Chapitre XXIII. Armée et société en Hispania sous l’Empire*
p. 429-444
Texte intégral
1L’Hispania a connu une occupation militaire romaine ininterrompue de plus de six siècles. Celle-ci a obéi à des rythmes précis, commandés par l’évolution politique et militaire impériale et provinciale. Au IIe siècle av. J.-C., les armées, permanentes en fait mais non en droit, n’excédaient que rarement deux légions, sauf à l’époque des guerres celtibériques et lusitaniennes. Elles n’étaient pas attachées à des zones géographiques précises. Ce furent la période des guerres civiles et l’avènement de l’empire, marqué par l’achèvement de la conquête, qui correspondirent à la plus grande concentration de troupes dans la péninsule. Auguste y stabilisa les garnisons. À sa mort, elles abritaient de 20 000 à 25 000 hommes, déjà cantonnés au Nord-Ouest pour l’essentiel. La période julio-claudienne, sous l’effet d’une stratégie pensée à l’échelle de l’Occident, acheva le repli sur les régions du Nord-Ouest et enregistra une diminution progressive de l’armée hispanique autour de deux puis d’une seule légion. C’est la solution que retint Vespasien en fixant à une légion et cinq unités auxiliaires l’exercitus de la province d’Espagne citérieure, seule dotée d’une force militaire. La province impériale de Lusitanie demeura inerme, autant qu’on le sache. À partir de Dioclétien, il est possible que les unités traditionnelles aient été amoindries, mais au cours du IVe siècle des unités comitatenses au nombre de seize s’ajoutèrent à l’armée ancienne.
2L’Hispania militaire sous l’Empire était ainsi doublement limitée, dans ses effectifs et dans son dispositif territorial. Pourtant, les inscriptions montrent que les déplacements des soldats pouvaient intervenir sur de vastes espaces excédant même les frontières de la seule province de Citérieure. Par ailleurs, les aires provinciales de recrutement ne se réduisirent jamais totalement aux régions proches des camps et l’Hispania contribua de manière continue aux levées destinées à d’autres armées provinciales ou aux cohortes de Rome. Enfin, bien que de manière épisodique, l’exercitus hispanicus ne fut jamais isolé, ni replié sur lui-même. Qu’on le définisse avec G. Alföldy comme une armée de second rang1 ou comme une armée de réserve ou encore autrement, il était intégré pleinement à l’armée romaine et au système militaire impérial qui reproduisait en grande partie la hiérarchisation des armées de la fin de la République dans un contexte politique modifié.
3Le concept d’« intégration » propose un instrument d’analyse satisfaisant pour tenter de rendre compte des rapports complexes entre armée et société dans le cadre provincial, ici en Hispania. Le mot invite, en effet, à dessiner les contours de la société militaire sous l’éclairage de l’environnement civil et du contexte guerrier. Il appelle une réflexion sur le rôle de l’armée comme facteur d’intégration sociale, en particulier pour les provinciaux des régions de garnison, ici le Nord-Ouest. Il débouche, enfin, sur la question du vétéran, de l’attrait de la carrière militaire et sur la place des expériences militaires dans l’affirmation des élites hispaniques, surtout si l’on veut bien ne pas oublier que l’Hispania a donné, en la personne de Trajan et de Théodose, un maître à l’empire à près de trois siècles d’intervalle.
Une armée intégrée : la société militaire
4Exercitus hispanicus ou exercitus hispanus ? Ce pourrait être une façon de poser le problème essentiel des liens entre l’armée installée en Hispania et les populations provinciales. La première formule indique que les unités étaient d’origine extérieure et affectées au territoire hispanique par le pouvoir dominant. La seconde, loin de désigner une armée nationale à l’identité affirmée, suggère seulement la stabilité d’une garnison tirant en majorité – ce qui ne veut pas dire exclusivement – ses recrues des communautés péninsulaires, indépendamment d’une limitation provinciale. En réalité, il s’agit de deux facettes d’une même collectivité qui s’est de fait établie en Hispania puis s’est intégrée peu à peu à la vie du territoire. Cela étant, on peut concevoir en principe une armée sans lien direct autre qu’institutionnel avec la prouincia. La société militaire fonctionnait selon des règles particulières et une légion ou une unité auxiliaire constituaient les cellules d’un corps solidaire, distinct de la société civile et parfois antagonique.
5En période de conquête et de guerre active, l’armée avait vécu sur le pays et ne s’était mêlée qu’épisodiquement à la société civile. Avec la pacification, puis avec l’installation d’unités plus stables les relations se transformèrent, ce qui ne veut pas dire que les lignes de séparation disparurent. À l’image des autres armées provinciales, l’armée d’Hispania constitua un groupe social défini, organisé selon les normes romaines. Les officiers supérieurs, les légats, les tribuns et les préfets appartenaient à l’ordre sénatorial et à l’ordre équestre. Les centurions, comme l’a bien montré E. Birley2, sortaient pour la plupart du rang et étaient issus de ce qu’il faut appeler la plèbe, ce qui était aussi le cas des sous-officiers auxiliaires. Les légionnaires étaient en principe tous des citoyens romains et les cavaliers ou fantassins auxiliaires des pérégrins qui pouvaient obtenir à titre individuel la cité romaine au cours de leur service3. La hiérarchie militaire reconstituait donc les clivages de la société de la res publica selon les critères juridiques. Sur le plan de la solde ou du salaire et des conditions du service, les avantages et les privilèges étaient proportionnels au rang4. Aussi, malgré ce qui a été écrit parfois5, l’armée provinciale n’était-elle pas coupée de la société provinciale. Elle la reproduisait en partie, mais sous une forme très romaine et intégrée, ce qui n’empêchait pas qu’elle ait constitué en même temps un groupe singulier, spécialisé et protégé en raison de son rôle et de ses activités au service de l’empire.
6Il convient ainsi de parler d’autonomie de la société militaire. Les camps constituaient des communautés équivalentes à de petites cités s’agissant des légions (5 000 à 5 500 hommes) et à des uici s’agissant des unités auxiliaires quingénaires6. La seule nuance importante tenait à l’absence de juridiction territoriale des camps, même si les autorités militaires avaient des pouvoirs de justice locale7. Par leur plan et leur aspect physique, les castra renvoyaient la même image ambiguë. On pouvait les assimiler à une ville au vu de leur rempart, du réseau des voies, des principia et du forum, d’un certain type de confort (thermes, latrines), mais l’agencement des habitats, leur nature, leurs dimensions, les édifices collectifs et les types de construction ne laissaient aucun doute sur le fait qu’on était en présence d’autre chose que d’une agglomération civile. Les unités les bâtissaient d’ailleurs elles-mêmes, qu’ils aient été, selon les époques, en terre et bois ou en pierre. La superficie de 20 ha environ8 pour la légion laissait peu de place pour loger les soldats : on a calculé qu’en moyenne un contubernium de 8 hommes mesurait 18 m² environ9. En revanche, l’espace disponible augmentait en fonction du grade et le commandant disposait d’une demeure particulière qui servait aussi de praetorium, situé à proximité du forum10. Le temps de séjour dans une même garnison était d’autant plus long qu’on était bas placé dans la hiérarchie ; une majorité de soldats ne connaissait souvent que le même camp au cours du service. Le miles vivait donc la plupart du temps dans un univers clos et cloisonné au contact des collègues et des sous-officiers avec lesquels il partageait la vie quotidienne, les corvées et l’entraînement.
