Prologue. Tasso, poète malade, et les médecins
p. 13-28
Texte intégral
1Comment vivre, quand on est assailli de fantasmes ? Comment s’y reconnaître dans les perceptions que l’on reçoit ? Le témoignage d’un malade est précieux sans doute ; et surtout quand ce malade est un grand poète.
2Il s’agira entre autres de la phantasia, c’est-à-dire de l’imagination, des images, des apparitions. On verra aussi que le détail est très important. Une petite expression, même incertaine, égarée dans un court poème de Catulle, peut faire l’objet de longues réflexions, puisqu’il s’agirait de morbus imaginosum, de maladie « imaginaire ». Et le poète malade, torturé par ses apparitions, cherche secours auprès des médecins, sachant bien qu’il n’y aurait que lui pour se guérir, lui, c’est-à-dire sa raison. Malheureusement c’est elle qui est malade.
3J’ai envie de montrer, par cette étude rapide, comment se rencontrent la pensée d’un médecin et d’un poète, occasionnellement son patient, à l’époque de la Renaissance. Mais surtout comment ils vivent et souffrent et pensent à l’intérieur de la culture antique, leur domaine, leur chez-soi. Car on est alors chez soi, et qu’on ne parle plus alors de transmission, de réception des savoirs. Il s’agit de bien autre chose.
4On a le moyen de ressusciter une sorte de dialogue entre Tasso et Mercuriale (1530-1606). Il y a un malade - et c’est un poète génial —, et un médecin, grand érudit et médecin remarquable. Le poète de la Jérusalem délivrée, l’auteur des magnifiques Discorsi1 et Dialoghi. Le médecin, connu surtout de nos jours par le superbe traité qu’il a consacré à la gymnastique, le De artegymnastica, qu’on a bien raison d’admirer pour son iconographie, et dont on ferait bien de lire le texte2. Mais c’est aussi un traducteur (en langue latine) de l’oeuvre hippocratique. Calvus, Cornarius, Mercuriale, Foës, voilà la grande légende des traducteurs d’Hippocrate, comme on dirait aujourd’hui. J’aurai l’occasion de citer d’autres oeuvres de Mercuriale3.
Lettre que Tasso envoya à Mercuriale4
5Tasso, très malade, écrit à Mercuriale. Il est, dit-il, sans doute victime d’un sort.
« Il y a quelques années que je suis malade, et la maladie n’est pas connue de moi ; néanmoins j’ai l’opinion certaine d’avoir été ensorcelé. »
6Mais quelle que soit la cause de la maladie, tels sont les symptômes :
« rangement d’intestin avec un peu de flux sanguin ; tintements dans les oreilles et la tète ; quelquefois si forts qu’il me semblait avoir... ; imagination (imaginazione) de choses diverses, et toutes désagréables ; laquelle me perturbe de telle sorte que je ne peux appliquer mon esprit à l’étude pendant une quinzaine d’heures ; et plus je m’efforce de le tenir tendu, plus je suis distrait par des imaginations (imaginazioni) variées et parfois très fortes qui se meuvent en moi selon les phantasmes (fantasie)variés qui naissent en moi5... »
7La tête lui fume de manière extraordinaire après manger et s’échauffe :
« dans tout ce que j’entends, je vais, pour ainsi dire fabriquant avec la phantasia des voix humaines, de manière qu’il me paraît très souvent que les choses inanimées parlent ; et la nuit je suis perturbé par des songes variés, et alors je suis emporté par l’imagination (imaginazione), au point qu’il me semble avoir entendu (pour ne pas dire je suis certain d’avoir entendu) des choses, dont j’ai parlé au frère Marco... »
8Il en a parlé avec le frère Marco, un capucin qu’il a chargé de porter cette lettre. Il lui a parlé de sa maladie qui nécessite un remède puissant.
« Io ricorro a Vostra Signoria eccellentissima per consiglio e per aiuto... Mais je peux, grâce à Dieu, encore composer... tuttavia, per grazia di Nostro Signore, m’è rimaso tanto del mio solito ingegno, ch’io non sono ancora inetto al comporre. »
Lettre à Biaggio Bernardi, Forli. Mazzali, Lettere, 1583 : XXXVI. p. 167, où il évoque l’avis qu’il a reçu de Mercuriale
« J’ai pris connaissance de son avis qu’il m’a adressé par écrit... J’accepterais volontiers de me faire saigner et de me faire un autre cautère au bras, comme il me le conseille. Mais celui à la jambe, et l’abstinence de vin qu’il me recommande, sont des remèdes trop fastidieux. Je dis s’abstenir en tout et boire continuellement du bouillon : parce que s’il s’agissait de boire un peu de vin bien tempéré, j’y obéirais sans difficulté, je pourrais faire le reste... ; parce que, comme Votre Seigneurie le sait bien, l’excellence des médecins consiste en bonne part à donner la médecine non seulement salutaire, mais aussi agréable. Je rappelle donc à M. Mercuriale que je suis malade, et que je mange avec bon appétit, mais pour le reste, c’est très fastidieux. »
9A rapprocher de la lettre qu’il écrivit à Maurizio Cataneo, 1586 :
« De la même façon qu’un corps ne peut être en bonne santé si on le nourrit toujours de choses qui ne lui plaisent pas, qui ne sont pas agréables à sa nature, ainsi l’âme à laquelle on n’accorde aucun plaisir refuse toute médecine6. »
10Le médecin doit être attentif aux goûts de son malade. Et il n’est pas dans les intentions de Tasso de renoncer au vin.
