La péninsule italienne
p. 169-190
Texte intégral
Introduction
1Au cours du XVIe siècle, l’Italie fut le théâtre d’événements destinés à transformer la physionomie de ce pays et de l’Europe moderne, du point de vue religieux, politique et culturel. Des événements placés sous le signe de l’affrontement. Affrontements à l’intérieur de la péninsule, à travers la dure répression dont furent l’objet les aspirations diffuses au renouveau religieux à l’œuvre à l’intérieur de l’Église catholique et par l’assujettissement des États au pouvoir romain. Affrontements en Europe par les effets destructeurs de la riposte catholique dans le cadre géopolitique européen, jusqu’à la paix de Westphalie.
2L’Église de Rome fut le protagoniste incontesté de ces luttes. Le sursaut spectaculaire de cette institution qui réussit à se relever de la profonde décadence religieuse et morale dans laquelle elle s’enfonçait au début du siècle pour se transformer en ecclesia triumphans de la Contre-Réforme, est à l’origine de l’évolution de la situation religieuse italienne, avec des effets diffus et à long terme. C’est ainsi que l’Italie est apparue comme le lieu par excellence de la mise en œuvre de la « confessionnalisation » et de la « disciplinarisation », établies dans l’Europe des XVIe-XVIIe siècle par l’action concordante des Églises et des États, dans la perspective de la formation de l’État moderne. L’Église catholique a même été désignée comme le modèle de réorganisation et de rationalisation des appareils institutionnels pour les États italiens, et comme l’acteur principal de la naissance de la modernité (Prodi, P., 1982).
3L’indubitable centralité de Rome dans le processus historique italien ne doit cependant pas masquer les nombreuses tentatives de résistance à sa domination dans la péninsule, ni le poids historique de son action répressive envers le non-conformisme culturel et religieux, ni, enfin, les conditions particulières de la « confessionnalisation » liées au fait qu’en Italie, l’Église fut le seul agent de ce processus en raison de la faiblesse des États italiens. Donc, si l’Église catholique a ainsi soumis la société italienne à ses valeurs et à ses institutions au cours de la « longue Contre-Réforme » (ainsi nommée), ce fut principalement à travers l’imposition forcée de cette dernière aux souverains et aux individus, avec l’appui de la censure et de l’inquisition et avec une manipulation minutieuse et massive des consciences : c’est-à-dire par des instruments certes efficaces, mais qui ne furent modernes que dans leur efficacité. Tout autre est la modernité qui s’enracine et se développe dans la liberté individuelle. Dans cette optique, même le renouveau religieux et culturel de l’âge tridentin revêt une autre connotation et il faut reconsidérer l’évolution de l’Italie à l’époque moderne avec une attention plus grande au caractère complexe et sinueux de ce parcours, à ses lumières et à ses ombres, aux occasions perdues. Il y faut être attentif à une Italie différente : un pays où, dans les premières décennies du XVIe siècle, une exceptionnelle vivacité culturelle se mêle à une volonté de réforme religieuse, puissante, originale dans ses réalisations et diffusée dans toutes les couches sociales ; un pays où la synthèse féconde entre les exigences critiques de la Renaissance, les nouvelles aspirations spirituelles et les idées réformées prit la forme de projets d’une societas christiana, transformée sur le plan politique, social et culturel. Des projets qui, s’ils avaient été réalisés, auraient changé l’histoire du pays.
Église et société dans la crise religieuse du premier XVIe siècle
4Au début du siècle, il était difficile de présager du cours des événements à venir en Italie. La société italienne du premier XVIe siècle connaissait un moment d’extraordinaire floraison sur le plan artistique et culturel, les villes s’enrichissaient de trésors en peinture et en architecture, les bibliothèques et les demeures privées d’œuvres d’avant-garde, les artistes et les intellectuels faisaient école auprès de toute l’Europe en diffusant les découvertes révolutionnaires de la Renaissance, avec l’aide d’une florissante industrie typographique. Contrastant avec la splendide Renaissance des Léonard, Bramante, Raphaël et Arioste, la situation politique et religieuse était dramatique. C’était le temps des « horribles guerres » d’Italie qui bouleversèrent les États italiens naissants, enjeux des conflits entre les grandes puissances européennes, des Habsbourg et des Valois, provoquant une grave crise politique à l’intérieur du pays et une grande instabilité sociale, avec leur cortège d’épidémies, de disettes et de dévastations. Au cours de ces années, l’Église catholique connut l’apogée de sa puissance temporelle, revêtant un rôle de premier plan sur la scène italienne et internationale, grâce à la consolidation territoriale et au dynamisme politique et culturel mis en œuvre par les papes qui se succédèrent sur le Saint Siège, Alexandre VI, Jules II, Léon X. Mais ces années furent aussi celles du point maximum du déclin spirituel de Rome.
5La politique poursuivie par l’Église catholique depuis le Moyen Âge, visant à son insertion dans le système féodal et à l’affirmation de sa suprématie sur l’Empire, et au monopole exercé sur les moyens du salut, les sacrements, tout cela en avait fait la plus grande puissance de l’Occident romain, au détriment de son rôle spirituel, celui-ci toujours plus déclinant à cause de l’ignorance, de l’avidité, de la corruption et du caractère mondain du clergé, du sommet à la base. L’Église de Rome avait perdu son autorité auprès de ses ouailles, devenant l’objet d’une satire féroce de la part des fidèles et des ecclésiastiques eux-mêmes dans les pasquinades et dans une abondante littérature de libelles anticléricaux. Les moqueries, la critique acerbe, la dénonciation morale n’éliminaient cependant pas la question cruciale, c’est-à-dire l’angoisse qui étreignait la chrétienté devant l’incapacité à obtenir de la seule institution légitime pour le faire, une réponse à son problème le plus pressant : le salut. La dilatation des espaces géographiques et mentaux avec les découvertes géographiques, les profondes transformations internes de la société, la décadence de l’Église et la crise des institutions étatiques, sur fonds d’un climat constamment guerrier et de la menace turque, provoquèrent dans la chrétienté, en Europe et plus encore en Italie, un sentiment d’égarement, de profonde tension religieuse qui se manifesta par une attente angoissée de l’apocalypse de la fin des temps. La crise religieuse réside tout entière dans cette conjoncture : l’angoisse croissante des chrétiens au sujet de leur destin dans l’au-delà et l’absence de réponse appropriée de la part de l’Église.
6En Italie, la situation était compliquée à cause de la fragilité institutionnelle des États. L’interdépendance entre crise de l’État et crise spirituelle et morale de l’Église marque de manière particulière l’histoire religieuse italienne du premier XVIe siècle, en déterminant aussi l’évolution ultérieure. Ce fut dans ce climat que se répandit dans toutes les couches de la société l’attente d’un personnage, sous les traits de l’empereur ou d’un « pape angélique », capable de mettre fin à la « ruine » de l’Italie déplorée par Machiavel et Guichardin, et d’inaugurer une nouvelle ère de paix après les temps apocalyptiques. Des foules de prédicateurs (fameux comme Savonarole, mais aussi obscurs), d’ermites, de conteurs, de prophètes, de « saintes vivantes », d’astrologues, d’auteurs d’écrits de tous niveaux, des apparitions de monstres, des conjonctions astrales et d’autres signes divins alimentèrent et exprimèrent cette angoisse collective, en puisant dans une forte tradition joachimite et anticléricale. La tragédie du sac de Rome, œuvre des lansquenets, avec les violences terribles et les sacrilèges commis contre les hommes et les biens de celle qui était désignée comme la « grande prostituée » romaine, sembla être la réalisation, en 1527, des prophéties et des signes célestes d’une terrible punition divine provoquée par la ruine de l’Église. La réconciliation entre le pape et l’empereur, sanctionnée par le couronnement de Charles Quint à Bologne en 1530, sauva du naufrage définitif la « nef de Pierre » et ouvrit une nouvelle ère d’espoir pour la chrétienté, accompagnée du déclin du prophétisme comme phénomène politique et public. Mais l’aspiration diffuse et pressante à la réforme religieuse qui imprégnait la société italienne ne se tarit pas pour autant.
