L’honneur politique du sujet
p. 23-33
Texte intégral
1Les recherches sur le thème de l’honneur dans les sociétés d’Ancien Régime se sont jusqu’à présent beaucoup intéressées à ses aspects psychosociologiques ; sa dimension politique n’a été le plus souvent explorée qu’en relation avec les mécanismes de régulation sociale qu’il présuppose. Cette dimension s’est d’ailleurs révélée essentiellement ambiguë. D’un côté, l’honneur apparaît comme un facteur de stabilité de la société et donc d’ordre public, dans la mesure où il incite chaque individu à se comporter conformément à l’image communément admise de son identité sociale, conformité qui lui procure estime, réputation et dignité. La conduite honorable consiste, dans la plupart des cas, à incarner du mieux possible ce à quoi chacun se trouve appelé du fait de sa naissance dans tel sexe, telle lignée, tel ordre, tel pays. La conformation aux codes en vigueur rend les comportements identifiables, prévisibles et cataloguables ; elle satisfait le besoin général d’ordre et de sens ; elle contribue à rendre lisible et durable la signification de la hiérarchie. C’est pourquoi l’exigence de conformité s’accroît avec le degré de notabilité ; plus on monte dans l’échelle sociale, plus on acquiert de la visibilité, plus on se doit de prouver par sa conduite le bien-fondé de l’image idéale du groupe auquel on appartient. Mais l’honneur n’est pas seulement une vertu de corps ou d’ordre ; il est aussi une quête de distinction individuelle ; en ce sens, il implique l’exaltation de la valeur personnelle, la capacité à s’affirmer sur la scène publique, la volonté de manifester avec éclat sa vertu. Ce deuxième aspect contient des potentialités subversives qui peuvent mettre en péril la propriété régulatrice de l’honneur. De la tension entre expression de soi et recherche de l’approbation collective naissent en effet des fêlures dans le consensus sur les modèles honorables à la faveur desquelles peuvent surgir des cultures de l’honneur dissidentes, comme en témoigne la longévité de la pratique du duel après son interdiction officielle1.
2Cette ambiguïté se vérifie également dans un usage plus strictement politique du mot honneur, auquel les historiens ont prêté moins d’attention ; il s’agit de son emploi pour caractériser la relation des gouvernés et des gouvernants dans une monarchie. L’existence de normes collectivement reconnues et perçues comme un devoir moral ne se constate pas seulement dans le domaine de la conduite sociale des individus ; elle est également repérable dans l’image que l’on se faisait de la condition de sujet. Il n’est donc pas surprenant que la qualité du comportement face à l’autorité soit souvent définie en recourant au registre notionnel de l’honneur ; pas plus qu’il n’est étonnant de retrouver en la matière la tension interne entre l’exigence de conformité et la valorisation de l’autonomie. C’est notamment au sujet de l’obéissance que les termes honneur, honorable, honnête, et leurs contraires déshonneur, déshonorant, déshonnête, reviennent avec une fréquence sur laquelle on ne peut manquer de s’interroger.
3Au XVIe siècle s’affirme en effet l’idée qu’il peut y avoir une obéissance déshonorante et, à l’inverse, une obéissance honorable. Étienne de La Boétie est sans doute celui qui, dans son Discours de la servitude volontaire, a mêlé avec le plus de radicalité les thèmes de l’honneur et de l’obéissance. De son analyse des facteurs qui transforment la soumission en aliénation honteuse résulte la constatation que la seule obéissance honorable est celle qui n’anéantit pas la liberté. Ceux qu’il appelle les « gens d’honneur » doivent selon lui préférer la mort à la privation de cette liberté, car ils ne sauraient la supporter « honnêtement », c’est-à-dire sans se déshonorer2. La Boétie veut donc rendre à ses lecteurs « l’honneur qui [leur] appartient3 ». Et la conclusion de son traité est une exhortation à bien agir, « ou pour notre honneur, ou pour l’amour même de la vertu, ou certes, à parler à bon escient, pour l’amour et honneur de Dieu tout-puissant4 ». La dimension religieuse de l’honneur du sujet est ainsi soulignée, dans la mesure où la tyrannie, qui le détruit, est censée directement contraire à la volonté divine.
4Reste à savoir ce que La Boétie entend par une obéissance libre. Il s’en explique très clairement en affirmant que « vivre francs », c’est vivre selon des lois sur lesquelles tous se sont accordés ; ou encore « servir la loi et la raison », « obéir à la raison seulement5 ». S’il convient d’être sujet, c’est de la raison. Affirmation qu’il ne faut pas prendre anachroniquement comme un appel au « rationalisme » tel qu’on l’entend aujourd’hui : la raison humaine est un don de Dieu. C’est en ce sens que le mot « raison » occupe une place centrale dans le vocabulaire politique de La Boétie. L’accord consensuel sur les lois auquel il fait allusion présuppose leur examen raisonné ; de même, l’obéissance honorable ne se déclenche qu’après appréciation du caractère raisonnable d’un ordre, au terme d’une délibération intérieure. Ainsi, le sujet n’obéit qu’à lui-même ; il est à la fois gouverné et gouvernant. La Boétie ne précise pas les critères qui font qu’un ordre peut être considéré comme raisonnable ; l’essentiel est pour lui d’appeler l’attention de son lecteur sur la nécessité d’exercer sa raison face au pouvoir et de ne pas céder aux séductions qui enchaînent sa volonté. La différence entre la servitude et l’obéissance libre est que l’une se soumet à un homme sans discussion et que l’autre n’obtempère qu’à une loi qu’elle s’est elle-même donnée : d’un côté, soumission totale à un semblable, allant jusqu’à l’acceptation passive, voire savourée, de la tyrannie ; de l’autre, consentement raisonné, exercice d’une prérogative qui fait la dignité de l’homme et qui, par conséquent, rend l’existence du tyran impossible.
