Chapitre V. Divertir
p. 165-199
Texte intégral
1En offrant à la population des distractions musicales planifiées et élaborées, les sociétés poursuivent un but récréatif. Elles participent à différentes catégories de réjouissances selon des modalités définies dans leur règlement. Ces interventions, tels les concerts ou les festivals de musique, relèvent d’activités musicales propres, tandis que d’autres s’intègrent à des manifestations pluridisciplinaires, comme les épreuves sportives ou les fêtes carnavalesques. Les cérémonies organisées en l’honneur de l’alliance franco-russe à partir des années 1893 et les concours musicaux cultivent d’indubitables aspirations politiques et instructives. Le divertissement musical répond, sous la Troisième République, à une nécessité sociale et use d’espaces spécifiques. Les sociétés se font entendre dans un plein air soigneusement mis en scène, tandis que le kiosque à musique se révèle un lieu et un mobilier représentatifs de la sociabilité orphéonique.
« Le kiosque est conçu et fonctionne comme un espace récréatif […]. Aller au kiosque, écouter la musique, est au sens large une distraction populaire qui se prend souvent en famille […]. C’est d’abord faire une promenade, s’aérer. C’est venir passer un moment de détente en s’évadant du réel, des soucis quotidiens. C’est échanger avec les relations quelques banalités ou avec les amis quelques confidences1. »
2La croissance urbaine et les mouvements démographiques qui en résultent entraînent la formation puis la généralisation de nouveaux modes d’existence. Parmi les problématiques urbaines auxquelles se confrontent les dirigeants de la Troisième République, celle du loisir sollicite plus particulièrement leur attention. L’installation de migrants ruraux en ville, même temporaire, s’accompagne d’une modification des comportements qui nécessitent des dispositifs récréatifs. Les divertissements, qui jusque-là s’adressent aux seules élites intellectuelles et économiques, s’ouvrent aux milieux populaires et imposent une culture urbaine au plus grand nombre2. L’essor des sociétés instrumentales participe à l’avènement des loisirs dans la société française de la seconde moitié du XIXe siècle. Le réaménagement du travail, lié à la révolution industrielle, génère, une nouvelle distribution des temps sociaux. Au temps « pénétré d’imprévu, ouvert à la spontanéité, soumis à l’interruption fortuite ou récréative » du paysan, de l’artisan, ou encore de l’ouvrier, succède un temps « calculé, prévu, ordonné, précipité de l’efficacité et de la productivité ». Animés par un souci de contrôle et de moralisation, des intellectuels définissent en France les modalités de l’utilisation du temps libre. Ils établissent, en particulier, une distinction entre des « pratiques de loisir jugées enrichissantes, qui relèvent de la sphère amateurisme, et des distractions considérées comme peu respectables, appauvrissantes ou trop ancrées dans le professionnalisme3 ». L’action des sociétés s’inscrit dans la perspective d’un loisir assujetti à une finalité morale et collective.
3Les villes de Maine-et-Loire accueillent un nombre incroyablement élevé de fêtes et de divertissements variés nécessitant des structures organisationnelles spécifiques. Le succès de la cavalcade historique du 21 juin 1896 et le désir de la population d’assister à d’autres fêtes de ce type encouragent une quarantaine de Choletais à créer, en avril 1905, un Comité permanent des fêtes qui s’entoure du bienveillant soutien des principales sociétés de la ville, dont l’Harmonie choletaise, l’Orphéon Sainte-Cécile et la Société philharmonique. Ce comité soutient activement, à l’aide de cotisations, de subventions et de dons divers, des concours de musique et de gymnastique, des fêtes carnavalesques, cavalcades et autres kermesses, des fêtes des fleurs ou de nuit, en un mot toutes réjouissances publiques propres à favoriser le commerce et le dynamisme de la ville4. La population, friande de distractions, multiplie les fêtes. Il y a celle des Fleurs, la Grande Cavalcade et son cortège de chars fleuris traversant les rues de la ville au son de la Musique du 6e régiment du génie, ou encore le carnaval de la Mi-Carême. Angers accueille également, à partir de 1853, des expositions agricoles, industrielles, artistiques et commerciales où les sociétés militaires et civiles de la ville ne manquent pas de se produire. La population angevine peut aussi entendre les sociétés de musique de quartier en visitant les nombreuses foires organisées tout au long de l’année dans la ville. L’Exposition de 1906 intéresse particulièrement les Angevins qui, dans les jours suivant l’inauguration officielle, se pressent pour découvrir les quelque deux mille exposants et écouter les concerts de musique donnés par la Musique du 6e régiment du génie et la Musique municipale d’Angers5.
« À partir de la porte d’honneur, près du Mail, se succédaient le Palais des Beaux-Arts, ceux des machines, de l’agriculture, de l’enseignement, de la mutualité, de l’hygiène, de l’alimentation, de la publicité. Au long du Mail, outre le café-glacier, on trouvait un casino et un petit kiosque à musique […]. Il y eut des concours variés, des expositions horticoles, canines, coloniales, des fêtes aérostatiques et enfantines, un festival permanent de musiques et d’orphéons6. »
4Angers abrite enfin de nombreuses sociétés sportives qui, outre des cours, organisent des concours et des championnats, encourageant la jeunesse à pratiquer les sports athlétiques, le football, la natation, l’escrime, le tir ou encore le cyclisme. Certaines d’entre elles possèdent même leur propre musique. Les sociétés instrumentales angevines sont ainsi invitées à se faire entendre durant la 35e Fête fédérale des Sociétés de gymnastique de France qui se déroule à Angers du 29 et 31 mai 1909. Près de cinquante sociétés et cinq cents participants, venus de l’Europe entière, s’y retrouvent et se livrent à des exercices de gymnastique, de boxe, de bâton et d’escrime, accompagnés par les sociétés instrumentales de la ville. Ces quelques exemples montrent bien que les sociétés ne manquent pas d’occasions festives pour se produire et divertir la population.
Une implication récréative
Des témoignages significatifs
5De nombreux journalistes insistent sur la dimension divertissante des sociétés instrumentales de Maine-et-Loire. L’un félicite, en septembre 1906, la Musique municipale de Saumur pour les généreux efforts qu’elle sait déployer lorsqu’il s’agit de plaire et divertir la population7. Un autre évoque les qualités apaisantes et éducatives des concerts printaniers que les sociétés saumuroises offrent à un public fatigué par les labeurs de la journée.
« Le mois de mai n’est pas seulement le mois des fleurs, des amours, il nous ramène aussi les concerts en plein air, dans les squares. Avec l’hiver s’en sont allées les charmantes causeries du soir au coin du feu. Il faut cependant un adoucissant à la tension continuelle de l’esprit, un émollient aux fatigues du travail manuel. Quoi de plus efficace que la musique, cet art céleste pour vous prédisposer aux douces impressions ! Aussi le public est-il reconnaissant envers la Musique municipale, l’Harmonie saumuroise et la Musique des Écoles communales qui viennent tour à tour l’initier aux chefs-d’œuvre des maîtres et le charmer par l’audition de quelques brillantes fantaisies empruntées aux productions enchanteresses de nos compositeurs les plus populaires8. »
6Un dernier, enfin, se réjouit de voir de jeunes gens réceptifs au délassement et au goût du beau dispensés par la Fanfare de Cholet pendant la soirée musicale du 11 janvier 18919.
7Aussi, lorsque les fêtes se font-elles plus rares ou insuffisantes, les journaux locaux réclament avec vigueur aux autorités municipales l’intervention des sociétés civiles ou militaires10. Le quotidien La Petite Loire se montre particulièrement insistant en 1893. Il commence par demander, en mars, la création d’un orphéon dont la présidence et la direction seraient confiées aux représentants de l’Harmonie saumuroise. Cette société vocale contribuerait au prestige de la cité et fidéliserait les Saumurois d’adoption11. Puis le journal s’étonne, en septembre, de voir le kiosque déserté par les musiques de la ville. Il aimerait alors voir la Musique municipale et l’Harmonie saumuroise s’y « sacrifier » encore à tour de rôle, pendant deux ou trois soirées, avant la clôture des concerts en plein air12. De semblables requêtes sont adressées au maire de Saumur à partir de 1898. La présence régulière des sociétés instrumentales de la ville dans le jardin des Plantes et d’autres espaces publics rentabiliserait la coûteuse et récente rénovation du lieu en attirant davantage de promeneurs.
« Nos compatriotes verraient avec plaisir nos musiques donner chacune à son tour des concerts, non seulement sur la place de la République, mais aussi dans notre superbe Jardin des Plantes […]. Il serait vraiment fâcheux que la Ville ait dépensé une trentaine de mille francs dans notre Jardin des Plantes pour ne le voir fréquenté et animé que le jour de la fête des Récollets. Nous avons trois musiques à Saumur ; il serait bien naturel que pendant la belle saison chacune d’elle donnât un concert tantôt au Kiosque du Théâtre, tantôt au Jardin des Plantes. De cette façon, satisfaction serait donnée successivement à tous les quartiers13. »
8L’investissement récréatif des sociétés citadines se révèle, au travers de ces exemples, indéniable. Peu d’entre elles inscrivent cependant leur intention divertissante dans leurs statuts. Toutes adoptent des propos évasifs, craignant peut-être de se voir réduites à un instrument de plaisir. La Fanfare du IVe arrondissement et la Fanfare Angers-Doutre s’engagent à donner des concerts, sans en préciser le contexte, dans leur quartier d’implantation, tandis que la société Angers-Fanfare se contente d’indiquer qu’elle se produira en public. La Fanfare d’Angers réduit même sa mission à une participation aux concours. La plupart des sociétés envisagent finalement de satisfaire et de développer les goûts musicaux de leurs membres et auditeurs, comme la Fanfare Angers-Doutre et l’Avenir choletais.
Les espaces divertissants
Un plein air théâtralisé
9Les sociétés instrumentales se produisent essentiellement dans des espaces de plein air dont la théâtralisation concourt activement à leur succès récréatif. Les témoignages journalistiques permettent de déterminer trois modes de mise en scène ludique.
