La Scandinavie
p. 137-168
Texte intégral
Les permanences historiques en Scandinavie au début de l’époque moderne
1Entre 1397 à 1523, les trois couronnes scandinaves étaient réunies dans l’Union de Kalmar, Union dominée par la couronne danoise. Elle était composée du royaume de Suède (auquel était rattachée la Finlande depuis le Moyen Âge), du royaume de Danemark et enfin du royaume de Norvège (comprenant aussi l’Islande, les Îles Féroé et le Groenland). Cependant, depuis le XVe siècle, la Suède cherchait à plusieurs reprises à sortir de l’Union, mais sans y parvenir. Tous les soulèvements contre le pouvoir central danois avaient échoué : la révolte sous Engelbrekt Engelbrektsson (1434), les velléités d’indépendance sous Karl Knutsson Bonde (1408 et 1409-1470) – qui était à la fois roi de Norvège et de Suède – ainsi que les révoltes sous Sten Sture l’aîné (vers 1440-1503) et Sten Sture le Jeune (1493-1520) s’étaient soldés par des échecs (Larsson, L.-O., 1997).
2Les royaumes membres de l’Union de Kalmar formaient la périphérie septentrionale de l’Europe. Elle était faiblement peuplée : sur une surface d’environ 1,2 million de km2, deux fois et demi celle de la France moderne, vivaient à peu près deux millions d’hommes vers la fin du Moyen Âge. À l’exception du Danemark, dont la structure sociale était proche de celle du Saint Empire, la société scandinave présentait des différences très marquées avec l’Europe centrale. À l’aune européenne les contrastes sociaux étaient très faibles : 90 % de la population était rurale, sauf au Danemark, où 20 % des habitants étaient citadins. Copenhague, qui comptait à peine 10 000 habitants, était la plus grande ville de Scandinavie. Le Danemark seul avait une noblesse relativement importante. Elle y possédait à peu près un tiers des exploitations agricoles, alors qu’en Suède cette proportion descendait à 20 % et en Norvège à 10 %. L’Église (surtout les évêchés et monastères) disposait de la majorité des terres : ainsi, en Suède, la proportion des biens d’Église à la veille de la Réforme atteignait 20 % du total pour à peine 5 % de propriétés de la Couronne.
3Les paysans libres formaient la catégorie sociale majoritaire en Norvège (env. 30 % de la population) et dans le royaume de Suède (env. 60 %), alors qu’au Danemark cette proportion plafonnait à 10 %. On les appelait skattebonde (« paysans imposables ») parce qu’ils devaient un impôt fixe annuel à la Couronne. Depuis le Moyen Âge, « le paysan possédant des terres n’était pas un sujet dépendant de la Couronne ou d’un seigneur mais un membre personnellement libre de la communauté paysanne » (Backhaus, H., 1971, p. 74). Il n’y avait donc pas de serfs en Scandinavie. Le servage tendait toutefois à s’installer au Danemark depuis la fin du Moyen Âge. De très nombreux paysans dépendaient en effet de plus en plus de leur seigneur dans le cadre de ce que l’on appelle le vornedeskab, que l’on peut considérer comme une forme de servage.
4L’immensité des royaumes scandinaves en faisait des ensembles polyglottes, habités par une multitude de peuples. Les langues vernaculaires dominantes étaient le danois, le norvégien, le suédois, l’islandais – toutes quatre très proches – et le finnois, une langue finno-ougrienne. En bordure de la calotte glaciaire vivaient en outre plusieurs groupes parlant des langues samoyèdes, appartenant également au groupe linguistique finno-ougrien. Une grande variété de langues caractérisait l’aire de domination de la Suède. En Finlande, la population rurale parlait surtout le finnois, sauf sur la côte où un bilinguisme finno-suédois, voire le suédois seul, dominait. Le royaume de Suède comprenait en outre à sa frontière orientale avec la Russie, frontière peu définie, une minorité russophone. L’intégration de l’Estonie danoise à la couronne suédoise en 1561 a encore ajouté l’estonien et le live (langue parlée en Livonie) aux langues usitées dans le royaume. Les gouvernements centraux des royaumes de Suède comme du Danemark devaient probablement à peine savoir où finissait exactement leur domination respective dans les plaines immenses de la lointaine Scandinavie orientale et septentrionale.
5Comme partout en Europe, le latin était la lingua franca des lettrés et du clergé. La langue du commerce et des échanges était en revanche le bas allemand, parlée dans le nord et le nord-est de l’Europe. Elle était très probablement comprise sans grande difficulté par les scandinaves pour plusieurs raisons. Outre que les langues scandinaves sont des langues germaniques, les voies du commerce dans la mer Baltique et le long de la côte norvégienne étaient tenues depuis le haut Moyen Âge par la Hanse. Ainsi, l’élite financière et économique de pratiquement toutes les villes scandinaves était tout ou partie constituée de grosses minorités germanophones, parlant le bas allemand. Ces marchands et artisans ont exercé une influence marquante dans l’évolution des langues baltiques et scandinaves depuis le Moyen Âge jusqu’à nos jours, y compris pour le finnois et l’estonien. Toutefois, le rôle du bas allemand comme langue du commerce et des échanges dans la Baltique diminua progressivement au cours du XVIe siècle au profit du haut allemand. La prédominance de l’allemand ne se limitait pas au commerce et à l’artisanat, elle était sensible aussi dans le domaine politique. Ainsi les rois de Suède avaient, au XVIe siècle, en sus de la chancellerie suédoise, une chancellerie allemande qui était chargée de la correspondance diplomatique avec le Saint Empire et des relations avec les groupes dominants germanophones de la Baltique (Svalenius, I., 1991, p. 82-85 et al.).
6Les influences chrétiennes existaient en Europe du Nord dès l’époque viking, à travers les relations commerciales, les guerres et l’activité missionnaire. La Scandinavie rejoignit la chrétienté occidentale vers 1000-1200, ce dont témoignent les élévations (Lund en 1104, Nidaros (Trondheim) en 1153) et la fondation (Uppsala en 1164) d’archevêchés au XIIe siècle. Un processus pluriséculaire ayant amené les trois royaumes scandinaves au christianisme romain était ainsi achevé. Cependant différentes formes de paganisme subsistèrent chez les groupes parlant le samoyède jusqu’à une période avancée de l’époque moderne dans certaines parties enclavées de la Scandinavie du nord (Pentikäinen, J., 1995, p. 267-283). En outre, une grande partie de la population – à l’exception toujours du Danemark – n’avait que superficiellement adopté rites et doctrines de l’Église apostolique et les usages païens étaient encore bien présents sous le vernis chrétien, par exemple dans le culte marial et des saints (Buchholz, W., 2002, p. 125). Les difficultés de l’Église romaine pour faire adopter ses dogmes dans ces régions reculées d’Europe du nord n’étaient pas minces : c’est ainsi que la célébration du Saint-Sacrement ne pouvait avoir lieu de manière appropriée au Moyen Âge au Groenland en raison de l’absence de pain et de vin (Heyerdahl, T., 1978, p. 73). Le célibat des prêtres ne fut jamais accepté en Islande, et on peut se demander si les curés du royaume de Suède respectaient le célibat après la dispense accordée par la curie en 1258 ; à la veille de la Réforme, seul le haut clergé du royaume y était sans doute tenu (Czaika, O., 2002, p. 33).
7Depuis le Moyen Âge et jusqu’au XXe siècle, la Scandinavie est d’une manière générale imprégnée des influences culturelles venues de l’Europe centrale : les historiens scandinaves décrivent le Nord européen et la Baltique comme une « province culturelle allemande » (Heininen, S., 1981, p. 13). Ce transfert culturel est visible non seulement dans le commerce nordique et baltique, dominé par la Hanse, mais aussi dans l’artisanat, les techniques, l’art comme dans les courants intellectuels et religieux. C’est surtout le réseau de contacts ecclésiastiques qui a contribué à ce que la Scandinavie participe aux processus fondamentaux européens. Depuis le haut Moyen Âge, les évêchés et les archevêchés entretenaient des contacts administratifs et théologiques avec les centres religieux européens, en particulier avec la Curie romaine. En plus de ces contacts officiels, leurs pérégrinations universitaires reliaient les étudiants d’Europe du Nord à la christianitas occidentale. Alors qu’au XIIIe et XIVe siècle c’étaient les universités italiennes et françaises qui attiraient les étudiants scandinaves, au XVe siècle ces derniers se dirigeaient plutôt vers les universités du Saint Empire nouvellement fondées – et ce malgré la fondation des universités d’Uppsala (1477) et Copenhague (1479) qui ne pouvaient pas subvenir à tous les besoins en matière de formation universitaire. À la veille de la Réforme, les universités de Rostock et Greifswald étaient celles qui, de loin, attiraient le plus d’étudiants scandinaves, popularité très certainement due à la proximité géographique et à la présence d’infrastructures de liaison dans les ports (Czaika, O., 2002, p. 70-82).
8Si le transfert culturel du Sud était une constante traversant le Moyen Âge et l’époque moderne scandinave, il ne s’agissait cependant pas de dépendance servile. Les apports culturels et intellectuels méridionaux étaient adaptés aux réalités géographiques, sociales et politiques de la société scandinave. Évaluer, comparer ou estimer les développements historiques scandinaves à l’aune de l’Europe centrale est source d’erreur : il faut en effet tenir compte des réalités relativement provinciales de cette région à la périphérie de l’Europe. En Europe centrale, espace densément peuplé, hétérogène et polycentrique par comparaison avec l’Europe du nord, la publication d’un livre ou l’apparition d’un réformateur n’était pas nécessairement un événement déterminant, alors que cela pouvait au contraire avoir un énorme impact dans une Europe du nord peu peuplée. Dans l’Empire la nouvelle doctrine était propagée par d’innombrables réformateurs ; cette même tâche incombait à quelques personnes que l’on peut compter sur les doigts d’une main dans le royaume de Suède. Toujours en raison de ces conditions socioculturelles, il ne faut pas s’attendre en Europe du Nord à un pluralisme et à une diversité des discours comparable à ceux de l’Europe centrale à la même époque. L’homogénéité croissante des représentations religieuses au XVIe siècle, que l’on qualifie d’« Église unitaire luthérienne », n’est pas seulement le produit d’une volonté politique et de positions théologiques, c’est aussi la conséquence de facteurs socioculturels, et parmi ceux-ci avant tout d’une société numériquement limitée et relativement cohérente dans sa composition. Il est d’ailleurs possible que le passage du catholicisme de la fin du Moyen Âge au luthéranisme ne soit rien d’autre que la transformation d’une réalité ecclésiastique relativement homogène – du moins au niveau du pays et de l’évêché – en une autre réalité ecclésiastique tout aussi homogène qui se fondait néanmoins sur d’autres prémisses.
