Chapitre VII. L’edictum de Paemeiobrigensibus, un document fabriqué ?*
p. 113-131
Texte intégral
1Le texte transcrit sur le bronze, baptisé « édit de Bembibre » sans motif avéré, semble-t-il, aurait pu s’appeler edictum de Paemeiobrigensibus ou de immunitate Paemeiobrigensium. La formulation choisie ici vise à rendre compte en peu de mots et le mieux possible de la nature et de l’objet de la décision impériale promulguée à Narbonne à la mi-février 15 av. J.-C. La nouveauté apparente du texte et la variété des informations qu’il contient incitent à établir un inventaire de ce qu’il apporte et de ce qu’il confirme puis à tenter de proposer une explication précise et argumentée des données complexes qu’il comporte afin de chercher à mieux mesurer finalement la valeur et l’exemplarité d’un document sans parallèle véritable à ce jour, dont il faut de toute façon se garder d’exagérer a priori l’importance et les informations qu’il transmet.
Le document et son contenu
2Découverte fortuitement dans la région de Bembibre, province de León, dans le Bierzo, dans des circonstances qui restent imprécises1, la plaque de bronze portant un édit d’Auguste a fait l’objet d’une information rapide et suivie sur le site internet « Arqueohispania » à partir de novembre 19992. Une bibliographie relativement importante3 témoigne déjà de l’engouement immédiat suscité par un document dont le contenu remet soudain au premier plan l’époque de la conquête, la phase 22-13 av. J.-C., caractérisée par la pacification et l’organisation augustéennes des territoires nord-occidentaux, et concerne l’Asturie occidentale voisine de la Callaecie.
3Il apparaîtrait à ce jour que le lieu de découverte soit à situer sur le territoire de Castropodame et non de Bembibre dont il est limitrophe4. Il s’agirait d’un castro, mais aucune mention n’est faite d’un éventuel contexte archéologique susceptible de livrer des indices précis5. Le support est une plaque de 24,4 × 15,3 × 0,3 cm, recouverte d’une patine vert clair. Les lettres de 0,6 cm environ sont nettement dessinées ; on observe des traces de lignes de guidage et d’interlignes notamment dans la partie inférieure. On note également l’existence d’une ponctuation terminale sans exemple aux lignes 1, 2, 3, 4, 6, 9, 11, 12, 14, 16, 22, 23, 24, 27. Disposé sur 27 lignes, le texte se lit ainsi (fig. 1) :
Imp(erator) Caesar Diui fil(ius) Aug(ustus) trib(unicia) pot(estate) | VIIII (sic) et pro co(n) s (ule) dicit : | Castellanos Paemeiobrigenses ex | gente Susarrorum, desciscentibus | ceteris, permansisse in officio cognoui ex omnibus legatis meis qui | Transdurianae prouinciae prae| fuerunt ; itaque eos uniuersos im| munitate perpetua dono quosq(ue) | agros et quibus finibus possederunt Lucio Sestio Quirinale leg(ato) meo eam prouinciam optinentem (sic) | eos agros sine controuersia possidere iubeo. (vac.) | Castellanis Paemeiobrigensibus ex | gente Susarrorum, quibus ante ea (sic) | immunitatem omnium rerum dede| ram, eorum loco restituo castellano<s> | Aiiobrigiaecinos ex gente Gigurro| rum, uolente ipsa ciuitate, eosque castellanos Aiiobrigiaecinos om| ni munere fungi iubeo cum | Susarris (vac.) | Actum Narbone Martio | XVI et XV k(alendas) Martias M(arco) Druso Li|bone Lucio Calpurnio Pisone | co(n)s(ulibus) (vac.).
4Ce qui peut se traduire :
L’empereur César Auguste, fils du Divinisé, revêtu de la neuvième puissance tribunicienne et proconsul dit :
J’ai été informé par tous mes légats placés à la tête de la province Transduriana que les habitants du castellum de Paemeiobriga, du peuple des Susarri, sont restés dans le devoir au moment où tous les autres faisaient défection ; c’est pourquoi à eux tous sans exception j’octroie l’immunité perpétuelle et j’ordonne que les champs, et dans les limites où ils les ont possédés à la date à laquelle mon légat Lucius Sestius Quirinalis a reçu la charge de cette province6 ils en aient la possession sans controverse.
Aux habitants du castellum de Paemeiobriga, du peuple des Susarri, auxquels j’avais concédé auparavant l’immunité complète, et à leur place, je restitue les habitants du castellum d’Aiiobrigiaecum7 du peuple des Gigurri, selon la volonté de la cité elle-même, et j’ordonne que ces habitants du castellum d’Aiiobrigiaecum s’acquittent de toute espèce de charge chez les Susarri.
Fait à Narbo Martius le XVIe et le XVe jour des kalendes de Mars sous le consulat de Marcus Drusus Libo et de Lucius Calpurnius Piso.
5Le document apporte en apparence des faits nouveaux qui ont une incidence sur l’histoire du Nord-Ouest péninsulaire à la fin de la conquête telle qu’elle est écrite aujourd’hui : outre qu’il s’agit du premier édit de cette sorte dans l’ensemble de la série des édits impériaux parvenus jusqu’à nous à ce jour8, on apprend que l’empereur se trouvait à Narbonne à la mi-février 15 av. J.-C., qu’il a existé un temps en Hispania une province Transduriana, ignorée comme telle de la documentation auparavant, et que l’un de ses légats a été L. Sestius Quirinalis, que le peuple des Susarri appartenait au futur conventus des Astures et non à celui de Lucus Augusti, qu’Auguste s’est occupé personnellement de récompenser la loyauté des habitants d’un village resté fidèle durant le soulèvement des Astures et qu’à l’immunité s’est ajoutée une contributio/adtributio sous une forme inconnue puisque c’est la première fois qu’un castellum pérégrin apparaît comme contributum/adtributum d’une autre communauté pérégrine, après avoir été soustrait à une autre gens, sans oublier le fait que la nouvelle organisation administrative provinciale n’était pas encore en place à la date de la publication de l’édit.
6À l’inverse, le document a un air familier dans le contexte des événements tels qu’ils sont établis et des sources disponibles mises en avant par la recherche depuis longtemps. Dion Cassius place sous Auguste la réflexion sur les circonstances dans lesquelles l’empereur prenait le titre de proconsul9 et donne un bilan des tâches accomplies lors du voyage de 16-13 av. J.-C., corroboré par les Res Gestae10. Strabon indique clairement que le district du premier légat en charge de deux légions et dépendant du gouverneur consulaire d’Hispania citerior concernait « τήν πέραν τοῦ Δουρίου πᾶσαν ἐπὶ τὰϛ ἄρκτουϛ » (tout le pays au nord du Douro)11. Florus, qui entretient, selon la tradition manuscrite, la confusion sur l’emplacement de Bergidum (d’où dérive le nom du Bierzo et assimilé à Castro Ventosa), rappelle le rôle de la trahison d’un peuple appelé les Brigaecini dans l’échec de l’offensive des Astures en 25 av. J.-C.12. L. Sestius Quirinalis, associé au Nord-Ouest hispanique par les arae Sestianae que mentionnent Pomponius Mela, Pline l’Ancien et Ptolémée13 était un ancien ami d’Horace et fut protégé d’Auguste qui le fit consul suffect en 23 av. J.-C.14. Le nom des castellani Aiiobrigiaecini a permis à G. Alföldy et à F. Costabile15 d’asseoir définitivement la lecture Aiobrigiaeco au lieu d’Aiobaigiaeco dans l’hospitium d’El Caurel16. C’est aussi ce dernier document qui mentionne les Susarri, nom ethnique confirmé en outre par l’inscription d’un soldat hispanique originaire de Curuniaca et décédé en Dalmatie17. Les Gigurri sont bien connus par diverses sources18 et seul le nom du castellum resté fidèle à Rome, Paemeiobriga, est nouveau19, mais on ignore le nom antique du site où la plaque a été trouvée et il pourrait y avoir une relation étymologique entre Paemeiobriga et Bembibre. Enfin, la zone concernée est celle des mines d’or asturiennes dont la mise en valeur débuta avec la paix romaine sous Auguste20, ce qui pose le problème de l’influence de ces richesses métalliques dans la politique « impérialiste » de Rome.
7Un tel bilan invite à démêler l’écheveau des questions et à analyser le plus précisément possible, une à une, les données de toute nature que contient le texte afin de pouvoir en mesurer la portée et la signification.
Auguste et le Nord-Ouest hispanique au lendemain des guerres asturo-cantabres
8Une bonne compréhension du document suppose en premier lieu l’établissement d’une chronologie rigoureuse des événements qu’il contient et l’éclaircissement des problèmes que celle-ci peut soulever.
9En dehors de la date même de l’édit, à savoir le 14 et le 15 février 15 av. J.-C.21, il n’y a aucun repère chronologique sûr. Deux faits attirent toutefois l’attention sur cette dimension : d’une part, l’évocation de tous les légats qui ont eu la charge de la province Transduriana, d’autre part, l’allusion au moment où L. Sestius Quirinalis en a reçu le gouvernement. Comme nous l’avons déjà noté, on n’avait pas jusqu’à présent de renseignement précis concernant le séjour de L. Sestius, ni le nom de sa province. On pensait que le sénateur avait été placé à la tête de l’Espagne ultérieure, incluant alors l’Asturie-Galice, l’année suivant son consulat suffect de 23 av. J.-C. et qu’il y était resté jusqu’à la fin des hostilités en 19 av. J.-C.22. Le texte n’est pas ici d’un grand secours dans la mesure où la référence aux divisions administratives au moment de la prise en charge par L. Sestius de la province Transduriana ne dit pas explicitement que ce légat avait été le premier à y être affecté23. On peut cependant penser qu’il en fut ainsi dans la mesure où il faut bien justifier la formule ex omnibus legatis meis qui Transdurianae prouinciae praefuerunt et où le rappel de ce point de départ peut suggérer que, désormais, le pouvoir augustéen avait décidé de modifier un découpage qui n’était dû qu’à des circonstances dramatiques. Autrement dit, ce sont les événements de la période 22-15 av. J.-C. qui semblent être pris en considération par l’édit. Les années évoquées sont donc celles qui virent le retour de la révolte des Astures et des Cantabres, difficilement réprimée par Agrippa, en 19 av. J.-C., puis la réorganisation augustéenne après d’ultimes soubresauts entre 16 et 13 av. J.-C.24.
