Chapitre I. Une approche positive du sauvage ?
p. 23-58
Texte intégral
1En une phrase particulièrement sévère sur le haut Moyen Âge occidental, Edward Grant règle la question de la connaissance scientifique entre les VIe et Xe siècles1 : la science y a atteint son plus bas niveau. À propos de la faune, Robert Delort a déjà montré qu’il y a une rupture dans la chaîne des traités de zoologie entre Isidore de Séville (vers 570-636) et le XIIe siècle2. L’évêque de Séville a un rôle important comme transmetteur des connaissances de la période antique, alors qu’il dispose encore en Espagne d’un grand nombre de manuscrits d’auteurs antiques. Les Anglo-Saxons Bède le Vénérable et Aldhelm de Malmesbury reprennent son œuvre, non sans critique parfois. À l’époque carolingienne, Raban Maur, même s’il apporte une touche personnelle à une œuvre qu’il veut plus édifiante que ses prédécesseurs, copie largement encore Isidore. Si bien que pour Robert Delort, le véritable premier zoologue du Moyen Âge chrétien est l’abbesse Hildegarde de Bingen (1098-1179).
2Ce chapitre soulève, à propos de ce que nous appelons les espaces du sauvage, un problème épistémologique aigu. Comment aborder positivement ce que les érudits du haut Moyen Âge percevaient, non pas très mal, mais tout à fait autrement ? Il s’agit de tenter de voir s’il existe une approche positive, objective, du sauvage. Quels sont les livres qui font alors autorité sur la question et comment se renouvelle la perception de ce qui est « sauvage » ? Il ne saurait être question de faire totalement l’impasse sur le savoir antique en la matière. Le choix des œuvres tirées de la littérature païenne est indicatif de la l’élaboration d’une vision réellement originale au haut Moyen Âge.
Le savoir encyclopédique du haut Moyen Âge
3Rappelons que les domaines du savoir que l’on peut assimiler à de la science au Moyen Âge relèvent d’une façon de procéder et de préoccupations différentes. Aussi ne doit-on pas rejeter d’emblée le savoir des encyclopédistes du haut Moyen Âge en le considérant comme purement fantastique et sans fondement scientifique3.
Le savoir antique
L’autorité des Anciens
4Entre les IVe et VIIIe siècles, ceux que l’on appelle les « encyclopédistes » ont produit une série d’ouvrages en latin voués pour certains à une belle postérité, en particulier jusqu’en 1200, moment de la redécouverte de la source grecque. Parmi eux, les plus importants sont Calchidius, Macrobe, Martianus Capella, Boèce, Cassiodore, Isidore de Séville, Aldhelm de Malmesbury et Bède le Vénérable, auxquels il convient d’ajouter Raban Maur, le seul « encyclopédiste » du IXe siècle.
5Calchidius, philosophe néoplatonicien du IVe siècle, est principalement connu pour la traduction en latin et le commentaire de la première moitié du Timée de Platon. Cette œuvre devient au Moyen Âge un ouvrage de référence dans les études de la pensée platonicienne4. Le philologue latin Macrobe (400), outre ses célèbres Saturnales, intègre une culture encyclopédique dans un commentaire d’orientation néoplatonicienne du Songe de Scipion de Cicéron, contenu dans le livre vi de sa République5. Marcianus Capella (410-439) écrit les Noces de Mercure et de Philologie6, un mélange d’érudition livresque et de fantaisie. Son œuvre convient tout à fait aux auteurs du Moyen Âge qui l’utilisent comme manuel d’étude.
6Boèce († 524-526), un des meilleurs encyclopédistes latins, est un chaînon important dans la transmission de la culture antique. Car en dehors des Opuscula sacra, l’œuvre de Boèce n’est pas d’inspiration chrétienne. Conscient de la disparition prochaine du patrimoine antique, il développe l’idée du transfert de culture, la translatio studii, pour sauver ce qui peut l’être encore7.
7Isidore de Séville (560-636) occupe une place essentielle parmi les encyclopédistes du haut Moyen Âge. Il compile, en addition à un Traité de la nature des choses8, une vaste encyclopédie en vingt volumes, les Étymologies9, puisant dans un savoir livresque important. Son influence sur les encyclopédistes qui le suivent est incontestable. Deux sont originaires du monde anglo-saxon. Le premier est Aldhelm de Malmesbury (vers 640-709). Considéré parfois comme le premier grand écrivain d’Angleterre, il est moins connu que Bède le Vénérable et pourtant son Aenigmatum Liber témoigne d’une solide connaissance classique, y compris des auteurs de langue grecque10. Bède le Vénérable (672/673-735) consacre sa vie à l’étude et à l’écriture. Parmi son œuvre abondante, le De Natura Rerum emprunte massivement à ses prédécesseurs11. C’est d’ailleurs un des premiers témoignages de la diffusion du traité d’Isidore12. Le succès dans les écoles northumbriennes est confirmé par le biographe de Bède, Cuthbert, qui rapporte qu’à l’extrême fin de sa vie, celui-ci travaille encore à la traduction en langue vulgaire à l’usage des jeunes moines. Isidore est devenu un ouvrage d’étude que l’on n’hésite pas à corriger ou critiquer13.
Raban Maur
8Si nous avions dû nous limiter pour cette étude aux érudits vivant entre Loire et Rhin, il aurait fallu se contenter de Raban Maur (780-856)14. Parmi ses œuvres, le De universo, ou De rerum naturis, est l’ouvrage le plus important15. Les vingt deux livres qui le composent ont été écrits entre 842 et 847. Le De universo est peu étudié pour lui-même car la dépendance est étroite à l’égard des Étymologies d’Isidore de Séville, dont il reprend une grande partie du savoir. L’analyse la plus souvent pratiquée consiste en un jeu des ressemblances entre les deux textes. La différence fondamentale est l’élimination des arguments étymologiques, sur lesquels Isidore s’appuie pour décrire les choses, et l’accentuation de l’allégorie en citant régulièrement les œuvres scripturaires. Raban Maur reprend une tradition tardo-antique et patristique qui existe déjà dans le Physiologus, l’Hexaemeron d’Ambroise de Milan ou les Moralia in Job de Grégoire le Grand, et même dans l’écriture de Isidore de Séville : l’analogie entre la nature et l’Écriture.
9Ce rapide inventaire offre finalement peu d’ouvrages disponibles jusqu’au IXe siècle. La pauvreté de la production scientifique (une appellation utilisée faute de mieux, mais qui reflète très mal le contenu de ces livres et l’intention de leurs auteurs) se justifie notamment par le fait que les œuvres antérieures continuent de faire autorité. Lorsque, aux Ve -VIe siècles, quelques auteurs chrétiens commencent de manifester un certain intérêt pour l’histoire naturelle, ils disposent d’ouvrages où ils peuvent puiser leur connaissance sur le monde. Cependant, l’héritage de la science antique leur est parvenu généralement très tronqué et par des chemins détournés.
L’approche globale d’Aristote
10Il est le premier au IVe siècle av. J.-C. à donner à la science antique une œuvre qui fait la synthèse des connaissances du monde physique de cette époque16. Si Aristote est considéré à juste titre comme un des fondateurs de la zoologie17, ses ouvrages montrent aussi l’intérêt qu’il porte à toutes les choses de la nature. Dédaignant largement les récits fabuleux et les manifestations merveilleuses, son approche se veut surtout positive, avec un discours autant naturaliste que philosophique. Il a le mérite de proposer à la fois un condensé des opinions des philosophes et des savants grecs qui le précèdent et plusieurs idées neuves, reposant sur ses propres observations, des expériences et même des dissections.
11Certains de ses travaux portent sur des domaines appartenant aujourd’hui à ce que l’on nomme l’histoire naturelle : la faune18, le règne végétal ou encore les phénomènes climatiques19. La connaissance dont il fait preuve s’étend des espèces sauvages aux espèces domestiques, entre lesquelles il établit des parentés, dans un projet d’explication globale des règles régissant l’univers20. À propos des animaux, il évoque l’opposition, sans doute répandue chez ses contemporains, non pas entre sauvage et domestique mais entre les espèces qui ont un aspect repoussant et les autres, même si, dans toutes les œuvres de la nature, il y a quelque chose à admirer21.
12L’essentiel de la pensée aristotélicienne est diffusé très tôt par la rédaction de manuels de compilation, tels ceux du polygraphe Erasthostène de Cyrène (vers 275-194) ou de Posidonius (vers 135-51). Pourtant, si le haut Moyen Âge ne reçoit que des bribes de cette vision aristotélicienne, c’est principalement par l’intermédiaire de Pline22.
Influence limitée de la science grecque
13Comme celle des encyclopédies, la tradition des compilations et des commentaires remonte à la Grèce ancienne. Leur nombre et leur diffusion reflètent l’existence d’un public cultivé intéressé par la connaissance des réalités du monde physique. Les commentaires du Timée de Platon (428-348) ont formé une part importante de la tradition des manuels, de l’époque hellénistique au haut Moyen Âge. C’est un véritable ouvrage de science où il est traité non seulement du cosmos, mais aussi de la structure physique et de l’organisme de l’homme. La cosmologie grecque conçoit l’univers comme un système de sphères concentriques, le centre en étant l’humanité. Au fur et à mesure que l’on s’éloigne du centre, la création devient de plus en plus inorganisée, inachevée. Cette cosmologie formulée principalement par Platon est reprise par les Pères imprégnés de néoplatonisme puis par des auteurs du haut Moyen Âge tels que Isidore de Séville et Bède le Vénérable23. L’œuvre de Platon est remplie de considérations sur la nature. Mais il est bien difficile de préciser quelle est son influence sur le haut Moyen Âge. Comme pour la plupart des auteurs grecs, la barrière de la langue limite fortement la connaissance de ses textes. Sa pensée est transmise par le courant néoplatonicien relayé ensuite, après traduction latine, par des résumés ou des commentaires comme celui de Posidonios, bien connu des Pères de l’Église24.
14Si l’ensemble de la littérature grecque n’est pas totalement ignoré des auteurs altimédiévaux, ils n’en connaissent la plupart du temps que ce que les Latins ont transmis dans leurs propres œuvres. Les historiens Hérodote (484-425) ou Ctésias de Cnide (vers 400 av. J.-C.) sont utilisés par Pline ou Solin, eux-mêmes repris par Isidore de Séville.
15Il faut rappeler également que la connaissance de la langue grecque s’est rapidement éteinte, même dans les milieux les plus cultivés de la péninsule italienne25. À la fin du Ve siècle et dans la première moitié du VIe siècle, Boèce et Cassiodore (vers 468-562), comme d’autres, traduisent principalement des traités techniques qui relèvent de la pratique scolaire. En outre la transmission des auteurs grecs étant partiellement assurée par la version latine, elle subit les vicissitudes de la diffusion des textes latins profanes26. Les érudits du haut Moyen Âge ne font guère illusion. Bien qu’il introduise des éléments du lexique grec dans son œuvre, Isidore de Séville sait en réalité peu de grec27.
16La période allant du Ve siècle au Xe siècle est, à juste titre, considérée comme une parenthèse dans la survivance des manuscrits d’auteurs grecs en Occident. À partir du Xe siècle, les premiers manuscrits réapparaissent. Ce sont des œuvres de Diodore de Sicile, de Galien et, plus tard, des traités hippocratiques (XIe-XIIe siècles). Ce sont des miettes tout au plus si nous comparons cette rapide énumération à l’ampleur de la production littéraire grecque depuis Homère. Nous pouvons donc admettre que l’influence des écrits grecs est quasi nulle entre Loire et Rhin au haut Moyen Âge, et n’a pas d’incidence sur la connaissance du monde sauvage.
Les Naturae historiarum libri de Pline l’Ancien
17Pline l’Ancien, que l’on surnomme aussi le Naturaliste (23-79), aborde largement le monde sauvage, que ce soit pour le règne animal ou pour le règne végétal, dans cette véritable collection que sont les Naturae historiarum libri28. Il est habituel de signaler à son encontre le manque de méthode et l’absence de critique. Compilateur brouillon de ceux qui l’ont précédé, Pline n’aurait rassemblé qu’un ramassis de fiches sans apport scientifique original29. C’est pourtant ce mélange d’éléments scientifiques, grecs dans l’ensemble, et de croyances, récits et mythes qui constitue la base de la connaissance du monde physique au premier siècle de notre ère30.
18Pline a pour première ambition d’établir une véritable encyclopédie en abordant tous les domaines de la connaissance et il souhaite que son œuvre soit accessible à un large public31. Les phénomènes cosmiques et atmosphériques sont rassemblés dans le livre ii (comètes, éclipses, vents, orages, tremblements de terre…). Les livres iii à vi traitent de la géographie. Il y décrit des paysages de plusieurs régions, en insistant sur les traits les plus pittoresques. L’aspect sauvage de ces contrées est dépeint à plusieurs reprises32. Viennent ensuite les livres de zoologie. Parmi les animaux cités, les espèces sauvages sont nombreuses : une cinquantaine d’espèces est décrite. Tous l’intéressent, de l’éléphant à l’escargot, en passant par des animaux fabuleux comme le dragon. Toutes ces espèces se mêlent aux animaux domestiques. Le livre ix dresse la liste d’une cinquantaine d’espèces aquatiques sauvages, des crevettes à la baleine. C’est autant de variétés sauvages qui sont rassemblées dans le livre x sur les oiseaux. Le livre suivant est entièrement consacré aux insectes. Si les abeilles et l’apiculture y sont largement développées, montrant un intérêt pour la science agronomique auquel il consacre d’ailleurs tout un livre33, il rassemble aussi des informations sur de nombreux autres insectes depuis l’araignée à la cigale, sans oublier les parasites34, témoignant en maintes occasions une véritable curiosité d’entomologiste.
19Pline rassemble d’autre part la somme des connaissances antiques sur la flore. Les végétaux sont classés en fonction de ce qu’ils produisent (gomme, papier, parfum, nourriture…) ou de leur origine géographique (Inde, Égypte, nord de la Méditerranée…)35. Les livres XIV et XV sont entièrement consacrés aux arbres fruitiers et se rapprochent des préoccupations agronomiques de son temps, tandis que les deux suivants concernent les essences sauvages du chêne… au roseau.
20Pline consigne tout ce que l’on peut tirer des végétaux sauvages, pour les activités artisanales notamment36. Mais il est davantage préoccupé de l’utilité de la nature pour la médecine. Comme son contemporain Celse, considéré comme le premier véritable vulgarisateur médical de l’histoire occidentale, Pline compile l’essentiel du savoir médicinal tiré de tous ses prédécesseurs, médecins ou non37. Le livre XXIV établit une pharmacopée de plus de cent trente essences végétales sauvages, auxquels s’ajoutent tous les remèdes tirés des animaux, dont une grande partie provient d’espèces sauvages38. Il constitue là un vaste corpus des remèdes connus alors39, auxquels se mêlent plusieurs recettes magiques, justifiant ainsi l’indispensable connaissance de toutes les espèces animales ou végétales, y compris des espèces sauvages40.