10Le premier concerne directement l’art musical. La musique possède des prédispositions scéniques que se sont appropriées les sociétés. La ville de Saumur envisage, en janvier 1911, l’organisation d’une fête grandiose dont le faste serait magnifié par une mise en scène musicale somptueuse. La musique militaire se ferait alors entendre au côté de chœurs et de formations instrumentales diverses. Le maire sollicite les conseils de l’ancien directeur des théâtres d’Angers et de Saumur en raison de ses triomphes remportés dans de précédents spectacles.
« Évidemment, à l’occasion de la restauration du château et de sa transformation en musée, une fête organisée en plein air sur les pelouses, encadrées par les remparts du vieux monument […], et consistant dans une mise en scène imposante pour l’interprétation d’un opéra, comme Hérodiade, Samson ou Aïda ; une fête musicale comprenant 200 choristes, un corps de ballet exceptionnel et 120 musiciens […], voilà certes une innovation […] qui obtiendrait un succès magnifique. L’élément militaire formerait un grand avantage pour la réussite d’une pareille exécution musicale, où la voix du canon et même celle des cloches de Saint-Nicolas produiraient, avec la masse des chœurs, un ensemble merveilleux et profondément impressionnant14. »
11Les sociétés doivent également leur succès aux éléments décoratifs et environnementaux dont s’entourent la plupart des réjouissances populaires. Un concert nocturne, donné à l’occasion de la fête nationale de 1906 par la Musique municipale de Saumur, exploite l’élément aquatique. Une foule considérable se rassemble sur les quais bordant la Loire pour y entendre la société tout en admirant les illuminations du Théâtre et de la mairie. Plusieurs canots, décorés de lanternes vénitiennes, voguent sur le fleuve, tandis que les maisons de l’île d’Offard toute proche sont pavoisées et illuminées15. De splendides illuminations accompagnent souvent d’exceptionnelles prestations musicales offertes par les sociétés instrumentales. La Société Sainte-Cécile d’Angers organise, en 1874, un festival auquel prennent part six orphéons, sept harmonies et treize fanfares. Une fête de nuit particulièrement somptueuse clôt la festivité. Les sociétés vocales et instrumentales se produisent dans un jardin du Mail magnifiquement illuminé.
« L’illumination du Jardin du Mail était féerique, et produisait […] un effet splendide. Les cordons de lanternes vénitiennes courant le long des arbres et des massifs, les verres aux mille couleurs, l’embrassement de notre magnifique fontaine, les feux de Bengale jetant de tous côtés leurs clartés variées ; au fond, la mairie rayonnante de feux. Tout cela était vraiment fantastique et justifiait parfaitement les ah ! et les oh ! d’admiration que l’enthousiasme arrachait à chaque instant à la foule16. »
12Enfin, des manifestations fonctionnelles usent d’éléments festifs théâtralisés. Les musiques militaires enrichissent les obsèques des officiers d’une mise en scène propre à la pompe martiale. Le suicide supposé du lieutenant-colonel Mollard du 77e régiment d’infanterie, donne lieu à des obsèques imposantes dans la ville de Cholet le 15 avril 1894. Pas moins de six compagnies en arme rendent les honneurs, tandis que la musique régimentaire joue l’incontournable Marche funèbre de F. Chopin agrémentée de sonneries de clairons munis de sourdine, et de batteries de tambours tendus de noir17. Les obsèques du colonel Hogenbill du 135e régiment d’infanterie à Angers en juillet 1884 se déroulent dans des circonstances à peu près identiques. La Musique du 135e accompagne les cortèges funèbres en alternant plusieurs morceaux de musique avec les batteries des tambours, habillés de crêpe noire18.
Le kiosque à musique
13S’il est un mobilier urbain créé et conçu pour les concerts donnés par les sociétés instrumentales en plein air, c’est bien le kiosque à musique. Héritage des pleasure gardens londoniens et des jardins-spectacles innovés sous le Directoire19, l’essor des sociétés instrumentales contribue, sous la Troisième République, à la multiplication des kiosques à musique. La plupart des communes françaises font construire dans leurs jardins ou sur leurs places publiques un kiosque dont elles tirent la plus grande fierté. Instrument de démocratisation musicale, son développement implique de nouvelles formes de sociabilité, fondée sur le mélange des générations et des classes sociales20.
14Trois types d’espaces urbains accueillent les kiosques. On le rencontre le plus souvent sur une place, « lieu de vie, cœur géographique et sentimental de la ville21 ». Il peut s’y dresser au centre ou être rejeté à la périphérie. Le jardin public et le square sont également des endroits très appréciés. L’écrin de verdure, dans lequel le kiosque se fond, en fait un espace d’évasion et le « renvoie à ses origines exotiques lointaines22 ». Il contribue ainsi à l’embellissement du jardin en y devenant un élément de parure. Enfin, Marie-Claire Mussat évoque les espaces de promenade, « lieux traditionnels de déambulation familiale, de détente, à l’ombre des grands arbres23 », où le flâneur rencontre un kiosque au détour d’une allée ou d’une cour arborée. À ces trois catégories, il faut en ajouter une dernière, plus éphémère, qui consiste en un kiosque bâti provisoirement pour un événement particulier. La Musique du 77e et la Fanfare de Cholet se font ainsi entendre alternativement, durant les courses hippiques de juin 1885, sous un kiosque improvisé pour la circonstance sur la place Travot24. L’Harmonie saumuroise est invitée à se produire sous un édifice plutôt original. À l’occasion de la fête du quartier des Ponts en juillet 1899, un kiosque de verdure est dressé sur la place du Roi-René, autour duquel se rassemblent, bien avant l’heure du concert, des « auditeurs avides d’applaudir les braves musiciens de l’Harmonie saumuroise25 ».
15Nos trois villes se dotent toutes d’un ou plusieurs kiosques à musique. Le jardin public semble le lieu d’implantation le plus prisé. L’exemple d’Angers est particulièrement significatif. L’établissement d’un kiosque dans le jardin du Mail, en 1862, relève d’un projet à la fois urbain et architectural. Sa construction, sur les plans de l’architecte Aïvas, s’inscrit dans une perspective imaginée six ans plus tôt pour l’Exposition de l’Industrie de 1858. Son emplacement prolonge une fontaine et un bassin établis en 1856, tandis que sa forme circulaire rappelle celle du bassin.
16Les musiques militaires et civiles de la ville se produisent dès lors sous le kiosque à l’occasion des concerts de plein air estivaux. Après quinze années de bons et loyaux services, l’édifice montre cependant des signes de fatigue. Le conseiller municipal Vignot suggère alors à ses confrères sa réfection et son remplacement par une structure octogonale. L’enjeu est d’autant plus important que la municipalité organise un important concours musical à l’occasion de l’Exposition industrielle, horticole et hippique du mois de mai 1877, qui va rassembler pas moins de trois mille chanteurs et instrumentistes issus de sept départements. Le kiosque sera notamment utilisé par la Musique municipale et la Musique du 77e, qui y donneront des concerts nocturnes, ainsi que par un orchestre symphonique dirigé par Lelong, directeur du théâtre. La ville doit veiller à sa réputation en investissant dans des aménagements publics de qualité.
« Messieurs, depuis plusieurs années la question de reconstruction du kiosque du Mail a été agitée, il a été reconnu que l’on ne pouvait songer désormais à le réparer et qu’il était urgent de le remplacer. M. l’Architecte-Ingénieur a fait deux études comparatives pour rechercher la solution la plus satisfaisante au point de vue de l’aspect et de la commodité des musiciens. L’Administration croit que celle des deux combinaisons projetées qui réunit le plus d’avantages est celle du plan qui porte la date du 12 février. Le devis qui l’accompagne s’élève à 16,295 fr. 65. Si, comme l’Administration le propose, le Conseil décide que ce projet sera exécuté, il conviendra de spécifier, en même temps, que les travaux seront confiés à des entrepreneurs choisis par l’Administration, en raison de la nature spéciale du travail. Il y a urgence, car ce kiosque doit être construit pour l’Exposition qui ouvrira le 19 mai26. »
17Le conseil municipal, réuni en séance le 5 mars 1877, vote dans l’urgence la reconstruction du kiosque. L’élégance et le soin apporté à la réalisation du bâtiment ne lui donnent pas seulement un rôle fonctionnel, mais lui confèrent aussi une dimension esthétique. La qualité des matériaux et les techniques de construction utilisées font de ce kiosque un véritable objet d’art, dont la beauté fait l’admiration des visiteurs27.
18L’établissement d’un kiosque à Cholet s’effectue différemment. La municipalité semble s’appuyer sur des modalités davantage fonctionnelles qu’esthétiques. La construction du kiosque ne relève pas d’une entreprise d’aménagement urbain, l’existence du jardin, qui l’héberge, étant largement antérieure à sa création. Au lendemain de la guerre de 1870, le Palais de justice est édifié sur l’emplacement libéré par la destruction du château au cœur de la ville, tandis qu’un square est aménagé à proximité. Pelouses vallonnées, massifs de fleurs, espaces arborés, grottes et cascades constituent un jardin sur la pente légère attenante au Palais de justice28.
19Dans un premier temps, seule une plate-forme octogonale, dépourvue de toit, est édifiée, non pas directement dans le jardin public, mais sous les ombrages de la promenade, pour les concerts donnés par la Musique du 135e. L’édifice reste donc modeste, à l’image du projet précurseur, qui consiste en une simple estrade aisément déplaçable d’un lieu à un autre de la ville29. Consciente de l’intérêt croisant que portent ses administrés à ce type de divertissement, la municipalité envisage ponctuellement, en 1877, la construction d’un kiosque en bois de facture plus raffinée. Le projet est cependant abandonné30. Ce ne sont, finalement, que dans les années 1890 qu’un véritable kiosque est élevé, à la demande du chef de musique du 77e régiment d’infanterie, Charles Foare, soucieux de la bonne exécution des concerts et de la santé de ses musiciens gênés par l’humidité constante du sol. L’estrade initiale se recouvre alors d’une toiture élégante, qui met les musiciens à l’abri des intempéries, et améliore sensiblement l’acoustique des concerts. Ce toit est d’ailleurs recouvert, en 1895, par des feuilles de zinc afin de garantir une meilleure étanchéité.
