Conclusion générale
p. 341-348
Texte intégral
1Rappelons les mutations du vécu religieux. Le regard laïc sur l’institution ecclésiastique peut être résumé dans une attention à la fixation des frontières (une limitation de l’ecclésiastique au spirituel) qui s’accompagne d’une autonomisation. Les conflits paroissiaux renvoient, outre les arrière-plans personnels et querelles partisanes, à autant de chicanes à la frontière des normes, porteuses d’identités. Le rapport à l’Église-institution, ainsi recomposé, révèle une construction de l’ordre du politique1.
2La vie paroissiale ne s’arrête pas aux tensions curés/marguilliers. Elle se maintient dans un rôle majeur, dont témoignent les multiples fêtes et processions et, plus prosaïquement, la progression des comptes de gestion. Pourtant, au-delà de cette façade, les glissements sont multiples. La logique comptable s’affirme. Elle se marque dans la valorisation du banc, au détriment de la quête, selon une succession des trois âges du banc : signe d’un privilège, viager en 1680-1700, annuel vers 1730, 1750 dans les paroisses de l’est de la ville, 1770 dans les campagnes. Ce passage affirme une logique contributive qui fait place à une dimension sociale et exclut plus nettement une part de la population. De ce fait, cette recette motive une nouvelle gestion qui n’est plus celle de l’adaptation des recettes aux dépenses, par l’intermédiaire du reliquat, mais qui relève d’une logique contraire.
3Malgré cette modification du statut de la paroisse, au profit d’une certaine notabilisation, la dévotion collective maintient sa place, comme les confréries et missions. Elles connaissent néanmoins un net basculement dans la politique épiscopale, de la confrérie affirmée chez L.-G. Fleuriau à la procession chez L.-S. de Jarente, indice de deux conceptions de la vie religieuse. Or, même à ce niveau, les changements se multiplient au cours des années 1770, dans la limitation des parcours au territoire paroissial et la notion d’ordre, qui enlèvent une part de la vitalité à ces manifestations. Le glissement est d’une autre nature dans les processions générales orléanaises, d’un mélange des dimensions religieuses et politiques à la primauté de la seconde. Dès lors, si ces processions continuent à mobiliser, elles le font dans un contexte qui change.
4Il en est de même pour les confréries, dans un constat qui cumule les avancées et les reculs, selon les critères et les lieux choisis. Les récits de vies offrent un élargissement. La confrérie est majeure chez Pelletier, mais intégrée dans une dimension plus importante, celle de la vie religieuse personnelle. Elle peut s’incarner dans les confréries, mais pas nécessairement. Dès lors, l’essentiel pour approcher le vécu religieux dans sa totalité réside dans la dimension personnelle.
5La pastorale participe à son affirmation, au travers d’une mise en avant de la responsabilité, prolongement individuel de la pastorale de la peur. Les confréries sont acteurs de ce mouvement, tout comme les récits de vie, dans la promotion d’une piété intériorisée et plus individuelle ouverte sur la sensibilité et le choix. Cette individualisation s’accompagne en effet de deux autres mouvements, liés mais non identiques, l’intériorisation et la privatisation. La première se marque dans la promotion d’une religion plus sensible qui fait appel à l’émotion par une mobilisation entière du fidèle dans la valorisation de la croix, les livrets de confréries, le Sacré-Cœur dans les récits de vies, les livres d’oraison, si présents dans les bibliothèques. La privatisation se marque elle par le développement, ou la massification, de nouvelles formes et pratiques. Surtout, cette multiplication débouche sur une organisation et une articulation dans un complexe religieux domestique, plus ou moins dense, mais qui concentre l’essentiel dans la chambre. La maison comme espace et la famille comme sociabilité s’intègrent parfaitement à une approche de la vie religieuse, et ce, quel que soit le rang social. Le XVIIIe siècle orléanais est central sur ce point.
6Le testament affirme cette logique. Le discours et le geste sont à la baisse. Toutefois, ce recul ne doit pas être assimilé à une déchristianisation. Les pratiques changent (la cinquantaine pour la messe) et l’individu s’affirme. Le développement de l’implicite, qu’il concerne les obsèques ou les messes, et celui du ton successoral, manifestent au plus haut point un recentrage sur la famille, c’est-à-dire une privatisation. L’écart entre le silence relatif aux obsèques et leur tenue réelle l’a montré. Sur tous ces points, le testament quitte peu à peu la sphère coutumière au profit d’une logique personnelle, comme le souligne la relecture des testaments profanes à l’aune des inventaires.
