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Chapitre VI. Une formation instrumentale singulière

p. 205-242


Texte intégral

Une dénomination polysémique

1Deux sortes d’expressions caractérisent les sociétés instrumentales. Des termes généraux leur sont certes affectés, mais ne les distinguent pas de leurs consœurs vocales et excluent toute information d’ordre instrumental. Une terminologie davantage précise établit, en revanche, non seulement une distinction entre les formations vocales et instrumentales, mais discerne aussi les différentes sortes d’orchestres à vents.

2En s’appuyant sur l’organisation instrumentale de l’orchestre symphonique et les progrès de la facture des instruments à vent, les théoriciens et les musiciens créent des formations à vent harmonieuses et diversifiées. Les sociétés d’Angers, de Cholet et de Saumur adoptent diversement ces dispositifs selon le recrutement et la compétence de leurs membres, ou encore le budget alloué à l’achat et à l’entretien des instruments.

Expressions employées

Les termes génériques

3Le registre préfectoral des sociétés instrumentales officielles de Maine-et-Loire emploie plusieurs vocables. Les termes « association » et « société », accompagnés de « musique » ou « musicale » sont les plus usités. Ces expressions entretiennent une ambiguïté dans la mesure où elles désignent également les sociétés vocales et ne donnent pas d’indications sur leur constitution instrumentale. Certaines d’entre elles sont même dépourvues de qualificatif.

4Les termes, usités par les musicologues à partir de la seconde moitié du XIXe siècle, cultivent la même indétermination à l’égard des sociétés civiles et s’intéressent davantage à une dimension sociale et juridique que musicale. Charles Soullier1 évoque, en 1843, la fondation d’une Association des artistes-musiciens dont les activités poursuivent trois buts. Le premier consiste en la création d’une caisse de secours pour les sociétaires en difficulté. Le second défend les droits individuels de chacun de ses membres. Le troisième contribue aux intérêts et au développement de l’art musical. Ces objectifs correspondent ni plus ni moins à des dispositions sociales que certaines sociétés instrumentales de Maine-et-Loire instaurent en leur sein. Michel Brenet inscrit sa réflexion dans une perspective élargie à l’ensemble des « associations de professionnels ou d’amateurs groupés en vue d’étudier ou d’interpréter de la musique d’ensemble ». L’expression « société musicale » serait un nom générique donné aussi bien aux sociétés de concert qu’aux fanfares et aux orphéons2. « Société » et « association » sont donc, au XIXe siècle, des termes qui désignent, dans un contexte artistique, un groupement d’individus satisfaisant un besoin immatériel, intellectuel ou moral3. Même si la terminologie employée à l’encontre des sociétés militaires peut se montrer parfois plus explicite, elle témoigne, de manière générale, d’un même « flou ». Les qualificatifs de « musique », « corps de musique » ou encore « phalange » ne permettent pas d’identifier précisément le type de formation instrumentale auquel ils se réfèrent. C. Soullier se limite à des indications de répertoire et d’interprétation4, tandis que M. Brenet se propose à un historique succinct sur la musique militaire5.

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Répartition terminologique des sociétés instrumentales de Maine-et-Loire toutes catégories confondues6.

5Certaines sociétés civiles de Maine-et-Loire adoptent également des noms dont la signification n’éclaire pas davantage sur la composition.

6La plupart de ces appellations témoignent, en effet, de préoccupations éthiques. Le vocable « union » montre, en particulier, que les sociétaires aspirent à une pratique instrumentale laïque et consensuelle, où n’interfèrent pas les opinions politiques et religieuses de chacun7. Le terme « avenir » évoquerait, quant à lui, une adhésion aux valeurs de modernité et de progrès incarnées par le projet républicain. De nombreuses autres sociétés instrumentales s’approprient les symboles orphéoniques. En se référant à la lyre ou sainte Cécile, elles affirment leur appartenance à l’institution musicale et popularisent une pratique instrumentale fidèle à ses principes. Deux de ces sociétés, le Cercle musical de Fougeré et l’Indépendante de Saint-Pierre de Chemillé, manifestent des inclinations identitaires propres. La première se considère avant tout comme une société d’agrément, tandis que la seconde marque son indépendance à l’égard de l’autorité municipale.

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Noms adoptés par quelques sociétés instrumentales des cinq arrondissements de Maine-et-Loire.

7La presse locale et les traités musicaux emploient, en revanche, un vocabulaire circonstancié et représentatif de la pluralité des formations instrumentales à vent. La consultation de ces supports informatifs permet ainsi de mieux appréhender la spécificité instrumentale des sociétés et d’en définir les principales catégories.

Les termes spécifiques

8Bien que l’annonce d’une manifestation musicale mineure utilise une terminologie aussi approximative que celle employée dans les ouvrages évoqués précédemment, les journaux de Maine-et-Loire qualifient les sociétés instrumentales avec un vocabulaire à la fois général et précis. Le Journal de Maine-et-Loire informe ses lecteurs de l’organisation, en 1876, d’un festival de musique à Saint-Mathurin auquel participent des sociétés, dont seule l’origine géographique est spécifiée8. La ville de Sablé propose, en 1884, un concours musical d’orphéons, de musiques d’harmonie et de fanfares où prennent part des sociétés de la Sarthe, de la Mayenne, de l’Orne, de Loir-et-Cher, d’Indre-et-Loire et de Maine-et-Loire dont la catégorie instrumentale n’est pas précisée9. La fête musicale sablésienne, programmée la même année, sous la présidence d’Émile Jonas, professeur au Conservatoire national supérieur de Paris, apporte en revanche davantage de précision. Des douze fanfares d’Indre-et-Loire présentes à la manifestation, seuls les noms de quatre d’entre elles ne permettent pas leur identification instrumentale.

Catégories instrumentales

Noms des sociétés

Fanfare

Fanfare de Fondette-Saint-Cyr
Fanfare de Faye-la-Vineuse
Fanfare des Enfants de la Riche
Fanfare Sainte-Cécile de Joué-les-Tours
Fanfare de Luynes
Fanfare de Château-du-Loir
Fanfare de Mont-Louis
Fanfare de Ballan
Fanfare municipale de Rochecorbon

Non précisé

Les Enfants d’Apollon de Restigné
Union musicale de Savonnières
Sainte-Cécile de Saint-Patrice
Société musicale de Cinq-Mars

Fanfares participant à la fête sablésienne du 8 juin 188410.

9Lorsqu’un événement musical témoigne d’une plus grande envergure, les sociétés de musique se répartissent rigoureusement par catégorie. Le programme du festival de musique organisé par la Société Sainte-Cécile à Angers en 1876 ordonne précisément les participants. Cette classification permet ainsi au public d’identifier clairement la formation instrumentale des sociétés inscrites dont les seuls intitulés ou implantations géographiques auraient rendu la lisibilité périlleuse. Il aurait été, par exemple, difficile d’assimiler la Philharmonique de Mûrs à une fanfare. Certaines institutions civiles et militaires sont également représentées, non pas par une seule sorte de société musicale, mais par deux. Le 32e de ligne et le pensionnat Chevrollier proposent ainsi un orphéon et une société instrumentale.

Catégories musicales

Noms des sociétés

Orphéons

Orphéon militaire du 32e de ligne
Société Sainte-Cécile de Blois
Orphéon de la Flèche
Les Enfants d’Apollon d’Angoulême
Société Sainte-Cécile d’Angers
École primaire supérieure (pensionnat Chevrollier)

Harmonies

Musique du 32e de ligne
Musique municipale des pompiers
Musique municipale de Beaufort-en-Vallée
Harmonie de Corné
Musique municipale de Trélazé

Fanfares

Fanfare de Brain-sur-l’Authion
Musique de Gesté
Philharmonique de Mûrs
Fanfare de Mozé
Musique de la Possonnière
Musique des Rosiers
Fanfare de Soulaines
École primaire supérieure (pensionnat Chevrollier)

Répartition musicale des sociétés inscrites au festival angevin de 187611.

10Les concours procèdent de même à une distribution méticuleuse des sociétés selon leur composition, ces dernières ne pouvant que se mesurer à une rivale instrumentalement identique. Ces listes établissent, en général, une ventilation hiérarchisée. En plaçant quasi systématiquement les orphéons et les harmonies en première position, les organisateurs et la population pourraient exprimer une préférence pour ces types de formation.

Catégories instrumentales

Noms des sociétés

Orphéons

Société de Sainte-Cécile d’Angers

Musiques d’harmonie

Musique municipale de Saumur

Fanfares

Fanfare de Cholet
Fanfare de Pouancé
Fanfare de Mûrs
Fanfare de Brissac
Fanfare de Baugé

Liste des sociétés de Maine-et-Loire inscrites au concours de Nantes des 21 et 22 mai 188212.

11Ces catégories se déclinent parfois en ramifications secondaires. Les fanfares peuvent concourir avec ou sans saxophones13, tandis que des festivités accueillent, au côté des formations à vent habituelles, des dispositifs singuliers. La ville d’Ancenis organise, en 1908, sous la houlette de la Musique du 64e, un grand concours auquel participent certes des orphéons, des harmonies et des fanfares, mais aussi un ensemble de trompes de chasse, le Rallye-candéen. Le Choral nantais (orphéon) et la Lyre nantaise (harmonie) se produisent même au côté d’une estudiantina14, l’Estudiantina angevine, durant le concert de clôture15. Pendant la fête de la route de Nantes à Angers, en juin 1908, la fanfare La Concorde et le Rallye-Anjou, une autre société de trompes de chasse, exécutent les meilleurs morceaux de leur répertoire16. Le concours musical organisé par le Comité permanent des fêtes de Cholet les 3 et 4 juin 1906 attire de nombreuses sociétés instrumentales, dont des trompes de chasse et des tambours et clairons. Les Trompes de Saint-Maxent s’y font brillamment remarquer. Dès son arrivée, la société, « composée de véritables artistes, à la tenue irréprochable, dans leurs costumes de piqueurs » donne la mesure de son talent à l’occasion d’une aubade exécutée en l’honneur du président-doyen des Chasseurs de Cholet17.

Catégories instrumentales

Noms des sociétés

Musiques d’harmonie

Harmonie choletaise
Harmonie de Châteaugontier
Harmonie de Créon
Harmonie de Parthenay
Harmonie de Thouars
Harmonie des Sables
Musique du 77e

Fanfares

Fanfare de Chasneuil
Fanfare de Machecoul
Fanfare de Saint-Claude-de-Diray
Fanfare de Saint-Macaire
Fanfare de Châtillon
Fanfare de Mean-Penhoët
Fanfare du May-sur-Èvre
Fanfare de Doulon
Fanfare de Savennières
Fanfare de Buxerolles
Fanfare la Concorde de Nantes
Fanfare de Mortagne-sur-Sèvre
Fanfare de Saint-Hilaire-Saint-Florent

Ensembles de trompes de chasse

Les Trompes de chasse d’Angers
Les Trompes de Saint-Maxent

Ensembles de clairons ou trompettes

Les Clairons de Thouars
Les Trompettes de Nantes
Tambours et clairons de Rezé
Tambours et clairons de Mortagne-sur-Sèvre
Le Réveil choletais

Estudiantina

Estudiantina de Poitiers

Répartition des sociétés selon leur catégorie instrumentale figurant dans le défilé du concours musical de Cholet en juin 190618.

12Les sociétés témoignent d’une diversité instrumentale insoupçonnée. La société choletaise de tir, de gymnastique et de préparation militaire, les Enfants de Cholet, propose, en 1909, une kermesse précédée d’une retraite aux flambeaux à laquelle se joignent l’Harmonie choletaise et une société de trompettes fondée récemment, le Bout’Selle19. Un concours de gymnastique, organisé à Saumur en juin 1908, s’entoure également d’une « clique » de près de trois cents exécutants qui conduisent les athlètes sur le lieu des épreuves sportives.