Les abréviateurs
21Les auteurs médiévaux puisent parfois leur inspiration dans un ouvrage du IIIe ou IVe siècle dont l’auteur reprend, en les abrégeant, les Naturae historiarum libri de Pline. C’est le cas par exemple de Solin qui rassemble les récits extraordinaires de Pline, mais aussi toutes les anecdotes qu’il a pu trouver chez d’autres auteurs antiques, notamment sur les comportements surprenant des animaux sauvages. Tous ces prodiges assurent le succès de l’œuvre de Solin, abondamment copié au Moyen Âge41.
22Moins important, Élien de Préneste, naturaliste italien, écrit en grec un Traité sur la nature des animaux42 où il alterne, dans dix sept livres, le souci d’organiser les informations scientifiques, puisées d’ailleurs chez Aristote, et le goût pour les fables amenant une pointe de moralisation. Ainsi, Élien se place entre la tradition aristotélicienne et les préoccupations édifiantes des récits chrétiens43. Mais la langue du texte constitue un obstacle à sa diffusion.
23Dès le IVe siècle, ce sont des auteurs comme Ambroise (339-397) qui récupèrent ces traditions en simplifiant souvent les récits et en les adaptant à la symbolique chrétienne. Si Pline ou Solin ont tant de succès chez les Pères de l’Église, c’est parce qu’ils offrent une matière incroyablement riche pour construire des récits capables de frapper les esprits par le merveilleux tout en diffusant la morale chrétienne44.
Formation scolaire et littérature chrétienne
24S’interroger sur la connaissance qu’ont les auteurs du haut Moyen Âge des textes classiques revient à s’interroger sur leur apprentissage de la langue latine45. Au Xe siècle, Richer de Reims présente le programme de son maître Gerbert : « Il lut et commenta Virgile, Stace et Terence ainsi que les satiriques Juvénal, Perse et Horace et l’historien Lucain46. » De nombreux auteurs classiques connus en Occident ont pu apporter leur lot de faits ou de récits exemplaires ayant trait ou s’inspirant du monde sauvage. Il serait trop fastidieux et éloigné de notre propos de chercher, d’une façon exhaustive, toutes les mentions que nous avons cru reconnaître chez tel ou tel auteur chrétien.
25Lorsqu’il évoque l’automutilation que s’inflige le castor pour échapper au chasseur expliquant de ce fait l’étymologie de son nom, Isidore de Séville puise directement dans Cicéron47. En parcourant les livres de Isidore, on peut reconstituer la bibliothèque technique d’un évêque érudit d’Espagne au début du VIIe siècle. La plupart des auteurs sont des poètes d’Homère à Martial. Le nombre de textes poétiques reflète l’importance attribuée par l’Antiquité à la poésie, et notamment le succès de la poésie scientifique. Les traités grammaticaux eux-mêmes présentent un grand nombre d’exemples pris à des poètes. Virgile est cité vingt deux fois dans le seul livre xvii. Les textes des Pères de l’Église, dont surtout l’Hexaemeron d’Ambroise, sont utilisés dans la partie concernant les arbres. Servius est abondamment utilisé48, Solin aussi parmi les historiens. Plus largement, l’étude de la construction des Étymologies d’Isidore montre que ses sources latines d’origine païenne sont variées. Le travail de recherche systématique des emprunts a été réalisé pour le livre xii sur les animaux par Jacques André49. Il trouve, à côté de Cicéron, Afranius, Dracontius, Horace, Juvénal, Lucain, Lucrèce, Macer, Martial, Naevius, Ovide, Perse, Plaute, Pline, l’Ancien, Sédulius, Suétone, Virgile50. Tous les genres littéraires de l’Antiquité sont présents dans ce florilège qui montre moins l’importante culture classique acquise par les auteurs du haut Moyen Âge (Isidore étant un cas, parmi quelques autres, plutôt exceptionnel) que la variété des œuvres qu’ils peuvent consulter pour alimenter leur connaissance sur le monde sauvage. On peut encore surprendre Isidore, ou plus tard Raban Maur, citant plus ou moins fidèlement l’auteur de comédies Plaute (254-184) à propos de la chenille dont les contorsions sont évoquées comme les mouvements suspects des animaux malfaisants51. Dans ce cas nous pouvons douter de la lecture complète de l’œuvre. En général, ce n’est pas dans les comédies que l’on cherche des anecdotes sur la faune.
26De fait, les auteurs chrétiens désireux de faire œuvre savante n’hésitent pas à utiliser l’ensemble des ouvrages disponibles de langue latine, quel que soit le genre littéraire. Isidore de Séville supprime toute référence aux prosateurs dans le livre xiii de ses Étymologies. Seuls les poètes sont nommés et apparaissent comme seuls dignes de l’être dans son livre52. Cette confiance dans les poètes persiste pendant tout le haut Moyen Âge et jusqu’au XIIIe siècle où Lucain, Virgile et Ovide sont cités dans les œuvres scientifiques53. Pourtant il est clair qu’Isidore s’inspire de Pline l’Ancien ne serait-ce que dans sa définition de l’arc-en-ciel54. Son texte apparaît ainsi à la fois comme une paraphrase et une synthèse personnelle faites à partir de l’héritage de l’ensemble de l’Antiquité. Cette diversité de genre s’explique en grande partie par la formation que reçoivent les chrétiens dans les écoles. On y étudie des œuvres littéraires latines devenues depuis longtemps de véritables classiques55.
27Parmi les œuvres philosophiques latines, le cas de Sénèque est plus complexe. Outre ses Questions Naturelles56 qui abordent les phénomènes naturels et le comportement des animaux, il était considéré dès le haut Moyen Âge comme un précurseur inconscient du christianisme en raison de l’aspect moral de ses réflexions57. Il laisse un traité dont on évalue difficilement l’impact aujourd’hui sur les penseurs chrétiens du haut Moyen Âge tant les thèmes des argumentations se rapprochaient de la spiritualité chrétienne. Sénèque, par ailleurs, ne fut guère privilégié dans la formation des lettrés au haut Moyen Âge. D’une manière générale, on admet que dans la transmission de l’héritage de la philosophie antique, l’essentiel fut assuré par des auteurs de la fin de l’Antiquité. Sur la perception du monde sauvage, le haut Moyen Âge n’a pratiquement rien puisé dans la philosophie antique païenne58.
28La poésie didactique apporte des descriptions du monde sauvage à travers la météorologie, l’agronomie, mais aussi dans des opuscules consacrés à une partie de la faune ou de la flore, comme ceux d’Aemilius Macer († 16 av. J.-C.) sur l’origine des oiseaux, sur les remèdes contre les morsures de serpents ou sur les plantes59. Martianus Capella semble lu par Isidore de Séville et Grégoire de Tours, avec une influence très limitée60.
Conservation ou utilisation ?
29Lorsqu’un auteur dit connaître une œuvre antique, rien ne nous prouve en réalité qu’il l’ait réellement lue. L’héritage des textes de l’Antiquité apparaît sous deux formes : d’une part un ensemble de citations des poètes classiques dispersées dans des manuels grammaticaux ou sous forme de florilèges ; d’autre part, des œuvres plus ou moins complètes. Faute d’intérêt pour les œuvres complètes des auteurs profanes, le nombre de manuscrits diminue rapidement, marquant l’appauvrissement de l’héritage classique en général. Si au Ve siècle Sidoine Apollinaire possède une bibliothèque encore riche d’ouvrages profanes divers, Grégoire de Tours, un siècle après, désespère de trouver une bibliothèque en Gaule centrale capable de compléter ses lacunes dans la poésie, la littérature savante et les historiens antiques. Topos de lettrés ou réalité ? Ces ouvrages sont copiés à nouveau à partir du IXe siècle. Mais divers indices montrent que la présence dans les bibliothèques de ces œuvres n’est pas directement liée à l’activité des écoles. Ce sont généralement de beaux manuscrits peu annotés et commentés, et présents dans les inventaires des scriptoria en unique exemplaire61. Les poètes sont les mieux représentés. Mais, on y trouve aussi les prosateurs, des comiques ou des historiens.
30Si, pour les cours de grammaire, les maîtres carolingiens ont toujours une nette prédilection pour les poètes, ce sont surtout les poètes chrétiens qui sont étudiés (Arator, Iuvencus, Prosper, Prudence et Sédulius). Le seul auteur classique qui résiste encore à la concurrence des œuvres chrétiennes reste Virgile62.
31La transmission des textes latins au haut Moyen Âge soulève plusieurs questions relatives à leur utilisation par les lettrés chrétiens d’Occident. Les remarques générales qui suivent s’appliquent parfaitement dans le cas où les auteurs du haut Moyen Âge s’expriment sur le monde sauvage.
32La survie des textes latins profanes dans les scriptoria est extrêmement sélective. Déjà au IXe siècle certaines copies étaient fragmentées et ne pouvaient permettre la consultation d’une œuvre dans son entier63. Certains auteurs sont nettement sous-représentés, tel Aulu-Gelle très rare64, lorsqu’ils ne sont pas absents comme Ovide dont nous sentons pourtant quelques traces dans certaines œuvres carolingiennes ; tandis que d’autres sont privilégiés par une large diffusion65. L’espace de conservation est géographiquement circonscrit : certaines œuvres n’ont été retrouvées que dans un seul centre, deux au plus. Le renouveau de la culture classique débute à la fin du VIIIe siècle et l’on dénombre, pour la première moitié du IXe siècle, environ cent soixante dix manuscrits classiques transcrits. Ces manuscrits représentent environ quarante cinq auteurs différents antérieurs au Ve siècle et la majeure partie des œuvres conservées de l’Antiquité romaine66. Parmi eux, on retrouve les Naturae historiarum libri de Pline l’Ancien en six exemplaires. Son encyclopédie était sans doute considérée comme une œuvre de référence67. Mais dans quelle mesure les auteurs chrétiens venaient y puiser des connaissances ?
33Même si les copies disponibles sont sans doute plus nombreuses que le reliquat qui nous est parvenu, il faut admettre que beaucoup de ces ouvrages, malgré les prêts possibles entre les centres culturels, restent difficiles à consulter. La lecture complète des auteurs antiques, ou le simple report au texte original, n’est pas toujours possible68. On a donc souvent recours aux florilèges, forme de compilation mieux adaptée au besoin de lettrés. Ils citent des auteurs comme s’ils les avaient réellement consultés alors qu’il n’en existe plus de copie depuis longtemps69.
34Enfin, lorsqu’il y a une réminiscence manifeste (et elles ne sont pas rares), il convient de se demander si elle montre une réelle adhésion de l’auteur chrétien à la pensée antique qu’il ferait sienne ou s’il cherche simplement à faire du « beau latin » en adaptant des genres de la rhétorique antique.
Érudition chrétienne
L’explication par la Genèse
35Lorsque Isidore de Séville commence son œuvre encyclopédique, un genre littéraire particulier s’est déjà développé depuis trois siècles : le commentaire exégétique des premiers chapitres de la Genèse sur la création du monde. Les Homélies sur l’Hexaéméron de Basile de Césarée fournissent le modèle du genre à l’Occident. Elles inspirent celles d’Ambroise dans lesquelles Isidore de Séville puise des pages entières70.
36L’appréhension du sauvage passe par la représentation des origines du monde. D’ailleurs, on oublie souvent que cette recherche de la genèse est commune aux courants de pensée païen et chrétien. C’est ainsi que l’Africain Lactance (vers 300) cherche toujours à se situer à mi-chemin entre les commentateurs de la philosophie païenne et ceux de l’Écriture. Ambroise assure dans son Hexaemeron la transition du grec au latin de l’œuvre de Basile de Césarée71. Mais il y ajoute des éléments tirés de Platon, d’Aristote et du De natura deorum de Cicéron, les mélangeant à un grand nombre de citations scripturaires72. Les encyclopédistes s’inspirent aussi beaucoup des commentaires de Augustin sur la Genèse73. Malgré les réticences à utiliser la culture païenne, les lettrés soucieux d’érudition doivent s’accommoder de certains ouvrages dans des disciplines telles que les sciences. Puisque la seule culture profane dont on dispose est d’origine païenne, l’Église admet que les chrétiens qui reçoivent une éducation profane complète sont inévitablement nourris d’une grande quantité d’aliments païens.
37Dans le même temps, les chrétiens ont le souci de proposer une explication physique du monde. Le texte de départ est le premier livre de la Bible, la Genèse, dont les toutes premières pages résument les six jours de la Création. À partir du IVe siècle, les commentaires sur les six jours de la Création, ou Hexaemeron, se développent. Mais là encore, les commentaires n’échappent pas toujours à l’influence de la poésie païenne, notamment de Virgile74. Depuis Boèce, qui pourtant constitue la manifestation la plus savante avec le De consolatione Philosophiae, les éléments de la Genèse se mêlent aux notions de chaos et des quatre éléments de Virgile75. Certains poètes d’époque carolingienne comme Alcuin abordent la Genèse selon la même démarche76.
38À propos des espaces sauvages, les livres de l’Ancien Testament n’apportent pas d’informations sur lesquels les écrivains chrétiens peuvent s’appuyer dans une approche positive. Ce n’est d’ailleurs pas dans la vocation des textes sacrés. Ils y trouvent cependant une idée fondamentale qui, à mon avis, change radicalement la perception des espaces sauvages, comme nous le verrons dans le chapitre suivant. « Le monde a été créé par Dieu77 », ainsi que Sulpice Sévère le rappelle dans ses Chroniques, un résumé du texte de la Bible. C’est pour les chrétiens une assertion sur laquelle il n’y a pas lieu de revenir. En une seule phrase, il résume toute la Création : celle-ci est bien conçue comme un tout. Les espaces sauvages ne sauraient être exclus de ce tout78. Le haut Moyen Âge apporte une nouveauté dans la pensée du monde, le caractère sacré du monde physique. Hilaire de Poitiers, reprenant l’idée grecque du cosmos pour exprimer la perfection et la beauté de tout l’univers, inclut la sauvagerie (en tant qu’espace où règnent les espèces sauvages de la Création) dans le don que Dieu fit aux hommes79.
Le livre ou l’expérience
39Déjà au début du Ve siècle, Augustin rejetait l’étude de la nature en elle-même comme vana curiositas. Par conséquent, pour le chrétien, l’étude de la nature n’est utile qu’à des fins exégétiques80. D’où la tendance à réduire la minéralogie à un lapidaire et la zoologie à un bestiaire où puiser exempla et considérations d’ordre moral81. Chez un auteur majeur du haut Moyen Âge comme Grégoire le Grand, nous pouvons trouver un petit nombre de notions zoologiques, sur des animaux exotiques principalement. Ces notions sont avant tout livresques82. Très rares sont les allusions à l’expérience directe, à l’observation, ou tout simplement à la curiosité des choses. Si le monde physique paraît si étranger à sa culture, c’est que Grégoire le Grand ne s’y intéresse pas83. Comme chez la plupart des auteurs l’approche les éléments du sauvage qu’est qu’un prétexte à lectio, autrement dit une occasion d’instruire et de transmettre un jugement moral. Toute la pensée chrétienne est alors préoccupée de chercher dans les phénomènes naturels une signification anthropologique. Il s’agit d’une « nature intentionnalisée84 ». De même la connaissance des sciences naturelles d’un encyclopédiste comme Isidore de Séville est limitée, bien inférieure à celle de Pline l’Ancien85. Les connaissances en botanique de l’évêque de Séville ne reposent pas sur une observation directe, contrairement à Pline qui étudiait les plantes médicinales dans les jardins des herboristes86. Elles sont livresques et ne sont pas toujours d’une très grande clarté. Son manque d’observation est flagrant lorsqu’il évoque les dauphins survolant d’un bond les navires, s’appuyant davantage sur Solin que sur l’éventuel témoignage des marins, alors qu’il vit à environ 75 kilomètres de la mer. À propos des cigognes encore, nous pouvons nous demander avec Jacques André si Isidore est si peu attentif à la réalité qu’il ne voit pas qu’une route de migration passe au-dessus de sa tête87.