7Un tel désir de renouveau explique la diffusion considérable des œuvres d’Érasme de Rotterdam et la réception précoce de la Réforme en Italie. Les lecteurs des écrits de l’humaniste hollandais se rencontrent dans toutes les composantes de la société italienne, du peuple aux élites, des laïcs aux ecclésiastiques, ils en tirent une vision lucide des maux de l’Église, de la culture et du pouvoir ; d’un point de vue positif, une leçon rigoureuse de méthode critique et une nouvelle spiritualité à contenu éthique, cohérente avec le message évangélique, dans la pratique et la doctrine, confiante dans la miséricorde divine comme dans la liberté du libre arbitre humain. Érasme apporta aux chrétiens le Nouveau Testament dans sa langue et sa pureté originelles, nettoyé des impuretés trompeuses de la tradition grâce à une méthode d’exégèse qui, si elle fut fondamentale pour la réforme du magistère, était porteuse de conséquences doctrinales destinées à s’épanouir dans les mouvements radicaux – il suffit de mentionner, dans le contexte italien, l’antitrinitarisme de Giorgio Biandrata ou de Lelius et Faustus Sozzini. Cette méthode continua à stimuler la pensée européenne jusqu’à l’âge des Lumières. Dans les pages de l’humaniste néerlandais prit forme un nouveau modèle d’homme et de chrétien, dans une societas Christiana entièrement réformée selon l’authentique christianisme évangélique, débarrassée du ritualisme vain et de la dévotion superstitieuse de l’Église romaine. Ceci constitua un élément de référence essentiel pour la chrétienté du temps. En Italie, le message d’Érasme se traduisit, en dehors des positions radicales, par une « théologie pratique », par une « théologie du quotidien » très concrète et au profil doctrinal très flou, réfractaire aux controverses doctrinales : une théologie qui se révéla, d’une part, correspondre totalement aux exigences morales et religieuses de la société et, d’autre part, susceptible d’être investie par des positions religieuses variées. En ce sens, le succès du Sommario della Sacra Scrittura est emblématique. Édité en langue vulgaire à partir de l’original en flamand en 1544, en tirant les conséquences pratiques des idées érasmiennes et des principes luthériens (et en particulier de celui de la justification par la foi), il proposait une nouvelle éthique pour les laïcs, en identifiant vie chrétienne et bonne action dans la société. Également signifiante est l’image de l’« Érasme luthérien », forgée par les ecclésiastiques avec l’intention de le dévaloriser, mais correspondant dans le fonds à un syncrétisme réellement présent dans la péninsule.
8Cette propension au mélange et à la réélaboration autonome des idées fut du reste un des traits les plus marquants du mouvement réformateur italien. Le caractère expérimental, l’originalité, l’éclectisme et la radicalité des propositions doctrinales en furent les conséquences les plus caractéristiques : à tel point qu’il est erroné d’analyser la dissidence religieuse italienne en termes exclusivement doctrinaux. Plusieurs facteurs ont favorisé cette tendance à l’indépendance et à la créativité, les uns typiques de l’ensemble du mouvement réformateur – comme la lecture personnelle de la Bible sans la médiation ecclésiastique – d’autres plus spécifiques, comme la faiblesse prolongée du contrôle religieux de Rome allié à l’absence d’une véritable structure ecclésiastique réformée dotée d’une autorité normative. Des idées et des exigences traditionnellement présentes dans la culture italienne et les doctrines religieuses provenant d’au-delà des Alpes furent repensées et souvent radicalement transformées et réélaborées en fonction de questions revêtant un caractère d’urgence : avant tout la justification par la foi, à laquelle étaient liés le problème de la centralité du Christ, le renouvellement intérieur du chrétien, la liberté évangélique, l’émancipation de l’opprimant échafaudage rituel et normatif de l’Église, l’extension du salut à tout le genre humain. Par exemple, l’idée clé de la Réforme, de la double prédestination divine à la damnation et au salut, fut entièrement transformée par son alliance avec la doctrine, d’origine érasmienne, de l’immensité de la miséricorde divine, et aboutit à la conception particulière (et largement répandue) de la prédestination universelle au salut. Lors du synode anabaptiste de Vicence en 1550, la réflexion sur le Christ déboucha sur la négation de sa divinité et de la valeur de la rédemption, et donc du principe même de la justification par la foi (on déclara : « Le Christ n’est pas Dieu mais homme conçu de la semence de Joseph et Marie »). À partir de ses lectures de textes sacrés et profanes, le meunier frioulan Menocchio conçut de nombreuses idées hérétiques parmi lesquelles une cosmologie particulière qui se représentait le monde sous la forme d’un gigantesque fromage et les anges sous la forme de vers (Ginzburg, C, 1976). Un autre meunier de la campagne de Modène, Pighino Baroni, entièrement illettré, mais aux contacts nombreux et doué d’une vive capacité spéculative, formula des opinions hétérodoxes dont la négation de l’immortalité de l’âme et de la vie dans l’au-delà. À Modène, les gens du peuple et les artisans déduisirent de l’identification opérée par Luther du pape et de l’Antéchrist, une critique radicale de la structure sociale et économique de la société chrétienne, et ainsi de suite. À partir de ces exemples, en parcourant les papiers des procès de l’inquisition, s’ouvre tout un monde d’idées singulières, souvent extrêmes et pourtant distinctes de la tradition qu’elle soit catholique ou protestante, élaborées par de simples teinturiers, tailleurs, boulangers, forgerons, armuriers, cardeurs, blanchisseuses, servantes, à partir de lectures ou de discours entendus. Cependant, un apport fondamental fut aussi celui d’intellectuels en exil, à l’individualisme religieux forgé par l’esprit de la Renaissance comme Celio Secondo Curione, Francesco Pucci, Bernardino Ochino, Giovanni Paolo Alciati, Matteo Gribaldi Mofa, Agostino Doni, Lelio et Fausto Sozzini, Mino Celsi : avec leurs positions non conformistes et leur défense de la liberté de pensée, ils étaient destinés à fournir des aiguillons critiques affutés à la pensée de l’époque moderne en Italie et en Europe.
9Le mouvement réformateur italien ne fut cependant pas uniforme, il vit fleurir des groupes, des conventicules, des communautés, des figures d’orientations religieuses variées. En tenant compte de la fluidité doctrinale de ce mouvement, il est possible de repérer des groupes antitrinitaires et anabaptistes très radicaux sur le plan théologique, économique, politique et social (liés aussi au mouvement révolutionnaire des paysans allemands), en particulier dans le Nord-est de l’Italie ; les solides communautés vaudoises du Piémont, des Pouilles et de la Calabre, adhérant à la confession de foi calviniste après le synode de Chanforan de 1532 ; les groupes désignés de manière générique comme « luthériens », dispersés dans tout le pays, au sein desquels cohabitent des positions religieuses également très différentes les unes des autres (élaborées à partir de la base des principes réformateurs de la Sola fide et de la Sola scriptura) et parmi lesquels la Cène était souvent célébrée à la manière de Zwingli ou de Calvin ; les communautés calvinistes, souvent nées de l’évolution de ces groupes « luthériens » à la suite de la grande vague répressive du milieu du siècle, rendant d’autant plus forte l’aspiration à une autorité normative ; les cercles des « spirituels » (spirituali) dont les centres de rayonnement étaient Naples, où résidait leur maître Juan de Valdès, et Viterbe, lieu de fondation de l’ecclesia Viterbiensis de Reginald Pole. Le courant valdesien revêt une importance particulière dans l’histoire religieuse italienne, par ses succès et par l’implication de figures marquantes de la hiérarchie ecclésiastique, du monde de la culture et de la noblesse dans son projet religieux et politique (comme Pietro Bembo, Giulia Gonzaga, Vittoria Colonna, Reginald Pole, Pietro Carnesecchi, Giovanni Morone). Mise en œuvre avec détermination à partir de 1542, après l’échec de la politique de dialogue avec les Protestants et dans un climat d’espérance réformatrice renouvelé sous le pontificat de Paul III Farnese, la vie choisie par les « spirituels » semblait en passe de réaliser les aspirations les plus profondes au renouveau doctrinal et moral, sans rupture institutionnelle avec l’Église romaine, en offrant un terrain de médiation acceptable, à la fois aux protestants et à la hiérarchie romaine en vue de choix conciliaires. La proposition des « spirituels » trouvait de fait un fondement théologique dans la conception ésotérique de l’alumbrado espagnol Juan de Valdès, axée sur un spiritualisme radical, fondé sur l’illumination divine et sur la recherche d’une transformation intérieure et mystique, mais en incluant certains principes luthériens (attachement à la lettre des Écritures, prédestination, justification par la foi) tout en étant indifférent aux rites extérieurs. Le valdesianisme aboutissait à un nicodémisme qui le rendait acceptable aux yeux des élites ecclésiastiques, mais il impliquait aussi la délégitimation de la notion même d’église : ce qui en explique le succès auprès des groupes sectaires de l’Europe orientale et de la révolution anglaise, et sa condamnation par toutes les églises établies1.
10Tout en conservant une grande fluidité religieuse, le mouvement de réformation en Italie connut une très large implication de représentants de tous les groupes sociaux, des hommes et des femmes de la noblesse, des marchands, des artisans, des hommes du peuple, des tisserands, des ecclésiastiques jusqu’aux sommets de la hiérarchie romaine. De nombreux témoignages montrent des hommes et des femmes lisant des textes religieux sur les places, dans les boutiques, dans les maisons, en particulier dans les villes et discutant avec grande animation et librement des « choses de la foi ». Les couvents, masculins et féminins, sont souvent devenus les terrains fertiles de la propagande hérétique, dont le succès fut remarquable, même auprès de personnalités de premier plan dans la hiérarchie ecclésiastique, tels que Pier Paolo Vergerio évêque de Capodistria, Giovanni Morone évêque de Modène, Vittore Soranzo, évêque de Bergame, Giovanni Grimani évêque de Ceneda et ensuite patriarche d’Aquilée (tous poursuivis par la suite par l’Inquisition). Dans plusieurs villes, parmi lesquelles Venise, Modène, Lucques, l’hérésie s’enracina dans le milieu dirigeant lui-même et dans les institutions citadines, leur conférant une réputation de « villes infectées ». Mais dans de nombreuses autres villes, dans le nord et le sud de l’Italie, de Ferrare à Messine, de Bologne à Naples, de Crémone à Gênes, de Turin à Rome même, le mouvement philo-protestant se diffusa par capillarité, avec la complicité ou grâce à l’incapacité répressive des dirigeants des villes et de l’État et à cause du caractère pressant des aspirations religieuses dans la population. Cette pénétration créa un phénomène d’osmose sociale, de solidarités transversales, de rupture des barrières sociales et culturelles, unique dans l’histoire de l’Italie. En conclusion, on peut affirmer que si la Réforme demeura un phénomène minoritaire en Italie, elle eut sans aucun doute un caractère localisé et un enracinement vigoureux qui lui permit de perdurer des années trente aux années soixante du XVIe siècle, et au-delà en de faibles ramifications.
