Conclusion
p. 301-308
Texte intégral
1Au terme de cette étude sur les sociétés instrumentales de Maine-et-Loire, la contribution du département à la dynamique orphéonique sous la Troisième République n’est désormais plus à démontrer. L’Anjou jouit en effet, dans le dernier tiers du XIXe siècle, d’une incontestable vitalité musicale à laquelle les harmonies et les fanfares participent largement. Un travail consacré à cette pratique régionale prend alors tout son sens. Car il s’agit bien d’inscrire durablement à notre patrimoine une pratique musicale exceptionnelle tant dans ses manifestations que ses buts.
2Ce phénomène n’a rien d’une image d’Épinal. En proposer aussi une analyse, éloignée des terres d’élection des historiens de la sociabilité et par là même des zones de prédilection du mouvement orphéonique, n’est plus une utopie. Des sources denses et diverses rendent possible une appréciation à la fois locale et globale. Leur confrontation révèle non seulement les us et coutumes des sociétés, mais corrobore aussi certaines hypothèses émises par les musicologues.
3Les sources manuscrites empruntent aussi bien à des domaines musicaux que généraux. Arrêtés préfectoraux, règlements, correspondances, délibérations municipales, affaires militaires ou encore fêtes et prestations populaires informent sur les modes de fonctionnements et les activités des sociétés. Les sources imprimées proposent des synthèses historiques et des considérations esthétiques. Des appréciations contemporaines témoignent en particulier du regard porté par des musiciens et des intellectuels sur l’institution orphéonique et les sociétés instrumentales. Une liste de quatre mille œuvres, exécutées par les sociétés civiles et militaires, a été dressée et a contribué à l’identification des catégories musicales. Les presses locales délivrent également des comptes rendus de concerts et de fêtes révélant les pratiques musicales et les réactions du public. Enfin, les sources iconographiques, assez difficiles à rassembler en raison de leur dissémination, se présentent sous forme de cartes postales, d’affiches ou encore de programmes de concert, et permettent de vérifier les analyses avancées dans les documents écrits.
4La Musique municipale de Saumur et l’Orchestre d’harmonie de la ville d’Angers possèdent un fonds de partitions anciennes, certes plus ou moins complet, mais dans un bon état de conservation. Celles-ci consistent en conducteurs – réductions sur lesquelles figurent les principales informations musicales – et en parties instrumentales séparées et encollées sur un carton. L’étude de ces supports complémentaires s’est avérée indispensable à la classification, à l’analyse et à la reconstitution des œuvres.
5Les ouvrages généraux et actuels contribuent à appréhender cette pratique non pas dans sa seule dimension locale ou musicale, mais aussi dans des problématiques plus larges. Les sociétés instrumentales relèvent d’associations populaires concourant à la démocratisation du savoir et des loisirs. Elles évoluent au côté de divers organismes, telles les sociétés de secours mutuel, les sociétés savantes, littéraires ou encore sportives.
6Par leurs modes d’expression et leur intégration dans le tissu social, économique et politique, les fanfares et les harmonies servent les orientations martiales, mais aussi démocratiques et éducatives de la Troisième République. Le modèle militaire influence la constitution et le fonctionnement des sociétés instrumentales, les créations des principales sociétés d’Angers, de Cholet et de Saumur reposant sur des associations antérieures. Les sociétés se portent également garantes du pouvoir politique en place en commémorant les fêtes et les événements qui leur sont associés. À partir de 1880, la célébration de la fête nationale, symbole par excellence de l’idéologie républicaine, donne ainsi lieu chaque année à des réjouissances fastueuses auxquelles se joignent les sociétés. Cette ascendance militaire se traduit aussi par une organisation hiérarchisée où chaque membre occupe un rôle bien défini. La direction musicale est confiée au chef de musique, tandis que le président, assisté du bureau administratif, veille à la bonne marche de la société. Les sociétés adoptent enfin un répertoire fonctionnel qui consiste essentiellement en des marches et des hymnes exécutés pendant les cérémonies officielles et les défilés de plein air. Leur caractère souvent patriotique enthousiasme le public.