9Un dernier facteur à prendre en considération dans l’interprétation de l’histoire scandinave et des transferts culturels d’Europe centrale est un décalage chronologique conjoncturel : dans le meilleur des cas, les développements intellectuels, religieux et techniques étaient immédiatement adoptés en Europe du nord, mais il pouvait aussi arriver qu’ils ne soient reçus qu’avec plusieurs décennies de décalage. L’imprimerie en est un exemple frappant : c’est seulement à partir de l’année 1600 que l’on peut parler d’un marché de l’imprimé digne de ce nom dans le royaume de Suède, au moment où d’autres officines que l’imprimerie royale de Stockholm commencèrent à entrer en activité. Le Saint Empire disposait, dès l’année 1520, d’un marché du livre développé et polycentrique, dont les pôles principaux étaient Augsbourg, Bâle ou Wittenberg.
Les conflits religieux à la veille de la Réforme
Perte de crédibilité de l’Église médiévale – tendances nationales dans l’Église – dissolution de l’Union de Kalmar
10Nous avons montré que le transfert culturel se composait de deux processus parfois contradictoires : la dépendance et la liberté. Les évolutions économiques, intellectuelles, politiques et religieuses scandinaves étaient grosso modo parallèles à celles de l’Europe centrale ; les éléments de l’histoire scandinave proviennent des développements historiques européens. Mais tous ces ingrédients ne se trouvent pas dans les mêmes proportions qu’ailleurs en Europe : ce sont les deux visages du transfert culturel qu’illustrent bien les événements de la veille de la Réforme en Scandinavie.
11La remise en question du commerce des indulgences, ce qui a déclenché à première vue la Réforme dans le Saint Empire, n’a pas eu du tout le même impact en Europe du Nord. Les Scandinaves achetaient eux aussi des indulgences – par exemple durant leurs voyages d’études – et on en vendait aussi en Europe du Nord. Il semble toutefois que ce trafic n’ait pas engendré les excès connus dans le Saint Empire, et n’était donc pas la raison première des conflits religieux, à l’exception probablement du Danemark où le réformateur catholique Paulus Helie vit en 1517 dans le commerce des indulgences le déclencheur de la diffusion de la doctrine luthérienne. Cependant, le catholicisme de la fin du Moyen Âge n’était pas aussi brillant et incontesté que le disent certains historiens scandinaves imprégnés d’une perspective d’histoire confessionnelle catholique. L’Église scandinave était elle aussi menacée par le discrédit. Il a déjà été fait référence plus haut aux difficultés qu’avait le célibat des prêtres à s’imposer ; en outre, il existait en Europe du nord aussi, une critique générale de l’Église et du clergé et de leurs abus (Svanberg, J., p. 453-504). La dissolution d’un grand nombre de couvents d’ordres mendiants dans les années 1520 se déroula étonnamment rapidement, parfois même avant l’introduction officielle de la Réforme : en Suède, la plupart des couvents des ordres mendiants avaient disparu au début des années 1530, à peine cinq ans après la Diète de Västerås (Berntson, M., 2002, p. 15), signe que la légitimité de la vie monastique était mise en doute.
12Les tendances à la formation d’Églises nationales au début du XVIe siècle furent probablement une des principales causes du succès que rencontra la Réforme en Scandinavie. Elles s’exprimaient par exemple dans les efforts de l’Église finlandaise pour attribuer les fonctions ecclésiastiques supérieures à des indigènes (Nuorteva, J., 1997, p. 34-149). C’est dans l’enchevêtrement de plus en plus étroit des sphères des pouvoirs politiques et religieux, de plus en plus liées, qu’apparaissent des embryons de structures ecclésiastiques nationales. Ainsi l’electus de Linköping, Hemming Gadh (v. 1450-1520) était un des alliés les plus importants du régent Sten Sture l’aîné (v. 1440-1503) dans la lutte contre le gouvernement central danois au début du XVIe siècle. Même si l’élection de Gadh au titre d’archevêque ne fut pas confirmée par une consécration canonique et qu’il fut excommunié par le pape Jules II en 1506, il put continuer à exercer une influence politique sous la protection de Sten Sture et même disposer des recettes de l’évêché de Linköping (Pernler, S. E., 1999, p. 180-184). Ce n’est qu’en 1512 que son adversaire, Hans Brask, fut élu par le chapitre évêque de Linköping et reçut la consécration.
13Au Danemark, les intérêts de l’État et ceux de l’Église étaient largement confondus au cours des décennies précédent la Réforme. Ainsi tous les évêques, issus de la noblesse, étaient membres du Conseil royal – à l’exception de celui d’Odense, Jens Andersen. Aucun d’entre eux n’avait reçu de formation théologique poussée. Le roi du Danemark Christian II (qui régna de 1513 à 1523) chercha dès le début de son règne à renforcer son contrôle pour, entre autre, contrer l’influence de la Curie romaine, qui travaillait directement avec les évêques ; une politique comparable à celle de nombreux princes de la Renaissance en Europe. Il commença à diffuser la doctrine luthérienne et installa à Lund en 1523 un nouvel archevêque, Åge Sparre, un « catholique réformateur » qui, comme Gadh en Suède, n’avait pas reçu l’approbation pontificale. Ces poussées nationales au sein de l’Église et ces élections épiscopales canoniquement invalides ont préparé et facilité le passage à la Réforme. Les élites urbaines elles aussi cherchaient à accroître leur contrôle sur les affaires de l’Église : au XVe siècle éclatèrent de nombreux conflits entre la ville de Stockholm et son clergé à propos des privilèges et des immunités ; en outre, le magistrat cherchait aussi à mettre la main sur les collations des cures de la ville.
14Ainsi le moteur de la Réforme en Scandinavie me semble avoir été la combinaison de mouvements indissociables les uns des autres : les tendances proto-nationales et nationales au sein de l’Église, l’engagement politique excessif de l’Église et de ses dirigeants, la perte de crédibilité du religieux – en partie liée au précédent – et enfin, surtout, le désir d’indépendance de la Suède. L’événement dans lequel tous ces mouvements de fond se rejoignaient, fut le massacre de Stockholm : en décembre 1520 le roi de l’Union, Christian II, fit exécuter plus de 80 clercs et nobles suédois qui s’étaient opposés au pouvoir central de Copenhague. Plusieurs bourgeois de Stockholm furent exécutés par la même occasion bien qu’ils n’eussent pas pris part aux soulèvements et qu’une amnistie eût été promise auparavant. Christian II agit avec le soutien de l’archevêque suédois Gustav Trolle qui lui était loyal. Le seul chef d’accusation retenu était l’hérésie, justifié par la prise du château épiscopal de Stäket (au nord de Stockholm) en 1517 par le parti des opposants à l’Union. L’exécution des opposants, parmi lesquels se trouvait Erik Johansson, père du futur roi Gustave Eriksson (Gustave Ier, dit Gustave Vasa), ne pouvait que ralentir temporairement les tendances centrifuges de l’Union de Kalmar. Celles-ci aboutirent à un soulèvement populaire mené par Gustave Eriksson dès 1521. En 1523 Stockholm fut prise et Gustave élu roi de Suède. C’était la fin de l’Union de Kalmar.
15Le massacre de Stockholm et la guerre de libération (soutenue par Lübeck) contre le roi du Danemark, dit désormais « le Tyran », eurent des conséquences déterminantes pour la situation religieuse de la Suède. Les évêques fidèles au roi de Danemark qui avaient remplacé les prélats hostiles à l’Union, Skara et Strängnäs, exécutés en 1520, furent contraints à l’exil. Toutes les chaires épiscopales du royaume étaient vacantes, à deux exceptions près. Ingemar Petri, évêque de Växjö, s’était rangé très tôt dans le camp de Gustave Eriksson ; et Hans Brask, évêque de Linköping, était un personnage politiquement influent et un réformateur catholique prudent et fin tacticien : ils restèrent en place. Le nouveau souverain eut donc les mains libres pour pourvoir les postes. Le massacre de Stockholm avait donné de bonnes raisons au nouveau roi de Suède pour conduire une politique ecclésiastique hostile aux structures en place et favorable à la Réforme : l’Église ayant déclaré les opposants à l’Union hérétiques en 1520, l’Union de Kalmar et le catholicisme étaient indissolublement liés. On peut donc considérer le passage – prudent – à la Réforme de Gustav Eriksson au début des années 1520 comme la conséquence logique du massacre de Stockholm. Gustav ne rompait pas seulement avec l’Union, il rompait avec l’Église qui avait soutenu l’Union dans un passé immédiat. Par la sécularisation de ses biens, il tentait de lui ôter tout moyen de mener une opposition militaire. En outre, un élément psychologique n’est pas à exclure dans l’aide qu’il accorda par la suite à l’introduction de la Réforme. Il est plausible en effet que Gustave, qui suivait les traces des opposants à l’Union exécutés pour hérésie en 1520, ait refusé de rejoindre le giron de l’Église qui avait fait exécuter son père et se soit tourné vers la nouvelle doctrine de Wittenberg.
Les débuts de la Réforme en Scandinavie jusque vers 1530
La Réforme des Princes, des élites, des villes, les tendances radicales
16La Réforme a bénéficié de la tolérance – au moins tacite — des autorités dans les années 1520, et pas uniquement en Suède mais aussi au royaume du Danemark. Christian II partit en exil en avril 1523, chassé par une coalition de nobles et de clercs mécontents de sa politique de réformes ; il se déclara pour la Réforme au plus tard lors de sa rencontre avec Luther en octobre 1523. Son oncle Frédéric Ier, qui lui succéda sur le trône, aurait aussitôt favorisé la Réforme sans la proclamer officiellement, et ce malgré une politique religieuse prudente au début de son règne, par considération envers la noblesse et le clergé. En effet, au Herredag1 d’Odense (1526), l’Église danoise pris ses distances avec la politique d’attribution des bénéfices du Pape. Les chaires épiscopales ne devaient plus revenir qu’à des membres de la noblesse danoise, les élections n’être validées que par l’archevêque – sans consécration canonique. Les taxes qui revenaient au pape lors de la confirmation iraient désormais dans les caisses de l’État. Frédéric Ier autorisa la construction d’églises évangéliques à partir de 1527 et délivra dans les années suivantes des sauf-conduits pour les prédicateurs. Les idées évangéliques pouvaient donc se répandre sous la protection du roi (Olesen, J. E., 2004, p. 75-90). Les nouvelles communautés évangéliques dépendaient de la juridiction royale et non pas de l’évêque. Même si, au début, communautés de fidèles de l’ancienne foi et communautés évangéliques coexistaient, la voie vers une Église évangélique nationale, indépendante de Rome, fut ouverte par les décisions de 1526 et 1527.
17Le développement de la Réforme suivit un chemin parallèle en Suède dans les années 1520. Gustave Eriksson ne se déclara pas publiquement pour la nouvelle doctrine mais prit une série de mesures qui soutenaient la Réforme. Dès 1523 il avait formulé un programme d’Église nationale dans lequel il exigeait des évêques indigènes, un nouvel archevêque et des réformes considérées comme nécessaires. Lorsque le Pape refusa à la Curie de consacrer les nouveaux évêques, la Suède suspendit le paiement des Annates ; la rupture avec Rome était consommée. En 1524, Gustav Eriksson nomma Olaus Petri Secrétaire à Stockholm. Ce dernier était un élève de Luther et de Melanchthon, rentré d’un voyage d’études à Wittenberg dès 1519 et qui depuis lors prêchait la Réforme à Strängnäs. Grâce à la protection royale, lui et son frère Laurentius Petri avaient pu continuer à exercer leur activité malgré leur excommunication par l’archevêque d’Uppsala. Le roi de Suède assura également l’avantage au camp évangélique en termes de publication et de diffusion : il fit fermer l’imprimerie d’Uppsala et celle de Söderköping, qui, à l’initiative de l’évêque Brask, avait imprimé des écrits hostiles à la Réforme. La presse d’Uppsala fut installée à Stockholm où elle fit office de presse royale et imprima de très nombreux écrits réformateurs à partir de 1526, notamment la traduction du Nouveau Testament de Olaus Petri cette même année.