« Naturellement, la batterie de tambours et les splendides clairons qui font de l’Union athlétique un groupe “militaire” ravissant donneront à la fête une note que tous voudront entendre et applaudir20. »

13Enfin, un dernier terme, « philharmonie », nous laisse quelque peu perplexe. Certaines sociétés instrumentales relevant d’une harmonie se font en effet appeler de la sorte alors que cette désignation est communément attribuée aux orchestres symphoniques. La Société philharmonique de Chemillé participe, en 1886, à un concours d’orphéons, de musiques d’harmonie et de fanfares à Clisson. Les récompenses remportées apparentent sans aucun doute la société instrumentale à une harmonie d’assez bon niveau. À leur retour, les musiciens sont accueillis triomphalement par le président, le vice-président et les membres honoraires, tandis que la population les couvre d’applaudissements. La société se rend ensuite au domicile du président pour y prendre un vin d’honneur, en faisant entendre ses meilleurs pas redoublés21. Ces pratiques sont identiques à celles que nous avons déjà relevées pour de nombreuses sociétés instrumentales et confirment l’identité instrumentale de la Société philharmonique de Chemillé. En 1899, Cholet se dote également d’une Société philharmonique dirigée par le directeur de l’Orphéon Sainte-Cécile22. La direction est confiée à un « chef » et les exécutants peuvent adopter un uniforme à condition qu’il diffère de la tenue militaire. Il leur est également interdit d’utiliser des grades et des insignes identiques à ceux qui sont en usage dans les armées de terre et de mer23. Ces recommandations statutaires apparenteraient la société à une harmonie.

14D’un autre côté, la Philharmonique saumuroise relève clairement d’une formation symphonique. À l’occasion d’une réception officielle24, l’orchestre de la Philharmonique saumuroise, composé de trente-deux musiciens, donne, en novembre 1907, un brillant concert sous la baguette de B. Fouquet, directeur de l’Harmonie saumuroise et futur chef de la Musique municipale de Saumur. À l’issue de la prestation, le président de la société prononce un discours dans lequel il adresse de chaleureux remerciements aux instrumentistes à cordes et à vent. Il se réjouit, en particulier, de compter parmi les contrebassistes « l’un des meilleurs sujets de la Musique de l’École de cavalerie, considérée comme l’une des meilleures de France ». Nous apprenons également que la partie de cor d’harmonie solo est tenue par le chef de la Fanfare de Saint-Hilaire-Saint-Florent, M. Messageot. Les statuts de la Société philharmonique angevine et de la Société philharmonique de Segré25, créées respectivement en 1881 et 1884, entretiennent la même ambivalence. Leur contenu et leur organisation apparentent ces sociétés à des harmonies. Les articles sur la direction musicale font, en revanche, état d’un « chef d’orchestre » au lieu d’un « chef de musique » ou d’un « directeur » habituellement utilisé dans les règlements des harmonies et des fanfares26.

15Le contenu instrumental des harmonies et des fanfares n’a pas été encore décrit précisément. Nous savons que ces formations instrumentales sont principalement constituées de vents. Pourtant, elles ne sont pas assujetties à un modèle unique, mais englobent des dispositifs instrumentaux à géométrie variable dont la diversité et la richesse ont été relevées par de nombreux musiciens. Leur teneur présente des modifications sensibles d’un pays à un autre, et change selon les ressources locales ou le goût des chefs de musique27. Les harmonies et fanfares se décomposent, notamment, en des sous-ensembles qualitativement et numériquement différents. Nous ne traiterons pas, cependant, des « cliques » ou autres « batteries-fanfares28 » en raison de leur anecdoticité et de l’absence d’un répertoire propre.

La composition

Les formations instrumentales référentielles

16Contrairement à leur homologue symphonique qui intègre les instruments à cordes, les orchestres d’harmonie et de fanfare n’accueillent presque exclusivement que des instruments à vent. Moins riche en variété de timbre, l’orchestre d’harmonie gagne en homogénéité et en puissance sonores tout au long du XIXe siècle. Il comprend des instruments en bois, des instruments en cuivre et des instruments à percussion auxquels s’adjoint, parfois, une contrebasse à cordes. L’orchestre de fanfare offre moins de ressources que son « parent », et surtout n’en a pas l’étendue. Composée d’instruments à embouchure et en cuivre, la fanfare tolère cependant la grosse caisse et les cymbales si l’on en use avec modération. Certaines fanfares emploient également un quatuor de saxophones.

17La composition d’une harmonie repose sur des règles dont un directeur ne saurait s’écarter, au risque de desservir la sonorité et la puissance. Une musique destinée à jouer en plein air doit, en effet, non seulement témoigner d’une sonorité brillante et généreuse, mais aussi captiver l’attention des auditeurs éventuellement déconcentrés par les bruits environnants. La diversité et le mariage des timbres concourent aussi à une sonorité douce, veloutée et variée apte à traduire les moindres nuances du morceau exécuté. La fanfare accueille un nombre d’exécutants inférieur à celui d’une musique d’harmonie en raison de l’absence des instruments en bois. Confiés aux seuls instruments en cuivre, dont l’étendue et les ressources sont plus limitées, la mélodie et l’accompagnement se confondent souvent du fait de la trop grande ressemblance des timbres. Malgré quelques divergences locales, la plupart des fanfares occidentales se composent des mêmes éléments, c’est-à-dire de trompettes, de trombones, de bugles et de tubas. Une coordination intelligente des instruments, selon leur diapason et leur timbre, empêche néanmoins de tomber dans une monotonie sonore. Plus une formation instrumentale est dépourvue d’une variété de timbre, plus il est indispensable de créer des coloris et des effets qui puissent doter l’exécution d’un intérêt dont elle se trouve naturellement privée.

18La composition instrumentale des harmonies et des fanfares résulte, sous la Troisième République, d’un ingénieux équilibre entre le nombre et le timbre des instruments. Elle ne relève pas seulement de la nomenclature des partitions, mais dépend aussi des chefs de musique dont le bon sens et l’expérience concourent à la constitution d’une formation instrumentale harmonieuse. Gabriel Parès propose dans son remarquable Traité d’instrumentation et d’orchestration à l’usage des Musiques militaires, d’Harmonie et de Fanfare un orchestre référent29, la quasi-totalité des instruments employés y étant transpositeurs30.

Catégorie instrumentale

Instruments de musique

Bois

Petite flûte en b
Grandes flûtes en ut
Hautbois en ut
Cor anglais en fa
Petites clarinettes en mi b
Grandes clarinettes en si b
Clarinettes altos en mi b
Clarinettes basses en si b
Saxophone soprano en si b
Saxophones altos en mi b
Saxophones ténors en si b
Saxophones barytons en mi b
Saxophones basses en si b
Bassons en ut
Sarrussophones contrebasses en mi b

Cuivres

Trompettes en mi b ou fa
Cornets à pistons en si b
Cors à pistons en mi b ou fa
Trombones en ut
Trombone basse en fa
Saxhorn petit bugle en mi b
Saxhorn bugle ou contralto en si b
Saxhorn alto en mi b
Saxhorn baryton en si b
Saxhorn basse en si b
Saxhorn contrebasse en mi b
Saxhorn contrebasse en si b
(Contrebasse à cordes)

Percussions

Timbales
Tambour ou caisse claire, caisse roulante
Grosse caisse
Cymbales
Jeu de timbres
Triangle, tambour de basque, castagnettes

Nomenclature instrumentale de l’orchestre d’harmonie.

Catégorie instrumentale

Instruments de musique

Cuivres

Trompettes en mi b ou fa
Cornets à pistons en si
b Cors à pistons en mi b ou fa
Trombones en ut
Trombone basse en fa
Saxhorn soprano ou petit bugle en mi b
Saxhorn contralto ou bugle en si b
Saxhorn alto ou alto en mi b
Saxhorn baryton ou baryton en si b
Saxhorn basse ou basse en si b
Saxhorn contrebasse ou contrebasse en mi b
Saxhorn contrebasse ou contrebasse en si b

Percussions

Timbales Caisse claire, caisse roulante
Grosse caisse
Cymbales
Jeu de timbres
Triangle, tambour de basque, castagnettes

Nomenclature instrumentale de l’orchestre de fanfare.

19Ces instruments ne sont pas toujours utilisés simultanément, et le contenu de chacun des orchestres peut varier selon les besoins. Clodomir propose pour l’harmonie une constitution instrumentale courante résultant de son expérience musicale et de ses observations personnelles.

Petite flûte en b
Grande flûte en ut
Petite clarinette en mi b
Grande clarinette en si b (ordinairement)
Hautbois en ut
Basson en ut
Petit bugle en mi b
Bugle en si b
Cornet à pistons en si b (ordinairement)
Saxophone soprano en si b
Saxophone alto en mi b
Saxophone ténor en si b

Saxophone baryton en mi b
Alto (saxotromba) en mi b
Trompette en mi b (ordinairement)
Cor en mi b (ordinairement)
Baryton en si b
Trombone en ut ou si b
Ophicléide en ut ou si b
Basse à pistons en si b
Contrebasse en mi b
Contrebasse en si b
Grosse caisse, cymbales, caisse claire, triangle, etc.

Composition habituelle d’une harmonie au début du XXe siècle31.

Des dispositifs variés

20Les percussions exceptées, les instruments d’une harmonie ou d’une fanfare se divisent en des groupes distincts qui peuvent être employés séparément comme petit orchestre. Parès établit pour l’orchestre d’harmonie cinq groupes. Le premier groupe convient à des « traits légers, délicats et expressifs » tandis que le second s’octroie en plus les « parties douces, calmes, sonorités d’orgue ou sombres ». Le troisième se manifeste à l’occasion de « fanfares éclatantes ou de traits et dessins énergiques ». Le dernier se destine aussi bien aux « ensembles énergiques et mâles » qu’aux « sonorités moelleuses et graves » propres à créer un effet « choral32 ». Cette répartition distingue en particulier les instruments en bois et à anche des instruments en cuivre.

1er groupe

2e groupe

3e groupe

4e groupe

5e groupe

Petite flûte
Grandes flûtes
Hautbois
Bassons
Sarrussophone

Petites clarinettes
Clarinette solo
Premières clarinettes
Deuxièmes clarinettes
Clarinettes altos
Clarinettes basses
Saxophone soprano
Saxophones altos
Saxophones ténors
Saxophones barytons
Saxophones basses

Trompettes
Cornets à pistons
Cors à pistons
Trombones ténors
Trombone basse

Saxhorns sopranos ou petits bugles
Saxhorns contraltos ou bugles
Altos
Barytons
Basses
Contrebasses (Contrebasses à cordes)

Timbales
Tambour ou caisse claire
Caisse roulante
Cymbales
Jeux de timbres
Cloches
Xylophone
Triangle
Tambour de basque
Castagnettes
Tambourin

Composition instrumentale des groupes d’une harmonie selon Parès33.

21La fanfare comprend également plusieurs groupes, mais en plus petit nombre, qui peuvent s’employer isolément. Ils conservent certes les mêmes caractères que ceux de l’harmonie, mais en raison de l’absence des bois et parfois des saxophones, les cuivres prennent une importance accrue, notamment le groupe des saxhorns. Parès préconise un emploi sobre de la batterie, à l’exception des timbales34. En effet, se mariant difficilement à la « sécheresse » des instruments en cuivre, la batterie n’intervient que pour cadencer le pas des marches et marquer la mesure, ainsi que dans les morceaux au caractère énergique et vigoureux. Un usage réduit à quelques « touches puissantes » apporte un aspect « grandiose et majestueux » à l’œuvre interprétée35.