40L’encyclopédie de Isidore reste insuffisante pour considérer l’ensemble de la faune et de la flore qui pouvait être connu alors, en particulier entre Loire et Rhin. L’exemple du bouleau est tout à fait probant : il ne le mentionne pas. Sans doute est-il peu connu en Espagne, même si nous savons que les forêts catalanes avaient des bouleaux au haut Moyen Âge88. Il est pourtant mentionné par Pline le Jeune au premier siècle de notre ère. Ce dernier emprunte le mot betulla au gaulois. Un glossaire anglo-saxon du VIIIe siècle fait figurer dans sa liste un betulus89.
41À côté de cette érudition, il existait une connaissance du sauvage plus empirique, populaire, une véritable « pensée sauvage » du sauvage, pratiquement inaccessible pour l’historien à travers les textes dont nous disposons. Çà et là nous pouvons percevoir l’existence d’une sorte de classification différente, voire un lexique de la faune qui montre que, sorti du cercle étroit des lettrés, la classification proposée par les encyclopédistes n’était pas prise en compte. Le moine de Jumièges, auteur de la Vita Filiberti, parle de multitudo murium, non pour désigner des souris, mais des chauves-souris90. Burchard de Worms (1000-1025) désigne comme muriceps non le chat mais l’oiseau eo quod mures capiat91. L’approximation des termes vaut aussi pour les gros animaux. C’est le cas par exemple de l’aurochs (bos primigenius)92. À la fin du IXe siècle, Notker de Saint-Gall est très évasif quant à l’animal que chassait Charlemagne, bissonticum vel urorum93. Pourtant le bison européen (bison bonasus) et l’aurochs (bos primigenius) sont difficiles à confondre, à moins de n’en avoir jamais vus94. Mais il importe davantage pour Notker de suggérer le type de chasse et son caractère dangereux que de spécifier l’espèce du gibier. Nous pouvons encore citer le cas du sanglier dont les caractéristiques le distinguent mal de son cousin le porc. Au cours d’un même épisode de chasse dans les forêts autour de Clermont, Grégoire de Tours évoque l’animal en utilisant tour à tour les termes porcus silvestris (doublet du porc semi domestique), sus (désignant l’espèce des suidés : sus scrofa) et aper ferus (du latin classique désignant le sanglier, intensifié par adjectif ferus, a, um : sauvage, agressif)95. Mais ici, l’auteur joue davantage sur les mots, pour servir son discours, qu’il ne s’égare dans la qualification d’une espèce.
42Que ce soient Isidore de Séville, Aldhelm de Malmesbury ou encore Raban Maur, on devine au détour de quelques notices qu’ils ont observé tel ou tel animal, qu’ils ont parcouru la campagne et vu des plantes. Mais en général, l’essentiel de leurs propos ne repose que sur la lecture des anciens. Cela s’explique par le manque d’intérêt pour les sciences naturelles, au sens où nous les concevons aujourd’hui, mais aussi par goût pour l’eruditio, la connaissance des ouvrages qui font autorité. Dans une culture à prédominance cléricale, qui se fonde sur une autorité écrite, le recours au texte est obligatoire et prend largement le pas sur l’observation.
Limites entre espèces sauvages et domestiques
43Il n’est pas incongru d’aborder la représentation des espaces du sauvage à travers la classification des animaux. Chez de nombreux auteurs la sauvagerie est d’abord caractérisée par la présence des fauves. L’animal joue en quelque sorte le rôle de révélateur d’une certaine conception spatiale96. Il convient de revenir à nouveau sur l’œuvre de Pline parce qu’elle nous donne les idées les plus largement répandues dans le monde antique sur la frontière entre les espèces sauvages et domestiques. Malgré l’absence d’une taxinomie raisonnée, Pline distingue bien ce qui appartient au sauvage et au domestique, ce qui le pousse à évoquer le problème des espèces intermédiaires, nec placida nec fera97. À propos des cuniculi, proches du lièvre, il pose en effet la question des limites séparant l’animal sauvage de l’animal domestique :
« Ils s’apprivoisent rarement quoiqu’on ne puisse pas les qualifier justement de sauvage. Il y a en effet nombre d’espèces qui ne sont ni domestiques, ni sauvages, (nec placida, nec fera) mais d’une nature intermédiaire (mediae naturae) : ainsi parmi celles qui volent les hirondelles, les abeilles ; dans la mer les dauphins98. »
44C’est révélateur d’une difficulté liée à cette distinction entre l’état sauvage et l’état domestique qui va se perpétuer dans le savoir encyclopédique : un certain nombre d’espèces animales mais aussi végétales se rencontrent dans les deux états. Parmi ces mediae naturae, nous trouvons aussi les rats, les souris et les loirs qui vivent au contact de l’homme sans être apprivoisés. Selon cette approche à la fois écologique et éthologique, on désigne comme sauvages les espèces de la faune et de la flore qui vivent loin de l’homme, qui ne dépendent pas de ses soins pour leur survie et qui ne font l’objet d’aucune exploitation directe.
45Liliane Bodson a étudié la couverture sémantique des termes ferus/domesticus et leurs synonymes dans le latin classique99. Le vocabulaire de l’état sauvage ne change guère dans la littérature du haut Moyen Âge et il peut être synthétisé dans le tableau suivant. Nous remarquerons que les adjectifs sylvestris, agrestis et pastoralis (plus rare) introduisent d’abord un sens locatif suggérant un éloignement plus ou moins grand des lieux habités. Mais ils ne correspondent pas forcément au biotope d’une espèce sauvage et peuvent très bien être considérés comme des synonymes interchangeables sans modification de sens.
Sens de ferus | Synonyme | Antonyme |
Sens commun : sauvage | Immanis : cruel, farouche | Cicur : apprivoisé, domestique |
Sens locatif : ce qui vit à l’état sauvage dans la sauvagerie, loin des hommes | Silvestris | Domesticus : animal domestique vivant dans ou près des maisons et animal sauvage commensal ou parasite (hirondelles, pigeons, mustélidés…) |
Sens zootechnique : | Immansuetus | Mansues, mansuetusa : apprivoisé en vue du domptage et du dressage |
a. Ainsi que le substantif mansuetudo (apprivoisement) opposé à feritas, immanitas (sauvagerie).
Tableau 1. – Le vocabulaire de l’état sauvage dans le latin classique.
46Quelle que soit l’œuvre encyclopédique considérée, le besoin de classification l’emporte sur la pertinence scientifique des critères utilisés. Les aléas de la classification sont directement liés à la diversité des sources des encyclopédistes du haut Moyen Âge et au projet qu’ils entendent mener100. La taxinomie zoologique médiévale n’obéit pas aux mêmes règles qu’aujourd’hui. Le terme espèce correspondant à la taxinomie moderne n’existe pas. Le haut Moyen Âge connaît les quadrupedia, et parmi eux, les quadrupèdes carnivores ou les bêtes fauves. En outre, aucune frontière ne sépare les animaux réels des espèces fantastiques.
1) | De pecoribus et iumentis | Du bétail et des bêtes de somme |
2) | De bestiis | Des bêtes sauvages |
3) | De minutis animantibus | Des petits animaux |
4) | De serpentibus | Des serpents |
5) | De uermibus | Des vers |
6) | De piscibus | Des poissons |
7) | De auibus | Des oiseaux |
8) | De minutis uolatilibus | Des petits animaux ailés |
Tableau 2. – Classification d’Isidore de Séville (Etymologiae, liber XII, De animalibus).
47La taxinomie d’Isidore de Séville s’approche de celle de l’Ancien Testament. Elle distingue le groupe du bétail (pecus), associé aux bêtes de somme (iumenta) et celui des animaux sauvages (bestiae). Les premiers sont désignés de manière plutôt positive car ils aident les hommes dans leurs actions. Isidore les regroupe sous le terme de pecora désignant à la fois les bestiaux appropriés au service et ceux destinés à la consommation101. Mais parmi les inévitables représentants du gros et du petit bétail, se trouvent aussi des animaux sauvages : les chèvres, dont la nature reste longtemps ambiguë, les cervidés102 et deux léporidés, le lièvre103 et le lapin104. Cette catégorie apparemment sans cohérence, selon nos actuels critères classificatoires, associe probablement les espèces se nourrissant de végétaux105.
48Encore que nous y trouvons aussi le porc, dont le régime alimentaire omnivore n’est pas ignoré106.
49Le chapitre De bestiis traite de divers mammifères sauvages d’Europe, d’Afrique et d’Asie107. Cicéron opposait parmi les bestiae, celles qui étaient apprivoisées et celles qui étaient sauvages (ferae)108. Au Ve siècle, Sulpice Sévère utilise encore bestia pour désigner l’ensemble des espèces animales autres que les oiseaux, tout en restant un sous-ensemble des animaliae109. Chez Isidore, la catégorie des bestiae groupe les bêtes « qui, de la gueule ou des griffes, manifestent leur férocité110 », en excluant les serpents, espèces à part et traitées dans un chapitre qui leur est consacré : de serpentibus. Quand il s’agit de définir le mot bestiae, Isidore prétend qu’il provient du fait que les espèces auxquelles on attache ce mot sont caractérisées par une violence cruelle111. Il les assimile, ainsi que Raban Maur deux siècles plus tard, à des fauves qui naturellement vivent en liberté, répondent à leurs instincts et se laissent entraîner par leurs humeurs112. Chez les deux auteurs, le mot bestia désigne uniquement des espèces carnivores, plutôt de grande taille. Le chapitre De minutis animantibus est fondé sur un facteur d’ordre morphologique : la taille. Les petits rongeurs, tels que le mulot ou la souris113, côtoient donc les petits carnivores, comme la belette114, et même quelques insectes115.
50Isidore de Séville semble en outre établir un lien entre la classification des animaux et leurs rapports avec l’homme. Il n’en fait pas une règle clairement énoncée. Cela ressort d’indications isolées116. Les animaux au service de l’homme sont principalement traités dans la catégorie de pecoribus et iumentibus. Ils soulagent les hommes dans leur travail (iuuare : venir en aide). En opposition, nous trouvons les bêtes sauvages, les fauves (bestiae, ferae) et les serpents (serpentis), autrement dit toutes les espèces nuisibles et dangereuses pour l’homme. À propos de celles-ci, il n’évoque qu’exceptionnellement la pratique de la chasse et son utilité dans l’alimentation117. Une troisième catégorie rassemblerait les animaux vivant dans les parages de l’homme et dont le statut n’est ni tout à fait sauvage ni domestique, à la manière des mediae naturae de Pline. Ce sont les belettes (pourtant redoutables pour les élevages avicoles), les pigeons ou encore les chats.
1) | De bestiis | Des bêtes sauvages |
2) | De minutis animantibus | Des petits animaux |
3) | De sepentibus | Des serpents |
4) | De uermibus | Des vers |
5) | De piscibus | Des poissons |
6) | De auibus | Des oiseaux |
7) | De minutis auibus | Des petits oiseaux |
Tableau 3. – Classification de Raban Maur (De universo, liber VIII).
51Étant donné la force influence exercée par Isidore de Séville sur Raban Maur, la classification qu’il propose est très proche. L’intention de Raban Maur, après avoir ouvert son encyclopédie sur Dieu, est de faire l’inventaire de l’ensemble de la Création. C’est une conception théologique du monde : l’univers est rempli de Dieu. La connaissance ne doit pas s’en tenir à la stricte matérialité des objets mais comprendre qu’ils sont des signes. Son œuvre se veut avant tout allégorique. Les arbres comme les animaux sont des prototypes exemplaires, ils sont « parlants » ou ne sont pas.
52Chez Raban Maur, le monde sauvage est considéré de façon négative. Lion, loup, ours, dragon, rapace, gros « poisson » constituent l’inquiétant bestiaire de la sauvagerie qui obéit uniquement à la loi du plus fort, le faible périssant sous leurs crocs, leurs serres ou leurs becs118. S’il suit l’ordre de l’encyclopédie isidorienne, il supprime un chapitre, le premier. Raban Maur en effet n’a pas placé le chapitre De pecoribus et iumentibus avec les animaux mais dans le chapitre consacré à l’homme119. Il perpétue, en l’amplifiant dans l’agencement de son encyclopédie, une définition anthropique qui existe depuis longtemps. De même, Jonas d’Orléans, au détour d’une page de son De institutione laïcali, propose de définir les bêtes sauvages comme des créatures de Dieu « pour l’usage commun de tous les mortels », et de les distinguer nettement des espèces domestiques en ce qu’elles ne sont pas nourries du travail des hommes120.
53Le monde sauvage et le monde domestique sont principalement représentés dans la Bible à travers les animaux de chacun de ces biotopes. Le bestiaire de l’arche de Noé est à ce titre intéressant à regarder. Contrairement à une idée encore répandue, les artistes du haut Moyen Âge ont une très grande liberté pour représenter les animaux puisque le texte de la Genèse n’indique aucune espèce en particulier. Le choix dans la figuration de tel ou tel animal peut être révélateur d’une classification entre espèces domestiques et sauvages121. Une image du livre de la Genèse de Vienne (VIe siècle) montre la sortie de l’arche de Noé après le déluge. Dans une représentation réaliste, les animaux sortent du ventre du vaisseau, par couple : les bêtes sauvages ouvrent le cortège pour s’éloigner rapidement, tandis que suit le bétail accompagné de la famille de Noé. La logique anthropocentrique de la démarcation entre sauvage et domestique est ici respectée122.
Entre le chien et le loup
54Le chien est un cas intéressant. C’est un animal qui ne peut vivre loin des hommes. Il ne peut donc pas appartenir au monde sauvage123. Cependant, Isidore de Séville, en s’inspirant d’Augustin, rapproche le loup et le chien dans la catégorie des bestiae124 : « Le terme de bête s’applique de manière appropriée aux lions, léopards, tigres, aux loups et aux renards ainsi qu’aux chiens, et aux singes125 … ». La place du chien dans cette catégorie repose sur son régime alimentaire carnivore, critère définissant les bestiae126. Le rapprochement entre le chien et le loup, souvent utilisé pour les comparer ou les opposer, est presque topique127. Dans tous les cas le loup ne pouvait être conçu comme l’ancêtre du chien, la théorie de l’évolution des espèces ne date que du XIXe siècle. Dans la pratique, pourtant la parenté semble avoir été reconnue dès l’Antiquité notamment par les éleveurs. Pline l’Ancien signale les croisements faits en Gaule entre un loup et un chien pour obtenir des meneurs de meute plus efficaces128. Cette parenté spécifique est largement répandue et repose sur l’idée que les espèces existent par paire, une espèce sauvage possédant son doublet domestique129. C’est le cas également pour la flore. Walahfrid Strabon décrit la bétoine comme une plante commune à l’état sauvage, mais aussi digne de figurer dans son petit jardin pour ses vertus thérapeutiques130.