5Le résultat final est bien, dans les deux cas, l’obéissance ; mais dans le premier, elle est le fait d’un esclave, guère différent d’une bête6 ; dans le second, elle provient d’un homme libre, dont l’honneur est intact. Il est vrai que la pensée de La Boétie a un incontestable aspect élitiste : il en appelle surtout à ceux qui sont « mieux nés que les autres7 ». Son ouvrage est une arme de combat contre la cécité collective, aveugle au caractère déshonorant de la servitude volontaire ; il a bien conscience que le consensus sur l’obéissance honorable qu’il voudrait rétablir est tragiquement minoritaire. Mais il affirme aussi qu’il a des traces de raison en chacun ; chacun est donc capable de retrouver la vue et de réagir contre l’avilissement8.
6Il est possible que La Boétie ait été influencé par la tradition républicaine italienne que des historiens ont appelée « humanisme civique9 ». Il connaissait vraisemblablement l’italien – en témoigne son utilisation de néologismes empruntés à cette langue ; on a pu rapprocher sa description de la servitude volontaire de celle qu’a donnée Savonarole dans son Traité du gouvernement de l’État10. Mais le Discours de la servitude volontaire illustre aussi une tradition juridique française, inspirée des philosophes et des juristes de l’Antiquité, tradition qui fait de la justice et de la raison les critères de la légitimité d’un ordre, et par conséquent de l’obéissance honorable du sujet. On en trouve sans doute la trace dans la phrase où sont évoquées les lois sur lesquelles tous se sont accordés. La Boétie, lié au milieu parlementaire et conseiller lui-même au parlement de Bordeaux à partir de 1553, savait que pour les parlements la vérification d’une loi royale signifiait non seulement l’examen de sa conformité aux traditions juridiques du royaume mais aussi le contrôle de son caractère « juste et raisonnable ». C’est ce que le président au parlement de Paris Charles Guillart avait dit à François Ier dans un discours mémorable, le 24 juillet 1527 : « vous ne devez pas vouloir tout ce que vous pouvez, ainsi seulement ce qui est en raison bon et équitable, qui n’est autre chose que justice11 ». Guillart expliquait ainsi la réticence du parlement à enregistrer un édit qui « en raison » n’avait pas été trouvé « bon et équitable ». Les parlementaires estimaient accomplir ce devoir d’examen, ce devoir d’exercice de leur raison, au nom de tous les sujets, qui pouvaient alors obéir honorablement à un ordre vérifié par eux. Ils exprimaient cette idée en affirmant que leur vérification était le lien qui nouait l’obéissance des sujets avec les commandements du prince12 ; la délibération de la cour suppléait en quelque sorte à la délibération intérieure de l’individu ordinaire, qui n’avait pas les moyens concrets d’exercer sa raison à l’égard des ordres royaux.
7Mêler l’honneur à l’obéissance amenait inévitablement à suggérer que refuser d’obéir pouvait être honorable. C’était bien la conviction qui animait Charles Guillart, puisqu’il s’agissait pour lui de manifester le rejet de l’autoritarisme de François Ier ; c’était aussi celle qui motivait les refus d’enregistrement des ordonnances royales par les cours souveraines. Étienne Pasquier, avocat général à la chambre des Comptes, s’est souvent plu à le rappeler ; dans Le Pourparler du Prince, publié en 1560, il évoque avec admiration la figure de La Vacquerie, premier président au parlement de Paris, qui osa résister à un ordre injuste de Louis XI. Pasquier reprend cette anecdote dans Les Recherches de la France et la rapproche de l’opposition de sa compagnie, en juin 1586, à un édit royal qu’elle estimait abusif, opposition qui valut à tous ses membres des lettres d’interdiction. Et Pasquier de commenter : « aussi sortismes nous de la Chambre estimans que c’estoit chose qui se tournoit grandement à nostre honneur d’estre chastiez pour un acte si genereux13 ». Ce refus d’enregistrement, précise-t-il, fut « publié et haut loué par toute la ville de Paris » ; aspect important à ses yeux, car la réputation honorable se fabrique sur la place publique. Mais dans ce cas, il faut le souligner, c’est la punition royale qui a « honoré » les magistrats, et non la récompense : éclatante manifestation d’une dramatique inversion des règles. L’inversion n’a cependant été que momentanée, puisque la désobéissance honorable a eu sur le roi, à en croire Pasquier, l’effet pédagogique escompté : Henri III, un moment furieux, aurait bientôt rendu son estime aux meneurs de cette résistance légitime.
8Dans cet exemple, l’honneur du sujet rejoint celui du roi : en refusant d’obéir, les conseillers de la chambre des Comptes ont rappelé le monarque à son devoir, qui consiste selon eux à se soumettre volontairement aux lois du royaume. Les écrits politiques au XVIe siècle invoquent souvent la loi romaine dite « digna vox », qui prescrivait aux empereurs cette libre soumission. Guillaume Budé, par exemple, rappelait cette loi en ces termes : « l’empereur dit en ses loix que combien qu’il ne soit pas subject aux droits civilz, néautmoins c’est honneur à luy et parolle digne de roy de se y vouloir assubjectir14 ». Il exprimait là une conviction jadis formulée au début du XIVe siècle par l’un des maîtres de l’école des Commentateurs, Cynus de Pistoia, et reprise ensuite par son élève Bartole puis par Balde, selon laquelle le roi était lié par « l’honestas », devoir moral de se conformer à l’équité15. Théoriquement, il n’y avait donc pas d’opposition entre l’honneur des sujets et celui du roi, dans la mesure où tous obéissaient à un principe supérieur qui les dépassait, celui de la justice et de la conformité à la raison.