7L’exercitus hispanicus confirme que l’horizon principal du soldat était l’unité d’affectation. Les épitaphes du Ier siècle reproduisent en principe le matricule au complet, y compris le nom de la centurie11. Le dédicant est qualifié d’heres sans que son état civil soit décliné, sauf exception. À partir des Flaviens, l’héritier est plus fréquemment identifié. Toutefois, des expressions comme eiusdem centuriae, contubernalis12, commanipularis13 sont aussi attestées, mais très rarement. En revanche, la mention commilito et contubernalis n’est pas sûre14, mais on la rencontre ailleurs15. Le premier terme, renvoyant à la camaraderie, était, on le sait, volontiers employé par les empereurs depuis César, lors des discours adressés aux soldats, pour manifester moins une illusoire égalité que le partage de combats longuement préparés qui fondaient la dignité d’un métier16. Il n’y a pas non plus de dédicace au genius centuriae, pourtant présent dans d’autres régions17 et témoin du rôle fondamental de cette subdivision administrative et tactique. Elle composait, en effet, le groupe par excellence où se forgeait la camaraderie et où se développaient les pratiques d’une sociabilité strictement militaire. Le fait que des speculatores aient dédié collectivement sa tombe à leur collega à Tarragone18 montre que les liens se tissaient aussi dans les collèges funéraires dont la composition intégrait sans doute le grade19.
8La volonté de recevoir une sépulture décente n’était pas un trait particulier à l’armée et les solidarités qu’elle induit ne se confondaient pas avec l’esprit de corps. Celui-ci s’appuyait sur le métier et s’exprimait tout particulièrement à la faveur de la guerre. Dans le cas des unités de l’armée de la péninsule, c’est de façon négative que l’on en obtient une confirmation. Éloignées des théâtres d’opération principaux à partir des Flaviens, elles n’eurent que peu le loisir de rappeler la valeur fondatrice de cet état d’esprit par la célébration de la disciplina et il est paradoxal que les monnayages qui commémorent l’exercitus hispanicus émanent d’Hadrien à l’occasion d’un voyage pendant lequel il n’alla pas même rendre visite à la garnison de León20. On ne connaît pas non plus aux légionnaires de la péninsule d’occasion d’avoir décerné les salutations impériales et il est peu probable que le surnom Pia, obtenu sous Septime Sévère, ait tenu à autre chose qu’à une attitude de loyalisme au cours de la guerre civile contre Clodius Albinus21. Mais les inscriptions au génie de la légion au IIe siècle par le légat Attius Macro, précisément sous Hadrien, et, plus tard, par le tribun Ti. Claudius Pompeianus22, rappellent que le commandement entretenait régulièrement l’esprit militaire qui rattachait malgré tout l’armée péninsulaire au reste de l’armée impériale. Les autels en l’honneur de l’anniversaire des unités dans les zones aurifères de la vallée du Duerna et du Teleno vont dans le même sens23.
9On ne recense pas d’actes d’évergétisme accomplis par des officiers à l’intérieur des camps. Lorsque le préfet de l’aile II Flavienne, M. Sellius Honoratus, fait édifier un sanctuaire à Hercule à ses frais, c’est hors des murs, semble-t-il, qu’il le fait bâtir. Les seuls actes admissibles auraient été l’offrande de statues impériales ou de constructions en l’honneur des empereurs. Mais les exemples parvenus jusqu’à nous concernent ou une unité entière ou des cavaliers légionnaires qui soulignent qu’ils ont dédié le monument24 et c’est collectivement que l’aile II Flavienne rend hommage à Trébonien Galle et à Volusien25. S’il est possible que Minerve soit honorée à titre individuel comme dea patria dans le camp de Legio VII26, la référence au salut de Sévère Alexandre apporte une dimension de reconnaissance envers l’autorité qui écarte toute suspicion. L’empereur était le véritable patronus des soldats et c’était sa personne qui garantissait l’unité de l’armée et le loyalisme des troupes en vertu du serment prêté et renouvelé chaque année27. Le camp n’était pas une propriété comme les autres, mais faisait partie du domaine public et était donc construit sous la seule autorité de l’empereur qui en assurait aussi l’entretien. Les générosités et bienfaits ne pouvaient finalement y venir que de l’empereur, dans la mesure où toute autre initiative aurait pu être interprétée comme un acte de subversion ou de concurrence déloyale. Les surnoms impériaux, décernés à titre officiel à partir du IIIe siècle au témoignage des inscriptions honorifiques et des marques de briques et tuiles28, suggèrent que l’esprit de corps – et donc la discipline et la cohésion morale – puisait sa source dans la confiance envers celui qui avait la capacité de triompher à la guerre et celui qui assurait la dignité du métier.
10L’originalité sociale des armées, qu’on ne saurait confondre avec une société urbaine malgré des similitudes, passait encore par les échelons de la carrière militaire. Le soldat qui les franchissait s’élevait comme en vase clos dans la société impériale. Le pérégrin auxiliaire recevait depuis Claude la citoyenneté au sortir de sa milice et changeait donc de statut, quand il ne changeait pas de langue et de culture. Atteindre le centurionat demandait du temps et un apprentissage qui ne concernait pas seulement l’exercice, l’entraînement et le commandement. L’administration, les règles du droit élémentaire, la comptabilité constituaient un corps de savoirs indispensables qui justifiaient l’augmentation de la solde et du prestige social. Le primipilat ouvrait la porte de l’ordre équestre et marquait au plein sens du terme une promotion sociale. Les soldats de métier qu’étaient les militaires romains étaient ainsi tiraillés à titre individuel entre émulation et solidarité. Ce jeu, qui ne souriait qu’aux plus décidés, avait ses rites et ses codes. Il ne portait pas à conséquence et ne semble pas avoir gêné la cohésion des unités. Il est vrai qu’on est peu renseigné sur cet aspect de la vie des camps. Il contribuait certainement à donner au soldat un sentiment de différence qui n’impliquait pour autant aucune fermeture, ni hostilité de principe envers le reste de la société provinciale.
11Ce sont les périodes de crise militaire et de guerres incessantes qui tendaient à modifier les relations entre les armées et le reste de la société, dans la mesure où les soldats avaient besoin, dans ces circonstances, d’être mieux protégés et encouragés. Quoi qu’il en soit, la séparation était de nature technique et politique et non strictement sociale. En période de paix durable, les échanges avec la société civile se développaient et le pouvoir ne pouvait pas ignorer qu’un fantassin ou un cavalier était à terme un vétéran et donc un civil en puissance. Aussi, ni ouverte d’emblée sur le reste de la société, ni repliée sur elle-même, l’armée provinciale devait s’adapter à un environnement non défini à l’avance. L’exercitus hispanicus, en raison d’un contexte plutôt paisible et de l’intégration progressive des populations indigènes, pose la question du rôle de l’armée dans un processus qui ne la concernait qu’indirectement.
L’armée et l’intégration des indigènes
12Les effets de la présence militaire dans les provinces se faisaient sentir à deux niveaux différents. Le premier correspondait aux contacts indispensables à l’entretien et aux activités de l’armée en tant que corps romain et privilégié. Le second ressortait aux individus et à leur insertion sociale en qualité de soldat ou de vétéran. Dans la mesure où la latinisation de l’Hispania sous Vespasien a aussi inclus le Nord-Ouest, on doit s’interroger sur l’éventualité d’un lien entre la promotion juridique et l’existence de camps relativement nombreux dans cette partie de la province.