55Cela dit, le chien reste un animal ambigu. On sait aujourd’hui que certaines espèces canines conservent une agressivité qui leur confère un comportement presque sauvage131. L’attitude des hommes envers le chien est double au haut Moyen Âge. Tantôt il est un animal partageant le même espace que les humains dans une semi-liberté et se nourrissant des restes, d’où la réputation de charognard attestée dès la Bible et dans la littérature classique132. Tantôt c’est un animal fidèle, le compagnon attaché à son maître, capable d’un grand dévouement. Isidore de Séville a peut-être mêlé l’érudition à son expérience personnelle.
56Le loup par contre est un animal exemplaire. Il offre ce paradoxe souligné par Claude Lévi-Strauss et rappelé par Dan Sperber : il n’existe pas de corrélation nette entre l’importance pratique et l’importance symbolique des animaux. Dans la nature, un loup moyen n’est ni particulièrement féroce, ni particulièrement courageux. Sa stature n’est pas impressionnante, encore moins son appétit. Mais le vrai loup, le loup parfait, exemplaire, n’est pas un loup moyen : il est vif, fort, cruel, c’est un raptor133. L’énoncé biblique, devant la carence des encyclopédistes latins, l’a emporté : le modèle symbolique a fait disparaître les standards de l’espèce. Il en est de même de nombreux représentants de la faune sauvage134. Ainsi l’aigle n’est pas un oiseau moyen mais forcément exemplaire, il est le plus rapace des rapaces.
57Pour Isidore de Séville, les espaces sauvages sont les espaces de liberté, au sens où ne s’exerce aucune contrainte : « [Les bêtes] sont appelées sauvages du fait qu’elles usent de leur liberté naturelle et sont conduites par leur instinct. En effet, elles ne connaissent pas de contraintes, elles circulent ici et là et se portent où bon leur semble135. » Ce sont des espaces ouverts. Dans son œuvre majeure sur la Trinité, Hilaire de Poitiers associe les bois (saltuosa loca) et les grasses pâtures aux lieux où vivent les bêtes (beluinae, autrement dit ici plutôt les animaux en semi-liberté que l’on laisse aller sur le terroir) qui circulent librement (euagantibus), sans le fardeau de l’humanité obligée de travailler pour se nourrir136.
La météorologie
Origines
58Dans le monde grec, l’intérêt pour les phénomènes climatiques est motivé autant par le besoin d’expliquer les plus spectaculaires déchaînements de la nature que par le souci de comprendre l’ensemble des mécanismes qui régissent l’univers137. Avec Aristote, Aratos constitue une des bases de la connaissance météorologique antique mêlant poésie, mythologie et science138. La météorologie, nom d’origine grecque que l’on associe souvent à Aristote, a d’ailleurs un premier usage strictement philosophique : Platon désigne par ce mot la science des corps célestes139. Le titre du livre d’Aristote est trompeur. Il n’existe pas, ni dans l’Antiquité ni au haut Moyen Âge, d’ouvrage sur les phénomènes climatiques. Tous les textes consacrés à la météorologie sont associés à des traités plus larges sur les sciences naturelles ou la science agronomique.
59Aristote donne à cette science un contenu à la fois précis et large : c’est l’étude des mouvements dans l’air et sous la terre. Cela inclut tous les phénomènes spectaculaires du déchaînement de la nature, les orages, les typhons ou les tourbillons de feu140 … Aristote distingue par cette définition une branche de la physique, rassemblant tous les phénomènes liés au changement des corps. Les changements climatiques deviennent non seulement rationnellement explicables, mais surtout sont reconnus comme des événements périodiques, en tant que principes physiques universels. Cette vision se retrouve chez Pline l’Ancien et surtout dans les Quaestiones naturales de Sénèque († 68), deux auteurs latins faisant autorité sur le climat à l’époque médiévale141.
60Au Moyen Âge, la météorologie conserve ce contenu vaste hérité de la période précédente. Elle recouvre des phénomènes qui n’ont pas tous des liens avec le climat, comme les météores ignés (comètes, étoiles filantes, voie lactée), les photométéores (aurore boréale, arc-en-ciel), les vents, les hydrométéores (pluie, neige, grêle, rosée, brouillard) et même les phénomènes telluriques (tremblements de terre…)142. Ceux-ci sont en effet liés au mouvement de l’air selon une théorie répandue qui explique que les tremblements de terre sont le fait de vents souterrains subitement libérés, accompagnés d’un grondement de tonnerre143.
61Les phénomènes climatiques n’intéressent pas uniquement les naturalistes ou les agronomes. La poésie scientifique, sur des thèmes comme le rythme des saisons, la vie aux champs ou les phénomènes atmosphériques, est bien représentée dans la littérature latine par des auteurs comme Virgile, Ovide ou encore Lucain. Ces poètes allient la qualité du vers au souci de rigueur scientifique144. Leurs préoccupations principales tournent autour des signes du temps, le vent, la pluie et la neige. Virgile consacre même une centaine de vers des Géorgiques aux prévisions météorologiques.
62Les récits de tempêtes, en particulier lorsqu’elles ont lieu sur la mer, ont toujours constitué une des pièces majeures de la poésie antique, les œuvres épiques notamment, et cela dès Homère145. Formés à l’école classique, les auteurs chrétiens ont goûté dans leur programme scolaire le style et les principales articulations rhétoriques des récits de tempête. Les trois tempêtes de l’Énéide ont notamment beaucoup inspiré les auteurs du haut Moyen Âge.
Le climat expliqué par la Bible
63Mais les poètes chrétiens ont aussi des exemples dans la littérature biblique : l’épisode du Déluge de la Genèse ou de la tempête dans le livre de Jonas. Le livre des Psaumes, un des livres de l’Ancien Testament qui a été le plus commenté par les Pères de l’Église, est une source formidable pour aborder le climat et les phénomènes météorologiques146. Le Nouveau Testament propose d’autres modèles : celui de la tempête apaisée par le Christ ou encore du naufrage de Paul dans les Actes des Apôtres. Nathalie Nabert a constaté que dans les Psaumes la nature est fragilisée lorsque Dieu entre en contact avec elle. Les phénomènes météorologiques sont de l’ordre d’une décréation de l’univers147.
64Aussi n’est-il pas étonnant de trouver chez les auteurs chrétiens des explications théologiques aux déchaînements des forces de la nature. Avitus, évêque de Vienne, écrit autour de 500 une Histoire spirituelle directement inspirée des premiers livres de la Bible. Il dépeint les aléas climatiques comme les conséquences de la chute d’Adam, expulsé du paradis148.
65Le haut Moyen Âge hérite donc de descriptions de phénomènes atmosphériques devenues depuis longtemps des clichés littéraires. Cependant, tous les phénomènes climatiques ne sont pas systématiquement assimilés à une force surnaturelle. Dans l’épisode de la tempête de l’Historia Apostolica écrite par Arator au milieu du VIe siècle, les influences conjointes des œuvres scientifiques, de la poésie et de la Bible se sont mêlées. Loin d’être provoquée par une force extérieure, la tempête a tout d’un événement cataclysmique mais il est d’origine naturelle, les éléments agissant de leur propre initiative149.
66En dehors de cet exemple, cependant, nous pouvons nous demander si les savants médiévaux considèrent véritablement la météorologie comme un ensemble ayant sa place dans la pensée scientifique150. Force est de constater l’étiage documentaire autour de la question des climats et de la météorologie entre l’Antiquité et la fin du XIIe siècle. Il faut en effet attendre le XIIe siècle, avec de nouvelles traductions d’Aristote et la découverte d’autres œuvres grecques et arabes, pour assister à une approche plus neuve de la météorologie151. Et ce n’est pas l’opuscule De grandine et tonitruis rédigé par Agobard de Lyon au IXe siècle qui permet de combler ce vide152. Dans les Étymologies, Isidore de Séville ne traite la météorologie que comme une caractéristique de l’air. Chaque phénomène est en fait un état de l’air : la pluie est aer conspissatus, le vent, aer commotus, les nuages, aer contractus153. Bède le Vénérable, s’inspirant à la fois de Pline et d’Isidore de Séville, fait de la météorologie un ensemble d’éléments descriptifs liés à l’air, mais sans autre point commun que ce lieu de formation. Tandis que Raban Maur réaffirme l’omniprésence de Dieu dans sa création et la capacité à punir les impies à travers les forces déchaînées154.
Approche anthropocentrique
67Les Romains sont attentifs au déchaînement spectaculaire de la nature qui devient sauvage parce qu’elle effraie et menace155. Cette crainte naturelle des forces de la nature est même pour certains philosophes antiques une des causes pour lesquelles la conscience de l’existence des dieux est constituée dans l’âme humaine. Dans les encyclopédies antiques et médiévales, il n’est guère question de beau temps. Ce sont surtout les perturbations atmosphériques et les cataclysmes qui intéressent les auteurs de ces textes, sans doute parce qu’ils répondent aux préoccupations du public. La tâche de certains de ces savants est en priorité de présenter, voire d’expliquer, les phénomènes qui inquiètent les ignorants156. Au Ier siècle ap. J.-C., Sénèque s’efforce de relativiser certains phénomènes et de rassurer ses contemporains : on peut s’abriter d’une tempête dans un port, se protéger des orages en restant dans les maisons… « Bref, il n’est aucun mal auquel nous ne puissions nous soustraire157. »
68Les encyclopédistes du haut Moyen Âge ne cherchent pas systématiquement à donner une explication à tous ces phénomènes. Certains sont simplement décrits sans en préciser l’origine. C’est le cas des éclairs par exemple, à propos desquels Isidore de Séville signale le décalage entre la vue de la foudre et la perception du son. Dans ce paragraphe, l’observation et le raisonnement par analogie l’emportent manifestement sur l’érudition, n’ayant probablement pas trouver d’explication satisfaisante dans les ouvrages de sa bibliothèque :
« Suivent alors les coups de tonnerre malgré le retard de leur son – l’éclat de la lueur précédent le coup –, ils sont émis pourtant au même moment que la foudre ; mais leur son parvient aux oreilles plus tard que l’éclat de la foudre ne parvient aux yeux, à l’exemple d’une hache qui frappe au loin : tu vois justement le coup avant que le bruit ne parvienne à tes oreilles158. »
69En alternant au cours de son traité l’observation (parfois)159, le savoir antique et les interprétations allégoriques (souvent), Isidore de Séville assure ainsi la synthèse les auteurs classiques et les auteurs chrétiens. Mais c’est aussi une œuvre qui ressemble « à une longue méditation mystique sur l’économie du salut chrétien160 ». Les rythmes du temps sont le symbole des vicissitudes de la vie ici-bas161 ; les fournaises de l’Etna sont ainsi l’occasion d’évoquer les tourments la vision de l’enfer :
« On sait que ce phénomène est à l’image du feu de la géhenne, dont les brasiers flamberont éternellement pour la punition des pécheurs qui seront torturés dans les siècles des siècles. Car de même que ces montagnes continuent depuis si longtemps, et jusqu’à maintenant, à faire bouillonner leurs flammes sans jamais pouvoir s’éteindre, de même ce feu-là, destiné à torturer les corps des damnés, n’aura jamais de fin162. »
70Les catastrophes naturelles qui marquent l’histoire de Rome laissent de nombreux souvenirs littéraires, mais aussi épigraphiques163. Sénèque considère d’ailleurs que le tremblement de terre est le seul fléau que l’on ne peut éviter, en raison de son puissant rayon d’action164. Les récits ne manquent pas dans toute la littérature antique, de même pour les éruptions volcaniques165. La plus célèbre est celle d’un auteur anonyme dans un poème consacré à l’Etna166. Au VIe siècle, Grégoire de Tours décrit l’Etna dans le De cursu stellarum167. Et Isidore de Séville lui consacre un chapitre dans le De natura rerum, plus long que celui sur les tremblements de terre en général168. Au VIIIe siècle, lorsque Paul Diacre évoque une éruption du Vésuve, il se contente de dire que le phénomène dura quelques jours et que la végétation fut étouffée sous la poussière et la cendre169.
71La connaissance des phénomènes sismiques remonte au moins à Aristote170. Les tremblements de terre sont mis en scène dans des œuvres versifiées comme la Thébaïde de Stace († 96 ap. J.-C.) : une trentaine de vers décrit l’engloutissement du devin Amphiaraos dans le monde infernal, châtiment pour s’être engagé dans une coalition contre Thèbes. Au goût pour le souffle épique, Stace ajoute le réalisme du phénomène tellurique, depuis les premières secousses accompagnées d’un bruit sourd jusqu’à la formation de crevasses171.
72Dans le De natura rerum, Isidore de Séville consacre un chapitre de quelques lignes aux tremblements de terre. Il y reproduit l’interprétation classique des mouvements de la terre par compression des vents ou de l’eau. Il précise aussi que la nature géologique du terrain est déterminante. Il est connu alors que certaines régions sont plus propices que d’autres aux secousses sismiques. Cela dit, l’interprétation mécanique du phénomène ne va pas plus loin puisque les dernières lignes évoquent le rapport entre les secousses du sol et le jugement de Dieu172.
Si les dauphins jaillissent hors de l’eau
73Chez les Romains, le mouvement des astres est l’un des plus évidents parmi les éléments annonciateurs de changement de temps173. La forme et le déplacement des nuages, la force et l’orientation des vents, l’apparition de l’arc-en-ciel, l’intensité de la lumière sont encore avancés comme des signes annonciateurs de mauvais temps. Le sens de l’observation des poètes est manifeste, jusque dans la description de l’agitation qui anime les étendues sauvages à l’approche d’une tempête174. Virgile regarde la mer se démonter et entend le tonnerre rouler sur les montagnes et le fracas des forêts175. Cette esthétique de la nature, entre poésie et connaissance scientifique, est présente encore dans l’œuvre de Lucrèce qui devient même à Rome un modèle du genre176.
74Isidore de Séville conserve cette tradition d’observation du soleil et de la lune, citant au passage l’agronome Varron, le poète Virgile, Arator mais aussi les Évangiles177, ce qui atteste d’une pratique universelle. Si la lune a des taches noires au sommet 86de son croissant, il y aura de la pluie toute la première partie du mois ou si le croissant lunaire est couvert de brune, il fera mauvais temps. De même le soleil taché à son lever et caché sous un nuage annonce la pluie178.
75La faune, sauvage en particulier parce qu’en contact direct avec la nature et ses forces subtiles, révèle à qui sait l’observer les changements de temps. Virgile préconise l’observation de la faune sauvage sensible aux phénomènes atmosphériques :
« C’est alors que les plongeons reviennent rapidement du large et lancent leurs cris jusqu’au rivage, que les foulques marines jouent sur la terre sèche et que le héron abandonne ses marais familiers et survole la haute nuée179… »
76Dans le chapitre qu’il consacre aux signes du beau et du mauvais temps, Isidore de Séville tire ses exemples soit de l’observation des astres (soleil, lune) et du vent, soit des mouvements de la mer et du comportement de la faune marine. L’encyclopédiste se place d’emblée du point de vue des marins et des pêcheurs, premiers concernés par les changements météorologiques. Les navigateurs sont attentifs aux attitudes des animaux pélagiques : si les exocets et les arondes volent au-dessus des vagues, si les dauphins jaillissent hors de l’eau, c’est que la brise se lève. Isidore ajoute qu’il n’est pas étonnant que ces animaux devinent le temps alors qu’ils vivent sous les flots. Les vagues sont creusées par le vent, les habitants de la mer sont les premiers à percevoir ce changement180.