Mercuriale
11On n’a pas, à ma connaissance, la réponse directe de Mercuriale. Mais on connaît bien les grandes lignes des remèdes qu’il recommandait contre la mélancolie. On peut même les trouver cités dans l’oeuvre de Robert Burton, Anatomie de la mélancolie. Le vin d’abord : « Le vin, selon Mercuriale, est le meilleur remède contre la mélancolie froide, le pire quand elle est aduste7. » Hélas, la mélancolie de Tasso semble justement être aduste. Tandis que « pour tous ceux qui sont de tempérament froid, ou pesant et mélancolique, un gobelet de vin est un bon remède, c’est en tout cas ainsi que Mercuriale l’entend8... » Il faut aussi se priver d’épices. Quant aux cautères, qu’évoque Tasso, lorsqu’ils sont prescrits aux personnes mélancoliques, ils peuvent être appliqués sur les cuisses, les bras, les jambes9.
12On peut sourire des remèdes proposés par Mercuriale10. Je voudrais essayer de percevoir un peu ce qu’il pense de ce que nous appellerons la mélancolie. Mercuriale, je le disais, est une référence importante de Burton11, qui le classe parmi les grandes autorités sur cette maladie12. Il rappelle que, selon lui, la mélancolie « on la trouve partout de nos jours » (Medicina practica13. Le ventre insatiable est cause de mélancolie. « Selon Mercuriale, c’est même la cause principale de cette maladie pernicieuse14... L’abstinence sexuelle en est une autre. Négliger Vénus provoque une maladie grave du corps et de l’âme, comme mélancolie, priapisme, satyriasis... (Medicina practica, Liv. cap. 10). On y ajoutera l’air, quand il est malsain (Medicina practica, I, 10), l’exercice immodéré, la trop grande solitude, parfois le sommeil, ou encore l’arrêt des évacuations. Au fond rien de bien nouveau, mis à part évidemment les épices, on est en médecine hippocratique.
13Qu’en est-il du discours du médecin ? Dans un texte qui n’a pas échappé à Burton15, Mercuriale morigène un de ses patients. La réprimande peut s’appliquer particulièrement et pertinemment à toute personne solitaire ou oisive :
« La nature est en droit de se plaindre de toi car, alors qu’elle t’avait pourvu d’un tempérament sain et bon, d’un corps robuste, alors que Dieu t’a donné une âme divine et excellente, tant d’atouts et de dons dont tu peux faire usage, tu n’as pas seulement condamné et rejeté tout cela, tu l’as pollué, tu as détruit ton tempérament et perverti ces dons dans la débauche, l’oisiveté, la solitude et par de nombreux autres moyens ; tu es un traître à Dieu et à la nature, ton propre ennemi, l’ennemi du monde. C’est volontairement que tu t’es perdu (perditio tua ex te), que tu t’es mis à l’écart ; tu es toi-même la cause efficiente de ta propre misère, car, n’ayant pas voulu résister à ces vaines cogitations, tu t’y es abandonné ». (Liber responsionum et consultationum medicinalium, Consilium, 11).
14Comme l’écrit Burton, commentant cette lettre :
« Combien de pauvres hommes de lettres ont perdu leur esprit ou sont devenus des benêts, ont complètement cessé de s’occuper des affaires de ce monde, ainsi que de leur propre santé et de leur fortune, de leur être et de leur bien-être, dans leur quête du savoir ? Et après tous leurs efforts, le monde les tient pour des imbéciles ridicules et stupides, pour des idiots et des ânes16... »
15Mercuriale n’hésite pas à placer le malade devant sa responsabilité.
Le morbus imaginosus : La maladie de l’imagination
16Mais on peut se demander si Mercuriale se préoccupe de l’imagination et des souffrances qu’elle peut causer. C’est un grand érudit, et qui s’intéresse à l’imaginaire et aux poètes. Au livre des Variae Lectiones17 il note les remarques qui lui viennent à la lecture des philologues, des poètes ou des médecins. C’est ainsi que dans un même chapitre, où il pose la question de savoir si les vieillards doivent se nourrir de pain froid ou chaud, voici que surgit, sans qu’il y ait rapport évident, un court poème de Catulle. Simple hasard ? Non. Il s’y rencontre un petit mot, dont la forme est peu certaine, l’adjectif imaginosum, ou imaginosam. On proposera plus tard imaginosa. La question est donc celle de la signification de cet adjectif, dans le poème 41 de Catulle :
Ameana puella defututa
Tota milia me decem poposcit,
Ista turpiculo puella naso,
Decoctoris arnica Formiani.
Propinqui, quibus est puella curae
Amicos medicosque convocate ;
Non est sana puella. Nec rogate
Qualis sit ; solet esse imaginosa18.
« Ameana, cette fille foutue (usée par le coït), m’a demandé, bien comptés, dix mille sesterces, cette fille au vilain nez, l’amie du banqueroutier de Formies ! Proches parents de cette fille, qui veillez sur elle, convoquez amis et médecins : cette fille n’est pas en bonne santé. Ne demandez pas ce qu’elle a ; elle est sujette aux hallucinations. »
17C’est ainsi que traduit Saint Denis19. Voilà un traducteur moderne, le bienheureux, qui n’hésite pas !
Faut-il lire imaginosum ou imaginosa ?
18Le vers est loin d’être sûr, et beaucoup d’érudition s’est dépensée à ce sujet. Mais ne voyons pas, dans ces discussions de vaines querelles, de simples conflits de mots. Il s’agit de choses graves. Là où le texte est incertain, où le scribe a bronché parce qu’il ne comprenait pas, il y a souvent une question intéressante sous roche. La réflexion sur un mot, sa présence (contestable ou non, il s’agit aussi d’établir le texte), comme le sens qu’il lui faut donner, vont engager ici une réflexion sur l’imaginaire. Ce qui intéresse évidemment, et nous intéresse nous aussi, c’est le sens à donner à imaginosum ou imaginosam. C’est disons-le la question de l’imagination. Cette femme, de quelque manière, est malade de l’imagination.