7Cette mise en dialogue des deux actes est centrale. De la primauté du testament dans le premier tiers du siècle à celle de l’inventaire après 1760 se joue le passage d’un vécu religieux centré sur la mort, sur l’organisation de la médiation pour son salut par l’intermédiaire clérical et, dans une moindre mesure, par l’intercession du pauvre, à une piété domestique, individuelle, assise sur le livre, l’objet, le tableau, dans une proximité et un apaisement de la tension. Cette inflexion de la religion, de la mort à la vie, se décline dans celle du collectif au privé, de la messe à l’oraison, de l’explicite au familial, en un mot de la religion de tous à celle de chacun.
8Ce passage obéit à une chronologie. À partir de 1725, le testament recule, alors que la remontée de l’inventaire est amorcée en 1737 et aboutit au croisement de 1761. Or, les décennies 1730-1750 enserrent toutes les inflexions relevées : la location annuelle des bancs, l’affirmation de l’implicite dans le testament, le recul des fondations, messes et aumônes, l’effritement d’un modèle de testament plein, la diffusion des livres, images et objets. Si l’inflexion s’amorce en 1730-1750, tout n’est pas fini en 1760.
9Cette concomitance traduit une articulation. Il existe un lien entre une vague qui reflue et une autre qui monte. Nous retrouvons ainsi les deux courbes aux destins contraires tracées par Jean Delumeau, celle, croissante, de l’adhésion qualitative d’une minorité et le recul pour une majorité d’« un conformisme qui craque à mesure que la civilisation se transforme2 ». À Orléans, tout ce qui marque le pas relève de la sphère du collectif et de l’institutionnel, alors qu’en sens contraire s’affirment les composantes individuelles, que ce soit le banc paroissial, le silence des testaments, la diffusion des objets privés. Plus qu’une dichotomie entre deux populations, la césure passe davantage entre ces deux attitudes, deux composantes du vécu religieux qui concernent une même personne.
10Socialement, l’inflexion touche tous les milieux, avec une pente ascendante jusqu’en 1730 pour les milieux populaires, derniers effets de la réforme catholique qui reste active dans sa phase de conquête jusqu’à cette date. La religion maintient une dimension sociale chez les notables, comme l’atteste la pratique fondatrice chez les nobles. De même, le livre est toujours présent et connaît une normalisation dans ces milieux. Le plus important réside dans l’absence d’un mouvement d’imitation sociale, d’une contamination qui partirait des notables et déclinerait la société dans une succession des courbes. Lorsqu’elle se manifeste, il s’agit davantage d’une antériorité ponctuelle, qui peut proposer un schéma inverse, comme pour les fondations qui quittent les testaments artisans et marchands vingt ans avant ceux des bourgeois et quarante ans avant ceux des nobles. Les tableaux et objets résument cette dialectique sociale. La présence brute reconduit l’échelle sociale, norme d’un comportement culturel. Cependant, cette reconduction ne se retrouve pas dans le contenu même qui cerne des attitudes propres aux milieux populaires. L’approche de la sécularisation bornée à l’appartenance sociale est insuffisante3. La classification des types de testament et d’inventaire nous l’a montré.
11Le clivage est beaucoup plus clair entre villes et campagnes4. Le cortège patronal, les Rogations et le Saint-Sacrement rassemblent l’essentiel des déambulations rurales. Les Rogations occupent peu de place en ville et le processionnal se complète des processions générales. Le passage de la campagne à la ville marque une même complexification pour les confréries. Le trinôme rural Sainte-Vierge/Saint-Sacrement/Trépassés s’ouvre en ville à différents saints et aux mystères. De même, les innovations du siècle concernent les paroisses urbaines. Hors des murs, la confrérie est d’abord une institution assise sur une présence collective et, en partie, sociale, orientée essentiellement vers un service, que ce soit l’enterrement ou l’entretien d’un autel. Par contre, la diffusion est patente pour la vie paroissiale qui suit les évolutions urbaines avec trente ans de retard. La dévotion des églises rurales est avant tout celle des statues, plus que celle des tableaux, qui ne sont mentionnés en nombre qu’après 1770. La location des bancs révèle le même décalage. Surtout, les supports d’une pratique personnelle, si importante en ville, restent rares dans les campagnes, malgré une diffusion qui porte le livre et l’objet dans un foyer sur dix. Lorsqu’il existe, l’objet pieux est presque exclusivement la croix d’or, au statut ambigu, symbole d’une religion qui passe davantage par le contact, de l’ordre de « l’image de préservation ». Cette dernière dimension caractérise assez bien une bonne partie de la dévotion rurale, beaucoup plus qu’en ville. Nous retrouvons peut-être dans cet écart les prémices du constat du siècle suivant, entre une ville déchristianisée et des campagnes fidèles.