10Datation et réorganisation administrative sont étroitement liées. On estimait, depuis les travaux de R. Syme et de G. Alföldy, que, malgré Dion Cassius, la division républicaine en deux secteurs provinciaux, l’Hispania citerior et l’Hispania ulterior, avait duré jusqu’en 16-13 av. J.-C.25, période durant laquelle Auguste avait procédé à la tripartition péninsulaire en créant la Lusitanie à laquelle se rattachait toujours le secteur de l’Asturie-Callæcie26. Si l’on en croit l’édit, il y aurait eu une période transitoire durant laquelle une province autonome au nord du Douro aurait existé, et cette période n’était pas officiellement achevée en février 15 av. J.-C.27. Faut-il alors admettre que cette division, inconnue jusqu’à présent, ait pu durer jusqu’à une date relativement tardive, y compris jusqu’au mandat de Paullus Fabius Maximus dont des témoignages retrouvés en Galice pourraient signaler l’avènement d’une tripartition renouvelée et définitive28 ? Dans la mesure où la situation militaire de la nouvelle province en voie de pacification était une préoccupation essentielle, par comparaison avec les autres secteurs péninsulaires, rien ne s’y opposerait, ce que suggérerait aussi le rang consulaire de L. Sestius Quirinalis plus élevé que celui du légat de la province d’Hispania citerior chargé de la Cantabrie29.
11Un deuxième volet de l’édit a trait aux populations locales et à leur organisation politique et administrative. Il est notable que le conuentus Asturum n’est pas évoqué, ce qui indiquerait que le nouveau dispositif provincial augustéen n’était sans doute pas encore inauguré30. Deux formes essentielles dominent : la gens ou peuple et le castellum ou communauté villageoise. Les Susarri et les Gigurri constituent ainsi des références identitaires de type ethnique pour des groupes qui vivent dans des castella de modestes dimensions. Sur ce point, une première obscurité de langage rendant toute interprétation délicate est à souligner, car on ne voit pas immédiatement à qui renvoie exactement l’expression uolente ipsa ciuitate. S’agit-il des Paemeiobrigenses, des Aiiobrigiaecini ou bien des Sussarri ou même des Gigurri31 ? Selon la conviction historiographique de chacun, on considérera que c’est la gens ou le castellum qui se confond ainsi avec une ciuitas, ce qui ne peut pas être clarifié et ne se conçoit pas aisément dans le cas de l’équivalence avec castellum32. L’interprétation la plus plausible de ces données particulièrement obscures serait alors que c’est la volonté ou des Gigurri ou celle des Aiiobrigiaecini qui aurait été ainsi respectée33.
12L’analyse de la structure de l’édit permet-elle de lever à coup sûr l’incertitude ? La première partie du texte prévoit la confirmation des possessions du castellum des Paemeiobrigenses dans les limites territoriales (fines) qui étaient les siennes, comme dans le cas d’une deditio34. On ne sait pas à quoi correspondaient juridiquement les agri (et non l’ager) et les fines des Paemeiobrigenses. Ces terres cultivées et ce territoire, bien délimités, devaient correspondre à l’ensemble des biens dont les habitants avaient la jouissance et la propriété utile à l’intérieur du territoire des Susarri35. La confirmation de la possessio induit l’existence antérieure d’un castellum doté d’un territoire autonome, au même titre que les autres castella, au sein du territoire occupé par le peuple des Susarri36. On devrait alors considérer que les agri et les fines définissent les terres cultivées et les limites territoriales sur lesquelles la communauté des castellani avait juridiquement autorité, à l’image du populus des Seanoc[i] du bronze d’Alcántara37. Les circonstances sont seulement différentes ici, car il ne s’agit pas d’une deditio sanctionnant une défaite récente, comme en 104 av. J.-C., ni d’une communauté assimilée à un populus, mais d’un castellum. La présentation évoque aussi le ei essent agrum oppidumque quod ea tempestate posedisent du décret de Paul-Émile38. Dans le texte gravé, toute la question est alors de savoir dans quelle mesure les dispositions de la seconde partie de l’édit visent à définir une situation politique nouvelle ayant aussi permis l’association des Aiiobrigiaecini à la gens des Susarri39.
13La réflexion débouche donc immédiatement sur la question de la chronologie des décisions et sur la logique administrative du décret impérial. Il apparaît que le datage par deux jours successifs pourrait être légitimé, selon G. Alföldy, par la division en deux dispositions successives du contenu de l’édit ponctuée par l’adverbe, étonnant sous cette forme, ante ea pour antea40. Auguste aurait tiré les conséquences de la pacification dans un premier temps et refondé la communauté locale en assortissant la mesure d’un privilège d’immunité perpétuelle. Dans un deuxième moment, c’est-à-dire le lendemain, l’empereur aurait tiré les conséquences des dispositions antérieures, tout en confirmant l’immunité octroyée la veille, et aurait décidé de rattacher au peuple des Susarri les Aiiobrigiaecini maintenus expressément dans leur condition de castellani, mais ôtés aux Gigurri41. On note, en effet, que le document, bien qu’il reste vague sur le contenu de la contributio, se contentant d’omni munere fungi au singulier, définit les Aiiobrigiaecini comme soumis aux mêmes obligations que les Susarri. Le parallélisme avec l’immunitas omnium rerum suggère qu’omne munus est à prendre dans le sens des obligations fiscales et financières42, mais aussi des autres prescriptions imposées par Rome aux Susarri à l’exception des Paemeiobrigenses43.
14Les édits impériaux conservés sont au total assez rares, à plus forte raison s’agissant du règne d’Auguste44. En Hispania, il n’y en avait aucun de recensé à ce jour, malgré la découverte de nombreux bronzes juridiques portant des lois ou règlements municipaux, des sénatus-consultes, des epistulae impériales, des sentences de magistrat, des tessères et tables d’hospitium et de patronat, sans oublier des serments à un empereur ou des copies d’actes divers concernant un litige ou une vente45. Comme nous l’avons vu, l’édit d’Auguste prend place dans la suite des décisions de teneur identique arrêtées par les imperatores républicains et fait donc écho directement au décret de Paul-Émile et au décret d’Alcántara46. Les édits impériaux, héritiers de l’édit des magistrats romains et de celui des gouverneurs de province, dictaient les règles à suivre au sujet d’une affaire dont la portée était parfois limitée aux circonstances qui avaient provoqué l’intervention impériale47. Le verbe dicit signifie que c’est la volonté impériale qui s’exprime directement, ce qui est renforcé par l’emploi de la première personne (cognoui, iubeo). Scellé par son sceau, l’édit, à l’image d’autres écrits impériaux, reflétait la culture de l’empereur48.
15Tant les décrets des imperatores républicains déjà mentionnés que l’édit de Claude sur la citoyenneté des Anauni49 montrent que les questions touchant à la propriété des terres et au statut des communautés et des personnes faisaient partie des sujets donnant lieu normalement à la publication d’un édit. On doit ajouter les exemptions fiscales, mais les sources suggèrent dans l’ensemble que l’éventail des thèmes n’était pas strictement limité50. Les arrêtés concernant les Paemeiobrigenses rentraient ainsi dans le type de question que l’empereur se réservait de traiter éventuellement par édit. De même, il n’est pas surprenant en soi qu’un tel document ait été gravé sur le bronze et affiché dans l’agglomération de Paemeiobriga. C’était l’intérêt et la fierté des habitants que de faire valoir aux yeux de tous et des générations à venir les bienfaits dont Auguste les avait comblés en récompense d’une fidélité courageuse envers Rome51. La copie avait d’autant plus de prestige que le texte transcrivait les mots mêmes de l’empereur.
16L’intervention personnelle d’Auguste semble se justifier par le caractère particulier du contexte. Le rappel inhabituel du titre de proconsul dans la titulature ne paraît pas s’expliquer seulement par le fait que l’empereur est absent de Rome52 mais aussi par la volonté d’Auguste de souligner qu’il agit en vertu de son imperium maius qui lui donnait tout pouvoir de disposer des provinces comme il l’entendait53. La date de février 15 av. J.-C. se situe, nous l’avons dit, dans la période 16-13 av. J.-C. que les sources désignent comme celle où Auguste s’est occupé de remettre en ordre les Espagnes et les Gaules, apportant une conclusion administrative à l’œuvre de pacification et de réorganisation provinciale inaugurée en 27 av. J.-C.54. Mais l’empereur se trouvait-il à Narbonne parce qu’il venait d’Espagne ou parce qu’il y allait après avoir passé toute l’année précédente en Gaule ? Ni les Res Gestae, ni Dion Cassius ne fournissent d’indice pour établir un calendrier satisfaisant du voyage de 16-13 av. J.-C.55. L’information selon laquelle en 16 av. J.-C. les soulèvements de Dalmatie et d’Hispania furent aisément réprimés, ce dont Dion Cassius seul fait état56, n’autorise pas à conclure que ces événements incitèrent Auguste à revenir rapidement dans la péninsule, ni que ce deuxième voyage hispanique conduisit l’empereur à nouveau dans le Nord-Ouest. L’édit de mi-février 15 av. J.-C. ne lève aucune des ambiguïtés déjà notées depuis longtemps quant à l’itinéraire et au calendrier du déplacement impérial57.
17Quelles qu’aient été les circonstances exactes, le document suggère qu’Auguste avait réagi à un rapport récent58 concernant les Paemeiobrigenses dont la fidélité s’était à nouveau manifestée lors des derniers événements59. L’édit signifie surtout que dans une période d’après-guerre et de remise en ordre systématique, destinée à extirper les oppositions et les causes de conflit ouvert, Auguste aurait pris en main chaque élément du dossier et aurait tenu à récompenser la loyauté de façon à en faire un exemple, punissant par ailleurs ceux qui avaient choisi la révolte et la violence. C’était une façon de reconnaître que la pacification avait été plus longue et plus difficile que l’empereur ne l’eût souhaité, que la région méritait toute l’attention de l’administration étant donné sa situation à proximité des mines d’or, mais également de souligner l’autorité unique et supérieure de l’empereur qui disposait seul des ressources des provinces et qui décidait seul de la condition des habitants et de leurs mérites.