18Olaus Petri avait reçu la consécration de diacre en 1520 et s’était marié en 1525 grâce à la tolérance royale et à la promotion de la Réforme. Il avait en cela suivi l’exemple du premier réformateur finnois Peter Särkilahti († 1529) qui s’était marié pendant ses études à Wittenberg. Il était probablement rentré en 1522 à Turku où il fit carrière grâce au soutien royal. Il devint ainsi recteur de l’école de Turku, puis le second prélat dans la hiérarchie de l’évêché de Turku, le plus important après l’évêque. Les carrières de Olaus Petri ou, cum grano salis, celle de Peter Särkilahti montrent que la Réforme en Scandinavie n’était pas qu’une Réforme des Princes, mais qu’elle était aussi un urban event, un événement urbain. Les forces sociales agissant dans l’institution de la Réforme étaient travaillées par les interactions culturelles avec l’Europe centrale. Dans cette périphérie septentrionale de l’Europe, les idées réformatrices eurent un impact partout où existaient des relations dynastiques, scientifiques et académiques, ou économiques, avec les centres européens importants. Les élites urbaines, politiques et ecclésiastiques se tournaient rapidement vers la Réforme tandis que les populations rurales restèrent longtemps fidèles aux doctrines de l’ancienne foi.
19Une importante communauté luthérienne existait dans la ville danoise de Hadersleben (au nord du Schleswig) dès le milieu des années 1520, comme dans d’autres villes du Danemark (Viborg, Copenhague, Malmö), où les idées réformatrices eurent du succès très tôt. Même dans des villes situées beaucoup plus loin de l’Empire, la Réforme eut très vite des adhérents. Dès 1522 l’évêque de Linköping Hans Brask craignait que les troupes de Lübeck, acheminées jusqu’à Söderköping, ne soient un terreau fertile pour la nouvelle doctrine. Effectivement, en milieu urbain les populations allemandes ou des personnes qui étaient en contact étroit avec l’Allemagne répandaient la doctrine de Luther. En première ligne se trouvaient les nombreux étudiants de Wittenberg, comme le danois Hans Tausen, les frères Petri et maints autres. À Viborg (Finlande), la Réforme trouva son premier adhérent connu en la personne du beau-frère de Gustav Vasa et son lieutenant général, le comte Jean de Hoija et Bruchhausen. Il nomma en 1528 le théologien de Poméranie Johannes Block prédicateur de la ville. Ce dernier amena avec lui sa bibliothèque qui comprenait de nombreuses œuvres d’humanistes et de réformateurs. C’est à l’école de Viborg que Mikael Agricola, réformateur finnois et créateur de la langue finnoise écrite de l’époque moderne, entra en contact avec les idées réformatrices (Heininen, S., 2007, p. 30-39).
20Les prédicateurs évangéliques itinérants ne passaient pas seulement par Malmö et Copenhague, ils suivaient les routes du commerce hanséatique jusqu’à Bergen en Norvège. Un moine défroqué du nom d’Antonius prêcha l’Évangile en 1526 à Bergen, mais il est probable que d’autres prédicateurs évangéliques avant lui avaient atteint la ville norvégienne (Grell, O. P., 2004, p. 122-131). À Stockholm comme à Bergen ce furent d’abord les populations d’origine allemande qui étaient sensibles aux idées évangéliques, même si elles ne furent pas les seules. Avec Olaus Petri, les éminents représentants de la Réforme à Stockholm étaient Nicolaus Strecker de Wittenberg, devenu pasteur principal de la ville, l’allemand Wulf Gyler, secrétaire de la chancellerie royale allemande, et enfin son compatriote le suédois Olov Bröms, directeur de la Chambre des Impôts suédoise qui avait été condisciple de Olaus Petri à Wittenberg. Hans Tausen et Jørgen Jensen, autrefois étudiants danois à Wittenberg, étaient actifs à Viborg (Danemark) avec le soutien des bourgeois éminents de la ville. En 1529, Tausen fut appelé à Copenhague par le roi Frédéric Ier, où, en 1530, il y avait au moins quatre prédicateurs évangéliques. À Malmö, le magistrat et surtout le bourgmestre Jørgen Kock encouragèrent les prêches de Claus Mortensen Tøndebinder en 1527 (Olesen, J. E., 2004, p. 90-97). Les facteurs multiplicateurs les plus importants de la Réforme étaient, avec la communication orale de la doctrine évangélique par les prédicateurs, l’imprimé et le chant religieux. C’est surtout le chant évangélique venu de Rostock qui avait pris pied à Stockholm et à Bergen dans les années 1520. L’influence du livre de cantiques du Réformateur de Rostock Joachim Slüter est attestée dans la messe suédoise d’Olaus Petri (imprimée en 1521).
21Les élites urbaines étaient aussi réceptives aux formes d’expressions radicales de la Réforme, en raison de leur proximité culturelle avec l’Europe centrale. C’est surtout le prédicateur anabaptiste Melchior Hofmann (1500-1543) qui a laissé son empreinte dans l’espace Baltique. Hofmann prêchait encore la doctrine luthérienne lors de son premier séjour à Dorpat en 1524, mais son activité eut pour conséquence des actions iconoclastes qui elles-mêmes entraînèrent dans les années suivantes toute une série de conflits en Estonie autour des images. Chassé à Dorpat puis à Reval, il arriva à Stockholm où il prêcha l’anabaptisme et publia des écrits, dont les conséquences manifestes furent là aussi des actions iconoclastes et en particulier la destruction des orgues (Czaika, O., 2002, p. 35-36). Quand le roi de Suède eut édicté une interdiction de prêcher contre Hofmann (1526), ce dernier quitta Stockholm en 1527. Il exerça alors une activité de prédicateur laïc dans le Holstein à l’invitation du roi du Danemark Fréderic Ier, mais il en fut banni avec ses partisans après une disputation qui eut lieu à Kiel contre Johannes Bugenhagen en avril 1528, au cours de laquelle Hofmann nia la présence réelle du Christ lors de la Cène (Deppermann, K., 1979).
22À Bergen (Norvège) aussi, on mena des actions des actions iconoclastes et le pillage du couvent des dominicains, probablement à l’instigation du lieutenant général du roi, Vincent Lunge. Par la suite, un conflit armé aux implications religieuses et politiques se déclara entre Lunge et l’archevêque catholique Olav Engelbrektsson. Après 1529, l’archevêque tenta d’aider Christian II à récupérer le trône du Danemark et à préserver l’indépendance de la Norvège dans l’Union avec le Danemark. C’est dans ce dernier pays que la Réforme s’exprima de la manière la plus violente. Vers la fin des années 1520 des actions iconoclastes eurent lieu à Copenhague sous le gouvernement du bourgmestre Ambrosius Bogbinder – qui œuvrait pour le retour de Christian II – et à Malmö sous l’influence des prédicateurs Claus Mortensen Tøndebinder et Hans Spandemager. Il faut souligner qu’il y avait au Danemark un impetus radical de la Réforme qui s’exprimait lors des nombreuses attaques violentes contre des couvents et qui n’existait pas sous cette forme ni de façon aussi manifeste dans le reste de la Scandinavie.
L’instant retardateur : révoltes en Suède, guerre au Danemark
23La rupture de l’Union de Kalmar et la constitution de l’État suédois moderne entraînèrent toute une série de conflits jusqu’au milieu du siècle, de portée plutôt locale ou largement répercutés en Scandinavie et en Europe. La religion y était un aspect important mais n’était jamais le seul déclencheur. Gustave Eriksson avait considérablement alourdi la dette de l’État suédois : la guerre de libération contre le pouvoir central danois et sa tentative malheureuse de prendre le Gotland au Danemark avaient grevé les caisses. Le roi voulait assainir les finances par des prélèvements extraordinaires et par la sécularisation de biens d’Église ; ces mesures mécontentèrent les populations rurales.
24L’une des premières révoltes contre le souverain suédois éclata dès 1523. Les intérêts des élites politiques suédoises y rencontrèrent ceux du peuple. L’évêque de Västerås, Peder Jakobssson Sunnanväder, et l’archevêque désigné Knut Mikaelsson s’élevèrent contre l’imposition de l’Église et se virent privés de tout poids politique en tant qu’anciens partisans de Sten Sture le Jeune. Ils jouèrent les agitateurs en Dalécarlie (Dalarna) contre Gustav Eriksson et gagnèrent à leur cause de larges pans de la population rurale qui se sentait victime de la mauvaise monnaie et de la cherté. Gustav réussit à mater la révolte. Les meneurs Peder Jakobssson Sunnanväder et Knut Mikaelsson furent exécutés en février 1527, en revanche le roi fit preuve de mansuétude envers le peuple.
25À peine quelques mois plus tard une nouvelle révolte eut lieu à Dalarna, dite « révolte de l’écuyer de Dal » (Daljunkare). Un homme – dont l’identité réelle n’est aujourd’hui encore pas fermement établie – se disait être Nils Sture, fils de Sten Sture le jeune, et exprima ses prétentions à la couronne de Suède. Dans cette révolte, les intérêts des élites de la fin du Moyen Âge opposées à l’augmentation des impôts rencontrent ceux de la résistance à la nouvelle doctrine que tolérait le roi. Les motifs religieux occupèrent à cette occasion une place plus exposée que dans les années précédentes, une réaction probable à la Diète de Västerås de 1527 qui réduisait les biens d’Église sous l’autorité du roi et favorisait la nouvelle doctrine. L’écuyer de Dal s’allia ensuite à Vincent Lunge, lieutenant général en Norvège. Ce dernier arma une expédition militaire pour détrôner Gustav et unir les couronnes norvégiennes et suédoises. Gustav réussit pourtant à défendre son trône une nouvelle fois, et l’écuyer de Dal fuit à Rostock où il fut arrêté et exécuté sous la pression suédoise.
26La résistance à la nouvelle doctrine est patente dans la « révolte de la noblesse du Västergötland » (1529) et dans la « révolte des cloches » en Dalécarlie (15311532). En 1529, une partie de la noblesse du Västergötland – parmi laquelle Magnus Haraldsson, évêque de Skara, et Ture Jönsson, intendant de la cour du roi – fit alliance avec les paysans du Småland. La révolte faisait suite au synode d’Örebro de 1529. À l’instar de la diète de Västerås, on pouvait considérer ce dernier comme l’expression d’un catholicisme réformateur. Or, il introduisait une série de réformes prudentes et maintenait les anciens rituels en expliquant leur « vrai sens », c’est-à-dire en fait, en les réinterprétant dans un sens évangélique. Une série de libelles accusèrent donc Gustave Eriksson de mener une politique « non chrétienne », de soutenir les hérétiques et d’avoir mangé de la viande pendant le Carême. Gustav Eriksson apaisa les esprits en promettant de réprimer l’hérésie luthérienne et de préserver l’ancienne doctrine – ce en quoi il mentit – et Magnus Haraldsson et Ture Jönsson durent s’exiler. En 1531-1532, ce fut de nouveau la population de Dalécarlie qui refusa d’obtempérer à la sécularisation des biens d’Église ordonnée par le roi pour couvrir la dette envers la ville de Lubeck. Ils refusèrent notamment de livrer les cloches des églises à la chambre royale. Le roi de Suède réussit à mater la révolte avec l’aide de la noblesse convoquée au ban en 1532 (Buchholz, W., 2003, p. 137-141).