13Le ravitaillement impliquait des échanges avec les communautés provinciales aussi bien pour les céréales et l’alimentation que pour les fournitures spécialisées. Il ne fait pas de doute, en effet, que les soldats n’étaient pas des producteurs et que les prata n’avaient pas cette fonction pour raison d’être29. Comme le signale la remarque de Strabon à propos du rôle des procurateurs dans l’entretien des armées d’Ibérie30, Auguste avait institué un mode de financement fondé sur l’impôt provincial. Malheureusement, en l’état actuel des données disponibles, il est impossible de se faire une idée de l’évolution du système. Par comparaison avec d’autres armées régionales, on pourrait suggérer que le ravitaillement devint progressivement limité aux régions militaires pour les besoins primordiaux des corps de troupe31. Il est délicat de tirer des conclusions précises de l’existence d’une station de bénéficiaires à Sasamón au IIe ou au début du IIIe siècle, car la surveillance de la route ne relevait pas seulement des questions d’intendance militaire32. Concernant des productions méditerranéennes comme le vin et l’huile, obligatoirement importées, il est notable que, jusqu’à présent, les fouilles n’ont pas apporté, semble-t-il, d’informations décisives, car il n’y est guère question d’amphores33. Il est vrai que l’usage précoce du tonneau, présent sur la patère d’Otañes34, pourrait en rendre compte, mais il serait étonnant que l’huile de Bétique, étroitement associée à l’amphore, n’ait joué aucun rôle dans l’approvisionnement de l’armée de León.
14C’est dans les canabae que les légionnaires en service entretenaient en premier lieu des relations directes avec les civils. On sait que le terme, sans doute caractéristique de la langue militaire, n’est pas attesté pour les forteresses en dehors de quelques sites du Rhin et du Danube35. Il faut le réserver sans doute aux légions et préférer le vocable de uicus pour les bourgades de même type installées aux abords des camps auxiliaires et aux établissements indigènes qui se développaient à quelque distance des castra légionnaires devenus stables. Si rien ne contrariait a priori le choix de résider dans l’agglomération civile voisine et rattachée à la cité du territoire d’implantation, il n’en allait pas de même pour les canabae. Celles-ci, comme le donne à entendre le dossier de Carnuntum, étaient vraisemblablement sous contrôle administratif du légat qui décidait de l’opportunité d’y habiter en fonction des activités et des services rendus. À ce titre, les vétérans qui le souhaitaient étaient privilégiés, comme l’étaient les dépendants des soldats et des officiers qui travaillaient ainsi dans l’intérêt de l’unité. Il n’y a qu’à León que les inscriptions permettent d’entrevoir la société civile qui devait résider dans les canabae36. Il s’agit avant tout de pierres funéraires et rien ne prouve que les militaires n’avaient pas des nécropoles séparées, ce qui expliquerait qu’ils soient très peu nombreux (moins de 8 %) et qu’il n’y ait qu’un seul vétéran37. La datation des documents couvre le IIe siècle et les premières décennies du IIIe siècle38. Deux groupes se distinguent aisément : la population d’origine indigène et les esclaves et affranchis. L’onomastique provinciale et les origines reflètent la prépondérance des personnes issues des régions situées à l’est de l’Asturie, sans exclure la Callæcia39. Les pérégrins sont pour ainsi dire absents. L’importance relative des résidents d’origine servile (30 %) attire l’attention sur la place des dépendants et renforce l’hypothèse d’une population au service de l’unité et sous surveillance. Bien que les exemples utilisables soient exceptionnels, il est admissible d’affirmer que les canabae ont accueilli aussi des concubines ou des épouses de soldats, en dehors des focariae et des prostituées. De telles unions n’ont pas attendu la légalisation du mariage par Septime Sévère pour se manifester.
15Autant qu’on le sache, les établissements associés aux camps ne se sont pas transformés en chefs-lieux de cité40. D’ailleurs, les villes nées de sites militaires furent réduites en nombre et leur éclosion n’illustre pas nécessairement l’influence de l’armée en tant que telle. Une fois encore, le cas de Legio VII Gemina (León) offre une mesure précise des problèmes soulevés. L’évolution n’en est pas transparente, mais c’est le seul exemple assuré de ville née directement de castra. La date du passage à une agglomération civile, ce qui ne veut pas dire à une cité, est incontestablement tardive et n’a pu s’effectuer que dans le courant du IVe siècle au plus tôt41. On enregistre qu’il a fallu un temps extraordinairement long pour asseoir un établissement civil susceptible de prolonger sur son emplacement même l’existence multiséculaire du camp. Celui-ci, par nature, n’appelait la naissance d’une ville que quand il avait abandonné ses fonctions militaires. On pouvait alors mettre à profit des infrastructures existantes, ce qui n’était pas le gage d’une accession au rang de ciuitas. À la différence de ce que l’on peut observer sur le Rhin ou le Danube ou en Afrique, il n’y a aucune certitude concernant la promotion, en Hispania, d’un camp ou d’une agglomération civile à proximité d’un camp au rang de cité latine ou de municipe42. Pourtant, on ne doute plus aujourd’hui que les conventus du Nord-Ouest aient, comme le reste de la péninsule, joui du bénéfice du droit latin à partir de l’époque flavienne43. C’est l’indice, après tout, que l’armée en garnison n’était pas l’élément civilisateur exclusif ni indispensable et que l’intégration des régions nord-occidentales reposait sur d’autres facteurs liés à l’histoire et au développement social des communautés locales sous domination romaine. C’est aussi le signe que l’octroi du ius Latii ne répondait pas à une finalité militaire et qu’il ne s’agissait pas de créer par là un réservoir de légionnaires aisément disponibles44.
16Si l’armée romaine a pu exercer une influence sur les transformations des populations locales, c’est alors par le biais du recrutement auxiliaire et légionnaire. On sait que deux phases sont à distinguer en ce domaine. La première, qui s’étend jusqu’à l’époque flavienne, est définie par un recrutement légionnaire diversifié, privilégiant les provinces romanisées et l’Italie, sans exclusive. À l’inverse, les régions peu intégrées d’Hispania exportent en grand nombre des cavaliers et des fantassins auxiliaires, tandis que la garnison hispanique accueille des unités étrangères, en particulier gauloises et thraces d’origine45. Après une phase de transition, l’évolution au IIe siècle et ensuite est caractérisée par un recrutement provincialisé et par un tarissement progressif des créations d’unités auxiliaires destinées aux provinces militaires46, depuis la Bretagne jusqu’au Danube, ou aux garnisons d’Afrique du nord. À titre individuel on rencontre toujours des Hispani qui servent dans le prétoire, dans les armées auxiliaires et légionnaires d’autres provinces ou qui poursuivent, loin de leur patria, une carrière de centurion pour quelques-uns47.