11Les prédicateurs et les livres furent des vecteurs puissants de la propagande religieuse réformée. Du haut des chaires, les messages religieux hérétiques, souvent à peine dissimulés, atteignaient facilement les masses populaires, suscitant doutes et débats, suggérant des doctrines autres que catholiques. Le cas du général de l’ordre des capucins, Bernardino Ochino, peut-être le prédicateur le plus fameux, est célèbre : après avoir défendu des doctrines spiritualistes d’inspiration valdesienne dans toute l’Italie, il s’exila à Genève en 1542, pour terminer ses jours dans les rangs des antitrinitaires en Moravie. Mais comme en témoignent les sources inquisitoriales, il ne fut que l’un des éléments d’une série abondante de propagateurs d’idées hétérodoxes.
12La vulgarisation des œuvres des réformateurs transalpins est attestée dès le début des années 1520 : entre versions originales et traductions, un flux massif d’écrits envahit la péninsule. Des « bibliothèques entières » de textes protestants, pour ainsi dire, étaient présentes dans les maisons italiennes et parfois le restèrent en pleine Contre-Réforme. La principale « porte d’entrée de la Réforme » fut Venise, grâce aux contacts commerciaux entretenus avec l’Europe du Nord, à la présence d’une communauté allemande notable et à des imprimeries importantes : des séries entières d’œuvres luthériennes entrèrent dissimulées parmi les marchandises et furent ensuite mises en vente chez les libraires ou republiées en traduction avec de fausses indications bibliographiques (par exemple sous le nom d’Érasme). C’est à Venise que fut publiée entre 1530 et 1532 la première édition de la Bible en langue vulgaire par l’exilé florentin philo-protestant Antonio Brucioli. La politique de la Sérénissime, jalouse de ses propres traditions d’indépendance et souvent en conflit avec Rome, facilita le maintien de vastes espaces de liberté religieuse, au moins jusqu’à la fin des années quarante, au point de mériter l’éloge de Luther en personne.
13L’augmentation des publications fut cependant constante dans toute la péninsule, qu’il s’agisse de textes transalpins, de leurs adaptations italiennes, ou d’écrits produits de façon autonome en Italie. L’œuvre italienne peut-être la plus significative, avec ses 40 000 exemplaires vendus uniquement à Venise, fut le Beneficio di Cristo, écrit par frère Benedetto Fontanini da Mantova et adapté par le « spirituel » Marcantonio Flaminio. Il présentait une synthèse originale des fondements doctrinaux de la Réforme et des doctrines valdesiennes, sous une forme dépourvue d’attaques polémiques contre Rome, ce qui en facilita grandement la réception par le public italien.
14Cependant, le mouvement hétérodoxe, à travers ses diverses composantes, ne fut pas le seul canal d’expression de la volonté de renouveau de l’Église en Italie. Dans les premières années du XVIe siècle, on assista de fait à une floraison d’ordres religieux et de congrégations laïques, au développement de nouvelles formes de piété individuelle, à la prolifération de figures de saintes et de saints, de prophètes et de prophétesses, dans un climat de mysticisme exacerbé (nourri de visions, de prédictions, de lévitations, d’extases) et de recherche de la perfection spirituelle et morale, qui franchit parfois les frontières de l’orthodoxie religieuse. Les ordres religieux furent nombreux, créés ex novo, ou par scission d’ordres anciens, avec une règle rénovée et plus rigoureuse, ou encore par transformation de confréries laïques dédiées aux œuvres de charité et d’assistance : par exemple les Barnabites, les Somasques, les Jésuites, fondés pour offrir aux laïcs un modèle de médiateurs ecclésiastiques instruits et moralement intègres ; les Minimes et les Capucins, nouvelles branches de l’ordre franciscain liés à l’Observance ; l’Oratoire du Divin Amour, fondé par le notaire génois Ettore Vernazza comme confrérie d’assistance, mais avec pour but principal de pratiquer les vertus évangéliques en vue du perfectionnement moral ; après l’Oratoire romain devait naître la congrégation des clercs réguliers dite des Théatins ou Chietini, du nom du diocèse de l’un de leurs fondateurs, Giovan Pietro Carafa (le futur pape Paul IV).
15Les diverses formes de rassemblements féminins furent aussi importantes. Ils se développèrent souvent dans une perspective religieuse et sociale à partir d’une figure charismatique ou d’une femme à la piété ou à l’ascèse particulière : ce fut le cas des Angéliques, rassemblées autour de la « divine mère » Paola Antonia Negri, ou des Ursulines, fondées par Angèle de Merici pour répondre aux problèmes spécifiques de la condition féminine (comme le veuvage, l’âge nubile ou la maternité illégitime). En fait, les femmes remplissent un rôle notable dans la vie religieuse de cette période : elles exercent une influence spirituelle et politique sur les gouvernants et les institutions urbaines, en tant que « saintes vivantes » et « pieuses conseillères » des princes ; elles fournissent des modèles charismatiques et de piété à la population comme « divines mères », devenant des points de référence spirituelle essentiels et des objets de culte dans les villes.
16Les hiérarchies ecclésiastiques ne furent pas non plus insensibles au problème de la réforme religieuse, parmi elles figuraient souvent des hommes jouissant d’une culture humaniste raffinée et d’une vive sensibilité religieuse. Léon X (auquel Érasme dédia sa traduction du Nouveau Testament) initia le Concile de Latran V en 1510 et fut le destinataire du Libellus ad Leonem X, écrit par Vincenzo Quirini et Tommaso Giustinani, conseillant de courageuses interventions in capite et in membris dans l’Église. Paul III réforma le collège cardinalice en plaçant des figures réformatrices et confia à l’une des plus éminentes d’entre elles, le cardinal légat du pape à Ratisbone Gaspare Contarini, la présidence d’une commission (formée entre autres de Reginald Pole, Federico Cortese, Tommasio Badia, Gian Matteo Giberti) avec la mission d’élaborer un projet de réforme universelle en vue de la convocation d’un concile. Rédigé en 1537 avec le titre de Consilium de emendanda Ecclesia, cet écrit abordait des questions cruciales comme celle des bénéfices ecclésiastiques, de la prédication et de la discipline, discutant la structure du pouvoir financier et politique de l’Église (et, en particulier, le fonctionnement de la Daterie, de la Pénitencerie et de la Chancellerie) et les pratiques ecclésiastiques. Le Consilium se heurta malgré tout à une vive opposition de la part des milieux de la Curie et resta lettre morte. Plusieurs de ses auteurs cherchèrent à résoudre la crise de l’Église en mettant en œuvre une politique de compromis et de discussion avec les Protestants, après l’échec de Ratisbonne en 1541, ils s’attachèrent au projet plus radical des « spirituels ». Mais c’était là un dessein destiné à faire long feu, car la situation désastreuse de l’Église ainsi que le climat qui s’était développé en Italie, riche d’effervescence et de diverses propositions religieuses allait recevoir de Rome une réponse très différente des attentes de tant de réformateurs : en 1542 fut instituée la Congrégation romaine du Saint Office et trois années plus tard s’ouvrit le Concile qui allait inaugurer la Contre-Réforme. Si le parcours de l’Église tridentine ne fut pas linéaire mais jalonné de difficultés, de conflits et de ruptures, ces deux événements n’en constituent pas moins une ligne de partage des eaux dans l’histoire religieuse italienne et européenne.
L’Église de la Contre-Réforme
17Avec la réorganisation de l’Inquisition médiévale dans le cadre de la congrégation romaine du Saint Office, établie par la bulle Licet ab initio fulminée par Paul III le 21 juillet 1542, s’ouvre en Italie une phase de répression du nonconformisme religieux et culturel, destinée à influer durablement sur la société italienne. La nouvelle institution, avec la centralisation des bureaux et un réseau organisé et hiérarchisé de fonctionnaires (cardinaux et membres des ordres franciscain et dominicain), assistée par un personnel d’État à qui était confiée l’exécution des peines, fut en mesure de développer en peu de temps et avec une grande efficacité son action répressive. La suprématie exercée par des cardinaux intransigeants du Sacré Collège en fit un instrument très puissant. Les pontifes Jules III del Monte (1550-1555), Marcel II Cervin (1555), Paul IV Carafa (1555-1559), Pie V Ghisleri (1566-1572), Sixte V Peretti (1585-1590) étaient issus de ses rangs, ce furent eux qui conçurent la résolution des problèmes de l’Église exclusivement en termes de destruction de l’hérésie et d’inflexible réaffirmation de la primauté du pape. Ce fut grâce à leur action que le tribunal de la foi devint l’instrument principal de réalisation du dessein de la Contre-Réforme visant à la création d’une « monarchie absolue », c’est-à-dire d’une institution ecclésiastique orientée vers le conditionnement des consciences et la domination pontificale sur le clergé, sur la chrétienté et sur les autorités temporelles. Il fut un instrument en mesure aussi de déterminer l’élection du pontife et toute la politique papale, souvent identique à celle de l’Inquisition. Ceci est un fait incontournable, qui résiste aux attaques de ceux qui se sont fait récemment les pourfendeurs de la « légende noire » de l’Inquisition. Que la pratique inquisitoriale ait été plus respectueuse des accusés que les tribunaux civils et qu’elle n’ait pas toujours prononcé de lourdes peines, comme ces derniers le soulignent, n’enlève rien au fait que le Saint Office a éliminé d’Italie toute possibilité de pensée alternative, avec la suppression physique ou l’isolement social de ceux qui s’en faisaient les vecteurs. Le Saint-Office est devenu la première source de légitimation du pouvoir religieux et le lieu fondamental de la formulation de l’idéologie catholique.