18L’édit met en évidence, avec une brièveté impériale, des événements locaux qu’on continuerait à ignorer sans sa découverte. L’attention y est attirée sur des régions mal connues dont les sources écrites ne parlent pour ainsi dire pas, si ce n’est de façon vague et générale60. C’est le premier témoignage sur la fin de la conquête et sur l’intervention personnelle d’Auguste en faveur d’une petite communauté asture qui avait pu et su rester dans le devoir, c’est-à-dire respecter ses engagements envers Rome qui l’avait vaincue au même titre que les autres à l’origine.
Un document ambigu et contradictoire
19Résumé simplement, le texte retrace donc un épisode mineur de la pacification des Asturies occidentales entre 22 et 15 av. J.-C., mettant en avant une modeste communauté asture du peuple des Susarri, difficile à localiser avec exactitude auparavant61. Pour avoir servi Rome malgré leur faiblesse, les habitants du castellum de Paemeiobriga, dont la conduite a été signalée à Auguste par tous les représentants successifs de Rome dans la région, ont mérité les bienfaits que l’empereur a tenu à leur octroyer personnellement en les immortalisant par un édit, alors qu’il se trouvait à Narbonne, à la mi-février 15 av. J.-C. Auguste aurait traité l’affaire en deux temps, d’où deux arrêtés successifs, le 14 et le 15 février, regroupés en un seul document selon une explication avancée, mais qui ne va pas de soi.
20Plusieurs anomalies ou données inédites surprennent de prime abord. La titulature d’Auguste est inconnue à ce jour sous cette forme et le nombre des puissances tribuniciennes est fautif62. Comme nous l’avons déjà dit, la prouincia Transduriana n’est mentionnée nulle part dans les sources en dehors de ce document, et L. Sestius Quirinalis, dont on ne savait rien ou presque sur son séjour dans la péninsule en dehors des hypothèses de R. Syme et de la mention des autels sestiens63, apparaît comme le premier légat de cette nouvelle province. Les Susarri sont désormais localisés sans ambiguïté au voisinage des Gigurri et l’édit confirme qu’Aiobrigiaecum de la table d’hospitalité d’El Caurel de 27 apr. J.-C. est un castellum64 appartenant au peuple des Susarri, ce qui remonte à 15 av. J.-C., à la suite de la décision d’Auguste dont on a ainsi l’assurance qu’elle fut appliquée. On note aussi que ciuitas désignerait dans certains cas un castellum et on enregistre avec surprise qu’un castellum avait obtenu le privilège de l’immunité à perpétuité tout en étant associé à un autre castellum qui ne pouvait pas jouir de la même immunité65. On s’étonne enfin qu’il ait fallu deux jours à Auguste pour formuler sa décision et que l’empereur ait signalé la chronologie de la décision par une double date, ce qui est sans autre exemple66. On voit donc que le contenu, à la différence d’autres textes similaires, tout en intégrant des données étonnantes, apporte en une fois plusieurs contributions indirectes, mais sans solution claire, à de multiples questions débattues depuis longtemps et particulièrement depuis une trentaine d’années67.
21Sur le plan formel, il est surprenant qu’Auguste n’ait pas utilisé une précision du type in praetorio et qu’il ait négligé les salutations impériales alors qu’il arbore le titre de proconsul68. La syntaxe a la simplicité d’un exercice scolaire qui tranche avec le style normal d’un édit et la rédaction évoque davantage César que les formules officielles et codifiées de la décision. Malgré cela, le deuxième paragraphe comporte des obscurités qui tranchent avec la limpidité des édits julio-claudiens connus, dont les attendus sont présentés de manière plus complète en général, et cet édit ne possède pas la précision laconique marquée au coin de la clarté des Res Gestae. On ne saurait mettre le fait au compte d’un résumé quelconque, car tout indique que la copie reproduit la lettre du document rédigé par Auguste et donc le style augustéen69. Qu’il y ait des erreurs de gravure est compréhensible70, mais certaines constructions et formulations sont difficiles à admettre, à plus forte raison si on se remémore le jugement de Suétone sur le souci de précision d’Auguste, même au détriment de l’élégance, et sur son aversion pour l’obscurité71. L’allure générale du texte dans sa composition comme dans sa présentation est davantage celle d’un contrat d’hospitium que d’un édit impérial72.
22Le support et la gravure appellent également quelques remarques. Les dimensions, comparables à celles de la plaque portant le décret de Paul-Émile73, sont assez voisines de celles de la tabula Lougeiorum ou de la tesssère d’El Caurel sans son ornementation74. La forme de la plaque reproduit incontestablement la tessère de Castromao dans la province d’Orense75, mais aussi la plaque de Gallur dans la province de Saragosse76. La moulure au trait qui délimite le champ épigraphique n’est pas habituelle pour ce genre de document, comme sont anormales les lignes de guidage et la fréquence, par ailleurs sans régularité, de la ponctuation en fin de ligne. Enfin, aux lignes 18 et 19, la mise en page est brouillonne et déborde à droite sur la moulure. On peut écarter l’hypothèse d’une maladresse locale commandée par un manque de pratique dans la confection de copies d’actes semblables, car les tessères d’hospitalité du Nord-Ouest n’offrent pas les mêmes faiblesses. La gravure est maladroite et irrégulière, non exempte de retouches, et les N de la ligne 14, de ductus inconnu à haute époque, ont un dessin différent de tous les autres N du texte. De même, la facture des G est étonnamment diversifiée et chaque cas ne correspond que de loin aux G cursifs que l’on connaît pour ces documents et cette période. La qualité de la pièce est en somme plus médiocre que celle d’une tessère d’hospitalité alors qu’il s’agit d’un édit impérial, ce que la date du document ne saurait justifier à partir du moment où l’on a pris soin de faire publier le texte en raison de son importance et de son caractère honorifique77.
23À l’inverse, on peut signaler que l’expression permanere in officio est répertoriée dans les dictionnaires courants et appartient comme le verbe desciscere au vocabulaire césarien de la conquête des Gaules78. C’est aussi cognoscere qu’emploie César pour dire qu’il a été informé d’un fait quelconque en usant, selon les cas, de la préposition per, ab ou ex pour indiquer sa source79, ce qui est parfaitement classique. Sine controuersia appartient à la langue juridique recensée et se trouve aussi chez Cicéron80. Une inscription de Rome, publiée depuis longtemps, indique que Cn. Calpurnius Piso, l’associé de Catilina, prouinciam Hispaniam citeriorem optinuit81. On peut ajouter que les expressions, au total peu usitées, immunitas omnium rerum ou omni munere fungi sont présentes dans la langue de César et de Cicéron82. Quant à la formule finale utilisant actum suivi du lieu d’émission, c’est celle qui est employée dans le décret de Paul-Émile ou sur le bronze de Contrebia83.
24Sur un autre plan, les nouveautés apparentes du texte n’en sont pas véritablement. Seul le nom des bénéficiaires, Paemeiobrigenses, est assurément inédit. S’agissant de la titulature d’Auguste, le texte de Dion Cassius met l’accent sur les deux piliers du pouvoir augustéen que sont depuis 23 av. J.-C. la tribunicia potestas et l’imperium proconsulare, et explique seul les circonstances justifiant l’usage du titre de proconsul par l’empereur dans une titulature84. La province Transduriana, inconnue y compris de Strabon, rencontre toutefois un écho certain dans le texte du géographe sur les légats du gouverneur consulaire d’Hispania citerior85. En effet, la présentation qu’il en retient établit l’existence d’un district militaire au nord du Douro auquel il ne donne certes pas le nom de province pas plus qu’il n’emploie le nom de diocèse à propos des districts confiés aux légats86. Relié à la question du transfert non daté de la Galice à l’Hispania citerior, le passage peut donner lieu aisément à l’hypothèse d’un statut mal défini au départ de l’Asturie-Galice, décelable par ailleurs dans d’autres sources, qu’il s’agisse des autels sestiens ou de la future province de Caracalla dont l’origine se trouverait peut-être ainsi tracée87. Il est dès lors très étonnant que Strabon n’en ait pas fait état directement. Enfin, toujours dans le domaine des institutions, l’octroi de l’immunité complète à des pérégrins ou le rattachement d’une population à une nouvelle communauté ne constituent pas des anomalies et sont attestés par ailleurs88.
25Enfin, les informations relatives aux peuples et à leurs formes d’organisation politique, malgré les confusions et les obscurités qu’elles entretiennent, font allusion à des données mentionnées ailleurs dans la documentation littéraire et épigraphique. Ciuitas appartient d’emblée au vocabulaire de Pline l’Ancien dont on sait qu’il s’appuie sur des sources augustéennes89. Gens et castellum figurent sur les pactes d’hospitalité parmi les plus précoces de la période impériale90. Les castellani Aiobrigiaecini, on l’a vu91, sont indirectement mentionnés sur la tessère d’El Caurel, en même temps que les Lougei92, et sont indiqués comme partie intégrante du peuple des Susarri. À l’instar des Lougei sur la tabula de même nom, leur statut serait indifféremment celui de castellum ou de ciuitas. L’édit confirme ainsi en écho des données évoquées par des inscriptions sur bronze provenant de la même région et permet de mieux dessiner l’Asturie occidentale et la géographie de ses peuples. Pour en avoir une idée, il suffit de se reporter au commentaire de M. D. Dopico Caínzos à propos de la tabula Lougeiorum tendant à montrer que le Bierzo devait être inclus dans la zone culturelle des castros et la Callæcie, malgré son appartenance ensuite au conuentus Asturum. En outre, le nouveau document concrétise en partie des hypothèses sur les peuples qui constituaient le Bierzo et leur organisation politique93. Il met sous le feu des projecteurs, dans une phase cruciale et très mal connue – celle de la fin de la conquête et de la première pacification –, une zone rurale enclavée et périphérique que l’exploitation minière romaine allait ouvrir et intégrer tout en donnant au castellum une place centrale dans les structures politiques et culturelles de la région94.