17Les zones mal pacifiées ou peu romanisées de la péninsule furent appelées à être les principaux réservoirs de recrues auxiliaires à partir d’Auguste. Strabon le confirme qui indique que les montagnards sont désormais conviés à mieux employer leur ardeur belliqueuse et à la mettre au service de Rome48. Les noms conservés des cohortes et ailes renvoient principalement à des peuples du quadrilatère occidental délimité par le Tage au sud et la ligne Navarre-Segobriga à l’est. Toutefois des unités d’Hispani pouvaient provenir aussi ou de la meseta centrale ou de secteurs plus orientaux. Les mentions d’une origo, quand elles existent, soulignent cette géographie du recrutement auxiliaire en Hispania, sans exclure le Sud-Est49. Les corps de troupe ainsi levés ne stationnaient guère pour la plupart dans la péninsule et les liens se relâchaient alors assez vite. De nouvelles formations continuèrent cependant à être créées, au moins jusqu’à l’époque flavienne, de même qu’à titre individuel des Callaeciens, des Lusitaniens et des Astures ou Cantabres furent toujours enrôlés après la mort de Néron. Lorsque la conscription territoriale s’imposa comme un fait majoritaire à la fin du Ier siècle apr. J.-C., les auxiliaires hispaniques servirent pour l’essentiel dans les troupes cantonnées dans le Nord-Ouest. Quoi qu’il en soit, les besoins annuels n’excédaient pas quelques centaines d’hommes au IIe siècle et il est probable que le volontariat ait pu suffire, sauf exceptions telles que les guerres daciques qui virent par exemple l’envoi d’une partie de la VIIe légion accompagnée d’un corps de symmachiarii Astures50. Les spécialistes de la cavalerie furent sans doute plus sollicités que les autres51.
18Les citoyens d’origine hispanique qui servirent dans les légions témoignent d’une évolution progressive des enrôlements vers la conscription territoriale, qui ne fut jamais érigée en principe cependant. Italiens, Narbonnais, Hispani des colonies et municipes de Bétique laissent peu à peu la place aux péninsulaires issus des cités les plus intégrées de Lusitanie et d’Hispania citerior, qu’il s’agisse de Caesaraugusta, Clunia, Scallabis ou Emerita Augusta. Cette tendance, qui n’exclut pas d’autres provenances y compris d’Italie, de Narbonnaise ou d’Afrique, semble se modifier vers 150 apr. J.-C. au profit des régions indigènes et des conventus de Caesaraugusta, Clunia, Asturica, Bracara Augusta et Lucus Augusti. Il n’y a, là non plus, pas d’exclusive et la Lusitanie, mais aussi l’Afrique et la Thrace52 sont concernées. Les légionnaires hispaniques servant hors de la péninsule paraissent se faire de plus en plus rares. Sur l’ensemble du bilan, la prudence est de mise, car l’onomastique et le lieu de découverte de l’inscription sont souvent les seuls indices qui orientent la conclusion. Ils n’autorisent malheureusement pas toujours autre chose qu’une conviction, toujours criticable faute de preuves directes, ce qui ne veut pas dire à rejeter absolument. Mais, quand on possède une indication claire ou suffisamment interprétable, il est à noter que, pour la période du IIe et du IIIe siècle, les soldats originaires des cités romanisées du Nord-Ouest sont de plus en plus nombreux. Peut-être doit-on ajouter une autre nuance ? Il y avait deux pôles militaires en Hispania citerior au temps de la légion VII Gemina, León et Tarragone. Ceux qui faisaient carrière devaient obligatoirement passer par les bureaux du gouverneur. Il est possible que leurs origines aient été plus diversifiées que celles des légionnaires qui se contentaient d’un service sans éclat en Asturie-Galice ? Enfin, s’il est admissible de considérer comme Hispanus le soldat comitatensis qui rédige en vers son épitaphe au IVe siècle53, on est en droit de suggérer que les provinces ibériques avaient peut-être retrouvé à cette époque, dans ce domaine comme dans d’autres, le chemin qui avait été le leur au Ier siècle.
19D’une façon générale, l’histoire du recrutement militaire dans les Espagnes a obéi à des critères variés, qu’on ne saurait simplifier sans risque. La politique de l’empire a conduit à la démilitarisation relative et progressive de la péninsule Ibérique au cours du Ier siècle, mais le rôle de Galba dans la crise politique de 68, par l’écho rencontré dans la documentation, a accentué pour nous un processus qui tendait à s’affaiblir et à s’adapter. De là une nouvelle poussée de recrutement auxiliaire et une part prépondérante de l’Espagne citérieure dans la formation de la nouvelle VIIe légion Galbienne, puis Gemina. L’impact des guerres daciques de Trajan n’est pas facile à mesurer, même s’il ne doit pas être tenu pour négligeable54. Si ensuite rien ne permet de reconnaître de nouveaux pics, ni même d’attribuer à tel ou tel déplacement des unités en garnison un rôle dans le recrutement, il est sûr que l’intégration juridique et civique de l’Hispania n’a pas été la cause directe de l’évolution. La municipalisation et l’octroi du droit latin ont répondu à une dynamique sociale indépendante de la question de l’armée et de la situation de ses effectifs. Ils n’ont pas eu pour but de fournir un réservoir accru de soldats à l’empire. La romanisation de fait des régions tardivement soumises a coïncidé avec une diminution des besoins militaires devenus ainsi plus faciles à satisfaire régionalement. Mais la documentation ne laisse guère entrevoir ce qu’a pu être la part des soldats revenus chez eux ou restés dans la province où ils avaient servi dans les progrès de l’intégration politique et sociale jusqu’aux Flaviens. L’origine sociale des soldats qui ont effectué leur service dans l’exercitus hispanicus tend à montrer que l’armée suivait dans son recrutement les progrès de l’intégration, en même temps qu’elle cherchait à s’adapter aux évolutions du problème stratégique. Il est probable que si l’exercitus romain a eu une influence sur les rythmes de la romanisation provinciale, c’est avant tout par l’intermédiaire des vétérans et de la colonisation militaire.
Les vétérans et l’intégration dans la société impériale
20Les cités coloniales constituaient, à l’avènement d’Auguste, les sociétés les plus romanisées de la péninsule, susceptibles de fournir des élites à l’empire. Les familles issues de vétérans légionnaires pouvaient-elles prétendre à des promotions, même lentes, et peut-on considérer que les armées ont, par ce biais, contribué de manière non négligeable à la création des élites provinciales ? Les notables des Espagnes ont-ils fait plus que d’autres de la carrière militaire un tremplin pour s’intégrer dans la société impériale ? Ces questions vont de pair avec la dimension sociale de la colonisation romaine et avec l’analyse de la mobilité autorisée par le système. Elles mettent également en jeu l’attrait du métier militaire.
21La formule célèbre de Claude est certainement extensible à la péninsule Ibérique55 :
Sane nouo m[ore] et diuus Aug[ustus au] onc[ulus m] eus et patruus Ti. Caesar omnem florem ubique coloniarum ac municipiorum, bonorum scilicet uirorum et locupletium, in hac curia esse uoluit.