20L’établissement du kiosque à musique de Saumur s’inscrit dans une dimension politique. La municipalité envisage de bâtir un kiosque en 1875 pour accueillir principalement les concerts de la Musique municipale. Les autres sociétés de la ville sont, semble-t-il, autorisées à s’y produire accessoirement. Les autorités municipales souhaitent non seulement répondre à l’intérêt que ses administrés accordent à cette pratique musicale, mais y voient aussi un moyen d’émulation artistique et d’éducation auprès de la jeunesse.
« Considérant que les concerts du square, organisés par la Musique municipale d’abord, et les autres musiques de la ville, sont suivis par un grand nombre d’habitants et paraissent être goûtés par toute la population. Qu’ils ont l’avantage de créer une émulation pour le perfectionnement des orchestres et surtout une émulation pour les jeunes élèves du collège et de l’enseignement mutuel qui sont heureux et fiers de concourir. Qu’il y a lieu d’espérer que ce goût de la musique, se propageant chaque jour dans la jeunesse, grâce au zèle et au talent d’enseignement de son professeur actuel, la dirigera dans la voie des bonnes habitudes et l’y maintiendra en stimulant le goût pour l’étude31. »
21La Musique municipale de Saumur manifeste néanmoins son mécontentement à l’égard du kiosque, seulement treize ans après sa construction, et demande sa réfection. S’est-il détérioré en raison de matériaux fragiles et inadaptés à un usage intensif ? A-t-il été au centre d’une polémique dirigée par l’Harmonie saumuroise à l’encontre de la Musique municipale, mécontente des avantages que le pouvoir en place offre à sa rivale32 ? Entre 1888 et 1891, la société sollicite le maire à plusieurs reprises pour obtenir un nouveau kiosque. La Musique municipale de Saumur voit finalement sa demande satisfaite en 1892. Le conseil municipal autorise sa construction en novembre 1892 et vote, le 21 janvier 1893, une somme de dix mille francs pour son établissement dans le square de l’Hôtel de Ville. Inauguré en juin 1893, Saumur possède enfin son kiosque, dont la physionomie, caractéristique des modèles proposés par les sociétés de constructions métalliques de la fin du XIXe siècle, se marie avec la façade « renaissance » de l’Hôtel de Ville d’un côté, et le cours majestueux de la Loire de l’autre.
22Sa construction cristallise les différends politiques qui opposent la majorité municipale à une droite particulièrement pugnace. Les acteurs du projet se soucient davantage d’une identification politique que des qualités fonctionnelles et esthétiques de l’ouvrage. La détermination d’un emplacement occasionne de vives discussions33, tandis que la presse locale reproche à l’administration municipale, non sans un certain chauvinisme, d’avoir fait appel à un entrepreneur orléanais pour réaliser les travaux34.
23Dans un tel contexte, l’inauguration du kiosque relève davantage d’une jouxte politique que d’une réjouissance populaire et consensuelle. L’opposition, via une presse locale acquise à sa cause, s’empare de l’événement pour exprimer ses divergences politiques et sa profonde amertume. Elle n’y voit qu’une manœuvre électoraliste en faveur du pouvoir municipal en place. On y dénonce la partialité du maire dans la mesure où il exclut l’Harmonie saumuroise de la fête.
« L’administration municipale commet un acte de partialité en réservant exclusivement, à la Musique dite municipale, les honneurs de l’inauguration du kiosque musical communément appelé le kiosque à M. Bribard. Quand il s’agit d’inaugurer une construction artistique à l’érection de laquelle ont contribué tous les citoyens, même les Membres des Sociétés qui n’ont pas l’heur de plaire, le favoritisme est interdit. On doit réclamer le concours de toutes les bandes symphoniques de la ville, et les produire ensemble, abstraction faite des tendances politiques qu’on peut leur supposer, la politique n’ayant rien de commun avec les effusions du piston, de la clarinette ou du trombone. Pareille cérémonie est une œuvre civique, populaire, générale. Elle ne peut, ne doit pas être l’œuvre d’une coterie, cette coterie dut-elle composée de magistrats et de Conseillers municipaux35. »
24Faut-il pour autant considérer que l’érection d’un kiosque à musique s’inscrit dans une perspective systématiquement politique ou idéologique ? Le cas de Saumur n’est-il pas un exemple isolé ou, au contraire, assez répandu dans le Maine-et-Loire ? L’accueil d’un kiosque revêt aussi une dimension affective. Les populations citadines manifestent souvent un attachement pour leur kiosque et les musiques qui s’y produisent. Outre sa destination musicale, il s’affirme comme un objet chargé d’émotion, participant à la réputation du lieu où il est installé. Le kiosque du quartier de la Doutre, à Angers, est un exemple significatif. En septembre 1891, un journaliste du Journal du Maine-et-Loire se réjouit d’y découvrir une société instrumentale, dont la justesse et la cohésion égalent ses rivales de la ville haute. À cette occasion, il rappelle que les membres de la société et les habitants du quartier espèrent depuis longtemps l’obtention d’un kiosque, certes aux dimensions plus modestes, mais dont la facture disputerait celui du jardin du Mail. Il est, en effet, nécessaire d’améliorer les conditions matérielles des musiciens, jusque-là plutôt mal lotis.
« Cette situation prospère de la société musicale de la Doutre nous amène à parler d’un vœu, dont la réalisation est caressée depuis longtemps par ses membres, et aussi par tous nos concitoyens de la rive droite. Il s’agit, disons-le sans plus de mystère, de l’édification d’un kiosque spécial, au quartier, dans le genre de celui qui existe au jardin du Mail […]. Il n’en apporterait pas moins une amélioration notable de l’état de choses actuel, car, s’il existait les musiciens ne seraient plus obligés de jouer sur le sol sans abri contre la pluie ou le soleil36. »
25En fait, le chroniqueur y voit surtout un moyen de redynamiser un quartier, dans lequel les occupants se sentent lésés par rapport à ceux du centre névralgique de la ville. Il invite alors ses collègues des autres journaux locaux à soutenir la construction du kiosque. Il semble, finalement, que le souhait de Fanfare de la Doutre n’a jamais été réalisé, malgré les compétences musicales que la municipalité lui a toujours reconnues37.
26La problématique du kiosque à musique conduit tout naturellement à celle du concert. Les sociétés instrumentales ont, en effet, besoin d’un espace adapté à leur pratique musicale. En encourageant la construction de kiosques à musique, les dirigeants de la Troisième République offrent aux sociétés un lieu d’expression favorable à leur action divertissante, le concert s’avérant l’une de leurs principales activités musicales.
Les différentes catégories de divertissements
Le concert
27Les sociétés instrumentales affectionnent tout particulièrement le concert. Cette manifestation offre en général des conditions matérielles incomparables. De plus, elle satisfait l’esprit philanthropique des sociétés en divertissant un public friand de spectacles. Il n’est donc pas étonnant que les sociétés s’y produisent régulièrement.
28La plupart des fêtes accueillent, en général, un ou plusieurs concerts mêlés à de nombreuses animations. L’exposition horticole de septembre 1873 à Angers se clôt par deux concerts. La Musique du 32e se fait d’abord entendre pendant l’après-midi au jardin du Mail. Puis c’est au tour de la Musique des Pompiers d’investir le lieu dans la soirée38. La ville de Cholet propose, en août 1891, une fête dans le quartier de la gare où la Musique du 77e se fait entendre pendant des courses d’ânes, des lâchers de pigeons et divers exercices qui captivent les spectateurs39. Les sociétés instrumentales organisent deux types de concert, l’un se déroulant pendant l’été en plein air, l’autre hivernal proposant à un public, davantage mondain, un programme hybride.
Les concerts d’été
29Les concerts estivaux et réguliers relèvent d’un contrat établi entre les sociétés et l’employeur municipal ou militaire. Ils consistent essentiellement en des prestations de plein air qui se déroulent de mai à octobre. Ils sont exclusivement animés par les sociétés instrumentales organisatrices et s’adressent, en général, à un public issu de toutes les couches sociales. Les municipalités les plus riches indemnisent les musiciens et font intervenir leurs sociétés subventionnées à tour de rôle. Le paiement des concerts aux musiciens de la Musique municipale d’Angers observe un protocole digne d’une solennité officielle. Le président, secondé du vice-président, convoque spécialement la commission administrative pour assister le secrétaire dans le versement des indemnités de concert. Cette réunion extraordinaire se déroule le plus souvent sans incident40. Certains sociétaires voient même leurs efforts exceptionnellement récompensés en raison des services rendus à la société. Les élèves aspirants assidus et sérieux reçoivent, par exemple, un petit pécule41. Il arrive cependant que des sociétaires émettent d’acerbes réclamations. L’un deux s’adresse au secrétaire, en octobre 1889, en des termes malhonnêtes et injurieux42. Deux autres profitent de la remise des appointements pour contester des amendes qui leur ont été infligées43.
30Ces concerts sont suivis par un public nombreux. Durant l’été 1903, la Musique municipale de Saumur propose avec succès une série de concerts qui attirent de nombreux promeneurs. Aussi, le quotidien local La Petite Loire adresse-t-il au chef de musique et aux membres de la société de vifs remerciements en raison du plaisir que ces prestations procurent aux Saumurois « heureux de les entendre de temps à autre44 ». Ces initiatives sont donc particulièrement appréciées et permettent à la population citadine de goûter aux charmes de la musique tout en profitant des attraits champêtres du parc où se déroule le divertissement musical.
« C’est une excellente idée que ces concerts, et plus on les multipliera, plus la population d’Angers sera contente. Notre promenade du Mail est charmante : le jour, on peut y méditer tout à l’aise sous l’épaisse verdure de la grande allée ; le soir, on y respire à pleins poumons un air pur, et les jours de concert on y entend une harmonie délicieuse45. »
31L’annonce de la reprise des concerts obéit à un cérémonial. Les journaux locaux ne manquent pas d’en informer officiellement leurs lecteurs. Le Journal de Maine-et-Loire informe, en avril 1879, du retour des concerts militaires. La Musique du 77e régiment d’infanterie se fera entendre le dimanche et la Fanfare du 4e régiment de cuirassiers le jeudi de trois heures et demie à cinq heures46. Les sociétés civiles font même parfois leur propre publicité via la presse. Elles y présentent les œuvres et les artistes47, ou facilitent la réservation anticipée des places de concert au moyen de cartes. Ce système se révèle particulièrement efficace lorsque les sociétés sont confrontées à une forte affluence.