19Mercuriale entreprend alors de discuter la réflexion d’un illustre philologue. « Joseph Scaliger, homme de très grand génie et d’une extraordinaire érudition, écrit-il, se donne grand mal pour démontrer que Catulle, par ce terme, entend une maladie, qui exigerait selon lui, l'aide des médecins20. »
20Mais il subsiste un différend sur le genre de la maladie. Peut-être, dit malicieusement Mercuriale, un non-médecin ne refuserait-il pas l’avis d’un médecin dans une affaire médicale21 ?
Imaginosum
21Il n’est pas difficile, dit Scaliger, de comprendre ce que sous-entend le mot. Cela signifie que cette femme souffre du morbus imaginosus. « Le mal appelé “imaginaire” est la phrénitis, quand des phantasmes se présentent à l’esprit. » Sur ce sujet, continue Scaliger, il suffit de lire Celse et Caelius Aurélien. Il existe d’ailleurs un autre morbus imaginosus, c’est celui que les Grecs appellent le corybantisme, c’est-à-dire l’action de faire le corybant. Les images (imagines) sont alors sonores, comme les tintements (tinnitus) dont nos oreilles résonnent. Or les livres des médecins n’en parlent pas, prétend Scaliger. C’est Platon qui décrit le phénomène du corybantisme en son Criton, 54d :
« Voilà, sache le bien, mon cher Criton, ce que je crois entendre, à l’instar des Corybantes, qui croient entendre des flûtes, et en moi le son de ces paroles bourdonne et m’empêche d’en entendre d’autres22. »
22Varron, rappelle Scaliger, écrit que « Ceux qui sont atteints de cette maladie souffrent d’insomnies et de veilles, ou du moins dorment les yeux ouverts. Car ils ont toujours l’esprit tendu vers ces images (semper enim illis imaginibus intentum animum habent...). D’où vient que ceux qui dorment les yeux ouverts, on disait qu’ils corybantisent. » En conclusion, affirme-t-il, corubantiare, c’estphrénétiser, si l’on me permet ce calque du grec, c’est-àdire être phrénitique.
23Les choses s’éclaireront plus tard.
Objection de Mercuriale
24Il est d’accord avec Scaliger pour voir sous le mot imaginosum une maladie, qui interpelle les médecins. Mais il est en désaccord sur le genre de la maladie. Il a déjà parlé, dans ce même livre23, des Corybantes à propos des genres de folie rapportés par « le très ancien médecin Arétée » en son chapitre sur la manie. Certes s’y trouve un passage consacré à la folie des prêtres qui s’émasculent dans la joie, mus par des images de piété (ma traduction) pia cogitatione (Mercuriale24). On a reconnu depuis longtemps les Galles, prêtres de Cybèle.
25Puis Mercuriale renvoie à Galien. Dans le De symptomatum differentiis25 en effet, Galien décrit le cas du médecin Théophile qui parlait avec bon sens, mais croyait voir des joueurs de flûte tapis dans un coin de la chambre où il était couché. Il pensait les voir, les uns debout, ici, les autres assis, ne cessant de jouer de la flûte même la nuit. Il donnait sans cesse l’ordre qu’on les mît à la porte. Telle était la forme de son délire. Après sa guérison, il racontait tout ce que ses visiteurs avaient dit et fait, et se rappelait tout ce que concernait son phantasme des joueurs de flûte. À côté de ce cas, Galien place celui du phrénitique jeteur de vases, l’homme des Lieux affectés, et évoque les malades de la « peste » de Thucydide, qui ne reconnaissaient ni les leurs, ni eux-mêmes26.
26Finalement, dit Mercuriale, il faut penser que la fille du poème de Catulle souffre du genre de folie (selon la classification de Celse), que nous appelons la mélancolie.
27Il n’est jamais inutile de prendre son temps, dans le travail que je fais, et de détendre les choses. Par exemple de jeter un coup d’oeil sur cette fameuse classification. Celse, dans son De medicina, livre III, groupe sous le même concept d'insania, terme général de folie, la phrenitis, la manie, et, sans la nommer précisément la mélancolie27. Voici, pour nous, un passage important que je traduis28.
« 19 Le troisième genre (genus) de la folie (insania) est le plus long des trois ; au point qu’il n’empêche pas la vie-même, parce que c’est, d’habitude, une maladie qui s’attaque à un corps robuste. Or il y a deux espèces de cette maladie ; certains, en effet, sont trompés par des images, et non par leur raison (mente) ; comme les images qu’ont perçues, selon les poètes, Ajax ou Oreste, dans leur folie (insanientem). Pour certains autres, c’est par l’esprit qu’ils déraisonnent (quidam animo desipiunt). 20 Si ce sont les images qui trompent les malades, il faut voir, avant tout, si elles sont tristes ou gaies. En cas de tristesse, il faut donner l’ellébore noire pour faire purger par le bas ; en cas de gaieté, l’ellébore blanc pour faire vomir. Et si le malade n’accepte pas cela dans une boisson, il faut l’ajouter à du pain, pour tromper plus facilement ; car si le malade se purge bien, il éprouvera un grand soulagement... 21 Mais si c’est la raison qui fait défaut au fou (si vero consilium insanientem fallit), le meilleur traitement est d’utiliser certaines corrections (tormentis). Quand il dit, ou fait, quelque chose de travers, il doit être corrigé par le jeûne, les chaînes, des coups. Il doit être contraint à être attentif, à apprendre quelque chose, à s’en souvenir. On obtiendra, en effet, ce résultat que, peu à peu, il sera contraint à réfléchir sur les raisons de ses actes (considerare quid faciat). En plus des terreurs soudaines, des craintes sont utiles dans cette maladie et, en règle générale, tout ce qui ébranle violemment l’esprit29. »
28Je note seulement ce rôle des images que Celse attribue à la phrenitis, ou phrénésis, comme on voudra :
« Mais la phrénésis existe alors seulement, écrit-il, quand la déraison (dementia) commence à être continue ; ou bien quand le malade, bien qu’il ait encore son bon-sens (quamvis adhuc sapiat), reçoit pourtant certaines images sans fondement (quasdam vanas imagines) ; elle est complète quand l’esprit des malades s’abandonne à ces images (ubi mens illis imaginibus addicta est). »
« Arétée parle d’une angoisse perpétuelle de l’âme, liée à un unique objet, sans fièvre30, pour définir la mélancolie31 » (définition critiquée par Mercuriale mais défendue par Montalto).