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9La date de l’épisode raconté par Pasquier montre à quel point les enjeux de l’obéissance honorable sont devenus brûlants au cours des guerres civiles. C’est cette étape capitale qu’il faut maintenant évoquer. La division confessionnelle n’a pas seulement compliqué la donne en posant la question de la soumission du sujet à un ordre contraire à sa foi et en mêlant plus étroitement le péché au déshonneur ; elle a poussé, dès le début des années 1560, les « mal sentants de la foi » à attribuer la responsabilité des troubles civils à la volonté des mauvais conseillers du roi d’anéantir les traditions anciennes du royaume. Dans ces conditions, l’honneur politique n’était plus simplement une question d’obéissance ou de désobéissance ; il pouvait et devait revêtir un aspect plus actif, puisque la seule résistance passive ne suffisait plus à défendre ces traditions bafouées. On saisit cette évolution dès la conjuration d’Amboise, en mars 1560, dans les opuscules par lesquels les conjurés justifièrent leur action ; l’auteur de l’un de ces textes, l’Apologie chrétienne, affirme ainsi qu’il est des situations, en l’occurrence la manipulation du jeune roi François II par les Guises, qu’un sujet ne peut supporter sans se déshonorer : s’il n’essaie pas d’y remédier, il se rend « infidele à son Roy » et « injurieux à sa patrie16 ». La prise d’armes est alors honorable.
10Ce qui est remarquable en l’occurrence, c’est le retentissement que cette idée a eu au sein d’une catégorie particulière de sujets, la noblesse, réputée être liée au souverain par des liens spécifiques de fidélité et d’allégeance. Ce fut d’abord la noblesse protestante ; puis, lors de l’émergence du mouvement des malcontents, la noblesse catholique se joignit à elle. De fait, l’exhortation à protéger le « bien public » menacé par des conseillers pervers a pris le plus souvent l’allure d’un appel à l’honneur nobiliaire. C’est surtout aux gentilshommes que s’adresse par exemple le recueil Requestes, protestations, remonstrances et advertissemens publié en 1567 pour légitimer la prise d’armes du prince de Condé17. C’est aussi vers eux que se tourne François d’Alençon après sa fuite hors de la Cour en 1575 ; dans le commentaire qu’Innocent Gentillet a donné de sa Déclaration, il est affirmé que si les nobles français manquent à « la cause publique », ils risquent « un grand deshonneur et reputation de lascheté et de degenerosité envers les hommes18 ». L’auteur du Discours merveilleux de la vie […] de Catherine de Médicis est encore plus net dans son invite finale aux nobles : « à cela mesme vostre devoir et honneur vous appelle, Seigneurs et gentils-hommes François. Ce n’est pas pour neant que vous portez les armes : c’est pour le salut de vos Princes, de vostre patrie, et de vous mesmes19. »
11Cette conjonction entre l’honneur nobiliaire et l’honneur politique – qui prend ici véritablement le sens d’honneur civique – mérite d’être analysée de près. Dans les textes qui sollicitent ainsi la noblesse, le stéréotype social traditionnel qui en fait un ordre voué à la défense armée du royaume s’enrichit d’une variante remarquable : les nobles y sont dépeints comme les protecteurs des lois anciennes du pays. La « protestation » diffusée par Condé en 1567 fait apparaître cet aspect en pleine clarté ; un commentaire joint à cette protestation apostrophe ainsi le lecteur : « toute la Noblesse n’a-elle point […] obligation et serment special et solennel de conserver le bien public, l’estat du Royaume, et la Couronne, destournant tout ce qui y peut nuire, et procurant tout ce qui peut la dresser et avancer20 ? » Le devoir que l’honneur impose aux gentilshommes revêt ici un aspect quasi constitutionnel. Ce rôle de gardiens de la mémoire collective avait de quoi séduire des nobles habitués à se considérer comme les dépôts de la mémoire de leur lignée ; ils pouvaient ainsi trouver une parenté entre leurs efforts pour conserver les papiers familiaux dans leurs chartriers, aidés parfois par des généalogistes appointés, et le besoin de remonter aux sources des traditions politiques du royaume, avec l’appui de l’érudition des historiens. Les plus grandes maisons concevaient leur histoire comme étroitement mêlée aux origines de la monarchie ; le souci de l’honneur familial rejoignait chez elles tout naturellement celui de l’honneur du royaume. Souci qui se doublait du sentiment qu’il fallait, pour mieux résister aux entreprises de dénaturation des conseillers étrangers, donner une éducation civique aux sujets. C’est le sens d’un passage remarquable de la Déclaration d’Henri de Montmorency-Damville, le 13 novembre 1574, déplorant que les comparses italiens de Catherine de Médicis aient fait exiler « les hommes doctes qu’étoient aux universitez », ce qui réduisait les Français à l’état de bêtes brutes, dépourvues de toute instruction21. On trouve ici l’idée que l’exercice de la raison doit être éclairé par la connaissance du passé ; l’engagement des nobles dans le mouvement des malcontents se nourrissait en effet d’un imaginaire politique qui puisait ses arguments dans les reconstitutions historiques proposées par les écrivains monarchomaques tels que François Hotman, Théodore de Bèze ou Philippe Duplessis-Mornay.