« Dans sa réunion du 9 décembre, le Comité de la Société a décidé qu’à partir du prochain concert qui doit avoir lieu en février 1905, elle fera deux soirées, une le samedi soir et l’autre le dimanche soir, afin d’éviter l’encombrement et le mécontentement qui se renouvellent chaque fois. Les membres seront invités dans l’ordre alphabétique de leurs noms, c’est-à-dire que pour la première soirée, les cartes seront délivrées de la lettre A jusqu’à concurrence de 400 places, et pour la deuxième soirée, de la lettre arrêtée jusqu’à la fin. Pour le concert suivant, les cartes seront établies en commençant par la dernière lettre48. »
32Le concert d’été s’adjoint occasionnellement de quelques variantes. Les sociétés instrumentales participent à des concerts-festivals et des festivals de musique qui rassemblent plusieurs musiques et proposent un programme musical ambitieux. Angers clôt en octobre 1898, sous la direction de Boyer, la saison des concerts estivaux par un grand concert-festival qui réunit les cinq sociétés vocales et instrumentales subventionnées de la ville. Ces dernières y font entendre, individuellement et collectivement, pas moins de huit morceaux.
Œuvres musicales | Sociétés instrumentales |
Marche lorraine de L. Ganne | Toutes les sociétés réunies |
Les voix matinales, fantaisie de L. J. Baudonck | Union musicale |
Les Paysans, chœur de Saintis | Société Sainte-Cécile |
Le Kédive, fantaisie de C. Faust | Fanfare de la Doutre |
Gourko, marche héroïque de J. Jaubert | Angers-Fanfare |
Le Drapeau tricolore, chœur de Monestier | Société Sainte-Cécile et Musique municipale |
Le Rossignol, polka de Boulier | Fanfare du IVe arrondissement |
Hymne russe et La Marseillaise | Toutes les sociétés réunies |
33Ce type de divertissement remporte un tel succès auprès de la population que la plupart des villes du département concluent leur festivité estivale par cet événement. En octobre 1886, la Fanfare de Langeais s’associe spontanément à la Musique municipale de Saumur pour offrir aux Saumurois une ultime « fête musicale » particulièrement dynamique. La Musique municipale se rend d’abord, bannière en tête, à la gare pour accueillir la fanfare, puis les deux sociétés instrumentales défilent dans les rues de la ville en « jouant tour à tour de joyeux pas redoublés ». Après le déjeuner, un orage contraint les sociétés à se réfugier au Théâtre où elles donnent un concert fort réussi. Les compétences musicales des sociétés réunies séduisent un public nombreux et conquis.
« Le concert est terminé par les deux musiques enlevant avec une verve endiablée un galop des plus entraînants […]. Puis, les applaudissements et les bis devenant de plus en plus chaleureux, l’enthousiasme allant crescendo, l’harmonieuse phalange fait entendre une seconde fois l’œuvre magistrale qui est acclamée de nouveau. Ce concert-festival laissera à Saumur le meilleur souvenir50. »
34Les festivals de musique exercent un impact encore plus grand sur les populations qui y assistent. Ils attirent de nombreuses sociétés vocales et instrumentales qui divertissent le public et stimulent le commerce. Les sociétés participantes s’y affrontent même parfois dans le cadre de concours, comme à Angers en juin 187551. Ces manifestations ambitieuses ne s’inscrivent pas dans une seule perspective citadine. Des communes rurales de petite et moyenne importance organisent également leur festival, comme Saint-Mathurin en 187652, Chemillé en 188853, Savennières en 189054, Allonnes en 189355, Vivy en 189456, Montjean en 189857, Beaufort-en-Vallée en 190358, ou encore Les Rosiers en 190459.
35La municipalité d’Angers confie à la Société Sainte-Cécile, entre 1874 et 1876, la direction de festivals annuels. En juin 1874, l’orphéon parvient à rassembler un nombre impressionnant de sociétés musicales issues de communes de Maine-et-Loire et des départements voisins, soit près de neuf cents exécutants. Certaines sociétés se présentent même dans plusieurs catégories à la fois.
36Les sociétés se plient à un programme particulièrement chargé. La Société Sainte-Cécile d’Angers et la Musique municipale accueillent d’abord les sociétés « étrangères » à la gare. À l’issue du défilé dans les rues d’Angers, les sociétés sont ensuite reçues dans le jardin du Mail par les autorités. Les harmonies et les fanfares donnent alors un concert au Mail, tandis que les orphéons, accompagnés de la Musique du 132e, se produisent au Grand Théâtre. Le festival se termine par un dernier concert nocturne dans le jardin du Mail illuminé pour la circonstance avec l’ensemble des sociétés60.
Catégories | Sociétés vocales et instrumentales |
Orphéons | Orphéon militaire du 32e régiment d’infanterie |
Harmonies | 32e régiment d’infanterie |
Fanfares | 10e cuirassiers |
37Ce gigantisme musical ne transforme pas pour autant le concert en un spectacle incontrôlable. Les autorités municipales imposent aux sociétés subventionnées des dispositions réglementaires qui font du concert un divertissement codifié. L’Harmonie angevine n’obtient de subsides financiers que si elle s’engage à donner des concerts chaque saison estivale. Les débats qui entourent la reconstitution d’une musique municipale à Angers en 1888 se cristallisent sur les manifestations musicales que l’Harmonie angevine envisagerait de conduire dans la ville. Outre son concours aux fêtes publiques, elle pourrait continuer à donner vingt concerts au jardin du Mail en échange d’une subvention municipale de huit mille francs qui permettrait de rétribuer les musiciens62. Cette condition avait déjà été soumise, en effet, cinq ans plus tôt, aux membres de l’ancienne musique des pompiers désireux de former une nouvelle société instrumentale. Malgré quelques réticences, tous s’y étaient ralliés. L’un d’eux souhaitait, en particulier, s’assurer de l’indemnisation des concerts annulés à cause du mauvais temps63.
Les concerts d’hiver
38Les sociétés instrumentales ne se produisent pas uniquement pendant la période estivale. Elles proposent aussi, durant la saison hivernale, des concerts à leurs membres honoraires ou à un public averti et mondain. Ils se déroulent dans des lieux abrités et adoptent un programme plus élaboré que les prestations estivales. L’Harmonie saumuroise ouvre, en octobre 1899, sa série des concerts hivernaux par une prestation remarquée. Un pas redoublé, Le Cimbre, introduit le concert, suivi d’une fantaisie, Le Paludier du bourg de Batz, où le public peut entendre les « qualités maîtresses » du baryton. Les « amateurs de belle musique » se délectent ensuite d’une polka pour piston, Manille, « brillamment enlevée », et d’une ouverture, Le Désir, spécialement écrite pour baryton. Un pas redoublé entraînant, Le Creusot, clôt enfin la soirée musicale. Ce programme valorise les talents individuels des musiciens et de leur chef. Il reste cependant fidèle à l’esprit des concerts d’été par son déroulement et son contenu musical64.
39En effet, le concert d’hiver pratique, dans la plupart des cas, le mélange des genres. Au côté des morceaux exécutés par la société instrumentale, des artistes lyriques ou instrumentistes interprètent des pièces de leur répertoire. Malgré les fêtes de la Mi-Carême à Angers, de nombreux souscripteurs, « amateurs de belle musique et de chant » choisissent d’assister, en mars 1903, au second concert d’hiver de la Musique municipale de Saumur. La soirée doit son succès à la présence d’artistes de qualité et compte comme « une des plus sensationnelles, pour ne pas dire la plus belle » parmi celles que l’harmonie a déjà offertes. La société s’entoure notamment du concours d’une contralto du Théâtre royal de la Monnaie de Bruxelles, d’un baryton du Théâtre de Monte-Carlo et d’une pianiste des Concerts parisiens. Le programme musical s’enrichit également de comédiens dont les numéros amusent les auditeurs. Les imitations d’enfants terribles par un laryngiloque du Casino de Paris et les reproductions de sonneries militaires sur un accordéon par un musical virtuose des Folies-Bergères obtiennent un franc succès65. Ces prestations hivernales relèvent davantage d’un spectacle hybride que d’un concert musical proprement dit, où l’élément comique et théâtral participe à leur réussite.
« M. Meyer a eu la bonne idée de nous donner cette fois un véritable concert comique, je dis concert comique, parce que le programme annonçait cinq chansonnettes dites par trois artistes. Eh bien, il n’y avait rien de trop ; et ce que l’on a ri ! […] Un amateur d’Angers, véritable artiste […], nous a fait entendre une scène judiciaire des plus drôles et qui a provoqué des éclats de rire interminables66. »
40L’Harmonie choletaise s’entoure également d’artistes de valeur à l’occasion d’un concert offert à ses membres bienfaiteurs et honoraires au Théâtre de Cholet en mars 1908. La société emploie notamment une chanteuse dramatique qui, quelques années après l’obtention d’un premier prix de chant et une saison à Bruxelles, est engagée à l’Opéra de Paris. La cantatrice y crée un rôle de prêtresse dans Ariane de J. Massenet et interprète régulièrement le page Urbain des Huguenots de G. Meyerbeer. Elle figure sur les programmes des Concerts Lamoureux où « elle s’est taillé un succès colossal » et enseigne le chant au Conservatoire de Versailles. C’est une artiste réputée dans le monde musical parisien67.
41Des sociétés programment parfois des œuvres et des auteurs du passé. La Fanfare de Cholet propose, en février 1890, un concert de musiques modernes et anciennes. Le programme comprend notamment des extraits de Carmen et de L’Africaine, et la Marche turque de W. A. Mozart. Malgré les différences stylistiques des morceaux, la société parvient à en souligner toutes les subtilités musicales69. L’Harmonie saumuroise organise, en mai 1894, une « grande soirée de musique ancienne » avec le concours d’une cantatrice du Grand Théâtre de Bordeaux et d’un baryton du Théâtre lyrique et des Concerts Colonne. Son programme cultive délibérément un historisme musical70.