1er groupe

2e groupe

3e groupe

Trompettes
Cornets à pistons
Cors à pistons
Trombones ténors
Trombone basse

Petits bugles
Bugles
Altos
Barytons
Basses
Contrebasses

Timbales
Caisse roulante
Tambour ou caisse claire
Grosse caisse
Cymbales
Triangle
Tambour de basque
Castagnettes

Composition instrumentale des groupes d’une fanfare selon Parès36.

22Les instruments utilisés dans certains de ces dispositifs sont interchangeables et facilitent, de fait, la formation de sociétés instrumentales dans les villes et les villages les moins avantagés. La fanfare opère, en particulier, des commutations entre les instruments d’un même groupe.

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Exemples de substitution instrumentale dans l’harmonie et la fanfare complète et moyenne37.

23Ces agencements sonores montrent une présence importante des instruments graves. Tout au long du XIXe siècle, les harmonies et les fanfares cherchent, en effet, à renforcer leur basse. Dès la Révolution française et le Premier Empire, les morceaux exécutés en plein air « devant des foules dont on ne pouvait atteindre les derniers replis que par des éclats violents ou des effets de masse38 » nécessitent un renforcement des graves. Le perfectionnement des musiques militaires conforte ce phénomène, les basses de cuivre remplaçant peu à peu le serpent et les bassons devenus insuffisants. Cette démarche se traduit notamment par l’introduction, en 1817, de l’ophicléide en France. Mais en raison de ses sons « lourds et flasques » et de son peu de justesse, l’ophicléide disparaît peu à peu au profit d’instruments nouveaux, plus justes et plus sonores, les saxhorns et les tubas39. Aussi, sous la Troisième République, les basses des musiques militaires et civiles se voient-elles confiées à de nombreux instruments en bois et en cuivre graves dont le nombre varie peu.

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Relevé qualitatif et quantitatif des instruments graves composant les différentes sortes d’harmonie et de fanfare40.

24Les débats qui alimentent l’emploi de la contrebasse à cordes dans l’orchestre d’harmonie sont révélateurs de cet accroissement des instruments graves. Bon nombre de chefs de musique et de compositeurs sont hostiles à cet emprunt fait à l’orchestre symphonique. La taille et le poids de l’instrument rendent, en effet, son déplacement incommode pour les musiques militaires et civiles pendant les prestations de plein air. Parès41 affirme néanmoins que le concours de deux ou trois contrebasses s’avère des plus précieux et regrette que son usage dans les harmonies ne soit pas généralisé. L’adjonction des contrebasses à cordes aux contrebasses en cuivre apporte à la sonorité générale une rondeur et un mœlleux particulièrement appréciables dans le pizzicato. Son association à une basse d’instruments à anche se révèle également d’un excellent effet. Le musicien proscrit cependant l’utilisation de l’instrument dans la fanfare réservée aux seuls cuivres. À défaut de contrebasses à cordes, il recommande l’emploi de sarrussophones en mi b42. Malgré ces quelques réserves, l’instrument semble jouir d’une certaine popularité auprès des sociétaires et du public. À l’occasion du défilé de la Mi-Carême à Cholet en 1892, le char de la Musique prend la forme d’une immense contrebasse, dans laquelle sont rangés de nombreux exécutants qui « jettent au vent les airs les plus gais de leur répertoire43 ».

25L’augmentation des instruments graves dans les harmonies et les fanfares ne concourt pas toujours à l’homogénéité et à la vigueur sonores des sociétés instrumentales. D’acerbes critiques sont alors parfois formulées. Henri Marie fils Lavoix reconnaît certes que c’est au prix du coloris et des timbres que les musiques ont gagné en justesse et sonorité, mais regrette que la variété des anciens orchestres militaires ait disparu.

« Les basses, il est vrai, ont aujourd’hui plus d’ampleur que jamais ; mais n’est-il rien de plus monotone et de plus lourd que ces grosses basses et contrebasses de cuivre frappant les temps forts de la mesure au point de couvrir les dessus, divisant ainsi l’harmonie, malgré les instruments intermédiaires que l’on tente d’intercaler ? Les facteurs rejettent la faute sur les chefs de musique qui, disent-ils, ne savent pas employer ces instruments […]. Mais il ne faut pas oublier que l’uniformité des timbres est en grande partie cause de cette lourdeur et que, dans une famille de même espèce, les basses écrasent toujours les dessus de leur poids surtout si on les entend à distance44. »

26François-Auguste Gevaert fait un constat similaire45. Il déplore que les basses, dont l’étendue était encore inimaginable au milieu du XIXe siècle, se soient presque exclusivement concentrées aux instruments à embouchure. Aussi, les quelques clarinettes de la partie intermédiaire luttent-elles en vain contre le groupe puissant des cors, des saxhorns et des trombones. Le musicologue conclut alors, non sans exagération, que les harmonies militaires ne sont pas parvenues à atteindre un équilibre sonore et une parfaite cohésion des timbres. Un rare témoignage fait état de la gêne occasionnée par des basses trop fortes durant un concert donné à Cholet en 1881 sur la place Travot par la Musique du 135e régiment d’infanterie46.

27La recherche d’un équilibre sonore et d’instruments plus performants ne relève pas de la seule problématique du timbre. Des musicologues établissent une correspondance entre les instruments des formations symphonique ou vocale et ceux des orchestres à vent. Une harmonie ne captive ses auditeurs que si elle parvient à produire une puissance et une douceur comparable à celles d’un orchestre à cordes, « la création la plus parfaite de l’art musical47 ». Par l’étendue des instruments qui la composent, l’orchestre d’harmonie acquiert ainsi une grande ressemblance avec l’orchestre symphonique. Cette relation conduit les compositeurs de musiques d’harmonie et de fanfare à attribuer un rôle musical et des modalités d’écriture aux instruments à vent.

Les modèles généraux

Influence des formations musicales savantes

L’orchestre symphonique

28De nombreux ouvrages sur l’orchestration accordent, au XIXe siècle, une place prépondérante à la formation symphonique. Or cette dernière affecte profondément l’orchestre à vent. Le Grand traité d’instrumentation et d’orchestration modernes, publié par Hector Berlioz d’abord en 1843, puis revu et augmenté d’une seconde édition en 1855, marque l’histoire de l’évolution musicale en faisant de l’orchestre symphonique une référence essentielle. Le traité inspire à de nombreux musiciens, tels François-Auguste Gevaert48, Charles-Marie Widor49, Nikolaï Andreïevitch Rimski-Korsakov50, ou encore Cecil Forsyth51, des écrits additionnels qui témoignent d’un intérêt pour la formation symphonique et intègrent les perfectionnements techniques apportés aux instruments à vent. Jean-Louis Ithier52 et Ernest Guiraud53 abordent ainsi l’orchestration dans une perspective délibérément symphonique.

« Nous nous sommes proposé, en écrivant ce traité, de condenser dans un petit volume les notions les plus importantes de l’art d’orchestrer […]. Nous avons traité principalement des instruments qui font partie de la composition de l’orchestre d’une façon permanente, intégrante, et qui en forment pour ainsi dire les cadres54. »

29Au côté de ces recueils techniques paraissent des livres et des articles où les instruments de l’orchestre symphonique sont appréhendés selon des points de vue esthétiques et historiques. Des auteurs comme Henri Lavoix fils55, Albert Lavignac56 ou Jean Rambosson57 proposent une histoire des instruments de musique en s’appuyant sur les composantes instrumentales de l’orchestre symphonique, tandis que d’autres affirment que l’orchestre symphonique est un modèle auquel les formations devraient se référer. Ernest Van de Velde voit dans l’élément symphonique un formidable outil d’éducation musicale populaire. Le musicien encourage les conservatoires à se doter d’une classe d’orchestre qui donnerait périodiquement des « concerts symphoniques ». Ce serait là un puissant outil d’émulation, chacun des concerts impulsant de nouveaux progrès et une « marche plus accentuée vers le grand Art ». Les conservatoires concourraient du même coup à la création de sociétés symphoniques dans les grandes villes, la symphonie étant la « plus haute manifestation de l’Art musical58 ».

« Quels immenses services rendraient alors nos Conservatoires à l’Art musical, puisque, en contribuant ainsi au développement et aux progrès des Sociétés orchestrales, ils travailleraient, dans la même mesure, à l’élévation du goût dans nos populations. Car ne perdons pas de vue que les Sociétés musicales ne doivent pas vivre pour elles-mêmes : elles sont essentiellement les propagatrices de l’Art au milieu de nous et par là sont appelées à réaliser un bien moral incontestable59. »

30L’orchestre symphonique suscite un attrait tel que des sociétés de Maine-et-Loire accueillent parfois des instruments issus de cette formation. En janvier 1901, à l’occasion d’un concert hivernal, l’Harmonie saumuroise invite des violonistes amateurs à se joindre à ses instrumentistes pour interpréter une œuvre couramment inscrite au répertoire des sociétés instrumentales, La Valse bleue de A. Margis. L’expérience « symphonique » s’avère positive. Un observateur encourage alors la société à poursuivre sur cette « heureuse voie » et considère que la ville de Saumur peut désormais prétendre à des structures musicales aussi performantes que celles d’Angers60.

31Un orchestre d’harmonie consiste finalement en une formation symphonique dont a été retiré le quatuor à cordes, même si parfois il est constaté la présence irrégulière d’instruments « isolés et égarés », relevant d’un orchestre symphonique. Ces deux formations nourrissent des rapports hiérarchiques telle une pyramide au sommet de laquelle se positionne l’ensemble symphonique. Certains instruments souffrent aussi d’une mauvaise réputation malgré leur emploi courant dans les harmonies et les fanfares. C’est le cas du cornet à pistons. Parce que cet instrument, appelé naguère cornet de poste ou de postillon lorsque la circulation se faisait par voitures ou par « diligences », requiert moins d’étude, il serait le plus « vulgaire ». Son timbre manquerait de noblesse et de distinction en raison d’un tube trop court qui ne lui autorise que des harmoniques aiguës. Bien qu’utilisé, à de rares occasions, par Giacomo Meyerbeer, Georges Bizet, Charles Gounod ou Hector Berlioz61, sa sonorité « criarde » le tient éloigné de l’orchestre symphonique. Sa facilité d’exécution lui assure, en revanche, quelques succès dans les musiques régimentaires et civiles. Mais, malgré une étonnante facilité à exécuter des notes répétées, des trilles ou autres traits rapides, et même à chanter le « cantabile soutenu et la mélodie rythmique62 », des compositeurs conseillent de substituer à cet instrument une trompette ou un cor63.

« À l’occasion, il prétend imiter le cor et la trompette, instruments héroïques ; mais cette imitation ressemble souvent à une charge ; c’est le gamin de Paris de l’orchestre, et il est mieux à sa place dans les orchestres de bals publics ou de café-concert qu’à l’Opéra ou dans les grands concerts symphoniques64. »

32Ces préconisations n’empêchent pas, pour autant, certaines sociétés instrumentales de Maine-et-Loire de s’octroyer les services occasionnels de cornets à pistons ou de clairons. L’Harmonie choletaise, renforcée de clairons et de tambours, participe le 21 juin 1896 à une cavalcade historique au côté de la Musique de Chemillé qui intègre de semblables instruments65. Cette innovation est particulièrement appréciée du public lorsque la société instrumentale se produit, durant la fête nationale de la même année, dans divers endroits de la ville66. Plus anecdotique, le village de Saint-Lambert-du-Lattay ouvre, en août 1912, un festival de gymnastique par des « notes joyeuses » confiées à des clairons positionnés dans le clocher d’une église, renouant ainsi avec l’ancien usage signalétique de l’instrument67.