26Le bilan de la recherche et de l’analyse mot à mot de l’édit déconcerte par tant d’ambiguïté et d’évocations indirectes de nombreuses questions. À la réflexion, cette impression naît de la concentration extraordinaire d’informations inhabituelles en peu de lignes, distillées sous la forme d’allusions ou de données imprécises, ce qui autorise toutes les interprétations en fonction des nombreux débats en cours et des convictions de chacun sur les sujets concernés. Le nombre important des faits rapportés, inédits ou non, contraste avec les formulations obscures ou ambivalentes, et l’expression latine, en dépit de sa simplicité, manque de la clarté attendue dans un document semblable. Sur le fond, on a beaucoup de peine à concevoir qu’Auguste ait cru bon de prendre un édit particulier réglant le sort d’une petite communauté insignifiante (ignobilis) aux confins de l’Asturie et de la Galice parce qu’elle aurait seule refusé de lutter contre Rome95, sans même se voir accorder d’ailleurs la citoyenneté romaine sous une forme ou une autre. La deuxième mesure, quant à elle, semble aussi peu justifiée par les faits que le dispositif qui la reproduit par écrit est compliqué et contradictoire, comme si Auguste et ses conseillers n’avaient pas su à quelles règles se référer en l’occurrence. Le double datage à la fin, sans parallèle attesté, ne trouve aucune explication convaincante dans le document96. Au fond, on peut se demander légitimement si un tel texte émanait bien d’Auguste en personne, malgré les apparences. Le but qu’il recherchait n’est pas plus évident.
27En revanche, le document comble un blanc dans la tradition parvenue jusqu’à nous concernant la pacification de l’Asturie-Galice et la période 22-15 av. J.-C. Cet édit attire l’attention sur une région de mines d’or négligée par la tradition littéraire et sur des populations qui commencent ainsi peu à peu à sortir de l’ombre où l’absence de sources explicites les avaient plongées. Les formes d’organisation et les statuts évoqués ne peuvent surprendre et sont familiers, même si la confusion entre ciuitas et castellum était auparavant de l’ordre de la polémique savante (mais la lecture du deuxième paragraphe oriente vers la solution par un biais étrange). Toutefois, la première partie met l’accent, de façon nouvelle dans un document, sur l’idée que le castellum constituait au moment de la conquête une unité territoriale et politique autonome au sein d’une entité plus large, la gens. C’est en outre la première fois qu’est illustré par un exemple précis un cas de transfert, sans qu’on sache bien d’ailleurs s’il s’agit d’un retour à un état ancien ou s’il s’agit d’une décision liée aux conflits récents (c’est le problème du eorum loco restituo, qui manque pour le moins de clarté). Mais le formulaire et les expressions techniques utilisées trouvent un écho dans des documents et des textes bien connus. On notera cependant que les cas parallèles renvoient surtout aux imperatores de la république et à Cicéron et non aux écrits augustéens proprement dits97.
28Restent les adjectifs inédits Transduriana, Paemeiobrigenses, Aiiobrigiaecini et l’incompréhensible eorum loco restituo. Bien qu’unique, le nom de la province n’est pas sans modèle en apparence. Les textes latins connaissent en effet les qualificatifs Transpadanus, Transrhenanus, Transdanuuianus. Toutefois une recherche approfondie montre que jamais ils ne sont utilisés pour désigner une province et que prouincia ne leur est donc pas accolé à la différence de regio : la pratique normale, reflétée dans l’épigraphie, eût été d’appeler le territoire concerné prouincia Hispania Transduriana. Les Paemeiobrigenses n’étaient pas connus, mais la structure de leur nom est conforme à la toponymie influencée par les Celtes et entre dans la série des agglomérations se terminant en -briga, voulant dire site fortifié98. Les Aiiobrigiaecini appartiennent à la même famille linguistique. Leur mention a, nous l’avons vu, permis une correction du nom Aiobaigiaecum en Aiobrigiaecum sur la tessère d’El Caurel, ce qui pourrait paraître décisif pour conclure à l’authenticité de l’édit, mais n’exclut pas d’autres possi99. Eorum loco restituo intrigue, moins à cause du verbe que du eorum loco. Dans le contexte, eorum désigne nécessairement les Paemeiobrigenses, mais l’expression elle-même n’est guère satisfaisante en latin quel qu’il soit100.
29Malgré le nom Paemeiobrigenses, inconnu auparavant (mais conforme à diverses données linguistiques locales), malgré la correction Aiobrigiaecum qu’a permise le document, les doutes sur la nature de cet édit me paraissent légitimes. Tout en ne disant rien de vraiment nouveau, le texte accumule les difficultés et les anomalies, comme à plaisir. Matériellement et formellement aussi, il mêle des données qui rappellent les tessères d’hospitalité comme pour souligner le caractère local de la copie d’un acte émanant pourtant de la chancellerie impériale. Les événements retracés semblent incroyables, dans la mesure où on comprend difficilement comment un village de modestes dimensions a pu faire cavalier seul101 sans encourir la vengeance ou, resté intact, sans obtenir ensuite les moyens de croître et de devenir un véritable chef-lieu de cité urbanisé. Malgré les explications proposées, il est tout aussi invraisemblable qu’Auguste ait cru nécessaire de dater de deux jours successifs sa décision.
30Que les commentaires savants puissent trouver des rapprochements dans des sources variées, n’est pas une preuve d’authenticité102. La confection d’un texte bref, suivant un modèle, ne réclame pas des connaissances exceptionnelles pour des spécialistes de l’antiquité hispano-romaine et de l’histoire locale, ni pour un professionnel au fait des auteurs classiques et de l’épigraphie. Ce qui veut dire que l’auteur (ou les auteurs) de la supercherie, si supercherie il y a, est (sont) nécessairement versé(s) dans les choses de l’Antiquité romaine et connaît (connaissent) Caton, Plaute, César, Strabon ou Dion Cassius. Il s’agirait alors d’un jeu intellectuel qui possède, toutes choses égales, des précédents illustres si on songe par exemple à l’Histoire Auguste, mais aussi à des faux épigraphiques d’Hispania depuis le XVIe siècle jusqu’à nos jours103.
31Il est très difficile de faire la preuve absolue d’un faux lorsqu’il est érudit, et il convient d’éviter les mauvais arguments qui jetteront à leur tour la suspicion sur la falsification104. Toutefois, l’édit de Paemeiobrigensibus rappelle que la tabula Lougeiorum n’est pas non plus exempte d’incongruités qui font écho à l’édit et que parmi les documents transmis par fax à Cologne en 1993105, il en est au moins un (le no 5) qui suscite plus que des réserves à propos de questions semblables. Si, comme je le pense, on ne peut pas écarter le faux, le document n’est pas très ancien et émane d’un groupe de personnes qui s’intéressent aux débats historiographiques suscités par l’histoire de l’Asturie-Galice et par le rôle des mines d’or, sans exclure d’autres motivations plus matérielles. Il s’agirait alors d’un faux érudit destiné à renouveler la recherche et les interprétations concernant une région et une période mal connues et à mettre en valeur un patrimoine jugé trop peu connu et visité.
32P.-S. : Grâce à l’amabilité, une nouvelle fois, du professeur Costabile, j’ai pu prendre connaissance des textes présentés à León les 10 et 11 octobre. Il semble que la correction -brig au lieu de-baig de la table d’El Caurel doive être attribuée au départ à la Dra Hernando Sobrino plutôt qu’à G. Alföldy. J’ai surtout pu constater que A. Canto partageait l’idée d’un document suspect. Toutefois, les arguments qu’elle propose ne me paraissent pas toujours efficaces, alors que le risque existe qu’on les juge sur leur valeur plus que sur les faits incontestablement troublants. Il n’est pas de bonne méthode de commencer par jeter le doute sur un autre document (en l’occurrence la tabula Lougeiorum) avant même d’analyser l’édit, même si les soupçons sont là aussi légitimes. Il n’est pas décisif que le flou ait entouré les circonstances de la découverte, comme il n’est pas possible de juger de la gravure sur la photographie publiée et diffusée, déformée par la perspective. Les analyses métallographiques sont désormais connues, mais il faudrait une contre-expertise objective (et coûteuse) et quand bien même la pièce de bronze serait antique, il faudrait pouvoir s’assurer qu’elle n’a pas été réutilisée. Les supposés faussaires, au fait de l’érudition et de l’épigraphie, ont certainement su « prévoir » le problème. Plus intéressante est la remarque sur le et de la titulature qui ne trouve un écho qu’avec le kaiv de la titulature de la lettre aux Cnidiens de 6 av. J.-C. (FIRA, III, 185) dont l’énoncé est limité au pontificat, aux consulats et à la puissance tribunicienne. La référence aux sources grecques est une constante du document, dans la mesure où de nombreuses données renvoient à Strabon, à Dion Cassius et aux documents juridiques concernant des immunités des régions orientales.
33Au total, est-il admissible qu’Auguste ait innové en matière de titulature pour s’adresser par un édit à d’obscurs villageois (au nombre de deux ou trois centaines ?) qui seraient restés fidèles envers et contre tout comme en auraient fait foi avec constance tous les légats du princeps qui ne se seraient pas faits faute de rappeler cet héroïsme dans leurs rapports ? Est-il pensable qu’un castellum ait reçu l’immunité sans la citoyenneté et qu’en revanche un castellum rebelle ait reçu la liberté ? Est-il possible qu’un castellum ait été confondu avec une ciuitas, et croira-t-on sérieusement qu’Auguste a fait assaut d’obscurité et de recherche formelle dans un texte qui s’apparente extérieurement davantage aux documents locaux qu’à une décision impériale ? Est-il enfin un autre document qui mette en œuvre en peu de lignes et sans arguments explicités autant de données réinterprétées sans être vraiment inattendues ? Si le texte n’est pas entièrement inventé, il reste l’éventualité d’une rénovation d’un document mal conservé. Quoi qu’il en soit, la réflexion sur la falsification constitue une excellente leçon de méthode, car l’interrogation que le document suscite attire l’attention sur les risques d’excès en matière de recherche et d’interprétation dans des disciplines qui par nature – on ne le dira jamais assez – ne permettent pas d’apporter des explications complètes et satisfaisantes à tous les problèmes (petits ou grands) qui sont posés.