7En s’appropriant les principes républicains, les sociétés de Maine-et-Loire facilitent l’accès à la culture musicale. Instruments d’éducation par excellence, elles promeuvent et diffusent les intentions idéologiques de la Troisième République. Les décisions importantes sont ainsi discutées et votées en assemblée générale, le suffrage universel s’imposant comme une pratique nécessaire à l’exercice de la démocratie. Les règlements des sociétés investissent également le quotidien de leurs membres en s’entourant d’articles relatifs à une hygiène de vie. En dispensant une pratique et un enseignement musicaux, les sociétés participent à la lutte contre l’alcoolisme et prémunissent leurs membres des activités malsaines. Certaines proposent même une « couverture sociale » élémentaire aux musiciens souffrants ou rencontrant des difficultés matérielles. Les arrangements d’opéras et d’opérettes participent enfin à la formation culturelle des musiciens et du public. Moyen de vulgarisation, la transcription d’airs issus d’œuvres lyriques ou de ballets permet au public, qui ne fréquente pas le théâtre, d’apprécier un art musical réservé jusque-là à la bourgeoisie.
8Les sociétés se produisent à l’occasion de concerts et de manifestations diverses. Les harmonies proposent essentiellement des concerts estivaux sous le kiosque à musique autour duquel se rassemble une foule massive et ravie qui peut y entendre des marches militaires, des danses de genre et surtout des transcriptions d’ouvrages lyriques. Les sociétés offrent également à leurs membres honoraires quelques concerts pendant les mois d’hiver. Ce sont alors de véritables spectacles où les sociétés se produisent au côté d’artistes lyriques, d’instrumentistes prestigieux et de comédiens. Les sociétés interviennent ponctuellement pendant des rassemblements populaires, tels les défilés de la Mi-Carême, les cavalcades historiques et les compétitions sportives.
9En développant des modes de sociabilité et des pratiques musicales propres, l’action des sociétés instrumentales angevines s’inscrit donc dans une dynamique novatrice. Les titres d’œuvres se référant au train et au tramway, ainsi que la participation aux courses cyclistes et automobiles en sont des signatures pertinentes. Pourtant, leur identification démocratique et éducative s’accompagne de contradictions inhérentes au régime républicain. Les sociétés perpétuent des pratiques culturelles héritées des gouvernements monarchiques ou autoritaires. Certaines sociétés, notamment choletaises, revendiquent une appartenance cléricale et concurrencent leurs consœurs républicaines. La neutralité politique imposée aux sociétés par les autorités préfectorales est alors détournée au profit de municipalités soucieuses de contrarier les avancées républicaines. Cette politisation contrainte s’accompagne parfois de violents conflits entre des sociétés d’un même bourg. Le patriotisme auquel adhèrent les sociétés, surtout dans les années qui précèdent la Grande Guerre, rompt avec les intentions fraternelles défendues initialement par le mouvement orphéonique à l’égard des peuples. Dans le même ordre d’idée, la politique colonialiste des gouvernements de la République est relayée par le répertoire des sociétés. Des œuvres adoptent un titre à résonance colonialiste sans que leur contenu musical se préoccupe d’une quelconque authenticité. Le domaine musical entretient donc une filiation avec des pratiques à la fois antérieures et contemporaines au pouvoir républicain. Les sociétés exécutent des danses déjà en vogue sous le Second Empire, tandis que leur constitution instrumentale se réfère au modèle de l’orchestre symphonique.