18Au début l’activité du Saint-Office se heurta à la pratique du nicodémisme répandue dans la société italienne, aux réseaux de solidarité tissés entre coreligionnaires et aux résistances des souverains et des autorités civiles, jaloux de leurs prérogatives face aux ingérences externes, ainsi qu’au profond enracinement du non conformisme religieux. L’élection comme souverain pontife de Gian Pietro Carafa marqua un tournant, il était à la tête du tribunal de la foi depuis sa création. Paul IV poursuivit avec intransigeance toute forme de dissidence même à l’intérieur de la Curie (en premier lieu celle des « spirituels »), à travers de multiples mesures : procès sans discrimination, exclusion de la hiérarchie catholique des suspects et des inculpés, recrudescence des peines contre les hérétiques, promulgation d’interdictions de lire des textes hérétiques, mais aussi dévots ou d’orientation humaniste et littéraire (le premier Index des livres interdits fut promulgué à la demande de Paul IV en 1559), mesures de ségrégation et de contrainte contre les Juifs (le premier ghetto fut créé à Rome en 1555) ; élargissement des compétences des tribunaux inquisitoriaux, qui purent avoir recours à la confession comme instrument de lutte contre l’hérésie, refusant l’absolution aux pénitents qui ne se dénonçaient pas comme détenteurs ou lecteurs de livres hétérodoxes. En même temps, le pape prit une série de mesures centralisatrices et hiérarchiques pour confirmer la primauté de la papauté (réforme des offices curiaux, institution des commissions cardinalices, choix des prélats, en particulier ceux du collège des cardinaux, parmi les membres du Saint-Office, etc.), tout cela de façon totalement indépendante du Concile qui ne fut pas convoqué à nouveau. Après un allègement de la rigueur répressive sous Pie IV, Pie V acheva l’œuvre de Carafa en renforçant et en élargissant les pouvoirs de l’Inquisition (il la dota d’un siège permanent au Vatican pour ses réunions désormais régulières et qu’il présidait en personne), il poursuivit systématiquement les derniers partisans du mouvement réformateur et les dissidents à l’intérieur de l’Église (Pole, Morone, Carnesecchi), il ordonna les massacres des communautés vaudoises des Pouilles et de Calabre.
19Jusqu’aux années quatre-vingts, l’Inquisition s’intéressa essentiellement aux hérétiques et aux minorités religieuses, pour s’orienter ensuite vers toutes les formes de religiosité, de pratiques, d’opinions culturelles différentes de l’orthodoxie, de la superstition aux déviances sexuelles, à la sorcellerie et aux idées scientifiques. Puis au cours du XVIIe siècle, elle orienta son action répressive vers les diverses formes de mysticisme (parmi lesquelles, à la fin du siècle, le quiétisme), le jansénisme et les modèles de sainteté autres que ceux de la Contre-Réforme. Après la liquidation de l’hérésie dans la péninsule, le Saint-Office s’efforça de « discipliner » la société italienne, en modelant le sentiment religieux, la pensée et les comportements privés et sociaux par le biais de la contrainte et de l’endoctrinement. Des milliers de personnes furent inculpées, sans aucun égard pour leurs appartenances sociales ou leurs fonctions ecclésiastiques, comme le démontrent les procès retentissants contre des personnages de la stature du cardinal et nonce apostolique Giovanni Morone, inculpé à la demande de Paul IV, ou de l’évêque de Bergame Vittore Soranzo, détenu au château Saint-Ange et privé de sa charge malgré la protection de Jules III, ou le procès contre le protonotaire apostolique d’opinion valdesienne Pietro Carnesecchi achevé avec sa condamnation à mort en 1567, ou des procès dirigés contre des ordres entiers comme celui des barnabites, ou encore, contre de grandes personnalités du monde philosophique et scientifique comme Tommaso Campanella, Giordano Bruno et Galileo Galilei. Les peines infligées aux coupables allaient de la condamnation à mort en cas de récidive ou d’impénitence, à la réclusion en prison ou à domicile, à l’abjuration publique, souvent aggravée par l’obligation de porter le « petit habit » des condamnés ; pour les exilés religionis causa furent également instituées la peine du bûcher en effigie et la confiscation des biens. Les effets de l’Inquisition ne se limitèrent pas aux procès. L’activité coercitive du Saint-Office alimenta la grande diaspora des Italiens qui, pour ne pas renier leur propre foi, émigrèrent dans les terres de la Réforme, se déracinèrent, abandonnant leurs biens, leur famille, leur position sociale, privant leur pays de forces intellectuelles et économiques : la Suisse (en particulier Genève, Bâle et les Grisons) devint le lieu de refuge de prédilection de nombreuses communautés d’exilés italiens. Pour ceux qui n’émigrèrent pas l’Inquisition fut à l’origine d’un comportement nicodémite répandu en Italie : dissimuler ses opinions derrière l’adhésion extérieure aux rites catholiques devint un aspect caractéristique de la mentalité nationale, sur le plan religieux, mais également politique et culturel.
20L’activité du Saint-Office prend place, comme protagoniste, dans la stratégie de contrôle plus complexe de la société italienne inaugurée par le Concile de Trente. Le Concile, convoqué en 1542, commença ses travaux en 1545 et les acheva en 1563, après des interruptions au cours des décennies successives (1545-1549, 1551-1552, 1562-1563), dues à l’alternance des papes favorables ou contraires à l’assemblée et aux transformations de la situation internationale, liées à la fin du règne de Charles Quint, à la diffusion du calvinisme en Europe (en France, Écosse, Angleterre, aux Pays-Bas, dans le Palatinat) et à l’instauration de l’hégémonie espagnole en Italie avec la paix de Cateau-Cambrésis (1559). Le rassemblement tant attendu par la chrétienté et par l’empereur Charles Quint pour résoudre la fracture religieuse vit la victoire de la faction opposée aux prélats réformateurs, après de violents affrontements à l’intérieur du Sacré Collège et du Concile. La ligne victorieuse était celle qui consistait à consolider l’orthodoxie doctrinale et l’autorité absolue de l’Église, avec une attitude de fermeture totale à l’égard des protestants et des dissidents, avec une ferme volonté de séparation entre ecclésiastiques et laïcs, les premiers se voyant seuls détenteurs de la gestion du sacré ainsi que du pouvoir de modeler les comportements publics et privés des fidèles. Cependant, les efforts pour résoudre le problème de la réforme morale et disciplinaire du clergé et du peuple chrétien, problème qui était à l’origine de la décadence de l’Église, furent poursuivis. La question fut abordée avec un élan réformateur et des propositions novatrices au point d’amener à distinguer dans le passé une « Réforme catholique » distincte de la Contre-Réforme (Jedin, H., 1949). Cette position est aujourd’hui généralement abandonnée, en raison des limites substantielles rencontrées dans la réalité par la réforme pastorale tridentine, restée à l’état de projet par la volonté des sommets de l’Église et à cause des modalités de l’imposition des paradigmes de la Contre-Réforme, ainsi que l’avait déjà relevé Paolo Sarpi dans sa célèbre Istoria del Concilio di Trento (1619). Actuellement, sont également remises en cause la linéarité de la réalisation du projet de la Contre-Réforme et son efficacité réelle, à cause des résistances opposées par la société et les intellectuels, de la solidité des traditions religieuses et sociales, des conflits internes à la Curie, entre les différents ensembles institutionnels et les divers centres de pouvoir.
21Le Concile, en raison des tensions internes et entre le pape et l’empereur, procéda simultanément à la résolution des problèmes doctrinaux et disciplinaires. Les décisions tridentines sur le plan doctrinal sanctionnèrent la rupture définitive avec les protestants : les décrets réaffirmèrent la conception traditionnelle de la justification par la foi et par les œuvres (et en même temps, l’existence du Purgatoire, la validité des indulgences, du culte des saints et de la Vierge), la tradition ecclésiastique (formée des décrets des papes, des conciles, etc.) comme fondement de la religion au même titre que l’Écriture, les sept sacrements (au lieu des deux conservés par Luther) ; alors que le caractère de sacrifice réel et propitiatoire de l’eucharistie était rappelé (doctrine de la transsubstantiation), des normes précises furent fixées pour la célébration des autres sacrements, aboutissant à leur cléricalisation et en faisant les instruments d’un strict contrôle des comportements, notamment dans le cas des « rites de passage ». La réforme du mariage en particulier, par les implications sociales d’un tel rite, eut de grandes conséquences (décret Tametsi, 1563) ; avec le temps, la tentative de disciplinarisation morale (opérée par des moyens coercitifs ou par la confession) allait s’étendre à toute la sphère de la sexualité, en particulier féminine, parallèlement à la valorisation de la famille et au zèle pédagogique.