Bibliographie
Post-scriptum
Bibliographie : Concernant le débat sur l’authenticité de la « table de bronze du Bierzo » dite aussi parfois l’« édit de Paemeiobrigensibus », se reporter par exemple aux remarques imprimées dans L’Aquitaine et l’Hispanie septentrionale à l’époque julioclaudienne. Organisation et exploitation des espaces provinciaux, dans IVe colloque Aquitania, Saintes 11-13 septembre 2003, Bordeaux, 2005, p. 127-128. Les commentaires très nombreux du document ont été recensés dans HEp, 7, 378 et surtout HEp, 8, 321-323. L’article de R. López Melero est désormais publié dans ZPE, 138, 2002, p. 185-223 sous le titre « restituere y contribuere ( ?) en las disposiciones de la tábula del Bierzo ».
P. 125, note 76, sur l’inscription de Gallur, voir récemment F. Beltrán Lloris, « Tesserae paganicae », dans L. Lamoine, C. Berrendonner, M. Cébeillac-Gervasoni (dir.), La praxis municipale dans l’Occident romain, Clermont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise-Pascal, 2010, p. 187-212.
La nouvelle photo de la table, après traitement technique d’usage, proposée ici ne lève pas les hésitations sur le caractère peu orthodoxe du support s’agissant d’un édit impérial. La plaque s’apparente de façon étonnante aux tables locales d’hospitium et patronat de la période impériale, ce qui relève d’un « indigénisme » sans véritable justification. Malgré le ralliement de la très grande majorité des spécialistes à la thèse de l’authenticité, je persiste à émettre des doutes, sachant que l’existence matérielle d’un document ne suffit pas à faire la preuve de son antiquité. Les faux sont de toutes les époques, ce que rappellent par exemple les graffitis sur céramique de Veleia (Iruña, Vitoria) récemment « créés » par les fouilleurs. Le point le plus étonnant est sans doute que la communauté bénéficiaire des dispositions des deux édits (les prétendus Paemeiobrigenses), remarquée pour une fidélité unique et sans faille à Rome, ne soit pas devenue une cité.
Notes de bas de page
1 Voir « Noticias de actualidad », dans Revista de Arqueología, Mayo 2000, p. 60-61. La première publication parlait des « environs de Bembibre » : J. A Balboa de Paz, 1999, p. 45. G. Alföldy, 2000a, p. 177.
2 J. Rodríguez Morales, 1999.
3 Pour la bibliographie et le texte voir sur Internet, en date du 14 avril 2000 : Epigraphische Datenbank Heidelberg (EDH), no HD033614, 1, et EDH : Das neue Edikt des Augustus aus Hispanien, 1. On ajoutera désormais l’ouvrage de F. Costabile et O. Licandro, 2000, – F. Costabile m’a offert un exemplaire et je tiens ici à le remercier encore pour son aimable attention ainsi que pour l’accueil de mes réflexions, qu’il ne partage pas, dans sa revue – et G. Alföldy, 2000a, p. 177-205, avec, p. 177 note 4, la mention de contributions à paraître d’A. Rodríguez Colmenero 2000 et de R. López Melero (non vidi), dont le manuscrit lui a été communiqué avant publication. F. Costabile et O. Licandro, 2000, p. 107-118, commente en Appendice les travaux et analyses d’A. Rodríguez Colmenero, 2000, p. 9-42 (non vidi), J. Mangas (non vidi), G. Alföldy 2000b et J. A. Balboa, 2000 (non vidi).
4 Voir la Revista de Arqueología, cit. note 1, p. 60. G. Alföldy, 2000a, p. 177. Mais aucune provenance ne semble pouvoir être tenue pour certaine en dehors de la région de Bembibre au sens large.
5 Comme le suppose G. Alföldy, EDH, no HD033614, la logique voudrait que le document ait été affiché dans un lieu public de l’agglomération appelée castellum Paemeiobriga.
6 F. Costabile et O. Licandro, 2000, p. 22, traduit : per tramite di Lucio Sestio Quirinale, mio legato reggente di quella prouincia. Il s’agit à l’évidence d’une datation à l’ablatif absolu qui évoque assurément le ea tempestate de l’édit de Paul-Émile (ILLRP, 594).
7 Étant donné l’obscurité de la formulation on ne peut pas exclure une autre traduction du passage, tout en soulignant que castellanis Paemeiobrigensibus peut difficilement être compris comme autre chose qu’un datif dépendant de restituo, qu’une formule avec pro castellanis eût été plus appropriée que le eorum loco du texte et que loco avec une valeur adverbiale est préférable à une autre solution : « Aux habitants du castellum de Paemeiobriga, du peuple des Susarri, auxquels j’avais concédé auparavant la dispense de toute espèce de charge, dans la condition qui était la leur, je rends les habitants du castellum d’Aiiobrigiaecum, etc. » Mais voir infra note 88 : le possessif eorum peut difficilement se rapporter aux castellani qui suivent. [Voir désormais A. Rodger, 2000, p. 266-270, dont j’ai eu connaissance alors que mon article était prêt et qui met en évidence la tournure de l’attractio inuersa due à la présence du relatif quibus là où il faut comprendre, en tenant compte de l’expression eorum loco, loco castellanorum Paemeiobrigensium […] restituo castellanos, etc. Mais, la présence ainsi reconnue de l’attractio ne répond pas non plus aux règles strictes de son usage (p. 268 : « Two aspects of the attractio inuersa in the edict of Augustus are somewhat unusual, however. ») à vrai dire peu répandu, qui est en outre très précoce (Plaute, Térence et Caton) ou associé à la poésie (Virgile), ne se rencontre pas dans un édit (ce que n’est pas la lex agraria de 133 av. J.-C.), et la construction ne rend pas pour autant le texte très compréhensible sur le fond, malgré l’affirmation qu’il serait alors « clair et élégant » à l’issue de cette explication. Cette « linguistic speciality » n’est en rien la preuve, quoi qu’en ait A. Rodger, que le document est « genuin », au contraire ! [Cf. infra note 102].
8 Voir infra note 44.
9 Dion Cassius, LIII, 17, 4 et 32, 5 (qui appose directement tribunat et proconsulat), et infra note 52.
10 RGDA, XII, 2.
11 Strabon, III, 4, 20 (c 166).
12 Florus, II, 33, 49 (Bergida = Bergidum), et 33, 56.
13 Pomponius Mela, De Chorographia, III, 13 ; Pline L’Ancien, Histoire Naturelle, IV, 111 ; Ptolémée, Géographie, II, 6, 3. Voir aussi A. Tranoy, 1981, p. 148-149.
14 Voir, par exemple, RE, VII, 2, 1923, col. 1885, et G. Alföldy, 1969, p. 133.
15 F. Costabile et O. Licandro, 2000, note 37 et p. 43, dont il faut corriger la lecture Allobrigiaecini et Alobrigiaecum. Il n’y a pas lieu de confondre I, L et T, reconnaissables le plus souvent. Toutefois, il est légitime, au vu du document, d’hésiter entre Paemeiobrigenses et Paemetobrigenses.
16 Il s’agit de l’inscription IRPLugo, 55 (lecture Aiobaigiaeco), trouvée à Torre de Cabreira, Carbedo, et conservée au musée provincial de Lugo. G. Alföldy, 2000a, p. 178-179.
17 CIL, III, 2016 = ILS, 2530.
18 Voir A. Tranoy, 1981, p. 47-48.
19 Voir aussi G. Alföldy, 2000a, p. 186 ; F. Costabile et O. Licandro, 2000, p. 44-45.
20 Florus, II, 33, 60 : Sic Astures nitentes in profundo opes suas atque diuitias, dum aliis quaerunt, nosse cœperunt.
21 On notera cependant que le nombre des puissances tribuniciennes (VIIII) correspond à la période s’étendant du 26 juin 15 av. J.-C. au 25 juin 14 av. J.-C. Il aurait fallu le chiffre VIII pour qu’il y ait accord avec la date consulaire.
22 Pour un résumé des faits : G. Alföldy, 1969b, p. 133, avec les sources et la bibliographie (voir supra note 13). Aussi, G. Alföldy, 2000a, p. 184-186.
23 G. Alföldy, 2000a, p. 203, est en accord avec moi sur cette chronologie, mais il résiste (p. 203-205) à l’idée qu’il ait pu s’agir d’une province nouvelle, séparée de l’Hispania ulterior.
24 Dion Cassius, LIV, 20, 3, et infra note 56.
25 Pour un état de la question : A. Tranoy, 1981, p. 146-147.
26 Sans que les limites administratives soient très claires et sans qu’on ait pu fixer une date précise, chaque année, c’est-à-dire 16, 15, 14, aussi bien que 13 av. J.-C., ayant ses partisans et des arguments : voir par exemple G. Alföldy, 1969b, p. 207 et 224-225, et A. Tranoy, 1981, p. 146-147. L’édit tendrait donc à exclure 16 av. J.-C., mais une ambiguïté persiste à ce sujet en raison de la formulation même du texte.
27 L’idée qu’il puisse s’agir d’autre chose que d’une province territoriale définie ne peut pas satisfaire (voir cependant le commentaire de EDH, no HD033614, supra note 3), car tout le vocabulaire et le rang des gouverneurs orientent vers une organisation provinciale territorialement stable et définie, c’est-à-dire une province autonome dirigée par des légats propréteurs impériaux. C’est aussi l’avis de G. Alföldy, 2000a, p. 203-205 (mais voir aussi infra note 87).