10La question de l’engagement politique des sociétés de Maine-et-Loire mériterait d’être approfondie. La cohabitation de partis conservateur et républicain se traduit en effet par la présence de nombreuses sociétés cléricales dont les pratiques ont été évoquées succinctement. Quels buts poursuivent ces sociétés ? Ont-elles un fonctionnement identique aux sociétés municipales ? Quel répertoire adoptent-elles ? Les archives de l’Évêché et la consultation de la presse d’obédience catholique devraient apporter des réponses à ces interrogations. En comparant les comptes rendus des concerts publiés par les journaux républicains avec ceux acquis à la cause conservatrice, les éventuelles différences que cultivent ces deux catégories de sociétés devraient être mieux appréhendées. Des personnalités musicales, comme Louis Boyer et Charles Foare, marquent également de leur empreinte les sociétés dont ils assurent la direction. En revanche, nous ne connaissons pas le rôle effectif joué par ces acteurs éminents dans le développement des sociétés instrumentales à l’échelle de la nation. Le premier mène, parallèlement à ses activités de chef, une carrière de compositeur dont les œuvres semblent être appréciées. Le second dirige plusieurs musiques régimentaires qui lui reconnaissent des qualités techniques et une sensibilité musicale indéniables. Une biographie aiderait aussi à mieux appréhender le parcours musical de ces deux artistes.
11La question de l’écriture instrumentale gagnerait à être détaillée. De nombreux musiciens éditent à l’attention des sociétés des traités prodiguant des conseils d’orchestration et d’exécution. Leur recensement et leur étude permettraient de mieux comprendre les incidences que la constitution instrumentale des sociétés occasionne sur les œuvres. Au côté de compositions médiocres et de circonstance, il existe un répertoire de qualité dominé par les arrangements de productions lyriques et symphoniques.
12Ces propositions de recherche montrent que des zones d’ombre subsistent encore dans la compréhension du phénomène orphéonique. Mais un nombre de synthèses grandissant permet aujourd’hui d’en apprécier les spécificités régionales. Le Nord de la France a ainsi occupé une position privilégiée dans l’extension des sociétés instrumentales en raison de son activité industrielle et sa proximité des frontières belge et allemande. André Lebon1 ne considère pas les sociétés instrumentales comme un seul outil divertissant. Présentes dans presque toutes les bourgades, les harmonies et les fanfares célèbrent également la fameuse « convivialité » nordique. Outre une disposition à la rêverie et la méditation, l’homme du Nord apprécierait la foule et les rassemblements. La chaleur des assemblées humaines serait un antidote à la rigueur du climat et à la monotonie des paysages. Particulièrement bien implantées dans les mines et les usines, les sociétés instrumentales soulageraient aussi les maux des masses ouvrières soumises à de rudes conditions de travail. Principalement constituées entre 1850 et 1900, ces sociétés traduiraient un élan d’émancipation populaire, une conscience de classe et le triomphe des idées socialistes et syndicalistes naissants. Car il s’agit bien, pour le mineur ou l’ouvrier, de s’extraire de son milieu et d’accéder à un certain niveau social. La densité démographique des cités septentrionales favoriserait enfin leur éclosion et leur évolution. À la veille de la Première guerre mondiale, les départements du Nord et du Pas-de-Calais recenseraient 1 036 sociétés, l’arrondissement de Valenciennes comptabilisant à lui seul environ quatre-vingt-deux. Près de quarante-sept communes valenciennoises posséderaient au moins une société musicale, la ville de Denain détenant le record avec huit orchestres à vents.
13Comparées au Nord - Pas-de-Calais, les sociétés alsaciennes s’affranchissent davantage des établissements industriels, leur pratique se dissociant du monde ouvrier. La proximité culturelle avec l’espace germanique, représenté par les Blassmusik (ensembles à vent), a également contribué à leur développement. De nombreuses sociétés ont ainsi été créées lors de l’annexion allemande de 1870-1918, près d’un tiers d’entre elles ayant actuellement plus de cent ans. Le facteur religieux a aussi joué un rôle important. Le régime concordataire maintenant l’enseignement religieux à l’école, les harmonies et les fanfares ont pu bénéficier de réseaux et d’occasions festives, comme les réjouissances paroissiales, liés à leur appartenance catholique ou protestante. Certaines communes comptaient même une harmonie pour chacune des deux religions, les deux fusionnant parfois en une lorsque les effectifs déclinaient2.