22L’exclusivité de la médiation de l’Église dans le domaine du sacré fut imposée entre autres avec l’obligation de réciter la messe en latin et plus particulièrement l’interdiction faite aux laïcs de lire la Bible, sous toutes ses formes (livrets de prières, florilèges, récits bibliques, etc.) ou de publier des éditions en langue vulgaire. La seule version autorisée, pour les ecclésiastiques, fut revue par une commission spéciale et publiée en 1592, connue sous le nom de Vulgate clémentine. Malgré la forte et durable hostilité rencontrée par cette décision de censure, à l’intérieur même de l’Église et en dépit de mesures dérogatoires, l’Écriture sainte fut dès lors interdite aux laïcs italiens, les privant soit de la possibilité d’accéder directement aux sources de la connaissance de la foi chrétienne, soit de participer au processus d’historicisation des textes bibliques qui se produisit dans l’Europe des XVIIe et XVIIIe siècle, avec de fortes retombées sur l’évolution de la pensée moderne. Le vide provoqué par l’absence de méditation et d’interprétation personnelle du texte sacré fut rempli par les homélies en latin prononcées par les prêtres pendant la messe et par le catéchisme, qui offrait des réponses simples aux questions religieuses et menait à une religiosité contrôlée par le haut et sans interrogations ; le catéchisme dit du Concile fut publié en 1566 et les livres liturgiques furent réformés en 1568-1570.
23La conformité avec les orientations ecclésiastiques fut aussi assurée par la surveillance de l’instruction publique et le monde des professions libérales, par l’obligation de la professio fidei faite aux enseignants et à quiconque exerçait un art libéral, hormis les ecclésiastiques. Cette mesure contribua fortement au déclin des écoles communales constituées à l’âge de l’humanisme, au profit des écoles dirigées par les ordres religieux.
24Au terme du Concile, en 1564, un deuxième Index des livres interdits fut publié, prélude à l’institution en 1571 de la Congrégation de l’Index destinée à exercer son activité de censure en accord avec l’Inquisition et le Maître du Sacré Palais, le théologien du pape. Le contrôle exercé par l’Église s’étendit à toute la production culturelle, scientifique et religieuse en Italie, par le biais des lectures interdites et des textes expurgés, ou encore l’élimination des passages en désaccord avec l’orthodoxie. L’histoire de l’activité de la censure dans l’Italie du XVIe siècle est très complexe, en raison des violents conflits hiérarchiques et culturels déclenchés à l’intérieur de la Curie et qui se reflètent dans les variations dans la sélection des œuvres à censurer et dans les difficultés à fixer une liste définitive. L’Index clémentin publié en 1596 était très sévère. La tradition fut réaffirmée dans tous les domaines : la pensée aristotélicienne tendit à dominer la scène culturelle, au détriment du platonisme et de la science expérimentale ; tous les textes comprenant des propositions religieuses alternatives, ceux des réformateurs transalpins, Érasme en tête, mais aussi les écrits des mystiques et des prophètes, furent interdits, de même que les livres et les livrets qui avaient depuis toujours alimenté la piété populaire (livres d’heures, histoires des saints, florilèges, etc.), la Bible et les textes à références bibliques. Le même sort frappa en partie ou in toto la littérature en langue vulgaire, y compris les plus grands auteurs italiens, Dante, Pétrarque, Boccace et l’Arioste, autant de sources de modèles moraux et culturels différents de ceux de la Contre-Réforme. Pour résumer, comme l’a écrit Gigliola Fragnito, aux laïcs, il fut « interdit de comprendre » (Fragnito, G., 2005) : une pesante chape de conformisme culturel s’abattit sur l’Italie, créant une barrière destinée à l’isoler des grands courants de pensée européens pour au moins un siècle. Cette thèse, formulée par Antonio Rotondò (Rotondò, A., 1973), n’est pas invalidée par l’identification d’espaces de perméabilité le long de cette barrière, rendus possibles par les dysfonctionnements de la congrégation de l’Index et par les stratégies de contournement mises en œuvre par les institutions culturelles comme les collèges jésuites par exemple pour les scientifiques ou des bibliothèques comme celle de l’Angelica à Rome : la circulation des idées fut, de fait, extrêmement réduite, élitaire et contrôlée d’en haut, de façon à ne pas permettre un développement culturel de la société italienne dans son ensemble.
25Les autres décisions du Concile élaborèrent la nouvelle structure interne de l’Église. La société ecclésiastique fut réorganisée afin de consolider le gouvernement territorial – dont le contrôle fut confié au clergé séculier, évêques et curés – et de faire de la paroisse le centre de la vie religieuse. Les pères conciliaires avaient l’intention de donner à l’évêque un relief considérable, d’en faire le moteur du renouveau pastoral : une volonté qui fut cependant non seulement brève mais également en grande partie vidée de sa substance à cause des pesantes ingérences des contre-pouvoirs étatiques et ecclésiastiques (inquisiteurs, nonces, ordres religieux, chapitres des cathédrales, etc.), des obstacles érigés par Rome et de la permanence des anciens abus. La mesure la plus importante concernant les évêques fut l’obligation de résidence, étant donné que l’absence des prélats de leurs diocèses, bien que généralisée, constituait la principale cause de l’état d’abandon, d’ignorance et d’immoralité dans lequel se trouvaient les prêtres et le peuple chrétien. L’évêque se vit concéder l’exercice d’un pouvoir d’orientation et de guide de son diocèse de façon autonome, en tant que délégué du pape et doté d’un pouvoir indépendant. Le clergé séculier et régulier (celui-ci conservant cependant ses privilèges) furent placés sous son contrôle, et ainsi fut résolu le problème crucial de la prédication. L’institution de visites pastorales périodiques fut établie ainsi que des synodes avec la possibilité de publier des décrets synodaux afin de renforcer son action pastorale. La figure même de l’évêque fut appelée à devenir un modèle de vertu. L’exemple de certains évêques fut déterminant entre tous, en particulier celui de Charles Borromée, archevêque de Milan, qui se distingua par l’intensité de son engagement réformateur et par son adhésion personnelle aux préceptes religieux et moraux.
26Le clergé à charge d’âmes fut également obligé de modifier son image, aussi pour marquer sa différence par rapport aux laïcs que la doctrine réformée, avec la doctrine du sacerdoce universel voulait doter d’une fonction sacrale. L’obligation de s’instruire dans les séminaires opportunément institués par le concile de Trente fut imposée aux prêtres, ils durent adopter l’habit clérical et le célibat, veiller constamment sur leurs ouailles, contrôler l’apprentissage des connaissances doctrinales dispensées dans les prédications et les écoles paroissiales ainsi que l’observation des sacrements obligatoires par les fidèles (en particulier le devoir de se confesser et de communier à Pâques). La création des registres paroissiaux, dans lesquels étaient consignés les naissances, décès, mariages, devoirs sacramentels, permit de rendre efficace l’activité de contrôle du curé sur la population et celle de l’évêque sur le curé.
27Les décrets conciliaires n’eurent, dans l’ensemble, qu’une application partielle (en particulier pour les mesures les plus innovatrices) à cause de l’hostilité des souverains étrangers (même espagnol) à l’égard des limitations imposées à leur autorité territoriale, ils ne furent mis en œuvre intégralement qu’en Italie. En France par exemple, ils ne furent officiellement reçus qu’en 1614 et dans le respect des traditions gallicanes.
28À la conclusion du Concile, les souverains pontifes qui se succédèrent sur le Saint Siège, Pie V, Grégoire XIII et surtout Sixte V, furent les artisans de la réalisation de l’Ecclesia triumphans et militans de la Contre-Réforme. Ceux-ci travaillèrent à l’édification d’une Église mieux organisée, mais à la structure fortement centralisée et hiérarchisée, dominée par une monarchie pontificale à caractère absolutiste capable de faire rayonner l’autorité et le prestige de l’institution dans l’Europe chrétienne. Sous ces trois pontifes, le Sacré Collège des cardinaux, organe associé au pape pour le gouvernement de l’Église fut complètement vidé de son pouvoir, il fut remplacé de façon stable par les congrégations pour la résolution des affaires internes de l’Église, créées sur le modèle de l’Inquisition et fixées au nombre de quinze par Sixte V en 1588 (six dédiées au gouvernement temporel de l’État pontifical et neuf au gouvernement spirituel de l’Église). La congrégation suprême fut celle de l’Inquisition, présidée par le pape. Parmi les autres, on peut dénombrer la congrégation de l’Index, déjà mentionnée ; la congrégation du Concile, chargée de l’application et de l’interprétation des décrets conciliaires ; la congrégation de l’imprimerie romaine, dédiée à la publication des textes de patristique, des docteurs de l’Église et du catéchisme ; la congrégation De propaganda fidei, pour la propagation de la confession catholique ; la congrégation des Rites, avec pour mission le contrôle de la liturgie, du culte des saints et des procédures de canonisation. Ces deux dernières congrégations s’avérèrent très importantes au XVIIe siècle, l’une pour seconder le mouvement d’expansion de l’Église dans les terres de mission au-delà des océans, l’autre pour la réalisation de la « politique de la sainteté », c’est-à-dire l’usage des bienheureux comme instrument de disciplinarisation religieuse et de construction du pouvoir pontifical. Les congrégations furent présidées par des cardinaux, désormais choisis par le pape exclusivement dans les rangs de l’aristocratie curiale pour leurs compétences juridiques et curiales, pour leur fiabilité politique et pour leur fidélité au pontife ; ils étaient destinés à jouer le rôle de fonctionnaires de haut niveau dans la bureaucratie pontificale.