12Plus profondément, l’engagement de beaucoup de gentilshommes dans une résistance armée conçue comme légitime a sans doute été pour eux un moyen inespéré de sortir des contradictions que leur imposait ce qu’on a appelé leur « double appartenance aux sphères de l’obéissance et de l’honneur22 ». Cette double appartenance pouvait générer un angoissant conflit de devoirs. La fidélité au roi était en effet pour eux à la fois un fort impératif éthique et une voie de conquête des honneurs. Selon le premier aspect, ils se devaient de servir le monarque avec une constance indéfectible et désintéressée ; selon le second, ils attendaient que leur conduite honorable soit rémunérée par des bienfaits royaux. Lorsque leur attente d’une récompense était déçue ils se déclaraient « malcontents » ; se posait alors la question de la rupture des liens d’allégeance, susceptible d’être entachée du soupçon de trahison et donc source possible de déshonneur. Or les écrits justificatifs émanant des monarchomaques et des malcontents leur offraient l’occasion d’échapper à ce dilemme : ils leur permettaient de faire sortir leur « malcontentement » de la sphère privée et de lui conférer une portée politique générale. Leurs ruptures de fidélité n’apparaissaient plus seulement comme une manifestation de rancœur personnelle de la part d’hommes déçus dans leurs espérances ; elles revêtaient l’aspect d’une réaction généreuse contre la dérive absolutiste de la monarchie, puisque l’un des caractères de cette dérive était censé être la mauvaise répartition des honneurs. Ils pouvaient ainsi faire valoir que leur désobéissance, voire leur révolte, était honorable, car elle était la manifestation d’une fidélité supérieure que l’honneur même leur commandait. Le blâme qu’ils pouvaient encourir serait celui des « mauvais Français » ; les « bons Français », caractérisés par leur attachement aux traditions politiques anciennes du royaume, ne leur marchanderaient pas leur estime23. La rhétorique des prises d’armes menées non pas contre le roi mais en son nom a sans doute été pour les gentilshommes une manière stimulante de concilier la liberté et l’obéissance ; les exigences d’autonomie politique latentes dans le sentiment de l’honneur au XVIe siècle trouvaient ainsi une réalisation gratifiante24.
13Agrippa d’Aubigné, dont la pensée a été influencée par les penseurs monarchomaques, a magnifiquement exprimé cette conviction dans Les Tragiques en évoquant l’exemple des Polonais après la mort du dernier roi Jagellon, venus en France chercher le monarque qu’ils avaient librement choisi et qui, ayant « le droit pour roy », étaient à eux-mêmes leur propre loi25. Ce portrait des « Sarmates rasés » traduit l’idéal de l’autonomie du sujet, au sens propre du terme ; autonomie qui, il est vrai, ne s’accompagne pas nécessairement de clairvoyance, puisque les Polonais, libres d’élire leur roi, ont fait selon le poète un choix désastreux en distinguant Henri d’Anjou. Mais c’est là un exemple des risques de la liberté ; les nobles polonais n’en restent pas moins le modèle des sujets dont le cœur est « royal », c’est-à-dire souverains dans leur obéissance même26. Aubigné trouve le modèle opposé dans le spectacle offert par les courtisans, dont la soumission servile s’épuise à rechercher ce qu’il appelle un « faux honneur », donné par la faveur d’un roi indigne ; pour les stigmatiser, il reprend le thème de l’animalité des serfs volontaires dans sa célèbre description de la cour transformée en ménagerie, peuplée de singes et de chiens rampants27.
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14Cette conception de l’honneur du sujet était périlleuse pour l’autorité royale. Jean Bodin s’est élevé, dans Les Six Livres de la République, contre le mélange inconsidéré des deux registres de l’obéissance et de l’honneur. Ce qui fonde les lois du prince, affirme-t-il, c’est le fait qu’elles expriment sa volonté et non leur caractère juste ou injuste28. Il faut donc leur obéir sans examiner leur contenu : « il n’est pas licite au subject, écrit-il, de contrevenir aux loix de son Prince sous voile d’honneur, ou de justice29 ». Montaigne s’exprime dans le même sens : il faut selon lui déférer aux lois du prince « non parce qu’elles sont justes mais parce qu’elles sont loix […] Quiconque leur obeyt parce qu’elles sont justes, ne leur obeyt pas justement par où il doibt30 ». L’obéissance doit se faire « par subjection » et non « par discrétion », c’est-à-dire sans la faire dépendre de l’examen de l’ordre donné31.
