus varié et nuancé que la pure et simple condamnation de la pratique cynégétique98. Par contre, l’image du diable comme un chasseur d’âmes en perdition, éloignées des sentiers de la chrétienté, est un argument topique des sermons et autres œuvres de morale. Dans un de ses sermons, Augustin qualifie le diable de pessimus venator mundi99. Raban Maur le compare à Nemrod, le chasseur biblique100. Entourés de ses chiens, Satan poursuit sans répit les pécheurs et les entraîne en Enfer. La métaphore se renforce lorsque le gibier lui-même, comme le cerf, symbolise le croyant aux prises avec les vicissitudes de la vie terrestre.
40Le vocabulaire technique vient plutôt du registre de la chasse aux pièges, aux rets, aux fosses. Dhuoda prévient son fils de se garder des gens mauvais « parce qu’ils tendent des lacets, comme des souricières, pour tromper101 ». Les métaphores empruntées au langage de la chasse sont assez fréquentes dans la Bible, que ce soit dans l’Ancien ou le Nouveau Testament : c’est avant tout le piège, le filet qui représentent la capture des pécheurs102. Cela exprime surtout l’idée que le diable ne vient pas à la rencontre des pécheurs, mais qu’eux-mêmes se perdent en quittant le droit chemin. Grégoire le Grand prévient : « Du fait qu’il ambitionne d’accroître sa fortune, il n’a cure d’éviter le péché : pris au piège comme un oiseau, il regarde avide l’appât des biens terrestres et il ne remarque pas le lacet du péché qui va l’étrangler103. » Tandis que Prudence de Saragosse, toujours sur le thème de l’oiseau pris au piège, dit : « Une ruse habile enlace l’oiseau soit au trébuchet, soit dans les filets ; enduite de glu tirée des écorces, la baguette empêtre la gent à plumes et elle l’empêche de repartir104. » Parmi les images du diable fournies par Prudence de Saragosse, le chasseur est typique du IVe siècle. L’idée des pièges de l’adversaire tendus aux âmes égarées est présente dans les Psaumes, où les laquei transforment le diable en oiseleur105. On retrouve cette vision du démon chez plusieurs auteurs chrétiens106.
41Avec la fin des persécutions et l’avènement de la littérature monastique, l’action de l’Ennemi se définit essentiellement par la ruse. Même si d’autres images représentent le diable comme celle du gladiateur, du rétiaire surtout107, celle du barbare, du pirate108, du brigand109, ou encore du paysan retournant le blé de sa fourche à deux dents, l’image de Satan qui s’impose au IVe siècle est celle du chasseur110.
42La chasse est donc utile pour décrire les pièges du démon. La capture est suggérée aussi, mais moins souvent, par la pêche. Dans le Cathemerinon, Prudence, après avoir pris son exemple dans le registre de la chasse aux oiseaux, illustre la capture des pécheurs par les images du filet de pêche et de l’hameçon : « Voici qu’en mer des filets sinueux tirent la troupe errant parmi les flots. De même le poisson suit le roseau : l’hameçon meurtrier l’a emporté, l’appât a blessé sa bouche crédule111. » C’est une symbolique plutôt rare. La figure du pêcheur est déjà réservée aux représentations du Christ112. L’homme est le poisson destiné à l’hameçon de Pierre, comme le rappelle Ambroise113. Un poème carolingien évoque cette opposition entre Nemrod et Pierre : Venator fiebat Nembroth, Petrus retiarius114. Pourtant dans la vie de Viance, solitaire en Auvergne († en 672), écrite aux VIIIe-IXe siècles et remaniée au XIe siècle, Ambroise rencontre le diable dans la forêt, assis dans les branches d’un chêne en train de jeter un hameçon. Comme il lui fait remarquer qu’il n’y a pas d’eau, le démon lui répond : « Je pêcherai les hommes, les grands comme les petits. Cela fait quarante ans que je désire attraper Viance comme un gros poisson afin qu’il avale mon appât115. »
43En Irlande, circule au temps de saint Patrick († vers 463) une image radicalement différente du chasseur, une image apostolique. Il rappelle dans sa Confession qu’il importe de s’adonner à la pêche et à la chasse des âmes116. C’est une occurrence tout à fait rare dans la tradition chrétienne occidentale. Cela dit, elle est à rapprocher des valeurs positives de la chasse que l’on retrouve parfois dans les récits hagiographiques, notamment les récits où la course au gibier entraine l’homme à la rencontre de Dieu.
44Le thème du chasseur diabolique insuffle une nouvelle vigueur à la croyance en la présence inquiétante de Satan qui s’incarne et intervient sans cesse dans le monde.
45Le monde sauvage (ou du sauvage) offre une matière abondante et variée aux homélistes et aux moralisateurs pour illustrer leur propos et fixer dans l’esprit de leurs auditeurs un message clair. La répétition d’œuvre en œuvre de la même image construit des topoi littéraires qui rencontrent ceux qui circulaient déjà dans la littérature païenne.
De la terre des dieux à la terre des démons
46Au nord de la Loire, l’ancienne religiosité préhistorique, reposant sur la croyance en des forces naturelles et se manifestant au travers de cultes naturistes, a pratiquement disparu à l’époque de La Tène. Les populations se retrouvaient dans des sanctuaires bâtis plutôt que dans de simples grottes, devant des amas de pierre ou autour d’une source. D’une manière générale, nous ne savons rien ou presque des croyances des Gaulois, seulement que les grandes entités naturelles, la terre, l’eau, le ciel, étaient objet d’attentions particulières117.
Culte divin et espace sauvage
Un espace sacré et respecté
47Dans la Grèce ancienne, des montagnes et des bois pouvaient être désignés comme Iερóς autrement dit sacré, parce que chargés de puissance118. D’une manière générale dans le polythéisme gréco-romain, les forces de la nature ne sont pas sans parenté avec la puissance divine. Presque toutes les divinités commandent aux forces de la nature ou se manifestent à travers elles119. Plusieurs rites du calendrier religieux romain associent des divinités liées au monde sauvage. En milieu rural, où l’on s’attendrait tout particulièrement à voir des cultes à la nature, ce sont surtout les dieux des foyers qui occupent tout l’espace cultuel des domaines120. Le Lar familiaris maintient les bêtes sauvages loin des troupeaux121, tandis que les Lares des carrefours président aux moissons et à la chasse. En fait les divinités champêtres sont légions et ne pas les honorer conduit à s’exposer à l’opprobre public122.
48Selon Georges Dumézil, les plus anciens Romains divisaient la terre proche en deux grandes régions qui peuvent se superposer par endroit : celle où les hommes se sentaient les maîtres et celle où ils ne se sentaient pas chez eux. Dans la première agissaient les Lares de toutes sortes ; dans la seconde, on rencontrait divers dieux mal définis, comme Faunus. Le monde sauvage et le monde domestiqué n’avaient pas de frontière nette. À la campagne, le principal lieu de culte des Lares était le carrefour, le compitum. C’est là que la civilisation est en communication avec la « brousse », le monde inconnu, avec les esprits inquiétants qui fréquentent volontiers les croisements des chemins123.
49Faunus, comme Siluanus124, ont dû présider à des terres moins domestiquées que les Lares, mais encore assez accessibles pour intéresser l’activité humaine. C’est la forêt proche, la vaste campagne, celle qui s’étend au-delà des contours du domaine. Par quelques rites, les paysans savent se concilier ces sauvages qui assurent la fertilité des champs, la fécondité du bétail, et leur fournissent le pâturage de la forêt. Une fois l’an pourtant, l’équilibre entre le monde réglé et organisé et le monde sauvage se brise : le 15 février Faunus envahit tout, dans des festivités mêlant des rites purificatoires et fécondants. Au matin les Luperci ceinturés d’une peau de chèvre courent autour du Palatin en flagellant au passage ceux qu’ils rencontrent, notamment les femmes.
50Dans la campagne, chaque site remarquable a un genius loci qui lui est propre. Parmi ces lieux, les forêts donnent un frisson particulier aux Romains qui les contemplent, car c’est le domaine des dieux125. Même à l’heure où la religion traditionnelle commence à péricliter, Sénèque constate que « face à une futaie antique […] la grandeur des arbres, le mystère du lieu, la vue impressionnante d’une ombre si épaisse […] t’inspire la foi d’une présence divine126 ». Les Romains ont alors scrupule à éclaircir un bois, à attenter à cette propriété divine. Par un piaculum, le sacrifice d’un porc accompagné d’une prière, on expie cet attentat127. Mais la protection même du troupeau requiert toutes les attentions du maître du domaine pour les hôtes divins des bois. Caton recommande le dépôt d’offrandes dans la forêt, à Mars et à Sylvain128. Les activités pastorales ont leur protectrice, Palès, qui prévient contre les voleurs et les loups, et que l’on fête le 21 avril aux Parilia129.
51Pomponius Mela exprime lui aussi ce sentiment du divin que les Romains ressentent devant les forêts130. Mais ces bois sacrés ne font presque plus partie du paysage religieux de Rome dès le début du Ier siècle av. J.-C. Les seuls à avoir encore une importance étaient ceux des faubourgs, assez éloignés pour échapper à la destruction liée aux programmes urbains131. Ces bois sont consacrés à des divinités très anciennes, liées aux forces fécondantes de la nature. Malgré la modestie de ces espaces sacrés, on y déroule les rites les plus obscurs et les plus anciens de la religion : la grotte de Lupercal est même restaurée par l’empereur Auguste car la renaissance de ces vieux cultes entre dans son projet politique. « Restauré » n’est guère le mot en vérité : le bois sacré était toujours un enclos sauvage ou les plantes croissent en totale liberté, sans aménagement ou entretien. C’était un véritable « coin de terre intouchable », « un îlot de sauvagerie primitive132 ». Mais bientôt, ces vieux luci disparaissent et sont remplacés par des bois sacrés à la mode orientale, selon une esthétique des jardins venue de Grèce. La nature doit se conformer de plus en plus à un idéal, éloignant la nature sauvage des espaces civilisés. Selon cet idéal, les Romains raffolent de ces silvae reconstituant dans les amphithéâtres une nature savamment agencée dans lesquelles bêtes et hommes peuvent combattre133.
Livré au culte barbare
52Ce que les Romains craignent en entrant dans une forêt, c’est surtout de déranger la foule « des divinités éparses », mais le lieu n’est pas réputé sauvage. Ce n’est pas le cas de la forêt sacrée des divinités ligures qui couvre le massif de la Sainte-Beaume près de Marseille. Pour Lucain, elle est livrée à des forces qui n’appartiennent pas au panthéon romain. L’apparence redoutable de ce bosquet montre en opposé le degré d’intégration des paysages forestiers d’Italie dans l’imaginaire romain :
« Il y avait un bois sacré qui, depuis un âge très reculé, n’avait jamais été profané, il entourait de ses rameaux entrelacés un air ténébreux et des ombres glacées, impénétrables au soleil. Il n’est point occupé par les Pans, habitants des campagnes, les Sylvains maîtres des forêts ou les nymphes, mais par des sanctuaires de dieux aux rites barbares ; des autels sont dressés sur des tertres sinistres et tous les arbres sont purifiés par le sang humain. S’il faut en croire l’Antiquité admiratrice des êtres célestes, les oiseaux craignent de percher sur les branches de ce bois et les bêtes sauvages, de coucher dans les repaires ; le vent ne s’abat pas sur les futaies, ni la foudre qui jaillit des sombres nuages. Ces arbres qui ne présentent leurs feuillages à aucune brise inspirent une horreur toute particulière. Une eau abondante tombe des noires fontaines […]. Déjà la renommée rapportait que les tremblements de terre faisaient mugir le fond des cavernes […] que les dragons, enlaçant les troncs, rampaient çà et là. Les peuples n’en approchent pas pour rendre leur culte sur place, ils l’ont cédé aux dieux. Que Phébus soit au milieu de sa course ou qu’une nuit sombre occupe le ciel, le prêtre lui-même en redoute l’accès et craint de surprendre le maître de ce bois134. »
53Cette vénération des arbres et des bois est un phénomène religieux répandu alors dans toute l’Europe. Tacite raconte que les Germains vouent un culte aux arbres. Il évoque notamment les Naharvali et leurs antiquae religionis lucus135, ou bien la fête de la Dea Nerthus dans la forêt sacrée, castum nemus136. Ce sont parfois des forêts aux divinités terrifiantes, assoiffées du sang des victimes humaines137. Après leur victoire sur une armée celte dans l’île de Mona, les soldats romains du gouverneur de Bretagne entreprènent aussitôt de raser « les bois sacrés, lieux de leurs sauvages superstitions ; car chez eux offrir le sang des prisonniers sur les autels et consulter les dieux avec les entrailles humaines étaient considérés comme des pratiques permises138 ». Dès l’époque romaine, les forêts sombres associées à des rites secrets barbares, toujours spectaculairement cruels, sont hautement inquiétantes.
54La tradition veut que l’empereur Claude ait définitivement supprimé les druides sous le prétexte de la cruelle inhumanité de leur culte. Pomponius Mela précise que sous son règne cependant les druides auraient continué les pratiques ancestrales dans la clandestinité, dans les cavernes et les forêts. La religion gauloise dont nous savons si peu à travers l’interpretatio romana, a peut-être continué son existence, loin des cultes romains imposés par la conquête139. Devenue religion des peuples des campagnes, elle s’est d’une certaine manière perpétuée dans les croyances populaires et les pratiques combattues par l’Église chrétienne autour des arbres, des sources ou des grottes.
Le regard des premiers chrétiens
55Deux traditions traversent la période et apparaissent dans les textes selon l’intention des auteurs. Il y a d’une part la « diabolisation » de ces espaces naguère remplis d’esprits, ce qui entraine une dichotomie spatiale réservant une partie du terroir à ces génies agrestes devenus démons. D’autre part, plusieurs textes réaffirment l’unité de toute la Création autour notamment des discours sur le livre de la Genèse ramenant de fait ces espaces dans la main de Dieu.
56Lactance nous offre un bel exemple de transfert du discours que les Romains avaient sur les forêts redoutablement sacrées des peuples barbares sur les cultes romains eux-mêmes. Dans les Institutions divines, il explique comment sont nés ces cultes. Un roi sabin, Numa Pompilius, guida son peuple vers de nouvelles croyances, en recevant en mystère la connaissance des cultes à rendre aux divinités : « Et pour le faire avec une certaine autorité, il feignit d’avoir des entrevues nocturnes avec la déesse Egérie. Il y avait une caverne fort sombre dans la forêt d’Aricine, d’où un ruisseau jaillissait d’une source perpétuelle140. » Tous les éléments du decorum pagano-diabolique que l’on retrouve par la suite dans diverses œuvres chrétiennes sont en place : le temps de la nuit, la forêt, la grotte, la source.