77Ces observations du ciel, de l’eau ou des animaux ne permettent pas de progresser dans la connaissance des phénomènes météorologiques. Cela n’est même pas envisagé. Il faut rappeler que les sciences naturelles au Moyen Âge ne reposent pas sur un échange permanent entre l’élaboration de théories et l’observation ou l’expérimentation. Les érudits ne conçoivent par alors l’observation comme nécessaire à l’élaboration d’une théorie181. À l’inverse, il n’est pas impossible qu’il y ait une connaissance empirique des phénomènes météorologiques. Les marins, les agriculteurs, tous ceux qui doivent tenir compte des mouvements de l’air, ont depuis longtemps observé le ciel pour prévoir le temps qu’il ferait. Ils ignorent sans doute les théories savantes de l’origine des phénomènes, les causes important moins que les conséquences. Aussi n’est-il pas surprenant de voir cohabiter à la même époque une explication raisonnée des phénomènes climatiques et une approche relevant des croyances populaires182.
78Une autre vision des caprices du temps se développe avec le christianisme : les intempéries sont mises en rapport avec les démons qui séjournent dans les airs. La première trace de cette croyance se rencontre chez saint Paul puis alimente toute la littérature religieuse183. Les principaux relais sont Origène, Augustin et Ambroise184. Augustin indique prudemment que le feu et l’air sont soumis aux démons dans la mesure où Dieu le permet185. Cette vision des choses rencontre un écho dans les croyances indigènes vigoureuses au haut Moyen Âge relevant d’une mythologie populaire qui peuple le monde de forces auxquelles il est possible de s’adresser par l’intermédiaire de spécialistes, les tempestarii ou obligatores186.
79Le temps qu’il fait peut être dépendant de la malice du diable, il peut signifier aussi la présence de Dieu. Dès les livres de l’Ancien Testament, en particulier le livre des Psaumes déjà évoqué, les phénomènes atmosphériques sont présentés comme la manifestation de Dieu dans sa Création. Raban Maur au IXe siècle développe principalement cette approche en rythmant les chapitres sur l’air, la pluie, la neige, le vent, le tonnerre… de références scripturaires. Ce sont des événements imprévisibles, car on ne peut prévoir Dieu, et qui signifient quelque chose aux hommes. Ils sont annonciateurs, d’où l’évocation fréquente de ces accidents climatiques ou des phénomènes atmosphériques dans les annales carolingiennes.
Le saltus, ou l’utilité des espaces sauvages
80Comme les encyclopédistes, les agronomes conçoivent la nature dans son ensemble. Monde sauvage et monde domestique obéissent aux mêmes forces et suivent les mêmes cycles vitaux. C’est au nom de ce principe que Pline souhaitait que la science des prévisions météorologiques puisse être à la portée des rustici187. Curieusement, le traité d’agronomie est typiquement romain. Le haut Moyen Âge n’en a pas produit et ne semble guère avoir utilisé ceux des Latins.
Les agronomes
81Les ouvrages agronomes latins sont les seuls monuments qui nous aient été conservés de la science agronomique de toute l’Antiquité188. Ce qui a même fait dire à certains historiens que les Romains, se sentant comme des exilés à la ville, ne rêvaient que d’un retour salutaire à la terre. Ce trait de civilisation oppose en somme profondément les Latins aux Hellènes, « infiniment moins sensibles à l’appel de la nature189 ». René Martin nuance cette image trop stéréotypée. À côté d’un Caton prônant un retour aux valeurs terriennes, il existe aussi dans des écrits de nature diverse les moqueries traditionnelles adressées aux rustici190. Quant au désintérêt supposé des Grecs pour l’agriculture raisonnée, il suffit de regarder la bibliographie proposée par Varron ou Columelle pour constater que le nombre de traités agronomiques en langue grecque dépasse de beaucoup celui des traités latins191.
82On désigne habituellement par « agronomes latins » les quatre auteurs qui ont été réunis dans un même volume de l’édition de Nisard en 1864 : Caton, Varron, Palladius et Columelle. Les historiens de l’économie antique y ajoutent volontiers Virgile pour ses Géorgiques, dont Columelle dit apprécier la valeur, ainsi que Pline l’Ancien192. La science agronomique, principalement tournée vers la technique, enseigne comment obtenir le plus beau produit de la terre. Mais elle n’omet jamais d’évoquer la place occupée par le saltus.
La valeur du saltus
83On ne peut pas dire que la culture romaine avait peu d’estime pour la nature inculte. Certes, la vision qu’ils proposent de la campagne, dans une partition idéale, rassemble les terres cultivées sous le vocable ager qui semble rigoureusement distinct du saltus, autrement dit la nature non humanisée, donc improductive. Pourtant, la perception du saltus n’est pas toujours ainsi. Elle oscille, entre mépris et louanges, en fonction des visions de l’économie rurale des agronomes romains : au IIe siècle av. J.-C., Caton l’Ancien décrit principalement des exploitations tournées vers la culture et rejette l’élevage dans les silvae des régions de montagne, en même temps que dans les marges de l’économie agraire193. En 37 avant J.-C., Varron rédige un ouvrage où il réconcilie l’agriculture et l’élevage comme des activités complémentaires. L’auteur, lui-même grand propriétaire terrien, possède des garennes et des viviers dans sa villa de Tusculum. Il y élève des bœufs et des ânes mais aussi des sangliers et des chevreuils. Varron évoque notamment dans le De re rustica les conditions particulièrement rudes de l’élevage extensif à flanc de montagne. En évoquant les terrains escarpés, l’isolement, le danger des prédateurs et des voleurs de bétail, il parvient à sublimer la vie pastorale, celle du saltus, dans une image presque héroïque194. Cette opposition ager-saltus, temporisée dans l’œuvre de Varron, retrouve de la vigueur sous la plume de Virgile. Lorsqu’il écrit les Géorgiques195, entre 38 et 29 av. J.-C., il s’avance comme un porte-parole de la classe des agricolae opposée à celle les éleveurs dont ils sont, semble-t-il, bien distincts, et met tout son art poétique dans un véritable manifeste pour une restauration de l’agriculture italienne d’autrefois. La tradition rapporte d’ailleurs que c’est peut-être sous la pression de Mécène, ministre de l’empereur Auguste, qu’il se résout à ajouter un chant consacré à l’élevage.
84Au cours d’une même période, mais selon des idées opposées sur l’économie et la société romaine, le saltus peut donc apparaître comme un espace parfaitement intégré à une économie rurale diversifiée ou bien être rejeté sur les marges peu rentables du domaine foncier, reliquat d’un mode de subsistance très ancien196. L’arrachement au monde sauvage comme signe de l’évolution de l’humanité est en effet une idée répandue chez les Romains197. Dans la première moitié du Ier siècle av. J.-C., Lucrèce décrit l’ancienne race humaine vivant comme les bêtes sauvages des produits de la forêt, et partageant leur grotte avec les fauves198. Déjà dans le chant I des Géorgiques, Virgile explique comment Jupiter a laissé la nature sauvage s’installer pour obliger les hommes à inventer les techniques qui leur ont permis de se nourrir : l’agriculture, la pêche et la chasse199. Pour le poète, le développement de l’art agricole a rejeté la cueillette sauvage dans les moyens de survie des temps de disette200. À l’opposé, l’ignorance des techniques artisanales et de l’agriculture est considérée comme un trait caractéristique d’une humanité en devenir. C’est une représentation qui trouve écho dans la description des peuples en marge de la civilisation, de l’époque romaine au haut Moyen Âge.
Au haut Moyen Âge
85Paradoxalement, la société profondément rurale du haut Moyen Âge n’a pas produit de traité d’agriculture. Jusqu’au XIIe siècle, c’est la littérature antique qui fait autorité. À propos de la postérité de la littérature agronomique, Jean-Louis Gaulin201 rappelle que les lettrés du haut Moyen Âge n’y ont porté qu’un intérêt très relatif, trop peu sensibles qu’ils sont au contenu scientifique et économique (contenu dont le caractère conjoncturel a peut-être rendu les ouvrages obsolètes dans une économie rurale du nord de la Loire entre le VIe et le IXe siècle) privilégiant une lecture surtout littéraire. Ainsi n’est-il pas surprenant de voir en lieu et place de Caton et de Varron les Géorgiques de Virgile dans les armaria des grands domaines202. En dehors de ce poète et de l’œuvre de Pline l’Ancien, filtrée par les abréviateurs successifs, seuls Columelle et Palladius laissent des traces manuscrites avant le XIIe siècle203. Sans doute Caton et Varron sont-ils copiés également à l’époque carolingienne, mais il ne subsiste plus aujourd’hui aucun manuscrit204. Déjà au VIe siècle Isidore de Séville n’utilise directement que Palladius et Columelle, bien qu’il cite plusieurs autres auteurs au début du XVIIe livre des Étymologies205.
86L’opus agriculturae de Palladius (fin IVe-début Ve) peut être considéré comme le manuel agronomique médiéval206. Car pour le haut Moyen Âge, seuls deux ouvrages se rapprochent un peu de ce genre de livre technique : Isidore de Séville et Raban Maur207. Peut-on penser qu’à cette période l’on fut trop profondément rural, trop proche de la terre et en lutte avec elle pour que les lettrés puissent porter sur elle un regard détaché qui fonde la littérature agronomique comme savoir208 ? Je ne le pense pas. Ce serait considérer bien à tort que la période précédente était beaucoup moins attachée à la terre. Ce serait aussi accorder peu de crédit à la capacité des maîtres de domaines, en particulier monastiques, à organiser la nature dans les jardins, non pas en s’appuyant sur des écrits mais de manière plus empirique. Car il existe toujours une préoccupation agricole, celle des propriétaires des grands domaines qui ont le souci de maîtriser un tant soit peu la production, et que l’on voit apparaître dans les documents tels que le capitulaire de villis209. Le manque d’intérêt pour la science agronomique tient au fait que, à l’image de la médecine, l’art vétérinaire et les autres savoirs techniques, elle n’avait pas sa place parmi les disciplines majeures enseignées210. Il est étonnant pourtant de retrouver dans les bibliothèques des aristocrates laïcs tel Eccard, comte de Mâcon, des ouvrages aussi techniques211. La permanence lexicale dans les textes carolingiens ne permet pas d’affirmer l’usage direct des œuvres de Columelle ou Palladius. Le vocabulaire technique ou la désignation des espèces végétales permettent parfois de le penser, mais ils ont pu aussi bien être puisé dans d’autres ouvrages, à commencer par Virgile.
87Le XVIIe livre des Étymologies de Isidore de Séville couvre deux domaines, celui de l’agriculture (chapitres i à v) et celui de la botanique (chapitres vi à xi)212. Dans le premier chapitre, ne sont cités que les agronomes antiques, et pourtant il n’est pas dans son intention d’élaborer un traité pratique d’agriculture. Il ne donne par exemple aucune instruction pratique concernant les sols et la culture des céréales, ou encore les vignes. Sa démarche est principalement étymologique. Le chapitre vi, de arboribus, groupe le vocabulaire technique concernant l’arbre. Les noms des essences sont regroupés dans la deuxième partie du livre sous la forme d’une liste de noms de plantes (nom latin, synonyme grec, étymologie, description, propriété).
88Cependant les efforts de la renovatio carolingienne portent aussi sur cette littérature antique. Les manuscrits agronomiques réapparaissent fin VIIIe - début IXe siècle dans les scriptoria du nord de l’Europe, Saint-Denis, Corbie, Fulda, après avoir transités par l’aire méditerranéenne213. Deux œuvres du IXe siècle permettent d’illustrer la fonction des textes agronomiques dans la culture carolingienne. Le De Universo de Raban Maur et le De cultura hortorum de Walahfrid Strabon. Tous deux ont vécu à Fulda. Walahfrid est élève de Raban puis devient abbé de Reichenau. Fulda est l’une des rares abbayes à disposer d’un manuscrit du texte de Columelle214. Mais chacun de ces lettrés a utilisé sa connaissance des textes techniques à des fins très éloignées de la cultus ruris. Dans le livre xix de son traité, comme dans le reste de son œuvre, Raban Maur propose une lecture allégorique des noms des plantes et des arbres. En puisant dans les Étymologies pour lui fournir les noms des végétaux qui l’intéresse, surtout ceux qui occupent une place importante dans les Écritures : palmier, pommier, laurier, figuier. Arbres et plantes sont des énigmes que Raban Maur s’efforce de déchiffrer pour en découvrir le sens chrétien. Les 444 vers de l’Hortulus, opuscule de Walahfrid Strabon composé au IXe siècle, nous conduisent à serpenter dans les allées du jardin de l’abbaye de Reichenau et à découvrir les vertus thérapeutiques des plantes qui y poussent. L’auteur indique dans sa préface que ses connaissances en botanique et en jardinage lui viennent de son expérience, de ses longues heures passées à cultiver. Mais il précise qu’il a aussi puisé dans la lectio priscis libris215. Ce sont sans doute moins des œuvres agronomiques que le poète Virgile et surtout le savoir médical de Pline ou de Galien. Walahfrid Strabon insiste en effet surtout sur les soins apportés par les plantes. Que Walahfrid Strabon ait pu admirer concrètement, dans les jardins du cloître de Reichenau, les plantes qui apparaissent dans son De cultura hortorum n’altère en rien le caractère poétique de sa démarche. Nourri de sources littéraires, ce poème est situé au point de rencontre de la tradition virgilienne et de la littérature des herbiers. Columelle et Palladius n’interviennent que très rarement, tandis que Virgile et des auteurs de textes médicaux comme le Liber medicinalis de Q. Serenus Sammonicus sont plus sollicités216. Le travail du jardinier est évoqué au début du poème et compris comme un exemple de conduite vertueuse (v. 10-14). Le principal ennemi du jardinier, au sortir de l’hiver, n’est-il pas l’ortie (v. 34-45), plante emblématique de l’âpreté des vices selon Raban Maur217 ? Bêché et arrosé, le jardin monastique donne une ample récolte d’herbes agréables et parfumées pourvues de vertus médicinales.
De la forêt
89Dans le chapitre De montibus, caeterisque terrae vocabulis du XIVe livre des Étymologies, Isidore de Séville n’évoque pas à proprement parler des terres sauvages. On trouve cependant une typologie de lieux dont quatre au moins peuvent caractériser ces terres de confins :
« Les saltus sont les lieux vastes et silvestria (qui peut aussi bien se traduire par boisés, champêtres ou encore sauvages ?) où les arbres s’élèvent en hauteur… Les lustra sont les séjours obscurs des bêtes sauvages et les tanières des loups… Le lucus est un lieu planté d’arbres touffus qui privent le sol de la lumière… Les deserta… sont des lieux de forêts et de montagnes218… »
90Certaines de ces définitions se recoupent et ne sont pas exclusives. Ailleurs dans les Étymologies, Isidore éclaire autrement les termes saltus et lucus. Mais l’on peut remarquer que les bêtes sauvages et la forêt constituent les éléments déterminants de ces lieux. À l’époque carolingienne, Raban Maur reprend quasi mot pour mot ces définitions. Les nuances entre les deux auteurs sont minimes : chez l’évêque de Séville, le lucus est le lieu des pratiques cultuelles des religions païennes, sans doute par référence au monde ancien219. Raban Maur modifie ce passage en rapprochant peut-être son argument des récentes missions d’évangélisation au nord de l’Europe, à moins qu’il n’emprunte un autre passage d’Isidore220.