15Pourtant, la position de Bodin comme celle de Montaigne n’est pas exempte d’hésitations. Bodin cite par exemple avec éloge l’histoire chère à Pasquier du président La Vacquerie, qui offrit à Louis XI la démission collective de sa compagnie ; il estime que si le roi ordonne une chose contre l’équité naturelle, il est de la dignité du magistrat de se démettre de son état : « et souvent, écrit-il, cette constance et fermeté des Magistrats a sauvé l’honneur des Princes, et retenu la Republique en sa grandeur32 ». On retrouve ici la coïncidence entre l’honneur du souverain et celui du sujet. Montaigne, pour sa part, tout en prescrivant d’obéir absolument, admet qu’en privé la liberté de jugement doit rester entière : « Toute inclination et soubmission leur est deuë [aux rois], sauf celle de l’entendement. Ma raison n’est pas duite à se courber et flechir, ce sont mes genoux33. » Il va jusqu’à reconnaître que dans certains cas l’obéissance serait déshonorante ; un « homme d’honneur », écrit-il, devra fera siennes les paroles des Lacédémoniens vaincus par Antipater : « Vous nous pouvez commander des charges poisantes et dommageables autant qu’il vous plaira ; mais de honteuses et deshonnestes, vous perdrez vostre temps de nous en commander34. »
16Ces ambiguïtés témoignent des difficultés suscitées par l’idéal nouveau de l’obéissance. Mais, à la fin des guerres de Religion, les magistrats appartenant au mouvement des Politiques expriment plus systématiquement l’exigence d’une soumission totale. Leur principal théoricien, Pierre du Belloy, n’admet aucune dérogation au devoir d’obéissance du sujet ; celui-ci doit recevoir les ordres du Prince « comme la vérité que le ciel lui envoie » et les exécuter « sans s’informer35 ». C’est bien là l’« obéissance absolue » que dénonçait Agrippa d’Aubigné36 ; ou encore l’« obéissance aveugle » exaltée par les hommes d’église37. Est-ce à dire qu’elle est totalement irraisonnée ? Pas tout à fait ; elle repose sur un choix, celui de faire confiance à la sagesse du prince, conçue comme éclairée directement par Dieu. C’est cet abandon confiant, cet acte de foi, qui fait la conduite honorable. On mesure la portée du changement subi par la notion d’obéissance ; il n’implique nullement le renoncement à s’interroger sur les raisons de sa sujétion ; mais, alors qu’auparavant cette interrogation pouvait et devait s’exercer à propos de chaque ordre reçu, au nom de la participation de chacun à la raison naturelle et divine, elle se traduit désormais par un consentement global donné une fois pour toutes, fondé sur l’humble reconnaissance de sa propre impuissance et de la sacralité suréminente du roi. L’honneur du sujet perd alors son aspect proprement politique pour n’être plus que moral et religieux ; l’honneur politique, lui, est désormais réservé au seul souverain. Ce qui ne signifie pas, bien sûr, que soit reconnu au monarque absolu le droit d’exiger des choses déshonorantes de ses sujets ; mais, s’il le faisait malgré tout, lui seul serait responsable devant Dieu de l’acte répréhensible que ses subordonnés auraient commis en lui obéissant.
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17Pourtant l’ancienne conception de la désobéissance honorable n’a pas disparu. On trouve des traces de sa vitalité persistante chez trois catégories de sujets ou de corps. La première est celle des gentilshommes ou du moins d’une partie d’entre eux. Mais, dans cet ordre, la survivance de l’idéal de l’honneur politique s’accompagne de la résurgence d’un malaise. Dans le contexte du large consensus dont bénéficie désormais la monarchie absolue, cet idéal est privé de l’appui idéologique que lui offraient les théories de la résistance légitime. Ces théories, on l’a vu, avaient momentanément voilé les contradictions inhérentes à la dualité d’appartenance des nobles aux sphères de l’obéissance et de l’honneur. Leur effacement fait réapparaître en pleine clarté le conflit entre le devoir de soumission et l’aspiration à la liberté personnelle, désormais difficilement conciliables ou du moins dont la conciliation ne peut plus être qu’individuelle et privée, faute d’une justification intellectuelle telle que celle dont elle bénéficiait au temps des révoltes nobiliaires. L’œuvre de Courtilz de Sandras offre un exemple frappant de cette individualisation des critères honorables : dans son traité La Conduite de Mars, le chapitre 7 est intitulé : « De l’obéissance aveugle que l’on doit à ses Supérieurs ». Mais Courtilz de Sandras ne peut s’empêcher d’y loger quelques exemples de désobéissance honorable : il estime en effet parfois nécessaire d’examiner les commandements s’ils supposent la trahison ou la lâcheté ou même de s’opposer à la capitulation d’une place décidée par le gouverneur si elle est honteuse38. Le contraste entre le titre du chapitre et cet aspect de son contenu est révélateur de la plasticité nouvelle du concept d’honneur et des inflexions qu’une conscience individuelle peut lui faire subir en fonction des conditions concrètes rencontrées.
18L’Esprit des lois de Montesquieu offre aussi une réflexion sur les dilemmes qui peuvent se présenter à un gentilhomme : « Il n’y a rien dans la monarchie, écrit-il, que les lois, la religion et l’honneur prescrivent tant que l’obéissance aux volontés du prince : mais cet honneur nous dicte que le prince ne doit jamais nous prescrire une action qui nous déshonore, parce qu’elle nous rendrait incapables de le servir. » Si un ordre est inique, il est honorable de ne pas obéir : ainsi le vicomte d’Orthe refusa à Charles IX de massacrer les huguenots de Bayonne après la Saint-Barthélemy et Louis de Crillon à Henri III d’assassiner le duc de Guise39. Toutefois, il est significatif que ce ne soit pas dans cet honneur vertueux et en quelque sorte résiduel que Montesquieu place le vrai principe des monarchies ; celles-ci sont selon lui fondées sur une autre sorte d’honneur, à savoir l’ambition d’être distingué par des « préférences et des distinctions » dont le roi garantit la validité40. Cet honneur nourri par la soif des prééminences est en effet dépourvu de la dimension subversive que l’auteur de L’Esprit des lois percevait si fortement dans la vertu nobiliaire et qu’il mentionnait pourtant avec une complaisance que certains lecteurs n’ont pas manqué de juger suspecte ; Dupin, par exemple, dans ses Observations sur un livre intitulé De l’esprit des lois, dénonce la description trop favorable à ses yeux de l’honneur de type traditionnel, « cet honneur singulier » qui n’est « qu’un principe dangereux de mutinerie et de sédition, qu’il faudrait s’efforcer de détruire par les peines et les châtiments, si les remontrances étaient inutiles ; sans quoi l’État périrait41 ».