28 A. Tranoy, 1981, p. 149, s’appuie sur les autels sestiens pour formuler l’hypothèse que Sestius Quirinalis a commencé une œuvre de réorganisation. Il écrit en particulier : « En même temps qu’un argument [rang supérieur de Sestius] en faveur d’une union toujours maintenue à cette date entre la Bétique et la Lusitanie, ne serait-ce pas aussi l’indication d’une mission particulière confiée à L. Sestius pour la réorganisation du Nord-Ouest à partir de la Galice, les trois autels […] correspondant aux grands regroupements de tribus que Rome envisageait de faire, Callæci Lucenses, Callæci Bracari, Astures ? » Le nouveau document, quant à lui, semble ignorer une telle chronologie de mise en place des futurs conventus qui se serait alors dessinée dès 22-19 av. J.-C., mais pose malgré tout indirectement la question. En ce qui concerne les modifications entre 7 et 2 av. J.-C., il s’agissait d’une hypothèse d’Albertini qui n’était plus retenue depuis les travaux de R. Syme.
29 Ce n’est qu’une hypothèse qu’on ne peut pas totalement écarter. En ce cas, il faut toutefois se garder de conclure trop hâtivement à une préfiguration de la division de Caracalla dont le contenu demeure en outre incertain et débattu à ce jour.
30 Le raisonnement échappe ici à la logique de l’argument e silentio, car la Tabula Lougeiorum de 1 apr. J.-C. (dans la mesure où ce document est fiable) fait état d’une organisation en conventus. Ici il n’en est pas question parce qu’elle ne serait pas encore en place.
31 L’emploi d’ipsa soulignant que la décision émane de la communauté et non de l’empereur, n’exclut pas qu’il puisse s’agir de la gens des Susarri ou des castellani Aiobrigiaecini, voire des Gigurri. F. Costabile et O. Licandro, 2000, p. 23, juge qu’il s’agit des Aiiobrigiaecini, ce qui est aussi l’opinion de G. Alföldy, 2000a, p. 201. On peut se demander si la formule n’évoque pas une forme de libertas concédée au castellum/ciuitas.
32 On observera cependant que ce rapprochement peut s’appuyer sur le passage célèbre où Strabon indique que les conquérants romains appellent facilement polis des πύργοι pour grandir leur conquête : III, 4, 13.
33 On peut logiquement, étant donné la structure de la phrase, exclure les Paemeiobrigenses. Si, comme le suggère le contenu de l’édit, les Aiiobrigiaecini étaient des rebelles, on a aussi du mal à comprendre pourquoi il a été tenu compte de leur volonté, comme s’ils jouissaient de la libertas.
34 La procédure évoque aussi bien le cas des esclaves des Hastenses traité par Paul-Émile sans doute au début de 189 av. J.-C. (ILLRP, 594) – mais il n’est pas question d’oppidum ici – que la décision de L. Caesius en 104 av. J.-C. (AE, 1984, 495) – mais l’édit ne parle pas de deditio in fidem. Sur la deditio et ses différents aspects voir : D. Nörr, 1989.
35 Les données de l’édit concernant le castellum des Aiiobrigiaecini autorisent à situer les Susarri au voisinage immédiat des Gigurri traditionnellement placés dans la région de Petín, Orense : A. Tranoy, 1981, p. 47-48. Voir aussi G. Alföldy, 2000a, p. 188-189.
36 La question du territoire d’un castellum et de son statut politique est en grande partie obscure, faute de documents explicites. L'édit tend à indiquer que chaque castellum constituait, à la veille de la réorganisation augustéenne, une unité indépendante, mais on ne sait pas bien s’il s’agit d’une réalité sociale et matérielle ou si l’autonomie avait d’autres implications permettant de définir chaque communauté de castellum comme une unité politique.
37 AE, 1984, 495. Voir C. Castillo, 1997b, p. 98-99 et surtout p. 189-197. Le terme fines ne figure pas sur le bronze d’Alcántara, mais est présent sur le pacte d’hospitium d’Herrera de Pisuerga de 14 apr. J.-C. (ILER, 5823).
38 CIL, I2, 614 = ILLRP, 514, conservé au musée du Louvre. Le ea tempestate est ici remplacé par Lucio Sestio Quirinale legato meo eam prouinciam optinente.
39 Comme le comprend aussi G. Alföldy, 2000a, p. 186, les Aiiobrigiaecini avaient choisi le camp des révoltés.
40 Cette solution, non exempte de difficultés, ne fait pas de doute pour G. Alföldy, 2000a, p. 190-191, qui lui trouve toutes sortes de justifications sans apporter de données extérieures les confortant, allant jusqu’à imaginer qu’Auguste aurait eu à formuler d’autres décisions sans rapport avec cette affaire entre les deux décrets relatifs aux Paemeiobrigenses. Cette lecture paraît, il est vrai, préférable à une interprétation de ante ea, conforme pourtant à la lettre du texte, en « avant ces événements », évidemment admissible, mais conduisant à des contradictions et des confusions chronologiques insurmontables.
41 La tournure elliptique concernant le rattachement des Aiiobrigiaecini reflète l’ambiguïté d’un texte dont on a du mal à suivre le détail. C’est d’autant plus vrai que uolente ipsa ciuitate (l. 20) se rapporte vraisemblablement aux Aiiobrigiaecini qui sont expressément définis comme ciuitas en même temps que comme castellani (voir aussi supra note 33). Ils auraient joui de la libertas sans l’immunitas.
42 Voir aussi infra note 82. On ne saurait nier évidemment qu’il s’agit d’un terme technique. On sait qu’il y a débat sur le contenu exact qu’il convient de donner à l’immunitas, s’agissant en particulier des obligations militaires.
43 L’édit pose, en outre, sans l’éclairer vraiment, la question de la contributio et de l’adtributio, difficile et toujours débattue, qu’il s’agisse des communautés concernées et des motifs d’une telle pratique ou du contenu exact d’une relation administrative concernant le statut et les obligations de la communauté contribuée (en particulier la relation ou la compatibilité avec l’immunité). Le mot de contributio n’est pas employé (le cum Susarris l’évoque cependant), mais le texte pose indirectement la question de la viabilité de la doctrine issue des travaux d’U. Laffi selon laquelle contributio signifierait association à égalité et adtributio association inégale : voir le bilan dans F. Jacques et J. Scheid, 1990, p. 245-247. G. Alföldy, 2000a, p. 202.
44 Ce n’est évidemment pas le premier : outre les fameux édits de Cyrène en grec on peut citer le décret relatif à l’aqueduc de Venafrum (ILS, 5743).
45 Voir J. González, 1990b (catalogue de l’exposition), p. 51-61, qu’on complètera par les notices 165-178. Aussi J. González, 1990a ; C. Castillo, 1997a, p. 245-261.
46 Voir supra notes 37 et 38.
47 L’édit a force de loi et contraint les instances concernées à suivre les ordres, mais sa portée n’est pas toujours générale, même si c’est le plus souvent le cas. Il est différent en principe de l’epistula dans la mesure où cette dernière s’adresse à des destinataires précis qui ont sollicité l’avis du prince. L’édit était en outre moins usité que les autres formules (rescrit, décret, sententia, subscriptio, epistula). Voir par exemple F. Millar, 1992, p. 252-259.
48 Millar, 1992, p. 254.
49 CIL, V, 5050 = ILS, 206.
50 Voir l’article « edictum » dans le Dizionario Epigrafico di Antichità Romane di Ettore Rugiero, II, 3, 1961, 2084-2087, et particulièrement 2087. Aussi « edictum », RE, V2, 1905, col. 1940-1947 (Kipp).
51 Je ne crois pas qu’il y ait lieu d’hésiter sur la provenance originelle du document qui ne peut être logiquement que l’exemplaire copié par les Paemeiobrigenses eux-mêmes ; le texte n’exclurait pas que la communauté privilégiée soit devenue à la suite de l’arrêt impérial chef-lieu des Susarri, n’était l’appellation de ciuitas attribuée aux Aiiobrigiaecini. Il s’agirait alors d’un chef-lieu de gens ou de populus, selon le langage plinien. F. Costabile et O. Licandro, 2000, p. 34-35, admet finalement que l’hypothèse la plus probable est qu’on soit en présence de l’exemplaire affiché par les Paemeiobrigenses.
52 Dion Cassius, LIII, 17, 4, écrit que les empereurs se font appeler proconsul lorsqu’ils se trouvent hors du pomœrium. Dans la documentation épigraphique disponible, le titre n’était pas attesté avec certitude avant Trajan jusqu’à la découverte de l’édit. Malgré ce qui est dit parfois, les monnaies de Néron (RIC, I, nos 168, 170, 205) supportent d’autres interprétations alors que le titre, peu usité par ailleurs serait seulement abrégé en P., tout comme le milliaire de Nerva, CIL, III, 12159. F. Costabile et O. Licandro, 2000, p. 65-103, analyse longuement la question et juge que cette titulature conduit à une relecture de l’histoire institutionnelle du principat augustéen à partir du texte controversé de Dion Cassius, LIII, 32, 5 ; voir aussi G. Alföldy, 2000a, p. 193-195, qui développe à juste titre pro co(n) s (ule) à cause de l’espace entre pro et cos et par référence au s.-c. sur la condamnation de Cn. Pison le père (AE, 1996, 885), et s’étonne davantage de la mention « non routinière » de la puissance tribunicienne puisque le proconsulat était l’essentiel dans les provinces ; le savant allemand trouve une réponse dans le fait que l’empereur voudrait alors apparaître comme le représentant et le garant des intérêts du peuple romain. Sur le proconsulat et la question de l’imperium d’Auguste puis de ses successeurs on consultera désormais l’étude accomplie de J.-L. Ferrary, 2001a. Je le remercie de m’avoir permis de le lire avant la publication, bien que je me refuse à faire état du contenu ici, étant entendu que la réflexion qu’il nous livre dépasse de beaucoup mon modeste propos et un document qui ne prend tout son sens que replacé dans l’historiographie du Nord-Ouest hispanique, tributaire d’une documentation somme toute peu abondante.
53 D’un point de vue institutionnel, la titulature réduite à la puissance tribunicienne et au pouvoir proconsulaire peut se comprendre par le fait qu’il s’agit là, depuis 23 av. J.-C., des deux bases juridiques essentielles de l’action d’Auguste à Rome, en Italie et dans les provinces. Toutefois, le titre de pro consule paraît ambigu dans ce contexte, car l’affaire concerne la province d’Auguste et non la Narbonnaise, restituée au Sénat en 22 av. J.-C.