57Pour les premiers auteurs chrétiens, les faunes et les sylvains qui hantent les bois sont avant tout des créatures érotiques et impudiques. Augustin les assimile à des démons incubes141. Bien qu’ils soient en dehors de notre limite géographique, les sermons de Martin archevêque de Braga († 579) doivent retenir notre attention, ne serait-ce qu’en raison de la diffusion qu’ils connaissent au-delà des Pyrénées. Dans le De correctione rusticorum en effet, tous les génies agrestes se confondent avec les démons chassés du ciel. Ils séjournent dans les lieux sauvages et éprouvent les âmes pécheresses, avec la permission de Dieu :
« Alors le Diable et les démons, ses serviteurs, qui avaient été chassés du ciel, virent les hommes ignorants renier leur Créateur et errer parmi les autres créatures. Ils commencèrent à se montrer sous diverses formes et à leur parler et à exiger d’eux qu’ils leurs offrissent des sacrifices sur les montagnes élevées et dans les forêts ombreuses et qu’ils leurs rendissent un culte au lieu de le rendre à dieu […].
En outre, des démons qui ont été chassés du ciel, nombreux sont ceux qui demeurent dans la mer, dans les fleuves, les sources ou les forêts ; les hommes ignorants de Dieu les honorent de même comme des dieux et leur offrent des sacrifices. Dans la mer, ils invoquent Neptune, dans les fleuves les lamies, dans les sources les nymphes, dans les forêts, les Dianes, qui ne sont rien d’autre que des démons et des esprits malins, qui tourmentent et accablent les hommes sans foi qui ne savent pas se défendre avec le signe de la Croix142. »
58Isidore de Séville présente aussi les nymphes comme des divinités liées au culte des eaux, des forêts et des montagnes143. Mais pour les chrétiens, il n’y a plus aucun doute sur la nature de ces créatures : les dieux païens sont des démons. Une conjuration du VIe siècle montre bien l’assimilation des anciens dieux des montagnes aux démons : le récitant s’adresse au diable qui habite les forêts, les cols et les montagnes144. Au Ve siècle, Maxime de Turin suggère que l’Italie du Nord est encore peuplée de fana ruraux, où les paysans vénèrent non plus des génies agraires mais le diable145. À propos des forêts, l’évêque encyclopédiste rappelle que le vocable lucus désigne l’épaisseur des arbres, privant le sol de lumière. Par un jeu de mot, il ajoute qu’à cause de cette obscurité, on y allumait (lucebant) des chandelles146. S’il fait ainsi allusion aux cérémonies païennes qui pouvaient se dérouler dans ces bois, il omet de dire, parce qu’il l’ignore peut-être, qu’à l’origine lucus désigne principalement une clairière ou un bois sacré147. Nous retrouvons cette vision noire des forêts chez Augustin : les « bêtes de la forêt » désignent les païens ou les démons148. Par la contamination des pratiques cultuelles réputées barbares qui s’y déroulent, la forêt devient un séjour diabolique hanté par le mal.
59Mais aborder l’espace sauvage dans la Bible revient à distinguer une partie de ce qui forme un tout, la Création. L’Ancien Testament ne parle pas de nature mais « du ciel et de la terre ». Dans les premières pages de la Genèse, toute la Création est le produit de la volonté de Dieu. Rien ne vient départager le sauvage et le domestique. Dans les Psaumes encore, tous louent le Seigneur : « Louez Dieu depuis la terre, monstres marins… bête et bétail, reptile et l’oiseau qui vole149. »
60Dieu est désigné comme le Créateur du ciel de la terre. Le Haut et le Bas suffisent en général pour signifier le tout. La mer est associée plus rarement à ces deux éléments. Dans la légende des sept martyrs d’Ephèse, Grégoire de Tours utilise l’expression du credo, Deus creator caeli terraeque et maris150. Selon l’évêque de Tours, la reine Clotilde prononce une profession de foi pour convaincre Clovis un peu réticent à faire baptiser leur fils. C’est l’occasion pour Grégoire de proposer une profession de foi plus complète :
« Mais on doit plutôt rendre un culte à celui qui d’un mot a créé de rien le ciel et la terre, la mer et tout ce qu’ils renferment, à celui qui a fait briller le soleil et orné le ciel d’étoiles, qui a rempli les eaux de reptiles, les terres d’animaux, l’air de volatiles ; c’est par un signe de lui que les terres sont décorées de récoltes, les arbres de fruits, les vignes de raisins. C’est par sa main que le genre humain a été créé. C’est grâce à sa largesse que toutes ces créatures servent complaisamment et gratuitement son homme, celui qu’il a créé151. »
61L’espace sauvage n’est pas désigné, il est naturellement inclus. Pour un peu, la nature de la Création serait d’abord une nature sauvage. Un passage du commentaire de Servius sur Virgile, ouvrage scolaire de base utilisé du IVe au XIIe siècle, glose par silva le mot grec Hylè qui signifie matière. En identifiant ainsi les deux mots, la forêt est désignée comme un aspect du chaos, de l’état originel du monde152.
62Déjà pour les stoïciens, l’existence du monde sauvage ne se justifiait que par rapport à ce qu’il est susceptible d’apporter à l’homme, un véritable don des dieux pour peu que les hommes se donnent la peine de le faire fructifier. La dernière phrase « prononcée » par Clotilde offre comme un écho à ces propos de Cicéron :
« En outre, nous prenons de grandes bêtes sauvages à la chasse, pour notre nourriture, pour nous exercer par la chasse à l’art de la guerre, pour nous servir de ces bêtes quand elles sont domptées et dressées[…] pour tirer de leur corps des remèdes. […] Nous pouvons parcourir par l’esprit comme par les yeux toute la terre et toutes les mers ; nous voyons alors les étendues fertiles et sans fin des campagnes, les couverts épais des montagnes, les pâturages, et aussi les courants incroyablement rapides de la mer. Et non seulement sur la terre mais aussi dans ses profondeurs ténébreuses se cache une profusion de biens qui née pour l’usage de l’homme n’est découverte que par les hommes seulement153. »
Divinités païennes, bêtes sauvages et sacrifices
Divinités « sauvages »
63À la différence des Romains, pour qui l’animal n’est pas assimilé aux dieux, les Gaulois donnent une importance particulière à l’animal dans les mythes et l’art religieux. Les dieux gaulois sont presque toujours associés à des animaux, en particulier des animaux sauvages : le dieu de Lezoux porte des cornes de taureau, le dieu de Bouray a des jambes qui se terminent en sabot de cervidé154, Cernunnos est un dieu aux bois de cerf155, Epona est inséparable de son cheval, Lug de ses corbeaux… Sur le pilier des nautes parisiens, est représenté l’énigmatique Tarvos Trigaranus comme un taureau surmonté de trois grues156. Un groupe en bronze trouvé en 1832 à Muri en Suisse figure une divinité assise vers laquelle s’avance un ours. La base porte une inscription votive : DEAE ARTIONI LICINIA SABINILLA157. Dans cet ensemble, il y a une représentation humaine de la divinité, toujours accompagnée de son animal-attribut. À l’époque gallo-romaine, l’anthropomorphisme romain modifie l’aspect des divinités gauloises qui restent associées à un animal. Sans doute depuis le Paléolithique supérieur, les animaux sauvages évoquaient les puissances supérieures, mais nous ne pouvons attester l’adoration d’un animal en particulier sous sa forme naturelle158.
64Le sanglier est sans doute l’animal sauvage sacré par excellence des Gaulois. Des tombes de l’Âge du Fer contenaient des squelettes ou des dents de sanglier. De nombreuses monnaies portent son effigie. La représentation la plus célèbre est un bronze de 27 centimètres de hauteur trouvé à Neuvy-en-Sullias : l’animal est représenté d’une manière stylisée tendu dans une attitude défensive, la hure au vent, l’échine hérissée159. Un bronze plus petit (dix centimètres) trouvé en Bourgogne montre un sanglier à trois cornes160, symbole de multiplication de la puissance divine161. Le dieu d’Euffigneix porte en ornement sur sa poitrine un sanglier162. Une figurine trouvée dans les Ardennes représente une déesse équipée d’un arc et de flèches et emportée par un sanglier au galop163.
65Les représentations pariétales des grottes franco-cantabriques sont constituées à 80 % d’animaux : cheval, bison, bouquetin, rennes, aurochs, cerf, ours, poisson, félin, oiseau… Il ne s’agit pas simplement de figurations magiques chargées d’apporter aux chasseurs de la tribu la bonne fortune à la chasse. Les animaux blessés ne représentent qu’une part infime des représentations pariétales. En outre le renne, qui constitue 95 % des restes osseux dans certains sites magdaléniens, n’occupent que 5 % des figurations animales. Il y a bien décalage entre le gibier chassé et ces espèces figurées164. De la légende d’Orphée au récit de Daniel dans la fosse aux lions, l’attitude de l’animal est respectueuse et amicale, car il est particulièrement apte à percevoir la force divine mystérieuse qui se cache sous les traits humains d’un personnage surnaturel.
Le sacrifice animal
66La plupart des auteurs antiques n’ont pratiquement rien dit des pratiques sacrificielles des Gaulois alors que l’archéologie aujourd’hui reconnaît le sacrifice animal comme la pratique la mieux attestée. Les lieux de cultes du nord de la Gaule ont très bien conservé les ossements qui en disent long sur ces pratiques. Le silence des textes s’explique par le fait que les auteurs grecs et romains voyaient dans les pratiques gauloises des gestes tellement banals et proches de leurs propres pratiques qu’ils n’ont pas vu l’intérêt d’aller plus avant dans leurs descriptions. Ce qu’ils recherchaient c’était un certain exotique, l’étrangeté par rapport à leur culture, tout en confirmant cette idée d’appartenir à une civilisation résolument supérieure. Cette quête de l’exotisme a abouti à de véritables contresens. Strabon évoque un kolossos, une représentation de taille gigantesque faite de bois et d’osier dans laquelle on enfermait du bétail, des humains et des bêtes sauvages. Le tout était ensuite brûlé. Or, l’archéologie a bien montré que l’on ne rencontre jamais sur les lieux de cultes gaulois des ossements d’animaux sauvages165. Les a priori sur une civilisation ne sont pas réservés aux auteurs de l’Antiquité. Pendant longtemps les archéologues ont cru voir des traces de sanglier dans des ossements qui étaient en réalité ceux de porcs domestiqués dont l’aspect physique était proche, parce qu’on évoquait par ailleurs le caractère sacré du sanglier166. Les ossements d’animaux sauvages, victimes de la chasse, ne se rencontrent que sur les sites d’habitat, et encore qu’en tout petit nombre167. Le sacrifice d’animaux domestiques exclusivement s’explique dans une perspective théologique. L’homme ne peut offrir aux dieux que ce qu’il a en partie au moins produit. De même l’offrande végétale était-elle constituée de produits fraîchement récoltés ou de produits déjà transformés (gâteaux, galettes, bouillies…) évoquant avant tout la sphère domestique.
67Mais l’absence d’animaux sauvages sacrifiés est parlante : elle traduit un ensemble de croyances concernant le monde animal sauvage sur lequel il ne nous reste que de maigres documents168. Arrien raconte que les Gaulois du Ier siècle de notre ère offraient chaque année un sacrifice à Artémis, la déesse de la chasse. Ils tuaient une chèvre, un mouton ou un veau. Chaque animal tué à la chasse obligeait le chasseur à verser une amende, une obole pour un lièvre, une drachme pour un renard, quatre drachmes pour un chevreuil. Il convenait donc de dédommager la déesse du vol d’animaux sauvages commis par le chasseur. Le sacrifice d’un animal domestique doit racheter la mort d’un animal sauvage. C’est la marque d’un certain caractère sacré de l’animal sauvage. Cette sacralité interdisait certainement de le tuer, sinon dans des circonstances précises. Rappelons que les produits de la chasse sont rares sur les sites d’habitat, en particulier ceux venant des grands animaux comme le sanglier ou le cerf. L’animal sauvage comme les végétaux participait directement au monde divin. Aucune espèce semble avoir été davantage considérée, comme cela a été tenté. Les quelques fragments, les échos lointains de la mythologie celtique qui sont parvenus jusqu’à nous font une place particulière au sanglier, représentant la force, au cerf symbolisant également la puissance virile mais aussi la fécondité, au corbeau, oiseau de guerre et de mort, au serpent animal chthonien par excellence. Mais il est clair que chaque animal avait un rôle soit auprès des dieux, soit dans la mythologie ou encore dans la magie169.
La grotte et le taureau mithriaque
68D’après un récit de Pline, il existait un rite gaulois autour du chêne rouvre sacré qui voulait que l’on sacrifie deux jeunes taureaux au pied de l’arbre après qu’un druide en a cueilli le gui. Henri Graillot en 1912 remarquait déjà que de toutes les provinces de l’empire romain, la Gaule avait fourni le plus grand nombre d’inscriptions tauroboliques. Le succès de ces rites d’origine orientale, dédiés à Attis et à Cybèle, était dû aux similitudes avec une pratique ancestrale chez les peuples celtes170. Jean-Jacques Hatt a montré dans un article paru en 1965 que la cérémonie du taurobole ressemblait par de nombreux aspects au sacrifice annuel de taureaux en l’honneur de la déesse mère gauloise171. L’archéologie a confirmé que le sacrifice d’animaux domestiques est présent dans de nombreux sanctuaires. Il s’agit d’un sacrifice de commensalité entre les hommes et la divinité comprenant des bovidés, des ovins, des porcins et des chiens. Le sanctuaire de Gournay-sur-Aronde offre aussi l’exemple d’un sacrifice de bovidé pour une divinité chthonienne. L’animal était abattu au-dessus d’une fosse. Ensuite, ou bien on faisait couler le sang sur l’autel, ou bien on la laissait glisser tout entière au fond où elle pourrissait lentement nourrissant ainsi la divinité172.
69À propos du culte mithriaque, on a pu penser que des animaux sauvages ont pu être sacrifiés, des cervidés, des sangliers, des renards et des loups. Ce qui n’est pas totalement incongru, le sacrifice mithriaque ayant un lien avec la chasse. Mithra apparaît dans l’iconographie comme un dieu-chasseur. Mais Robert Turcan note justement que tous les ossements retrouvés dans les dépotoirs attenants aux autels ne peuvent être systématiquement associés aux restes d’un sacrifice. Les mithraea ont été abandonnés entre le IIIe et le IVe siècles, mais ont pu être occupés par des populations pour des raisons très diverses, sans lien avec le culte taurobolique173. Mithra fut adoré de l’Indus à l’Écosse, seul le christianisme connaît une telle diffusion géographique. Ce sont les marchands et les soldats des légions qui assurent le succès et la diffusion du culte, dans la vallée du Rhône, en Gaule Belgique, notamment à proximité du limes. En dehors du limes, le mithriacisme s’est implanté surtout en milieu urbain. En Gaule, il a pu se greffer sur certains cultes de sources (à Vieu, Sarrebourg, Trèves…)174.