22Elle rappelle que le divin Auguste avait généralisé une pratique inaugurée par César. Celle-ci consistait à admettre les élites des cités provinciales aux honneurs romains56. Les colonies optimo iure venaient au premier rang et mettaient ainsi en exergue les descendants des vétérans d’origine le plus souvent italique, mais aussi indigène pour une part57. Hors d’Italie, les municipes étaient encore peu nombreux. Comme les autres passages de la Table, l’affirmation laisse en suspens une question délicate : quelles étaient les modalités concrètes de la sélection et que signifiaient-elles ? Il n’est pas sûr que les cités de droit latin aient été concernées par le propos. Les colonies latines n’étaient cependant pas exclues et Nîmes en fournit une confirmation58. Leur rang colonial prévalait donc sur leur statut latin et elles étaient susceptibles d’abriter un flos uirorum bonorum et locupletium. Cette expression cicéronienne59 me paraît renvoyer aux chevaliers et conforte l’opinion selon laquelle c’est dans l’ordre équestre que s’opérait nécessairement la sélection des sénateurs depuis Auguste, les promotions directes depuis les strates inférieures n’étant sans doute pas en cause, car elles devaient demeurer tout à fait exceptionnelles après les excès de la fin de la République60.
23Les établissements césaro-augustéens furent les plus nombreux ; ils représentent même l’essentiel en matière de déduction de colonies romaines en Hispania. C’est donc à travers elles qu’on peut tenter de mesurer le poids de l’élément militaire dans la construction d’une société romano-provinciale intégrée et dynamique. Valence, déduite par Afranius, avait sans doute été refondée61. Le bilan ne permet pas toujours de faire la distinction entre les périodes césarienne, triumvirale et augustéenne. On recense, de façon globale, en Bétique, Astigi, Corduba, Hasta Regia, Hispalis, Itucci, Tucci, Vcubi, Vrso, en Citérieure, Acci, Barcino, Caesaraugusta, Carthago noua, Celsa, Libisosa, Salaria, Tarragone, Valentia, en Lusitanie, Augusta Emerita, Norba, Pax Iulia et Scallabis. Baetis, mentionnée par Strabon comme fondation césarienne, demeure un problème sans solution62. Ensuite s’ajoutèrent Clunia et l’énigmatique Flauiobriga. Italica bénéficia d’une promotion honoraire sous Hadrien. Les 21 colonies de vétérans de la période césaro-augustéenne concernaient sans doute quelques 60 000 personnes au maximum. Mais on ne saurait ignorer que les fondations reproduisaient la hiérarchie sociale dès l’origine et que les tribuns, les centurions et les simples soldats étaient lotis en fonction de leur rang63.
24Les vétérans légionnaires d’époque postérieure, révélés par les inscriptions, ne laissent pas toujours discerner dans quelles circonstances ils ont été conduits à s’installer dans leur lieu de retraite. Le dossier hispanique permet seulement d’en repérer 44 ou 45 en l’état actuel de la documentation64. Ils ont pour la plupart choisi de bénéficier à titre individuel des praemia militiae institués par Auguste. L’exemple du vétéran de la IIIIe légion Macedonica retiré à Vareia et originaire de Saragosse65 est privilégié. Il suggère l’achat d’une terre par l’ancien soldat, mais ce ne peut être qu’une hypothèse parmi d’autres possibles. L. Vissellius Niger, également originaire de la colonie augustéenne, s’est, quant à lui, retiré à Clunia, ce qui pourrait indiquer une participation à la déduction qui fit de la cité une colonie sulpicienne66. On tiendra compte enfin de la pratique épigraphique et du hasard des découvertes. Tarragone, Mérida et Astorga fournissent le plus grand nombre d’attestations, mais ces capitales administratives abritaient aussi des auxiliaires des fonctionnaires issus des corps de troupe. Elles possèdent en outre les collections épigraphiques les plus abondantes67. Le plus remarquable est certainement l’attachement, partagé par un grand nombre, à une camaraderie ou à un enracinement local. Si Terentius Reburrinus68 prend sa retraite à Lara de los Infantes et y exerce les fonctions de duumvir, ce qui est peu fréquent chez les vétérans de la péninsule, c’est ou bien à cause de son origine locale (ou régionale) ou bien par suite d’un choix dicté par des circonstances particulières69. Le prestige de l’institution militaire était en jeu, comme l’était la capacité de l’armée à devenir un tremplin vers les échelons équestres.
25Les exemples connus de centurions d’origine hispanique qui ont fait une carrière intéressante sont, malheureusement, assez peu nombreux70 et sont presque tous postérieurs à la période flavienne. Il n’est donc pas étonnant de constater que leurs cités d’origine ne correspondent qu’accidentellement à des colonies césaro-augustéennes et qu’elles renvoient en majorité à des cités du quart nord-ouest déjà évoqué. Ces sous-officiers sont à leur manière le reflet d’une évolution progressive de ces régions qui ont été l’objet d’une colonisation active à l’époque julio-claudienne, sans que l’on puisse affirmer qu’elle résultait d’une politique d’assignations systématiques ou qu’elle tenait à l’existence d’un réservoir non négligeable de recrues auxiliaires qui furent enrôlées et revinrent ensuite s’établir dans leur pays d’origine71. On rejoint ici le problème d’un milieu militaire favorable à l’engagement des descendants au service de l’armée, présent dans les régions touchées profondément par la conscription territoriale et dans les colonies proprement dites. La tradition guerrière indigène, les aptitudes particulières à fournir de bons cavaliers se sont conjuguées un certain temps avec les sollicitations nouvelles du pouvoir romain pour entretenir un esprit militaire partagé par plusieurs générations et inscrit aussi dans les valeurs civiques romaines.
26Il ne s’agit pas à proprement parler d’hérédité du métier, ni même d’accentuation d’un phénomène qui aurait progressivement limité le volontariat et le recrutement aux enfants de soldats. Il s’agit davantage de l’attrait d’une condition qui pouvait valoir sécurité et prestige individuel au fur et à mesure de la pacification et de la mutation politique. On peut illustrer ici le phénomène par un document sculpté de Mérida, datable de Claude-Néron (fig. 1, voir p. 499)72. Le mausolée de la famille des Voconii a été retrouvé lors de fouilles dans la nécropole dite improprement des « Columbarios ». Il a révélé des peintures, figurant les défunts, disposées dans des niches intérieures et, au-dessus de la porte, la plaque funéraire en marbre blanc portant, sous un relief, le texte suivant :
C. Voconio C. f. Pap. patri | Caeciliae Anui matri | Voconiae C. f. Mariae sorori | C. Voconius C. f. Proculus fecit.
27Unique en son genre dans la péninsule, la sculpture en bas-relief présente un jeu de décorations militaires, constitué de deux torques et deux armillae (en forme de serpent), placés par deux de chaque côté d’un support constitué de lanières de cuir comportant neuf phalères et, sur le bandeau central, trois scuta ou boucliers oblongs surmontés d’une rosette. La valeur des récompenses renvoie à un soldat ou au plus à un centurion. Les statistiques relatives à l’époque julio-claudienne en ce domaine donnent à penser que le bénéficiaire n’avait pas atteint le centurionat. C’est évidemment le père défunt qui avait souhaité manifester ainsi sa carrière militaire passée, alors qu’il était venu s’installer à Mérida comme vétéran, dans des conditions incertaines. Rien n’interdit de penser que, descendant d’un colon augustéen, il avait lui-même embrassé la carrière et était rentré dans sa patrie indiquée par la tribu Papiria73. Le vétéran et sa famille manifestaient par ce monument leur fierté pour une carrière qui lui avait conféré bien-être et honorabilité. Pas plus que le soldat des guerres civiles n’avait été qu’un soudard sans dignité, le miles issu de l’armée permanente d’Auguste n’était un paysan déclassé et méprisable. Le métier militaire apportait un prestige personnel et autorisait des espoirs d’ascension pour les descendants d’un vétéran.