19Une autre catégorie de sujets au sein de laquelle survit l’idéal ancien de l’honneur politique du sujet est à chercher dans des assemblées tels que les parlements ou les États provinciaux. Cette survie y est sans doute plus efficace que chez les membres isolés d’un ordre parce que ces organismes font corps et que ce sont des lieux de délibération reconnus par la monarchie, où l’obéissance est apportée – ou déniée – après examen ; et aussi parce que ce sont des lieux de délégation de l’honneur du sujet, chacun de ces corps prétendant parler en son nom. Ces circonstances leur ont permis de vivre le conflit possible entre honneur et obéissance avec une sorte de conscience fière qu’ils n’ont pas craint d’afficher. Dans le cas des parlements et notamment de celui de Paris, il est frappant de constater à quel point c’est la rhétorique de l’honneur qui a servi à légitimer l’opposition au supposé « despotisme ministériel » ; on voit alors resurgir le thème de la punition comme marque d’honneur, qu’avait si brillamment illustré Étienne Pasquier au XVIe siècle. Ainsi, et pour ne prendre qu’un exemple parmi les plus retentissants du XVIIIe siècle, après la réforme Maupeou, les parlementaires parisiens firent valoir que leur disgrâce était honorable, puisqu’ils souffraient pour la justice. C’était la voix de la conscience, expliquaient-ils, qui les avait poussés à dire non au souverain ; l’un des exilés, le président Lamoignon de Basville, écrivit hardiment à l’un de ses collègues que le roi était bien le maître de ses biens et de sa liberté, mais non de son devoir ou de son honneur42. Leur désobéissance était en réalité l’obéissance à une cause supérieure. Ils se soumettaient pourtant à la peine qui les frappait, au nom du respect qu’ils portaient au souverain ; l’honneur qu’ils revendiquaient haut et fort devait servir à l’édification civique tant des sujets que du roi lui-même, appelé à y voir clair et à se débarrasser des mauvais conseillers. On retrouve ici la convergence idéale entre l’honneur du sujet et celui du monarque, convergence déniée en l’occurrence par ce dernier ; c’est parce qu’ils avaient eu le courage de « sauver l’honneur du prince » comme aurait dit Bodin, que les parlementaires se paraient de l’auréole de martyrs de la justice43.
20L’attitude de ceux des États provinciaux qui avaient conservé une grande vitalité peut être rapprochée de celle des parlements au XVIIIe siècle, malgré les rivalités et les dissensions qui les séparaient. Les États de Languedoc, par exemple, associèrent avec une remarquable constance les thèmes de l’honneur et de l’obéissance. Pour eux, l’obéissance libre était celle qui était consentie après délibération ; le consentement à l’impôt en formait l’exemple le plus significatif. En cas de violation par le roi de cette liberté, la résistance devenait honorable. Ce fut le cas en 1750, lorsque le roi leur imposa le premier vingtième sans leur avis ; les membres de l’assemblée refusèrent alors de voter le don gratuit. Deux mots reviennent avec une obsédante régularité dans les justifications qu’ils avancèrent : l’honneur et la conscience. Ils s’affirmaient à la fois consternés de devoir dire non aux demandes royales et obligés de le faire parce que, dans le cas contraire, ils se déshonoreraient et trahiraient le serment par lequel ils juraient, au début de chaque session, de maintenir leur privilège le plus essentiel, c’est-à-dire la liberté de leur consentement. Aussi eurent-ils le sentiment, lorsque des lettres de cachet les obligèrent à se séparer, d’être les victimes d’une juste cause44. La crise de 1750 est l’exemple poussé à l’extrême d’une attitude remarquablement constante au sein des États : ils se sentaient les dépositaires des intérêts des Languedociens ; leur honneur consistait précisément à exercer en leur nom le droit de donner un acquiescement raisonné aux ordres du roi, raisonné parce qu’ayant fait l’objet d’une délibération45. On peut évidemment ironiser sur la distance entre la hauteur de cet idéal et la manière dont il s’appliquait concrètement dans la province ; il n’en reste pas moins qu’il illustre la permanence de l’exigence de conciliation entre l’honneur et l’obéissance.
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21Les trois exemples de survivance des conceptions anciennes de l’honneur des sujets – chez les gentilshommes, chez les parlementaires ou au sein des États de Languedoc – peuvent être considérés comme les effets d’une revendication d’identité face à la monarchie absolue. Mais ils se caractérisaient par des formes d’expression que l’évolution des idées allait rapidement faire apparaître comme archaïques. An cours du XVIIIe siècle le mot « citoyen » tendait de plus en plus à remplacer celui de « sujet » ; on invoquait désormais les « droits » des gouvernés beaucoup plus que leur « honneur » ; par ailleurs, la notion de représentation subissait de profonds changements. Mais le renouvellement de la pensée politique ne fit en définitive qu’apporter des réponses nouvelles au vieux problème qui préoccupait La Boétie : comment obéir sans subir une aliénation déshonorante ? C’est bien le but, par exemple, que se proposait Rousseau dans le Contrat Social : « Trouver une forme d’association […] par laquelle chacun en s’unissant à tous n’obéisse pourtant qu’à lui-même et reste aussi libre qu’auparavant46. » Là se trouve en effet la question essentielle : comment être à la fois sujet et roi, gouverné et gouvernant ? Objectif difficile à réaliser dans une monarchie. Les systèmes politiques inventés ensuite tenteront de s’en rapprocher avec plus ou moins de bonheur ; toutefois les théoriciens n’en feront plus alors une question d’honneur mais de légalité.