70Les os de loups font penser à un passage du De Isis et de Osiris de Plutarque où il mentionne une mixture à base de sang de loup offerte à Ahriman, dieu de l’Hadès175. On a bien retrouvé dans des mithraea des dédicaces à ce dieu. Mais cela n’implique pas obligatoirement de tels sacrifices176. Plutarque d’ailleurs ne situe pas ce rite dans le cadre des mystères mithriaques. De plus aucun os de loup n’a été repéré dans les rares sites portant la dédicace à Ahriman177.
71Les chrétiens ont sans doute été horrifiés par ces dédicaces qui confirmaient leur théorie sur le paganisme comme culte du démon. Porphyre les a renforcés dans cette conviction en disant que les païens réservaient aux démons les offrandes sanglantes178. De fait, la littérature chrétienne du IVe siècle qui voulait à tout prix déconsidérer les pratiques polythéistes a dépeint les mithraea comme des repères de culte démoniaque.
L’horreur des sacrifices sanglants
72Une des causes qui expliquent l’acharnement particulier des chrétiens contre le culte de Mithra au IVe siècle est qu’il repose sur le sacrifice sanglant. Les chrétiens ont une véritable hantise des immolations attirant et renforçant le pouvoir des démons. Les édits de cette époque sont surtout promulgués contre les sacrifices tandis que le polythéisme en soi n’est jamais vraiment condamné179.
73Lactance exprime clairement dans les Institutions divines le rejet catégorique par les chrétiens des cultes à sacrifice sanglant, tout particulièrement les sacrifices humains. Il évoque les Taures, inhumanan et feram gentem, et leur loi qui ordonnait d’immoler à Diane les étrangers180. Il cite encore l’exemple des Gaulois sacrificateurs d’humains à Ésus et à Teutatès181. Il ajoute que les Latins eux aussi n’étaient pas exempts de pareils immanitates puisque Jupiter Latianis est toujours honoré à l’époque de Lactance avec du sang humain182. Porphyre fait dans le De Abstinentia la même remarque183. À la fin du VIe siècle, le pape Grégoire le Grand évoque encore ces sacrifices dans une lettre : « Ils n’immoleront plus des animaux au diable mais ils tueront pour la louange de Dieu et pour leur nourriture184. » Réfutant tout retour au paganisme, les chrétiens n’ont évidemment jamais cherché à comprendre ce qu’étaient les pratiques cultuelles et la pensée religieuse qui précédaient le christianisme. Hilaire de Poitiers résume à l’excès ce qu’était le polythéisme romain, un panthéon zoomorphe, non sans rappeler la dimension universelle de Dieu.
« Finalement, certains (les polythéistes romains) localisaient leurs dieux dans des statues d’hommes, de bestiaux, de fauves, d’oiseaux, de serpents, et enfermaient le Seigneur de l’univers, l’auteur de l’immensité, dans les étroites dimensions d’objets de métal, de pierre et de bois185. »
Omen : la nature, messagère des dieux
À l’époque gallo-romaine
74Tout phénomène inattendu ou inexplicable peut être compris par un Romain comme un signe, un monstrum, ce qui montre, révèle quelque chose. Les éclipses de soleil et de la lune, les conjonctions des astres, les positions des planètes dans le ciel, l’éclair et le tonnerre, les tremblements de terre, les vols ou les cris des oiseaux… les phénomènes les plus divers présageaient d’événements et donnaient lieu aux interprétations des experts. Avant de faire une plantation, d’entreprendre un voyage, d’engager une bataille, la piété romaine obligeait tout homme à s’entourer de toutes les aides possibles.
75Les Gaulois comme les Romains se soucient de l’accord préalable du divin avant d’engager toute action. Scruter les signes divins est un réflexe profondément humain devant chaque écart que la nature impose à ces cycles immuables. L’homme cherche donc à interpréter les moindres défaillances de son environnement naturel. Les Gaulois sur ce point ne nous ont rien laissé qui puisse nous indiquer selon quelles modalités ils interprètent ces signes. Nous ignorons s’ils accordent autant d’importance que les Romains à l’observation des animaux et de leurs comportements. Justin nous raconte qu’un peuple gaulois sous la direction de Sigovèse, neveu du roi Ambigat, se laisse guider par un vol d’oiseaux jusque dans la forêt hercynienne pour y fonder une nouvelle patrie. Il semble qu’un art d’observer les oiseaux s’est développé très tôt en Gaule. Et c’est, comme dans la religion romaine, le corbeau qui est l’oiseau augural par excellence. L’intérêt de ces peuples antiques pour ce corvidé tient à sa voix. Pindare remarque déjà que cet oiseau est capable de produire soixante-quatre cris différents. Pline affirme que seul le corbeau est capable de comprendre le sens de ses présages. Pour la religion gauloise, la seule mention que nous possédions de cette fonction oraculaire du corbeau est contenue dans le récit de la fondation légendaire de Lugdunum : deux nobles gaulois Atepomaros et Mômoros entreprirent de délimiter les fondations de leur future ville qu’ils établirent sur une colline. Des corbeaux venant de toute part se perchèrent sur les arbres environnants. Mômoros qui avait des connaissances dans l’art augural y vit un heureux présage.
Le signe chez les chrétiens
76Cette préoccuption des signes envoyés par le monde divin est connu dans la tradition judéo-chrétienne. Il se peut qu’originellement le Yahvé hébreu ait été désigné comme « celui qui abat », la force qui se manifeste dans les cataclysmes, les tempêtes, la foudre et les séismes, phénomènes devant la force desquels les choses de la nature sont impuissantes. Lors des grandes catastrophes, l’interprétation souvent avancée est celle d’un châtiment divin envoyé pour punir les hommes de leurs péchés. Les signes naturels (comètes, éclipses, météorites), les fléaux (famines, sécheresses, épidémies, épizooties) ne sont pas lus comme l’expression des forces du mal, mais comme la manifestation de la colère de Dieu ou la révélation de sa volonté.
77Comme à l’époque précédente, le ciel est le lieu privilégié de ces manifestations. Grégoire de Tours consigne scrupuleusement tous ces prodiges. La Chronique de Frédégaire signale en 587 un globe de feu tombant sur la terre au milieu d’éclairs et de tonnerres186. Ils peuvent prendre des formes variées : des boules de feu, un éclair parcourant le ciel à la façon d’un serpent187, une masse de lances enflammées188 … Les références bibliques ne manquent pas pour considérer que lorsque le présage est mauvais, une catastrophe est à redouter. Quand les hagiographes rapportent des prodiges dans les vies, ils les rangent dans la catégorie des miracles. La notion d’omen est en réalité beaucoup moins prégnante dans l’Occident chrétien que dans la culture classique. Il faut que le prodige se répète plusieurs fois pour qu’il prenne sens aux yeux des témoins. Grégoire de Tours raconte qu’une colombe se pose avec insistance sur la tête de saint Yriez († 591) plusieurs jours de suite afin que celui-ci réalise que sa vocation est de devenir abbé et saint189. L’animal qui est porteur du signe appartient en général à la sphère domestique. C’est souvent aussi un oiseau190. Le vol, comme l’éclair ou la foudre, représente clairement la relation avec la volonté de Dieu. Le message est beaucoup plus ambigu, voire suspect, lorsqu’il s’agit d’un autre animal, à plus forte raison si c’est un serpent191.
78Au haut Moyen Âge, l’omen est devenu le témoignage de pratiques superstitieuses liées au paganisme des populations barbares. Au XIe siècle, Adam de Brême évoque ces rites divinatoires à propos des Saxons du temps où ils n’étaient pas encore christianisés192. Avec les sacrifices sanglants, ils forment les indices religieux stigmatisant les sociétés éloignées de la chrétienté, ces peuples féroces des terres sauvages.
Les mondes éloignés
Les terres sauvages
Le poids du passé
79Dans ce domaine de la connaisance aussi, l’eruditio des anciens continue de faire autorité : la géographie est une science des textes. Patrick Gautier Dalché a étudié le contenu géographique du scriptorium de saint-Germain d’Auxerre au IXe siècle, où se trouvent les exemples les plus achevés de travaux géographiques carolingiens. Les moines disposent des manuels de base et, parmi eux, les Étymologies d’Isidore de Séville. Mais le lecteur peut recourir aussi aux textes antiques, directement ou indirectement. On connait au IXe siècle les Collectanea rerum memorabilium de Solin, dont une bonne partie vient de Pline, mêlant le merveilleux à la précision des informations topographiques. L’encyclopédie de Martianus Capella jouit d’un immense succès à l’époque carolingienne, parce qu’elle constitue un résumé de l’ensemble des artes propre à être utilisé dans l’enseignement. Après sa redécouverte, peut-être dans les milieux irlandais, les manuscrits se sont multipliés, avec une zone de diffusion plus importante, la vallée de la Loire193. Le De Chorographia de Pomponius Mela est copié sur l’initiative d’Heiric entre 860 et 862. Heiric, qui annote lui-même le texte, relève avec soin dans l’œuvre antique les phénomènes naturels, les particularités des eaux, des végétaux et des animaux des différentes régions et les étrangetés ethnographiques. La description topographique et le relevé des phénomènes naturels sont lus au présent : le De chorographia est donc considéré comme un recueil scientifique intemporel194.
Le refus de l’exotisme
80Les auteurs qui écrivent sur les mondes lointains ne cherchent pas à faire vibrer chez leurs lecteurs la corde de la fascination exotique. Grégoire de Tours, pourtant féru de mirabilia, n’en remplit pas ses récits. Au plus trouvons-nous une évocation de la Mer Morte, la description des étranges arbres à laine de Jéricho ou le mastic de l’île de Chio195. Lorsque les géographes grecs, les périégètes, font la description des mondes qu’ils visitent, ils considèrent par hellénocentrisme les confins de l’œkoumène comme des lieux de l’excentricité et de l’anormalité196. Dans le VIe livre traitant de la géographie des mondes connus, Pline l’Ancien décrit les régions du nord-est au-delà de l’Empire, en transposant cette vision ethnocentrique dans le monde romain :
« De la mer Caspienne et l’océan Scythique notre route s’infléchit vers la mer Orientale, suivant la ligne du littoral en direction de l’Est. La première partie de la côte après le promontoire scythique est rendue inhabitable par les neiges ; la suivante est inculte à cause de la sauvagerie des peuples. Là sont les Scythes anthropophages, qui se nourrissent de chair humaine ; aussi les régions adjacentes sont-elles des solitudes désolées, où vit une multitude de bêtes sauvages qui s’attaquent à des hommes non moins féroces qu’elles. Puis à nouveau des Scythes, et à nouveau des déserts peuplés de bêtes, jusqu’à une montagne appelée Tabis, qui s’avance dans la mer197. »
81Le goût pour l’exotisme s’efface devant les avertissements sur la dangerosité de ces contrées sauvages. Pline dissuade quiconque de traverser par voie terrestre l’Afrique du Nord : les gorges de Maurétanie sont infestées de serpents, sans parler de la multitude des fauves rencontrée ailleurs198. Comme l’Afrique, l’Asie est une région lointaine où les bêtes sauvages sont particulièrement redoutables, et où le chasseur risque de se voir transformé en proie199.
82Les mondes périphériques peuvent cependant tout à la fois être des lieux de sauvagerie et de férocité que des havres de sagesse et de douceur de vivre. L’Inde par exemple, bien qu’en dehors du monde gréco-romain, jouit d’une représentation ethnographique flatteuse. L’Orient a une valeur symbolique très importante dans la description du monde au haut Moyen Âge. C’est le lieu du commencement, où se situe le paradis, où tout est possible. Déjà pour les Grecs, l’Inde est un endroit fabuleux. Chaque fois que les géographes présentent une nouvelle tribu, encore plus étrange que la précédente (Cynamolges, hommes-sans-cou), ils insistent sur leur sens de la justice, leur grande valeur morale d’autant plus remarquable que l’Inde est considérée comme le pays le plus peuplé de la terre. Ce trait de mœurs devient un topos littéraire : les auteurs insistent sur leur façon de gérer la société, leur goût pour la liberté de chacun, le fait qu’ils ignorent l’esclavage…
83Isidore de Séville reprend à propos de l’Inde les descriptions merveilleuses de ses prédécesseurs200. La fameuse et lointaine Hyrcanie continue d’être depuis l’Espagne une terre sauvage couverte de forêts et peuplée de redoutables fauves201. Au IXe siècle, un inconnu publie une Epistola Alexandri ad Aristotelum de itinere suo et de situ Indiae qui devint l’un des textes les plus cités jusqu’à la fin du Moyen Âge. C’est le résumé d’une histoire fabuleuse d’Alexandre le Grand écrite au IIe siècle par un certain Callisthène d’Alexandrie et traduite en latin par Julius Valerius au IVe siècle202. Dans sa parfaite étrangeté, l’Inde reste dans les livres de géographie de l’époque carolingienne comme le De universo de Raban Maur ou l’opuscule anonyme Situs orbis terre vel regionum la terre des merveilles, ancienne, distante et toujours mystérieuse203.
Transfert des critères de la sauvagerie
84Nous retrouvons les critères qui distinguent les peuples sauvages dans les écrits chrétiens, notamment les facteurs géographiques et climatiques.
85L’influence du milieu naturel a toujours été considérée comme un élément de première importance pour rendre compte de la différence de niveau d’évolution. En dépend le degré de feritas, de ferocia. Les immenses étendues incultes, toutes les solitudines, où la nature est hostile, constituent un obstacle majeur au développement de l’homme et à la naissance de la civilisation : ces régions n’engendrent que des barbares, vivant presque tous de guerres et de destructions. Toutes les populations qui demeurent à l’écart des grandes voies de communication et d’échanges, dans les zones impraticables (auia, inuia), des lieux d’accès difficile ou impossible (remota, inaccessa), fermées sur elles-mêmes, végètent dans la sauvagerie et l’inculture204. La vita tardive de Lambert d’Utrecht († vers 705) par Nicolas de Liège reprend l’association entre un lieu insalubre et des coutumes méprisables. Et d’évoquer alors une région marécageuse où vivent des habitants dont la barbarie sauvage est accentuée par la solitude et les superstitions205. La pire des conditions est celle des hommes qui vivent aux limites de l’animalité. On reconnaît un lien étroit entre la géographie et le caractère d’une ethnie. La vie des hommes rejoint celle des bêtes dans les régions de la terre aux climats particulièrement défavorables. Cette gradation de l’état de sauvagerie en fonction de l’éloignement de la condition humaine se retrouve chez les auteurs chrétiens du haut Moyen Âge. Mais cette vision romaine y est tout de même nuancée. Les Saxons, situés sur les rivages de l’Océan et dans les marais inaccessibles, ne sont pas déconsidérés par Isidore de Séville. Au contraire, empruntant à Orose leur présentation, il voit en eux des hommes doués de courage et d’agilité206.