33La clarinette jouit, en revanche, d’une grande notoriété auprès des musiciens et du public. Son large ambitus, la diversité de ses timbres et une articulation au besoin plus rapide que les cuivres en font un instrument apprécié. La clarinette surpasse surtout ses acolytes dans l’exécution des nuances. Le chant soutenu trouve en elle un interprète convaincant, tandis que les traits d’agilité lui sont aisés et naturels68. Le clarinettiste solo de la Musique municipale de Saumur est félicité en mars 1890 pour le détachement et la netteté de ses sons dans un passage du Lucrèce Borgia. Aussi, le public, « émerveillé », ne ménage-t-il pas ses applaudissements au virtuose69. Des compliments des plus flatteurs sont également adressés au sous-chef de l’Harmonie saumuroise pour son exécution d’une fantaisie pour clarinette, Erwinn, louanges d’autant plus méritées que l’œuvre comporte de nombreuses difficultés70.

34L’orchestre symphonique et la formation à vent tissent, en fait, des liens complexes qui conduisent à la reconnaissance et à l’indépendance de l’orchestre à vent. L’absence de cordes frottées contraint le groupe des vents à définir un nouvel équilibre sonore. Les améliorations apportées au classement et à la facture des vents, mais aussi l’adjonction de nouveaux instruments, confèrent aux orchestres militaires et aux sociétés d’amateurs un potentiel musical presque aussi grand que l’orchestre symphonique. Le cas du saxophone est particulièrement éloquent. Parès affirme que l’orchestre d’harmonie n’existe vraiment qu’à partir du moment où les saxophones ont été associés aux clarinettes, le mérite revenant à l’inventivité et la perspicacité de Sax. Cet ajout apporte aux harmonies une puissance sonore qui faisait, jusque-là, défaut aux instruments graves. Selon Parès, la constitution d’un quatuor à anche, équivalent au quatuor à cordes de l’orchestre symphonique, permet à l’orchestre d’harmonie de prendre la place qui lui est due et de rendre les « importants services qu’en attendent les compositeurs et le public ». L’éventuel remplacement des saxophones ou des bassons par des clarinettes altos et basses ramènerait l’orchestre d’harmonie à l’ancienne organisation des musiques militaires sous la Restauration. Aussi, doit-on s’assurer d’un noyau d’instruments à anche égal à la moitié de l’effectif total de la musique d’harmonie, à l’image des cordes frottées qui occupent près des deux tiers de l’orchestre symphonique71.

Orchestre symphonique

Harmonie

Fanfare

les premiers violons

les petites clarinettes, la clarinette solo et les premières clarinettes

les petits bugles en mi b, les premiers bugles renforcés parfois mais rarement par un premier cornet à pistons

les seconds violons

les deuxièmes clarinettes en si b, les clarinettes altos et les saxophones altos

les deuxièmes bugles, le premier alto en mi b

les altos

les saxophones altos en mi b, les saxophones ténors en si b, les clarinettes altos en mi b et parfois les clarinettes basses ou saxophones barytons

les altos en mi b, le baryton en si b

les violoncelles

les clarinettes basses, les saxophones ténors, les saxophones barytons et les saxhorns basses

les barytons en si b pour les traits et passages mélodiques, les basses en sib pour l’accompagnement

les contrebasses à cordes

les saxhorns contrebasses en mi b et si b, les contrebasses à cordes, les sarrussophones contrebasses en mi b, le saxophone basse en si b et parfois les saxhorns basses en si b

les contrebasses en mi b et si b

la petite flûte en ut

la petite flûte en b

les grandes flûtes en ut

les grandes flûtes en ut, soutenues quelquefois par les petites clarinettes en mi b

les cornets à pistons en si b, les petits bugles en mi b, les saxophones sopraninos en mi b et sopranos en si b si la fanfare en comporte

le hautbois en ut

les hautbois, renforcés parfois par les petites clarinettes en mi b ou plus rarement deux cornets à pistons

les cornets à pistons, les trompettes, les saxophones sopranos et altos si la fanfare en possède

le cor anglais

le cor anglais ou, à défaut, le saxophone alto solo

les bassons

les bassons renforcés par deux saxhorns barytons en mi b, plus rarement par deux trombones à coulisse ou par des saxophones ténors ou barytons

les trombones, les cors ou les saxophones ténors et barytons si la fanfare en accueille

les clarinettes

le petite bugle en mi b et les deux bugles en si b ; il est préférable de confier les passages aigus au petit bugle, et les traits de virtuosité à un ou deux saxophones altos ; dans un chant, un fragment mélodique peut être donné au hautbois ou un hautbois doublé d’une flûte

les cornets à pistons, les saxophones sopranos et altos sont fortement conseillés

les trompettes

les trompettes et les cornets à pistons

les trompettes, les cornets à pistons

les cornets à pistons

les cornets à pistons ; le cornet solo peut interpréter une partie mélodique

les cors

les cors ; à défaut de cors, les saxhorns altos, les trombones à coulisse, les bugles ou les cornets peuvent prendre le relais

les cors

les trombones

les trombones

les trombones ; le premier trombone joue le solo tandis que les autres exécutent l’accompagnement à défaut de cors et de bassons

le tuba

le trombone basse ou le 4e trombone

le trombone basse

la batterie et les accessoires

la batterie et les accessoires

les timbales ou, à défaut, la caisse roulante

Équivalence instrumentale entre les formations symphonique et à vent selon Parès72.

35La fanfare opère un semblable transfert en remplaçant les bois de l’harmonie par le groupe des bugles et des saxhorns. Les modalités qui ont concouru à sa constitution instrumentale démontrent un affranchissement de l’orchestre symphonique. La fanfare aurait pour origine les sonneries d’ordonnance que les armées européennes ont adoptées durant le XVIIIe siècle. Les sonneries des régiments de cavalerie étaient exécutées par des bandes de trompettes divisées en deux, trois ou quatre parties, tandis que celles des corps de chasseurs étaient confiées à un ensemble hétérogène d’instruments à embouchure, consistant essentiellement en des clairons et des bugles. La réunion des deux familles de cuivre autorise, vers 1830, la première constitution d’un véritable corps de fanfare. Puis, à partir de 1848, la fanfare subit une ultime évolution, conséquente aux innovations de Sax. Les bugles à clefs et les ophicléides sont peu à peu remplacés par les saxhorns à pistons. Ce nouveau mécanisme avait été appliqué auparavant aux cornets et aux trompettes73.

36La plupart des théoriciens de la musique s’accordent sur une correspondance entre les instruments de l’orchestre symphonique et ceux de l’orchestre à vent74. Les transcriptions d’œuvres symphoniques pour orchestre d’harmonie ou de fanfare s’appuient sur un dispositif instrumental audacieux et sophistiqué.

37L’orchestre symphonique n’est pas la seule formation à inspirer les sociétés dans leur constitution instrumentale. Le modèle vocal exerce également une influence, certes moindre, mais tout aussi bénéfique à l’équilibre sonore des sociétés instrumentales. L’élaboration de familles d’instruments à vent intégrales s’appuie sur les registres vocaux, et les orchestres à vent ambitionnent un ambitus comparable à celui d’un chœur75.

L’ascendance vocale

38Bien que son ouvrage traite exclusivement des orchestres d’harmonie et de fanfare, G. Parès s’intéresse aux voix humaines lorsqu’il aborde l’étendue générale du matériel sonore des sociétés instrumentales. Le compositeur et le transcripteur emploient souvent une terminologie spécifiquement vocale, tels airs, cavatines, chœurs et soli, lorsqu’il entreprend l’arrangement d’une œuvre savante. Les différents types de voix permettent également de déterminer l’étendue de la plupart des instruments à vent et de désigner les variétés d’une même famille. Parès considère donc qu’un chef de musique ou un instrumentiste devrait connaître l’étendue de chaque type de voix et ses rapports avec les instruments à vent. Dans la mesure où beaucoup de ces instruments se meuvent de l’ut grave du violoncelle au la aigu du violon, il conseille de circonscrire leur écriture à cet ambitus76.

39P. Clodomir consacre dans son recueil à l’usage des directeurs et des exécutants des sociétés instrumentales un chapitre sur le choix des instruments. L’emploi des termes « voix » et « chant » pour désigner le timbre et la mélodie des instruments conforte cette filiation vocale.

« Chaque personnalité d’instruments possède une voix qui lui est propre, la distingue, et qu’il faut conserver comme type ; c’est précisément la réunion de ces différentes voix qui constitue ce que l’on appelle le timbre d’une musique, en fait la richesse et la variété […]. Quelle différence, en effet, l’oreille percevrait-elle entre un cornet et un bugle, dialoguant ensemble, si ces instruments étaient identiques par la voix ? Le genre de sonorité de chaque famille instruments doit être tel qu’à première audition, on puisse dire d’une musique, sans la voir : ce chant est fait par un cornet, celui-ci par un bugle, tel autre par un alto… […]. Certaines sociétés ont le timbre criard, d’autres sourd, d’autres creux, selon la voix des instruments77. »

40Gevaert emprunte au dispositif vocal cinq grands registres dans lesquels se répartissent les instruments à vent : la région suraiguë, la région aiguë, la région moyenne, la région grave et la région sous-grave. Les vents qui appartiennent aux régions extrêmes ne s’emploient, en général, que pour renforcer à l’octave les sons des zones centrales78.

41Les références vocales des sociétés instrumentales ne s’appuient pas uniquement sur des critères techniques. L’histoire même de leur développement s’inscrit dans une dynamique vocale. Le pédagogue Wilhem entreprend, à partir de 1820, une œuvre d’éducation musicale populaire exclusivement tournée vers le chant. Il propose, en 1833, aux meilleurs élèves des onze écoles parisiennes, dans lesquelles il professe, une demi-journée mensuelle de pratique vocale collective. L’opération remporte un tel succès qu’elle se généralise aux enfants issus des arrondissements voisins. On prend dès lors l’habitude d’appeler ces participants orphéonistes79.

42Une dynamique orphéonique investit aussi, sous la Troisième République, des concerts au cours desquels les sociétés se produisent au côté de chanteurs ou interprètent des œuvres vocales. Les concerts d’hiver renouent, notamment, avec une réminiscence vocale en faisant intervenir des chanteurs lyriques entre les morceaux exécutés par les sociétés instrumentales. Des prestations exceptionnelles sollicitent également les talents vocaux des musiciens. En février 1882, la Fanfare de Cholet agrémente son concert d’une partie vocale. Les instrumentistes y chantent une œuvre chorale, Le Croiseur. Subjugué, le public espère alors que la société renouvellera une telle expérience80. Les musiques militaires se plient parfois à ce type de pratique. En juin 1901, les instrumentistes de la Musique du 135e de ligne, « transformés en chanteurs », interprètent une valse pour laquelle l’auteur a eu l’heureuse idée d’ajouter des « vers d’un sentiment exquis81 ». La Musique du 6e régiment du génie joue, durant un concert estival, divers extraits de l’opéra de Xavier Leroux, La Reine Fiammette. La musique régimentaire y interprète en particulier le chœur final du 4e acte, précédé de sons de cloche82. Cette parenté vocale se vérifie, enfin, dans des concerts de l’Harmonie angevine auxquels se joint incidemment la Société chorale Sainte-Cécile. Les deux sociétés de musique s’associent pour la première fois en juillet 1889. L’orphéon souhaite, en effet, présenter au public angevin des œuvres chorales exécutées brillamment pendant un concours à Paris. La société chorale se joint alors à un concert estival donné par l’Harmonie angevine au Mail. Cette collaboration rencontre un succès tel qu’elle se systématise rapidement. Dès le mois de novembre 1889, la Société chorale Sainte-Cécile invite à son tour l’Harmonie angevine pour ouvrir son bal annuel. Satisfaite, la société orphéonique officialise un mois après ces « sentiments de bonne fraternité qui ne cesseront d’unir les deux sociétés » en nommant le chef de musique Martel membre honoraire83.