27Les révoltes en Suède eurent deux conséquences majeures. Premièrement, la majorité des chaires épiscopales étaient désormais vacantes, les titulaires ayant été exécutés ou exilés. L’évêque de Linköping (Hans Brask) avait quitté le pays après la Diète de Västerås. Il est évident que Brask avait réalisé que les décisions de Västerås allaient mener le pays à une Église nationale évangélique. La seconde conséquence de la révolte du Västergötland fut que Gustav retira sa faveur à son chancelier et réformateur Laurentius Andreae, puis à Olaus Petri, car les révoltés considéraient Andreae comme le principal responsable des changements dans la doctrine. Gustav le sacrifia et le fit d’autant plus facilement que les convictions théologiques d’Andreae et de Petri ne s’accordaient pas avec ses propres conceptions politiques et religieuses. Les réformateurs mettaient en effet l’accent sur la doctrine des deux glaives de Luther, et dans celle-ci sur une ecclésiologie populaire, considérant l’Église comme libre par rapport au pouvoir temporel. Les révoltes montrèrent enfin que, même si le parti catholique bénéficiait encore du soutien de la population rurale, l’avantage en terme de pouvoir politique allait aux forces réformatrices qui étaient aussi les forces politiques et se trouvaient dans les centres névralgiques du pays : le roi, les villes importantes dans la vallée du lac Mälar comme Stockholm, Strängnäs ou Västerås. Il faut noter à ce propos que lors de la révolte de Dalécarlie en 1525 les districts miniers et leurs centres urbains restèrent loyaux à Gustav Vasa.
28Les révoltes contre Gustav Eriksson exprimaient les problèmes de légitimité que rencontra le nouveau roi de Suède non seulement comme un newcomer parmi les princes européens mais également dans son propre pays. Si des révoltes populaires semblables faisaient défaut dans le royaume danois, un conflit pour le pouvoir éclata à la mort de Frédéric Ier qui précipita dans la guerre civile le Danemark et toute la Baltique. Les villes hanséatiques de Lübeck, Wismar, Rostock et Stralsund, entre-temps passées au protestantisme, tentaient en effet de restaurer leur monopole commercial dans la Baltique par la conquête du Danemark. La guerre reçut le nom de « querelle du Comte » d’après le commandant des troupes hanséatiques, le comte Christophe d’Oldenburg (Sellmer, L., 1999). Les membres de la coalition, parmi lesquels se trouvait d’ailleurs le catholique duc de Mecklenburg Albrecht II, présentèrent la guerre contre le Danemark comme un combat pour la liberté de l’Évangile contre les évêques danois accrochés au catholicisme et comme la lutte pour la restitution de son trône à Christian II. La coalition fut victorieuse dans un premier temps et prit le contrôle de la quasi totalité du Danemark, mais elle fut repoussée par une coalition de la Suède, du Danemark et de la Prusse en 1535-1536. Comme une victoire d’Albrecht de Mecklenburg aurait mis en danger la couronne de Suède, Gustav Eriksson s’était rangé aux côtés de Christian III, fils de Frédéric Ier, avec Albrecht de Prusse, les ducs de Poméranie Philippe Ier et Barnim IX, et enfin le duc protestant Henri de Mecklenburg.
29Si le rapprochement de la Suède et du Danemark par cette guerre fut de courte durée, il renforça le luthéranisme dans la Baltique dans le sens invoqué par la coalition hanséatique, celui de la « liberté de l’Évangile ». Les ducs de Poméranie se virent obligés d’introduire la Réforme dans leurs territoires au printemps 1524 sous l’effet de la victoire de Lübeck. Christian III écarta de leur chaire les évêques catholiques et assura le succès de la Réforme en réglementant la position juridique de l’Église évangélique dans son royaume. L’archevêque norvégien Olov Engelbrektsson, qui avait soutenu les prétentions de Christian II et avait voulu défendre la doctrine catholique et l’indépendance de la Norvège par rapport à Copenhague, ne put conserver la Norvège contre un Christian III victorieux. En 1536, dernier archevêque catholique de Norvège, il prit la fuite. La même année, la Norvège devint de facto une province danoise, même si elle restait de jure un royaume indépendant. L’année suivante le gouvernement central du Danemark put commencer à instaurer effectivement la Réforme dans toute la Norvège, alors qu’auparavant elle ne s’était installée qu’à Bergen et dans quelques familles nobles – pour autant que l’on puisse en juger d’après les maigres sources qui sont parvenues jusqu’à nous.
30La Suède était, du moins à moyen terme, protégée des prétentions au trône du Mecklenburg catholique, prétentions issues du Moyen Âge. Lors de la « querelle de Dacke » (1542-1543), Albrecht VII tenta pourtant une fois encore de mettre la main sur la couronne de Suède en s’alliant avec le comte Palatin Frédéric. Il y soutint les révoltes du Småland menées par le paysan Nile Dacke, un temps couronnées de succès. Cette tentative échoua néanmoins comme la précédente : Gustav Eriksson réussit à écraser les troupes qui avaient été levées pour soutenir les révoltés du Småland par une attaque préventive sur le territoire du Mecklenburg au printemps 1543. Les causes de la querelle de Dacke étaient, comme les révoltes précédentes, fiscales et religieuses. La pression fiscale s’était accrue et de nombreuses confiscations de trésors d’Église eurent lieu dans la foulée des visites ecclésiastiques sévères que menait le superintendant Georg Normann. La répression du soulèvement eut plusieurs conséquences indissolublement liées : la mise en œuvre de la politique fiscale royale et l’implantation de la Réforme dans les régions méridionales de la Suède. La querelle de Dacke témoigne que la Suède des années 1540 évoluait déjà dans l’ère de la confessionnalisation, une ère caractérisée par le processus fondamental de l’époque moderne, une disciplinarisation sociale à la fois étatique et religieuse.
Consolidation dogmatique et juridique de la Réforme
31Les divers conflits scandinaves du début du XVIe siècle ont favorisé la consolidation juridique et dogmatique de la Réforme, à court et à moyen terme. Ils laissèrent leur empreinte dans l’action politique des princes qui s’efforçaient de consolider l’œuvre réformatrice parce que les conflits armées menaçaient leurs sphères de pouvoir. Après la querelle du comte, Christian III, fort du soutien de la population pour la Réforme, fit rapidement de la doctrine luthérienne la confession du Danemark et déposséda les anciennes élites de leur pouvoir. Gustave Eriksson procédait en revanche plus prudemment en Suède où il y avait d’importants résidus catholiques dans la population rurale. Bien que la création d’une Église protestante n’y fusse pas menée de manière aussi consciente qu’au Danemark, le chemin vers le luthéranisme, ouvert en Suède depuis les années 1520, menait à long terme vers une Église confessionnelle unifiée et dépendant de l’État et du roi.
32En 1530, les prédicateurs évangéliques du Danemark présentèrent la première confession de foi danoise, la Confessio Hafniensis à l’occasion du Herredag, au cours duquel une disputation à la mode de la Haute-Allemagne était prévue. La disputation n’eut pas lieu, pas plus que l’introduction de la Réforme à l’occasion du Herredag que le roi avait pourtant prévue. En effet, le Danemark fourbissait alors ses armes contre les prétentions au trône de Christian II et les questions de foi furent reportées sine die. Le parti évangélique était cependant parvenu à formuler sa propre confession deux semaines seulement après l’achèvement de la Confessio Augustana. La Confessio Hafniensis ne s’alignait qu’en partie sur la Réforme de Wittenberg. Les théologiens danois s’étaient également inspirés de la Réforme de la Haute Allemagne. Cette théologie était arrivée au Danemark par le duché de Prusse où Albrecht, descendant des Hohenzollern et grand-maître de l’Ordre Teutonique, avait introduit la Réforme dans son territoire. La théologie de la Haute Allemagne fit son chemin de la Prusse à la Scandinavie grâce à la proximité géographique, mais aussi par les réseaux politiques et dynastiques (Albrecht de Prusse avait épousé la princesse danoise Dorothée en 1527). On la retrouve également en Suède, par exemple dans la théologie d’Olaus Petri, pour lequel la Cène n’avait qu’un caractère commémoratif dès les années 1520.
33La Confessio Hafniensis différait de la Réforme de Wittenberg sur plusieurs points. Elle ne reconnaissait qu’un gouvernement temporel, contrairement à la doctrine des Deux Royaumes de Luther. Elle considérait la Bible comme la seule aune de la vie citoyenne et religieuse, accordait plus de valeur au pastorat universel qu’à la fonction de pasteur et avait une conception de la Cène proche de celle de Zwingli. Elle était ainsi bien plus radicale que la Confessio Augustana, qui s’efforçait encore de maintenir un équilibre entre catholicisme et Réforme, et qui d’ailleurs y échoua. Cela dit, la confession danoise ne fut pas non plus officiellement reconnue par l’État royal en raison des troubles politiques des années 1530.
34Ce n’est qu’après la querelle du comte que Christian III s’occupa de consolider la Réforme, à la fois sur le plan personnel et dans le domaine du droit de l’Église. Par un recès du 30 octobre 1536 il releva les évêques catholiques de leurs fonctions, sécularisa les biens du clergé au profit de la couronne et prit la direction de l’Église. Il commença également à aligner la Réforme sur celle de Wittenberg : c’est Johannes Bugenhagen, originaire de Poméranie, compagnon de route de Luther, pasteur et professeur à Wittenberg, qui dirigea la réorganisation de l’Église danoise (Schwarz-Lausten, M., 1987, p. 98-151). Bugenhagen travailla à l’Ordonnance ecclésiastique danoise (en danois Kirkeordinansen) en constante collaboration avec les représentants danois (Schwarz-Lausten, M., 1989). Pour créer les conditions politico-religieuses nécessaires à son adoption, Bugenhagen couronna, en grand pompe, Christian III et son épouse à Copenhague, dans l’église Notre-Dame (août 1537), peu avant la date prévue pour cette adoption. Christian III devenait ainsi le premier roi régnant passant officiellement au luthéranisme. À peine quelques semaines plus tard (début septembre), Bugenhagen ordonna les sept premiers superintendants du Danemark. Ainsi, l’Église danoise avait définitivement rompu avec la tradition, la succession apostolique était interrompue. L’Ordonnance ecclésiastique danoise et la « lettre royale » qui la précédait et qui plaçait la responsabilité de l’Église dans les mains du roi, fondèrent une Église d’État luthérienne. La Lettre royale désignait conjointement comme fondement de l’Église la Bible, la Postille de Luther, la Confessio Augustana et son Apologie, et enfin les Loci Communes de Melanchthon. La confessionnalisation luthérienne commençait au Danemark.