86Ces fragments d’humanités isolés aux marges du monde civilisé restent proches de l’animalité, figés dans leur barbarie. Plus on s’éloigne vers les extrémités de la terre (extrema, ultima), plus on voit s’accroître la ferocia et la feritas. Sont nécessairement sauvages les habitants des pays montagneux, de même ceux qui ont pour milieu naturel les forêts (silvestres homines)207. La vie matérielle de ces peuples est élémentaire. Ils pratiquent principalement la chasse et la pêche208. Vivre de ce que la nature offre reste la marque des sociétés frustes. Les Gaulois, les Belges, les Germains dans leur grande majorité sont considérés comme tels par César, Pomponius Mela, Sénèque, Tacite209…
87Les Romains considèrent en outre comme des régions d’obscurité toutes celles qui, par leur éloignement ou leur accès difficile, restent en marge des grands courants de civilisation. Leurs habitants demeurent dissimulés dans leurs repaires et leur primitivité. Particulièrement représentatives de cette obscurité barbare sont les grandes étendues forestières. Zones mystérieuses et inquiétantes, impénétrables aux rayons du soleil, refuges des peuplades les plus sauvages ou les plus perfides, elles abritent bien souvent des cultes impies, des rites inhumains, et leur ombre recouvre et symbolise à la fois la plupart des manifestations du mal. Les facteurs ethniques continuent d’être pris en considération : la psychologie des peuples, ou le niveau d’évolution, revient pour le chrétien à s’interroger sur leurs chances d’être touchés par l’évangélisation. C’est devenu pour les auteurs chrétiens le critère essentiel. À ce propos, les actes contre nature, ou mieux le nefandum, sont régulièrement utilisés pour évoquer la violence du barbare, la sauvagerie des païens. Paradoxalement les premiers chrétiens, une minorité dans un univers où le polythéisme est triomphant, étaient eux-mêmes affublés de nombreux caractères faisant d’eux des individus inassimilables dans la civilisation, des sauvages donc : superstition, athéisme, abandon du mos maiorum, pratiques magiques, onolâtrie (culte de l’âne) mais aussi incestes, meurtres rituels et même… anthropophagie. On leur reprochait tous les maux, toutes les catastrophes naturelles210.
88Romains et chrétiens partagent en outre l’idée que la barbarie n’est pas un trait stable ou définitif. Ces espaces de la sauvagerie peuvent être rendus à la civilisation. Au IIe siècle ap. J.-C., Florus, en commentant l’action de Drusus en Germanie, montre l’importance qu’attachent les Romains à cette notion de transformation211. Pour Strabon, les armées romaines jouent un rôle de pacification et de domestication de ces peuples indociles représentant une menace pour le monde civilisé212. La sauvagerie devient le point de départ de cette transformation et justifie l’intervention des hommes civilisés, ainsi que l’indique ce passage de Florus : « Inconnue et inaccessible jusqu’alors, la forêt hercynienne fut par lui ouverte aux communications. La paix régnait en Germanie était telle, en somme, que les êtres humains semblaient changés, le pays transformé, le ciel lui-même plus doux et plus agréable que de coutume213. » Cette lutte acharnée contre la barbarie des hommes et la sauvagerie de la nature est encore évoquée par Ammien Marcellin (deuxième moitié IVe siècle) lorsqu’il parle de la création d’une voie d’accès au lac de Constance : « L’épouvante des forêts inhospitalières le rend inaccessible, sauf dans la région ou l’antique et sage valeur romaine a construit une large route, malgré la résistance des barbares, la nature du sol et l’inclémence du climat214. »
Au nord de la Loire
Les contrées au-delà du limes
89Dans la littérature latine les descriptions de paysages hivernaux, rares du reste, sont la plupart du temps associées à la peinture de terres étrangères où la longueur et l’intensité de la morte saison sont assimilées à la barbarie215. Les contrées septentrionales du monde romain se caractérisent par des hivers particulièrement spectaculaires, au froid remarquablement intense, transformant le paysage en un vaste champ de neige.
90La description au Ier siècle après J.-C des terres du nord de l’empire évoque bien la confrontation de deux mondes. Au nord de la Gaule, la terre est fertile et offre l’agrément d’immenses forêts216. Dans la Guerre des Gaules par exemple, le mot silva et ses dérivés sont employés 61 fois217. Or il s’applique 12 fois à la Grande Bretagne, 8 fois au territoire d’outre-Rhin, 32 fois au territoire qui va de la Belgique actuelle jusqu’à la rive gauche du Rhin vers l’est, mais 10 fois seulement aux territoires situés plus au sud ou plus à l’ouest. Jamais le mot n’apparaît dans la campagne d’Armorique. Dans la plupart des cas il s’agit de bois au milieu d’un paysage découvert. En réalité les seules véritables forêts, que César décrit d’ailleurs longuement, sont la forêt d’Ardenne qui va du Rhin jusqu’à la région des Rèmes (Reims), la forêt qui sépare les Ménapes218 des Morins, la forêt de Bacenis, entre les Suèves et les Chérusques sur la rive droite du Rhin moyen et la forêt hercynienne qui s’étend en Germanie sur la rive du Danube219.
91En Germanie par contre, « les nombreux fleuves rendent [le pays] difficile à parcourir, les nombreuses montagnes malaisé, les forêts et les marécages en grande partie impraticable220 ». Tacite n’évoque pas autrement en 98 les régions d’outre-Rhin. La géographie sert les desseins de l’administration romaine et justifie les entreprises impériales221.
92La géographie plinienne met en avant, outre les curiositates, la supériorité politique et culturelle des pays tempérés. La Germanie s’oppose, avec ses déserts, ses forêts impénétrables et ses fleuves infestés de pirates, à la Narbonnaise romanisée222. C’est dans les pays froids que l’on trouve les loups les plus vigoureux et féroces223. Chez les auteurs chrétiens, la faune continue d’être un marqueur de la sauvagerie des contrées lointaines. La Germanie, chez Isidore puis chez Raban Maur, est éternellement cette province peuplée de bisons furieux, d’aurochs et d’élans224. Au XIe siècle, Adam de Brême étonne le lecteur par la description des contrées scandivaves comme la Norvège peuplée de renards et de lièvres noirs, de martres et d’ours blancs, « et bien d’autres sujets d’étonnement [qui] s’offrent là-bas à la curiosité des gens de chez nous225 ».
Des mœurs barbares et sauvages
93La vie des Gaulois apparaît tout à fait singulière à Jules César. Il observe notamment que leurs habitations sont entourées de bois et que, même dans la région des forêts d’Ardenne, ils recherchent la proximité d’une forêt ou des eaux courantes pour éviter la chaleur226. Dans le nord de la Gaule, certains auteurs se plaisent à penser que la sauvagerie des mœurs fut atténuée par la conquête. Les sacrifices humains, devenus uestigia feritatis, appartiennent au passé chez ces peuples fiers mais toujours superstitieux227.
94Par contre, les mondes barbares situés au-delà du Rhin sont le séjour d’habitants hors du commun qui ajoutent à leur sauvagerie native des exercices physiques qui les accoutument en permanence à l’effort et surtout au froid228. L’aspect sauvage de leurs coutumes est illustré selon Mela par la nudité de leur torse même en hiver229, leur goût pour la nage et la guerre, et par le brigandage qui représente l’essentiel de leur activité économique. La disgrâce particulière des peuples germaniques était due probablement aux relations militaires difficiles, pour lesquelles les récits successifs insistent sur la dureté du milieu et la sauvagerie des hommes. La contrée septentrionale est rarement citée en exemple ; c’est la plupart du temps un repoussoir de la culture romaine. Cette germanophobie est ravivée à Rome après les guerres de 70230.
95Cette tension entre ces deux peuples a suscité un ouvrage, la Germanie de Tacite. Il devait répondre à une question claire : qu’est-ce qu’un Germain ? Avec cet opuscule le lecteur disposait d’une étude méthodique sur un peuple déterminé231. Tacite énonce plusieurs aspects positifs de leur culture : simplicité de la vie, conduite conforme à la nature, force d’âme, solidarité familiale, dignité du mariage, fierté du caractère et amour de l’indépendance qui rappellent les mores romani d’autrefois. Sans parler de la uirtus guerrière poussée très loin chez les Chattes en particulier et qui fait des Germains un peuple dangereux. Car malgré ces points positifs, ils n’en restent pas moins des barbares et le propos de Tacite, comme de tous les Romains qui ont écrit sur les peuples extérieurs, est de le démontrer232.
96Isidore de Séville reprend dans ses Étymologies le rapport entre les mœurs et le climat que reconnaissaient les Romains. La physionomie des hommes, leur teint, leur morphologie et surtout la diversité de leurs tempéraments dépendent de la variété des climats233. Ainsi les peuples germaniques, endurcis par les froids les plus cruels, ont des mœurs qui découlent de la rigueur même du climat234. Les Étymologies énumèrent à propos des Thraces toutes les tares que leur attribuaient déjà les anciens. Leur nom vient de leurs mœurs : parce qu’ils sont féroces (truces), on les appelle les Thraces (Traces). L’évêque de Séville rappelle alors qu’ils sont considérés comme les plus cruelles parmi toutes les nations, en résumant tout ce que l’on pourrait en dire par un seul critère : ils immoleraient les captifs à leurs dieux et auraient eu l’habitude de boire du sang humain dans des crânes235. Ainsi cette forme d’anthropophagie est la preuve de leur grande sauvagerie associée à un paganisme aux pratiques particulièrement spectaculaires. Les rites sacrificiels continuent de caractériser les peuples les plus sauvages. Ils sont mentionnés pour les Frisons dans la vita Vulframni236. Ce ne sont pas des topoi du genre hagiographique. La lex Frisionum confirme l’existence de ces pratiques : certains meurtres d’enfants ont un caractère licite237. L’archéologie est venue confirmer ces mises à mort rituelles lors de fouilles dans les tourbières du Jutland ou du Schleswig-Holstein, où ont été retrouvées des victimes présumées de ces cérémonies238. Plus au nord encore, au temps de Thietmar de Mersebourg les Danois du Sjaelland célèbrent des sacrifices tous les neuf ans239. Adam de Brême signale aussi les sacrifices perpétrés par les Suédois dans le grand sanctuaire d’Uppsala240.
Nouvelles terres sauvages
97Comme l’a montré Yves-Albert Daugé, dans l’univers byzantin, comme dans le monde occidental, sous des formes nouvelles, la romanité reste une source majeure d’inspiration et sa conception de la barbarie remaniée mais toujours reconnaissable poursuit son étonnante carrière241. Ainsi, par cette manière d’envisager le barbare, la limite avec le monde civilisé change avec le temps. Ceux qui ont été barbares jadis deviennent civilisés242. Lorsque l’évangélisation semble avoir porté ses fruits en Gaule, les terres de missions se décalent plus au nord. Les confins du royaume des Francs, et au-delà, sont les nouveaux espaces sauvages qu’il convient de civiliser243. Paulin, futur évêque de Nole, adresse en 398 à l’évêque de Rouen Victrice une lettre dans laquelle il évoque le pays des Morins, entre la Manche et la mer du Nord, sauvé de la sauvagerie par l’évangélisation :
« Nous avons vu la même chose dans la terre des Morins, qui est au bout du monde, battue par les flots barbares de l’océan frémissant. Ces peuples de nations éloignées vivaient dans de sombres cachettes, sur la voie sablonneuse de la mer, bien au-delà du Jourdain, avant que l’on eût civilisé les marches désertiques. Ils se réjouissent aujourd’hui que tu aies fait naître chez eux la lumière du Seigneur ; ils ont perdu l’âpreté du cœur en laissant entre le Christ. Autrefois les barbares ou les brigands indigènes occupaient le désert des forêts et des rivages, aujourd’hui le chœur vénérable et angélique des saints célèbre la louange de Dieu dans les villes, les bourgades, les îles, les forêts où ils ont établi églises et monastères peuplée de nombreux fidèles244. »
98Le très romain Sidoine Apollinaire évoquait au Ve siècle les barbaries totas Arctos245. Raoul Manselli a montré à propos des peuples imaginaires de Gog et Magog le symbolisme souvent négatif du monde du nord pour les Occidentaux du haut Moyen Âge246. Lorsque la pensée traditionnelle s’est éteinte, la pensée chrétienne, sans la moindre interruption, et même sans difficulté, s’est trouvée pleinement en mesure de la relayer. Salvien de Marseille a traité vers le milieu du Ve siècle, la barbarie et la civilisation d’une manière très lucide et impartiale, au point qu’on a pu le considérer comme un anti-romain247. Pourtant les barbares sont toujours présentés d’une manière semblable aux jugements de la Germanie de Tacite : les qualités d’une part qui contrastent avec la corruption romaine du moment ; d’autre part tous les défauts ordinaires des peuples incultes, puisant dans le même lexique de la barbarologie, feritas, ferocia, belli furor, impotentia248…
99Il est étonnant pourtant de lire dans les Étymologies de Isidore de Séville des mœurs féroces à des peuples de l’Europe du nord, apparemment sans rapport avec l’actualité des peuples installés au VIIe siècle. Tout laisse penser que l’évêque de Séville n’a qu’une connaissance très vague des nations germaniques, en tout cas nettement moins développée que ses prédécesseurs latins. Le caractère livresque de ses remarques est particulièrement visible lorsqu’il énumère des peuples germaniques qui ont désormais fusionné249. Les Francs ne sont guère mieux considérés par l’évêque de Séville qui use de propos anachroniques : « Il règne en effet parmi eux des mœurs déréglées, une violence naturelle des esprits250. » L’usage du présent prouve le souci de maintenir le caractère actuel de ses arguments.
100Cette tradition des érudits du haut Moyen Âge à reprendre les textes des anciens, aboutit à des décalages encore plus surprenants. Au IXe siècle, Raban Maur reprend à la lettre les paragraphes de l’évêque de Séville sur les Germains, les Francs et les autres peuples de l’Europe nord occidentale, sans rien actualiser251. La description des terres de sauvagerie semble ainsi figée tout au long de la période, reproduisant une vision du monde encore romanocentrique. Parallèlement, d’autres auteurs conçoivent cette tension entre la conception d’un espace éternel et l’appréhension d’une réalité changeante, comme le remarque Patrick Gautier Dalché. Il constate au IXe siècle le désir d’écrire des ouvrages de géographie descriptive pour pallier des modèles antérieurs devenus inadaptés aux réalités contemporaines252. Les Versus de Asia et de Universi Mundi Rota, vers écrits au VIIe ou VIIIe siècle en milieu franc, semblent déjà tenir compte de ces changements, tout en puisant abondamment dans les notices d’Isidore de Séville253. La Gaule notamment occupe une place plus importante dans la description de l’Europe. Elle y est divisée en cinq régions : la Gaule Belgique ubi sunt villas regales, la province de Lugdunum terre des Burgondes, la Neustrie, l’Aquitaine et la terre des Wascones254.