14De la fin du XVIIIe siècle au début du XXe siècle, la Haute-Normandie abrite de nombreuses associations musicales. Au côté d’orchestres à plectres, de chorales et de formations symphoniques, évoluent des musiques d’harmonie, des fanfares, des corps de musique de la Garde nationale et des sociétés de trompes de chasse. Jean-Yves Rauline3 s’intéresse à l’ampleur et aux caractéristiques d’un mouvement musical amateur dans une région qui, sans être déshéritée, ne témoigne pas d’une activité musicale soutenue. Ces sociétés entretiennent d’étroites relations avec les autres associations d’éducation populaire, notamment sportives, et les musiques militaires. Soutenues par les acteurs économiques, sociaux et politiques locaux, les sociétés contribuent à la dynamique culturelle normande en participant à des concerts, des festivals et des concours. En se dotant d’un répertoire spécifique, elles inscrivent enfin leur développement dans une facture instrumentale et un enseignement musical en plein essor.
15Les sociétés collaborent à l’intense vie musicale régnant dans les cités thermales au XIXe siècle4. Le bassin thermal de Vichy jouit, entre 1860 et 1914, d’une pratique orphéonique généreuse, marquée par différents séjours de l’empereur Napoléon III dans les années 1860. Christian Paul5 relève deux sociétés, l’une à Cusset en 1863 et l’autre à Vichy en 1862, parrainées par l’empereur Napoléon III et le prince impérial. Au fil du temps, d’autres sociétés se constituent, l’Allier comptant alors au moins vingt-cinq sociétés vocales ou instrumentales. En s’appuyant sur une ancienne institution militaire, Cusset accueille un corps de Garde nationale comprenant une musique. Dissoute à la fin des années 1850, les musiciens qui la composaient ont probablement constitué un petit noyau dur autour duquel est fondé en 1863 l’orphéon de Cusset, se transformant plus tard en fanfare puis en harmonie. Lassés de voir défiler les orphéons de Moulins, de Saint-Étienne ou de Clermont-Ferrand, une quinzaine de jeunes Vichyssois décident de créer à leur tour une société de musique en 1862. Loin de se désintéresser des musiciens amateurs, la Compagnie fermière, gérant le Casino et l’Opéra, met régulièrement ses infrastructures à la disposition des sociétés locales, s’assurant ainsi une collaboration rémunérée, ou les faisant encore intervenir en alternance avec l’orchestre du Casino dans des programmations hebdomadaires. La coopération entre les deux institutions va jusqu’au prêt de musiciens pour renforcer ponctuellement l’orchestre du Casino.
16D’autres nations européennes possèdent une activité orphéonique florissante. Les sociétés belges connaissent en particulier un développement original. Apparues dans le Hainaut occidental dès la fin du XVIIIe siècle, les harmonies, relayées plus tard par les fanfares, rencontrent entre 1850 et 1880 une remarquable fortune, le phénomène touchant autant les villes que les communes rurales. En 1783, Ath se dote d’une Philharmonique afin d’assurer l’animation musicale de la ducasse. À l’initiative d’un jeune homme de 19 ans, Maximilien Pécheur, Ghislenghien s’entoure en 1787 d’une société de musique qui deviendra la Société royale des fanfares Sainte-Cécile. Ces sociétés rencontrent un tel succès populaire que de nombreuses chorales s’associent aux harmonies et aux fanfares. Les luttes entre catholiques et libéraux conduisent également les sociétés à se parer d’une coloration politique, notamment à partir de la « guerre scolaire » de 1879. Une commune peut alors abriter deux sociétés rivales dont le recrutement est facilité par l’abondance de musiciens. C’est le cas de Tournai qui accueille deux musiques, l’une « bleue » en 1803, l’autre « rouge » en 1807. Puis apparaissent les premières sociétés de musique ouvrières, comme à Lessines en 1900, ou encore à Herseaux en 1903-1905. Les sociétés du Hainaut occidental semblent enfin s’appuyer sur un modèle martial. Si les cortèges utilisaient déjà, au XVIIIe siècle, les tambours, les fifres ou les trompettes, la Révolution française impulse un souffle nouveau. Animées par un besoin de sonorités fortes, les autorités belges établissent une liste de fêtes républicaines intégrant une « musique guerrière ». L’esprit belliqueux habite ainsi les différentes festivités organisées par la municipalité de Warneton dès le début du XIXe siècle. Les 37 musiciens de la Société d’harmonie de la ville de Tournai portent un uniforme somptueux de type militaire doublé en 1830 de celui des patriotes. Lorsque l’harmonie défile, elle est précédée d’un tambour-major, de quatre tambours et d’un porte-enseigne. Les sociétés civiles et militaires cultivent, de manière générale, un goût pour le décorum et les airs martiaux. Ces sociétés jouent alors un rôle social indéniable. Là où existe une harmonie, il est désormais impossible d’imaginer une manifestation sans son concours6.