28Les colonies tiennent une place à part, on l’a dit. Elles n’étaient pas destinées à être des réservoirs de soldats. Au Ier siècle, le recrutement hispanique indique six légionnaires éméritains, un de Pax Iulia, neuf venus de colonies de Bétique et trois de Caesaraugusta pour une quarantaine de recensés. On note, au IIe et IIIe siècle, deux recrues de Scallabis enregistrées sur une même inscription, un centurion de Mérida auquel s’ajoutent ceux de Caesaraugusta et de Clunia74. Les documents disponibles sont trop insuffisants pour que l’on cherche à tirer des conclusions d’ordre général. On a seulement l’indice que les vieilles colonies, avec le temps, attiraient surtout ceux qui voyaient dans les légions un moyen de vivre convenablement et d’obtenir au bout du compte un statut privilégié grâce à l’honesta missio. Les témoignages hispaniques ne fournissent pas de réponse à la question fondamentale qui serait de savoir si l’origine coloniaire autorisait des perspectives de carrière supérieures à celles permises pour les soldats issus de cités moins intégrées et moins prestigieuses. Quoi qu’il en soit, il serait probablement plus juste de dire que les cités coloniales continuaient à considérer honorablement les vétérans qui s’y étaient retirés, soulignant le prestige relatif du métier. Les monuments funéraires richement décorés de G. Valerius Soldus et de Maelonius Aper à Mérida75, datés du IIe siècle apr. J.-C., rapprochent les titulaires des notables qu’ils devaient avoir côtoyés, libres qu’ils étaient de refuser les obligations des honneurs municipaux.
29L’étude prosopographique des chevaliers et des sénateurs originaires des provinces hispaniques achève de préciser la nature du lien qui a pu exister entre l’accession aux rangs de l’élite provinciale et impériale et l’armée par le biais des colonies de vétérans. Sans pouvoir prétendre ici à une étude exhaustive, il est possible, sur la base de travaux récents, de proposer quelques réflexions de portée générale. S. Demougin76 propose ainsi un échantillon de chevaliers originaires d’Hispania sous les Julio-claudiens, répartis entre les trois provinces : 10 viennent de Citérieure, 8 de Bétique et 5 de Lusitanie, auxquels s’adjoignent 4 dont la cité reste indéterminée. En Bétique, Astigi, Cordoue et Hispalis sont présentes sur 5 villes qui ont donné au moins un chevalier selon les sources. En Citérieure, Tarraco, avec deux equites, est la seule colonie enregistrée sur sept localités. Tous les chevaliers de Lusitanie se concentrent dans deux colonies, Pax Iulia et Scallabis. L’étude inédite de S. Dardaine77 sur la Bétique fait apparaître un total de 57 personnes de rang équestre dont 3 d’origine indéfinie, 14 de Carmona et 14 de Cordoue même. Sur 18 cités, quatre seulement sont des colonies précoces : Cordoue, Astigi, Vrso et Hispalis. Une comparaison avec les sénateurs donne 2 colonies en commun (Cordoue et Hispalis) sur un total réduit à 9 origines au maximum, dont 4 colonies romaines. En Lusitanie, Mérida, seule représentée, compte une unique famille sénatoriale pour la durée du Haut-Empire78. Quant à l’Espagne citérieure elle montre que Acci, Barcino, Carthago noua et Tarraco ne sont pas prédominantes, mais qu’elles concernent 7 à 9 familles sur une trentaine79.
30Sauf en Lusitanie, où Mérida est absente de la liste des chevaliers pour des raisons qui tiennent certainement au hasard des découvertes, les capitales administratives coloniales occupent la première place. La chronologie invite à nuancer les observations sur le petit nombre de familles équestres et sénatoriales issues des colonies de citoyens romains. Elle montre que les cités de vétérans ont été parmi les premières à favoriser l’ascension de leurs élites, sans exercer un monopole. On doit en outre tenir compte de leur infériorité numérique, malgré une population sans doute plus nombreuse que celle de la moyenne des agglomérations provinciales. Enfin, un grand nombre de familles sénatoriales de Bétique ne trouvent pas d’origine certaine en raison des lacunes de la documentation. Leur ascension est difficile à retracer chronologiquement, mais c’est entre 70 et 140 apr. J.-C. que se situe l’apogée. Dans l’ensemble de la péninsule, on dénombre 73 gentilices, pour la plupart courants, mais 32 ne sont identifiés que par un seul exemplaire80.
31Même sommaires, ces données indiquent que la promotion sociale parmi les élites provinciales ne suivait pas des chemins tout tracés et aisément repérables. Si l’appartenance à telle ou telle cité pouvait, dans certains cas, faciliter relations et protections, bien d’autres paramètres entraient en jeu et contrariaient la logique des statuts politiques. Comme il était prévisible, dans un contexte dominé en partie par la loi des générations et de leur longévité, les variations des ascensions suivaient les rythmes d’ensemble de l’évolution politique. L’origine militaire de la cité et la situation sociale qui en résultait favorisait sûrement les familles dynamiques, poussées par les nouvelles dispositions augustéennes. Elle n’était pas un brevet qui immunisait les ambitieux contre la concurrence et les nouveaux venus. Il faudrait en fait pouvoir suivre les parcours dès l’installation coloniale et voir comment la poursuite ou non d’une carrière militaire a pu enclencher un mécanisme de promotion individuelle et familiale notable. En l’absence de telles informations, on est conduit à des conjectures. Mais, à tout prendre, il semble que si la filière militaire a pu constituer, pour un nombre relativement ouvert de personnes, un instrument incontestable d’élévation dans la hiérarchie sociale, elle a joué différemment selon les antécédents, les origines provinciales et les époques. La mobilité sociale elle-même était assez limitée et contrôlée par les élites en place. Les origines militaires et l’expérience du métier des armes ou le goût de la tradition militaire revêtaient une certaine importance aux étapes décisives de l’itinéraire individuel. Ils n’avaient a priori aucune influence sur les chances de promotion, surtout en période de paix. Cela ne veut pas dire que la carrière dans les légions n’avait aucun attrait ni prestige.
32Comme on pouvait s’y attendre, les armées romaines des Espagnes ont tenu des rôles divers dans la mise en place des sociétés provinciales et dans leur mutation lente. La présence durable d’effectifs même relativement peu nombreux et circonscrits territorialement, ainsi qu’on le constate à partir des Flaviens, accompagnée d’une pratique régulière du recrutement d’auxiliaires et de légionnaires, a créé les bases du développement d’une catégorie non négligeable de soldats de métier qui, peu à peu, ont servi dans la péninsule en majorité. Exerçant son activité à l’écart des communautés civiles, cette classe militaire n’en fut jamais isolée, pas plus qu’elle ne s’y mêla au point de courir le risque d’y perdre le sens de sa mission guerrière. Elle reflétait d’ailleurs les changements dûs à la poliadisation en intégrant progressivement dans ses rangs des hommes issus de régions tardivement pacifiées et urbanisées, qu’elles fussent hispaniques ou, dans une moindre mesure, extérieures aux provinces ibériques. En ce sens, on peut dire que les armées romaines péninsulaires suivirent plus qu’elles ne précédèrent les évolutions. Elles jouèrent un rôle de creuset et de catalyseur.