35Une fois l’ordonnance ecclésiastique rédigée, Christian III s’attela tout de suite à introduire la Réforme en Norvège et en Islande, dans le cadre d’un programme politique plus large visant à renforcer les liens de ces territoires appartenant au Danemark avec le pouvoir central. Les nombreux résidus du catholicisme danois, comme les chapitres cathédraux ou les couvents, ne menacèrent plus la Réforme d’une résistance active après 1536/1537. En Norvège l’introduction de la Réforme se déroula plutôt pacifiquement après la querelle du comte, grâce à l’attitude prudente de Copenhague. Des personnalités plaidant pour une réforme catholique comme Geble Pederson ou Hans Reff furent placées aux commandes de l’Église luthériennes et transformèrent progressivement l’Église médiévale en Église luthérienne. L’Islande résista en revanche les armes à la main jusqu’en 1550 sous l’évêque catholique Jón Arason, et ce n’est qu’après l’exécution du prélat (1550) que la Réforme pris pied sur l’île (Grell, O.P., 2004, p. 138-144).
36Les traductions de la Bible sont un indice important pour mesurer la réception des idées et doctrines réformatrices : dès 1529 Christian Pedersen avait traduit le Nouveau Testament en danois et en 1550 il fit paraître sa traduction entière de la Bible – dite Bible de Christian III. La première traduction norvégienne parut en 1560 et la première traduction islandaise en 1584. En 1607, la Norvège eut sa propre Ordonnance ecclésiastique. Les visites ecclésiastiques effectuées par les superintendants furent un des principaux moyens d’implanter la Réforme dans toute l’aire de domination danoise. Sa consolidation juridique et confessionnelle par l’Ordonnance ecclésiastique danoise était le prolongement de l’effort des forces réformatrices puissantes déjà présentes dans le pays comme du positionnement religieux du souverain ; elle posa les bases d’un ancrage durable de la Réforme.
37En Suède l’action des cercles réformateurs et du roi menait aussi à la formation d’un État luthérien confessionnalisé, sans que cette action ne s’appuie toutefois sur des bases juridiques (droit de l’Église) et théologiques (confession de foi). La décision de la Diète de Västerås de 1527 et la Västerås-Ordinantia, formulée dans la foulée, n’avaient pourtant pas fait qu’amorcer une sécularisation générale des biens du clergé, elle contenait une Confession de foi minimaliste de la norme doctrinale de Wittenberg dans la mesure où elle préconisait la prédication de « la pure parole de Dieu » dans tous les territoires suédois (Czaika, O., 2002, p. 40-48). L’une des raisons de la relative indifférence dogmatique de l’Église suédoise jusqu’à la fin du siècle peut être attribuée aux révoltes passées – qui avaient des motivations religieuses – et à la tactique prudente que le roi adopta en conséquence. De plus, tant qu’il n’avait pas les mains liées par des textes fondateurs en termes d’ecclésiologie et de confession de foi, Gustave Eriksson pouvait à son gré adapter la Réforme aux nécessités de la situation politique. L’Église suédoise s’était éloignée du catholicisme avec les consécrations non canoniques de trois évêques en 1528, ainsi qu’avec l’élection de Laurentius Petri au rang d’archevêque de Suède par les représentants des provinces ecclésiastiques suédoises, et non par le chapitre d’Uppsala comme c’était la tradition. Plusieurs décisions de la Diète et du Synode avaient promu la Réforme, comme la Diète d’Örebro en 1529 qui réinterpréta la signification de certaines cérémonies dans un sens évangélique, et le Synode d’Uppsala en 1536 qui formula un modèle de Messe suédoise, toutefois sans le rendre obligatoire. Les forces de la réforme catholiques restèrent influentes au moins jusqu’au milieu du XVIe siècle, et les rites catholiques en usage, souvent réinterprétés dans un sens évangélique. À ses débuts, la messe Suédoise (1531) ne remplaça le formulaire traditionnel qu’à Stockholm et à Strängnäs ; dans le reste du royaume elle fut en concurrence jusque dans les années 1540 avec la liturgie catholique médiévale et avec un formulaire « purifié » dans un esprit catholique réformateur qui était en usage dans le diocèse de Linköping.
38Dans ce processus créateur, et malgré l’absence de mesures juridiques ou étatiques pour consolider la Réforme, une Église évangélique s’était progressivement construite, dans les années 1540, en Finlande et en Suède. Les diètes de 1540 et 1544 ordonnèrent d’abord la réforme totale des « doctrines et des cérémonies », puis obligèrent les États à adopter la « vraie doctrine ». Gustav Eriksson se rapprocha de la Réforme allemande lorsqu’il appela Georg Normann, théologien originaire de Rügen et disciple de Luther, à occuper le poste de Superintendant de l’Église de Suède. D’un point de vue institutionnel, cette nomination reste une mesure éphémère, visant entre autres à réduire l’influence des réformateurs suédois bien trop indépendants au goût du roi. Après la mort de Gustav Vasa (1560), son fils et successeur Éric XIV renforça l’institution de l’évêque comme soutien régional du pouvoir royal. La Constitution ecclésiastique de Normann, dans laquelle le superintendant chapeautait l’Église, au dessus des Seniors et des Conservateurs disparaissait progressivement depuis le milieu des années 1540. Les textes de Normann sur l’organisation institutionnelle de l’Église furent aussi peu considérés par le roi ou les Synodes que les propositions d’Ordonnances ecclésiastiques de Laurentius Petri. Normann laissa en revanche son empreinte dans l’histoire de l’éducation en Suède. Il avait exercé au Pedagogium de Greifswald en 1535-1537 et réforma l’enseignement dans les écoles cathédrales suédoises en introduisant des concepts pédagogiques de Melanchthon. Les traductions de la Bible et d’autres textes religieux en suédois et en finnois dans les années 1540 contribuèrent à ancrer la Réforme dans le clergé et le peuple. La première Bible (Ancien et Nouveau Testaments) parut en 1541, après les traductions du Petit Catéchisme de Luther en suédois en 1530. Mikael Agricola, le disciple finnois de Melanchthon et de Luther, publia de 1534 à sa mort (1557) des textes de catéchèse, une traduction du Nouveau Testament ainsi que des morceaux de l’Ancien Testament en finnois. La Réforme et en particulier les traductions de la Bible ont eu un impact déterminant sur le développement de la langue finnoise écrite.
39Malgré l’absence d’Ordonnance ecclésiastique ou de Confession de foi, le début de la confessionnalisation en Suède remonte aux années 1540 : les éléments de disciplinarisation sociale présents dans l’exercice du pouvoir ainsi que les événements théologiques et religieux tendent à soutenir cette thèse.
Les conflits sur le chemin de l’Église confessionnelle suédoise
De la querelle liquoriste sous Éric XIV et des confrontations à propos de la liturgie sous Jean III à une Église confessionnelle en 1593 et à la veille de la guerre de Trente Ans
40Deux conflits religieux de la deuxième moitié du XVIe siècle contribuèrent à l’alignement de l’Église suédoise sur le luthéranisme allemand d’un point de vue institutionnel, juridique, théologique et confessionnel, mais à un niveau de confessionnalisation inférieur. Durant le règne d’Éric XIV (1560-1568) éclata un conflit que l’historien suédois Sven Kjöllerström a qualifié de « querelle du calvinisme » (Kjöllerström, S., 1935). L’Église suédoise formula ses positions théologiques dans le contexte des prétentions d’un groupe d’éminents immigrés calvinistes, parmi lesquels des huguenots français, à la liberté d’exercice de la religion pour eux-mêmes ; ils espéraient obtenir une patente royale donnant au calvinisme un statut égal à celui du luthéranisme. Paradoxalement, ces calvinistes immigrés formulèrent la première confession de foi sur le sol suédois, la Confessio a Gallis, in Suecia degentibus (1564). Ils disposaient de soutiens à la cour ainsi que – temporairement – de la bienveillance royale.
41Les confrontations avec la doctrine calviniste provoquèrent une querelle au sein de l’Église suédoise en 1563. La « guerre de Sept Ans nordique » – entre le Danemark et la Suède – avait éclaté, et le blocus maritime rendait très difficile l’importation de vin de messe. L’évêque de Västerås, Hans Ofeegh, par ailleurs sympathisant du calvinisme, commença à célébrer des messes « à l’eau » en 1563 : il remplaça le vin utilisé pour la Cène par de l’eau, d’où le nom de cette querelle, dite liquoriste. La réaction du roi et des dirigeants de l’Église montre à quel point la doctrine luthérienne était considérée comme une norme par le roi et par la majorité des théologiens, et ce même en l’absence de Confession de foi. Dans les années 1560, l’Église de Suède prit ses distances avec le calvinisme et se rapprocha de la théologie luthérienne contemporaine, en particulier de celle du professeur de Rostock David Chytraeus. La querelle liquoriste a sans doute aussi contribué à ce que l’ordonnance luthérienne conservatrice de Laurentius Petri, achevée depuis une décennie et déjà en usage fût adoptée officiellement en 1571.
42La situation religieuse en Suède n’était pourtant pas encore pacifiée. Quelques années plus tard éclata une querelle à propos de la politique de Jean III. Il avait complété l’Ordonnance ecclésiastique par la Nova Ordinantia en 1575 et en 1576 il fit paraître une nouvelle liturgie, le « Livre rouge » (Röda Boken en suédois en raison de l’impression rouge des rubriques), et s’était ainsi rapproché de la théologie de l’intercession du théologien Georg Cassander. Presque simultanément le roi menait des transactions avec la Curie romaine par le truchement du légat de Stockholm Antonio Possevino à propos d’un retour de l’Église suédoise au sein de l’Église catholique romaine. Le sérieux des intentions du roi de Suède est un sujet de débat dans l’historiographie et la question de sa conversion au catholicisme – ce que rapportent les sources jésuites – est l’une des plus problématiques. Il est toutefois certain qu’il reçut la communion selon le rite romain des mains de Possevino en 1578. L’intérêt de Jean III pour le catholicisme était probablement d’abord de la Realpolitik. Il était en effet marié à la princesse polonaise Catherine Jagellon, et dans ces conditions une conversion – hypothétique – lui aurait permis de mettre la main sur trône de Pologne et sur l’immense héritage Sforza de sa femme : des biens inaccessibles tant qu’il resterait protestant. Les tentatives d’accord avec Rome échouèrent, et les héritages polonais et italiens lui échappèrent. Même après avoir épousé en secondes noces en 1585 Gunilla Bielke, une dame protestante de l’aristocratie suédoise, il continua à défendre son œuvre religieuse, la Nova Ordinantia et la Liturgie, mais dans le même temps il chercha des soutiens dans le camp protestant. Il demanda ainsi à l’historien de Rostock David Chytraeus d’intégrer dans son œuvre l’histoire de la Suède depuis Gustav Eriksson et d’y souligner l’héritage luthérien.