Année

Programme

Interprètes

1889

Les Noces d’Argent, allegro (J. Steenebrugen)
Zampa, ouverture (F. Hérold)
Les Chênes lorrains, chœur (Bordogni)
L’Ombre, fantaisie (F. Flotow)
Les Derniers Jours de Pompéi, chœur (J. Ritz)
Hymne à Beaurepaire (A. Laffage)

Harmonie angevine
Harmonie angevine
Société chorale Sainte-Cécile
Harmonie angevine
Société chorale Sainte-Cécile
Harmonie angevine

1890

Ouverture solennelle (Wattier)
Fantaisie de Concours (L. Karren)
La Nuit, chœur (J.-Ph Rameau)
Air varié (Chavatte)
Estudiantina, chœur (P. Lacôme)
Œdipe à Colonne, fantaisie (Sacchini)
Vive l’Anjou, allegro militaire (sur le chant de A. Verrier)

Harmonie angevine
Harmonie angevine
Société chorale Sainte-Cécile
Harmonie angevine
Société chorale Sainte-Cécile
Harmonie angevine
Harmonie angevine

Programmes de concerts donnés conjointement par l’Harmonie angevine et la Société chorale Sainte-Cécile en 1889 et 1890.

43L’organisation instrumentale d’une œuvre pour harmonie ou fanfare obéit également à des contraintes spécifiques. La recherche de couleurs sonores et la facture des instruments contribuent fortement à la constitution d’une formation à vent type.

Des contraintes particulières

Le timbre

44En se référant à la notion de couleur, les préoccupations de timbre s’inscrivent dans une perspective picturale revendiquée par de nombreux musiciens français de la seconde moitié du XIXe siècle. Pour ces derniers, à la perception du timbre instrumental s’attache l’idée de coloris. L’art de l’orchestration est en effet comparable à l’utilisation de la couleur chez le peintre. Le musicien puise dans la palette orchestrale pour trouver les tons et nuances nécessaires à son dessin mélodique et son tissu harmonique. Le mélange des timbres concourt à fixer l’attention de l’auditeur captivé par une présentation sans cesse renouvelée de sonorités appropriées aux circonstances dépeintes par l’œuvre. L’orchestration d’une œuvre lyrique doit donc sa réussite aux contrastes générés par l’emploi simultané de timbres divers ou de combinaisons instrumentales successives. Un compositeur de musique d’harmonie ou de fanfare, qui connaît les registres de tous les instruments et réserve à chacun le rôle qui lui convient, apporte à sa production un indéniable cachet. Familiarisé avec les timbres propres à ces formations, il ne peut ignorer le résultat de l’assemblage d’un instrument avec un autre. G. Meister débute son arrangement de l’ouverture du Carnaval romain d’Hector Berlioz sur une orchestration particulièrement recherchée.

45Albert Lavignac établit une correspondance originale entre le timbre de certains instruments à vent et la gamme des couleurs. La sonorité éthérée et suave de la flûte produit une sensation auditive équivalente à un « bleu pur et lumineux comme l’azur du ciel », tandis que le hautbois, apte à l’expression de sentiments rustiques et agrestes, lui apparaît dans un « vert un peu cru ». Le son chaud de la clarinette, éclatant dans l’aigu, mais sombre et riche dans les notes graves du chalumeau, évoque un « brun rouge, un rouge van Dyck, un grenat ». La famille des trompettes, des clairons et des trombones présente quant à elle toutes les graduations du « rouge pourpre » qui, mélangé au « jaune cuivré » du cor, donne de l’« orangé ». Le cornet, « trivial et vantard », apporte, en revanche, une note d’un rouge commun « sang-de-bœuf ou lie de vin ». Les instruments à percussion, timbales et grosses caisses, provoquent de « grands trous noirs » dans la masse sonore. Le tambour se révèle en revanche « grisâtre », alors que le triangle produit, au contraire, un son « argentin »84.

Image

Exemple musical 1. – Le Carnaval romain, ouverture (H. Berlioz, G. Meister).

46Les auditeurs éclairés se montrent sensibles aux qualités sonores des sociétés instrumentales. En février 1890, durant un concert au Cirque-Théâtre, la société Angers-Fanfare auréole une brillante fantaisie sur le Faust de Gounod d’une sonorité soignée et appréciée du public85, tandis qu’un commentateur loue la « profondeur » des graves de l’Harmonie saumuroise86.

47Ce formidable développement instrumental des sociétés n’aurait pu se réaliser sans l’œuvre des facteurs qui ont apporté à la lutherie à vent de remarquables améliorations. Les familles des saxophones et des saxhorns en sont de pertinents exemples.

La facture

48Les contraintes techniques et de fabrication influent sur la formation des harmonies et des fanfares. Composer un morceau ou arranger une fantaisie pour une harmonie s’avère une opération délicate. Outre une connaissance parfaite des règles harmoniques, l’artiste doit posséder de solides notions sur la facture des instruments qu’il emploie. Il lui faut, en effet, éviter les doigtés gauches et apprécier la qualité des notes, « les sourdes d’avec les sonores, celles qui sont faciles à émettre de celles qui demandent beaucoup d’étude pour paraître brillantes et justes87 ». Les traités d’orchestration dédiés aux harmonies et fanfares se veulent ainsi complémentaires des ouvrages de Berlioz et de Gevaert. Parès s’intéresse aux ressources et aux meilleurs emplois des instruments à vent. L’auteur s’étend davantage sur les combinaisons de timbre et d’effets spéciaux que sur des considérations historiques88. Le Cours méthodique d’orchestration de Gevaert comporte, outre une analyse conséquente de l’orchestration symphonique et dramatique, une vingtaine de pages sur la musique militaire89. Le musicologue ambitionne, non plus d’apprendre au disciple « ce qu’il doit savoir en matière d’instrumentation » démarche précédemment entreprise dans son Nouveau Traité d’Instrumentation publié en 1885, mais de lui enseigner « ce qu’il doit faire ». Son discours analytique s’enrichit ainsi d’une dimension pratique dictée par la facture même des instruments à vent. Il s’agit d’acquérir des « procédés de métier dont la connaissance est aussi nécessaire à l’« instrumentateur » que la connaissance des lois de la versification est nécessaire au poète » que de nombreux exemples, issus des pages orchestrales des grands maîtres, illustrent90. Ces auteurs s’appliquent donc non seulement à consigner les divers agents sonores et mécaniques des instruments à vent, mais aussi à décrire leurs agencements les plus heureux.

49La pérennité d’une société instrumentale repose également sur un parc instrumental solide et fiable. Les inventions et les progrès technologiques du XIXe siècle profitent à la lutherie des instruments à vent qui se perfectionnent et atteignent, sous la Troisième République, une qualité sonore jusqu’alors inconcevable. La facture instrumentale tend, en effet, à se constituer en familles complètes de même timbre et de même espèce. La nécessité de donner à l’orchestre militaire davantage d’homogénéité et de vigueur, ainsi que l’application rigoureuse des lois de l’acoustique, conduisent les facteurs à créer de nouvelles familles instrumentales91. Tandis que l’orchestre symphonique repose, depuis le XVIIe siècle, sur la base inébranlable du quatuor à cordes, l’orchestre militaire souffre, durant les deux premiers tiers du XIXe siècle, d’une instabilité instrumentale constante. Par de patients tâtonnements, la clarinette, la flûte et le basson acquièrent peu à peu une meilleure sonorité et de plus grandes facilités d’exécution. C’est dans la fabrication des instruments de cuivre que les résultats les plus décisifs sont observés. Nous devons, au début du XIXe siècle, l’invention du bugle et de la trompette à clefs aux facteurs viennois Weidinger et anglais James Halliday, tandis que le facteur français Jean Hilaire Asté, dit Halary, conçoit, de 1817 à 1821, une famille complète d’instruments à bocal et en cuivre, dont un seul membre est encore usité sous la Troisième République, l’ophicléide. D’autres cherchent à perfectionner les instruments en cuivre par un nouvel agencement des tons de rechange et l’emploi de coulisses et de pistons, notamment sur le trombone à partir de 185292.

50Les facteurs d’instruments à vent, fascinés par la perfection des instruments à cordes, améliorent la qualité des métaux. L’utilisation de la vapeur rend au milieu du siècle les machines plus puissantes et performantes. Les découvertes techniques et acoustiques relatives à la perce des instruments et leur mode de jeu entraînent une nouvelle conception des instruments à vent. Ainsi, « poussés par cette avancée des sciences et des techniques, piqués au vif par les demandes de compositeurs ou de musiciens peu satisfaits des performances des bois et des cuivres93 », les facteurs d’instruments à vent participent à une re-création nouvelle dont la dynamique reviendrait aux luthiers français et belges94. Animés par un souci qualitatif, les luthiers fabriquent de nouveaux instruments à vent ou perfectionnent ceux qui sont existants en déposant de nombreux brevets. Ce métier, enraciné jusqu’alors dans la tradition de l’atelier, s’ouvre à la fabrication industrielle qui ne supplante pas pour autant une facture instrumentale artisanale, la plupart des fabriques restant de taille moyenne ou petite. Les secteurs où l’industrialisation a, en revanche, remplacé la fabrication artisanale, et ce, de manière spectaculaire, modifient fortement les habitudes de travail. À mesure que s’accroît l’importance numérique des sociétés militaires et civiles, les facteurs doivent, en effet, produire un plus grand nombre d’instruments. La fabrication mécanisée des instruments à vent se traduit non seulement par une spécialisation et une division des tâches, mais permet aussi une production rentable à des prix concurrentiels. Les établissements d’Adolphe Sax ont, par exemple, fabriqué quelque quarante mille instruments entre 1845 et 187595.

51Les innovations instrumentales d’Adolphe Sax (1814-1894) constituent, à partir des années 1840, un véritable bouleversement dans le monde musical. Ses recherches sur l’acoustique se concrétisent par la création de quatre nouvelles familles d’instrument auquel il donne son nom : les saxhorns, les saxophones, les saxotrombas96, et les saxtubas97. Ses inventions contribuent à une plus grande facilité d’utilisation par une uniformisation des doigtés, des mécanismes d’exécution et des principes d’embouchure, et permettent ainsi de passer indifféremment d’un instrument à un autre98. Les sociétés angevines, choletaises et saumuroises abritent, en général, des instruments de musique inventés par Sax. En effet, la lutte opposant le facteur à ses détracteurs étant définitivement révolue, ces instruments appartiennent désormais au domaine public99. L’Harmonie angevine investit près de mille six cent cinq francs dans l’achat de nouveaux instruments entre les années 1885 et 1887, principalement des saxophones et des saxhorns. En 1889, la société instrumentale acquiert également deux altos, deux trombones, deux clarinettes, trois basses et un baryton pour une somme de neuf cent cinquante francs. L’Harmonie choletaise réclame, en 1897, une subvention municipale exceptionnelle pour acheter une clarinette, un piston, un bugle, un baryton, un trombone et une basse, car certains de ses instruments s’avèrent hors d’usage après une trentaine d’années de bons et loyaux services100. Confronté à une situation identique, le président de la Musique municipale de Saumur demande au maire, en 1873, d’intervenir auprès du conseil municipal afin d’obtenir un saxophone que l’ensemble instrumental ne peut acheter en raison de son prix élevé101. Les factures d’instruments acquis auprès de facteurs parisiens par cette même société attestent la présence de saxhorns et de saxophones. Les perfectionnements, dont certains sont équipés, montrent finalement que les sociétés instrumentales possèdent un instrumentarium hétéroclite où se mêlent des instruments récents et obsolètes.

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Détail de factures établies par des manufactures instrumentales parisiennes à l’adresse de la Musique municipale de Saumur102.