12La situation du XIXe siècle a posé une autre question à l’époque moderne, celle d’une éventuelle féminisation des pratiques. Orléans ne semble pas la connaître au XVIIIe siècle, du moins dans une forme aboutie. Dans le domaine de la vie collective, les hommes sont toujours présents. Dans la sphère privée, le constat est identique. Les modèles de vie mettent en avant des hommes et des femmes, plus nombreuses il est vrai. Livres et objets concernent les deux moitiés à part égale. L’affirmation de la sphère domestique peut renforcer un rôle moins perceptible, celui de la transmission de la foi dans une relation de l’éducation qui fait plus de place à la mère. La question peut être posée, mais les éléments de réponse restent davantage de l’ordre de la présomption. En aucun cas, le XVIIIe siècle religieux orléanais ne peut être lu en termes de déchristianisation masculine et de résistance féminine.
13Tous ces éléments suscitent donc une interrogation sur trois images attachées au XVIIIe siècle : le jansénisme, la religion de la croix et la déchristianisation. À l’issue de l’étude, le jansénisme orléanais demande une réévaluation. Il est à la fois plus et moins important que l’historiographie locale l’a allégué. Selon l’optique classique, celle d’une sociologie du jansénisme, le constat est à la modération. Il est loin de concerner la majorité du clergé du diocèse, même de celui de la ville. Il en est de même pour les laïques, même les notables. Les milieux liés aux Jésuites sont tout aussi importants. La chronologie cerne un paroxysme en 1717-1730. Après 1757, il ne s’agit que des résurgences ou de manifestations d’un milieu réduit. Sur ce plan, le jansénisme est donc un moment, au mieux une époque, en aucun cas une ère. De plus, il ne constitue pas la seule forme de vécu religieux des Orléanais. Les confréries, les pèlerinages, les indulgences, les missions attestent de l’existence d’une autre tonalité. Sur ce plan, le jansénisme est important, mais parmi d’autres éléments. Par contre, si l’on s’attache à son statut et à son onde de choc, les querelles, son rôle est accru, par l’ouverture d’un espace de débat et la construction d’un arsenal politique et religieux de remise en question, qui concerne des thématiques générales, comme la place des laïques. À ce titre, le jansénisme contribue fortement, à l’échelle locale, à l’ouverture d’un espace public et à la formation d’une opinion, notamment par l’intermédiaire de constitution de relais5. Dès lors, il nous semble qu’il ne convient pas de surestimer son poids absolu, mais qu’il est nécessaire de le réévaluer dans son action plus large. Dans cette vue, une attribution précautionneuse et argumentée du qualificatif de janséniste s’avère un préalable indispensable. L’analyse des bibliothèques nous a montré la différence entre intérêt et adhésion avérée.
14Parmi les limites de ce mouvement apparaît la religion de la croix, symbole de la dynamique religieuse du siècle, nourrie d’un versant de sensibilité6. Orléans participe bien à la vitalité dévotieuse dans ses nouvelles formes. Tous les versants sont touchés. Les missions s’en font un vecteur important, dans un basculement d’une adoration du Saint-Sacrement à une méditation sur la croix. Les confréries en sont un autre support. Outre les créations relatives à la mort et la confrérie de la Croix entretenue dans la cathédrale, cette tonalité religieuse se retrouve dans les créations du XVIIIe siècle. L’invasion de l’espace domestique est encore plus massive. La croissance de l’objet pieux est avant tout celle de la croix, sous son triple aspect de croix d’or, de crucifix et de christ sur velours. Par conséquent, à la fin du siècle, l’imprégnation est proprement générale. De plus, dans le discours, la croix s’accompagne d’une réorientation, marquée par l’accent mis sur l’intériorisation et la pratique de l’oraison. La diffusion quantitative témoigne donc pour une mutation plus profonde qui fait sa part à la vitalité.
15Ces données nous invitent à relire la problématique de la déchristianisation. Le terme, entendu comme décrochement de pratique dans une rupture de la foi et de ses expressions, nous paraît inadéquat dans son caractère majoritaire. Reprenons l’exemple des marchands. Le verdict du testament est sans appel : les fondations disparaissent dès 1737, les simples messes leur emboîtent le pas, pour accuser un net détachement après 1761, le don au pauvre ne fait pas exception. En parallèle, le ton successoral s’affirme et complète un tableau – classique – du détachement marchand. À l’échelle individuelle, Brasseux confirme un attachement maintenu à la religion et à l’Église dans la tonalité de réflexion personnelle que permet le siècle. Surtout, les marchands sont en pointe en ce qui concerne la place du livre religieux à la fin du siècle, notamment pour le livre de piété. Les intérieurs pieux s’affirment dès 1725 (1749 pour les élites) dans un flux constant, autour de 60 % d’inventaires avec mention d’images et ou d’objets.