29Le système des congrégations fut flanqué d’un réseau dense et stable de nonciatures, instances de représentation diplomatique du Saint Siège auprès des cours italiennes et étrangères, qui constituèrent les éléments de contact entre Rome et les princes. Les nonces reçurent de très vastes pouvoirs : outre la diplomatie, ils s’occupèrent de la lutte contre l’hérésie, des conflits entre autorités ecclésiastiques locales et des problèmes de pastorale, contribuant largement, dans ce cadre, à l’affaiblissement des pouvoirs des évêques.
30L’historiographie actuelle attribue un rôle essentiel aux ordres religieux à l’époque tridentine, tandis que celui du clergé séculier et de l’épiscopat est fortement minoré. Le Concile et les souverains pontifes tridentins ne modifièrent pas les privilèges traditionnels des réguliers dans les domaines de la prédication, de l’administration des sacrements, de l’instruction, de l’assistance, au détriment du pouvoir épiscopal, dans la mesure où les ordres étaient plus adaptés, par leur structure interne, au dessein centralisateur de la papauté. Leur forte présence dans la société et la vie religieuse locale et, en même temps leur ramification dans un réseau transrégional, rendait en outre leur action très efficace. Avec l’ordre des Jésuites, une importance capitale fut accordée à l’évangélisation des pays extra-européens et des « Indes d’ici » – ou des (nombreuses) régions italiennes encore dédiées aux croyances pré-catholiques–, à la formation des élites ecclésiastiques et politiques dans les collèges et universités, à la soumission des souverains grâce à la confession et des peuples par la mise en scène de l’endoctrinement (par exemple à travers le théâtre). Les jésuites sont aujourd’hui reconnus comme les principaux interprètes de l’esprit de la Contre-Réforme et les artisans les plus efficaces de sa diffusion dans l’Europe des XVIe et XVIIe siècles : le vœu de fidélité au pape, l’organisation hiérarchique, les ramifications, l’adaptabilité et l’implication culturelle (leur sont dus, entre autres les prestigieux Collèges romain et germanique et la Biblioteca selecta), leur capacité à s’immiscer dans les structures du pouvoir en fit une milice aguerrie au service de l’entreprise de conquête catholique dans le monde. À côté des jésuites, d’autres ordres religieux furent actifs, souvent nés dans le climat de réveil religieux du début du XVIe siècle, les barnabites déjà mentionnés, capucins, somasques, théatins, ou de formation récente comme les lazaristes de saint Vincent de Paul et les oratoriens de saint Philippe Neri. Les ordres furent tous rigoureusement soumis aux paradigmes religieux de la Contre-Réforme, toute forme de spiritualité autonome apparue au XVIe siècle fut éliminée. Cette orientation fut en particulier suivie par les ordres religieux féminins, auxquels furent imposés la clôture (par décret conciliaire), la direction spirituelle masculine et des modèles rigides de comportement et de vie religieuse, qui modifièrent radicalement la vie dans les couvents et leur fonction sociale.
31La création de nouveaux saints, ou la transformation d’anciennes figures charismatiques selon les nouveaux canons de la Contre-Réforme (et la répression de la « sainteté simulée » qui en découle), aboutirent à l’imposition d’un panthéon d’exemples de piété baroque. La vie religieuse de la Contre-Réforme fut affective, émotive, acritique, nourrie de rites et de manifestations religieuses collectives mises en scène (comme les processions, les Quarante Heures, etc.), nourrie aussi d’une prédication spectaculaire visant à la pénitence et à l’endoctrinement, d’une riche littérature dévotionnelle, de célébrations pieuses et d’une série de dévotions à la Vierge, à l’ange gardien, à Jésus, aux nouveaux saints, etc., le tout strictement surveillé d’en haut. L’art contribua aussi au développement de cette piété en s’adaptant aux décisions tridentines (et ensuite à celles de l’Académie romaine de saint Luc) qui en imposèrent la fonction propagandiste et pédagogique sur le plan moral et religieux, écartant la sensualité et les fausses doctrines, avec une sélection de sujets et de styles éloignés de ceux de la Renaissance et conformes aux nouvelles orientations : la peinture de Pierre Paul Rubens en est le meilleur exemple. La création artistique se plia en outre aux exigences de célébration de l’Église triomphante, en particulier à Rome, exaltée dans sa splendeur éclatante de capitale de la chrétienté et de théâtre du monde par les architectes Le Bernin qui embellit la basilique Saint-Pierre et Francesco Borromini. Robert Bellarmin et César Baronius offrirent avec les Controverses et les Annales ecclésiastiques deux monuments contribuant à la légitimation sur le plan théologique et historique de l’hégémonie de la culture catholique tandis qu’une abondante littérature théorique ou à caractère moralisant établissait les règles des comportements publics et privés. L’Église de Rome s’imposa comme le centre d’élaboration et de diffusion de la vérité religieuse et des normes morales.
32La réalisation du grandiose projet de disciplinarisation de la société chrétienne et de construction de la primauté pontificale à l’âge tridentin trouva un appui auprès des autorités politiques des États italiens, qui trouvèrent dans l’Église la source de leur légitimité. La politique de Philippe II Habsbourg, paladin de la Contre-Réforme, fut déterminante. Grâce au pouvoir hégémonique dont il jouissait en Italie, il permit l’alliance entre les intérêts du prince et ceux de l’Église, l’hérésie fut considérée, non seulement comme un acte d’insubordination religieuse, mais aussi civile. Le début des conflits religieux en France, dans les années soixante, contribua à renforcer l’image de l’Église de Rome comme seul garant de l’ordre religieux et politique et comme puissance internationale de premier plan, mais bien liée à la réalité locale italienne. La bulle In Coena Domini, fulminée en 1568, légitima définitivement le rôle du pape, confirmant sa suprématie sur le pouvoir temporel ; la menace de l’excommunication, qui déliait les sujets de l’obligation de fidélité à leur souverain, constitua une formidable dissuasion à d’éventuelles résistances. Seule la République de Venise osa défier le pouvoir de Rome, encourant en 1606 l’excommunication et l’Interdit (qui empêchait toute opération religieuse), la contestation à partir d’une question juridique, fut ensuite élargie au problème de la liberté ecclésiastique et du despotisme du « Totato », pour reprendre l’expression par laquelle Sarpi désignait l’Église dans ses écrits polémiques.
33Au XVIIe siècle, le long pontificat de Matteo Barberini élu sous le nom d’Urbain VIII (1623-1644) sembla inaugurer une nouvelle ère, marquée par l’esprit irénique et l’ouverture culturelle : un air européen commença à souffler à Rome, faisant de la ville un centre cosmopolite, accueillant intellectuels, artistes, mécènes, philosophes « novateurs », et siège de prestigieuses institutions comme l’Académie dei Lincei, fondée par le prince Federico Cesi (fermée au clergé régulier). Les limites de cette ouverture apparurent toutefois clairement en 1624 avec le bûcher infligé à la dépouille et aux œuvres de l’ex-archevêque de Spolète, Marco Antonio De Dominis, partisan d’opinions hétérodoxes et dix années plus tard, avec la célèbre condamnation de Galilée (qui avait d’ailleurs dédié Il Saggiatore au pontife). Mais désormais, les profondes transformations à l’œuvre dans la société du XVIIe siècle depuis la guerre de Trente Ans, la redéfinition de la géographie confessionnelle de l’Europe et la naissance de fécondes inquiétudes intellectuelles débouchant sur la « crise de la conscience européenne » à la fin du siècle, ces transformations étaient déjà en train de miner la forteresse de la Contre-Réforme, avant que les Lumières ne déclenchent leur travail de sape contre l’édifice institutionnel et idéologique de l’Ancien Régime.