33Le choix de la carrière militaire, en l’absence de grands dangers et d’occasions de s’illustrer, n’était en rien le gage d’une ascension sociale en dehors d’une promotion individuelle de type juridique pour l’ancien auxiliaire, de type social pour le vétéran légionnaire doté d’un niveau de fortune susceptible d’en faire l’égal des décurions des cités les plus modestes. Le service de l’empire procurait ainsi dignité et avantages et il est probable qu’une longue militia transformait des recrues issues des couches inférieures de la société, ce qui ne veut pas dire sordides. En Hispania, comme ailleurs sur les secteurs dits du limes, l’appartenance aux légions révélait aux yeux de la population civile une condition matérielle et morale enviable qui avait un prix : l’impôt justifié par la paix. En cas de réussite notable, qui ne pouvait se produire qu’à travers plusieurs générations, le souvenir des origines militaires s’estompait, car celles-ci n’étaient pas à elles seules déterminantes en l’affaire. Pas plus que l’empire n’était à proprement parler une monarchie militaire, la société n’était militarisée et conditionnée par le privilège du métier des armes.
34Il y eut donc une infinité de situations qu’il n’est pas possible de décrire précisément à cause d’une documentation lacunaire. Le centurionat sélectionnait assurément une partie de ceux qui nourrissaient quelques ambitions, mais il ne sanctionnait pas seulement le goût de la chose militaire. Des fils de familles pauvres cherchèrent certainement à échapper à l’ennui et à une vie désœuvrée en s’enrôlant volontairement. Le pouvoir impérial tenta de contrôler au mieux de ses intérêts et de sa popularité les flux du recrutement. Les crises et conflits ouverts avaient tendance à exagérer la coupure entre la société civile et la société militaire en accroissant chez le soldat la conscience de sa force et de son impunité relative. Selon les générations, les lieux et les individus, les chances de faire valoir les bénéfices d’un service de vingt-cinq ans étaient fluctuantes et la mort frappait inégalement, mais lourdement, avant que ne fût atteint l’âge de la retraite. Finalement, la mutation des familles coloniales descendant de vétérans de la période césaro-augustéenne souligne la symbiose qui, sur le long terme, s’était créée entre les armées romaines et les sociétés provinciales, sans confusion des genres ni des rôles. La conscription, qu’elle fût territoriale ou non, fondée sur le volontariat ou sur la contrainte, ne visait pas à rendre homogène socialement une armée aussi ouverte que la société elle-même. Les élites impériales étaient chargées du contrôle régulier et du bon fonctionnement de la machine militaire qu’Auguste avait pu intégrer et que les successeurs ne cessèrent d’adapter avec succès, en apparence. L’exercitus hispanicus traduit peut-être mieux que d’autres cette double exigence d’adaptation et d’intégration81.
Bibliographie
Post-scriptum
Bibliographie : F. des Boscs-Plateaux, Un parti hispanique à Rome ? Ascension des élites hispaniques et pouvoir politique d’Auguste à Hadrien (27 av. J.-C.- 138 ap. J.-C.), Madrid, coll. « Bibliothèque de la Casa de Velázquez », 32, 2005 ; la notion de « parti hispanique » paraît inadaptée aux réalités politiques et sociales du temps. Voir aussi désormais les contributions de J. J. Palao Vicente (dir.), Militares y civiles en la antigua Roma. Dos mundos diferentes, dos mundos unidos, Salamanque, Ediciones Universidad, 2010.
P. 439 : sur l’idée de « conscription territoriale », il convient de prendre ses distances avec une formule qui reflète une organisation « moderne » des circonscriptions administratives et des politiques gouvernementales. Le pragmatisme l’a emporté, sans esprit de système et sur la base le plus souvent du volontariat. Par la force des choses, les régions abritant des camps attirèrent plus de candidats que celles qui en étaient très éloignées ou qui avaient perdu le contact avec la guerre.
Notes de bas de page
1 G. Alföldy, Gerión, 3, 1985, 407 = G. Alföldy, 1987a, p. 510.
2 E. Birley, 1961, p. 104-124.
3 Voir aussi les réflexions de J.-M. Carrié, 1989, p. 109-115, en particulier.
4 Voir par ex., Y. Le Bohec, 1989a, p. 224-233, indépendamment des débats toujours d’actualité sur les montants précis et l’évolution.
5 R. Mac Mullen, 1967, pense que l’évolution sous l’Empire fut celle d’un rapprochement finalement dommageable entre le soldat et le civil, au détriment de la valeur professionnelle. Cette position a été fortement nuancée depuis.
6 Il n’y avait pas d’unité milliaire en Hispania au Haut-Empire.
7 Voir, par exemple, P. Le Roux, 1992b, p. 234-236.
8 On comparera cette superficie avec celle de Belo, municipe de 12 ha environ intra muros, et avec celle de Pompéi qui atteignait 63,5 ha.
9 4,5 × 4 m : H. Von Petrikovits, 1975, p. 36 et suiv. ; voir également, G. C. Boon, 1972, p. 85 et suiv.
10 H. von Petrikovits, 1975, p. 67.
11 L’évolution vers le matricule classique s’est effectuée progressivement : voir P. Le Roux, 1982a, p. 25-28.
12 RIT, 221.
13 AE, 1967, 231.
14 AE, 1991, 1114.
15 On lit commilito et contibernalis (sic) à Chemtou, dans la province d’Afrique proconsulaire (voir Simitthus, I, Mayence, 1993, p. 66 = AE, 1992, 1821). Il s’agit de l’inscription funéraire de Cassius Iscoesius Valens, soldat auxiliaire de la cohorte II Flavia equitata, élevée par Anicius Celer Andronicus à son camarade et compagnon de chambrée. Les soldats sont alors détachés en mission pour la surveillance des carrières.
16 J. B. Campbell, 1984, p. 32-59.
17 Par exemple M. P. Speidel, 1992, p. 43 et suiv.
18 RIT, 205.
19 Une nuance est cependant nécessaire ici, car il s’agit de principales détachés dans la capitale provinciale au service du gouverneur.
20 P. Le Roux, 1982a, p. 278.
21 E. Ritterling, RE, XII, 2, 1925, col. 1325 et 1637.
22 CIL, II, 5083 et AE, 1974, 411.
23 P. Le Roux, 1982a, p. 240-245.
24 AE, 1967, 237 = AE, 1985, 579 (statues de Septime Sévère et de Caracalla par l’aile II Flavienne au camp de Rosinos). CIL, II, 2663 = ILS, 2335 (statue de Caracalla par les cavaliers de la légion VII Gemina à León).
25 AE, 1976, 287.
26 AE, 1976, 288. Le dédicant manque à cause de la cassure de la pierre. La mention dea patria fait alors penser qu’il s’agit d’un officier attaché à la déesse protectrice de sa communauté d’origine. À Mactar (AE, 1983, 976), Sex. Iulius Possessor désigne l’Apollon auquel il offre une statue en bronze comme Apollo patrius augustus.