91Les Romains possèdent plusieurs termes pour désigner un bois ou une forêt selon qu’ils insistent sur la densité de la couverture végétale, la faune qui l’habite ou le caractère sacré du lieu. Le vocabulaire antique des forêts est transmis par Isidore de Séville et se retrouve de texte en texte au haut Moyen Âge. Chez Isidore, la variété de la couverture forestière nécessite de conserver dans l’usage plusieurs vocables : silva, nemus, saltus, lucus et même aviaria. Chacun d’eux sous-entend une certaine utilisation :
« Un arbre (arbor) est haut, cependant que le taillis (silua) est un bois épais et peu élevé. Silua vient de xilua parce qu’on y coupe du bois : zuvlon est le nom grec du bois… Nemus (bois) doit son nom aux numina (divinités), parce que les païens y établissaient des idoles ; les nemora sont constitués en effet d’assez grands arbres au feuillage ombreux. Lucus désigne l’épaisseur touffue des arbres qui prive le sol de lumière ; on le nomme ainsi par antiphrase, parce que la lumière en est absente, ou bien le mot vient de lux parce que par suite de l’obscurité des bois, on y allumait des chandelles et des cierges. Le saltus est formé d’arbres touffus et élevés ; son nom vient de ce qu’il jaillit en hauteur et se dresse vers le ciel. On appelle auiaria des bois retirés qui sont peuplés d’oiseaux221. »
92Malgré ce souci de précision lexicale, les termes gardent une certaine ambiguïté qui nous invite à rester prudent lorsque nous les rencontrons dans la documentation. Silva signifie-t-elle toujours la forêt ? Et quelle forêt : un simple bosquet où une haute futaie ? L’agronome Palladius faisait déjà la différence entre la grande forêt, alta silva, et les taillis, silva humiles222. Raban Maur parle de saltus vel silva, traduisant par là une certaine synonymie entre les deux termes. Il les décrit, en recopiant Isidore, comme des lieux où les arbres poussent en hauteur223. Le saltus désignerait donc d’abord une forêt. Pourtant silva continue d’être utilisé, en alternance avec des termes que l’évêque de Séville distinguait nettement. Lorsque Walahfrid Strabon recommande dans son Hortulus d’aller cueillir la rue (ruta) dans un nemus umbriferum224, il n’évoque pas la sylve des divinités. Le choix du poète l’emporte sur le sens donné par Isidore de Séville au mot nemus. Au XIIIe siècle, l’encyclopédie de Barthélemy l’Anglais montre que dans l’usage, débarrassés de leurs sens païens, les mots latins silva, nemus et même lucus sont synonymes225.
Conclusion
93Pris ensemble, tous les livres que nous avons cités contiennent pratiquement la somme totale des faits et des interprétations scientifiques connues du haut Moyen Âge. Il y a pourtant bien peu sur ce que nous considérons comme étant les espaces du sauvage.
94Nous ne pouvons voir dans la vision du monde sauvage qu’une synthèse des époques antérieures. L’essentiel provient bien de l’époque antique mais non de la culture païenne seule, la Bible est par l’intermédiaire des Pères à l’origine d’une représentation plus neuve. C’est la révolution chrétienne qui apporte les référents inédits et fondateurs de la pensée occidentale. Le contact de cette conception de l’univers avec les substrats culturels locaux transforme la pensée du sauvage.
Notes de bas de page
1 Grant E., La physique au Moyen Âge, VIe-XVe siècles, Paris, 1995, p. 3. Impression partagée par J.-P. Deléage, Histoire de l’écologie. Une science de l’homme et de la nature, Paris, 1991, p. 24.
2 Delort R., Les animaux ont une histoire, Paris, 1984, p. 54.
3 Radogna C., « La zoologie médiévale. Le crocodile entre historia et ratio », L’animal dans l’Antiquité, Cassin B., Labarrière J.-L. et Romeyer Dherbey G. (éd.), Paris, 1997, p. 519. Gerhardt M., « Zoologie médiévale : préoccupation et procédés », Miscellanea Medievalia, vii, Berlin, 1970, p. 232.
4 Waszink J. H. (éd.), 1962. Une œuvre qui ne circule guère cependant avant le XIIe siècle.
5 Keil H. (éd.), Gramm. Lat. V, 1868, p. 599-655.
6 Marcianus Capella, De nuptiis Philologiae et Mercurii, Dick A. (éd.), Leipzig, 1925, corrigé par J. Préaux, 1969.
7 Jeauneau É., « L’héritage de la philosophie antique durant le haut Moyen Âge », La cultura antica nell’Occidente latino dal vii all’XI secolo, Spolète, 1975, p. 26.
8 Isidore de Séville, De rerum Natura, Fontaine J. (éd.), Paris, 1960.
9 Isidore de Séville, Etymologiae seu origines (= Etym.), PL 82, col. 73-728. Certains livres ont été édités et traduits par Jacques Fontaine, voir bibliographie.
10 Aenigmatum liber, Ehwald R. (éd.), MGH AA xv, 1919, p. 59-204. Aldhelm de Malmesbury, Aenigmata, Glorie F. (éd.), Turnhout, 1968.
11 Bède le Vénérable, De natura rerum, PL 90, col. 187-278.
12 Il faut signaler aussi qu’une lettre envoyée à Aldhelm de Malmesbury par un de ses élèves fait allusion au De natura rerum d’Isidore comme livre scolaire. L’ouvrage était sans doute dans la seconde moitié du VIIe siècle LE manuel de cosmographie dans les écoles monastiques et épiscopales de l’Angleterre du Sud. Cf. Fontaine J., Isidore de Séville, Le traité de la Nature, Bordeaux, 1960, p. 74-75.
13 Fontaine J., op. cit., p. 79.
14 En dernier lieu De Jong M., « Old law and New Found Power: Hrabanus Maurus and the Old Testament », Willem Drijvers J., McDonald A. A. (éd.), Centre of Learning. Learning and Location in Pre-modern Europe and the Near East, Leiden, 1995, p. 161-176.
15 Raban Maur, De universo, PL 111, col. 9-614.
16 La bibliographie concernant Aristote (384-322) est considérable. Outre les longues et riches introductions des éditions critiques, nous pouvons consulter entre autres, autour du thème qui nous occupe, Byl S., Petite anthologie de la biologie d’Aristote, Liège, 1974. Hall T. S., A source book in animal Biology, New York, 1951. Lloyd G. E. R., Les débuts de la science grecque, de Thalès à Aristote, Paris, 1974. Louis P., La découverte de la vie, Paris, 1975.
17 Delort R., op. cit., p. 50. Bertier J., « Tradition et novation dans la zoologie d’Aristote », Histoire et animal, Couret A., Ogé F. (éd.), vol. II, Des animaux et des hommes, Toulouse, 1989, p. 195.
18 Aristote, Les parties des animaux, Louis P. (éd.), Paris, 1956. De la génération des animaux, Louis P. (éd.), Paris, 1961. Histoire des animaux, 3 vol. , Louis P. (éd.), Paris, 1964-1969.
19 Météorologiques, 2 vol. , Louis P. (éd.), Paris, 1982. L’ensemble de son œuvre forme un tout, qui le conduit notamment à démontrer dans le domaine de la zoologie que c’est le milieu qui agit sur la faune. Son élève et successeur Théophraste (370-287) reprend cette idée du lien entre le milieu et le comportement. Delort R., op. cit., p. 51-52.
20 Aristote, Les parties des animaux, I, 5, 645a. Lorsque Cicéron écrit sur les sciences naturelles, il perpétue cette approche globale des phénomènes qui est celle d’Aristote. Van Den Bruwaene M., Cicéron, De Natura Deorum II, Bruxelles, 1978, p. 6.
21 Ce sentiment profond et lointain, préphilosophique, des Grecs devant le spectacle de la nature, dans laquelle règne l’harmonie, a donné le mot cosmos qui signifie quelque chose de beau, de bien arrangé. Verbeke G., « L’homme et son univers, de l’Antiquité classique au Moyen Âge », Wenin Ch. (éd.), L’homme et son univers au Moyen Âge, Louvain-la-Neuve, 1986, p. 25.
22 Il faut attendre le XIIIe siècle pour qu’il soit redécouvert par Thomas d’Aquin ou Albert le Grand par l’intermédiaire de la culture hispano-musulmane (la partie de son œuvre traitant des animaux fut traduite en latin à partir de l’arabe par Michel Scot vers 1230 à Tolède, puis intégrée presque sans modification dans le De animalibus d’Albert le Grand) et des philosophes comme Avicenne ou Averroès. Pour l’époque précédente, des bribes de la science aristotélicienne sont perçues à travers Pline l’Ancien, mais aussi indirectement grâce à son maître Platon, au Timée en particulier qui contient déjà l’ébauche de la théorie des quatre éléments : eau, feu, terre, air, qu’Aristote développe peu après dans sa Météorologie. Rivaud A., Timée, Paris, 1925, p. 83-86. Voir sur l’émergence des ouvrages d’histoire naturelle d’Aristote au Moyen Âge Lohr C. H., The medieval interpretation of Aristotle, Cambridge, 1982. Van Steenberghen F., La philosophie au XIIIe siècle, Louvain, 1991.
23 Isidore de Séville, De natura rerum, op. cit.. Bède le Vénérable, De natura rerum, PL 90, col. 187-278. Héritière de la géométrie grecque, la pensée du haut Moyen Âge conserve sa primauté à la figure et au concept du cercle. Mais cette construction cohabite avec une autre insistant au contraire sur une unité du tout.
24 Cf. Louis P., Les Métaphores de Platon, Paris, 1945.
25 Irigoin J., « La culture grecque dans l’Occident latin du VIIe au XIe siècle », La cultura antica… op. cit., p. 425-446.
26 Jeauneau É., « L’héritage de la philosophie antique… », art. cit., p. 18-19.
27 André J., Isidore de Séville, XVII : de l’agriculture, Paris, 1981, p. 14.
28 Pline L’Ancien, Histoire Naturelle, Ernout A., Pépin R. (éd.), Paris, depuis 1947. Pour la faune, livres VIII à XI, auxquels on ajoute les livres xxviii à xxxii sur les remèdes tirés des animaux. Pour la flore, livres XII à XXI auxquels se rattachent les livres suivants, de XXII à XXVII, sur les remèdes tirés des végétaux.
29 Dans le livre I, à la fin de chaque chapitre, Pline dresse la bibliographie des auteurs qu’il a consultés. C’est au total 473 auteurs indexés dont une centaine fut probablement lue directement. Bayet J., Littérature latine, Paris, 1965, p. 360. Delort R., Les animaux… op. cit., p. 52.
30 Il faut néanmoins rappeler l’existence dès le premier siècle avant J.-C. de ce qui est considérée comme la première véritable encyclopédie latine, celle de Marcus Terentius Varro (116-127).
31 Liliane Bodson rappelle l’entreprise de réhabilitation en cours de l’œuvre de Pline. « Le témoignage de Pline l’Ancien sur la conception romaine de l’animal », Cassin B., Labarrière J.-L., Romeyer Dherbey G. (éd.), L’animal dans l’Antiquité, op. cit., p. 325-329.
32 Par exemple Livre v, p. 52 ; Livre VI, p. 31-32. Voir infra chapitre ii.
33 Pline, HN, XVIII.
34 Pline, HN, XI.
35 Pline, HN, XII-XIII.
36 Pline, HN, XII par exemple les arbres à laine de l’île de Tylos, p. 31 ; les forêts d’encens d’Arabie, p. 36. XVI les sapins recherchés pour la fabrication des navires, p. 35.
37 Gourévitch D., « La médecine dans le monde romain », Grmek M. D. (éd.), Histoire de la pensée médicale en Occident, I : Antiquité et Moyen Âge, Paris, 1993, p. 109.
38 Pline, HN, XXIX. Beaucoup de chapitres sont consacrés aux morsures de serpents. Voir Bonet V., « Les animaux occidentaux dans la pharmacopée de Pline », Homme et animal dans l’Antiquité romaine, Hors série Caesarodunum, Tours, 1995, p. 163-171.
39 Cependant, la science médicale antique fut enrichie au IIe siècle par l’immense travail de compilation de Galien qui finit par l’emporter sur toute la littérature médicale antérieure, exception faite d’Hippocrate. Gourévitch D., art. cit., p. 109. Sur la question plus générale de la médecine ancienne, voir Manus medica, Gaide F., Biville F. (éd.), Aix-en-Provence, 2003.
40 Cette partie de son œuvre joue un rôle important dans les siècles suivants comme source de traités sur les vertus thérapeutiques des plantes et des animaux. Gourévitch D., art. cit., p. 110.
41 Solin, Polyhistor ou Collectanea rerum memorabilium, Mommsen Th. (éd.), Berlin, 1895.
42 Élien, Traité sur la nature des animaux, 3 vol. , Scholfield A. F. (éd.), Londres, 1958-1959.
43 Voisenet J., Bestiaire chrétien. L’imagerie animale des auteurs du haut Moyen Âge (Ve-XIe s.), Toulouse, 1994, p. 68-69.
44 Il convient aussi de mentionner à nouveau trois polygraphes latins Calchidius, Macrobe et Martianus Capella, qui ont transmis au haut Moyen Âge une part de la science antique au moment où, au Ve siècle, le christianisme triomphait. Stahl W., Roman Science. Origins, development and influence to the Later Middle Ages, Madison, 1962, p. 142.
45 Sur ces questions, l’œuvre de Pierre Riché demeure incontournable. Éducation et culture dans l’Occident barbare (VIe-VIIIe s.), Paris, 1995. Mais aussi Banniard M., Genèse culturelle de l’Europe Ve-VIIIe s., Paris, 1989. Contreni J. J., Carolingian Learning. Masters and Manuscripts, Aldershot, 1992.
46 Richer (fin Xe s.), Histoire de France (888-995), II, 49, Latouche R. (éd.), 1930-1937, p. 57.
47 Isidore, Étymologies, XII, André J. (éd.), p. 105-107. Cf. Cicéron, Pro M. Aemilio Scauro, 2, 8. L’évêque espagnol cite d’ailleurs plusieurs fois Cicéron. CF. André J., Introduction au livre XII des Étymologies, op. cit., p. 13.
48 Servii grammatici qui feruntur in Vergilii carmina commentarii I, Thilo G. (éd.), Leipzig 1881.
49 Ibid., p. 13.
50 À propos du poète Lucain (39-65), c’est au Xe siècle qu’il sort de l’ombre dans laquelle il est plongé dans les premiers siècles du haut Moyen Âge. Isidore de Séville utilise la Pharsale pour l’étude des animaux sauvages et en particulier les serpents. Isidore reprend la liste des seize reptiles du désert libyen de La Pharsale (IX, v. 700-726, Bourgery A., Ponchot M. [éd.], Paris, 1927-1930) dans Étym. XII, iv. De nombreuses citations sont reprises par Raban Maur au IXe siècle (De Universo, VIII, 2 : de serpentibus, PL 111). Cf. Gröber G., Ubersicht über die lateinische Literatur von der mitte des vi Jahrhunderts bis zur mitte des xiv Jahrhunderts, Munich, 1963, p. 101-121. Voir Aussi Lecouteux C., « Paganisme, syncrétisme et merveilleux », Annales ESC, 37, no 4, 1982, p. 701.