101D’autres sources montrent que la géographie des terres barbares a tout de même changé. À la fin du VIe siècle, Grégoire de Tours n’a plus la même vision des Francs255. Après avoir fait appel aux auteurs plus anciens, il évoque les premiers rois en des termes plutôt flatteurs. Ces rois chevelus appartenaient à la plus noble famille de leur race. Il ne peut passer sous silence le passé païen des Francs, mais c’est pour mieux installer le récit des événements jusqu’au fameux baptême de Clovis. La nation franque n’est plus une nation de sauvages irrécupérables256. Le chapitre 10 du deuxième livre, qui s’ouvre sur l’évocation du paganisme des Francs, s’apparente à un discours de missionnaire en campagne d’évangélisation257.
Diplomatie, religion et sauvages
102Chez des auteurs comme Grégoire de Tours au VIe siècle, Frédégaire et les continuateurs aux VIIe et VIIIe siècles, ou encore Eginhard et Ermold le Noir au IXe siècle, la désignation des peuples étrangers comme étant cruels, barbares ou sauvages est conditionnée par les relations entretenues avec leur propre civilisation. En 734, Charles Martel doit préparer une expédition navale contre la « très cruelle (dirissima) nation de marins que sont les Frisons258 ». Il doit mâter ensuite la rebellion des Saxons (gens seuissima), ces païens entre tous (paganissimi), en livrant au carnage la majeure partie de cette « très sauvage région259 ».
103Dans le Poème sur Louis le Pieux, Ermold dresse un portrait plutôt flatteur des Danois. C’est un peuple rapide, léger et habile aux armes. Son mode de vie, qui l’apparente pourtant à une population nomade, ne suscite aucune remarque déplaisante260. Ermold écrit cela juste avant l’épisode du baptême du roi des Danois. Tout dans la description tent à montrer que c’est un peuple réceptif au message évangélique et que les relations avec les Francs sont amicales261. Ermold dit encore qu’ils sont beaux, une manière de flatter la nation franque qui a la réputation d’en descendre.
104À mesure que les centres de culture et de pouvoir se décalent vers le nord de l’Europe, les terres barbares de l’Europe occidentale se « septentrionalisent ». En lisant Grégoire de Tours, on a l’impression qu’il vit dans une région pleinement christianisée. Il n’évoque le paganisme qu’au sujet des terres de la Gaule du Nord, des montagnes et des forêts bordant le Rhin et la Moselle. La vita sancti Amandi, écrite sans doute vers la fin du VIIIe siècle, décrit des populations féroces et païennes au nord de la Neustrie, dans la Belgique actuelle :
« Cette région se trouvait à tel point prise dans les filets du diable que ses habitants, négligeant Dieu, honoraient les arbres et les morceaux de bois, qu’ils avaient des temples et adoraient des idoles. A cause de la violence de cette race et de l’infécondité de la terre, tous les prêtres s’étaient soustraits à la prédication en ces lieux et personne n’osait y annoncer la parole du seigneur262. »
105Presque à la même époque saint Boniface rapporte les pratiques païennes observées en Germanie en cours d’évangélisation dans plusieurs de ses lettres263. La pastorale entreprise dans ces terres de mission est mise au point par les Anglo-Saxons qui évangélisent la Germanie au VIIIe siècle. Pour gagner les Germains au christianisme, Boniface applique les conseils que lui donne Daniel, évêque de Winchester. Le prédicateur doit montrer qu’il n’ignore pas les doctrines païennes. Il doit faire parler les Germains de leurs dieux et les amener à constater l’invraissemblance de leurs croyances. Il oppose alors la prospérité des chrétiens à la pauvreté des païens relégués dans les contrées désertiques et glaciales264. Sous Charlemagne, ce sont les Saxons qui représentent la forme la plus achevée du peuple voisin sauvage et dangereux265. Eginhard en dresse un portrait dans la vita Karoli, qui reprend tous les critères classiques de la descriptio genti :
« Les Saxons, comme presque toutes les nations de Germanie, étaient d’un naturel féroce ; ils pratiquaient le culte des démons, se montraient ennemis de notre religion, et ne voyaient rien de déshonorant à violer ou transgresser les lois divines et humaines266. »
106Il n’est plus question alors des valeurs positives exposées dans les Étymologies, que l’on retrouve d’ailleurs au IXe siècle dans le De universo267. Le contexte est celui des guerres saxonnes268. Pendant toute la période qui voit s’affronter Francs et Saxons, ces derniers ne sont considérés que par des traits péjoratifs, la perfidia saxonum devient un lieu commun269. Les caractères négatifs des Saxons sont étroitement associés à leurs pratiques religieuses270. Le capitulaire saxon de 785 condamne, selon une formulation éprouvée dans les canons des conciles mérovingiens, les cultes des sources et des arbres271. La magie et la sorcellerie pratiquées par les populations en marge du monde chrétien sont la preuve d’une plus grande sauvagerie. Le Capitulare de partibus Saxoniae (775-790) aggrave leur cas en évoquant les sorcières anthropophages272. Les Saxons sont également réputés croire en l’existence des loups-garous273.
107Au XIe siècle, Adam de Brême actualise l’image de la Saxe désormais chrétienne. Le tableau est devenu favorable : « La Saxe est célèbre pour ses hommes, ses armes et la richesse de ses terres… (le sol) est partout propre aux cultures, aux pâtures et à la forêt… Un grand nombre de cours d’eau, aussi beaux que bienfaisants irriguent abondamment le pays274. »
108Le peuple aux caractères sauvages reconnus est un peuple étranger par excellence. À l’inverse, l’étranger n’est pas systématiquement lié à l’idée de sauvagerie275. Lorsque le contact avec les peuples étrangers se fait à l’occasion d’un voyage, la description qu’on en fait s’apparente à un récit ethnographique, à la manière de Tacite. À l’époque carolingienne, les auteurs utilisent principalement l’argument de la différence religieuse, le véritable étranger étant d’abord celui qui est étranger par la foi276. Cependant Ermold le Noir est relativement indulgent pour les Maures. Pour lui, ces infidèles qui ne connaissent pas le Christ et qui refusent d’adhérer à la religion chrétienne ne manquent ni de fierté ni de valeur guerrière. Lors du siège de Barcelone, conduit par un chef courageux, Zado, ils combattent jusqu’à ce que, épuisés par le siège, ils soient obligés de s’incliner devant la supériorité des Francs à qui ils ouvrent finalement les portes de la ville277. Il en va tout autrement des Bretons :
« Cette nation perfide et insolente a toujours été rebelle et dénuée de bons sentiments. Traîtresse à sa foi, elle n’est plus chrétienne que de nom : car d’œuvres, de culte, de religion, plus de trace. Nul égard pour les enfants, ni pour les veuves, ni pour les églises ; le frère et la sœur partagent le même lit ; le frère prend l’épouse du frère ; tous vivent dans l’inceste et dans le crime. Ils habitent les bois et installent leurs couches dans les fourrés. Ils vivent de rapt, semblables à des bêtes sauvages. Chez eux n’existe nul asile pour la justice, et les règles du droit sont bannies278. »
109Ermold ne reconnaît à ce peregrina gens aucune des qualités qu’il prête aux Maures. Cette attitude n’est pas nouvelle279. Elle explique le parti pris de Grégoire de Tours en faveur des Francs païens et son aversion pour les Goths ariens. À la périphérie de l’étrangeté, le critère religieux est déterminant, il conduit à préférer le païen au chrétien hérétique ou au pseudo-chrétien280. D’où ce glissement aux Ve-VIe siècles pour les Germains francs devenus fréquentables.
Les populations nomades
110L’horreur surgit lorsque ces peuples de la périphérie déferlent sur un monde qui se croyait à l’abri. Ammien Marcellin, historien du IVe siècle, décrit les Huns dans un passage célèbre et maintes fois commenté de son Histoire romaine. C’est un véritable inventaire de caractères de peuples sauvages : scarifications cruelles, physique disproportionné, aliments sauvages et crus, absence d’organisation sociale281…
111Deux siècles plus tard, Jordanès, dans son Histoire des Goths, trouve des arguments plus accablants encore. Les Huns seraient issus d’une union contre nature entre certaines sorcières chassées par les Goths des terres de Scythie et des « esprits immondes » qui « les ayant vues errer dans la solitude, se mêlèrent à elles par leurs embrassements et donnèrent naissance à cette race féroce ». Quant à leur aspect, ils présentaient une face « horriblement noire ». Ce n’était pas une figure humaine, mais une masse informe, offrant des points lumineux plutôt que des yeux282. Encore au Xe siècle, Widukind de Corvey, s’appuyant sur la description des Huns par Jordanès, développe un paragraphe consacré aux Avares. On y retrouve les caractères que l’on attribue habituellement à ces peuples nomades283.
112Les nomades représentent la société barbare typique, antithèse absolue de la civilisation284. Parcourant sans fin d’immenses étendues285, les nomades sont en quelque sorte les victimes des pièges de l’espace. Apparemment libres de leurs mouvements, ils sont en fait prisonniers d’un univers où tout se répètent indéfiniment, sans point de départ, ni point d’arrivée. Ils n’ont aucun sens de la limite, de la mesure, de la forme286. Ils vivent comme des troupeaux de bêtes sauvages, hostiles entre eux. Le terme qui revient le plus souvent pour caractériser les mœurs et la mentalité des Huns, comme d’autres peuples nomades tels les Scythes, les Alains, est celui de feritas. Car il suggère tout ce qui est étranger à l’homme. Il n’en va pas de même pour les Normands dans les sources du IXe siècle. Celles-ci ne s’attardent guère sur l’aspect physique, les mœurs ou le régime alimentaire. Ces peuples sont par ailleurs connus depuis un certain temps : les Occidentaux commercent avec eux, lorsqu’ils ne s’adonnent pas à la piraterie. Les auteurs chrétiens sont davantage sensibles aux ravages et aux actes d’impiété dont les hommes du Nord se rendent coupables lors des raids.
113La manière de s’habiller témoigne également de la barbarie des peuples nomades : l’utilisation qu’ils font des peaux de bêtes révèle à la fois leur incapacité à se fabriquer des vêtements qui conviennent à des hommes, et les profondes affinités qui les relient au monde animal. Il y a surtout le rôle important que tient la viande, signe incontestable de feritas. D’ailleurs, il n’y pas loin du carnivore au cannibale, et c’est justement parmi les nomades que l’on trouve le plus d’anthropophages, manifestation la plus abominable de leur bestialité.
114La notion de barbarie sert à décrire le monde extérieur et permet aux Romains, comme aux chrétiens ensuite, de se situer face aux autres mondes287. On a l’idée que la barbarie n’est pas seulement liée au pays que l’on habite, la langue que l’on pratique ou la culture si originale soit-elle, mais c’est aussi un état inférieur de l’être, avec des traits de caractère comme la sauvagerie, l’inhumanité, et des mœurs qui en découlent : les sacrifices humains représentant le degré ultime de la barbarie-sauvagerie la plus profonde288.
Conclusion
115Les formules stéréotypées récupérées dans toute la littérature antique permettent aux auteurs chrétiens de dépeindre le monde sauvage, mieux que les ouvrages encyclopédiques. En retour ce monde sauvage repensé offre de bonnes images au service du discours moral des clercs. L’Église a aussi cherché dans ses propres livres, la Bible d’abord mais aussi toute la littérature exégétique, des motifs inspirés de la nature sauvage. Le succès de ces représentations symboliques du sauvage tient au fait qu’elles se nourrissent à la fois des origines païenne et chrétienne.
116Remarquons également que cette vision n’est pas forcément négative. Ce n’est pas seulement une nature devenue hostile et mauvaise après la chute d’Adam. Le temps qu’il fait, les forêts, les bêtes sauvages sont présentés de manière positive lorsqu’il s’agit notamment d’évoquer l’ensemble de la Création ; on y retrouve alors quelque chose du cosmos des penseurs grecs.
117À la lecture de la littérature antique, les chrétiens imaginent dans les espaces de l’incultum un paganisme vivace qu’il faut combattre. Aussi n’est-il guère surprenant de voir que ces mêmes chrétiens projettent sur les terres lointaines des valeurs semblables. Les terres des barbares sont des terres sauvages : le climat, les bêtes qui y vivent, les mœurs des habitants, tout contribue à rendre ces terres hostiles. À l’époque romaine, outre la géographie des lieux, les critères sociaux étaient déterminants pour marquer l’altérité. Au haut Moyen Âge, et plus particulièrement à l’époque carolingienne, ces critères sont supplantés par le référent religieux. Les terres sauvages sont celles où les peuples ne connaissent pas encore le christianisme.
Notes de bas de page
1 White Lynn, « The Historical Root of our Ecologic Crisis », Science, vol. 155, no 3767, mars 1967, p. 1203-1207.
2 Philippe Depreux vient de rappeler l’importance de cette littérature dont l’étude ne fait que commencer. On peut en attendre beaucoup pour le renouvèlement de la médiévistique. Depreux Ph., « Ambitions et limites des réformes culturelles à l’époque carolingienne », RH, 623, juillet-septembre 2002, p. 721-754.
3 Ésope, Fables, Chambry E. (éd.), Paris, 1927. Hausrath A., Corpus fabularum Aesopicarum, 2 vol. , Teubner, Leipzig, 1957-1959. Nøjgaard M., La fable antique, 2 vol. , Copenhague, 1964-1967. Hervieux L., Les fabulistes latins depuis le siècle d’Auguste, jusqu’à la fin du Moyen Âge, Paris, 1884, t. I, p. 28.
4 Avianus, Fables, 16, Gaide F. (éd.), Paris, 1980, p. 94-95.
5 Ibid., 41, p. 123-124.
6 Même si cette œuvre est surtout diffusée au bas Moyen Âge, elle est non seulement connue dès le haut Moyen Âge mais elle est aussi au programme des plus jeunes élèves dans les écoles du IXe siècle. Cf. Gaide F., Introduction, op. cit., p. 52-57. Voir aussi Goldschmidt A., An early Manuscript of the Aesop Fables of Avianus, Princeton, 1947.