43Le conflit à propos de la politique religieuse de Jean III fut lourd de conséquences pour l’histoire suédoise et européenne aux alentours de l’an 1600. Le clergé luthérien, en porte-à-faux avec la liturgie de Jean III, s’unit et réclama que la Confessio Augustana devienne la confession de l’Église suédoise. Les « Antiliturgiques » trouvaient asile dans le duché de Södermanland et dans l’évêché de Strängnäs qui en faisait partie, où régnait le duc Charles, frère cadet du roi et protestant convaincu. La politique religieuse de Jean III mena l’Église de Suède au bord du schisme dans les années 1580, mais en définitive la poussa à faire le dernier pas vers une Église confessionnalisée autonome et sûre de ses positions.
44Tout ce qui resta de la politique de Jean III fut son fils Sigismond, qu’il avait fait élever dans la religion catholique pour lui assurer le trône de Pologne. À la mort de son père, devenu entre temps roi de Pologne (1587), Sigismond réclama la couronne de Suède. Les États se réunirent à Uppsala en 1593 pour décider de la politique religieuse à mener. Le Synode et la Diète d’Uppsala déclarèrent caducs les textes normatifs de Jean III (Nova Ordinantia et Liturgie) et formulèrent une confession de foi luthérienne, la Confessio fidei. Elle contenait les trois anciennes confessions et la Confessio Augustana mais prenait ses distances avec le Livre de Concorde, adoptant un état antérieur à l’œuvre concordataire allemande.
45Le Synode et la Diète, organes législateurs suprêmes, établirent la religion du royaume, mais accordèrent aussi le trône au catholique Sigismond à la condition qu’il n’entreprît rien qui nuise à la doctrine protestante en Suède. Les États avaient ainsi contredit le principe Cuius regio eius religio alors en vigueur dans l’Empire : la confession du pays était déterminée par les États, mais le roi avait le droit d’appartenir à une confession différente. À la différence du Danemark, ce n’était pas le roi, mais l’assemblée des États qui avait tracé la voie vers une Église confessionnelle unifiée sur des bases juridiques et théologiques (Czaika, O., 2002, p. 221-346).
46La solution trouvée en 1593 aux problèmes du gouvernement et de la religion échoua cependant pour deux raisons. D’une part, Sigismond, qui avait juré lors de son couronnement à Uppsala en 1594 de ne pas porter atteinte à la confession protestante de la Suède, soutint plus tard des activités catholiques dans le pays. D’autre part son oncle le duc Charles cherchait à prendre le pouvoir et mit de l’huile sur le feu en soulignant que Sigismond gouvernait depuis la Pologne et utilisait la question religieuse pour sa propre politique. La stratégie de Charles paya : les troupes de Sigismond furent battues à Linköping après une courte guerre civile, en 1598. Le roi perdit la Suède et n’y revint jamais. Par le massacre de Linköping (1600) Charles se débarrassa des têtes de la résistance à sa prise de pouvoir. En 1599, Sigismond avait été déposé, et cinq ans plus tard Charles fut couronné roi de Suède sous le nom de Charles IX. Sigismond n’abandonna jamais ses prétentions au trône de Suède.
47Ces événements ouvrent sur un autre siècle. Gustave II Adolphe, le fils de Charles IX, fut l’une des principales figures du Theatrum Europeum. Sa politique impériale dans la Baltique, justifiée par la religion, trouve ses racines dans les conflits de la Suède à la fin du siècle de la Réforme. Les guerres que conduisit Gustave II Adolphe s’expliquent en grande partie comme des guerres préventives contre les prétentions de son oncle Sigismond au trône de Suède et contre le camp catholique susceptible de le soutenir.
Évolutions religieuses et théologiques en Scandinavie vers et après 1600
48Les Réformes scandinaves n’avaient pas donné naissance à une théologie véritablement autonome. Elles s’alignaient sur les évolutions de l’espace germanophone, que ce soit par une réception positive ou par une distanciation. On peut toutefois constater une évolution particulière de la Réforme malgré l’absence, à quelques détails près, de projet théologique autonome. Cette évolution prend ses racines dans la réception, la transposition et l’arrangement parfois très libre, voire éclectique, des différents concepts réformateurs. Les idées réformatrices étaient remaniées librement et adaptées à la situation de l’Église concernée. Cela ne se passa pas sans dommages collatéraux mais, en comparaison avec les différenciations au sein de la doctrine luthérienne, de manière bien plus pacifique que dans l’Empire. En effet les Réformes nordiques tendaient à voir Luther et Melanchthon comme représentant une seule et même doctrine. Les différences théologiques n’étaient prises en considération que ponctuellement et ne provoquaient qu’exceptionnellement des discussions théologiques.
49Les débats des théologiens protestants de l’Empire sur le philippisme et le crypto-calvinisme étaient pourtant connus en Scandinavie : les étudiants scandinaves fréquentaient toujours massivement les universités germanophones (Rostock, Greifswald, Wittenberg, Leipzig) et les théologiens scandinaves échangeaient des idées avec leurs collègues allemands. Le théologien danois Nils Hemmingsen, évêque de Zélande, dont la doctrine de la Cène avait provoqué des débats dans les années 1570, s’était rétracté ; les hommes d’Église danois d’orientation melanchthonienne, sous la pression des théologiens orthodoxes de l’entourage de Hans Poul Resen, s’étaient inclinés après l’an 1600 et avaient admis que l’exorcisme au moment du rituel du baptême devait être conservé (Olesen, J. E., 2003, p. 85-89). Pourtant, ni au Danemark ni en Suède, on n’avait pris position contre les opinions particulières de Melanchthon, et les Églises suédoises et danoises conservèrent une théologie harmonisant ses positions avec celles de Luther (Czaika, O., 2008).
50L’Église suédoise s’était confessionnalisée en recourant à la Confessio Augustana, dans un état précédent à celui qui était adopté dans l’espace germanophone, où on se référait à la Formule de Concorde. C’était aussi le cas du Danemark. Frédéric II de Danemark, qui avait pourtant réagi contre les influences calviniennes dans la théologie de la Cène de Nils Hemmingsen, ne penchait pas du côté luthérien orthodoxe. La possession ou l’importation du livre de Concorde était formellement interdit au Danemark depuis 1580, sous peine de sanction draconniennes (Lockhart, P.D., p 172f). L’Église suédoise prit aussi ses distances avec le livre de Concorde lorsqu’elle formula une confession à Uppsala en 1593, mais elle ne traçait pas des limites aussi nettes que le Danemark. En conséquence, les théologiens suédois purent se référer positivement au Livre de Concorde à partir de 1600 en grande partie sous l’influence de la politique religieuse de Charles IX, favorable, au moins par intermittence, au calvinisme. Il fallut toutefois attendre la loi ecclésiastique de 1686 pour que l’Église suédoise adopte officiellement le Livre de Concorde comme document normatif fondamental (Czaika, O., 2007, p 82 sq.).
51Les réformateurs danois n’avaient pas déclaré la Confession d’Augsbourg norme codifiée, mais ils la reconnaissaient au moins comme contraignante, d’autant plus que l’Ordonnance de Bugenhagen de 1537 lui attribuait une valeur fondatrice. À partir de la seconde moitié du XVIe siècle, la Confession d’Augsbourg fut posée comme jalon de l’orthodoxie luthérienne au Danemark. Lorsque les émigrants réformés atteignirent le pays après 1550, les rois du Danemark prirent des mesures pour assurer l’unité religieuse. Lorsque deux cent réfugiés de la communauté réformée néerlandaise de Londres entrèrent à Copenhague, Christian III interdit aux étrangers qui ne pouvaient certifier de leur orthodoxie de s’installer dans l’aire de domination danoise, sous peine de mort (1553-1555). Le projet d’ordonnance ecclésiastique de 1561 – jamais publié – montrait de nettes tendances anticatholiques. Le roi du Danemark Frédéric II craignait manifestement que la pluralité religieuse ne menace l’unité du pays. En 1569 le théologien danois Hils Hemmingsen écrivit pour les étrangers une constitution proche de la Confession d’Augsbourg qu’ils devaient tous signer. L’élément déclencheur était cette fois l’afflux de milliers de réfugiés venus des pays de la couronne des Habsbourg. Dans les décennies suivantes cette loi servit à la disciplinarisation sociale non seulement des immigrants hollandais mais aussi des Anglais et des Écossais, présents de manière relativement importante dans les centres de la couronne danoise. (Olesen, J. E., 2003, p. 90-96).
52Au Danemark comme en Suède la différence confessionnelle avait trouvé deux contre-modèles pour s’affirmer : le catholicisme tridentin d’une part et les autres mouvements internes au protestantisme, anabaptistes et calvinistes, d’autre part. Il y eut en Scandinavie, derrière la façade des Églises luthériennes confessionnalisées, des phénomènes trans- et interconfessionnels ainsi qu’une pluralité intraconfessionnelle entre 1550 et 1650. La Suède n’était pas aussi nettement opposée à l’immigration calviniste que le Danemark. Une querelle à propos du calvinisme avait pourtant éclaté dès les années 1560 (comme nous l’avons montré). Certains théologiens suédois, dont l’imprimeur de Rostock Petrus Johannis Gothus ou l’archevêque Olaus Martini, avaient fait front contre les influences calvinistes perceptibles dans l’Église suédoise. De nombreux migrants calvinistes s’installèrent en Suède entre 1550 et 1650 : des huguenots venus de France, mais aussi des Réformés de Hollande ou d’Écosse. Ces immigrants occupèrent des fonctions importantes dans l’appareil d’État, l’économie et la société, parmi elles notamment des fonctions militaires dans la mesure où de très nombreux officiers et soldats étaient recrutés parmi les Écossais (Grosjean, A., 2003). Le culte domestique réformé était toléré par les autorités suédoises : il n’y eut apparemment jamais de conflit avec les immigrés. Cependant ces derniers semblent s’être assimilés relativement vite en Suède – sur une à deux générations – et s’être fondus dans la population luthérienne.
53D’une manière générale, la société scandinave du XVIIe siècle était sur la voie du luthéranisme. À partir du milieu du siècle le luthéranisme commença même à porter son attention vers les Samoyèdes de la Scandinavie du nord, probablement en majorité païens, ce dont témoignent les premières traductions de textes religieux en Samoyède (Czaika, O., 2002, p. 401). Des tendances unificatrices sont également perceptibles à l’est de l’aire de domination suédoise : de nombreux chrétiens orthodoxes de l’est de la Finlande émigrèrent en Russie très probablement pour des raisons socio-économiques, mais aussi dans une moindre mesure à cause de la politique religieuse menée contre eux (Laasonen, P., 2005, p. 94-103).