16Dès lors, cet exemple marchand souligne l’existence de deux mouvements. D’une part, il manifeste un désinvestissement du discours et de la pratique publique, au profit d’une tonalité plus personnelle et d’un autre contenu. D’autre part, il atteste d’une forte diversité interne au groupe, traduite par des comportements plus contrastés. Dès lors, la conjonction des critères d’approche ne débouche pas sur une appréciation de déchristianisation, mais de recomposition, de modification qui comprend deux versants et non seulement celui d’un recul.
17Il convient de faire la part de la hiérarchie et de la pastorale dans ce basculement7. Par la désacralisation qu’elle opère et le modèle qu’elle propose, la réforme catholique porte en elle les germes d’un détachement. À l’échelle locale, les confréries et processions s’inscrivent dans cette lecture. Le ritualisme étroit, prôné par les évêques au nom d’une exigence de pureté, détruit les racines de la vitalité en même temps que les abus. Essentiels, ces points nous semblent devoir en appeler deux autres dans le contexte orléanais. Prenons la politique des élites urbaines. L’évêque participe à ces mutations, ce que révèle bien l’évolution du ton des mandements, du religieux à l’administratif, du « système religieux à l’éthique des Lumières » pour reprendre la terminologie précise de Michel de Certeau8. Par ailleurs, la pastorale promeut une religion de la responsabilité individuelle face à son salut, qui fait une place croissante à un accent moral, celui qui constitue l’axe du catéchisme diocésain en 1762 par rapport à son prédécesseur de 1707, plus dogmatique.
18Dans ce cadre, les voies du salut deviennent plus individuelles et font place à la conscience, juge des comportements. Ceci motive un double mouvement. D’une part, le religieux met l’accent sur le domaine privé qui complète – voire se substitue chez certains – la pratique collective. Ce transfert résulte de la conjonction d’une affirmation de l’intime, qui dépasse la sphère religieuse, et d’une multiplication des objets et livres. D’autre part, l’unanimité se réduit et l’éventail des possibles s’ouvre dans un éclatement des attitudes qui fait place à une capacité de choix, fait peut-être majeur. Après 1760, dans la recherche d’une unité, l’approche des groupes définis par une attitude commune s’avère plus pertinente que celle des catégories sociales. Les testaments et le croisement avec l’inventaire l’ont montré. À ce titre, la déchristianisation fait son retour. Il est certain que les « détachés » de cette dernière taxinomie sont des déchristianisés, dans une distance avec le religieux sous toutes ses formes. Dans ce parcours, se mêlent évolution individuelle et changement de contexte. Indépendamment même de l’attitude personnelle, le chrétien de 1770 ne conçoit pas la religion comme son ancêtre de 1670.
19Ce constat touche à l’essentiel : la vitalité se déplace au cours du siècle, se dilue et se recompose dans une multitude de parcours, du détachement à l’approfondissement. De la pratique volontiers accumulatrice, prônée par la réforme tridentine, elle passe à l’élaboration d’un for privé et d’une expression plus implicite et personnelle qui prend place dans la sphère familiale et intime, fortement promue, au moins autant que dans la communauté paroissiale. Ceci ne signifie pas une disparition de la sphère collective, qui continue à mobiliser, mais un déplacement des points de force.
20Par conséquent, à Orléans se joignent individualisation et intériorisation. Dale Van Kley donne un rôle essentiel à la Constitution civile du clergé comme accélérateur de la transformation de « l’ancienne dualité temporel/spirituel en dualité domaine public/domaine privé9 ». Il parle principalement de la relation au politique. Cependant, cette remarque concerne également le vécu religieux, plus largement qualifié par l’« intériorisation de la religion ». Sur ce dernier point, l’exemple orléanais révèle que la pratique devance la « combinaison idéologique » et que le passage au privé constitue une dynamique dès la seconde moitié du siècle. À ce titre, la Constitution civile se situe davantage dans un mouvement que dans une initiative.