7 Michel Zink signale qu’il eut un énorme succès et rappelle que si l’œuvre de Phèdre tombe dans l’oubli à la fin de l’époque carolingienne, on connaît deux recueils de fables du Xe siècle, l’Ésope de Wissembourg et l’Ésope d’Adémar. Zink M., « Le monde animal et ses représentations dans la littérature du Moyen Âge », Le monde animal et ses représentations au Moyen Âge (XIe-XVe s.), Toulouse, 1985, p. 63.
8 Cité par Mâle É., L’art religieux du XIIe siècle en France, Paris, 1940, p. 337 (manuscrit conservé actuellement à la cathédrale de Noyon).
9 Musset L., La tapisserie de Bayeux. Œuvre d’art et document historique, Paris, 1989.
10 Aulu-gelle, Nuits attiques, livres I à XIII, Marache R. (éd.), Paris, 1967-1978. Livres XVI-XX, Julien Y. (éd.), Paris, 1998, V, 14, 1-30, p. 22-25. Ce récit fut amplifié par les hagiographes pour en faire un des thèmes de prédilection des vies de saint, copié sur le modèle de la vie de Mammès, martyr de Cappadoce. Les Vies de saint Mammès sont nombreuses au haut Moyen Âge, dont une de Walahfrid Strabon (MGH Poet. II, Berlin, nouv. éd. 1964, p. 275-296). Brooke M., « The Prose and Verse Hagiographie of Walahfrid Strabon », Charlemagne’s Heir. New perspectives on the Reign of Louis the Pious (814-840), Godman P., Collins R. (éd.), Oxford 1990, p. 551-564. Sur le thème du fauve reconnaissant, voir Chatillon F., « La reconnaissance du lion. Contribution à l’étude d’un thème littéraire acclimaté dans l’Occident latin », RMAL, XXXVI, no 1-2, 1980, p. 5-13.
11 Macrobe, Saturnales, 2 vol., Burnecque H., Richard F. (éd.), Paris, 1936-1937.
12 Curley M. J., « Physiologus, Phusiologia and the rise of christian nature symbolism », Viator, Medieval and Renaissance Studies, 2, Los Angeles, 1980, p. 1-10.
13 À propos du lion, cf. Jäckel Dirk, Der Herrscher als Löwe, Ursprung und Gebrauch eines politischen Symbols im Früh-und Hochmittelalter, Cologne, Weimar, Vienne, 2006.
14 Grégoire de Tours, Decem libri…, IV, 9, p. 139.
15 Césaire, Sermon 86, 1, Courreau J. (éd.), Paris, 2000, p. 155-157.
16 Riché P., « La pastorale populaire en Occident, VIe-XIe siècles », Histoire vécue du peuple chrétien, Delumeau J. (éd.), Toulouse, 1979, p. 195-221.
17 Chrodegang de Metz, Regula canonicorum, PL 89, col. 1094.
18 Defensor de Ligugé, Liber scintillarum, Rochais H. (éd.), Paris, 1961 (vol. I), p. 308.
19 Ibid., vol. ii, p. 182.
20 Ibid., vol. ii, p. 284.
21 Cf. Brunhölzl F., Histoire de la littératre latine du Moyen Âge, t. 1, p. 142-144.
22 Pierre-Jacques Dehon donne une remarquable illustration d’une telle démarche à partir du thème de l’hiver, et en ne concentrant son analyse que sur les poésies. Dehon P.-J., Hiems Latina. Étude sur l’hiver dans la poésie latine, des origines à l’époque de Néron, Bruxelles, 1993. L’auteur remarque notamment que l’importance donnée à l’hiver varie en fonction des genres littéraires. Ce qu’il en dit s’applique d’ailleurs aux évocations de la nature sauvage : marginal dans les comédies, le thème est plus fréquent dans la poésie scientifique et didactique.
23 C’est sans doute dans cette activité de copie des « classiques » que l’expression « Renaissance carolingienne » est la plus justifiée. Villa C., « I classici », Lo spazio letterario del Medioevo, Cavallo G., Leonardi C., Menestro E. (éd.), t. 1, Il medioevo latino, vol. 1/1, Rome, 1992, p. 479-522. Reynolds L. D., Texts and transmission. A survey of the latin Classics, Oxford, 1983.
24 Curtius E. R., La littérature européenne et le Moyen Âge latin, Paris, 1956, p. 562.
25 Martial, Épigrammes, I, Izaac H. J. (éd.), Paris, 1930-1933.
26 Auxquels il faudrait ajouter le thème important de la mer que j’ai choisi de laisser en dehors de mon étude. Cf. sur ce thème dans l’oeuvre de Raban Maur Perrin J.-L., « La mer dans l’œuvre de Raban Maur. Quelques aperçus tirés de l’In honorem sanctae crucis et du De rerum naturis », Les religieux et la mer, Histoire médiévale et archéologie, CAHMER 16, 2004.
27 Voisenet J., « Violence des bêtes et violence des hommes », La violence dans le monde médiéval, Sénéfiance, no 36, Aix-en-Provence, 1994, p. 561-570.
28 Dans la mythologie grecque, le déluge provoque une modification du relief de la Grèce et les rescapés sont à l’origine des grandes races helléniques. Cf. Rudhardt J., Le thème de l’eau primordiale dans la mythologie grecque, Berne, 1971, p. 113.
29 Genèse 9, 2-4.
30 Soler J., « Sémiotique de la nourriture dans la Bible », Annales ESC, juillet-août 1973, p. 954.
31 Déléani-Nigoul S., « Les exempla bibliques du martyre », Le monde latin antique et la Bible, Fontaine (éd.) J., Pietri C., Paris, 1985, p. 249.
32 Pausanias, Périégèse, I, 27, Carevitz M., Jost M. (éd.), Paris, 2000.
33 Lévitique XXVI, 21-22.
34 Cf. Grégoire de Tours, De virtutibus sancti Martini, II, 17, MGH SSRM I, p. 614.
35 Dhuoda, Manuel pour mon fils, Riché P. (éd.), Paris, 1991 p. 102.
36 Augustin, La cité de Dieu, XX, c. 24, Combes G. (éd.), CSEL 40.
37 Ibid., XX, 22.
38 Dans un de ses poèmes, Venance Fortunat rassemble tout ce qui évoque l’élévation, la montagne, l’arbre, le ciel. Fortunat, Carmina III, 7, v. 1-4, Reydellet M. (éd.), Paris, 1998, p. 95.
39 Grégoire le Grand, Règle pastorale, III, 27, Judic B., Rommel F., Morel C. (éd.), p. 452.
40 Grégoire le Grand, Dialogues, IV, 3, 1, Vogüé A. (de), Antin P. (éd.), Paris, 1980, p. 22-24.
41 Dhuoda, Manuel pour mon fils, p. 214.
42 Sauvage A., Études de thèmes animaliers dans la poésie latine. Le cheval et les oiseaux, Latomus 143, Bruxelles, 1975. Il note qu’en outre « la poésie est aussi silencieuse sur les dangers que font courir aux oiseaux de la basse-cour les belettes, les renards » (p. 134). Il s’agit donc bien d’une tradition littéraire, devenu un topos, et non le fruit de l’observation.
43 Isidore, Étym. XII, 7, PL 82, col. 101.
44 Pastoureau M., « Quel est le roi des animaux ? », Le monde animal et ses représentations au Moyen Âge (XIe -XVe s.), Toulouse, 1985, p. 133-142.
45 Physiologus, versio Y et B, VIII. Cf. Voisenet J., Bêtes et hommes dans le monde médiéval. Le bestiaire des clercs du Ve au XIIe siècle, Turnhout, 2000, p. 120.
46 Raban Maur, De universo, VIII, PL 111, col. 243.
47 Cassien, Conférences, v 20, PL 49, col. 636.
48 Comme le rappelle Raban Maur. (op. cit. col. 243).
49 Raban Maur, op. cit., VIII, col. 244.
50 Cf. Voisenet J., Bêtes et hommes…. op. cit., p. 120.
51 Isidore, Etym., XII, 7, col. 60.
52 Raban Maur, op. cit., VIII, col. 248-249.
53 Ibid., De universo, col. 249.
54 André J., Isidore de Séville, Étymologies, xii, les animaux, p. 19-21.
55 McCulloch F., Medieval Latin and French Bestiaries, Chapell Hill, 1960, p. 18-19.
56 Augustin, De doctrina christiana, II, 24. Marrou H. I., Saint Augustin et la fin de la culture antique, Paris, 1958, p. 139 et suivantes
57 Carmody J.-F., « De bestiis et aliis rebus and the Latin Physiologus », Speculum, XIII, 1938, p. 153-159. Henkel N., « Studien zum Physiologus im Mittelalter », Hermaea, 38, Tübingen 1976. Ayerra Redin M., Guglielmi N., El fisiologo. Bestiario medievila, Buenos Aires, 1971. Jauss H. R., « Rezeption und Poetisierung des Physiologus », Grundriss der romanischen literaturen des Mittelalters, VI, 1-2, 1968-1970, p. 170-181 et 219-230. Cf. Riché P., « Les bibliothèques de trois aristocrates laïcs carolingiens », Le Moyen Âge, 18, 1963, p. 100.
58 Voisenet J., Bestiaire chrétien. L’imagerie animale des auteurs du haut Moyen Âge (Ve-XIe s.), Toulouse, 1994, p. 109 et note 21.
59 André J., op. cit., p. 27.
60 Vincent-Cassy M., « Les animaux et les péchés capitaux : de la symbolique à l’emblématique », Le monde animal et ses représentations…, op. cit., p. 121-132.
61 De Jong M., « Old Law and New-found Power: Hrabanus Maurus and the Old Testament », Centre of learning. Learning and location in Pre-modern Europe and the Near East, Willem Drijvers J., Macdonald A. A. (éd.), Leiden, 1995, p. 161-176.
62 Raban Maur, De Universo, VII, 8, col. 199-200.
63 Les espèces animales sont bien plus nombreuses que les essences végétales (les légumineuses et les fleurs par exemple sont traitées globalement). Surtout Raban Maur propose davantage d’allégories à propos de la faune. Le ratio entre espèce sauvage et espèce domestique est difficile à établir car, s’il existe bien un chapitre consacré aux bestiae regroupant les bêtes fauves, les autres chapitres mélangent des espèces dont certaines vivent à proximité des hommes ou dans leurs maisons (taupe, grillon, grenouille, rat, corvidé, oie, lombric, abeille, mouche, sauterelle…). Du reste, comme nous l’avons vu, la coupure entre ce qui est sauvage et ce qui est domestique n’est pas nette et ne répond pas à la taxinomie moderne. Quant aux végétaux, les arbres notamment, il est tout aussi difficile de les attribuer au domaine sauvage.
64 Cf. Raban Maur, De universo VII, 8, col. 201.
65 Flodoard, Histoire de l’Église de Reims, éd. Lejeune R., Revue du Moyen Âge Latin, t. XLI, 1-2, janv-juin 1985, p. 613.
66 Dictionnaire encyclopédique de la Bible, Centre Informatique et Bible, Abbaye de Maredsous, Brepols, 1987, p. 501.
67 Deuxième livre de Samuel, 18, 8.
68 Sanglier (Psaume 80, 14), ours (Deuxième livre des Rois, 2, 24) lion (Amos 3, 4).
69 Ezéchiel 34, 25.
70 Grégoire le Grand, Homélie sur Ezéchiel, V, 1, Morel C. (éd.), Paris, 1986, p. 174.
71 Raban Maur, XIII, 5, col. 367.
72 Raban Maur, Allegoriae in s. Scripturam, c. 5, PL 112, col. 1054. Voir aussi Augustin, Ennarrationes in Psalmos, Ps. 95, c. 13, Dekkers E., Fraipont J. éd., CCL XXXIX, 1956, p. 1351. Petrocchi M., Il simbolismo delle piante in Rabano Mauro e altri studi di storia medievale, Rome, 1982, p. 11-27. Grégoire R., « La foresta come esperienza religiosa », L’ambiente vegetale nell’alto medioevo, Spolète, 1990, p. 670-675.
73 Paschase Radbert, Expositio in Matthaeumii, 3, PL 120, col. 160. Angélôme de Luxeuil, Enarrationes in Cantica canticorum II, PL 115, col. 589.
74 Raban Maur, XIX, 5, col. 509. Cf. Fortunat, Carmina, V, 2, p. 15. Dhuoda, op. cit., p. 269. Cf. Matthieu 7, 17-20.
75 Dhuoda, op. cit., p. 268.
76 Raban Maur, De universo, XIX, 5, col. 509. Un plat de reliure en ivoire ajouré réalisé à Metz au milieu du IXe siècle montre justement la scène de la Passion avec le Christ en croix et les deux larrons suppliciés sur des arbres cruciformes (BN Paris, Ms lat. 9388).
77 Genèse 2, 9.
78 Raban Maur, XIX, 5, col. 509.
79 Ezéchiel 47, 12.
80 Fortunat, II, 2, v. 22-24, p. 51. Cf. aussi II, 3, p. 52-53.
81 Psaume 103, 16-17.
82 Bède le Vénérable, In psalmorum librum exegesis, PL 93, col. 1008.
83 Bède, op. cit., PL 93, col. 1009.
84 Raban Maur, XI, PL 111, col. 325-330.
85 Grégoire le Grand, Règle pastorale III, 11, p. 318.
86 Grégoire le Grand, Homélie sur Ezéchiel, III, 18, p. 144.
87 Raban Maur, XI, col. 276.
88 Grégoire le Grand, Règle pastorale, III, 33, p. 498.
89 Éd. Etaix R., « Un manuel de pastorale de l’époque carolingienne ? », Revue Bénédictine, no 91, 1981, p. 127.
90 Grégoire le Grand, Homélie sur Ezéchiel, X, 41, p. 436.
91 Arbéo de Freising, Vita et passio Haimhranni sancti martyris, versio B, p. 32.
92 Grégoire le Grand, Homélie sur Ezéchiel, II, 10, p. 96-97. Le vent comme esprit du mal encore dans l’Homélie, III, 18, p. 145
93 Isaïe, 28, 17. Job 38, 22. Ezéchiel 13, 11-13 ; 38, 22. Isaïe, 28, 2. Psaume 18, 13, Isaïe, 30, 30.
94 Isidore, De natura rerum, xxix, 2, p. 279-281. Cf. Raban Maur, De universo, XI, 20, col. 277.
95 Constance de Lyon, Vita sancti Germani, III, 14, Borius R. (éd.), Paris, 1965, p. 150.
96 Cf. Par exemple Fortunat, Carmina, IV, p. 75. Au IXe siècle, Ermold Le Noir, Poème sur Louis le Pieux, Faral E. (éd.), Paris, 1932, p. 62, p. 70, p. 82.