51 Isidore, Étym. XII, v, 9 ; Raban Maur, De universo, VIII, iv, PL 111, col. 235. Plaute, Cistellaria 728-729, Ernout A. (éd.), Paris, 1935.
52 L’Énéide est cité quatre fois, Lucrèce trois fois et les Géorgiques deux fois. Cependant, il semble que ces vers ne soient pas tirées des textes mais de commentaires. Cf. Fontaine J., Isidore de Séville et la culture classique dans l’Espagne wisigothique, Paris, 1959 ; id., « Isidore de Séville et la mutation de l’encyclopédisme antique », La pensée encyclopédique au Moyen Âge, Cahiers d’histoire mondiale, 9, 1966, p. 43-62.
53 Ducos J., op. cit., p. 291. Viarre S., La survie d’Ovide dans la littérature scientifique des XIIe et XIIIe siècles, Poitiers, 1966.
54 Isidore, Étym., XIII, 10, et Pline, HN, II, 40.
55 Banniard M., Genèse culturelle de l’Europe (Ve-VIIIe siècles), Paris, 1989, p. 34.
56 Sénèque, Questions Naturelles, Oltramare P. (éd.), Paris, 1929.
57 Bayet J., Littérature latine, Paris, 1965, p. 318. À propos des Lettres à Lucilius, porteuses du message stoïcien, voir Reynolds L. D., The medieval tradition of Seneca’s letters, Oxford, 1965.
58 Le Collectaneum d’Hadoard, composé à Corbie au milieu du IXe siècle, cite Cicéron comme faisant autorité en théologie païenne avec le De Natura Deorum, Platon sur la création et la providence, Macrobe et Martianus Capella pour les arts libéraux. Mais la mention de ces auteurs ne garantit pas la diffusion de leurs idées et leurs reprises par les écrivains du haut Moyen Âge. Hadoardi versus, v. 1-24, MGH, Poetae latini aevi caroliniii, Berlin, 1884, p. 683. P. Schwenke, « Das Presbyter Hadoardus Cicero-excerpte… », Philologus, Supplementband V, 1889, p. 397-588.
59 Aemilius Macer, Ornithogonia,Baehrens E. (éd.), Poetae latini minores, Teubner, 1911-1927. Theriaca (Remèdes contre les morsures de serpents venimeux), Baehrens E. (éd.), Poetae latini minores, Teubner, 1911-1927.
60 C. Leonardi, « I codici di Maziano Capella », Aevum, XXXIII, 1959, p. 459-461. Malgré le témoignage de Grégoire de Tours et d’Isidore de Séville, la vraie fortune de Martianus Capella commence avec la Renaissance carolingienne. Cf. Jeauneau É., art. cit., p. 36 et notes 52-53, riches en bibliographie.
61 Guerreau-Jalabert A., « La renaissance carolingienne : modèles culturels, usages linguistiques et structures sociales », BEC, 1981, p. 13.
62 21 manuscrits des poèmes virgiliens sont connus pour la première moitié du IXe siècle. Munk Olsen B., « La réutilisation des classiques dans les écoles », Ideologie e pratiche del reimpiego nell’alto medioevo, Spolète, 1999, p. 238-240. Voir aussi id., « Les poètes classiques dans les écoles au IXe siècle », De Tertullien aux Mozarabes. Antiquité Tardive et christianisme ancien (IIIe-VIe s.), Paris, 1992, p. 197-210.
63 Vernet A., « La transmission des textes en France », La cultura antica… op. cit., p. 91. L’auteur s’appuie en particulier sur les importants travaux d’inventaire du paléographe Bernhard Bischoff.
64 Un exemplaire est mentionné par Loup de Ferrières à Auxerre. Lucrèce, un exemplaire à Murbach. De même les Lettres à Lucilius de Sénèque, uniquement à Laon et Soissons au IXe siècle.
65 Virgile, Stace, Lucain, Martial, Juvénal, Horace, Perse sont présents dans de nombreuses bibliothèques. Les fabulistes constituaient le fond de toutes les bibliothèques scolaires, cf. Vernet A., art. cit., p. 106.
66 La plupart de ces manuscrits sont décrits par Birger Munk Olsen dans Étude des auteurs classiques latins aux IXe-XIIe siècles, Paris, 4 vol. 1982-1989.
67 Munk Olsen B., art. cit., p. 236.
68 Voir aussi Holtz L., « Vers la création des bibliothèques médiévales en Occident », Morfologie sociali e culturali in Europa fra Tarda Antichità e alto Medioevo, I, Spolète, 1998, p. 1059-1103.
69 Bardon H., La littérature latine inconnue, 2 vol. , Paris, 1952-1956. Vernet A., art. cit., p. 114.
70 Fontaine J., Isidore de Séville, le traité de la nature, Bordeaux, 1960, p. 11.
71 PL 14, col. 123-274. CSEL 32, 1.
72 Viarre S., « Cosmologie antique et commentaire de la création du monde. Le chaos et les quatre éléments chez quelques auteurs du haut Moyen Âge », La cultura antica… op. cit, p. 550.
73 PL 34, col. 222. Cf. Lubac H. (de), Exégèse médiévale, Paris, 1959.
74 Viarre S., art. cit., p. 554.
75 Boèce, De consolatione Philosophiae libri v, PL 63 (CSEL 67).
76 Alcuin, Carmina, MGH Poet. II, 1, p. 160.
77 Sulpice Sévère, Chroniques, I, 1, Senneville-Graves G. (de) (éd.), Paris, 1999.
78 Cf. Hilaire de Poitiers, La Trinité, I, 6, Durand G. M., Morel C., Pelland G. (éd.), Paris, 1999, p. 216. Voir Grégoire le Grand, Moralia in Job II, 12, 20, PL 75, col. 565. Id., Hom. In Ezechiel II, 5, 11, PL 76, col. 991. Isidore de Séville, Sententiae I, 2 3, PL 83, col. 541. Alcuin, De fide S. Trinitatis II, 4, PL 101, col. 25. Dhuoda, Manuel pour mon fils,Riché P. (éd.), Paris, 1991, p. 112.
79 Hilaire, op. cit., p. 216.
80 Augustin, De doctrina christiana, II, 16, 24, CCSL 32, p. 49.
81 Gregory T., « L’idea di natura nella filosofia medievale prima dell’ingresso della fisica di Aristotele : il secolo xii », La filosofia della natura nel Medioevo, Milano, 1966, p. 27-65.
82 Voir notamment la description plutôt détaillée du Rhinocéros, Moralia in Job, 31, 15, 29, PL 75 ; 76, 589d-590a. Voir les autres exemples cités par Boglioni P., « Miracle et nature chez Grégoire le Grand », Cahiers d’Études Médiévales, 1, Épopées, légendes et miracles, Montréal-Paris, 1974, p. 19, notes 20, 21.
83 Boglioni P., « Miracle et nature… », art. cit., p. 20.
84 Expression de Pierre Boglioni, ibid., p. 35.
85 Il est à noter que Isidore recourt peu aux Naturae historiarum libri. Le nom de Pline n’est mentionné que sept fois dans les Étymologies, et toujours dans le livre douze, de animalibus.
86 Pline, HN, XXV, 9.
87 André J., Isidore de Séville, Étymologies XII, des animaux, p. 22.
88 Badia-Margarit A., « Aspects méthodiques de la contribution de la botanique à la toponymie », iiie congrès international de toponymie et d’anthroponymie, Louvain, 1951, III, p. 525-546.
89 An eighth century Latin-Anglo-saxon glossary (Cambridge, corpus MS 144), Lindsay W. M. (éd.), Cambridge 1921.
90 Vita Filiberti abbatis Gemeticensis et Heriensis c. 25, MGH SSRM 5, Hanovre-Leipzig, 1910, p. 597.
91 Burchard de Worms, Decretorum libri,xix, De incredulis, PL 140, col. 970-971.
92 Ortalli G., « Gli animali nella vita quotidiana dell’alto medioevo : termini di un rapporto », L’uomo di fronte al mondo animale nell’alto medioevo, Spolète, 1985, II, p. 1389-1443.
93 Notker de Saint-Gall, Gesta Karoli imperatorisii, MGH SSRG, nuova serie, XII, Berlin, 1959, p. 60-61.
94 Isidore distingue bien les deux espèces. Isidore de Séville, Étym. XII, 1, 33-34.
95 Grégoire de Tours, Vitae Patrum, XII, MGH SSRM I, p. 711-715.
96 Voisenet J., « L’animal et la représentation de l’espace chez les auteurs chrétiens du haut Moyen Âge », Histoire et animal, vol. II, p. 253.
97 Pline commence chacun de ses livres par l’espèce animale la plus grosse. Pline cherche avant tout à montrer le spectacle de la nature à ses lecteurs. Sur ce problème de la classification dans l’œuvre de Pline, cf. Della Corte F., « Tecnica espositiva e struttura della Naturalis Historia », Plinio il Vecchio sotto il profilo storico e letterario, Côme, 1982, p. 19-39.
98 Pline, HN, VIII, 82, p. 100-101.
99 Bodson L., « Points de vue romains sur l’animal domestique et la domestication », Homme et animal dans l’Antiquité romaine, Hors série Caesarodunum, Tours, 1995, p. 7-49.
100 Les conceptions relatives à la classification des animaux ont connu une évolution durant l’Antiquité. Cf. Vegetti M., « Alle origini della razionalità scientifica : la classificazione degli animali », Scienza e tecnica nelle letterature classiche, no 64, 1980, p. 9-42.
101 Isidore, Étym. XII, 1, J. André (éd.), p. 36-40.
102 Étym. XII, 1, 15-22.
103 Étym. XII, 1, 23.
104 Étym. XII, 24. La domestication du lapin est toujours débattue. Cf. Benecke N., Der Mensch und seine Haustiere. Die Geschichte einer jahrtausendealten Beziehung, Stuttgart, 1994, p. 359-362. Delort R., Les animaux… op. cit., p. 304-320.
105 Liliane Bodson est sans doute la première à avoir constater cela. Bodson L., « Les paradoxes du témoignage d’Isidore de Séville sur les chiens (Étym. XII, 2, 25-28) », Milieux naturels, espaces sociaux, Mornet E., Morenzoni F., Millioud D. (éd.), Paris, 1997, p. 178.
106 Étym. XII, 1, 25-26.
107 Étym. XII, 2, 3-11 : lions et grands félins ; XII, 2, 12-13 : Rhinocéros ; XII, 2, 22 : ours ; XII, 2, 40 : blaireau ; XII, 2, 14-16 : éléphant.
108 Cicéron, De natura deorum, II, xxxix, 99, op. cit.
109 Sulpice Sévère, Chroniques, op. cit., p. 94 (à propos des espèces enfermées dans l’Arche de Noé).
110 Isidore, Étym. XII, 2, 2.
111 Ibid., Étym. XII, p. 86-87.
112 Raban Maur, De universo, VIII, 1, PL 111, col. 217.
113 Étym. XII, 3, 1-2 et 4.
114 Étym. XII, 3, 3.
115 Étym. XII, 3, 8-10.
116 André J., Isidore de Séville, Étymologies, XII, des animaux, p. 29.
117 D’une manière générale, c’est une activité humaine dont il se désintéresse complètement dans son encyclopédie. Voir les deux allusions dans Étym. X, 282, et Étym. XVIII, 7, 4. Cf. André J., Isidore de Séville, op. cit., p. 29.
118 Raban Maur, De universo VIII, 1, PL 111, col. 217.
119 Raban Maur, De universo VII, 7-8.
120 Jonas d’Orléans, De institutione laïcali, 23, PL 106, col. 215.
121 C’est un vaste sujet d’étude initié par Michel Pastoureau couvrant toute la période médiévale jusqu’au XVIe siècle. Pastoureau M., « Nouveaux regards sur le monde animal à la fin du Moyen Âge », Natura, science e società medievali. Il teatro della natura, Micrologus iv, 1996, p. 42.
122 « Sortie de l’arche et sacrifice de Noé », Genèse de Vienne, Cod. theol. gr. 31, p. 4, Osterreichische Nationalbibliothek, Vienne.
123 Isidore, Étym. XII, 2, 25. L’évêque de Séville explique la même chose à propos du cheval. (XII, 1, 43-44). C’est une idée que l’on trouvait déjà chez Pline L’Ancien, HN viii, 142.
124 Augustin, De Genesi ad litteram libri duodecim, iii, 11-16, Agaësse P., Solignac A. (éd.), Paris, 1972.
125 Isidore, Étym. XII, 2, 1.
126 Bodson L., « Les paradoxes… », art. cit., p. 178.
127 Mainoldi C., L’image du loup et du chien dans la Grèce ancienne d’Homère à Platon, Paris, 1984. Voir aussi les fables d’Ésope, d’Avienus. Varron oppose le chien de berger comme le premier adversaire du loup prédateur (ii, 9, 1). Cf. aussi Columelle VII, 12, 9. Ou encore la Bible.
128 Pline, HN, VIII, 148. Bodson L., « Les paradoxes… », art. cit. p. 180.
129 Un autre exemple est donné par Isidore de Séville à propos des ânes. Asinus est l’espèce domestique statim ut uoluit homo substrauit, tandis que onager signifie asinus ferus. Isidore, Étym. XII, 1, 38.
130 Walahfrid Strabon, Hortulus, xx Betonica, v. 337-340, MGH Poet. II, p. 335-350. (voir aussi la belle édition allemande, commentée et illustrée, de Hans Dieter Stoffler, Der Hortulus des Walahfrid Strabo, Sigmaringen, 1996). De même l’aigremoine (agrimonia,xxi, v. 359-368).
131 Lockwood R., « The ethology and epidemiology of canine aggression », The domestic dog: its evolution, behaviour and interactions with people, Serpell J. (éd.), Cambridge, 1995, p. 131-138.
132 Cf. Yvinec J.-H., « L’élevage et la chasse », Un village au temps de Charlemagne. Moines et paysans de l’abbaye de Saint-Denis du VIIe siècle à l’an mil, Paris, 1988, p. 227-228. Deutéronome XXIII, 28. Cf. Pinney R., The animals in the Bible. The identity and the natural history of all the animals mentioned in the Bible, Philadelphia-New York, 1964, p. 118-120. Bodson L., « Place et fonction du chien dans le monde antique », Ethnozootechnie 25, 1980, p. 13-21.
133 Lévi-Strauss C., Le totémisme aujourd’hui, Paris, 1962. Sperber D., « Pourquoi les animaux parfaits, les hybrides et les monstres sont-ils bons à penser symboliquement ? », L’homme, avril-juin 1975, XV, 2, p. 10.
134 À propos du lion et de l’aigle voir Sperber D., art. cit., p. 24-25.
135 Isidore, Étym. XII, 2. 2.
136 Hilaire de Poitiers, La Trinité, I, 2, op. cit., p. 204.
137 Problématiques renouvelées dans La météorologie dans l’Antiquité entre science et croyance, Cusset C. (éd.), Toulouse, 2003.