27 Voir, par exemple, l’épisode des troupes de Vitellius en 69 : Dion Cassius, LXIII, 25, 1.
28 P. Le Roux, 1982a, p. 282 et suiv. [Aussi l’étude précédente.]
29 P. Le Roux, 1992b, p. 234-235 [= supra chap. XX].
30 III, 4, 20.
31 P. Le Roux, 1995b, p. 410-415 en particulier.
32 CIL, II, 2915 = AE, 1992, 1036.
33 Voir par exemple la monographie récente de S. Carretero Vaquero et M. V. Romero Carnicero, 1996.
34 P. Le Roux, 1994a, p. 563-564.
35 F. Bérard, 1992, p. 87 et suiv., et F. Bérard, 1993, p. 62-67 principalement.
36 P. Le Roux, 1982a, p. 348-351 ; IRPLeón, 143-215.
37 CIL, II, 2690 = 5085 : G. Ennius Felix, qui élève un monument à son épouse Annetia Festiva. Certains se sont retirés à Astorga, mais on n’en recense que deux en l’état actuel des données. La documentation confirme en général l’idée que les soldats qui atteignaient la fin du service étaient de toute façon minoritaires.
38 P. Le Roux, 1982a, p. 348-353.
39 Ibid.
40 P. Le Roux, 1998a [= supra chap. XXI].
41 Ibid.
42 Voir P. Le Roux, 1992b, p. 236-237. On sait que Lambèse ou plusieurs agglomérations des régions danubiennes ont été promues effectivement au rang municipal, de droit latin selon toute vraisemblance.
43 Voir, par exemple, E. Ortíz de Urbina et J. Santos Yanguas (dir.), 1996.
44 J. M. Roldán Hervas, 1974, p. 249.
45 J. M. Roldán Hervas, 1974, p. 331-339.
46 Ibid., p. 265-276 a raison de ne pas limiter le phénomène à l’époque julio-claudienne, mais cela ne veut pas dire que le même rythme ni la même densité furent observés. Les critères de datation doivent être examinés soigneusement. En outre, la guerre dacique de Trajan marque clairement un tournant et les recrues auxiliaires connues comme d’origine hispanique se raréfient alors.
47 Voir Ibid., p. 318-319 et p. 328-329.
48 Strabon, III, 3, 8.
49 P. A. Holder, 1980, p. 137 ; J. M. Roldán Hervas, 1974, p. 330 et suiv.
50 AE, 1926, 87 = 1935, 12.
51 P. Le Roux, 1982a, p. 277.
52 J. C. Mann, 1983, p. 21-23. Ajouter P. Le Roux, 1992b, p. 248-258. Pour un nouveau témoignage d’un Africain : AE, 1993, 1025.
53 AE, 1992, 1074.
54 P. Le Roux, 1985a.
55 ILS, 212, col. II, 3-5.
56 Voir A. Chastagnol, 1995b, p. 78-79.
57 Par exemple, Y. Burnand, 1982, p. 391.
58 Ibid., p. 417-419.
59 Par exemple, Pro Sestio, 32.
60 Il n’y avait pas, semble-t-il, de règle écrite, mais le fait que les fils de sénateurs étaient automatiquement considérés comme des chevaliers souligne la logique de la promotion sociale imposée par Auguste. S. Demougin, 1982, p. 91-92, montre quelles ont été la solidarité et l’évolution progressive dans les rapports entre les deux ordres. G. Alföldy, 1981, p. 207-214 en particulier insiste sur les liens, malgré l’essor des fonctions et de la carrière équestre.
61 P. Le Roux, 1982a, p. 50.
62 Strabon, III, 2, 1. Il est possible, tout simplement, qu’elle n’ait eu qu’une existence brève. Celsa, déduction de Lépide, a périclité assez vite, semble-t-il.
63 P. Le Roux, 1982a, p. 73-74 avec le problème soulevé par CIL, II, 1176 et 1681. Tacite, Annales, XIV, 27, à propos d’Antium.
64 P. Le Roux, 1982a, p. 344-347, complété par P. Le Roux, 1992b, p. 248-257.
65 AE, 1990, 576.
66 AE, 1988, 806 et 1994, 1015.
67 P. Le Roux, 1982a, p. 344-345.
68 CIL, II, 2853 ; P. Le Roux, 1982a, p. 201.
69 Il est honoré par ses héritiers sans autre précision. La région était une plaque tournante et assurait en outre la liaison entre la partie orientale de la province et les garnisons du Nord-Ouest. On ne peut décider si cette situation favorisait l’installation de soldats retirés, si l’attrait de Clunia jouait aussi un rôle ou si, du fait de terres disponibles en assez grand nombre, l’autorité provinciale possédait là des réserves au titre des praemia.
70 Noter AE, 1991, 1543, centurion originaire d’Vxama, en service sous les Flaviens sans doute, et connu par une inscription orientale.
71 Voir AE, 1990, 564-575 (cette série considérée comme rattachée au territoire de la cité de Calagurris pourrait révéler, en raison de la diffusion de la citoyenneté romaine, l’influence de vétérans auxiliaires revenus dans leur patrie) et 577 (diplôme militaire d’un auxiliaire ayant servi en Bretagne).
72 HAE, 1634. Voir aussi M. Bendala Galán, 1976, p. 153-160.
73 La chronologie exclut qu’il s’agisse d’un colon ayant participé à la fondation de la colonie. Comme Mérida a fait l’objet de plusieurs assignations aux dires des gromatiques (Agennius Urbicus, Th., XLIV, 5), il pourrait avoir été naturalisé au cours d’une deuxième déduction non datable.
74 P. Le Roux, 1982a, p. 299.
75 P. Le Roux, 1982a, p. 345.
76 S. Demougin, 1988, p. 516-517.
77 S. Dardaine, 1995, t. II, p. 268 et suiv.
78 R. Etienne, 1982, p. 525-527. Voir aussi désormais A. Caballos Rufino, 1990.
79 P. Le Roux, 1982b, p. 456-462. Aussi A. Caballos Rufino, 1990.
80 A. Caballos Rufino, 1990, p. 481-501.
81 Faute de place, j’ai volontairement ignoré la dimension non militaire de la vie du soldat : voir, sur ce thème, V. A. Maxfield, 1995, qui tire parti de la documentation bretonne et égyptienne.
Notes de fin
* Paru dans G. Alföldy, B. Dobson et W. Eck (dir.), Kaiser, Heer und Gesellschaft in der Römischen Kaiserzeit : Gedenkschrift für Eric Birley, Stuttgart, F. Steiner, coll. « HABES », 31, 2000, p. 261-278. Ce travail est dédié à la mémoire d’Eric Birley, maître fécond, rénovateur de l’histoire militaire romaine. Bien qu’il ne se soit guère penché sur les problèmes de l’exercitus hispanicus en tant que tel, c’est à partir de ses travaux et de ceux de ses élèves que j’ai pu aussi me former à cette discipline plus attentive aux hommes et à la société et liée à une réflexion sur les structures de l’empire.
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2008
L'intrusion balnéaire
Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au tourisme (1800-1945)
Johan Vincent
2008
L'individu dans la famille à Rome au ive siècle
D'après l'œuvre d'Ambroise de Milan
Dominique Lhuillier-Martinetti
2008
L'éveil politique de la Savoie
Conflits ordinaires et rivalités nouvelles (1848-1853)
Sylvain Milbach
2008
L'évangélisation des Indiens du Mexique
Impact et réalité de la conquête spirituelle (xvie siècle)
Éric Roulet
2008
Les miroirs du silence
L'éducation des jeunes sourds dans l'Ouest, 1800-1934
Patrick Bourgalais
2008