Œuvres et auteurs | Dispositif musical |
Le Lac des fées, ouverture (D. F. E. Auber) | ouverture instrumentale |
Sérénade (1804, F. Schubert) | air chanté |
Jalouse (XVIIIe siècle) | romance chantée |
La Romanesca (1543) | violon et piano |
Les Papillottes (Reber) | duo chanté |
Les Pas d’Armes du roi Jean | ballade chantée |
Saynète | intermède comique |
Les Petits Glaneurs (Masini) | duo chanté |
La Bohémienne (Balfe) | ouverture instrumentale |
J’ai passé par là (Okolewicz) | romance chantée |
Saynète | intermède comique |
Plaisir d’amour (1747, J. P. E. Martini) ;Vieille Chanson (poésie du roi Henri IV) | air chanté |
L’Aragonesa (Alard) | violon et piano |
Sérénade aragonaise (Pagans) | air chanté |
Bonsoir voisin (F. Poise) | opéra-comique en un acte |
42Le concert hivernal est généralement fréquenté par un public mondain et averti. Un journaliste y constate la présence d’une assistance « ultrasélect72 », tandis qu’un autre rend compte de toilettes féminines raffinées73. Ce divertissement musical obéit en fait au protocole de l’opéra que la bourgeoisie investit massivement au XIXe siècle. Durant un concert de l’Harmonie saumuroise, le député de la circonscription et président de la société, de Grandmaison, occupe une loge d’où il donne le « signal des applaudissements74 ». Ce cérémonial, quelque peu suranné, n’empêche pas pour autant à un nombreux public de se presser dans des salles combles et même parfois exiguës75.
« Le public saumurois est très friand de ces plaisirs délicats et la grande salle du foyer était insuffisante à contenir les masses serrées des auditeurs venus là pour se délecter l’oreille76. »
43Ces concerts permettent enfin d’apprécier des compétences instrumentales individuelles. Les sociétés extraient de leur rang des solistes dont la virtuosité enthousiasme non seulement le public, mais contribue aussi à la réputation de l’ensemble instrumental. Le témoin d’une grande soirée artistique, animée par l’Harmonie choletaise en mars 1909, loue à la fois les qualités des musiciens et de quelques solistes. Un instrumentiste s’est particulièrement surpassé dans une fantaisie pour clarinette sur Le Caïd en jouant avec « expression et sentiment », tandis que d’autres se sont distingués dans une mosaïque sur Mignon77. La bonne exécution du répertoire « lyrique » nécessite une haute technicité instrumentale que seuls quelques musiciens possèdent dans les sociétés de musique.
« C’est avec une bien vive satisfaction que nous avons assisté à l’audition de la grande fantaisie du Prophète et de la sélection des Huguenots, deux opéras de Meyerbeer. À la tête des musiciens d’élite […], nous avons remarqué, M. Fougerolles, dans ses soli de piston, enlevés avec le brio, le sens véritable de la pensée du compositeur dans son orchestration et le goût délicat qu’il mette à détailler toutes les nuances de l’œuvre du grand maître Meyerbeer78. »
Des caractéristiques communes
44Qu’ils soient d’hiver ou d’été, ces concerts témoignent de deux constantes. Le concert évalue, d’abord, les performances musicales des sociétés. De nombreux commentaires journalistiques constatent les progrès musicaux accomplis par les sociétés de musique. C’est donc un outil concurrentiel qui permet aux auditeurs de comparer les qualités techniques et esthétiques des sociétés. Les propos tenus sont généralement élogieux et contribuent au prestige de la société.
« Brillant concert donné par la Fanfare du IVe arrondissement, dimanche, dans l’après-midi. Cette musique, dont les progrès ont été si rapides depuis sa fondation, a été vraiment remarquable dans l’exécution de tous les morceaux de son joli programme […]. Ce concert charmant a permis aux nombreux promeneurs du Mail d’apprécier, une fois de plus, les qualités musicales de cette fanfare79. »
45Les progrès sont d’autant plus remarquables et remarqués que les morceaux exécutés présentent des difficultés. Le premier concert d’hiver proposé par l’Harmonie saumuroise à ses membres honoraires inscrit dans son programme deux œuvres particulièrement ardues, l’Ouverture fantastique de Govaert et la fantaisie sur La Vivandière de B. Godard. À l’issue de leur exécution, des bravos soutenus récompensent le chef de musique et ses musiciens des efforts et du travail que l’apprentissage de ces morceaux de « haute difficulté » a nécessité80. Les journalistes ne manquent pas en règle générale de souligner les aptitudes des exécutants.
« Nous retrouvons, comme toujours, dans la musique de la Ville, ce progrès artistique qu’elle doit à la sûre et ferme direction de son chef […], secondé par une pléiade de musiciens remplis de bonne volonté, la plupart doués de talent et ayant la notion exacte des vraies beautés musicales81. »
46Ces progrès sont surtout appréciables dès lors qu’ils touchent au domaine technique et de l’interprétation, le respect des nuances. La Fanfare de Cholet se félicite d’avoir exécuté, en mars 1885, les quatre morceaux de son programme avec précision, ampleur, homogénéité et surtout une stricte observation des nuances82. Un compte rendu d’un concert organisé par cette société, en janvier 1887, fait état des mêmes qualités. La fanfare commence le concert par l’ouverture du Calife de Bagdad qu’elle exécute avec entrain et brio. Puis la société enlève une fantaisie sur le Faust de Charles Gounod en s’attachant à rendre délicatement les nuances. En définitive, la fanfare a remarquablement progressé grâce à « l’habile direction et l’activité infatigable de son chef, dont le talent égale la modestie83 ».
47Enfin, même si les sociétés instrumentales bénéficient en général de bonnes conditions matérielles et acoustiques, il arrive cependant que des éléments involontaires altèrent le bon déroulement de leur concert. Les prestations de plein air peuvent souffrir en particulier d’un environnement bruyant. La Musique du 135e régiment d’infanterie déplore, en juillet 1892 à Saumur, une forte chaleur et le bruit occasionné par la circulation et les activités marchandes durant son concert. Seuls des charretiers, transportant des fûts vides, ont arrêté spontanément leurs attelages afin de ne troubler ni les exécutants ni le public.
« Tout n’est pas rose dans les métiers de musicien et d’auditeur. Pour le premier, il est parfois exposé à dépenser son talent et ses poumons sur une place où sévit toute la colère du soleil. Le second court souvent […] le danger d’être interrompu, dans son attention et dans son plaisir, par le passage ou le voisinage trop fréquents et très fâcheux en la circonstance de voitures, camions, coupé, d’hommes détaillants des morceaux de morue sur une bruyante table de sapin, de marchands de tortues, et de jeunes crieurs de journaux s’efforçant de couvrir, avec leur cornet, la musique importune qui gêne leur commerce et leurs déploiements de sonorité84. »
48La configuration d’un lieu nuit aussi à l’équilibre sonore des exécutions instrumentales. Le public regrette, à l’occasion d’un concert donné par la Musique du 135e régiment d’infanterie sur la place principale de Cholet, que les sons les plus délicats se soient perdus au milieu d’une vaste place environnée de rues pavées où circulent constamment et non sans bruit de nombreuses voitures. Il incite aussi les autorités militaires à organiser ces concerts sur le Mail en début de soirée. Non seulement les auditeurs s’y rendraient en plus grand nombre, mais la société n’y jetterait plus aussi au vent ses « charmants accords85 ». Le public choletais conseille même, en 1882, à la Musique du 77e, récemment installée, de se placer un peu plus à l’ouest du jardin, l’expérience ayant démontré que « sur le point où elle s’est fait entendre, les sons sont souvent affaiblis et parfois perdus86 ». Les concerts en salle ne sont pas non plus épargnés par ces désagréments. La Musique municipale de Saumur se plaint de la « trop grande sonorité de la salle » où elle s’est produite87. La Musique de Cholet déplore, en janvier 1883, les plafonds insuffisamment élevés de la salle dans laquelle elle s’est produite. Le « manque de sonorité » s’est, en effet, révélé défavorable aux morceaux de son programme. Aussi, la société réclame-t-elle la construction d’un bâtiment propice à une meilleure « respiration et acoustique88 ».
49Plus rarement, le public peut perturber accidentellement, voire intentionnellement, le déroulement d’un concert. La Musique municipale de Saumur se dit gênée à deux reprises, l’une, en juillet 1892, par le brouhaha et les piétinements de l’auditoire89, l’autre, en juillet 1912, par une cohue au moment de l’installation d’un feu d’artifice90. Un journal condamne même les bavardages d’une partie d’un public particulièrement inattentif.
« On nous invite à prier les bavards de parler bas, ou mieux encore de se taire, pendant l’exécution des morceaux. Est-il donc impossible de faire trêve, pour quelques instants, aux conversations particulières dont le brouhaha insupportable couvre parfois les sons les plus délicats des instruments. C’est parfaitement inconvenant pour les musiciens et fort désagréable pour ceux qui désirent écouter91. »
50Des sociétés, victimes d’actes de délinquance ou de vandalisme, décident de cesser leur concert. De jeunes gens, profitant d’un éclairage insuffisant, empêchent la Fanfare de la Doutre de poursuivre, en septembre 1894, ses concerts sous le kiosque par du bruit, des bousculades et des insultes. La société n’envisage alors de reprendre ses concerts que sur une place éclairée, nivelée et sablée92.
51Le contenu des concours orphéoniques s’apparente à celui des concerts, mais se montre davantage démonstratif et émulatif. Des sociétés vocales et instrumentales s’y rassemblent et s’opposent en des joutes musicales qui attirent un public nombreux. Leur déroulement nécessite une logistique imposante et s’accompagne d’un faste ostentatoire. En contribuant au renom et au dynamisme économique des villes organisatrices, ces manifestations populaires dépassent également les seuls enjeux musicaux.
Le concours
52De nombreuses sociétés de Maine-et-Loire participent à des concours durant la saison estivale. Un concours oppose des sociétés vocales ou instrumentales les unes aux autres. Qu’elles obtiennent ou non un prix, les sociétés de musique y progressent et mesurent leur niveau. Animés par une « louable et fraternelle émulation », les concurrents élargissent également leur horizon relationnel en s’investissant dans une « union morale, artistique et intellectuelle ». Le concours de musiques d’harmonie et de fanfare poursuit ainsi un double but d’amélioration et d’enseignement93.