Les supports

52La démocratisation de la pratique instrumentale banalise, sous la Troisième République, la partition. Les musiciens amateurs s’approprient un objet qui se destinait, jusque-là, à des professionnels ou des praticiens avertis. Les sociétés instrumentales exigent en effet de leurs membres une certaine maîtrise du langage musical et proposent une formation musicale spécifique lorsque leur niveau s’avère insuffisant. La sémiotique musicale leur devient alors familière. L’amélioration des techniques d’impression et l’apparition de distributeurs locaux réduisent également le coût d’un matériel désormais plus aisément accessible aux sociétés instrumentales103. La Musique municipale d’Angers s’entoure ainsi des services de trois luthiers angevins parmi lesquels deux fournissent les partitions104.

53Le répertoire des sociétés instrumentales consiste essentiellement en des œuvres s’adressant indistinctement aux harmonies et aux fanfares. L’ajout ou le retrait d’instruments propres à chacune des deux formations ne dénature pas la composition. Cette double fonction répond aux configurations inégales des sociétés instrumentales civiles. Une commune aux revenus modestes, ne pouvant s’offrir qu’une simple fanfare, accède au même répertoire qu’une harmonie mieux pourvue. Ce type de partition aurait été créé pour combler une lacune propre au répertoire des musiques élémentaires et souvent incomplètes. Conçues à l’origine pour les instruments en cuivre, qui forment à eux seuls un ensemble complet et homogène, ces œuvres, s’émaillent, par l’adjonction de bois, d’effets et de variantes qui, sans être compris dans la conception primitive du morceau, n’en concourent pas moins à lui donner du charme et de l’originalité105.

54Les conducteurs se présentent sous deux formes. La première « plagie » l’orchestre symphonique en réunissant un ensemble de portées distinctes, disposées les unes sous les autres et numérotées afin d’en faciliter la lecture. La seconde, et de loin la plus courante en raison de sa fonctionnalité et de son coût moindre, consiste en une réduction pianistique à deux, trois, quatre, et même cinq ou six portées, dont la disposition respecte les tessitures instrumentales. Les interventions des instruments sont indiquées par leur nom au-dessus des portées. Ce modèle prend la forme d’un « livret » dont les dimensions raisonnables facilitent la manipulation.

55Les instrumentistes, et parfois certains conducteurs, usent de supports encollés sur des cartons de petite, moyenne ou grande taille. Cette technique aide certes au maniement des partitions, notamment lorsque les musiciens interviennent en marchant, mais nombreux sont ces derniers à égarer leur carton. Aussi, Clodomir propose-t-il de placer en tête de chaque carton le numéro de matricule que l’exécutant reçoit en entrant dans la société instrumentale.

« Il est arrivé, dans certains concours, qu’après avoir pris leur bonne part d’un repas copieux […], un ou plusieurs des exécutants, dans la précipitation du départ […], négligeaient de recueillir leur répertoire. Quel embarras eût été celui du directeur, quelques jours après, en s’apercevant de cette omission, s’il n’avait pas eu préalablement le soin de recourir au moyen dont nous avons parlé ? En effet, avec ces indications, on restituait les portefeuilles à la Société ; puis, à l’aide des numéros matricules, le directeur savait quels étaient ceux de ses musiciens qui avaient fait preuve de tant de légèreté106. »

56Le musicien regrette que certains éditeurs gravent les grands morceaux sur de petites feuilles en utilisant le recto et le verso du carton. Il préconise la possession d’un portefeuille spécial où seraient rangés les grands cartons destinés aux morceaux importants. La distribution de morceaux collés sur de grands cartons, à l’issue de l’exécution du répertoire courant, procure non seulement aux instrumentistes quelques instants de loisir, mais valorise aussi la valeur du morceau par « le seul fait du changement de répertoire auprès d’un public avide de mise en scène107 ». Il déconseille aussi l’emploi de petits cahiers, semblables à ceux que la Fanfare du IVe arrondissement utilise, dans la mesure où leur poids et leur épaisseur fragilisent le mécanisme qui maintient la partition sur l’instrument. De plus, la perte ou la dégradation du cahier nécessite le remplacement complet du répertoire. Clodomir affiche donc une préférence pour le carton à condition que sa facture et l’encre d’impression soient de bonne qualité.

« Tel fabricant fournit des cartons qui se grattent difficilement et sur lesquels on ne peut pas faire des corrections propres ; de plus, ces cartons, mal confectionnés, ne supportent point la fatigue, tombent en poussière au bout de quelque temps, s’amollissent et de dédoublent après avoir été à l’humidité […]. L’encre demande également à être bien choisie. Il en existe qui se détrempent et s’étalent à un tel point, par les temps de brouillard, qu’il ne reste plus sur les cartons que de grosses taches noires, ressemblant à des ombres chinoises108. »

57Les sociétés instrumentales de Maine-et-Loire possèdent, en général, un rayonnage musical conséquent. L’Harmonie angevine se dote d’une bibliothèque de partitions dès sa restructuration en 1885 et en confie la gestion à un archiviste choisi parmi les membres de la société instrumentale. Confrontée à un espace trop exigu, la société instrumentale entreprend également, en 1893, la construction de nouveaux placards pour ranger ses nombreuses partitions109. De manière générale, les sociétés instrumentales investissent des sommes importantes et régulières dans l’achat et l’entretien des morceaux de musique. La Musique municipale d’Angers consacre ainsi, en 1896, 79,65 francs à l’acquisition de partitions imprimées et copiées, et 218,95 francs à la fourniture de carton et au collage des partitions110. La société instrumentale rétribue même, dès 1885, le copiage des partitions en accordant à ses membres volontaires trente centimes par feuille pour les grands cartons et quinze centimes pour les petits cartons111. La Musique municipale de Saumur engage des frais similaires.

58Les sociétés instrumentales encouragent la copie de partitions car cette activité oblige leurs membres à lire et étudier leur partie. Cette opération peut, cela dit, s’accompagner de quelques désagréments. L’élève ou le membre actif insuffisamment exercé commet de nombreuses fautes contraignant le directeur de musique à une correction fastidieuse. Le carton se couvre alors de ratures et de « barbouillages » qui rendent la lecture pénible pour celui qui en a fait la copie, voire impossible pour un instrumentiste qui aurait changé de partition112. La copie des morceaux de musique pénalise également l’activité des éditeurs de musique à un point tel que la Chambre syndicale du commerce de la musique intervient, en 1901, pour en limiter la production. Des établissements scolaires et des sociétés musicales effectueraient en grand nombre des copies manuscrites ou autographiées d’œuvres musicales soumises aux droits d’auteur. La Chambre syndicale du commerce de la musique charge aussi le Bureau des Éditeurs de réprimer toutes infractions ainsi faites à la loi du 19 juillet 1793. Des saisies de partitions factices sont alors opérées dans de grands établissements scolaires, tandis que les chefs d’établissements incriminés paient des sommes comprises entre deux milles cinq cents et huit mille francs afin d’échapper à des poursuites judiciaires113.

59Nous savons que les musiques militaires disposent d’un parc instrumental imposant et entretenu leur permettant d’aborder le répertoire pour harmonie et fanfare avec assurance. Les œuvres présentant des difficultés musicales sont donc régulièrement inscrites au programme de leurs concerts. La situation des sociétés instrumentales civiles s’avère plus délicate. Au côté de formations imposantes et largement subventionnées par les autorités locales cohabitent des sociétés musicales dont les ressources instrumentales modestes ne leur autorisent pas l’accès aux compositions nécessitant un effectif instrumental important et diversifié. Quel que soit leur nombre d’instruments, les sociétés de musique civiles sont toutes, en revanche, confrontées à la réfection et au renouvellement de leur équipement. Ce phénomène représente une charge financière assez lourde et s’amplifie encore davantage dans les zones rurales.

La réalité locale

Un parc instrumental inégal

Les sociétés instrumentales favorisées

60Bien qu’il ait été difficile de dénombrer et de qualifier précisément les instruments des principales sociétés urbaines en raison d’archives éparses et incomplètes, ces sociétés semblent disposer d’un dispositif instrumental conséquent. La situation géographique et économique d’une commune influe sur la configuration instrumentale des sociétés de musique. Plus une commune est étendue et démographiquement dense, plus ses harmonies et fanfares accueillent un nombre et une variété d’instruments élevée. Les grands centres urbains de Maine-et-Loire disposent ainsi de revenus généreux qui leur permettent de subvenir correctement aux dépenses instrumentales de leurs sociétés et d’entretenir régulièrement les instruments. De manière générale, elles s’entourent d’une structure instrumentale qui ne comprend que les principaux instruments préconisés dans les recommandations officielles et les partitions114.

61L’observation des registres et des comptes financiers des sociétés instrumentales d’Angers, Cholet et Saumur les plus représentatives a permis d’établir des listes récapitulatives des instruments. L’Harmonie angevine dresse, entre 1885 et 1894, des inventaires instrumentaux qui attestent un instrumentarium munificent (cf. tableau page suivante).

62Le nombre et la diversité de ses instruments ne cessent de croître tout au long de son existence. Au fur et à mesure des années, la société se dote d’un parc instrumental à la hauteur de sa réputation. Outre les instruments à anche et les saxhorns habituels, les instruments à percussion (caisse claire, cymbales) et les flûtes sont représentés. L’Harmonie angevine s’entoure même d’un hélicon115, renforçant ainsi efficacement ses basses. Elle agrémente également son parc instrumental d’un carillon en 1890, d’une trompette en 1893, et s’entoure occasionnellement des services d’une contrebasse à cordes.

Image

Nombre d’instruments possédés par l’Harmonie angevine entre 1885 et 1894116.

63La Musique municipale de Saumur adopte une orientation instrumentale à peu près comparable à celle de l’Harmonie angevine.

Instrument

Liste de musiciens s’étant engagés à faire partie de l’harmonie en 1872

Inventaire de février 1882

Inventaire de janvier 1898

Petite flûte

Grandes flûtes

3

1

Hautbois

1

1

Basson

2 (non utilisés)

1 (inutilisé)

Petite clarinette

1

Clarinettes si b

7 (dont 3 inutilisées)

7

8 (dont une hors d’usage)

Clarinette mi b

1

1

Saxophone soprano

1

1

Saxophones altos mi b

2

1

Saxophones ténors si b

2

2

Saxophone baryton mi b

1

1

Trompettes

2 (inutilisées)

Cornets à pistons

8

2

Petit bugle mi b

1

Bugles si b

1

2

2

Bugle mi b

1 (hors d’usage)

Altos mi b

5

2

3

Baryton si b

5

1

3

Trombones à coulisse

4

2

6 (dont 2 inutilisés)

Basses si b

5

3

4 (dont une inutilisée)

Contrebasses mi b

2

4 (dont 2 inutilisées)

Contrebasse si b

1

2

Contrebasse à cordes

1

2

Ophicléides si b

3 (dont 2 inutilisés)

Ophicléide mi b

1 (inutilisé)

Caisse roulante

1 (inutilisée)

Caisse claire

1

Tambour

1

Grosse caisse

1

1

Paire de cymbales

1

1

Triangle

1

1

Castagnettes, coucou

Non précisé

Total

46 (dont 8 inutilisés)

35

45 (dont 11 inutilisés)

Nombre d’instruments possédés par la Musique municipale de Saumur en 1872, 1882 et 1898117.

64Sa constitution instrumentale diffère néanmoins de sa consœur par trois aspects. D’une part, sa formation initiale relève plutôt d’une importante fanfare, les cuivres occupant une place prépondérante. La société privilégie, d’autre part, les cuivres graves aux dépens des bois aigus et du basson. La Musique municipale de Saumur possède, enfin, un ensemble de percussions assez fourni. Pour atténuer le déséquilibre sonore résultant de ces situations, la société musicale envisage, dans les années 1900, une réorganisation instrumentale qui intègre davantage de bois. Le nombre de clarinettes augmente tandis que s’insèrent une petite flûte et une petite clarinette.