97 Isidore, De natura rerum, XLVI, 3, p. 321.
98 Cf. Voisenet J., Bêtes et hommes…, op. cit., p. 221-224.
99 Augustin, Sermo LI, 1, 2, PL 38, col. 334.
100 Raban Maur, De universo, VIII, 1, PL 111, col. 226.
101 Dhuoda, Manuel pour mon fils, IV, 1, 68-71. La souricière est encore choisi par l’auteur de la Vita Sigiramni (VIIIe s.), c. 23, MGH SSRM 4, p. 619.
102 Luc 11, 54. Luc 21, 35. Épître aux Romains 11, 9. Timothée 3, 7 ; 6, 9…
103 Grégoire le Grand, Règle pastorale III, c. 20, p. 392.
104 Prudence, Cathemerinon III, v. 41-45, éd. Cunningham M. P., Turnhout, 1966, p. 12. Trad. Charlet J.-L., « Culture et imagination créatrice chez Prudence », De Tertullien aux Mozarabes. Antiquité Tardive et christianisme ancien (IIIe-VIe s.), Paris, 1992, p. 446.
105 Psaume 24, 15 ; 30, 5 ; 90, 3 ou encore Psaume 123, 7.
106 Cf. Rufin d’Aquilée, Historia Monachorum in Aegypto 7, 145, PL 21. Le lacet est l’arme du démon par excellence.
107 La persécution avait imposé une image brutale du démon armé de glaives.
108 Jérôme, Epist. 14, 6.
109 Paulin de Nole, Epistula (23) ad Severum, 14, Skeb M. (éd.), Fontes christiani, 25, 2, 1998, p. 508.
110 Amat J., Songes et visions. L’au-delà dans la littérature latine, Paris, 1985, p. 348-349.
111 Prudence, Cathemerinon III, v. 46-50, p. 12.
112 Le souvenir de Pierre, le pêcheur de Dieu, a longtemps empêché que l’on appliquât à Satan l’imagerie de la pêche. Jacqueline Amat signale que cependant on la rencontre en Orient dans les fragments coptes de l’évangiles de Thomas, qui remontent sans doute au Ve siècle. op. cit. p. 349, note 257.
113 Ambroise, Hexaemeron, v, 6, 16, Schenkl K. (éd.), réimpr. 1964, p. 151.
114 Jean Diacre dit Hymmonide (vers 825-880), diacre romain proche du pape Jean VIII, adapte en vers rythmiques la Cena cypriani (du Pseudo-Cyprien), un récit satirique des noces de Cana mêlé d’allusions contemporaines. Johannis diaconis versiculi de cena Cypriani, v. 212, MGH, Poet. IV, 2, p. 890.
115 Vita Vincentiani, c. 18, MGH SSRM 5, p. 122.
116 Patrick, Conf. 40, dans Confessions et lettres à Coroticus, Hanson R. P. C., Blanc C. (éd.), Paris, 1978.
117 Brunaux J.-L., Les religions gauloises. Rituels celtiques de la Gaule indépendante, Paris, 1996, p. 38-58.
118 Rudhardt J., Notions fondamentales de la pensée religieuse et actes constitutifs du culte dans la Grèce classique, Paris, 1992, p. 21-22.
119 Ibidem, p. 86.
120 Turcan R., Rome et ses dieux, Paris, 1998, p. 62-72.
121 Pline, HN, XXVIII, 267, p. 115.
122 Apulée de Madaure, Apologie, 56-57, 5-6, Valette P. (éd.), Paris, 1924, p. 68-69.
123 Dumézil G., La religion romaine archaïque, Paris, 1966, p. 335-349.
124 Le mot en lui-même est évocateur. Il est admis que Siluanus n’est qu’un des aspects de Faunus, le siluicola Faunus de Virgile (Énéide, 10, 551), cf. Dumézil G., op. cit., p. 340.
125 Virgile, Énéide, VIII, v. 352.
126 Sénèque, Lettres à Lucilius, 41, 3, Préchac F. (éd.), Paris, 1962.
127 Turcan R., op. cit., p. 66.
128 Caton, De agricultura, 83, Goujard R. (éd.), Paris, 1975, p. 64.
129 Ovide, Fastes, IV, v. 747-762, Schilling R. (éd.), Paris, 1993, p. 31.
130 Pomponius Mela, Chorographie, I, 13, Silberman A. (éd.), Paris, 1988.
131 En particulier ceux de Anna Perenna, au premier mille de la Via Flaminia, et de Dea Dia, sur la rive droite du Tibre. Cf. Grimal P., Les jardins romains à la fin de la République et aux deux premiers siècles de l’Empire. Essai sur le naturalisme romain, Paris, 1943, p. 58-59. Pour Pline, ce sont des lieux habités surtout de vieilles superstitions qu’un homme avisé doit dédaigner (Pline, HN, XII, 11, 3).
132 J’emprunte ces expressions à Pierre Grimal, op. cit., p. 179.
133 Aymard J., Essai sur les chasses romaines. Des origines à la fin du siècle des Antonins, Paris, 1951, p. 189-196.
134 Lucain, La Pharsale, III, v. 399-425, Bourgery A. (éd.), Paris, 1947, p. 81-82.
135 Tacite, La Germanie, c. 43, Perret J. (éd.), Paris, 1967.
136 Ibid., c. 40, p. 95
137 Tacite, Annales, I, 60.
138 Tacite, Annales, XIV, 30. Il s’agit d’Anglesey, en mer d’Irlande.
139 Cf. Brunaux J.-L., Les druides. Des philosophes chez les barbares, Paris, 2006.
140 Lactance, Institutions divines, I, c. 22, Monat P. (éd.), Paris, 1986, p. 230.
141 Augustin, De civitate Dei, XV, 23.
142 Martin de Braga, De correctione Rusticorum, 7 et 8, Caspari C. P. (éd.), Christiania, 1883, traduit par Harf-Lancner L., Les fées au Moyen Âge. Morgane et Mélusine. La naissance des fées, Paris, 1984, p. 20-21.
143 Isidore, Étym. VIII, 11, 96 et 97, PL 82, col. 324-325.
144 Ohrt F., « Fluchtafeln und Wettersegen », Folklore Fellows Communications, no 86, 1929, p. 3-16.
145 Maxime de Turin, Sermo, PL 57, col. 733.
146 Isidore, Étym. XVII 6, 7, André J. (éd.), p. 68. Voir aussi Étym. XIV, 8, 30, PL 82, col. 524.
147 Isidore, Étym. XVII 6, 7, p. 68, et note 128 de Jacques André.
148 Augustin, Enarratio in Psalmum ciii, sermo 3, 22, PL 37, col. 1374-1375.
149 Psaume 148, 7-11.
150 Grégoire de Tours, Passio sanctorum martyrum septem Dormientium apud Ephysum, MGH SSRM 1, p. 848. Incidemment, cette précision de la création de la mer par Dieu peut être faite à l’adresse de peuples davantage concernés par le milieu marin. Ainsi dans la Vita Vulframni, la création des trois milieux est évoquée dans le contexte de l’évangélisation des peuples de la Frise. (Vita Vulframni episcopi Senonici, c. 4, MGH, SSRM 5, Hanovre-Leipzig, 1910). Cf. Lebecq S., « Le baptême manqué du roi Radbod », Les espaces du pouvoir. Temps médiévaux, territoires africains, Redon O., Rosenberger B. (éd.), Paris, Vincennes, 1994, p. 141-150 (ici p. 145-146). La reprise d’un credo « complet » (ciel-terre-mer) est de même peut-être liée à l’origine danoise du baptisé dans l’extrait fameux d’Ermold le Noir. Harald récite sa profession de foi devant Louis le Pieux en précisant :… caeli terraeque marisque creantem esse Deum… Ermold, v. 2200-2201, p. 168.
151 Grégoire de Tours, Decem libri…, II, 29, p. 90-91.
152 Piehler P., The visionary landscape: A study in medieval allegory, Londres, 1971, p. 75-77.
153 Cicéron, De Natura Deorum, II, lxiv, Van den Bruweane M. (éd.), p. 215.
154 Trouvé dans l’Essonne et conservé au musée des Antiquités nationales de Saint-Germain-en-Laye.
155 Plaque d’argent à motifs repoussés sur un chaudron de 65 cm de diamètre (Ier siècle avant J.-C.) trouvé en 1880 à Gundestrup (Danemark), Conservé au musée de Copenhague.
156 Prieur J., Les animaux sacrés dans l’Antiquité, Rennes, 1988, p. 102-104. Bas-relief du Pilier des Nautes, hauteur 110 cm. Conservé au Musée de Cluny.
157 « Licinia Sabinilla (a offert) à la déesse Artio ». Hauteur 25 cm. Conservé au musée d’histoire de Berne.
158 Prieur J., op. cit., p. 65-66.
159 Conservé au musée d’Orléans.
160 Conservé au Cabinet des Médailles à Paris.
161 Grenier A., Les Gaulois, p. 301.
162 Calcaire de 25 cm de haut, daté du Ier siècle avant J.-C., trouvé en Haute-Marne et conservé au musée des Antiquités Nationales de Saint-Germain-en-Laye.
163 Conservée au musée de Saint-Germain-en-Laye.
164 Prieur J., op. cit., p. 11-13.
165 À l’exception du lièvre. Mais les Gaulois le considéraient-ils comme du gibier ? Cf. Méniel P., Les sacrifices d’animaux chez les Gaulois, Paris, 1992, p. 38.
166 En particulier dans les sépultures. Le porcs est présent dans presque toutes les sépultures de la nécropole de la « Croisette » à Acy-Romance (?). On y trouve aussi d’autres espèces, domestiques principalement, et quelques espèces sauvages comme le sanglier, l’ours, la perdrix, un canard, un poisson, des batraciens. Cf. Méniel P., op. cit., p. 123.
167 Méniel P., Les Gaulois et les animaux. Élevage, repas, et sacrifice, Paris, 2001.
168 Brunaux J.-L., Les religions gauloises, op. cit., p. 104.
169 Ibid., p. 105.
170 Graillot H., Le culte de Cybèle, mère des dieux, à Rome et dans l’empire romain, 1912, p. 457.
171 Hatt J.-J., « Essai sur l’évolution de la religion gauloise », Revue des Études Anciennes, 1965, I, p. 80-123. Id., « Divinités orientales et dieux gaulois », Paganisme, judaïsme, christianisme. Influences et affrontements dans le monde antique, Paris, 1978, p. 277-286.
172 À côté de ces restes sacrificiels, l’archéologie a révélé l’existence d’ossements de bovidés, de chevaux et même d’hommes conservés à titre de trophées qui étaient, semble-t-il, exposés longtemps dans les sanctuaires. L’interprétation de ces dépôts pose toujours des problèmes. Cf. Brunaux J.-L., Les religions gauloises, op. cit., p. 109-111.
173 Turcan R., « Le sacrifice mithriaque : innovations de sens et de modalités », Le sacrifice dans l’Antiquité, éd. Rudhardt J., Reverdin O., Genève, 1981, p. 347. Beaucoup de mithraea des provinces rhénanes ont été saccagés au cours du IIIe siècle mais on en trouve encore des traces pour le IVe siècle. Turcan R., Mithra et le mithriacisme, Paris, 2000, p. 118-119.
174 Turcan R., Mithra…, op. cit., p. 37-43.
175 Plutarque, De Isis et de Osiris, 46, 369.
176 Turcan R., « Le sacrifice mithriaque… », art. cit., p. 347-348.
177 Voir la discussion qui suit l’intervention de Turcan R., « Le sacrifice mithriaque… », art. cit., p. 379.
178 Porphyre, De l’abstinence, II, 36, Bouffartigie J., Patillon M. (éd.), Paris, 1977.
179 Turcan R., « Les motivations de l’intolérance chrétienne et la fin du mithriacisme au IVe siècle ap. J.-C. », Communication au VIIe congrès de la fédération internationale des études classiques, Budapest 3-8 sept. 1979 ; id., « Le sacrifice mithriaque », p. 358, n. 4.
180 Lactance, Institutions divines, I, xxi, 9, p. 213.
181 Des pratiques dénoncées par Lucain qui exprime ainsi le sentiment des Romains pour les sacrifices humains. Lucain, La Pharsale, I, 444.
182 Lactance, op. cit., I, xxi, 9, p. 213.
183 Porphyre, De l’abstinence, II, 56, 9, op. cit.
184 Grégoire le Grand, Lettres, II, xi, 56, P. Minard (éd.), Paris, 1991.
185 Hilaire de Poitiers, La Trinité, Durand G.-M., Morel C., Pellaud G. (éd.), Paris, 1999, p. 209.
186 Frédégaire, Devillers O., Meyers J. (éd.), 2002, p. 68.
187 Grégoire de Tours, Decem libri…, VIII, 42, p. 354.
188 Frédégaire, op. cit., p. 82.
189 Grégoire de Tours, Decem libri…, X, 29, p. 440.
190 Dequerlor C., Les oiseaux, messagers des dieux, Paris, 1975. Voisenet J., Bêtes et hommes…, op. cit., p. 294-295.
191 Grégoire de Tours, Gl. Mart. 50, p. 522-523.
192 Adam de Brême, Histoire des archevêques de Hambourg, trad. Brunet-Jailly J.-B., Paris, 1998, p. 29.
193 Gautier Dalché P., « La géographie descriptive à Saint-Germain d’Auxerre (milieu IXe-début Xe siècle) », Saint-Germain d’Auxerre. Intellectuels et artistes dans l’Europe carolingienne, IXe-XIe siècles, Auxerre, 1990, p. 270-276.
194 Gautier Dalché P., art. cit., p. 272.
195 Grégoire de Tours, Gl. Mart. 16, 17, 101, p. 498-499 et p. 555.
196 André J.-M., Baslez M.-F., Voyager dans l’Antiquité, Paris, 1993, p. 69-70.
197 Pline, HN VI, 53, p. 31-32.
198 Pline, HN VIII, 227-229 et V, c. 15-26.
199 Dans la Chorographie de Pomponius Mela, écrite vers 43-44, les forêts d’Hyrcanie sont peuplées de tigres, « des animaux sauvages féroces d’une telle rapidité que c’est pour eux chose ordinaire et facile de rattraper un cavalier ». Pomponius Mela, III, 5, 43, p. 79.
200 Isidore, Étym. XIV, 3, 6-7.
201 Isidore, Étym. XIV, 3, 33.
202 Cf. Faral E., « Une source latine de l’histoire d’Alexandre : la lettre sur les merveilles de l’Inde », Romania, 43, 1914, p. 199-215 et 353-370.
203 Cf. Raban Maur, De universo,xii, 4, col. 335. Voir aussi le Situs orbis terre vel regionum, édité et commenté par Patrick Gautier Dalché. Les notices sur l’Inde chez ces deux auteurs sont copiées sur celle d’Isidore de Séville. Gautier Dalché P., « Situs orbis terre vel regionum : Un traité de géographie inédit du haut Moyen Âge (Paris, B. N. Latin 4841) », Revue d’Histoire des Textes, 12-13, Paris, 1982-1983, p. 176.