138 Aratos, Phénomènes, 2 vol. , Martin J. (éd.), Paris, 1998. Cicéron, Avienus l’ont traduit en latin, Pline le cite parmi ses sources dans le livre XVIII, sur les signes du temps. Cicéron, Aratea, fragments poétiques, Soubiran J. (éd.), Paris, 1972. Aviénus, Les phénomènes d’Aratos, Soubiran J. (éd.), Paris, 1981.
139 Sur l’usage du mot μετεώρολογίά, voir Ducos J., « Théorie et pratique de la météorologie médiévale, Albert le Grand et Jean Buridan », Le temps qu’il fait au Moyen Âge, Phénomènes atmosphériques dans la littérature, la pensée scientifique et religieuse, Ducos J., Thomasset C. (éd.), Paris, 1998, p. 46. Le mot climat est tout aussi problématique dans l’Antiquité. Voir à ce propos Vedrenne I., « Temps et climat », Le temps qu’il fait…, op. cit., p. 71-76.
140 Aristote, Météorologiques, I, 1, 338b20, Louis P. (éd.), Paris, 1982, p. 2. Les sujets traités sont plus divers que ne laisse supposer le titre. S’y ajoutent la géologie et l’hydrologie.
141 Sénèque, Quaestiones naturales, I, livre ii : de fulminibus et tonitribus, II, livre iv : de nubibus, livre v : de ventis, Oltramare P. (éd.), Paris, 2e éd. 1961, p. 52-106, p. 195-208, p. 215-238.
142 Vedrenne I., « Temps et climat », Le temps qu’il fait… op. cit., p. 76. Ou encore la « pestilence » dans le De natura rerum de Isidore de Séville, XXXIX De pestilentia.
143 Isidore, De natura rerum, XLVI, de terrae motu.
144 Ducos M., « Les phénomènes atmosphériques dans la poésie latine », Le temps qu’il fait… op. cit., p. 139-150. D’ailleurs la double appartenance de l’œuvre de Virgile, au genre poétique et à celui de l’agronomie, témoigne d’une confusion des genres qui ne paraissait pas alors incongrue.
145 Deproost P.-A., « La tempête dans l’Historia apostolica d’Arator. Sources et exégèse d’un cliché littéraire », De Tertullien aux Mozarabes, op. cit., p. 479-480.
146 Nabert N., « Climat, saisons, phénomènes atmosphériques dans les Psaumes », Le temps qu’il fait… op. cit., p. 171-190.
147 Nabert N., art. cit., p. 189.
148 Avitus de Vienne, Histoire spirituelle, t. i (chants i-iii), Hecquet-Noti N. (éd.), Paris, 1999.
149 Arator, Historia Apostolica ou de actibus apostolorum II, v. 1070-1081, Mckinlay A. P. (éd.), 1951.
150 Ducos J., La météorologie en français au Moyen Âge (XIIIe-XIVe siècles), Paris, 1998, p. 32.
151 Draelants I., « Le temps dans les textes historiographiques du Moyen Âge », Le temps qu’il fait…, op. cit., p. 92.
152 Agobard de Lyon, De grandine et tonutruis, Van Acker L. (éd.), Turnhout, 1981, p. 3-15.
153 Isidore, XIII, 7. Bède le Vénérable et les encyclopédistes jusqu’à Vincent de Beauvais reprennent ce type d’affirmations. Cf. Ducos J., « Théorie et pratique de la météorologie médiévale, Albert le Grand et Jean Buridan », Le temps qu’il fait…, op. cit., p. 47.
154 Raban Maur, De universo, IX, 28 de turbine, ou encore XI, 21 de diluuuiis.
155 Cf. Cicéron, De Natura Deorum, II, v, 13.
156 Cela reste la préoccupation principale des auteurs d’encyclopédie en langue française du XIIIe siècle. Cf. Connochie-Bourgne C., « Le temps qu’il fait… expliqué par les premières encyclopédies en langue française du XIIIe siècle », Le temps qu’il fait…, op. cit., p. 31.
157 Oltramare P., Questions naturelles, Introduction, p. xii. Ducos J., La météorologie en français, op. cit. p. 30.
158 Isidore, De natura rerum, op. cit., p. 280.
159 En Sévillan peu préoccupé par ce genre de précipitation, il ne s’attarde guère sur la neige. Le chapitre xxxiv de nive ne contient que quelques mots empruntés à l’Hexaemeron d’Ambroise. Isidore, De natura rerum, op. cit. p. 291. Cela dit le septentrional Raban Maur ne s’y intéresse par davantage, donnant à la neige, comme aux autres éléments météorologiques, des explications symboliques. Raban Maur, De Universo II, 6 : de nive.
160 Fontaine J., Isidore de Séville. Traité de la nature (de natura rerum), Bordeaux, 1960, p. 12.
161 Voir le chapitre qu’Isidore consacre aux quatre saisons, De natura rerum, p. 198 et suivantes.
162 Isidore, De natura rerum, op. cit., p. 323-325.
163 Cf. les nombreux exemples donnés par Burnand Y., « Terrae motus. La documentation épigraphique sur les tremblements de terre dans l’Occident romain », Tremblement de terre, histoire et archéologie, Valbonne, 1984, p. 173-182.
164 Sénèque, op. cit., De terrae motu,vi-6, p. 249.
165 Pline le Jeune, Lettre à Tacite,vi, 20, Guillemin A. (éd.), Paris, 1927-1928. La lettre décrit ce qui se passe à Misène au moment de l’éruption du Vésuve en 79. La catastrophe est annoncée par un tremblement de terre qui sème la terreur, y compris parmi les animaux marins qui se sont échoués sur la plage.
166 Aetna (Ier siècle avant ou après J.-C.), Vessereau J. (éd.), Paris, 1923.
167 Grégoire de Tours, De cursu stellarum, c. 13, MGH SSRM I, 2, Hanovre, 1885.
168 Isidore, op. cit., p. 321-325.
169 Paul Diacre, Histoire des Lombards, VI, 9, Bougard F. (éd.), Turnhout, 1994, p. 131.
170 Helly B., « Observations et théorie sur les séismes dans les sources historiques grecques », Tremblement de terre, op. cit., p. 63.
171 Stace, Thébaïde, VII, v. 794-823, Lesueur R. (éd.), Paris, 1991, p. 105-106.
172 Isidore, De natura rerum, op. cit., XLVI, de terrae motu, p. 319-321.
173 Le Boeuffle A., Le ciel des Romains, Paris, 1989.
174 Stace, poète du Ier siècle de notre ère, nous décrit une partie de campagne interrompue par un orage d’été. Impression de vécu, mythologie et poésie mondaine s’unissent autour du thème de l’orage pour en faire un véritable moment de divertissement. Silves, III, i, v. 68 et suivants, t. I, Frère H., Izaac H. J. (éd.), Paris, 1944, p. 99-100.
175 Virgile, Géorgiques,i, v. 356-358, p. 14.
176 Ducos M., « Les phénomènes atmosphériques… », art. cit., p. 150.
177 Isidore, De natura rerum, op. cit., p. 303.
178 Ibid., p. 301-303.
179 Géorgiques, I, v. 360-365.
180 Isidore, De natura rerum, op. cit., p. 299.
181 Jacquart D., « L’observation dans les sciences de la nature au Moyen Âge : limites et possibilités », Il theatro della natura, Micrologus, IV, 1996, p. 55-75.
182 Lecouteux C., « Les maîtres du temps : tempestaires, obligateurs, défenseurs et autres », Le temps qu’il fait…, op. cit., p. 167.
183 Paul, Lettre aux Éphésien, 6, 12.
184 Origène, Patrologie Grecque 11, col. 621. Augustin, De civitate Dei, VIII, 22 ; De genesim ad litteram, 3, 10. Ambroise, Expositio Psalmium 118, PL 15, col. 1319.
185 Augustin, De civitate Dei, VIII, 15-22.
186 Lecouteux C., art. cit., p. 152.
187 Pline, HN, XVIII, 206, p. 126.
188 Martin R., Recherches sur les agronomes latins et leurs conceptions économiques et sociales, Paris, 1971.
189 Grimal P., La civilisation romaine, Paris, 1962, p. 346.
190 Bléry H., Rusticité et urbanité romaines, Paris, 1911. L’auteur évoque l’image équivoque du rusticus chez des hommes tels que Cicéron : il méprisait le paysan tout en vantant les charmes de la vie campagnarde.
191 Varron, De re rustica, I, 1, 8-10, Heurgon J. (éd.), Paris, 1978, p. 10-11 ; Columelle, De re rustica, I, 1, 7-14, Forsters E. S. et Heffner E. (éd.), Londres, 1948-1955.
192 Martin R., op. cit., p. 21 et 375. Le livre XVIII apparaît comme un livre d’économie rurale autant que d’histoire naturelle.
193 Caton, De l’agriculture, Goujard R. (éd.), Paris, 1975.
194 Varron, De re rustica, II, 10, Guiraud C. (éd.), Paris, 1985, p. 65-69.
195 Virgile, Géorgiques, Saint-Denis E. (de) (éd.), Paris, 1957.
196 Lorsque Virgile évoque la diversité des terres rurales, il parle des forêts aux futaies improductives ou des pentes de graviers maigres seulement utiles au refuge des serpents (Géorgiques, II, v. 177-215, p. 26-27). L’intérêt des essences forestières est mentionné dans le même chant (Géorgiques, II, v. 426-457, p. 34-35).
197 Mais on trouve déjà cette idée, pour l’évolution de la culture, dans les premiers écrits d’Aristote. Voir Verbeke G., « L’homme et son univers… », art cit., p. 24. Aristotelis fragmenta selecta, De philosophia, fr. 8, Ross W. D. (éd.), Oxford, 1955.
198 Lucrèce, De la nature (De natura rerum), v, v. 925-1010, Ernout A. (éd.), Paris, nouv. éd. 1964, p. 84-87.
199 Virgile, Géorgiques, I, 129-135, 139-140, 145, p. 6-7.
200 Ibid., I, 158-159, p. 7.
201 Gaulin J.-L., « Tradition et pratiques de la littérature agronomique pendant le haut Moyen Âge », L’ambiente vegetale nell’alto medioevo, Spolète, 1990, p. 103-135.
202 Le texte des Géorgiques est conservé dans 112 manuscrits, tous entre le VIIIe et le XIe siècle. Cf. Holtz L., « La redécouverte de Virgile aux VIIIe et IXe siècles », Lectures médiévales de Virgile, Paris-Rome, 1985, p. 9-30. Id., « Les manuscrits carolingiens de Virgile (Xe et XIe siècles) », La fortuna di Virgilio, Naples, 1986, p. 125-149.
203 Ne sont connus que 16 manuscrits copiés avant le XIIe siècle, tous sont de Columelle ou de Palladius, sauf le De arboribus pomiferis de Gargilius Martialis, parvenu dans un palimpseste du VIe siècle d’Italie du Sud, réécrit à Bobbio au VIIIe siècle (Napoli, Bibliotheca Nazionale IV. A. 8, ff. 0-47, palimpseste).
204 Gaulin J.-L., art. cit. p. 109.
205 Notamment Caton, Varron, Virgile, Cornelius Celsius, Julius Atticus, Palladius et Columelle. Parmi les agronomes réellement utilisés, nous ne sommes certains que de Palladius et de Columelle. Cf. Isidore, Étym. XVII, 1, 1.
206 Palladius, Opus agriculturae, de veterinaria medicina, de insitione, Leipzig, 1975. Gaulin J.-L., « Tra silvaticus e domesticus : il bosco nella trattatistica medievale », Il bosco nel medioevo, Andreolli B. et Montanari M. (éd.), Bologna, 1988, p. 83-96. Sur Palladius, son succès médiéval et post-médiéval, voir Rodgers R. H., « Palladius Rutilius Taurus Aemilianus », Catalogus translationum et commetatorium : mediaeval and renaissance latin translations and commentaries, vol. 3, Cranz F. E., Kristeller P. O. (éd.), Washington DC, 1980, p. 195-199.
207 Petrocchi M., « Al di là del senso storico : il simbolismo delle piante in Rabano Mauro », Vetera christianorum, 8, 1971/1, p. 77-85. Cf aussi Miglio M., « Il giardino come rappresentazione simbolica », L’ambiente vegetale…, op. cit., p. 709-711.
208 C’est l’hypothèse que suggère Jean-Louis Gaulin au terme de son article (art. cit., p. 131).
209 MGH Capit. I, Hanovre, 1883-1897, p. 82-90.
210 Bien que les manuscrits médicaux antérieurs au XIIe siècle aient été conservés en plus grand nombre, ce qui montre en négatif un profond désintérêt pour la science agronomique. A. Beccaria, I codici di medicina del periodo presalernitato (secoli IX, X, XI), Roma, 1956, p. 17. Cf. Gaulin J.-L., art. cit., p. 112.
211 Cf. Riché P., « Les bibliothèques de trois aristocrates carolingiens », Le Moyen Âge, LXIX, 1963, p. 103. Le fait que Eccard soit un grand propriétaire terrien ne suffit pas à expliquer la présence dans son testament d’un De Agricultura, sans doute celui de Palladius.
212 Le titre De rebus rusticis est donc inexact et incomplet comme le signale, Jacques André, en préface de son édition. Ce titre ne vaut que pour la première partie et fait écho aux res rusticae de Varron, ou au De agricultura de Caton.
213 Sur 16 manuscrits agronomiques d’avant le XIIe siècle, 10 sont datés du IXe siècle. Gaulin J.-L., art. cit., p. 116. C’est plus largement dans l’ensemble des relations homme-nature qu’il faut chercher le motif du désintérêt pour la production et la copie de ces textes. La curiositas latine n’ayant plus droit de cité, tout le versant scientifique du discours agronomique devint sans objet. Cf. Crombie C., Histoire des sciences de saint Augustin à Galilée (400-1650), Paris, trad. fr., 1959.
214 Gaulin J.-L., art. cit., p. 127.
215 Walahfrid Strabon, Hortulus, praefatio, v. 15-18, op. cit., p. 336.
216 Sur le problème des sources de l’Hortulus, cf. Manitius M., « Zu Walahfrid Strabo De cultura hortorum », Neues Archiv der Gesellschaft für ältere deutsche Geschichskunde, XXVI, 1901, p. 745-750. Barabino G., « Le Fonti classiche dell’Hortulus, di Valafrido Strabone », I classici nel Medioevo e nell’Umanesimo. Miscellanea Filologica, Pubblicazioni dell’Instituto di filologica classicae medievale 42, Gênes, 1975, p. 175-260.
217 PL 111, col. 1086.
218 Isidore, Etym. XIV, PL 82, col. 523-524.
219 Ibid., col. 524.
220 Raban Maur, XIII, 9, col.
221 Isidore, Étym. XVII, 6, 5-9, André J. (éd.), p. 66-67.
222 Palladius, Opus agriculturae, VI, 4, 1 ; XIII, 6, Rodgers R. H. (éd.), Teubner, 1975.
223 Raban Maur, De universo, XIII, 5, PL 111, col. 367.
224 Walahfrid Strabon, Hortulus, op. cit., IV, v. 83-84.
225 Barthélémyl’Anglais, De proprietatibus rerum, Francfort, 1601, rééd. 1964, p. 922.
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