Instrument

Nombre de musiciens

1res parties

2es parties

Élèves

Petite flûte

1

1

Grandes flûtes

2

1

1

Hautbois

1

1

Petite clarinette

1

1

Grandes clarinettes

12

5

3

4

Saxophone soprano

1

1

Saxophones altos

2

1

1

Saxophones ténors

2

1

1

Saxophone baryton

1

1

Cornets à pistons

8

3

3

2

Bugles

6

2

2

2

Altos ou cors

5

1

3

1

Barytons

3

1

2

Trombones à coulisse

4

1

2

1

Basses

6

2

2

Contrebasses

4

4

Batterie

3

3

Total

62

23

27

12

Projet de composition instrumentale de la Musique municipale de Saumur118.

65L’Harmonie choletaise soignerait son parc instrumental en raison des sommes importantes qu’elle consacre à l’achat et la réparation d’instruments. De plus, les commentaires élogieux dont jouit la société dans la presse locale confirmeraient la qualité de sa formation. La société de musique envisage, entre autres, en juin 1897 l’acquisition d’une clarinette, d’un saxophone, d’un piston, d’un bugle, d’un baryton, d’un trombone et d’une basse.

Des situations plus contrastées

66Même si, en règle générale, les sociétés ne manquent pas d’instruments, certaines d’entre elles rencontrent des difficultés ponctuelles. Faute d’instruments ou de musiciens en nombre suffisant, des sociétés reconsidèrent leurs ambitions musicales.

67Au cours de l’année 1894, l’Harmonie de la Doutre devient une fanfare. Souhaitant une dissolution définitive de la société, certains conseillers municipaux s’opposent, en vain, au versement de la subvention annuelle nécessaire à son fonctionnement et ses achats d’instrument119. Dix mois plus tôt, cette société avait déjà obtenu difficilement une subvention pour prendre part au concours de La Rochelle. En 1903, la municipalité angevine projette de fusionner ses sociétés instrumentales subventionnées en une harmonie et une fanfare. Plusieurs conseillers contestent vivement l’entreprise. L’un d’entre eux considère que les diverses fanfares et musiques de la ville rendent, depuis de nombreuses années, aux habitants de leurs quartiers respectifs de réels services. De plus, certaines sociétés instrumentales ont remporté, en France et à l’étranger, de brillants succès qui font « honneur à toute la Ville ». Aussi, se refuse-t-il à « trancher ex abrupto » une aussi grave question et exhorte-t-il le maintien des crédits affectés jusque-là aux « excellentes fanfares et musiques ». Un autre révèle que les partisans de cette fusion auraient reconnu que ce projet n’apporterait à la musique municipale que des améliorations insignifiantes, celle-ci manquant de bois. Les fanfares, n’intégrant dans leur rang aucun de ces « instrumentistes si difficiles à trouver », ne peuvent pas, en effet, contribuer à l’enrichissement instrumental de l’harmonie120.

68Les politiques instrumentales des sociétés sont ainsi soumises aux aléas humains, politiques et matériels des localités qui les accueillent, et s’accompagnent de disparités. En 1909, la société Angers-Fanfare, naguère florissante, ne possède plus que six membres121. Ne pouvant plus exécuter convenablement son répertoire habituel, la fanfare déserte, dans un premier temps, les fêtes locales, malgré les remontrances de la municipalité, puis met un terme définitif à ses activités, l’année suivante. Au même moment, la fanfare La Concorde, récemment créée, témoigne d’une vitalité exceptionnelle. Forte d’une trentaine d’exécutants auxquels s’ajoute une quinzaine d’élèves suivant régulièrement les cours de solfège, la société reçoit de l’administration municipale un financement conséquent122 lui permettant d’accroître son parc instrumental.

La gestion des instruments

Le coût

69L’acquisition d’instruments représente, pour les sociétés, un investissement appréciable qui n’entrave pas pour autant leur développement. Les sociétés adoptent une politique instrumentale propre déterminée par les moyens financiers qui leur sont octroyés. Des sociétés héritent d’instruments qui ont appartenu à des ensembles dissous, tandis que d’autres acquièrent des instruments d’occasion. Le prix des instruments neufs reste, en effet, assez élevé, malgré leur fabrication en série. Il faut compter en moyenne soixante-dix à cent francs pour un piston, une basse, un alto ou un trombone, cent vingt francs pour une contrebasse à vent ou un bugle, et deux cents francs pour une clarinette ou un saxophone. Les instruments d’occasion sont, en revanche, plus abordables dans la mesure où ils peuvent perdent 50 à 80 % de leur valeur initiale.

Image

Coût des instruments neufs acquis par la Musique municipale d’Angers entre 1887 et 1895.

70Des sociétés instrumentales instaurent également une concurrence entre les fournisseurs afin de faire baisser le prix des instruments. Au mois de décembre 1885, l’Harmonie angevine envisage l’achat de nouveaux saxophones chez un luthier angevin choisi pour ses tarifs attractifs. La société se montre particulièrement exigeante sur les prix proposés et les délais de livraison123.

71Pour éviter les dépenses superflues, les harmonies gèrent rigoureusement leur investissement instrumental. Un musicien de l’Harmonie angevine se plaint, en avril 1893, d’utiliser son propre cornet à pistons depuis quinze ans alors que des sociétaires utilisent un instrument prêté par la municipalité. Le président accepte alors de débloquer une somme de cent francs pour l’achat d’un nouveau piston à condition que l’instrument ne soit utilisé seulement pendant les services de la ville124. Les chefs de musique s’autorisent aussi une certaine souplesse dans l’attribution des instruments aux musiciens. Le recrutement d’instrumentistes sachant pratiquer plusieurs instruments facilite notamment la gestion. En 1890, le chef de musique Martel propose à un musicien la partie de bugle alors qu’il réalisait auparavant celle de premier cornet à pistons125.

L’entretien

72Les sociétés instrumentales font régulièrement réparer leurs instruments défectueux ou acquièrent de nouveaux instruments si ces derniers s’avèrent hors d’usage. En 1903, Louis Boyer réunit la commission pour décider de l’achat d’une nouvelle petite flûte, car son mauvais état empêche le musicien de réaliser correctement les traits délicats. Il est alors décidé de commander immédiatement l’instrument, l’harmonie devant prochainement participer à un concours à Saumur126.

73Aussi, les sociétés de musique sollicitent-elles fréquemment le soutien financier des municipalités. Cette aide se présente, le plus souvent, sous deux formes. La première, régulière, consiste en une subvention versée annuellement par la municipalité, tandis que la seconde couvre un achat exceptionnel d’instruments. Lors de l’assemblée générale du 18 janvier 1889127, le président de l’Harmonie angevine, Cointreau, constate, après trois années d’existence, les progrès réalisés et l’amélioration des conditions matérielles de la société instrumentale. Sensible à l’esprit de discipline et à la solidarité qui unissent les membres de la société, l’administration municipale concède à l’ensemble instrumental, durant trois années consécutives, les fonctions de musique municipale. Dès lors, la municipalité s’engage à verser régulièrement des rétributions conséquentes et facilite ainsi les investissements instrumentaux. À ces versements institués, s’ajoutent des subventions ponctuelles pour les sociétés instrumentales confrontées à des dépenses imprévues. C’est le cas de l’Harmonie choletaise qui a besoin, en 1897, de sept cent soixante-dix francs pour remplacer des instruments défectueux. Le conseil municipal impose néanmoins une répartition de la somme sur trois années en raison de son montant élevé128.

74Enfin, l’apparition de nouvelles familles instrumentales contraint les luthiers à s’interroger sur l’accord des instruments à vent. Nombreux sont les auditeurs et les jurys de concours à déplorer, en effet, le manque de justesse des sociétés instrumentales.

« Il n’y a pas pire défaut dans un ensemble que le manque de justesse. Non seulement l’oreille est désagréablement impressionnée, mais encore l’assurance des exécutants est compromise. Indécis, abusés par les sons discordants qu’ils entendent, ils croient presque toujours s’être égarés et s’arrêtent subitement129. »

75Outre les raisons liées à la facture de certains instruments, les sociétés de musique négligeraient cet aspect ou abriteraient des instruments défectueux et donc mal accordés. Autant les auditeurs peuvent-ils se montrer indulgent à l’égard d’une société manquant de précision ou d’allant, autant condamnent-ils avec sévérité un défaut de justesse. Le public choletais félicite, en 1887, la Fanfare de Cholet pour les progrès qu’elle a accomplis dans la justesse de ses instrumentistes. Le boléro final, Andalou, permet aux spectateurs d’apprécier les « qualités de justesse acquises par un travail sérieux » de la société130.

76Rappelons que la justesse d’une société instrumentale est conditionnée par le diapason qui connaît de nombreuses évolutions au cours des siècles. Assez bas pendant les périodes baroque et classique, il est élevé au début du XIXe siècle avant d’être fixé définitivement à 433 hertz en 1858. Malgré cette décision, des sociétés conservent encore, sous la Troisième République, des instruments accordés avec l’ancien diapason. Parmi les huit clarinettes que possède l’Harmonie angevine à ses débuts, une seule est accordée au nouveau diapason. La petite flûte connaît le même problème. L’achat d’un nouvel instrument accordé au diapason officiel s’impose aussi dès 1886.

Notes de bas de page

1 Soullier Charles, « Association », op. cit., p. 12.

2 Brenet Michel, « Société musicale », Dictionnaire pratique et historique de la musique, Paris, Librairie Armand Colin, 1926, p. 408.

3 Fauquet Joël Marie, « Association », op. cit., p. 64.

4 Soullier Charles, « Musique militaire », op. cit., p. 73.

5 Brenet Michel, « Musique militaire », op. cit., p. 283.

6 Élaboré d’après les sources des Archives départementales de Maine-et-Loire, 40 M 1.

7 Certaines sociétés instrumentales emploient également l’expression « concorde » dont le sens est identique à « union ».

8 Le Journal de Maine-et-Loire, 25 juillet 1876.

9 L’Écho saumurois, 20 mars 1884.

10 L’Écho saumurois, 30 mai 1884.

11 Le Journal de Maine-et-Loire, 8 juillet 1876.

12 L’Intérêt public, 30 avril 1882.

13 Le Journal de Maine-et-Loire, 28 juin 1895 ; 5 juillet 1899.

14 Les estudiantinas sont des orchestres à plectres, composés de mandolines ou de guitares, dont l’initiative relèverait des sociétés instrumentales du début du XXe siècle.

15 Le Journal de Maine-et-Loire, 20 juin 1908.

16 Le Journal de Maine-et-Loire, 1er juin 1908.

17 L’Intérêt public, 10 juin 1906.

18 L’Intérêt public, 3 juin 1906.

19 L’Intérêt public, 3 octobre 1909.

20 La Petite Loire, 25 juin 1908.

21 L’Intérêt public, 20 juin 1886.

22 L’Intérêt public, 8 octobre 1899.

23 Archives municipales de Cholet, 2 R 48, règlement de la Société philharmonique de Cholet.

24 La Petite Loire, 12 novembre 1907.

25 Archives départementales de Maine-et-Loire, 40 M 24 et 40 M 29.

26 Cholet se dote également, en 1899, d’une Société philharmonique dirigée par le directeur de l’Orphéon Sainte-Cécile. Les deux sociétés musicales donnent fréquemment des concerts ensemble.

27 Gevaert François-Auguste, Cours méthodique d’orchestration, Paris, Lemoine, 1890, p. 288.

28 La batterie-fanfare est une formation instrumentale composée de cuivres « naturels » (sans pistons) renforcés de tubas auxquels s’adjoignent de nombreux instruments à percussion.

29 Parès Gabriel, Traité d’instrumentation et d’orchestration à l’usage des Musiques militaires, d’Harmonie et de Fanfare, Paris/Bruxelles, Henry Lemoine et Cie, 1898, p. 2.

30 Seuls quatre instruments, la grande flûte, le hautbois, le basson et le trombone interprètent exactement la musique écrite d’après le diapason. Ce nombre s’élève à cinq dès lors que l’harmonie adopte une contrebasse à cordes.