17Le Luxembourg témoigne également d’une riche culture orphéonique7. L’activité musicale luxembourgeoise prend véritablement son essor avec la Philharmonie municipale de Wiltz créée en 1793 par Kiseloppsky, un ancien chef de musique d’un régiment prussien. Des élèves de l’Harmonie instrumentale de l’Athénée exécutent en 1821, dans la procession de l’Octave de Notre-Dame de Luxembourg, des cantiques sous la direction d’Heinrich Stammer. Ce professeur avait auparavant réalisé un recueil de 44 chants, Lieder für die gesangliebende Jugend am Athenaeum in Luxemburg, paru en 1818 chez L. Lamort, suivi en 1823 d’un livre de cantiques religieux. Les musiques militaires8 de la garnison, appartenant à des régiments prussiens et brandebourgeois, donnent régulièrement des concerts sur la place d’Armes. Fortes de 30 à 35 musiciens et dirigées par de prestigieux chefs (Orlamünder, Carl Faust, Wenzelburg, Lützenkirchen), ces sociétés jouissent d’une grande popularité. Les manifestations musicales luxembourgeoises croissent à partir de la seconde moitié du XIXe siècle. Les fêtes de l’inauguration des chemins de fer s’accompagnent en 1859 de concerts et de festivals donnés sur la place Guillaume par la musique bourgeoise de la ville et le corps de musique des chasseurs luxembourgeois du contingent fédéral réunis sous la direction de J. A. Zinnen. Les chemins de fer intensifiant la circulation dans tout le pays, de nouvelles relations s’établissent entre les localités. Des sociétés de musique et de chant fondées dans les faubourgs de la capitale, la Fanfare de Clausen (1851), la Fanfare de Grund (1852), la Société chorale Sang a Klang de Pfaffenthal (1857) et la Société philharmonique Luxembourg (1861) s’unissent alors en 1863 pour former avec celles qui existaient déjà une association de toutes les sociétés instrumentales du pays, dirigée par J. A. Zinnen, l’Allgemeiner Luxemburger Musikverein. Le 5 juin 1864, cette fédération organise à Ettelbruck son premier grand festival, avec 18 sociétés vocales et 10 sociétés instrumentales. 500 chanteurs et 240 musiciens interprètent une œuvre de J. A. Zinnen au caractère solennel et religieux, Ons Hemecht, qui deviendra l’hymne national. Dès 1870, des sociétés musicales et chorales issues de 32 localités sont affiliées à l’Allgemeiner Luxemburger Musikverein. En 1867, les deux bataillons de chasseurs luxembourgeois, en garnison dans les villes de Diekirch et d’Echternach, occupent Luxembourg après le départ des troupes prussiennes. Afin de perpétuer la tradition des concerts militaires sur la place d’Armes, leurs deux musiques fusionnent sous la direction de F. Hoebich. La princesse Amélie encourage la constitution d’un petit orchestre au sein de la musique militaire, qui donne toutes les semaines des concerts au château de Walferdange où réside son mari, le prince lieutenant Henri des Pays-Bas. La musique des chasseurs luxembourgeois devint en 1881, après l’abolition du service militaire obligatoire, le corps de musique de la compagnie des volontaires. Dirigée successivement par F. Hoebich, Ph. Decker, Kahnt, Patzké, F. Mertens, elle s’attire les faveurs particulières du gouvernement luxembourgeois. Elle devient une troupe d’élite et une pépinière de chefs de musique qui contribuent à l’essor des sociétés d’harmonie et de fanfare du Grand-Duché. Réunies le 23 juillet 1891 à Luxembourg pour l’entrée solennelle du grand-duc Adolphe, les sociétés de chant et de musique luxembourgeoises se regroupent dans l’Union Adolphe, qui succède à l’Allgemeiner Luxemburger Musikverein. Elles poursuivent les festivals, pratiqués depuis 1864, et organisent des concours annuels s’avérant un puissant stimulant musical.