Chronologie
1503 | Giuliano Della Rovere élu pape sous le nom de Jules II. |
1509 | Défaite de Venise contre la Ligue de Cambrai à Agnadel. |
1512 | Rétablissement du gouvernement des Médicis à Florence. |
1513 | Jean de Médicis élu pape sous le nom de Léon X. |
1520 | Bulle d’excommunication des 95 thèses de Luther. |
1521 | Élection d’Adrien Florensz au saint Siège sous le nom d’Adrien VI. |
1522 | Julien de Médicis élu pape sous le nom de Clément VII. |
1527 | Sac de Rome. Restauration de la République à Florence. |
1530 | Charles Quint couronné empereur à Bologne. Antonio Brucioli publie une édition de la Bible en langue vulgaire. |
1532 | Rétablissement des Médicis à Florence. Synode vaudois de Chanforan. |
1534 | Alexandre Farnèse élu pape sous le nom de Paul III. |
1535 | Milan devient fief impérial. |
1536 | Rédaction du Consilium de emendanda ecclesia. |
1540 | Approbation de l’ordre des Jésuites. |
1541 | Colloque de Ratisbonne. |
1542 | Création de l’Inquisition romaine. |
1544 | Publication du Sommario della Sacra Scrittura. Publication du Beneficio di Cristo. |
1545 | Ouverture du Concile de Trente. |
1550 | Synode anabaptiste à Vicence. |
1550 | Giovanni Maria Ciocchi Del Monte élu pape sous le nom de Jules III. |
1555 | Marcel Cervin élu pape sous le nom de Marcel II, et deux mois après, Gian Pietro Carafa élu pape sous le nom de Paul IV. |
1559 | Paix de Cateau-Cambrésis entre l’Espagne et la France, début de l’hégémonie espagnole en Italie. Domination espagnole sur le royaume de Naples et la Sicile. Promulgation du premier index des livres interdits. Giovan Angelo de Médicis élu pape sous le nom de Pie IV. Restauration de la dynastie des Savoie dans le duché avec Emmanuel Philibert. |
1561 | Massacre des Vaudois dans les Pouilles et en Calabre. |
1563 | Clôture du Concile de Trente. |
1564 | Promulgation de l’index tridentin des livres interdits. |
1565 | Michele Ghisleri élu pape sous le nom de Pie V. Publication du catéchisme romain. |
1568 | Promulgation de la bulle In Coena Domini. |
1570 | Excommunication d’Élisabeth Ire d’Angleterre. |
1571 | Victoire de la Sainte-Ligue contre la flotte ottomane à Lépante. Création de la Congrégation de l’Index. |
1572 | Ugo Buoncompagni élu pape sous le nom de Pie V. |
1585 | Felice Peretti élu pape sous le nom de Sixte Quint. |
1590 | Giovan Battista Castagni élu pape sous le nom d’Urbain VII. |
1591 | Ippolito Aldobrandini élu pape sous le nom de Clément VIII. |
1600 | Giordano Bruno meurt sur le bûcher. |
1605 | Camille Borghese élu pape sous le nom de Paul V. |
1606 | Interdit du pape contre Venise. |
1619 | Rédaction de l’Histoire du Concile de Trente par Paolo Sarpi. |
1621 | Alessandro Ludovisi élu pape sous le nom de Grégoire XV. |
1622 | Création de la Congrégation De propaganda fidei. |
1623 | Maffeo Barberini élu pape sous le nom d’Urbain VIII. |
1623-1633 | Procès de Galilée. |
1644 | G. Battista Pamphili élu pape sous le nom d’Innocent X. |
Bibliographie
Bibliographie
Adorni Braccesi, S., « Una città infetta. » La Repubblica di Lucca nella crisi religiosa del Cinquecento, Florence, Olschki, 1994.
Alessi, G., « Discipline. I nuovi orizzonti del disciplinamento sociale », Storica, II, 1996, p. 7-37.
Benedetto da Mantova, Il beneficio di Cristo, introduzione e note a cura di Salvatore Caponetto, Turin, Claudiana, 1991.
Berengo, M., Nobili e mercanti nella Lucca del Cinquecento (1965), 3e édition Turin, Einaudi, 1993.
Biagioni, M. (éd.), Francesco Pucci, De praedestinatione, Florence, Olschki, 2000.
Brambilla, E., La giustizia intollerante. Inquisizione e tribunali confessionali in Europa (secoli IV-XVIII), Roma, Carrocci, 2006.
Bonora, E., I conflitti della Controriforma. Santità e obbedienza nell’esperienza religiosa dei primi barnabiti, Firenze, Le Lettere, 1998.
Bonora, E., La Controriforma, Rome/Bari, Laterza, 2001.
Cantimori, D., Eretici italiani del Cinquecento (1939), désormais dans Eretici italiani e altri scritti, éd. Prosperi, A., Turin, Einaudi, 1992.
Caponetto, S., La Riforma protestante nell’Italia del Cinquecento, Turin, Claudiana, 1992.
Caravale, G., Sulle tracce dell’eresia. Ambrogio Catarino Politi (1484-1553), Florence, Olschki, 2008.
Chabod, F., Lo Stato e la vita religiosa a Milano nell’epoca di Carlo V (1939), Turin, Einaudi, 1971.
Chastel, A., Le sac de Rome, 1527 : du premier maniérisme à la Contre-Réforme, Paris, Gallimard, 1983.
Cozzi, G., Paolo Sarpi tra Venezia e l’Europa, Turin, Einaudi, 1979.
Dall’Olio, G., Eretici e inquisitori nella Bologna del Cinquecento, Bologne, Istituto per la Storia di Bologna, 1999.
De Benedictis, A., La conquista dell’anima. Fede, disciplina e ordine pubblico nella Milano della Controriforma, Turin, Einaudi, 2004.
Del Col, A., L’Inquisizione in Italia dal XII al XXI secolo, Milan, Mondadori, 2006.
De Molen, R.L. (éd.), Religious Orders of the Catholic Reformation. In Honor of John C. Olin on His Seventy-Fifth birthday, New York, Fordham University Press, 1994.
De Rosa, G., Gregory, T., et Vauchez, A., Storia dell’Italia religiosa, vol. 2 : L’età moderna, Rome/Bari, Laterza, 1994.
Di Simplicio, O., Autunno della stregoneria. Maleficio e magia nell’Italia moderna, Bologne, Il Mulino, 2005.
Dompnier, B., et Vismara, P. (éd.), Confréries et dévotions dans la catholicité moderne (mi-XVe-début XIXe siècle), Rome, École française de Rome, 2008.
Duni, M., Tra religione e magia: storia del prete modenese Guglielmo Campana (1460?-1541), Florence, Olschki, 1999.
Felici, L. (éd.), Filippo Valentini, Il principe fanciullo. Trattato inedito dedicato a Renata ed Ercole II d’Este, Florence, Olschki, 2000.
Firpo, M., Tra alumbrados e spirituali : studi su Juan de Valdés e il valdesianesimo nella crisi religiosa del Cinquecento italiano, Florence, Olschki, 1990.
Firpo, M., Gli affreschi di Pontormo a San Lorenzo. Eresia, politica e cultura nella Firenze di Cosimo I, Turin, Einaudi, 1997.
Firpo, M., Dal sacco di Roma all’Inquisizione : studi su Juan de Valdés e la Riforma italiana, Alessandria, Edizioni dell’Orso, 1998.
Firpo, M., “Disputar di cose pertinente alla fede”. Studi sulla vita religiosa del Cinquecento italiano, Milan, Unicopli, 2003.
Firpo, M., Inquisizione romana e Controriforma. Studi sul cardinal Morone (1509-1580) e il suo processo d’eresia, édition augmentée, Brescia, Morcelliana, 2005 (1re édition 1992).
Firpo, M., Riforma protestante ed eresie nell’Italia del Cinquecento: un profilo storico, Rome/Bari, Laterza, 2006.
Firpo, M., Vittore Soranzo. Vescovo ed eretico. Riforma della Chiesa e Inquisizione nell’Italia del Cinquecento, Bari, Laterza, 2006.
Firpo, M., et Marcatto, D., Lorenzo Davidico (1513-1574) e il suo processo inquisitoriale, Florence, Olschki, 1992, 2 vol.
Firpo, M., Il processo inquisitoriale del cardinal Morone. Edizione critica, Rome, Istituto storico italiano per l’età moderna e contemporanea, 1989-1995, 6 vol.
Firpo, M., I processi inquisitoriali di Pietro Carnesecchi (1557-1567). Edizione critica, Cité du Vatican, Archivio Segreto Vaticano, 1998-2000, 2 vol.
Firpo, M., I processi inquisitoriali di Vittore Soranzo. Edizione critica, Cité du Vatican, Archivio Segreto Vaticano, 2004, 2 vol.
Fragnito, G., Gasparo Contarini. Un magistrato veneziano al servizio della cristianità, Florence, Olschki, 1988.
Fragnito, G., La Bibbia al rogo. La censura ecclesiastica e i volgarizzamenti della Scrittura (1471-1605), Bologne, Il Mulino, 1997.
Fragnito, G. (dir.), Church, Censorship and Culture in Early Modern Italy, Cambridge, Cambridge University Press, 2001.
Fragnito, G., Proibito capire. La Chiesa e il volgare nella prima età moderna, Bologne, Il Mulino, 2005.
Ginzburg, C., I benandanti. Stregoneria e culti agrari fra Cinquecento e Seicento, Turin, Einaudi, 1966, traduction française : Les Batailles nocturnes : sorcellerie et rituels agraires aux XVIeet XVIIe siècles, Paris, Flammarion, 1984.
Ginzburg, C., Il formaggio e i vermi. Il cosmo di un mugnaio del ‘500, Turin, Einaudi, 1976, traduction française : Le Fromage et les vers : l’univers d’un meunier du XVIe siècle, Paris, Flammarion, 1980.
Gleason, E.G., Gasparo Contarini. Venice, Rom and Reform, Berkeley, Los Angeles/Oxford, University of California Press, 1993.
Gotor, M., I beati del papa. Santità, Inquisizione e obbedienza in età moderna, Florence, Olschki, 2002.
Greco, G., La Chiesa in Italia nell’età moderna, Rome/Bari, Laterza, 1999.