54Malgré la confessionnalisation luthérienne des royaumes scandinaves après 1550 et le développement d’Églises unifiées, il y eut des frictions avec le catholicisme jusque dans les premières décennies du XVIIe siècle (Garstein, O., 1963, 1980, 1992). Des individus isolés restaient en secret fidèles à l’ancienne foi, célébrant parfois des messes catholiques clandestines, et un nombre non négligeable d’étudiants scandinaves fréquentait les collèges jésuites. Les mesures répressives des autorités ne furent efficaces qu’en partie. À plusieurs reprises la Curie romaine tenta des actions contre-réformatrices en Scandinavie. Après l’échec du retour du roi Jean III dans le camp catholique, Rome entrepris plusieurs fois de reconquérir le Danemark. En 1606 le jésuite Laurentius Nicolai Norvegus tenta sans succès de gagner en influence auprès des autorités et de l’Église, et des missions dominicaines lancées dans les années 1620 furent un échec. Quelques individus, dont certains d’importance, se convertirent au catholicisme, comme Ericus Erici le Jeune, fils de l’évêque finnois Ericus Erici Sorolainen, qui avait fréquenté le Collegium Germanicum à Rome (Nuorteva, J., 1997, p. 241-245). En raison du rejet des influences catholiques, le retour en Suède fut impossible, pour lui comme pour d’autres. Il s’installa en Pologne comme d’autres exilés suédois – dont quelques catholiques – qui s’étaient opposés au duc Charles dans les années 1590 et avaient fui le pays.
55Un statut suédois de 1617, le Örebro-stagda, transforma en délit l’apostasie de la doctrine luthérienne au profit de l’Église catholique et le fait d’étudier dans les collèges jésuites. Toutefois, Gustave II Adolphe était parvenu à ce que le Statut ne mentionne pas les Réformés.
La guerre de Trente Ans
56Le siècle de la Réforme avait vu la création d’Églises d’État scandinaves autonomes et sûres de leurs bases, dont la doctrine était le facteur sociétal déterminant. Vers l’an 1600, le peuple avait majoritairement accepté la doctrine luthérienne et vivait dans une culture confessionnelle luthérienne, grâce aux mesures d’instruction de la population, aux traductions de la Bible et à la catéchisation, acceptées en partie par le peuple lui-même et en partie sous la pression des autorités. L’unité de la confession et de l’État reflète un processus fondamental européen.
57Pour Gustave II Adolphe, le religieux et le politique étaient indissociablement mêlés puisque son trône était menacé par son oncle catholique Sigismond de Pologne. On a beaucoup spéculé sur les raisons de l’entrée de Gustave II Adolphe dans la guerre de Trente Ans (Berner, F., 1982, p. 365-404 et al.). Le roi fut-il poussé à s’impliquer dans le Teutsche Krieg (la guerre allemande) et à pénétrer très avant dans les territoires de l’Empire par un zèle religieux ou bien du fait des ambitions hégémoniales de la grande puissance militaire suédoise qui se renforçait depuis 1610 ? Récemment, l’historien suédois Sverker Oredsson (Oredsson, S., 2007), à la suite de Gustav Droysen, a dépeint le roi de Suède comme un politicien froid et calculateur, sans réelles motivations religieuses. Cependant cette représentation respire non seulement certains jugements de valeur confessionnels, mais aussi une historiographie imprégnée de concepts historiques socialistes, occultant ainsi les convictions religieuses caractéristiques de cette époque et qui étaient bien réelles. Il me semble que le religieux et le politique étaient si mêlés l’un à l’autre au XVIIe siècle qu’il est malvenu de les penser séparément. Gustave II Adolphe était très certainement un protestant convaincu, mais il était également assez fin politique pour vouloir assurer les intérêts de la Suède autant que son propre pouvoir dans la Baltique.
58L’évolution dans le Saint Empire au cours des années 1620 n’étaient pas seulement une menace très sérieuse pour le protestantisme allemand, ils avaient également renforcé les positions de Sigismond, le rival de Gustave II Adolphe. Ainsi la paix de Lübeck de 1629 entérina l’effondrement militaire du Danemark et le fit sortir du conflit. L’une des conséquences fut l’Édit de Restitution de 1629 qui témoignait de la puissance du parti de l’Empereur. L’idée de Wallenstein de monter une flotte sur la Baltique et de menacer ainsi le pouvoir de Gustave II Adolphe sur son propre terrain n’y fut enfin pas pour rien. L’engagement de la Suède dans la guerre de Trente Ans à la suite de la participation, courte et malheureuse, de son voisin danois est ainsi à comprendre en grande partie comme une frappe préventive contre les intrusions du parti catholique dans la Baltique (Mann, G., 1971, p. 615-633 ; Berner, F., 1982, p. 377). Le religieux n’est pas non plus à exclure du tableau. À tout le moins le discours religieux était instrumentalisé par la machine bien huilée de la propagande suédoise afin de justifier et de dissimuler les prétentions impérialistes. Gustave II Adolphe était ainsi représenté en figure messianique du sauveur, le « Lion de minuit ».
59La possibilité même de l’engagement de la Suède, État périphérique, pauvre en hommes, plutôt faible sur la scène politique internationale jusqu’au début du XVIIe siècle, était le résultat d’une succession d’événements que nous ne pourrons qu’esquisser ici. Dans le cadre de la construction de l’État moderne sous Gustave Vasa et ses successeurs, l’administration du pays avait été modernisée par les prévôts ou baillis, dont la dépendance directe au roi constituait une structure centralisée. La politique active d’immigration menée par Gustave Vasa attira toujours plus d’artisans, de mineurs et de marchands venus de l’Empire, des Pays-Bas, de France et d’Écosse, créant ainsi les conditions nécessaires à l’exploitation efficace des ressources naturelles du pays (bois, minerai de fer, cuivre, argent). Ils avaient également créé l’appareil technique nécessaire à l’utilisation de ces ressources, ce qui permit à Gustave II Adolphe de bénéficier d’une supériorité technique au moment de son entrée dans le Teutsche Krieg.
60La raison principale du succès sans précédent de la Suède dans la guerre de Trente Ans est cependant la faiblesse relative de ses voisins, ce qui lui permit de s’étendre dans la Baltique. La situation politique intérieure de la Russie était ainsi incertaine et trouble, ce que la Pologne comme la Suède tentèrent d’exploiter pour leur propre compte. La Pologne soutint d’abord les prétentions au trône de Tsar du faux Dimitrij puis celles du fils de Sigismond, Wladislaw ; la Suède de son côté soutenait le prince Schuiski. Dans le conflit armé qui s’ensuivit, les troupes polonaises battirent l’armée russo-suédoise à la bataille de Kluschino (1610), faiblesse aussitôt mise à profit par le Danemark dans la guerre de Kalmar. Charles Philippe, le frère de Gustave Adolphe, désigné comme Tsar en 1613 après une insurrection nationale russe, ne put finalement pas coiffer la couronne, qui échut à Mikhail, le premier Romanov. La guerre entre la Suède et la Russie, conséquence cette candidature avortée de Charles Philippe, ne dura pas longtemps. La détente puis la paix de Stolbowa étaient dans l’intérêt de la Russie qui ne pouvait se permettre d’avoir à dos la Suède au moment où les troubles politiques intérieurs se conjuguaient avec la menace de la Pologne. Sur le long terme, la Russie avait gagné une frontière pacifiée grâce à la paix de Stolbowa. De son côté la Suède, grâce aux traités de paix avec le Danemark (Paix de Knäred 1613) et la Russie (Paix de Stolbowa 1617), avait une marge de manœuvre suffisante pour s’opposer à son ennemi méridional, la Pologne.
61Gustave Adolphe reprit les hostilités contre la Pologne en 1621, et après des années de progrès et de reculs successifs il put signer un traité de paix qui lui était favorable. La paix d’Altmark en 1629 permis à la Suède de mettre la main sur de nombreuse villes de commerce importantes et sur les bénéfices de leurs péages et douanes, entrées monétaires qui contribuèrent à financer une bonne partie des opérations de Gustave Adolphe dans l’Empire. La paix d’Altmark ne vit cependant pas la renonciation des prétentions de Sigismond à la Couronne de Suède même si, du fait des gains territoriaux de la Suède, elle s’était encore éloignée de sa portée. La Suède avait consolidé ses frontières à l’ouest, à l’est et au sud. Le Danemark était militairement lié à l’Empire, la Russie et la Pologne occupées par leurs conflits politiques intérieurs.
62L’entrée de la Suède dans la guerre de Trente Ans fut lourde de conséquences, pour elle-même comme pour l’Europe. La paix de Westphalie de 1648 en fit pour un bon demi-siècle une grande puissance européenne qui unissait sous sa couronne une bonne partie de la Baltique. L’engagement de le Suède fut le facteur qui fit que le Saint Empire, sous le régime de la paix d’Augsbourg, resta bi-confessionnel, voire tri-confessionnel (formellement après 1648). La mort de Gustave Adolphe à la bataille de Lützen en 1632 en avait fait un martyr du protestantisme et devait marquer profondément la conscience collective européenne. D’une manière générale la guerre de Trente Ans, qui avait usé jusqu’à la corde les discours religieux, aboutit à la perte de crédibilité du religieux en soi et à la fin de la politique confessionnelle européenne (Göransson, S., 1956). La guerre de Trente Ans et la paix de Westphalie ont ainsi non seulement jeté les fondements de la fin de l’âge confessionnel, mais également contribué à l’apparition de nouveaux schémas de pensée comme le piétisme et l’Aufklärung.
Épilogue
63La guerre de Trente Ans intensifia les échanges culturels, religieux et théologiques entre la Scandinavie et le reste de l’Europe. Depuis les années 1630 les tentatives d’accord entre les confessions protestantes avaient attiré l’attention de quelques théologiens suédois, entre autre par le truchement des immigrés calvinistes. Il faut ainsi mentionner les visites en Suède dans les années 1630 et 1640 du presbytérien écossais Johannes Duraeus ou du dernier évêque des frères Bohèmes et Moraves, Johann Amos Comenius, tous deux s’efforçant de réunir les divers camps protestants. La querelle dite syncrétique, venue de l’Empire à partir de 1645, est à cet égard lourde de signification. Le théologien de Helmstedt Georg Calixt, qui voulait un accord entre les confessions protestantes, était opposé à son homologue de Wittenberg Abraham Calov. Les positionnements théologiques de Calixt et Calov ont formé la matrice d’une controverse au cours de laquelle les « syncrétistes » suédois Johannes Elai Terserus et Johannes Matthiae s’opposaient à une majorité luthérienne qui considérait ces efforts comme une déviance par rapport à la vera doctrina luthérienne (Göransson, S., 1950).
64Johannes Matthiae était le précepteur de la reine Christine, fille de Gustave Adolphe. Autour d’eux apparut un groupe d’intérêt unioniste et œcuménique. L’influence qu’eut Matthiae sur son élève Christina est l’une des raisons pour laquelle elle se rapprocha du catholicisme, à partir de 1648 environ. Elle rechercha le contact avec des personnalités catholiques, et invita entre autres René Descartes à Stockholm en 1649. Christine, qui avait prêté serment en 1644, lors de son couronnement, de rester fidèle à la Confessio Augustana et à la confession suédoise de 1593, abdiqua en 1654. Elle eut ainsi les mains libres pour se convertir au catholicisme, d’abord en secret en décembre 1654 à Bruxelles, puis le 3 novembre 1655 dans la Hofkirche d’Innsbruck. Son cousin Charles Gustave des Deux-Ponts Kleeburg lui succéda sur le trône sous le nom de Charles X Gustave. Ainsi, même si la fille de Gustave Adolphe, le « lion de minuit », était perdue pour le protestantisme, la Suède resta un royaume protestant avec une Église d’État luthérienne confessionnalisée. La conversion de Christine renforça à moyen terme les dispositions de l’Église et de l’État suédois à tracer une limite doctrinale claire avec les autres confessions et à unifier les fonctions gouvernementales et religieuses, se soumettant ainsi par la suite aux rois qui aspiraient à la plénitude absolutiste du pouvoir.