Gravité de la mélancolie
29Mercuriale est parfaitement conscient de la gravité de cette maladie. Dans son édition des Aphorismes d’Hippocrate, il traduit ainsi l'aphorisme hippocratique VI, 23, dont j’ai si longuement parlé :
« Si timor, atque moestitia longo tempore habentes perseverent, ex eo atra bilis significatur »
« Si crainte et tristesse durent longtemps, c’est le signe de la mélancolie32. »
30Après une discussion sur la signification des mots timor et moestitia et leurs causes, en passant par Galien et Aristote, Mercuriale écrit que le sens de cet aphorisme est d’attirer l’attention des médecins sur la gravité de la maladie, et le risque de suicide. Il importe de prêter une grande attention à donner des remèdes contre la mélancolie, surtout quand crainte et tristesse sont continues ; il ne faut pas abandonner, bien que les malades soient très difficiles à guérir.
« Comme le dit Aristote (in fine Eth. Lib.7), les mélancoliques ont besoin d’une médication assidue, parce que leurs corps souffrent sans cesse. »
31On commence à percevoir que, à travers ce qui nous paraît des accidents, c’est tout un terrain de références dans lequel peut s’installer un diagnostic. Ce n’est, finalement, pas plus bizarre, et même plutôt moins ésotérique, que certains textes psychanalytiques que je lis parfois. Et le pronostic qui est lié à la mélancolie, maladie dangereuse qui se conclut souvent par le suicide, je ne pense pas qu’un psychiatre contemporain pût le contester.
Les liens des imagines et de la mens33
32Je ne reviendrai pas ici sur les problèmes si importants de la perception, et des débats auxquels ils ont donné lieu34. Il est, en effet, difficile de comprendre quelque chose à ces imagines, si nouvelles et si riches d’allusions philosophiques, si l’on ne se plonge pas dans les débats, fort passionnés, sur la « réalité des perceptions ». Là, je ne saurais que rappeler quelques faits intéressant la médecine ancienne.
33Arétée, par exemple, distingue ce qu’on peut appeler l'hallucination, c’est-à-dire le « rêve éveillé », la perception sans réalité qui la provoque, la sensation vaine35, de Γillusion36, c’est-à-dire une mauvaise interprétation à partir d’un stimulus réel. Il réserve les hallucinations à la phrénitis, les illusions à la manie37.
Galien : Lieux affectés, IV, 2 = VIII K 225 = D. II, 587ss
« Il existe deux phrénitis simples, et une troisième composée des deux autres. En effet, certains phrénitiques ne commettant aucune erreur dans le discernement sensible des choses visibles ne sont pas dans leur état normal quant aux jugements intellectuels. D’autres, au contraire, ne commettent aucune erreur de jugement, mais sont entraînés de façon désordonnée par leurs sens. Chez d’autres les deux phénomènes se produisent38 »
34Il me fallait bien donner un certain nombre de renseignements qui nous sont indispensables pour éclairer ces débats. Sinon ils pourraient nous sembler vains. Il va de soi que pour Mercuriale la question de l'imagination est très importante, et que l’établissement de la présence d’une « maladie de l’imagination » le sollicite beaucoup. Or il a, en Tasso, un malade qui peut l’intéresser.
Retour à Tasso
35La lettre que Tasso adresse au médecin Giovann’Antonio Pisano39 est bouleversante. C’est un appel au secours.
36La rhétorique de cette lettre, remplie de références hippocratiques, est très intéressante, si on la rapproche de celle adressée à Mercuriale. Cela commence par un rappel de la convention dualiste, avec l’interprétation de l’oracle : Connais-toi toi-même. Ce qui veut dire, selon lui, qu’il faut connaître d’un côté la nature de l’âme, de l’autre celle du corps. Des deux côtés, dit Tasso, la connaissance qu’il a de lui est imparfaite.
« À mon sens, écrit-il, ces deux sciences (philosophie et médecine) se sont partagé leurs fonctions, en sorte que l’une considère principalement l’âme, l’autre le corps humain, qui est sujet de la médecine40. »
37Voilà bien l’expression vécue du triomphe du dualisme que j’ai mis en valeur jadis41. Il s’agit d’une maladie chronique (la mia lunga malattia p. 89) ; de cette maladie selon lui, qu’Hippocrate a appelée morbus imaginatus (« quella infirmità, che da Ippocrate è detta morbus imaginatus. » p. 90).
38En fait il fait allusion à un passage du traité hippocratique Des glandes, que je cite ici :
« D’autres fois, le cerveau ne fait pas la fluxion âcre ; mais, arrivant en excès, elle y cause de la souffrance ; la pensée se trouble, et le patient va et vient, pensant et voyant des choses fâcheuses et supportant le caractère de la maladie avec des sourires à lèvres serrées et des phantasmes étranges φέροον το ἦθος τῆς νούσου σεσηρόσι42 μειδινμασι καὶ ἀλλοκότοισι φαντάσμασιν43. »
39Morbus imaginatus, évidemment, nous rappelle le morbus imaginosus de Scaliger44, dit Tasso.