31 Clodomir P., op. cit., p. 2.

32 Parès Gabriel, op. cit., p. 7.

33 Ibid., p. 6 et 7.

34 Ibid., p. 8.

35 Clodomir P., op. cit., p. 64.

36 Parès Gabriel, op. cit., p. 8.

37 Clodomir P., op. cit., p. 68.

38 Brenet Michel, op. cit., p. 75.

39 Lavoix Henri Marie fils, Histoire de l’instrumentation depuis le seizième siècle jusqu’à nos jours, Paris, Firmin-Didot, 1878, p. 145 et 146.

40 PARÈS Gabriel, op. cit., p. 162-182.

41 Ibid., p. 107 et 108.

42 Inventé par le chef de musique du 32e régiment de ligne, Sarrus et construit par le facteur parisien, Gautrot, en 1863, cet instrument existe en plusieurs modèles allant du sarrusophone soprano au sarrusophone contrebasse. Seul le sarrusophone contrebasse en mi b est employé dans l’harmonie. Davantage maniable et meilleur du point de vue de la justesse, il remplace aisément le saxophone contrebasse.

43 L’Intérêt public, 3 avril 1892.

44 Lavoix Henri Marie fils, op. cit., p. 149.

45 Gevaert François-Auguste, op. cit., p. 297.

46 L’Intérêt public, 5 juin 1881.

47 Parès Gabriel, op. cit., p. 5.

48 Gevaert François-Auguste, op. cit.

49 Widor Charles-Marie, Technique de l’Orchestre moderne faisant suite au Traité d’Instrumentation et d’Orchestration de H. Berlioz, Paris, 1904.

50 Rimski-Korsakov Nikolaï Andreïevitch, Principes d’orchestration, Berlin/New York/Londres, 1905.

51 Forsyth Cecil, Orchestration, Londres, Macmillan, 1914.

52 Ithier Jean-Louis, Traité d’instrumentation et d’orchestration symphoniques, Paris, E. Gallet, 1908.

53 Guiraud Ernest, Traité pratique d’instrumentation, Paris, Durand et Schoenewerk, 1909.

54 Ibid., avant-propos.

55 Lavoix Henri Marie fils, op. cit.

56 Lavignac Albert, La Musique et les Musiciens, Paris, Librairie Ch. Delagrave, 2e éd. revue et corrigée, 1896.

57 Rambosson Jean, Histoire des instruments de musique, Paris, Firmin-Didot, 1897.

58 Van de Velde Ernest, op. cit., p. 14 et 15.

59 Ibid.

60 La Petite Loire, 29 janvier 1901.

61 G. Meyerbeer emploie le cornet à pistons dans des parties de ses œuvres, elles-mêmes couramment arrangées pour orchestre d’harmonie ou fanfare, tels Les Huguenots (Ballet des Bohémiens), L’Africaine (Marche indienne), Le Prophète (Marche du Sacre). G. Bizet le fait entendre dans le Prélude de Carmen.

62 Clodomir P., op. cit., p. 140.

63 Sans pour autant contester les reproches faits à l’instrument, Parès estime que ces considérations sont un peu sévères et revendique à une juste réhabilitation. S’il est vrai qu’un amateur peut, en quelques semaines, monter une ou deux gammes et interpréter « telle mélodie populaire qu’il lui plaît », la maîtrise du cornet à pistons, comme pour tous les instruments, nécessite de longues années d’étude, des dispositions naturelles et un tempérament d’artiste. PARÈS Gabriel, op. cit., p. 73-76.

64 Lavignac Albert, op. cit., p. 140.

65 L’Intérêt public, 17 mai 1896.

66 L’Intérêt public, 19 juillet 1896.

67 Le Journal de Maine-et-Loire, 24 août 1912.

68 Gevaert François-Auguste, op. cit., p. 172 ; PARÈS Gabriel, op. cit., p. 41-55.

69 La Petite Loire, 6 mars 1890.

70 La Petite Loire, 3 mai 1898.

71 Parès Gabriel, op. cit., p. 56.

72 Parès Gabriel, op. cit., p. 4-6.

73 Gevaert François-Auguste, op. cit., p. 288.

74 Ibid., p. 298.

75 Gevaert François-Auguste, op. cit., p. 288 et 256. Les orchestres militaires influencent également les formations symphoniques et dramatiques. Des compositeurs de musique savante utilisent, dans certaines de leurs œuvres, des instruments habituellement réservés aux orchestres à vent. L’opéra du XIXe siècle fait entendre assez souvent, et concurremment avec l’orchestre, une petite fanfare ou harmonie sur la scène. Ce procédé, proposé pour la première fois en 1807 par Gaspare Spontini dans sa Vestale, est abondamment exploité par Giacomo Meyerbeer, soucieux d’effets sonores et visuels spectaculaires, dans Robert-le-Diable, Les Huguenots, Le Prophète ou encore L’Africaine. Richard Wagner enrichit, quant à lui, son grand orchestre dramatique de nombreux cuivres, certains appartenant à l’univers des harmonies et des fanfares. Le colossal orchestre de la tétralogie des Nibelugen s’annexe toute une famille de cuivres, les Tuben, dont le timbre d’un éclat assombri équivaut à celui des saxhorns ou des bugles à pistons. La famille des trompettes et des trombones s’accroît considérablement et comprend pas moins de huit individus. Les trompettes s’adjoignent une trompette basse qui n’est qu’une sorte de trombone ténor à pistons, tandis que les trombones graves s’unissent à un trombone contrebasse. Le compositeur dispose alors d’une masse résonnante impressionnante dont la sonorité métallique traduit les situations et les caractères de ses drames épiques.

76 Parès Gabriel, op. cit., p. 9-13.

77 Clodomir P., op. cit., p. 99 et 100.

78 Gevaert François-Auguste, op. cit., p. 296 et 305.

79 Radiguer Henri, op. cit., p. 3714, 3723 et 3724, 3728.

80 L’Intérêt public, 19 février 1882.

81 Le Journal de Maine-et-Loire, 22 juin 1901.

82 Le Journal de Maine-et-Loire, 30 juin et 1er juillet 1906.

83 Registre de la Musique municipale d’Angers (vol. 1), 20 décembre 1889, p. 177.

84 Lavignac Albert, op. cit., p. 211 et 212.

85 Le Journal de Maine-et-Loire, 13 février 1890.

86 La Petite Loire, 28 février 1905.

87 Clodomir P., op. cit., p. 81.

88 Parès Gabriel, op. cit., p. 19.

89 Gevaert François-Auguste, op. cit., p. 288-305.

90 Ibid., « Avant-propos », p. I.

91 Lavoix Henri Marie fils, op. cit., p. 147.

92 Brenet Michel, op. cit., p. 92 et 93.

93 Gumplowicz Philippe, op. cit., p. 72.

94 Lavignac Albert, op. cit., p. 548-550.

95 Musée des Instruments de musique (Bruxelles), Guide du visiteur, Pierre Mardaga, Liège, s. d., p. 127-129 et 131 et 132 ; voir aussi Haine Malou, Facteurs d’instruments de musique à Paris au XIXe siècle. Des artisans face à l’industrialisation, Bruxelles, Éditions de l’université de Bruxelles, 1985.

96 Adolphe Sax constate, en 1845, que la direction uniforme des pavillons apporte une plus grande vigueur aux musiques militaires, et que l’emploi de fanfares dans la cavalerie impose l’usage d’instruments plus portatifs. Il invente donc le saxotromba, participant du bugle et de la trompette, dont seule la forme du pavillon le diffère du saxhorn.

97 Ce « monstre », dont la puissance et le gigantisme l’apparentent au trombontonnar, a été utilisé pour la première fois dans l’opéra d’Halevy, Le Juif errant, en 1854. Mais, c’est surtout au cours d’une fête militaire que les Parisiens en font la connaissance. À l’occasion d’une remise d’aigles et de drapeaux aux colonels de l’armée française par Napoléon III, une véritable armada de mille cinq cents musiciens, issus de trente régiments, est rassemblée sur le Champ-de-Mars. Les responsables musicaux réunissent en particulier douze de ces instruments accompagnés de leur inventeur pour les diriger. En voyant arriver ces « monstruosités », vite noyées au milieu d’un océan de cuivres, le public aurait éclaté de rire. Mais leur hilarité aurait cessé au moment où l’immense orchestre s’est mis à jouer. Le volume sonore des trombones et ophicléides, pourtant en nombre important, aurait été dépassé par celui des douze saxtubas qui dominent alors tout l’orchestre, même dans les passages les plus forts.

98 Haine Malou, Adolphe Sax. Sa vie, son œuvre et ses instruments de musique, Bruxelles, Éditions de l’université de Bruxelles, 1980, p. 61.

99 Radiguer Henri, op. cit., p. 3732-3745.

100 Archives municipales de Cholet, 2 R 48, lettre du directeur de l’Harmonie choletaise adressée au maire et conseillers municipaux de Cholet, 12 juin 1897.

101 Délibérations du conseil municipal de Saumur, 21 mai 1880.

102 Archives privées de la Musique municipale de Saumur, 28 avril 1913-4 mars 1915.

103 Voir Devries-Lesure Annick, « Le commerce de l’édition musicale française au XIXe siècle. Les chiffres du déclin », Revue de Musicologie, t. 79, no 2, Société française de musicologie, 1993, p. 263-296.

104 Registre de la Musique municipale d’Angers, vol. 2, 27 décembre 1910, p. 265.

105 Clodomir P., op. cit., p. 83.

106 Ibid., p. 95.

107 Ibid., p. 96.

108 Ibid., p. 97.

109 Registre de la Musique municipale d’Angers, volume 1, 29 décembre 1893, p. 304.

110 Ibid., vol. 1, 27 janvier 1896, p. 348 ; vol. 2, 5 octobre 1904, p. 117.

111 Ibid., vol. 1, 11 décembre 1885, p. 19.

112 Clodomir P., op. cit., p. 97 et 98.

113 Le Journal de Maine-et-Loire, 28 septembre 1901.

114 Annexes, « Répartition des sociétés de Maine-et-Loire par catégories instrumentales », p. 310.

115 D’allure spectaculaire, l’hélicon est un instrument de musique à vent appartenant à la famille des tubas. Très prisé aux États-Unis, il occupe le registre le plus grave de cette famille.

116 Registre de la Musique municipale d’Angers, vol. 1, p. 20, 41, 144, 248, à partir de 325.

117 Archives municipales de Saumur, R 15, Fondation de la Musique municipale de Saumur, 11 juin 1872 ; Musique municipale de Saumur, activités 1898-1948.

118 Archives municipales de Saumur, R 15, Musique municipale de Saumur, activités 1898-1948.

119 Délibérations du conseil municipal d’Angers, 29 décembre 1894.

120 Délibérations du conseil municipal d’Angers, 2 décembre 1903.

121 Délibérations du conseil municipal d’Angers, 17 décembre 1909.

122 Délibérations du conseil municipal d’Angers, 6 décembre 1910.

123 Registre de la Musique municipale d’Angers, vol. 1, 22 décembre 1885, p. 24.

124 Registre de la Musique municipale d’Angers, vol. 1, 26 avril 1893, p. 284.

125 Registre de la Musique municipale d’Angers, vol. 1, 16 avril 1890, p. 191.

126 Registre de la Musique municipale d’Angers, vol. 2, 20 mai 1883, p. 79.

127 Registre de la Musique municipale d’Angers, vol. 1, 18 janvier 1889, p. 139.

128 Archives municipales de Cholet, 2 R 48, correspondance du chef de musique de l’Harmonie angevine adressée au maire de Cholet, 12 juin 1897.

129 Clodomir P., op. cit., p. 42.

130 L’Intérêt public, 23 janvier 1887.

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