18Ces deux exemples montrent finalement que la France n’est pas le seul pays à développer une dynamique orphéonique. En accueillant des harmonies et des fanfares, de nombreux autres états européens participent à l’histoire du mouvement musical. Cette étude devrait aussi trouver des prolongements extraterritoriaux utiles à son appréhension globale.
Notes de bas de page
1 Lebon André, op. cit.
2 Dubois Vincent, Méon Jean-Mathieu et Pierru Emmanuel, op. cit., p. 21 et 22.
3 Rauline Jean-Yves, Les sociétés musicales de Haute-Normandie (1892-1914), Lille, Presses du Septentrion, « Thèses à la carte », 2001.
4 Mussat Marie-Claire, « Les kiosques à musique dans les villes d’eau : un mode de vie », 2 000 ans de thermalisme : économie, patrimoine, rites et pratiques, actes du colloque tenu en mars 1994 à Royat réunis par Dominique Jarrassé, Publications de l’Institut d’études du Massif central, Clermont-Ferrand.
5 Paul Christian, Les sociétés musicales du bassin thermal de Vichy de 1860 à 1914, contribution à l’histoire de la musique et à la connaissance du mouvement orphéonique français, mémoire de thèse, Paris IV, 2008.
6 Mory Pierre, « Harmonies et fanfares dans le Hainaut occidental, deux siècles d’expression sociale », in Wayembergh Françoise, Harmonies et fanfares en Hainaut occidental, Tournai, Casterman, 1982, p. 7-20.
7 Hinquer-Delmer Françoise, Harmonies et fanfares en Luxembourg, Liège, Massoz, 1983.
8 Avec la création, en 1815, du Grand-Duché de Luxembourg par le Congrès de Vienne, la ville de Luxembourg devient une forteresse de la Confédération germanique et doit fournir un contingent militaire. Les événements politiques de 1830 à 1841 rendant impossible cette tâche, il est décidé de constituer en 1842 deux bataillons de chasseurs, chacun doté d’une musique militaire. Le 1er bataillon en garnison à Echternach, ville abbatiale, organise la première musique militaire en engageant, de 1842 à 1879, Fr. Ferd. Hoebich. Forte d’un effectif de 25 à 29 musiciens, cette musique élargit progressivement son activité à des tâches divertissantes tout en poursuivant les services liés à son statut militaire (parades, exercices, cérémonies). Le 2e bataillon en garnison à Diekirch confie, de 1847 à 1852, la direction de sa musique à J. A. Zinnen, auquel succéderont P. Fr. Fischer (1853-1859) et J. A. Muller (1859-1868). Le 2e bataillon ayant été supprimé le 30 juin 1868, le Grand-Duché de Luxembourg ne possède plus qu’une seule musique militaire à partir de cette date.
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