« Je suis un Grec ! »
« Les barbares, comme a écrit Hippocrate, n’usent pas de medicaments45. » « Mais moi, qui suis comme nourri dans les études et les arts des Grecs46... »
40Laissons de côté tous les lieux communs de laphilanthropia médicale, dit Tasso, le Serment, etc. « Je ne saurais aller vous consulter par cette chaleur à Naples ; mais il y a un vieux médicament que je veux essayer... Donnez-moi de l’ellébore, docteur ! » Les allusions, les citations se poursuivent. Lettre à Damagète, 21, 25. IX L 391 :
« Il faut purger par l’hellébore ceux chez qui une fluxion descend de la tête... » « Donnez-moi l’ellébore, médicament des héros comme des philosophes. »
41Et encore : « Totus homo est morbus et sui auxilii servus... » Ce sont les termes de la Lettre 17 (à Damagète), IX L 372 :
« L’homme tout entier, depuis sa naissance, est maladie et asservi à son propre secours. »
42Le texte continue : « Nourrisson, il est inutile à lui-même, et implorant le secours (ικέτης βοηθείης...). »
43Conclusion de la lettre : très importante. « Je suis tout entier maladie ; et si je dois être le serviteur de mon secours, de qui serai-je le serviteur47 ? »
44Lettre très complexe. On y trouve la demande hypochondriaque du médicament. Et en même temps l’affirmation que finalement c’est le malade qui est le responsable de lui-même. Mais alors qui est le responsable en lui ?
45On peut rapprocher cette lettre de la Lettre à Scipione Gonzague, 1587 (p. 82), et ce passage, qu’on pourrait intituler Tasso en Démocrite.
« Je suis en mauvaise santé, et si mélancolique que je passe pour fou, auprès des autres et de moi-même, quand dans l’impuissance où je suis de garder cachés tant de pensées ennuyeuses, et tant d’inquiétudes et de soucis d’un esprit malade et perturbé, j’éclate en soliloques sans fin ; et ceux-là, s’ils sont entendus de quelques uns (et ils peuvent bien l’être de beaucoup), sont alors connus de beaucoup, mes projets, ce que j’espère, ce que je désire. La médecine de l’âme est la philosophie, avec laquelle je me soigne très souvent. Je commence donc à rire de tous mes malheurs, de l’opinion que les hommes ont de moi, et de ma stupidité passée qui me la fit confirmer ; mais ce rire est si voisin de la folie que j’ai besoin d’ellébore48. »
46C’est là, évidemment, du rire de Démocrite qu’il s’agit, celui du Démocrite des Lettres du Pseudo-Hippocrate49 Lettre 14. 21 à Damagète :
« Démocrite rit sans cesse, disent-ils, et il ne cesse de rire à propos de toute chose, et cela leur paraît signe de folie. »
Tasso
47On vient de voir Tasso penser, expliquer sa maladie en termes médicaux. Mais je ne saurais conclure sans évoquer deux admirables textes qui concernent la métaphore et la phantasia, c’est-à-dire la création poétique et la maladie.
La métaphore
48Tasso se vit et se comprend à travers Aristote. Il se dit mélancolique par maladie et par nature. Il vit son drame de poète, distinguant sa folie pathologique de sa folie créatrice, en termes aristotéliciens, en adoptant la métaphore du tireur à l’arc ; c’est l’aventure si émouvante qu’a bien montrée Françoise Graziani50. Tasso écrit dans le Messaggiero :
« Et bien que je ne sois pas plein d’excessive espérance, comme on peut le lire à propos d’Archelaos roi de Macédoine51, je ne suis pourtant pas si froid et glacé que je sois contraint de me tuer, mais à la manière du chasseur qui a lancé son trait il me semble avoir touché la proie avant d’empoigner la bête de mes mains, et il me semble prévoir de loin les similitudes et les conséquences (e mi par di antiveder da lontano le cose simili e le consequenti52) : et à force de faire des images et des songes infinis comme celui-ci, dont je crois bien que c’en est un, à la manière d’un archer qui tire tout le jour j’atteindrai peut-être une fois la cible de mes pensées53. »
49Oui, ce fut une grande émotion pour moi de trouver, vécue par un grand poète, le texte aristotélicien, dans son exactitude. Non pas une référence, mais comme si la vie même de Tasso était le vrai commentaire du texte. Il s’agit de ce passage, si difficile à interpréter, de Divination dans le sommeil.
« Les mélancoliques, à cause de la force, comme des gens qui tirent de loin, tirent juste. Et à cause de leur aptitude à être changés rapidement <464 b˃ le contigu (τò ἐχόμενον) leur apparaît ; car comme les poèmes de Philaegide (ou Philaenis) et les fous disent et pensent le contigu dans le semblable, par exemple Aphrodite (phrodite), de même aussi ils mettent en contact en allant de l'avant. Et de plus, à cause de la très grande force, leur mouvement n’est pas détourné par un autre mouvement. »
50L’eustochia, c’est-à-dire la réussite dans le tir, tient ici non pas à la visée, au rapport entre la force de tir et la cible, mais seulement à la force du tireur ; et plus le tireur tire de loin, plus il tire juste ; il n'estpas question de la cible. Il faut bien penser que cette cible existe ; mais elle est dévoilée en même temps que le trait la touche, et que, la touchant, il la révèle comme cible, comme sa cible. Il faudra même aller jusqu’à dire comme la bonne cible.
51La question aiguë et féconde de ce passage est celle du sens d’echomenon (ἐχòμενoν).
52« Contigu est ce qui étant consécutif est en outre en contact54 » dit Aristote. Le continu est dans le genre du contigu55.
53Le mélancolique produit des contacts ; met en contact, en rapport de contiguïté, des choses qui ne sont pas à première vue dans cette situation ; parce que changeant de place et de postures, par le fait qu’il est métablétique, il assure, dans le temps, ce contact. C’est lui qui se déplace et, ce faisant, met en rapport de contiguïté ce qui était séparé dans l’espace.