Notes de bas de page
1 Jouanna A., « Recherches sur la notion d’honneur au XVIe siècle », Revue d’histoire moderne et contemporaine, t. XV, octobre-décembre 1968, p. 597-623 ; Billacois F., Le Duel dans la société française des XVIe-XVIIe siècles. Essai de psychosociologie historique, Paris, EHESS, 1986 ; Drévillon H., « L’héroïsme à l’épreuve de l’absolutisme. L’exemple du maréchal de Gassion (1609-1647) », Politix. Revue des sciences sociales du politique, vol. 15, no 58, 2002, p. 15-38.
2 La Boétie E., Discours de la servitude volontaire, éd. André et Luc Tournon, Paris, Vrin, 2002, p. 29 et 43. Le thème de la servitude des Français a été illustré à la fin du XIVe siècle par Philippe de Mézières dans Le Songe du vieil Pèlerin et, au siècle suivant, par Juvénal Des Ursins (Krynen J., L’Empire du roi. Idées et croyances politiques en France, XIIIe-XVe siècle, Paris, Gallimard, 1993, p. 276-281) ; mais, dans leurs écrits, il s’agit d’une servitude contrainte et non pas volontaire.
3 La Boétie E., Discours de la servitude volontaire, éd. cit., p. 32.
4 Ibid., p. 53.
5 Ibid., p. 31 et 34.
6 L’analogie des esclaves volontaires avec des bêtes est souvent répétée dans le Discours (p. 29, 36, 49).
7 Ibid., p. 38.
8 Ibid., p. 31 : « il y a en notre âme quelque naturelle semence de raison », qu’il faut entretenir « par bon conseil et vertu ».
9 Baron H., The Crisis of the Early Italian Renaissance: Civic Humanism and Republican Liberty in an Age of Classicism and Tyranny, Princeton, University Press, 2e édition révisée, 1966; Greville Agard Pocock J., Le Moment machiavélien. La pensée politique florentine et la tradition républicaine atlantique, traduction française par Luc Borot, Paris, PUF, 1997 ; Hankins J., Renaissance Civic Humanism : Reappraisals and Reflections, Cambridge, Cambridge University Press, [1975] 2004.
10 Savonarole J., Trattato del reggimento degli Stati, I, 2, dans Scrittori politici, Milano, 1830, cité par Audegean P., « Morale et politique de la servitude volontaire », édition citée du Discours de la servitude volontaire, p. 88, n. 4.
11 Guillart C., discours prononcé devant François Ier le 24 juillet 1527, publié par Knecht R., « François I and the ‘‘Lit de justice’’ : A ‘‘legend’’ defended », French History, 7/1, 1993, p. 81.
12 Idée exprimée notamment par Pasquier E. dans Le Pourparler du Prince (1560) et au Livre II des Recherches de la France et par de Girard B., sieur Du Haillan dans De l’Estat et succez des affaires de France, Paris, 1571, cités par Daubresse S., Le Parlement de Paris ou la voix de la raison (1559-1589), Genève, Droz, 2005, p. 58.
13 Pasquier E., Le Pourparler du Prince, 1560, dans Pourparlers, Béatrice Sahyi-périgot (éd.), Paris, Champion, 1995, p. 103 ; Les Recherches de la France, Fragonard M.-M. et Roudaut F. (éd.), Paris, Honoré Champion, 1996, t. II, livre 6, chap. XXXIV, 1565, p. 1328-1332.
14 Budé G., L’Institution du Prince, dans Bontems C., Raybaud L.-P. et Brancourt J.-P., Le Prince dans la France des XVIe et XVIIe siècles, Paris, PUF, 1965, p. 80.
15 Quaglioni D., « La souveraineté partagée au Moyen Âge », dans Gaille-nikodimov M. (éd.), De l’idéal politique au monstre constitutionnel en Europe (XIIIe-XVIIe siècle), Saint-Étienne, Publications de l’université, 2005, p. 19.
16 Apologie chrétienne (1560), dans Mémoires de Condé, Londres, Bosse Cl. et Nillor J., vol. I, 1740, p. 125.
17 Les Requestes, protestations, remonstrances et advertissemens faits par Monseigneur le prince de Condé et autres de sa suite, où l’on peut aisément cognoistre les causes et moyens des troubles et guerres presentes, Orléans, Éloi Gibier, 1567.
18 Gentillet I. [attribué à], Brieve Remonstrance à la noblesse de France sur le faict de la Déclaration de Monseigneur le duc d’Alençon, s. l., 1576, p. 76-77.
19 Discours merveilleux de la vie, actions et deportemens de Catherine de Médicis, royne mere (1575 et 1576), Cazauran N. (éd.), Genève, Droz, 1995, p. 278.
20 Protestation, dans Les Requestes […], op. cit.
21 Déclaration et protestation par monsieur le mareschal Dampville, 13 novembre 1574, dans dom Devic et dom Vaissette, Histoire générale de Languedoc, Toulouse/Paris, Privat/Claude Tchou, 2003-2006, t. XII, col. 1105-1111, preuve 336.
22 Le Roux N., « Honneur et fidélité. Les dilemmes de l’obéissance nobiliaire au temps des troubles de religion », Nouvelle Revue du Seizième siècle, 2004, no 21/1, Métaphysique et politique de l’obéissance dans la France du XVIe siècle, p. 143.