21Le religieux ne sort pas indemne de ce franchissement et change en quelque sorte de statut. En effet, « il peut y avoir laïcisation sans déchristianisation. Mais alors, le sens des pratiques religieuses se modifie et la fonction du pouvoir clérical se transforme10 ». Dans son élaboration définitive, le basculement s’opère de la transcendance d’un message unique et édicté par un ecclésiastique séparé de la société à une synthèse personnelle, qui fait place à la conscience comme juge et se traduit dans une possibilité de choix et de variation des pratiques. À terme, le religieux n’est plus au-dessus, mais à côté, du politique, du social, du culturel. Les attaques jansénistes et philosophiques, divergentes dans leur nature, mais proches dans leurs effets, prennent leur place dans ce retournement d’axiomatique. Le contexte socioculturel favorise une mutation du dogme à la croyance et à l’opinion, mouvement qui motive le constat négatif dressé par l’Église hiérarchique, du fait de la dilution de la foi à l’aune des critères cléricaux.
22Les parcours les plus divers peuvent se développer, condition des forts contrastes de la société orléanaise, présents dans la coexistence du jansénisme et d’un attachement à Rome notamment par l’indulgence, ou dans l’existence, relevée par Timothy Tackett, de cahiers qui mélangent radicalité et conservatisme.
23La rupture du conformisme ne débouche pas sur un vide, mais sur une recomposition du religieux, plus individuelle, qui suscite le passage d’une religion de tous à une religion de chacun, et, dans le domaine de la pratique, de la maison de Dieu à Dieu dans la maison. Dans le catalogue des qualificatifs, les termes de laïcisation et de sécularisation nous semblent les plus pertinents. Dans leurs différences, ils sont porteurs d’une notion de prise de distance, mais surtout de possibilité d’élaboration d’une nouvelle synthèse11. À terme, cette mutation participe sans doute à la contribution religieuse à la Révolution et invite à reconsidérer la rupture qu’elle constitue dans ce domaine.
Notes de bas de page
1 Pour un autre aspect, G. Rideau, « De l’impôt à la sécularisation : reconstruire l’Église. Les doléances religieuses dans les cahiers de doléances du bailliage d’Orléans (1789) », AHRF, 2006, p. 3-29.
2 J. Delumeau et M. Cottret, Le Catholicisme entre Luther et Voltaire, Paris, PUF, 1996, p. 416-417.
3 F. Laplanche, « Sécularisation, déchristianisation, laïcisation en France (16e-19e siècles) », Säkularisierung, Dechristianisierung, Rechristianisierung im neuzeitlichen Europe, Göttingen, Vandenhoeck und Ruprecht, 1997, p. 174.
4 R. Mandrou, Introduction à la France moderne, Paris, Albin Michel, 1998, p. 272-273. Pour cet auteur, « dans les campagnes, la pratique, au demeurant unanime, est plus un fait social, un exercice collectif que le résultat d’une méditation individuelle […]. Par contre, la pratique en fait aussi unanime, mais plus assidue des villes, peut laisser croire à une participation plus active à l’activité de l’Église pensante ».
5 P. Goujard, L’Europe catholique au XVIIIe siècle, Rennes, PUR, 2004, chap. iii.
6 L. Châtellier, La Religion des pauvres, Paris, Aubier, 1993.
7 M. Venard, « Christianisation, déchristianisation », Anamnèsis, Paris, Desclée, 2000, p. 160-161.
8 L’Écriture de l’histoire, Paris, Gallimard, 1975, p. 153-212.
9 Les Origines religieuses de la Révolution française, 1560-1791, Paris, Seuil, 2002, p. 530.
10 P. Goujard, L’Europe, op. cit., p. 7.
11 C. Langlois, « Déchristianisation, sécularisation et vitalité religieuse », in Dechristianisierung, op. cit., p. 154-173. En effet, la sécularisation porte deux faces, celle de recul de la religion et d’affirmation de la sphère profane. A. Cabantous, Entre fêtes, op. cit.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Un constructeur de la France du xxe siècle
La Société Auxiliaire d'Entreprises (SAE) et la naissance de la grande entreprise française de bâtiment (1924-1974)
Pierre Jambard
2008
Ouvriers bretons
Conflits d'usines, conflits identitaires en Bretagne dans les années 1968
Vincent Porhel
2008
L'intrusion balnéaire
Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au tourisme (1800-1945)
Johan Vincent
2008
L'individu dans la famille à Rome au ive siècle
D'après l'œuvre d'Ambroise de Milan
Dominique Lhuillier-Martinetti
2008
L'éveil politique de la Savoie
Conflits ordinaires et rivalités nouvelles (1848-1853)
Sylvain Milbach
2008
L'évangélisation des Indiens du Mexique
Impact et réalité de la conquête spirituelle (xvie siècle)
Éric Roulet
2008
Les miroirs du silence
L'éducation des jeunes sourds dans l'Ouest, 1800-1934
Patrick Bourgalais
2008