54C’est une autre façon d’expliquer la métaphore. La métaphore suppose du trou ; il faut un espace intermédiaire que le transport, justement, abolit. Cela implique un certain nombre de choses. Si j’osais une formule, je dirais que le mélancolique (ou le fou) tient le séquent pour du conséquent ; la séquence pour conséquence.
55On se trouve exactement dans la même cohérence que j’avais mise en évidence dans le Problème XXX. Ce ne sont pas les choses qui changent ; c’est l’individu qui se transporte, s’il est doué pour cela. Cela relève de sa nature, de son tempérament. On retombe toujours sur le même problème qui est celui des deux temps de la métaphore. C’est le mélancolique, c’est lui-même comme nature et comme individu, qui assure la contiguïté des choses qui ne se touchent pas.
56Il faut penser, dis-je, que les mélancoliques sont métaphoriques parce qu’ils sont métablétiques ; c’est-à-dire, pour tâcher d’être plus clair, qu’ils sont capables de transporter parce qu’ils sont transportables et transportés.
57Comment doit-on penser alors l’espace de la métaphore ?
58Le milieu, c’est moi-même.
59Le lieu qui fait le lien c’est moi.
60Je suis devenu autre, et ayant fait ce parcours, j’ai relié les deux.
61Voilà quelque chose qui heurte la raison.
62Tasso incarne le texte aristotélicien. Il s’y connaît en transformation, en mimésis. C’est sa vie et sa souffrance. Il incarne et vit cette problématique de la métaphore.
La phantasia
63Pour les phantasiai, comment ne pas trouver extraordinaire, émouvant, captivant ce témoignage de Tasso qu’est la Lettre à Maurizio CataneoRoma56.
« Et au travers de tant de terreurs et de tant de douleurs, m’apparut, dans l’air, l’image de la glorieuse Vierge, avec son Fils dans les bras, [...] Et bien que cela eût pu être une apparition (fantasia), parce que je suisphrénitique, et pour ainsi dire sans cesse perturbé par des fantasmes variés, et que je suis plein de mélancolie sans fin, néanmoins, par la grâce de Dieu, je peux arrêter mon assentiment (cohibere assensum) quelquefois, opération qui est celle du sage, comme le dit Cicéron ; en conséquence plutôt devrais-je croire que ce fût là un miracle de la Vierge. »
64C’est l’allusion très précise à Cicéron, Lucullus, 94, 14 : « etiam a certis et inlustrioribus cohibes adsensum ; hoc idem me in obscuris facere non sinis. »
65Tasso connaît les définitions médicales de la phrénésie ou de la mélancolie. Et il juge de la qualité de sa phantasia selon les critères stoïciens, en citant Cicéron. Il faut se référer à la théorie stoïcienne de la phantasia cataleptique, c’est-à-dire de l’apparition (ou représentation) saisissable et saisie. Pour qu’elle le soit, il faut qu’elle présente des caractères de clarté et de précision. À ce moment, le sage pourra « donner son sentiment ».
66On peut se souvenir ici de ce que dit Caelius Aurélien, médecin fort important, dont des critères stupides de style masquent maintenant l’influence, si grande au XVIIIe siècle. Laennec encore, au XIXe siècle, avait entrepris de traduire des passages de son chapitre des Maladies aiguës consacré à la phrénitis.
Μ. A. I, De phrenitide
« 55 Donc, nous pensons que le siège de la maladie n’est autre que l’ensemble du corps tout entier, car il est tout entier agité par la fièvre. Enfin, le signe des fièvres rentre dans la constitution de signes ; ce qui fait que nous soignons le corps tout entier ; mais nous disons que la tête est davantage affectée ; et, en effet, les signes antécédents le montrent, comme la lourdeur de la tête, la sensation de tension, la douleur, les bruits que l’on entend, le tintement des oreilles, la sécheresse, et la gêne qui paralyse les sens (sensuum impedimentum), et tous les signes qui sont reconnus comme ceux de la présence de la maladie ; chaque sens manque à sa fonction de saisie (singulisensus suo careantapprehensionis officio57) ; les paupières sont dures, les yeux injectés de sang et proéminents ; la rougeur des joues, la tension des veines, le gonflement et la plénitude du visage, l’aspérité de la langue. »
67Le « devoir, la fonction de saisie des sens »... L’influence stoïcienne est évidente. Retenons pour l’instant l’expression.
68C’est le moment de songer à Montaigne et de sa « rencontre » avec Tasso (Essai, II, 12, p. 518) :
« Quel sault vient de prendre de sa propre agitation et allégresse, l’un des plus judicieux, ingénieux et plus formés à l’air de cette antique et pure poësie, qu’autre poète italien n’aye de longtemps été ? N’a-t-il pas de quoy sçavoir gré à cette sienne vivacité meurtrière ? à cette clarté qui l’a aveuglé ? à cette exacte, et tendue appréhension de la raison, qui l’a mis sans raison ? à la curieuse et laborieuse quête des sciences, qui l’a conduit à la bêtise ? à cette rare aptitude aux exercices de l’âme, qui l’a rendu sans exercice et sans âme ? J’eu plus de despit encore que de compassion, de le voir à Ferrare en si piteux estat survivant à soy-mesmes, mescognoissant et soy et ses ouvrages58... »
69J’ai mis entre guillemets le terme de rencontre, parce que certains contestent qu’elle eût jamais lieu. Il n’en est pas mention, en effet, dans le Journal de Voyage de Montaigne. En fait, quoi qu’il en soit, cette rencontre peut se faire ici, entre la lettre à Maurizio Cataneo qu’on vient de citer. Bien certainement Montaigne ne la connaît pas. Il n’a certainement pas pu discuter avec Tasso, l’eût-il rencontré. Mais il a pu se faire renseigner, par exemple, sur les plaintes du prisonnier. Souvenons nous de sa lettre à « Giovann’Antonio Pisano59 :
« ... j’éclate en soliloques sans fin ; et ceux-là, s’ils sont entendus de quelques uns (et ils peuvent bien l’être de beaucoup), sont alors connus de beaucoup, mes projets, ce que j’espère, ce que je désire. »
70Quoi qu’il en soit, voilà bien une rencontre, qu’elle soit fictive ou non, entre l’analyse que fait Tasso de sa souffrance, et ce qu’on pourrait appeler le diagnostic de Montaigne. La question qu’il pose, sur le mode ironique en tous sens de ce mot, - et l’ironie est une prise de distance-, s’étale sous forme de paradoxes. Tué par sa propre vitalité, pourrions-nous dire, aveuglé par la clarté, rendu bête par sa quête du savoir,.. et cette exacte, et tendue appréhension de la raison, qui l’a mis sans raison.