23 Jouanna A., Le Devoir de révolte. La noblesse française et la gestation de l’État moderne, 1559-1661, Paris, Fayard, 1989 ; « être ‘‘bon Français’’ au temps des guerres de religion : du citoyen au sujet », dans Elyada O. et Le Brun J. (éd.), Conflits politiques, controverses religieuses. Essais d’histoire européenne aux XVIe-XVIIIe siècles, Paris, éditions de l’EHESS, 2002, p. 19-32.
24 Neuschel K. B. a finement analysé cet aspect dans Word of Honor. Interpreting Noble Culture in Sixteenth-Century France, Ithaca, New-York, 1989, notamment p. 93.
25 Les Tragiques, livre II, Princes, v. 713, in Œuvres, Weber H., Bailbé J. et Soulié M. (éd.), Paris, Gallimard, La Pléiade, 1969, p. 71. Il est intéressant de rapprocher de ce vers la définition donnée de l’homme d’honneur par l’anthropologue Pitt-rivers J. : « The man of honor is a law, but a law unto himself » (« Honor », in International Encyclopedia of the Social Sciences, New York, Macmillan, 1968, p. 510).
26 Ibid., v. 1469, p. 88.
27 Ibid., v. 285-343, p. 60-62.
28 Montaigne, Les Essais, Pierre Villey et Verdun-Louis Saulnier (éd.), Paris, PUF, 1965, livre I, chap. 8, p. 192.
29 Ibid., p. 216.
30 Ibid., livre III, chap. 13, p. 1072.
31 Ibid., livre I, chap. 17, p. 74.
32 Bodin J., Les Six Livres de la République, [1576] 1593, Paris, Fayard, livre III, chap. 4, p. 101 et 105.
33 Montaigne, Les Essais, éd. cit., livre III, chap. 8, p. 935.
34 Ibid., livre III, chap. 1, p. 797.
35 Belloy P., Moyens d’abus, entreprises et nullitez du rescrit et bulle du pape Sixte Ve du nom, s. l., 1586, p. 231, cité par Renoux-zagamé M.-F., « Du juge-prêtre au roi-idole. Droit divin et constitution de l’État dans la pensée juridique française à l’aube des temps modernes », dans Thireau J.-L. (dir.), Le Droit entre laïcisation et néosacralisation, Paris, PUF, 1997, p. 184.
36 Aubigné A., Du Debvoir mutuel des roys et subjects, in Œuvres, éd. cit., p. 483.
37 « C’est qu’en effet la vraye obeïssance est aveugle », prêche par exemple Bourdaloue ; mais, poursuit-il, « elle est dans son aveuglement plus éclairée […] que toute la sagesse de l’esprit humain » (Exhortations et instructions chrétiennes, Paris, 1721, t. I, p. 263) cité par Renoux-zagamé M.-F., « Obéir aux hommes ou obéir à Dieu : la conscience des juges », dans id., Du droit de Dieu au droit de l’homme, Paris, PUF, 2003, p. 201.
38 Courtilz de Sandras G., La Conduite de Mars ou l’Homme de guerre, 1685, édition de Rouen, 1711, p. 57-60, passage cité et finement analysé par Drévillon H., L’Impôt du sang. Le métier des armes sous Louis XIV, Paris, Tallandier, 2005, p. 401.
39 Montesquieu, De l’esprit des lois, Robert Derathé (éd.), Paris, Éditions Garnier, 1973, l. IV, chap. 2, § 19-20, p. 38.
40 Ibid., III, 7, § 1. Sur la qualité « résiduelle » de la conception traditionnelle de l’honneur noble, voir les analyses de Binoche B., Introduction à De l’esprit des lois de Montesquieu, Paris, PUF, 1998, p. 126-130.
41 Dupin De Chenonceaux C., Observations sur un livre intitulé De l’esprit des lois, Paris, 1757-1758, 3 vol. , t. 1, p. 274, cité par Binoche B., Introduction…, op. cit., p. 124.
42 Swann J., « Disgrace without Dishonour: the Internal Exile of French Magistrates in the Eighteenth Century », Past and Present, no 195, mai 2007, p. 98. Maire C. a analysé les ressorts de cette « résistance négative » (De la cause de Dieu à celle de la Nation. Le jansénisme au XVIIIe siècle, Paris, Gallimard, 1998, p. 434-440).
43 Il est intéressant de constater que le théoricien de la résistance légitime des parlements au XVIIIe siècle, Louis-Adrien Le Paige, cite précisément le passage de La République où Bodin rappelle que les magistrats peuvent « sauver l’honneur des princes » (Observations sur la Déclaration de 1756, p. 4, cité par Maire C., De la cause de Dieu à la cause de la Nation, op. cit., p. 435).
44 Jouanna A., « La culture politique d’une assemblée d’États : la protestation des États de Languedoc en 1750 », dans Pugnère F. (éd.), Les cultures politiques à Nîmes et dans le Bas-Languedoc du XVIIe siècle aux années 1970 : affrontement et dialogues, Paris, L’Harmattan, 2008, p. 27-38.
45 L’obligation qu’ils ont de ne pas laisser altérer « la forme légitime de gouvernement œconomique qu’ils ont reçue de leurs pères » leur est dictée « par la loi si impérieuse de l’honneur » (Second Mémoire des députés et du sindic général de la province de Languedoc au sujet de l’Édit du mois d’aoust 1764 contenant règlement sur l’administration des villes et principaux bourgs du Royaume, Arch. dép. de l’Hérault, C 11220).
46 Rousseau, Du Contrat social, in Œuvres complètes, B. Gagnebin et M. Raymond (éd.), Paris, Gallimard, 1964, I, p. 360.
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