53Les sociétés concurrentes s’y préparent donc sérieusement. Cette manifestation ne consiste pas seulement en une « chasse aux médailles », et encore moins en un « simple prétexte de sortie, de promenade d’agrément, de partie de plaisir94 ». Même si les sociétés font entendre des morceaux divertissants, les objectifs du concours dépassent largement ceux du concert.
Modalités
54Les comptes rendus des principaux concours auxquels se joignent des sociétés vocales et instrumentales de Maine-et-Loire informent à la fois sur la qualité et le classement des formations instrumentales présentes, les types d’épreuves concourues et les éventuelles récompenses obtenues. Ils indiquent également l’origine géographique des sociétés participantes, issues pour la plupart de Maine-et-Loire et des départements limitrophes.
55Le règlement d’un concours se déroulant à Angers en mai 187795 décrit précisément les clauses auxquelles se soumettent les sociétés inscrites. Le concours est ouvert aux sociétés chorales, aux musiques d’harmonie et de fanfares de France. Les fanfares doivent se composer uniquement de cuivres, les caisses claires et roulantes n’étant que tolérées96. Il propose deux épreuves. La première consiste en une lecture à première vue de morceaux imposés et remis aux participants lorsqu’ils se présentent devant le jury. Les harmonies et les fanfares exécutent plusieurs morceaux de niveau correspondant à la division dans laquelle elles sont classées. Ce concours dévoile le degré d’instruction musicale des exécutants, leur aplomb et leur intelligence. La seconde épreuve, obligatoire pour toutes les sociétés, comprend un concours d’exécution d’ensemble où les membres du jury évaluent les qualités d’homogénéité et d’ensemble. Chaque société instrumentale est invitée à exécuter deux morceaux, dont un est imposé et envoyé aux sociétés six semaines avant le concours. Les œuvres libres, qui auraient été récompensées au cours d’un précédent concours, sont formellement proscrites. L’ordre de passage aux épreuves est déterminé par un tirage au sort qui ne peut être modifié, le jury se réservant le droit d’exclure une société qui ne répondrait pas à l’appel de son nom au moment de concourir. À ces deux catégories d’épreuves s’ajoute souvent un concours de soli, qui permet aux sociétés instrumentales de valoriser des compétences individuelles et dont le succès revient au seul virtuose, et parfois un concours d’honneur pour les sociétés primées97.
56Les organisateurs du concours angevin proposent aux sociétés instrumentales cinq niveaux de difficulté, certains d’entre eux se subdivisant en sections. Les sociétés peuvent ainsi concourir en division d’excellence, division supérieure, première division, deuxième division ou troisième division. Pour s’inscrire dans une catégorie, il faut y avoir déjà concouru ou remporté un prix ascendant dans la division inférieure. La troisième division se hiérarchise encore davantage en se dotant de trois sections. La première est ouverte aux sociétés des chefs-lieux d’arrondissement, la seconde aux sociétés des chefs-lieux de canton et la troisième aux sociétés des communes rurales. L’attribution des récompenses répond à une semblable distribution. Les premiers, seconds et troisièmes prix s’assortissent d’une médaille d’or, de vermeil, ou d’argent selon la division dans laquelle la société est classée98. Les gratifications les plus importantes s’accompagnent d’avantages financiers et en nature. Une harmonie, recevant un premier prix en division d’excellence, se voit offrir une médaille d’or doublée d’une indemnité de mille huit cents francs. Le premier prix d’une fanfare, inscrite en division d’excellence, est agrémenté d’une somme de mille francs, le second d’un instrument d’une valeur de deux cent cinquante francs offert par un facteur. Les sociétés recherchent en général ce type de récompense car elles leur permettent d’alléger les frais de déplacement et d’hébergement.
57Le quartier de la Doutre à Angers organise, en juin 1892, un grand concours de musique auquel adhèrent quarante-deux sociétés qui se répartissent en quatre orphéons, dix harmonies et vingt-neuf fanfares. La publication des heureux lauréats s’accompagne des commentaires des jurys, permettant d’apprécier le niveau d’exigence et l’hétérogénéité technique des ensembles instrumentaux.
Sociétés instrumentales primées | Prix obtenus | Appréciations des jurys relevés dans la presse |
Fanfare de Montbazon (Indre-et-Loire) | 1er prix | Le mouvement est bien pris, le premier piston et les basses déchiffrent convenablement. Les deuxièmes pistons et bugles ne font pas la tierce. L’accompagnement est parfois confus. La lecture est néanmoins généralement satisfaisante. |
Fanfare de Saint-Aubin-de-Luigné (Maine-et-Loire) | 3e prix | Le piston fait les notes, mais son jeu est lourd et il respire où bon lui semble. Le 2/4 est pris à quatre temps et, malgré cela, l’accompagnement a beaucoup de peine à suivre. |
Fanfare de Chaumont-sur-Loire (Loir-et-Cher) | 3e prix | Une basse ne fait pas la première reprise. Le si bémol du trio est oublié par les parties chantantes et l’accompagnement suit péniblement, bien que le mouvement ait été pris à quatre temps. |
Fanfare de Cerans-Fouilletourte (Sarthe) | 1er prix | Énergie dans l’exécution. Chant bien soutenu. Nuances observées. |
Fanfare de Monts (Indre-et-Loire) | 2e prix | Attaque franche. Hésitation dans le trio. Mouvement bien soutenu. |
Fanfare des Rosiers (Maine-et-Loire) | 3e prix | Médiocre, mauvaise attaque des basses. Chant pas en mesure. Accompagnement pas juste. |
Fanfare de Monnaie (Indre-et-Loire) | 4e prix | Trop lent. Mauvaise lecture. Basses très faibles. Bonne volonté. |
Fanfare de Luynes (Indre-et-Loire) | 1er prix | Justesse bonne. Attaque bonne. La partie de chant de la troisième reprise n’a pas été faite par les saxophones et les altos. À partir de la vingt-cinquième mesure, jusqu’à la vingt-neuvième de la troisième reprise, l’accompagnement a totalement manqué. Lecture bonne comme ensemble. |
Fanfare de Mer (Loir-et-Cher) | 1er prix à l’unanimité | Justesse très bonne. Attaque bonne. À la troisième reprise, la partie de chant n’a pas été faite par les altos et les saxophones. En somme excellente lecture. |
Organisation et déroulement
58L’organisation d’un concours musical impose à ses initiateurs dévouement et tact. Il leur faut d’abord constituer un « comité de patronage » constitué de notabilités afin de donner au concours une dimension officielle. Des artistes, des directeurs et des présidents de sociétés locales sont ensuite sollicités pour former le « comité actif ». On doit enfin persuader les commerçants de ses retombées économiques pour s’assurer de leur soutien financier. Le bureau, nommé à l’issue de ces préliminaires, procède, non sans difficultés, à la réunion de fonds financiers en sollicitant les municipalités et d’aisés mécènes. Quand les subventions et les souscriptions ont atteint un montant suffisant pour subvenir aux dépenses matérielles, les organisateurs procèdent à la préparation du concours. Un règlement est élaboré puis diffusé dans la presse locale en direction des sociétés musicales potentiellement candidates. Les inscriptions affluant, les commissaires répondent ensuite aux demandes de renseignements et gèrent des adhésions de dernière minute100.
59Sous le patronage de la municipalité, des autorités locales, du Cercle des fêtes et des commerçants, la ville de Saumur organise, en 1903, un imposant concours qui accueille pas moins de huit cents chanteurs et trois mille instrumentistes. Les sociétés instrumentales sont non seulement remarquables par leur nombre, mais se distinguent aussi par leur valeur artistique101. Aussi, le comité apporte-t-il le plus grand soin à la formation du jury. Une vingtaine de chefs de musique militaire et des personnalités parisiennes et locales, reconnues dans le monde musical, figurent au côté d’un prestigieux président d’honneur, Émile Pessard. Titulaire de la Légion d’honneur et d’un Grand Prix de Rome, É. Pessard enseigne l’harmonie au Conservatoire et préside l’Association des jurés orphéoniques. Ses compositions et ses arrangements musicaux sont appréciés des directeurs de sociétés et du public102. De nombreuses et longues réunions s’attachent également aux modalités d’accueil des sociétés inscrites103, à la fabrication des prix et la gestion de l’hébergement104, au recensement des dons de couronnes et palmes105, à l’élaboration du programme et la réservation de trains au meilleur prix106.
60Le succès du concours récompense les efforts déployés durant plusieurs mois par les organisateurs. Un nombreux public assiste pendant deux jours à de brillantes manifestations musicales107. La veille, la Musique du 6e génie ouvre les festivités par un concert « des plus select » sous un kiosque « étincelant de lumière ». La musique militaire exécute magistralement les meilleures pièces de son répertoire tandis que le public ovationne une œuvre de Pessard.
Œuvres | Catégorie musicale | Auteurs |
Occident et Orient | Grande marche | C. Saint-Saëns |
Sigurd | Ouverture | E. Reyer |
Tabarin | Suite d’orchestre | É. Pessard |
La Walkyrie | Sélection | R. Wagner |
Idylle bretonne | Solo pour deux hautbois | J. Pillevestre |
61Au concert succède une monumentale retraite aux flambeaux où la représentation militaire et musicale y est somptueuse. Les musiques militaires et civiles font entendre leurs « morceaux les plus électrisants et leurs marches les plus entraînantes » tandis que les commerces et cafés sont généreusement illuminés et décorés.