54 Dion Cassius, LIV, 25, 1. En outre, P. Le Roux, 1982a, p. 52-57 en particulier.
55 Dion Cassius, LIV, 19, dit que c’est pour la Gaule qu’Auguste partit en 16 av. J.-C. emmenant Tibère avec lui ; LIV, 23, 7-8, place sous l’année 15 av. J.-C. l’établissement de nombreuses colonies en Gaule et en Espagne, mais de pair avec des mesures concernant l’Orient de sorte que rien n’oblige à penser que la présence effective de l’empereur était nécessaire aux décisions et au règlement des problèmes. Malgré A. Rodríguez Colmenero, 1979, p. 129, l’ordre changeant (ni seulement alphabétique, ni seulement chronologique, ni seulement géographique) dans lequel tant Dion Cassius que les Res Gestae énumèrent les secteurs de l’intervention impériale ne permet pas de se faire une idée concrète du déroulement du voyage en Hispania, ni de ses dates exactes.
56 Dion Cassius, LIV, 20, 3 : il s’agit vraisemblablement de rébellion dans le Nord-Ouest, mais rien ne l’indique expressément.
57 Ce n’est guère surprenant, surtout si l’on se souvient que l’édit sur les Anauni est publié depuis Baïes. Les affirmations de G. Alföldy, 2000a, p. 189, sur un itinéraire assuré conduisant Auguste en Gaule en 16 av. J.-C., puis l’année suivante en Hispania, et enfin à nouveau en Gaule, semblent logiques, mais non prouvées par la documentation disponible, pas plus qu’il n’est possible de préciser les conditions et la durée du séjour à Narbonne (alors que ce sont les Trois Gaules qui firent surtout l’objet de l’attention impériale d’après les textes).
58 L’emploi de cognoui supporte deux interprétations : au sens habituel, le verbe indique que l’empereur a été informé ; au sens technique, le mot suggère une enquête approfondie.
59 Interprétation qui peut se prévaloir de l’emploi de permansisse au lieu de mansisse et d’omnibus legatis au lieu de legatis seulement.
60 On observe que le cas des Anauni et de leurs voisins (supra note 49) trouve en revanche un écho direct dans le texte plinien : Pline l’Ancien, Histoire Naturelle, III, 20, 133-138.
61 Il ne figure pas dans l’inventaire de A. Tranoy, 1981, p. 46-52, qui, en outre, p. 376, avoue ne pas savoir où le situer faute de témoignage précis. L’édit comble ainsi opportunément une lacune.
62 Ce n’est évidemment pas la première fois, et la faute de gravure est admissible. On observera cependant que le détail est incongru s’agissant d’un texte émanant d’Auguste lui-même, étant bien entendu qu’il a été recopié ; également Alföldy, 2000a, p. 191-192.
63 Voir G. Alföldy, 1969b, p. 133, et supra note 13.
64 Ce qui veut dire qu’on a ici la preuve définitive que le C inversé devrait être lu castellum sur la plaque d’El Caurel.
65 Que ciuitas renvoie aux Paemeiobrigenses (mais voir supra note 33) ou aux Aiiobrigiaecini l’équivalence n’en est pas modifiée. L’immunité, sans autre privilège, y compris pour des pérégrins ne saurait surprendre. Suétone, Auguste, XL, 6, évoque l’épisode durant lequel Livie ayant demandé la citoyenneté pour un Gaulois tributaire, Auguste ne lui avait accordé que l’immunité, mais il s’agit d’un exemplum qui ne peut donc constituer la règle ; de même, Tibère, XLIX, 2, parle de la suppression d’immunitates ueteres à des cités et des particuliers dont le statut n’est cependant pas précisé. D’une façon générale, l’immunitas va de pair avec la liberté ou la citoyenneté romaine (voir à Volubilis l’inscription IAM, 2, 369 et à Celeia ILS, 1977) et c’est la première fois qu’un simple castellum est concerné. Enfin, sous l’Empire elle était un privilège rare, plus rare que la liberté.
66 Voir cependant la lettre de Domitien aux habitants de Falerio (F. F. Abbott et M. C. Johnson, 1926, no 63, p. 367-368) datée des 21 et 18 juillet : mais, en ce cas, outre qu’elles sont espacées de trois jours, les deux dates sont explicitées et sont données séparément dans le document qui, comme c’est normal, est calqué sur les archives.
67 La mise en valeur de la diversité régionale sous l’influence de l’archéologie et de l’épigraphie va de pair avec une analyse approfondie des structures politiques et sociales préromaines et de leur évolution au fur et à mesure de l’intégration dans l’Empire. Le castellum est devenu un témoin de l’organisation prépolitique et préprovinciale et est défini comme le fondement de l’organisation territoriale prémunicipale dans la partie la plus occidentale de l’Asturie-Galice. La difficulté, due aux lacunes et aux insuffisances des sources, est de se mettre d’accord sur les relations qu’entretenaient structures territoriales (ciuitas, castellum, village) et structures de parenté (cognatio, gentilitas, gens) et sur la hiérarchisation sociale, sans oublier le rôle de la présence romaine et de la conquête (prouincia, conventus, oppidum, populus). Pour avoir une idée des débats et des différentes approches en cours, fondés sur des choix théoriques plus ou moins explicites, il faudrait citer une longue bibliographie. On se contentera de quelques jalons permettant de faire commodément le point sur les questions débattues et les doctrines en présence, mais aussi sur ce qui est admis ou non par le plus grand nombre : A. Tranoy, 1981 ; A. Rodríguez Colmenero, 1979 ; Id., 1996a, particulièrement p. 123-326. J. Santos Yanguas, 1985 ; M. C. González Rodríguez et J. Santos Yanguas (dir.), 1994 ; I. Sastre Prats, 1998.
68 L’absence de pontifex maximus, présent dans la suscription des édits de Cyrène, est logique à la date de 15 av. J.-C. Claude à Baïes (ILS, 206) donne une titulature complète, sans proconsul cependant (les Anauni sont rattachés à l’Italie et sont donc extérieurs à Rome).
69 Prouinciam optinere, prouinciae praeesse sont des expressions parfaitement classiques et bien attestées.
70 Elles sont courantes en épigraphie : voir, par exemple, la notion d’« erreur du lapicide » mise en évidence par J. Mallon (mais elle s’applique surtout à l’épigraphie courante). C’est sans preuve formelle, à mon avis, qu’Alföldy, 2000a, p. 192, suppose qu’on est en présence d’une copie de copie et d’un rapprochement de deux textes étrangers l’un à l’autre au départ.
71 Suétone, Auguste, LXXXVI, 2 et LXXXVI, 6. Sur le style et la langue de l’édit, voir les remarques de F. Costabile et O. Licandro, 2000, p. 23 et 109 : il est surprenant que l’analyse parte d’un présupposé sur la lourdeur habituelle du style juridique ; il est plus intéressant d’observer qu’est dénoncé l’abus des démonstratifs dont la langue ibérique est familière ! Enfin, j’ajouterai, comme je l’ai déjà suggéré, que la construction syntaxique d’un édit est habituellement différente et propose des attendus et des faits introduits par des subordonnants d’où découle ensuite la décision clairement argumentée.
72 Dans un hospitium il est logique de faire valoir l’engagement des deux parties ce qui justifie aussi la mise en valeur de la communauté locale contractante au départ et la mention au début du deuxième paragraphe du deuxième membre du pacte (voir par ex. la table d’Astorga, celle de Castromao ou la tabula Lougeiorum). Mais les castellani Paemeiobrigenses ne sont pas les parties prenantes d’un accord contractuel (contradictoire avec la volonté exprimée par les verbes appelant les propositions infinitives) et il n’y a aucune raison pour qu’un modèle de ce type ait été suivi. En revanche, le décret de Paul-Émile et le décret des Anauni commencent par des subordonnants, comme il est normal dans un édit.
73 Si on place la plaque verticalement (elle se lit horizontalement) les dimensions sont : 22 × 15 cm. Le bronze d’Alcántara, incomplet à droite, mesure verticalement : [21,5] × 19,3 × 0,4 cm.
74 Tabula Lougeiorum : 24,2 × 19,3 × 0,3 cm ; tessère d’El Caurel : 18,5 × 13,7 cm pour le champ épigraphique sans le cadre. El Caurel : IRPLugo, 55. Voir aussi Los bronces romanos en España, 1990 (catalogue de l’exposition), 173, no 21.
75 AE, 1972, 282 (31 × 23 × 0,4 cm) de 132 apr. J.-C. cependant. Voir aussi Los bronces romanos en España, 1990 (catalogue de l’exposition), 175, no 25.
76 Los bronces romanos en España, 1990 (catalogue de l’exposition), 178, n o 30. Les dimensions en sont : 21 × 14 × 0,3 cm. La languette de fixation y est également percée d’un trou et ornée au trait. Voir aussi 78. Le document présente des difficultés d’interprétation autour du mot ludus, et on observe que la gravure comporte des lignes de guidage. F. Costabile et O. Licandro, 2000, p. 25-34, souligne la singularité du support pour un texte juridique et étudie longuement, grâce à des exemples parallèles tirés de divers types de sources iconographiques et textuelles, la forme de la tabula qu’il rapproche des tablettes de cire servant à écrire le texte destiné à être publié ainsi que des tessères frumentaires dont la morphologie implique l’existence d’un cadre dès la fin de la République (mais le champ épigraphique est alors surbaissé). Ces auteurs montrent en outre que l’orifice supérieur était destiné non à porter mais à suspendre la plaque. Le support de l’édit rentre dans des séries bien connues tant dans la péninsule que hors d’elle, mais la date précoce et les modèles existants alors dans le Nord-Ouest ne semblent pas aller dans ce sens.
77 La restauration de la plaque donnera sans doute une meilleure image du texte, mais on ne peut ignorer qu’il s’agit aussi, ce faisant, de remise en état et donc de modification inévitable.
78 Le dictionnaire F. Gaffiot renvoie au BG, VI, 14, 1 pour permanere in officio, mais le texte de César comporte seulement manere in officio. On peut ajouter que BG, I, 40, 2, utilise l’expression ab officio desciscere.