71Comme il est étrange de trouver cette expression chez Montaigne ! C’est exactement de cela que Tasso se dit souffrir. De son attention aiguë et pathétique à distinguer entre les vraies et fausses apparitions, pour enfin décider et agir ! ? Montaigne connaît aussi son Cicéron. En tout cas il a vu, semble-t-il, en cette tension terriblement désespérée de Tasso, pour opérer de la distinction et de la clarté dans ses multiples apparitions, la raison de sa folie60. Extraordinaire diagnostic de Montaigne.
72L’Antique est là, et c’est le même, et pourtant, qu’est ce qui change ?
73Une des choses qui séparent les deux approches de l’Antique, celle de Tasso et celle de Montaigne : Tasso est passé de l’autre côté du miroir, si l’on peut dire. Ce ne sont pas des citations que fait Tasso ; il se vit en Démocrite entouré d’Abdéritains qui le soupçonnent d’être fou, comme dans la Lettre du Pseudo-Hippocrate. Il pense en Aristote, il parle en Cicéron. Le rire de Démocrite. Tasso est à la fois Démocrite et son Abdéritain. Ce rire que les Abdéritains prennent pour celui d’un fou, que Démocrite affirme sensé, dans les Lettres du Pseudo-Hippocrate, s’il était fou en vérité ?
« Non si tratterà qui della malinconia di Torquato, la cui storia ha scarsa rilevanza per la storia della letteratura61... »
74On pourra bien dire que la mélancolie de Tasso n’a rien à voir avec l’histoire de la littérature. J’en conviendrai à la rigueur. Mais, chose beaucoup plus importante et grave, cela concerne la poétique, son essence et son histoire.
Notes de bas de page
1 Si bien traduits par Françoise Graziani.
2 La traduction de ce texte a été entreprise par j. M. Agasse. Le premier volume est paru : Girolamo Mercuriale, De Arte Gymnastica, L’Art de la Gymnastique, livre premier, édition, traduction et notes par Jean-Michel Agasse, Paris, Les Belles Lettres, 2006.
3 On trouve une biographie de Mercuriale dans l’introduction au reprint du De arte gymnastica (Stuttgart 1978), par V. Nutton. On se reportera à la bibliographie d’Agasse.
4 Lettre a Girolamo Mercuriale... 1583, Lettere d’umor malinconico, p. 31-34, = Lettere XXXIV, p. 164.
5 Rodimento d’intestino, con un poco di flusso di sangue : tintinni ne gli orecchi e ne la testa, alcuna voila si ford che pare di averci un di questi orioli da corda ; imaginazione continua di varie cose, e tutte spiacevoli ; la qual mi perturba in modo, ch’io non posso applicar la mente a gli studi pur un sestodecimo d'ora ; e quanto più mi sforzo di tenervela intenta, tanto piu mi sono distratto da varie immaginazioni, e qualche voila da sdegnigrandissimi, i quali si muovono in me secondo le varie fantasie che mi nascono.
6 Lettere d’umor... op. cit., p. 64-6.5· « ... si come non pub esser sano un corpo che sia nutrito sempre di cose che non gli piacciano, ne sono giovevoli a la sua natura, cosi l’animo, al quale si nieghi ogni piacere, ricusa ogni medicine. »
7 Liber responsorum et consultation-uni medicinalium, Cons. 24. Burton (Burton p. 1144) cite Mercuriale (n. 7).
8 Liber responsorum et consultationum medicinalium, Cons. 25.
9 Liber responsorum et consultationum medicinalium, Cons. 6, 9, 25 = Burton p. 1138.
10 Burton, p. 786 : « Selon Arétée les bains d’alun sont supérieurs à tous les autres, et selon Mercuriale, ceux de Lucca sont salutaires contre la maladie hypochondriaque ; il demande que le patient reste 1 5 jours dans les thermes de Lucca, qu’il en boive l’eau et qu’il s’en asperge, ou bien qu’on lui en verse des seaux sur la tête. »
11 Mercuriale est cité près de 50 fois dans l'Anatomie de la Mélancolie.
12 Nous citerons Burton dans la traduction par Hôffner, parue chez Corti, Paris. Mercuriale est cité parmi les auteurs importants sur la mélancolie, p. 217.
13 P.I. 194.
14 Voir son livre Consiliorum medicinalium, Cons. 5, Sect. 3.
15 B.P. 416.
16 Nous citons toujours la traduction de Bernard Höffner.
17 Mercurialis, Variarum Lectionum, lib. VI, cap. V, p. 465-466 de mon édition de Venise.
18 Imaginosa est une lecture très récente.
19 Tr, Saint Denis légèrement modifiée.
20 Scaliger, Castigationes in Catullum, Paris, Robert Etienne, 1577, Castigationes, p. 35-37.
21 Or voici ce que Scaliger avait écrit, en choisissant de lire solet haec imaginosum. « Les poètes latins auteurs d’épigrammes écrivent souvent solet sans y joindre l’infinitif. Hic solere imaginosum est, solere imaginosum morbum aegrotare. Ce qu’on pourrait traduire : « elle a souvent le mal imaginaire. »
22 Traduction de Luc Brisson, Paris, GF Flammarion, 1997, p. 227.
23 p. 425-426.