« On eut dit un immense incendie s’avançant majestueusement […]. Nos brillants cavaliers ouvraient la marche, suivis d’un piquet d’infanterie. Les Musique du 6e génie, la Musique municipale, l’Harmonie saumuroise, les trompettes de l’École [de cavalerie], les clairons et les tambours des compagnies du 135e d’infanterie en garnison au château, du 6e génie et des sapeurs-pompiers de Saumur formaient le centre du cortège qu’encadrait un cordon de troupes et de porteurs de torches et de lanternes vénitiennes artistiquement disposées et que fermait un peloton de cavaliers109. »
62Durant le premier jour, les sociétés prennent part aux concours de lecture à vue et d’exécution. Affublées de costumes bleu hussard aux brandebourgs blancs et de shakos empanachés de plumes blanches, les Trompettes de Paris du XIIe arrondissement s’y font particulièrement remarquées. À la fin de la journée, les exécutants défilent dans les rues de Saumur, bannières déployées, en jouant des marches et des pas redoublés, et assistent à la distribution des récompenses. La ville prend alors des airs parisiens en raison de chaussées et de trottoirs populeux mais aussi de nombreux consommateurs aux terrasses des cafés. Les festivités se poursuivent dans la soirée par un « festival monstre » auquel participe l’ensemble des sociétés. Les rues restent animées jusqu’à une heure tardive tandis que les cafés ne se dégarnissent que tard dans la nuit. La deuxième et dernière journée du concours se consacre aux épreuves des concours d’honneur et de soli. Malgré des averses orageuses, le public témoigne un vif empressement à venir écouter les sociétés participantes. L’après-midi se conclut à nouveau par un défilé et la remise des récompenses, à l’issue desquels un banquet « musical » est servi aux personnalités politiques et artistiques du concours. Une table de quatre-vingt-cinq couverts est dressée dans la vaste salle du foyer du théâtre avec une mise en scène particulièrement étudiée. Les chemins de fleurs et les corbeilles de roses courent sur la nappe tandis que les cristaux des lustres et l’argenterie y projettent mille feux. Le menu pantagruélique, accompagné de vins fins, rend délibérément hommage à quelques compositeurs des œuvres du concours musical et aux traditions culinaires angevines.
Potage Mozart
Darnes de Saumon à la Émile Pessard
Barons d’ Agneaux Saint-Saëns
Timbales à la Ernest Reyer
Sorbets glacés au Porto
Faisans de volière truffés
Médaillons de foie gras à la Chopin
Haricots verts nouveaux
Écrevisses de la Dive au vin de Rabelais
Bombes Mendelssohn
Desserts
63Menu du banquet donné l’issue de la dernière journée du concours saumurois de 1903110.
64Après de nombreux éloges et toasts portés aux organisateurs du concours, le député G. de Grandmaison conclut le repas par un discours où il paraphrase le programme musical du festival, analysant et disséquant chacun des morceaux. Pendant le banquet, un concert est également donné par les sociétés victorieuses au concours d’honneur. Il obtient un éclatant succès et des félicitations sont adressées aux musiciens.
Impacts locaux
65Le concours musical ne poursuit pas seulement des buts musicaux. Il s’accompagne aussi d’implications économiques et promotionnelles. Un concours dynamise les activités commerciales de la ville dans laquelle il se déroule. La Fanfare de la Doutre organise, en 1892, un concours d’orphéons, de fanfares et d’harmonies afin de favoriser le commerce local. La société fait appel aux négociants du quartier pour l’aider à organiser une fête musicale qui profite largement au commerce angevin111. Le comité d’organisation saumurois du concours musical de 1903 propose, en novembre 1902, une réunion préparatoire à laquelle de nombreux commerçants et industriels de la ville assistent. Persuadé des bénéfices que les activités commerciales en tireront, le président du comité, le conseiller général Milon, les remercie chaleureusement de leur investissement112.
66Les succès remportés à un concours contribuent à la bonne réputation de la société victorieuse. Après un brillant succès au concours de Nantes en 1875, la Musique municipale d’Angers est accueillie triomphalement à la gare par la Compagnie des sapeurs-pompiers, la Société Sainte-Cécile et une foule énorme. L’adjoint du maire reçoit également la société dans la cour de la mairie. Il remercie les musiciens « d’avoir si dignement soutenu à Nantes l’honneur de la cité et de rentrer à Angers, couverts de lauriers, comme naguère la Société Sainte-Cécile après les fêtes de Rouen113 ». Les sociétés instrumentale et vocale participent, en 1892, à une semblable manifestation. Une foule compacte et enthousiaste assiste à une fête improvisée au Mail pour célébrer les succès remportés par l’Harmonie angevine et la Société Sainte-Cécile au concours de Tours. Sous le kiosque, éclairé à la lueur des feux de Bengale, les deux sociétés victorieuses se font entende et recueillent de vifs applaudissements. La Musique du 135e d’Infanterie s’associe à la réjouissance en exécutant une fantaisie sur Lohengrin dont « l’interprétation très artistique produit beaucoup d’effet ». Après le concert, un punch d’honneur réunit les deux sociétés musicales et un grand nombre d’invités dans les salons de la mairie pendant lequel plusieurs allocutions sont prononcées114.
67Autant les concerts et les concours relèvent d’un domaine exclusivement musical, autant les fêtes locales, auxquelles sont associées les sociétés instrumentales, s’inscrivent dans une dimension pluridisciplinaire. En se faisant entendre pendant les réjouissances sportives et les commémorations de l’alliance franco-russe, les sociétés participent à un vaste dispositif festif.
Contribution aux fêtes locales
68Les dirigeants de la Troisième République proposent et instrumentalisent un nombre incroyablement élevé de fêtes. En divertissant leurs administrés, les responsables politiques et économiques poursuivent des pratiques instaurées sous la Révolution française et manifestent leur attachement aux idéaux républicains. Selon Alain Corbin, le XIXe siècle hérite de trois modèles festifs. Il y a d’abord la « fête royale ». C’est une cérémonie éminemment politique en raison de sa sacralité et son rituel codifié. Elle se déploie dans des lieux d’« échange entre le souverain paternel et l’ensemble de ses sujets » (église, place publique, banquet, mairie…). Il y a ensuite la « fête de la Révolution » qui répond à des visées pédagogiques en participant à la construction de nouvelles identités sociales et politiques. Numériquement plus importantes, ces fêtes rassemblent les communautés autour de leur société et leurs représentants politiques. La qualité des œuvres exécutées et les vertus morales véhiculées en font par excellence un divertissement éducatif. Introduite au XIXe siècle, la « fête césarienne » résulte d’un assemblage d’emprunts des deux catégories décrites précédemment. « Nouvelle cérémonie du pouvoir et nouvelle mise en scène du corps national formé par l’ensemble des citoyens », ce dernier genre combine le rituel de cour, la revue et le défilé militaire115.
69Les sociétés de Maine-et-Loire sont invitées à se produire dans des fêtes locales relevant des catégories décrites ci-dessus. Ces divertissements ne sont pas exclusivement musicaux, à l’inverse des concerts. Aussi, s’immiscent-elles parmi des animations généralistes non sans en renforcer l’éclat. Les carnavals, les cavalcades et autres kermesses116 s’attribuent ainsi régulièrement les services de sociétés instrumentales. Angers117, Saumur118 et surtout Cholet font du carnaval, envers de la fête royale, une réjouissance centrale et attendue. Précédée la veille d’une retraite aux flambeaux conduite par la Musique du 77e, la Mi-Carême choletaise de 1912 célèbre augustement l’activité textile de la ville. Pas moins de douze grands chars y défilent au côté d’une présence musicale tout aussi brillante. Musique militaire, de nombreux orchestres, trois fanfares de trompettes, fanfare de fifres, fanfare de trompes de chasse assurent un soutien musical continu. Cette Mi-Carême se révèle aussi digne que ses devancières119.
« Le défilé passe devant nos yeux charmés, avec ses notes d’actualité et ses sujets pleins d’humour, avec ses chars superbes où trône la déesse de la chasse, où éclatent les fanfares joyeuses répandant la gaîté parmi la foule […]. Et pour terminer ce défilé nous voyons apparaître dans un frais décor la fileuse, cette pauvre victime destinée au bûcher, et qui, ce soir, devra dire adieu à ses moutons et à ses champs120. »
70Malgré l’intérêt que représentent ces manifestations carnavalesques121, leur implication musicale se limite à des aspects anecdotiques. Les sociétés instrumentales participent davantage au rayonnement des festivités sportives. Nous savons que les pratiques sportives connaissent, sous la Troisième République, un important développement en raison des vertus morales, éducatives et patriotiques qui leur sont attribuées. Aussi, allons-nous tenter de comprendre les raisons pour lesquelles les associations sportives s’attachent spontanément le soutien des sociétés instrumentales. Certaines manifestations politiques s’accompagnent également de réjouissances publiques. S’il est un événement politique qui génère une authentique liesse populaire, c’est bien celui de l’alliance franco-russe contractée en 1892. L’accord de coopération militaire s’assortit de nombreuses fêtes, organisées par les autorités locales, pendant lesquelles les sociétés se produisent. Enfin, leur déroulement s’accompagne d’incidences sociales et économiques.
Les événements sportifs
71Attribuer le déclin des sociétés instrumentales au développement des associations sportives nous semble inopportun. Les sociétés de musique ne sont pas en concurrence avec les sociétés sportives car ces dernières s’adressent à un public autre et contribuent à une diversité associative. Les acteurs sportifs ont rapidement compris l’intérêt qu’ils avaient à associer les sociétés à leurs activités afin d’en faire la promotion et d’y favoriser le recrutement de nouveaux membres. Ces deux types d’association populaire n’ont donc pas à souffrir de rivalités intestines, mais établissent, bien au contraire, une complémentarité harmonieuse. En 1913, le Véloce-Club et la Fanfare de Saint-Hilaire-Saint-Florent se réunissent dans la propriété de leur président, Pierre Girard-Bouvet, à Cinq-Mars-la-Pile. Après une première course matinale de cent dix kilomètres, les cyclistes se rendent, musique en tête, au château du président pour y déjeuner. À l’issue du banquet, une seconde course est organisée pendant le concert de la fanfare. Vélocipédistes et musiciens arrivent enfin le soir ensemble à la gare de Saumur. La société instrumentale fait alors, au côté des concurrents, une entrée triomphale en ville, jouant, sur le parcours de la gare à la Poste, d’entraînants pas redoublés122. La fête du 77e régiment d’infanterie à Cholet témoigne, en 1892 à Cholet, d’une semblable association sportive et musicale. Sa première partie est exclusivement consacrée à des exercices de boxe, de bâton, d’escrime, de courses cyclistes et de sauts au tremplin. Sa seconde partie comporte, en revanche, des divertissements artistiques. Abrités sous un hangar, les spectateurs entendent musique, chœurs, monologues, danses et scènes comiques123. L’Union gymnastique et sportive d’Anjou organise à Vihiers, en juillet 1914, son concours annuel à la fois de gymnastique et de musique. Les deux mille gymnastes côtoient quarante-cinq sociétés instrumentales comprenant trois cents musiciens, cent cinquante tambours, cent quarante trompettes et deux cent cinquante clairons124.