Headley, J.M., Hillerbrand, H.J., et Papalas, A.J. (éd.), Confessionalization in Europe, 1555-1700. Essays in honor and Memory of Bodo Nischan, Aldershot, Ashgate, 2004.
Hsia, R.P., The World of Catholic Renewal 1540-1770, Cambridge, Cambridge University Press, 1998.
Jedin, H., Riforma cattolica o Controriforma?, Brescia, Morcelliana, 1949.
Jedin, H., Il Concilio di Trento, Brescia, Morcelliana, 1949-1981, 5 vol. [Geschichte des Konzils von Trient, Fribourg en Brisgau, Herder, 1951-1975, 5 vol. ].
Jedin, H., et Prodi, P. (dir.), Il Concilio di Trento come crocevia della politica europea, Bologne, Il Mulino, 1979.
Kutter, M., Celio Secondo Curione: Sein Leben und sein Werk (1503-1569), Bâle/Stuttgart, Helbing und Lichtenhahn, 1955.
Luzzati, M. (dir.), L’Inquisizione e gli ebrei in Italia, Rome/Bari, Laterza, 1994.
Malena, A., L’eresia dei perfetti. Inquisizione romana ed esperienze mistiche nel Seicento italiano, Rome, Edizioni di storia e letteratura, 2003.
Marchetti, V., Gruppi ereticali senesi del Cinquecento, Florence, La Nuova Italia, 1975.
Mozzarelli, C., et Zardin, D. (éd.), I tempi del concilio. Religione, cultura e società nell’Europa tridentina, Rome, Bulzoni, 1997.
Niccoli, O., Profeti e popolo nell’Italia del Rinascimento, Bari, Laterza, 1982.
Niccoli, O., Rinascimento anticlericale. Infamia, propaganda e satira in Italia tra Quattro e Cinquecento, Rome/Bari, Laterza, 2005.
Niccoli, O., La vita religiosa nell’Italia moderna. Secoli XV-XVIII, 2e édition Rome, Carocci, 2008.
Pagano, S., Il processo di Endimio Calandra e l’Inquisizione a Mantova nel 1567-1568, Cité du Vatican, Biblioteca Apostolica Vaticana, 1991.
Pastore, A., Marcantonio Flaminio. Fortune e sfortune di un chierico nell’Italia del Cinquecento, Milan, Franco Angeli, 1981.
Pavone, S., I gesuiti. Dalle origini alla soppressione (1540-1773), Rome/Bari, Laterza, 2004.
Peyronel Rambaldi, S., Speranze e crisi nel Cinquecento modenese. Tensioni religiose e vita cittadina ai tempi di Giovanni Morone, Milan, Franco Angeli, 1979.
Peyronel Rambaldi, S., Dai Paesi Bassi all’Italia. “Il sommario della Sacra Scrittura”. Un libro proibito nella società italiana del Cinquecento, Florence, Olschki, 1997.
Poliziotto, L., The Elect Nation, The savonarolan movement in Florence 1494-1545, Oxford, Clarendon Press, 1994.
Prodi, P., Il sovrano pontefice. Un corpo e due anime : la monarchia papale nella prima età moderna, Bologne, Il Mulino, 1982.
Prodi, P. (dir.), Disciplina dell’anima, disciplina del corpo, disciplina della società tra medioevo ed età moderna, Bologne, Il Mulino, 1994.
Prodi, P., et Reinhard, W. (dir.), Il Concilio di Trento e il moderno, Bologne, Il Mulino, 1996.
Prosperi, A., Tra Evangelismo e Controriforma. G. M. Giberti (1495-1543), Rome, Edizioni di storia e letteratura, 1969.
Prosperi, A., Tribunali della coscienza. Inquisitori, confessori, missionari, Turin, Einaudi, 1996.
Prosperi, A., L’eresia del Libro grande. Storia di Giorgio Siculo e della sua setta, Milan, Feltrinelli, 2000.
Prosperi, A., Il Concilio di Trento: una introduzione storica, Turin, Einaudi, 2001.
Rebellato, E., La fabbrica dei divieti. Gli Indici dei libri proibiti da Clemente VIII a Benedetto XIV, Milan, Edizioni S. Bonnard, 2008.
Romano, A., La Contre-réforme mathematique. Constitution et diffusion d’une culture mathématique jésuite à la Renaissance (1560-1640), Rome, Ecole française de Rome, 1999.
Romeo, G., Inquisitori, esorcisti e streghe nell’Italia della Controriforma, Florence, Le Lettere, 1990.
Romeo, G., Ricerche sulla confessione dei peccati e Inquisizione nell’Italia del Cinquecento, Naples, La città del Sole, 1997.
Romeo, G., L’Inquisizione nell’Italia moderna, Rome/Bari, Laterza, 2002.
Rosa, M. (éd.), Clero e società nell’Italia moderna, Rome/Bari, Laterza, 1992.
Rosa, M., Clero cattolico e società nell’età moderna, Rome/Bari, Laterza, 2006.
Rotondò, A., La censura ecclesiastica e la cultura, Storia d’Italia, vol. V: I documenti, Turin, Einaudi, 1973, p. 1397-1492.
Rotondò, A. (éd.), Camillo Renato, Opere, documenti e testimonianze, Florence, Sansoni, Chicago, The Newberry Library, 1968.
Rotondò, A. (éd.), Lelio Sozzini, Opere, Florence, Olschki, 1986.
Rotondò, A. (éd.), Forme e destinazione del messaggio religioso. Aspetti della propaganda religiosa nel Cinquecento, Florence, Olschki, 1991.
Rotondò, A., Studi e ricerche di storia ereticale italiana del Cinquecento (1974) ora (con altri scritti), Studi di storia ereticale del Cinquecento, Florence, Olschki, 2008, 2 vol.
Rozzo, U., Biblioteche italiane del Cinquecento tra Riforma e Controriforma, Udine, Arti Grafiche friulane, 1994.
Rurale, F., I Gesuiti a Milano: religione e politica nel secondo Cinquecento, Rome, Bulzoni 1992.
Sallmann, J.-M., Naples et ses saints à l’âge baroque (1540-1750), Paris, Presses Universitaires de France, 1994.
Sarpi, P., Istoria del Concilio tridentino, Turin, Einaudi, 1974.
Scaraffia, L., et Zarri, G. (éd.), Donne e fede. Santità e vita religiosa in Italia, Rome/Bari, Laterza, 1994.
Scaramella, P., “Con la croce al core”. Inquisizione ed eresia in Terra di Lavoro, Naples, La città del Sole, 1995.
Scaramella, P., L’Inquisizione romana e i Valdesi di Calabria : 1554-1557, Naples, Editoriale Scientifica, 1999.
Signorotto, G., Inquisitori e mistici nel Seicento italiano, Bologne, Il Mulino, 1989.
Simoncelli, P., Il caso Reginald Pole. Eresia e santità nelle polemiche religiose del Cinquecento, Rome, Edizioni di storia e letteratura, 1977.
Tedeschi, J., The prosecution of heresy. Collected studies on the inquisition in early modern Italy, Binghamton (NY), Center for Medieval and Early Renaissance studies, 1991.
Spini, G., Ricerca dei libertini. La teoria dell’impostura delle religioni nel Seicento italiano, 2e édition Florence, La Nuova Italia, 1983.
Tedeschi, J., et Lattis, J.M., The Italian Reformation of the Sixteenth Century and the Diffusion of Renaissance Culture. A Bibliography of the Secondary Litterature (ca. 1750-1996), avec une introduction historique de M. Firpo, Modène, Panini, 2000.
Torre, A., Il consumo di devozioni. Religione e comunità nelle campagne dell’Ancien Regime, Venise, Marsilio, 1995.
Turrini, M., La coscienza e le leggi. Morale e diritto nei testi per la confessione della prima età moderna, Bologne, Il Mulino, 1991.
Vasoli, C., Profezia e ragione. Studi sulla cultura del Cinquecento e del Seicento, Naples, Guida, 1979.
Zarri, G., Le “sante vive”. Profezie di corte e devozione femminile tra ‘400 e ‘500, Turin, Rosenberg & Sellier, 1990.
Zarri, G., Recinti. Donne, clausura e matrimonio nella prima età moderna, Bologne, Il Mulino, 2000.
Notes de bas de page
1 Voir pour ces termes le glossaire dans le présent ouvrage.
Auteurs
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Un constructeur de la France du xxe siècle
La Société Auxiliaire d'Entreprises (SAE) et la naissance de la grande entreprise française de bâtiment (1924-1974)
Pierre Jambard
2008
Ouvriers bretons
Conflits d'usines, conflits identitaires en Bretagne dans les années 1968
Vincent Porhel
2008
L'intrusion balnéaire
Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au tourisme (1800-1945)
Johan Vincent
2008
L'individu dans la famille à Rome au ive siècle
D'après l'œuvre d'Ambroise de Milan
Dominique Lhuillier-Martinetti
2008
L'éveil politique de la Savoie
Conflits ordinaires et rivalités nouvelles (1848-1853)
Sylvain Milbach
2008
L'évangélisation des Indiens du Mexique
Impact et réalité de la conquête spirituelle (xvie siècle)
Éric Roulet
2008
Les miroirs du silence
L'éducation des jeunes sourds dans l'Ouest, 1800-1934
Patrick Bourgalais
2008