24 Cf. J. Pigeaud, Folie et cures de la folie... Paris, Les Belles Lettres, 1987, p. 78.
25 VII K 60-61.
26 Cf. Poétiques du corps, « La psychopathologie de Galien », Paris, Les Belles Lettres, 2007.
27 III, 18.
28 III, 19-21.
29 L’idéologie de la « secousse » !
30 "A perpetuall anguish of the soule, fastenened on one thing, without an ague...” Arétée : ἑστι δὲ ἀθυμίη ἑπὶ μιῇ φαντασιῇ άνεῦθε πυρετοῦ.
31 Medicina practica, De affectionibus capitis, Lib. 1, cap. 10.
32 Hieronymi Mercurialis... in omnes Aphorismos Hippocratis obscuriore loci, Lugduni,.1631, p. 195-197.
33 φαντασίᾳ διανοία φαντασίᾳ γνώμη.
34 Je me permettrai seulement de renvoyer au chapitre de mon livre Folie et cures de la folie... Quelques remarques sur l’hallucination et l’illusion dans la philosophie stoïcienne, épicurienne, sceptique, et la médecine antique, op. citp. 95-127.
35 Cf. le sens de vanus chez Celse : sans fondement : III, 18, 3 : vanae imagines ; III, 18, 18 : varia tristitia ; Ill, 18, 10 : vani metus.
36 Je me suis expliqué sur ce vocabulaire. Cf. Folie et cures de la folie..., op. cit.
37 Ibid., p. 91.
38 Cf. La psychopathologie de Galien, op. cit., p. 162.
39 Torquato TASSO, Lettere d’umor malinconico, a cura di Marina Cabria e Stefano, Genova, 1992. p. 87-98 ; 1589. Ce médecin lui avait déjà prescrit des bains fréquents et autres remèdes.
40 p. 89.
41 La maladie de l’âme, passim.
42 A rapprocher du sourire mélancolique.
43 Éd. tr. R. Joly, Paris, CUF, 1978. XII, 2, p. 119.
44 Il est vraiment regrettable que nous n'ayons pas d'édition critique de la correspondance de Tasso.
45 Ancienne Médecine, V, 6. Cf. Jouanna, p. 124 de son éd. de la CUF
46 « Ma a me, che son quasi nutrito ne gli studi e ne l'arti dei Greci... »
47 « Iο son tutto infirmità, ; e se debo esser servo del mio aiuto, di chi sard servo ? Sinora son di me stesso... »
48 « Io son poco sano, e tanto maninconico, che sono riputato matto da gli altri e da me stesso, quando non potendo tener celati tantipensieri noiosi, e tante inquietudini e sollicitudini d’animo infermo eperturbato, io prorompo in longhissimi soliloqui ; li quali, se sono da alcuni ascoltati (e possono esser da molto), a molti sono noti i miei disegni, e quel ch’io speri, e quel ch’io disideri. La medicina de l’animo è lafilosofia, con la quale io mi medico assai spesso. Laonde comincio a rider di tutti i miei infortuni, e di tutti i opinione ch’anno gli uomini di me, e de la mia passata sciochezza, con laquale io la confermai : ma questo riso e cosi vicino al furore, cho bisogno di veratro... »
49 Cf, l’édition commentée par Yves Hersant, Paris, Payot-Rivages ; et La maladie de l'âme, p. 452.
50 Le Tasse dans la prison des fous ou le songe du mélancolique, à paraître.
51 Souvenir du Problème XXX, 1. Cf mon commentaire dans L’homme de génie et la mélancolie., op. cit.
52 Souvenir de Divination dans le sommeil. Voir notre Vérité des songes, Paris, Payot-Rivages.
53 Tr. Graziani., éd. Mazzali, p. 19. Baffetti, p. 325.
54 Physique, V, 227a 6.
55 Ibid.
56 Torquato Tasso, Lettere d’umor malincolico. Genova, EGIG, 1992, p. 56-57 : “E fra tanti terrori e tanti dolori, m'apparve in aria l'imagine de la gloriosa Vergine, col Filio in braccio, in un mezzo cerchio di colori e di vapori : laonde io non debbo disperar de la sua grazia. E benchè potesse facilmente essere una fantasia, perch'io sono frenetico, e quasi sempre perturbato da vari fantasmi, e pieno di maninconia infinita ; nondimeno, per la grazia d’Iddio, posso cohibere assensum alcuna volta : la qual operazione è del savio, comme place a Cicerone ; laonde più tosto devrei credere che quello fosse un miracolo de la Vergine... ”
57 Apprehensio, grec catalepsis, cf. C.A. MA, Lethargiae passio, quant Graeci catalepsin appellant, nos apprehensionem vel oppressionem vocarepoterimus... Sur le sens d'officium chez Caelius et l’influence stoïcienne, cf. mon article Pro Caelio Aureliano.
58 Montaigne, Les Essais, Paris, La Pochothèque, 2001, p. 767.
59 Supra, p. 22.
60 C'est pourquoi je ne pense pas que la note de la récente édition de Montaigne (Paris, Pléiade, 2007), soit juste, qui donne pour appréhension le sens d’effort (op. cité). Il faut donner au mot un sens technique, philosophique.
61 C’est ce qu’écrit Fabio Giunta, « Ammalato ? Ammaliato ! Il corpo incantato di Torquato Tasso ». Article en ligne (http://www.griseldaonline.it/percorsi/3giunta.html).
Auteur
Membre de l’Institut Universitaire de France
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