204 À l’exemple des Chauques sur les rivages de la mer du Nord décrits par Pline, HN, XVI 2-4.
205 Nicolas de Liège, Vita Lamberti, c. 19, MGH SSRM 6, p. 413.
206 Étym. IX, 2, 100, p. 99.
207 Daugé Y. A., Le barbare. Recherches sur la conception romaine de la barbarie et de la civilisation, 1981, p. 482-483.
208 César, La guerre des Gaules. 6, 21, 3, Pline, HN, V, 45 ; VII, 23 ; VI, 191. Tacite, La Germanie, 46, 3. César, op. cit., 4, 10, 4-5.
209 Daugé Y.-A., op. cit., p. 489.
210 Cf. Dodds E. R., Pagan and Christian in an Age of Anxiety. Some aspects of religions experience from Marcus Aurelius to Constantine, New York, 1968, p. 114-115.
211 Florus, Abrégé de toutes les guerres durant 700 ans, Jal P. (éd.), Paris, 1967.
212 Jacob C., Géographie et ethnographie en Grèce ancienne, Paris, 1991, p. 160.
213 Florus, op. cit., 2, 30 (4, 12), 27.
214 Ammien Marcellin, 15, 4, 3.
215 Dehon P.-J., Hiems latina, op. cit., p. 319-320.
216 Pomponius Mela, III, 2, 18, p. 72.
217 Cf. Chevallier R., « Le bois et la forêt dans la Guerre des Gaules », Caesarodunum XXI : Le bois dans la Gaule romaine et les provinces voisines, 1986, p. 112-120.
218 Les Ménapes se retranchent derrière une ligne continue de forêts et de marais. Mais César abat en très peu de temps une vaste clairière pour les déloger. La Guerre des Gaules, 3, 28 et 6, 5.
219 Harmand J., « La Gaule, César et la forêt », Caesarodunum XXI, op. cit., p. 140-160. Id., « Le De bello Gallico témoigne sur la forêt du Belgium méridional », Hommes et terres du Nord, no 2-3, Lille 1986, p. 157-160.
220 Pomponius Mela, III, 3, 29, p. 75.
221 Voir sur la démarche de Tacite dans La Germanie le développement de Y.-A. Daugé, op. cit., p. 247-254.
222 Pline, HN, XVI, 5 et 203 ; X, 32. L’ensemble de sa géographie occupe les livres III à VI. Son œuvre emprunte à ses prédécesseurs comme Poseidonios qui est l’un des auteurs les plus fréquemment utilisés pour la description des peuples de l’Europe occidentale (Ibérie, Gaule), ou encore… il fait par de sa propre expérience, acquise au cours de ses voyages.
223 Pline, HN, VIII, 34, p. 51.
224 Étym. XIV, 4, 4, PL 82, p. 504. Cf. Raban Maur, De universo, XII, col. 348.
225 Adam de Brême, Description des îles du Nord,iv, 32, dans Histoire des archevêques de Hambourg, Paris, 1998, p. 222.
226 César, op. cit., VI, 29-30.
227 Pomponius Mela, III, 2, 18, p. 72. Strabon (Géographie, IV, 4, 5), César (op. cit., VI, 16-2) et Pline (HN, VII, 9) évoquent déjà la cruauté des Gaulois et les sacrifices humains. La source commune est Posidonius. Sur ces questions des sources de la chorographie, Cf. Silberman A., Introduction, p. xxx-xliii, puis, pour la Gaule du Nord et la Germanie en particulier, voir les notes complémentaires, p. 258-269.
228 Pomponius Mela, III, 3, 26, p. 74-75, et note 1, p. 275. Strabon mentionne aussi la sauvagerie native des Germains ; César, Tacite et Sénèque évoquent la résistance physique et le courage de ces peuples.
229 Cette nudité partielle, qui s’oppose à la nudité totale des héros de la civilisation gréco-latine, est un trait spécifique qui marque toutes les figurations du barbare pendant toute l’époque romaine. Cf. Thollard P., « Au-delà du limes : le barbare », L’image de l’autre dans l’Europe du Nord-Ouest à travers l’histoire, Jessenne J.-P. (éd.), Lille, 1995, p. 13.
230 Tacite, Annales, IV, 73-74.
231 Daugé Y.-A., op. cit., p. 251.
232 Daugé Y.-A., op. cit., p. 253. Pohl W., « Telling the difference: signs of Ethnic Identity », Strategies of Distinction. The construction of Ethnic Communities 300-800, Pohl W., Reimitz H. (éd.), Leyden-Boston-Köln, 1998, p. 17-69.
233 Isidore, Étym. IX, 2, 105.
234 Étym. IX, 2, 97.
235 Étym. IX, 82.
236 Vita Vulframni episcopi Senonici, c. 8, MGH SSRM 5, p. 668.
237 Lex Frisionum v, MGH Fontes iuris germanici antiqui in usum scolarum separatim editi, 12, Hanovre, 1982.
238 Cf. S. Lebecq, « Les Frisons entre paganisme et christianisme », Christianisation et déchristianisation, Angers, 1986, p. 21.
239 Thietmar de Merseburg, Chronique, Buchner R. (éd.), Darmstadt, 1970, p. 20-22.
240 Adam de Brême, Gesta, IV, 26-27, Trillmich W. (éd.), Darmstadt, 1961, p. 470-472.
241 Daugé Y.-A., op. cit., p. 377. Cf. aussi Bührer-Thierry G., « Des païens comme chiens dans le monde germanique et slave du haut Moyen Âge », Impies et païens entre Antiquité et haut Moyen Âge, Bouffartigue J., Sot M., Mary L. (éd.), Paris, 2002. Dans le même volume Veyrard-Cosme C., « Le paganisme dans l’œuvre d’Alcuin ». Le Jan R., « Remarques sur l’étranger au haut Moyen Âge », L’image de l’autre… op. cit., p. 25-32.
242 Thollard P., « Au-delà du limes : le barbare », art. cit., p. 16.
243 Bührer-Thierry G., « Étrangers par la foi, étrangers par la langue : les missionnaires du monde germanique à la rencontre des peuples païens », L’étranger au Moyen Âge, Paris, 2000. Wood I., « Missionaries and the Christian Frontier », The Transformation of Frontiers. From Late Antiquity to the Carolingians, Pohl W., Reimitz H. (éd.), Leyde, 2001, p. 209-218.
244 Skeb M. (éd.), Paulinus von Nola, Epistulae, II, lettre xviii, 4, Fribourg, 1998 (Fontes christiani 25), p. 414.
245 Sidoine Apollinaire, Panégyrique d’Avitus, v. 320, Loyen A. (éd.), p. 67.
246 Manselli R., « I popoli immaginari : Gog e Magog », Popoli e paesi nella cultura altomedievale, Spolète, 1983.
247 Sur Salvien de Marseille (vers 400-vers 480), dont l’ouvrage principal est le De gubernatione Dei (vers 445), voir Thouvenot R., « Salvien et la ruine de l’Empire romain », Mélanges de l’École Française de Rome, 38, 1920, p. 145-163.
248 Daugé Y. A., op. cit., p. 376.
249 Reydellet M., Isidore de Séville, Étymologies, livre ix : les langues et les groupes sociaux, Paris, 1984, p. 96, note 132.
250 Isidore, Étym. IX, 2, 101, p. 100.
251 Raban Maur, De universo, XVI, col. 442. Cf. Versus de Asia et de universi mundi rota, MGH, Poet. IV, 2, Berlin, 1964, p. 553-554. Ce poème, tout en reprenant à l’évidence certains passages des Étymologies d’Isidore, apporte des nuances intéressantes qui n’apparaissent pas chez Raban Maur.
252 Gautier Dalché P., « Tradition et renouvellement dans la représentation de l’espace géographique au IXe siècle », Studi Medievali, 24, Florence, 1983, p. 151-165. Voir aussi Paul J., « Pays et peuples dans la correspondance d’Alcuin », Du monde et des hommes, variorum, Aix-en-Provence, 2003, p. 9-44.
253 Versus de Asia et de Universi Mundi Rota, op. cit. Gerberding R. A., The rise of the Carolingians and the Liber Historiae Francorum, Oxford, 1987, p. 26 et suivantes.
254 Auxquelles s’ajoute la terre des Brittones, citée uniquement comme les confins de la Neustrie. op. cit., p. 555.
255 Heinzelmann M., Gregor von Tours. Zehn Bücher Geschichte. Historiographie und Gesellschaftskonzept im 6. Jht, Darmstadt, 1994.
256 Cf. Chauvot A., « Images positives, images négatives des Barbares dans les sources latines à la fin du Ve siècle et au début du VIe siècle ap. J.-C. », Clovis, Histoire et mémoire I, Clovis et son temps, L’événement, Rouche M. (éd.), Paris, 1997, p. 3-14. Scheibelreiter G., « Clovis, le païen, Clotilde, la pieuse. À propos de la mentalité barbare », Clovis, op. cit., p. 349-367.
257 Grégoire de Tours, Decem libri…, II, 10, p. 78.
258 Frédégaire (cont.) 17, p. 220.
259 Frédégaire (cont) 19, p. 222.
260 Ermold le Noir, Poème sur Louis le Pieux, IV, v. 1895-1897, Faral E. (éd.), Paris, 1964, p. 145.
261 Ermold, op. cit., v. 1898-1899, p. 145.
262 Vita sancti Amandi, c. 13, MGH SSRM 5, p. 436.
263 Boniface, Epistula 26, Rau R. (éd.), Darmstadt, 1968, p. 92. Epist. 28, p. 100. Epist. 80, p. 174.
264 Cf. Riché P., « La pastorale populaire en Occident VIe-XIe s. », Histoire vécue du peuple chrétien, Delumeau J. (éd.), Toulouse, 1979, p. 195-221 (ici p. 205).
265 À noter qu’ils n’ont pas bonne réputation à l’époque de Venance Fortunat. Ne les considèret-il pas, dans un poème qui rappelle le baptême des Saxons célébré par Félix de Nantes le jour de Pâques, comme faisant partie d’une « nation farouche vivant presque à la façon des bêtes » ? (Carmina III, 9, v. 103, p. 104). Des groupes de Saxons s’étaient en effet établis sur le territoire de Nantes. Cf. Longnon A., Géographie de la Gaule, p. 173-174. Grégoire De Tours, Decem libri…, II, 19, p. 82.
266 Eginhard, Vita Karoli, Halphen L. (éd.), Paris, nouv. éd. 1981, p. 23.
267 Raban Maur, De Universo,xiv, col. 442.
268 Eginhard, Vita Karoli, p. 23 (à propos des guerres de Saxe).
269 Cf. Annales regni francorum, MGH SRG 6, Hanovre, 1895, année 775, p. 41 ; a. 776, p. 47 ; a. 777, p. 49 ; a. 785, p. 71 ; a. 795, p. 97. C. Veyrard-Cosme a montré que dans l’œuvre d’Alcuin les païens, en particulier les Saxons mais aussi les Avars, sont définis par des substantifs tels que duritia, feritas, fortitudo, et des adjectifs comme caecus, durissimus, formidabilis, infelix, superbissimus. Veyrard-cosme C., « Le paganisme dans l’œuvre d’Alcuin », Impies et païens, op. cit., p. 128.
270 Bührer-thierry G., « Des païens comme chiens… », art. cit., p. 183.
271 Capitulatio de partibus saxoniae 21, MGH Capit. I, p. 69.
272 Ibidem 6, p. 68.
273 Pseudo-Boniface (673-754), Sermo XV, PL 89, col. 870.
274 Adam de Brême, Histoire des archevêques de Hambourg, livre I, op. cit., p. 25-26.
275 Le Jan R., « Remarques sur l’étranger au haut Moyen Âge », art. cit., p. 23-32.
276 Bührer-thierry G., « Étrangers par la foi… », art. cit., p. 260-263. Wood I., « Missionaries… », art. cit., p. 218.
277 Ermold, op. cit., v. 450-571, p. 40-45.
278 Ibid., v. 1296-1310, p. 100-103.
279 Grégoire de Tours fait une description des Bretons pillards, aimant le vin jusqu’à l’excès, parjure, peu religieux, qui est reprise par d’autres écrivains et sert de base à ces lieux communs dont les Celtes ont été victimes pendant le haut Moyen Âge (Decem libri …, X, 9). Ermold le Noir, à l’époque carolingienne, Raoul le Glabre au XIe siècle, Guillaume de Poitiers au siècle suivant ne feront qu’énumérer ces défauts. Cf. Riché P., « Les Bretons victimes des lieux communs dans le haut Moyen Âge », Bretagne et pays celtiques, Rennes, 1992, p. 111-116. Id., « Grégoire de Tours et l’Armorique », Grégoire de Tours et l’espace gaulois, Gauthier N., Galinié H. (éd.), p. 23-26.
280 Le Jan R., « Remarques sur l’étranger… », art. cit., p. 28.
281 Ammien Marcellin, Rerum Gestarum libri XXXI, Fontaine J. (éd.), Paris, 1968-1977.
282 Jordanès, Getica, éd. Mommsen Th., MGH, AA. v, 1, Hanovre, 1882.
283 Widukind de Corvey, Rerum gestarum saxonicarum, I, 18, Hirsch P., Lohmann H. E. (éd.), MGH SRG 60, Hanovre, 1935, p. 28.
284 Le modèle est ici romain, plus que vétérotestamentaire. La tradition biblique aurait pu conduire les lettrés vers d’autres considérations. Les peuples de la Bible mènent une vie de pasteur nomade aux temps héroïques des patriarches. Cette référence sociétale n’est plus d’actualité dans l’Occident médiéval.
285 Valère-Maxime (Ier moitié Ier s. ap. J.-C.), Faits et paroles mémorables (facta et dicta memorabilia) 4, 6, Constant P. (éd.), Paris, 1936.
286 Pour reprendre les belles formules de Daugé Y.-A., op. cit., p. 621.
287 Thollard P., « Au-delà du limes… », art. cit., p. 15. Cf. encore Pohl W., « Telling the difference… », art. cit.
288 La Chronica slavorum du prêtre Helmold de Bosau, compilée au milieu du XIIe siècle à partir de sa propre expérience et de textes plus anciens, fournit des images comparables à propos des chefs slaves. Ils se conduisent comme des bêtes sauvages (truculentae bestiae) et pratiquent des sacrifices humains. Helmold de Bosau, Chronica Slavorum, c. 52, Stoob H. (éd.), Darmstadt, 1963, p. 196-197. Cf. Bührer-thierry G., « Étrangers par la foi… », art. cit., p. 263.
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