65Depuis la Réforme, l’autorité temporelle danoise subordonnait de plus en plus les tâches et devoirs religieux anciennement remplis par l’Église aux institutions d’État, développant ainsi un absolutisme luthérien confessionnalisé. L’histoire de l’Église et de la théologie danoise se déroula toutefois de manière beaucoup plus linéaire qu’en Suède, sans événement marquant comparable à la politique religieuse de Jean III ou à la conversion de Christine ; ainsi l’histoire religieuse danoise resta sans remous durant l’ère des confessions. Le résultat final fut cependant, cum grano salis, le même. Le Prince avait reçu la plénitude du pouvoir par la loi royale danoise de 1665 et contrôlait les fonctions ecclésiastiques les plus importantes, en tant que lieutenant de Dieu fidèle à la Confessio Augustana. Il avait ainsi la haute main sur le système éducatif, le droit de patronage, et pouvait empiéter sur les anciens droits de propriété de l’Église. Comme en Suède, le clergé d’une Église confessionnalisée luthérienne était du côté du roi, légitimant ainsi l’unité de l’Église et de l’État caractéristique de cette époque (Schwarz-Lausten, M., 2004, p. 145-147). Cependant, le XVIIe siècle ne fut pas un âge glaciaire spirituel, comme il fut volontiers représenté par une tradition d’historiographie ecclésiastique influencée par le piétisme et les mouvements de réveil. Au contraire, une vie religieuse très riche s’épanouissait, au Danemark comme en Suède, avec une culture confessionnelle luthérienne très ancrée dans le peuple. L’explosion de la diffusion de la littérature de dévotion au XVIIe siècle en témoigne. La réceptivité de larges pans de la société scandinave aux expressions privées de la piété luthérienne prépara précocement le terrain pour les tendances piétistes, qui s’exprimèrent à partir des années 1675 ; elles provenaient encore une fois d’un transfert culturel originaire d’Europe centrale, et surtout de l’espace germanophone.
Chronologie
1397 à 1523 | Les trois royaumes scandinaves, le Danemark, la Norvège et la Suède avec la Finlande sont unis dans une union personnelle sous la couronne danoise. |
1520 | Massacre de Stockholm : en décembre 1520 le roi de l’Union danois Christian II fait exécuter plus de 80 clercs et nobles qui s’étaient opposés au pouvoir central de Stockholm dans les années précédentes. Il fait aussi exécuter des bourgeois de Stockholm qui n’avaient pas pris part aux insurrections bien qu’une amnistie avait été prononcée auparavant. |
1521 | Soulèvement populaire sous la direction de Gustave Eriksson en Suède, contre le pouvoir central danois. |
1523 | Prise de Stockholm par Gustave Eriksson et ses partisans. Élection de Gustave comme roi de Suède. |
1523 | Christian II est poussé à l’exil par une coalition de la noblesse et du clergé. Son oncle Frédéric Ier devient roi du Danemark. |
Vers 1525-1535 | Le réformateur suédois Olaus Petri écrit des textes contre les « papistes », publie une traduction du Nouveau Testament et d’autres écrits évangéliques en suédois. |
1526 | Herredag d’Odense ; l’Église danoise prend ses distances avec la politique pontificale d’attribution des bénéfices pratiquée jusqu’alors. |
1527 | Frédéric Ier autorise l’érection d’églises évangéliques au Danemark et accorde des sauf-conduits dans les années suivantes pour les prédicateurs évangéliques. Le développement d’une Église d’État évangélique a commencé. |
1527 | Diète de Västerås en Suède : la sécularisation des biens d’Église décidée à cette occasion et une confession de foi minimale (« la pure parole de Dieu ») favorisent le camp réformé mais autorisent aussi une certaine tolérance vis-à-vis des fidèles de l’ancienne foi. |
Années 1520 | La Réforme, urban event dans les villes de Copenhague, Malmö, Bergen, Stockholm, Viborg (Finlande). Tendances radicales de la Réforme. |
1529 | Christian Pedersen traduit le Nouveau Testament en danois. |
1530 | Confessio Hafnensis. La première confession de foi protestante du Danemark ne s’aligne qu’en partie sur la Réforme de Wittenberg. La principale source d’inspiration des théologiens danois est la Réforme d’Allemagne du Sud. |
1523-1532 | Révoltes contre Gustav Eriksson en Suède, motivées en partie par le religieux, mais surtout par des raisons économiques. |
1534-1536 | Guerre du Comte. Les villes hanséatiques de Lübeck, Wismar, Rostock, Stralsund et le catholique Albrecht de Mecklenburg tentent, par la conquête du Danemark, de rétablir leur monopole commercial dans la Baltique. Gustav Eriksson, dans le conflit, est du côté de Christian III, afin de contrer les prétentions d’Albrecht à la couronne de Suède. |
1536 | Christian III relève les évêques catholiques de leurs fonctions dans le recès du 30 octobre. Il récupère les biens d’Église pour la Couronne et prend la direction de l’Église. Dans le même temps s’amorce l’alignement de la Réforme danoise sur celle de Wittenberg. |
1537 | Ordonnance ecclésiastique danoise, écrite avec la collaboration de Johannes Bugenhagen. |
Années 1540 et 1550 | Le réformateur finnois Mikael Agricola publie en langue finnoise le Nouveau Testament, des parties de l’Ancien Testament et d’autres textes religieux. |
1542-1543 | Querelle de Dacke. Albrecht VII de Mecklenbourg tente à nouveau, en vain, de mettre la main sur la couronne de Suède, cette fois en s’alliant avec le comte palatin Frédéric. Pour cela, il soutient la révolte qui avait à l’époque le plus de succès, qui se passait dans le Småland sous la conduite du paysan Nile Dacke. |
1540 et 1544 | Les diètes en Suède décident d’abord d’une réforme totale des « doctrines et cérémonies » et demandent ensuite aux États de s’en tenir à la « pure doctrine ». |
1550 | Exécution de l’évêque catholique Jón Arason en Islande, qui avait mené une révolte armée contre la nouvelle doctrine et le gouvernement central danois. La Réforme peut ensuite prendre pied en Islande. |
Vers 1563-1565 | Querelle liquoriste en Suède, querelles sur les contenus de la doctrine calviniste. |
1569 | Le théologien danois Nils Hemmingsen écrit une loi pour les étrangers proche de la Confessio Augustana et que tous les étrangers doivent signer. |
Années 1570 | Conflit dogmatique à propos de la doctrine de la Cène de Nils Hemmingsens, d’influence calviniste. |
1571 | L’Ordonnance ecclésiastique suédoise, écrite par l’archevêque Laurentius Petri est formellement adoptée. |
1575 | Jean III complète l’Ordonnance ecclésiastique par la Nova Ordinantia. |
1576-1592 | La liturgie de Jean III, perçue comme une liturgie d’influence catholique, donne lieu à la « querelle liturgique » qui amène l’Église suédoise au bord du schisme. Les contacts des jésuites avec Jean III dans les années 1570 restent sans résultat. |
À partir de 1580 | La possession ou l’importation du Livre de Concorde est interdit au Danemark, sous peine de sanctions draconiennes. |
1587 | Le fils de Jean III et de Catherine Jagellon, élevé dans le catholicisme, devient roi de Pologne. |
1593 | Le Synode et la Diète d’Uppsala adoptent une confession de foi luthérienne pour la Suède. Celle-ci contient, entre autre, la Confessio Augustana. |
1594 | Sigismond devient roi de Suède. Il doit accepter de ne pas porter atteinte à la doctrine évangélique dans le pays. |
1595-1600 | Une révolte menée par le duc Charles de Södermanland dépose Sigismond de son trône de Suède à cause des intérêts politiques de Charles mais aussi des tentatives de recatholicisation de Sigismond. |
1604 | Le duc Charles est couronné roi de Suède sous le nom de Charles IX. |
1606 | Le jésuite Laurentius Nicolai Norvegus tente, en vain, d’acquérir de l’influence auprès des autorités temporelles et religieuses danoises. Des résidus de catholicisme subsistent en Scandinavie, mais les tentatives de recatholicisation que mènent Rome au cours des décennies suivantes échouent. |
1606-1607 | Les hommes d’Église influencés par Melanchthon doivent plier sous la pression des théologiens orthodoxes de l’entourage de Hans Poul Resen. Ils doivent admettre qu’il faut conserver l’exorcisme lors du rituel du baptême. |
1607 | La Norvège a sa propre Ordonnance ecclésiastique. |
1617 | Le « Örebro-stadga » en Suède transforme en délit l’apostasie du luthéranisme au profit du catholicisme ainsi que d’étudier dans un collège jésuite. |
1613 | Paix de Knäred. La Suède consolide les frontières orientales, ce qui lui coûte cher. |
1617 | Paix de Stolbowa : la Suède consolide les frontières orientales. |
Années 1620 | Expansion de la Suède dans la Baltique. |
1623-1629 | Guerre entre le Danemark et la Saxe inférieure. Après un fiasco militaire, le Danemark sort de la guerre de Trente Ans par la paix de Lubeck. |
1629 | La Suède, par la paix d’Altmark, gagne de nombreuses villes de commerce importantes et les revenus de leurs péages et douanes. Ces revenus joueront un rôle important dans le financement des opérations militaires de Gustave Adolphe dans l’Empire. |
1629 | L’Édit de restitution dans l’Empire représente non seulement une menace pour le protestantisme allemand, il a également renforcé la position des rivaux de Gustave Adolphe, en particulier grâce à l’idée de Wallenstein de constituer une flotte impériale dans la Baltique qui menace Gustave Adolphe sur ses terres. |
1632 | Mort de Gustave Adolphe à la bataille de Lützen. |
Années 1630-1640 | Une partie des théologiens suédois s’intéressent aux tentatives d’accord au sein du protestantisme. La querelle syncrétique, qui agite le luthéranisme allemand, atteint ainsi la Suède. |
1654 | La reine Christine de Suède abdique. |
1655 | Christine se convertit publiquement au catholicisme, à Innsbruck. |
1655-1686 | La conversion de Christine renforce les tendances anticatholiques en Suède et consolide un luthéranisme consciemment confessionnalisé. Les fonctions gouvernementales et religieuses s’unifient plus qu’auparavant, se soumettant ainsi par la suite aux rois qui aspiraient à la plénitude absolutiste du pouvoir. La loi d’Église de 1686 fait du roi de jure comme de facto le chef de l’Église de Suède. |
1665 | Le Prince reçoit la plénitude du pouvoir par la loi royale danoise de 1665. Il contrôle les fonctions ecclésiastiques les plus importantes, en tant que lieutenant de Dieu fidèle à la Confessio Augustana. Il a ainsi la haute main sur le système éducatif, le droit de patronage, et peut empiéter sur les anciens droits de propriété de l’Église. |
Bibliographie
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Notes de bas de page
1 Réunion du roi avec le Conseil du royaume de Danemark.
Auteurs
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