79 Par exemple, BG, V, 52, 4 (ex captiuis).
80 Par exemple, Off., III, 7 (sine controuersia). Aussi la lettre de Vespasien aux Vanacini de Corse, FIRA, I 2, 72 (de controuersia finium).
81 CIL, VI, 1276 = ILS, 875. Ligne 12, l’attraction eam prouinciam optinentem (pour optinente) est une erreur fréquente, bien connue des apprentis latinistes. Voir sur la grammaire et ce vocabulaire F. Costabile et O. Licandro, 2000, p. 21-22, qui propose cependant une interprétation fautive du passage.
82 Omnium rerum immunitas : BG, VI, 14, 1 ; functus est omni ciuium munere :Cicéron, Brut., 63. On ajoutera le décret d’Octave en faveur des vétérans (W. Chr., 462 = FIRA, I2, 56 = CPL, 103, l. 10 : im[mu] nitatem omnium rerum d[a]re, et W. Chr. 463 = ILS, 9059 (édit de Domitien l. 16-18 : om[ni] <munere ?> liberati apsolutique sint et omnem i[mmu] nitatem <habeant, etc.>).
83 On pourrait aisément allonger la liste. Pour le décret de Paul-Émile, supra note 34. Contrebia : AE, 1979, 377.
84 Sur ce point comme sur plusieurs autres, G. Alföldy, 2000a, p. 193, parle de sensation ou de surprise au départ (mais voir aussi supra note 9) et cherche des explications aux anomalies sans que rien ne permette toutefois de certifier qu’il s’agit de la bonne solution. J’ai déjà noté plus haut que c’est à propos du règne d’Auguste que le sénateur sévérien formule sa remarque sur le titre de proconsul, laquelle ne contredit pas, comme le rappelle F. Costabile et O. Licandro, 2000, p. 67-103 (qui souligne, comme moi-même, la parfaite concordance entre le texte et l’édit, mais suggère que la province concernée est la Transduriana), les données antérieures, car le mot imperium est absent. La forme retenue est, on l’a vu, pro consule en deux mots, alors que Dion Cassius utilise ajrchv qui indique plutôt une magistrature que l’imperium. Nos collègues italiens disent prudemment (p. 90) que l’édit n’ajoute rien de nouveau. Quoi qu’il en soit, Auguste se trouve en Narbonnaise, transférée au Sénat depuis 22 av. J.-C., ce qui rend encore un peu plus confus le choix de la titulature tandis qu’on constate que le titre de proconsul n’apparaît pas dans les édits de Cyrène (voir aussi supra note 52).
85 Strabon, III, 4, 20 (voir aussi supra note 11).
86 Voir A. Tranoy, 1981, p. 147-148. F. Costabile et O. Licandro, 2000, p. 50-61 et cartes, formule des hypothèses qui ne sont pas recevables au regard du dispositif militaire dont parle Strabon. Le géographe précise que le premier secteur comporte deux légions, et leur localisation exclut la Cantabrie concernée par la troisième légion, la IIIIa Macedonica.
87 Mais les contours de la province Transduriana sont inconnus ; G. Alföldy, 2000b, p. 61-62, et 2000a, p. 205, considère arbitrairement et contre la lettre du texte que la province Transduriana était une province dans la province, situation qu’illustrerait aussi le passage de Strabon sur les légats au nord du Douro. F. Costabile et O. Licandro, 2000, p. 50-56, se trompe faute de tenir compte en même temps de la répartition des légions sur le terrain.
88 G. Alföldy, 2000a, p. 197-198, ne cite pas César à propos d’immunitas omnium rerum, mais fait référence à la disposition d’Octave concernant des vétérans entre 37 et 30 av. J.-C. (voir supra note 82) et recensée dans un recueil classique de documents (V. Ehrenberg et A. H. M. Jones). Concernant la syntaxe et le sens de eorum loco restituo, G. Alföldy, 2000a, p. 199-200, hésite sur la construction (voir supra note 7) et sur le sens à donner et se réfère à l’interprétation de R. López Melero (inédite) qui comprend que les Aiiobrigiaecini avaient dans le passé (ante ea) dépendu des Paemeiobrigenses, ce qui ne va pas sans difficultés, mais semble logique, surtout si uolente ipsa ciuitate se rapporte aux Aiiobrigiaecini. Pour des exemples de contributio voir Pline l’Ancien, Histoire Naturelle, III, 4, 18 ; CIL, V, 5050 = ILS, 206. [Voir cependant A. Rodger, 2000, supra note 7].
89 Voir Pline l’Ancien, Histoire Naturelle, III, 28, en particulier : le terme de ciuitas y est cependant l’équivalent de populus et non de castellum.
90 CIL, II, 2633 ; IRPLugo, 55.
91 Supra notes 15 et 16, avec les références.
92 Les castellani Lougei apparaissent aussi dans le pacte d’hospitium controversé, daté de l’an 1 apr. J.-C. et de provenance ignorée (AE, 1984, 553), et y ont le statut d’une ciuitas appartenant au conuentus Asturum, ce qui serait aussi le cas de la gens des Susarri d’après l’édit qui vient renforcer l’équivalence castellum/ciuitas suggérée par la table des Lougei.
93 M. D. Dopico Caínzos, 1988, p. 20.
94 Pour un bilan récent des recherches et des controverses depuis une trentaine d’années et le rôle mieux apprécié du castellum : I. Sastre Prats, 1998, p. 63-83 en particulier.
95 Dans un esprit voisin, mais à une autre échelle il est vrai, Pline l’Ancien, Histoire Naturelle, III, 138, à propos du trophée des Alpes, résume l’attitude ordinaire de Rome en période de pacification : Non sunt adiectae Cotianae ciuitates XV quae non fuerant hostiles, item adtributae municipis lege Pompeia.
96 Deux dates, deux décisions est indémontrable et reste formel, tout autant que d’attribuer le premier paragraphe à Auguste agissant au nom de sa tribunicia potestas et le second à une décision relevant de son proconsulat, ce qui ne saurait être défendu, mais demeure théoriquement possible.
97 Toutefois, on est étonné de constater que les références les plus pertinentes en matière de comparaison ou d’écho proviennent de la documentation du monde grec et mettent au premier plan Strabon et Dion Cassius, sans posséder la précision ni la force d’évocation de ces mêmes documents.
98 Comme le note F. Costabile et O. Licandro, 2000, p. 44, le lieu de découverte n’est pas très éloigné de Pombriego qui serait à rapprocher de Paemeiobrigenses. Mais on peut aussi songer à l’étymologie de Bembibre (donné traditionnellement comme dérivé de Beneuiuere : T. Mañanes, 1981, p. 216) comme le note d’ailleurs G. Alföldy, 2000a, note 29, p. 186 (la racine Paes-, forme dérivée de Baes-, est répertoriée). Le toponyme celtique Nemetobriga des Gigurri fournit un modèle possible (surtout si on doit lire Paemetobrigenses) tout comme la divinité Tameobrigus nom lié au fleuve Tamega (A. Tranoy, 1981, p. 277). L’élément Paemei-rentre dans la catégorie des formes diphtonguées, attestées dans les noms celtiques : par exemple Meidugenus (pour Medugenus) ; la racine * mei-fréquente dans les hydronymes est bien connue des linguistes : M. L. Albertos Firmat, 1966, p. 158.
99 Voir IRPLugo, 55, mais, comme nous l’avons vu, les Brigaecini sont mentionnés chez Florus pour avoir contribué à sauver Rome. La forme Aiiobrigiaecini au lieu de Aiobrigiaecini n’est pas fautive : voir Aiiogenus (CIL, II, 2774) ou Aiio (CIL, II, 2782), formés sur Aio (CIL, II, 2822, mais aussi la table d’El Caurel). Rien n’interdit de penser au hasard ou à une correction originale et inédite destinée à détourner l’attention. La discussion pour savoir s’il convient de lire Allo plutôt qu’Aio n’est ni fondamentale ni décisive (voir supra note 15) et n’ajoute rien en faveur de l’authenticité ou non. Cela étant, le texte privilégie les noms diphtongués et je pense que la lecture de G. Alföldy doit être suivie au vu de la paléographie (en dépit de gravures ambiguës selon les endroits).
100 On observera que la traduction espagnole serait « en su lugar » locution courante et entrant dans des expressions variées.
101 Ce contexte historique semble inspiré par une fiction plus que par les événements eux-mêmes. L’insistance ceteris […] omnibus […] uniuersos, associée à permansisse et au choix de la proposition infinitive suggérant une volonté indirectement exprimée, relève d’un exercice d’école.
102 À partir du moment ou le document sollicite l’imagination et appelle des enquêtes visant à lever obscurités et ambiguïtés, il est logique qu’il rencontre un écho et que son explication engendre des commentaires nourris et variés qui appartiennent autant aux exégètes et à leur science qu’au document lui-même. [En ce sens, la proposition de A. Rodger, 2000, est éclairante : il met en évidence que les méandres de la grammaire latine recèlent de multiples possibilités pour qui exerce sa sagacité et autorisent une explication scientifiquement fondée. L’emploi de l’attractio inuersa pourrait alors révéler un tour volontairement recherché trahissant un rédacteur féru de philologie et d’élégance, ce qui n’était pas forcément le cas d’Auguste. Voir aussi supra notes 7, 71 et 84.]
103 Voir P. Le Roux, 1984, p. 175-180.
104 Que la science et la dextérité des commentateurs mettent en évidence (voir G. Alföldy, E. Costabile et les interventions de León). Le fait que l’édit renvoie à des données éclairées par de nombreux documents existants et incontestables ne constitue pas une preuve d’authenticité, mais indique au mieux que les mesures rapportées sont plausibles dans les circonstances évoquées, à condition d’être interprétables à coup sûr, ce qui n’est pas ici le cas.
105 Voir AE, 1997, 766. Il n’est pas exclu qu’un ou deux des documents de la série existent et soient authentiques, ce qui ne confère pas d’emblée ce même brevet à tous les textes transmis dans le lot.
Notes de fin
* Paru dans MEP, 6, 2001, p. 331-363.
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