72Les principales activités sportives de Maine-et-Loire, et en France en général, se déclinent en courses cyclistes ou hippiques et en rassemblements de gymnastique125. Le développement de l’automobile et de l’aviation s’accompagne également de festivités spécifiques auxquelles participent les sociétés musicales. Angers organise d’importantes courses vélocipédiques dès 1875, tandis que Cholet accueille de prestigieuses courses hippiques à partir de 1872. En raison de son histoire et de sa situation géographique, Saumur développe des pratiques équestres et nautiques originales. La ville possède en particulier une société nautique depuis 1885, le Sporting-Club et Société nautique, qui sollicite la Musique municipale de Saumur à chaque régate organisée sur la Loire. En mai 1910, le 25e anniversaire de la société sportive s’accompagne de grandes fêtes nautiques et d’une retraite aux flambeaux. La société instrumentale est invitée à participer aux deux événements afin d’en rehausser l’éclat. En contrepartie, la société nautique alloue une indemnité de vingt-cinq francs pour les rafraîchissements des musiciens et accorde à chaque instrumentiste un billet d’entrée familial126. La correspondance de la Musique municipale de Saumur avec l’Union athlétique saumuroise témoigne d’une relation privilégiée entre les deux sociétés.
73Les courses vélocipédiques, qui popularisent en France à la fin du XIXe siècle ce nouveau mode de locomotion, s’entourent des services de sociétés instrumentales essentiellement militaires. Le Véloce-Club d’Angers, fondée en 1875, obtient pour ses courses cyclistes sur le Mail une ou plusieurs musiques et un encadrement militaires. L’institution militaire coordonne minutieusement l’intervention des musiques régimentaires prêtées aux organisateurs de l’événement sportif. Le général Bizot, commandant la 18e division d’infanterie, met, en 1906, deux musiques à la disposition du Véloce-Club d’Angers127. Gratuite en ses débuts, l’intervention des musiques militaires devient payante à partir de 1910. En dehors des cérémonies officielles, le décret du 3 septembre 1909 autorise, en effet, les autorités militaires à percevoir auprès des municipalités ou des comités d’organisation, des indemnités financières qui peuvent atteindre jusqu’à soixante francs selon le nombre de musiciens présents. Dès 1880, l’institution militaire établit des restrictions à l’intervention des musiques régimentaires dans ce type de festivité. Le préfet de Maine-et-Loire transmet au maire d’Angers le refus d’un officier supérieur à fournir une musique militaire pour les fêtes vélocipédiques de 1887. Selon les instructions en vigueur, la participation des musiques militaires n’est réservée qu’aux fêtes de charité. Or, dans la mesure où les courses organisées par le Véloce-Club d’Angers ne répondent pas à ce critère, le gradé ne peut pas accueillir favorablement la demande128. Ce déni reste, néanmoins, exceptionnel dans l’histoire des courses vélocipédiques angevines, les autorités militaires satisfaisant presque toujours le souhait de la société sportive.
74À l’issue de la guerre, les courses de chevaux reprennent, en 1872 à Cholet, à l’hippodrome de Bel-Air. Les festivités équestres des 8 et 9 septembre 1872 prennent une tournure à la fois musicale et mondaine que les Choletais leur connaîtront jusqu’en 1939. Les courses hippiques s’accompagnent invariablement de musiques civile et militaire. La Musique de la ville, placée devant la tribune d’honneur, où se tiennent le préfet de Maine-et-Loire, le général de division de Nantes et « tout un essaim de toilettes féminines du plus chatoyant effet », contribue largement à l’attrait de cette première édition. Un peloton du 11e cuirassiers, venu spécialement d’Angers, ajoute un éclat supplémentaire à la fête. Rangée sur une estrade ornée de lanternes vénitiennes, la société exécute à nouveau le soir, « avec un louable entrain », huit morceaux. Pendant le concert, les spectateurs sont cependant injustement gênés par les « explosions multipliées de pétards et autres bruyantes pièces que des gamins s’efforcent d’envoyer au milieu des groupes129 ».
75Outre les fêtes nautiques131, Saumur abrite des compétitions de gymnastique, de tir, d’escrime, de cyclisme, de football, de boxe, de lutte et de courses à pied organisées par l’Union athlétique de Saumur. L’association sportive s’attache presque toujours le concours de la Musique municipale de Saumur à l’occasion de ses nombreuses fêtes. Elle considère, en effet, que les sociétés subventionnées par une municipalité républicaine ont « tout intérêt à s’unir pour se défendre et s’aider mutuellement132 ». Ces deux sociétés nourrissent une haute estime réciproque. Dans leur correspondance, les présidents successifs de l’Union athlétique de Saumur ne cessent de manifester à l’égard de la société instrumentale des témoignages de sympathie en des termes d’une extrême condescendance. De plus, la société offre aux musiciens presque systématiquement des boissons et des cartes d’entrée gratuites, et parfois même une indemnité financière conséquente133.
« Notre société organise pour les samedi et dimanche 22 décembre, au théâtre de Saumur, ses soirées sportives et concerts annuels. En raison des relations amicales existant entre nos deux sociétés, notre comité a décidé de mettre à la disposition de chacun de vos membres exécutants une carte pour assister à l’une ou l’autre de ces représentations134. »
76La Musique municipale de Saumur exprime, elle aussi, de son côté, des marques d’affection. À l’occasion d’un grand concours de gymnastique organisé par l’Union athlétique de Saumur en juillet 1908 à Saumur, la société accorde, par exemple, un prix pour l’épreuve de sonneries135.
77Les rassemblements de gymnastique suscitent, en général, auprès de la population de Maine-et-Loire un vif engouement. La fête-concours de gymnastique, organisée à Cholet en 1906, s’entoure d’un dispositif musical impressionnant. Près d’un millier de sportifs sont soutenus par l’Harmonie choletaise, la Fanfare de Saint-Vincent de Paul d’Angers, la Fanfare de trompettes de Segré et les tambours et clairons des sociétés de gymnastique présentes. Les mouvements d’ensemble, accompagnés en musique, sont du plus bel effet. Électrisé par la musique, le public réserve une ovation enthousiaste aux participants et aux organisateurs de la journée sportive136. La 35e Fête fédérale, organisée les 29, 30 et 31 mai 1909 à Angers, par l’Union des Société de gymnastique de France, sous la présidence du président du Conseil, Georges Clemenceau, est encore plus grandiose. Les principales musiques de la ville, dont la Musique municipale et la Musique du 6e génie, y prêtent activement leur concours en accompagnant les mouvements d’ensemble. Près de cinquante sociétés et cinq cents participants, venus de l’Europe entière, s’y retrouvent et se livrent à des exercices de gymnastique, de boxe, de bâton et d’escrime, accompagnés par les sociétés instrumentales de la ville et militaires.
78Les événements sportifs ne sont pas les seuls à déployer un tel faste. Les fêtes politiques, en particulier les fêtes en l’honneur du tsar de Russie, s’entourent d’une pompe et de ressources musicales tout aussi démesurées.
La célébration de l’alliance franco-russe
79Les démarches politiques et diplomatiques, qui concourent à l’alliance franco-russe, s’accompagnent de réjouissances populaires dans toute la France137. Les autorités de Maine-et-Loire honorent, entre 1893 et 1901, l’accord de coopération militaire par des manifestations publiques auxquelles participent les sociétés instrumentales. Deux événements mobilisent tout particulièrement les sociétés. De grandes fêtes sont organisées dans les principales villes du département à l’occasion de la visite de l’escale russe à Toulon en octobre 1893 et la venue de Nicolas II en France en octobre 1896.
80Les fêtes franco-russes de 1893 utilisent d’importants moyens musicaux. La réjouissance angevine débute par une revue matinale de la Compagnie des sapeurs-pompiers. Après la remise d’un nouveau drapeau et quelques manœuvres d’ensemble, la Musique du IVe arrondissement enlève brillamment l’Hymne russe et La Marseillaise. Durant le toast qui précède la revue, la société reprend l’Hymne russe. Le Pédale-Club organise ensuite dans l’après-midi au jardin du Mail des courses pendant lesquelles la Fanfare de la Doutre se produit sous le kiosque pavoisé. La fête se termine le soir par un concert-festival auquel participe l’ensemble des sociétés instrumentales de la ville. Elles y exécutent à nouveau l’Hymne russe et La Marseillaise devant une foule enthousiaste138. La manifestation choletaise s’entoure de la Musique du 77e et de la fanfare municipale. La présence des sociétés renforce le caractère patriotique de la fête.
« Cette fête a commencé samedi soir par une grande retraite aux flambeaux exécutée par la Musique du 77e de ligne. Nos braves troupiers ont parcouru les principales rues de la ville au milieu d’une foule énorme qui avait saisi avec empressement l’occasion de manifester son patriotisme […]. Dans l’après-midi a eu lieu le banquet patriotique […]. L’excellente Fanfare de Cholet […], placée dans la cour de l’école, fait entendre l’Hymne russe et La Marseillaise que l’assistance écoute debout. Puis chacun de faire honneur au dîner pendant lequel la fanfare exécute plusieurs de ses excellents morceaux […]. À la fin du banquet, M. le sous-préfet se lève […] et porte un toast à la Russie, à la France et à l’alliance franco-russe, auquel répondent les vivats de la salle entière. La musique joue de nouveau l’Hymne russe […]. Après une dernière audition de La Marseillaise et aux accents d’un pas redoublé, les convives quittent la salle, emportant la meilleure impression de la manifestation à laquelle ils ont pris part139. »
81Les réjouissances angevines de 1896 prennent une tournure particulièrement « féerique ». La place du Ralliement accueille sur son terre-plein un kiosque improvisé, entouré de lampions, d’oriflammes et de drapeaux, sous lequel la société Angers-Fanfare interprète des « morceaux de musique très goûtés ». La Société Sainte-Cécile s’associe également au concert en chantant trois chœurs, la Chanson des Fleurs, Les Paysans et France et Russie. La soirée, animée et joyeuse, se termine par un embrasement général de la place et l’exécution de l’Hymne russe et La Marseillaise140. La fête de l’alliance franco-russe à Saumur cultive un patriotisme prononcé. Les fenêtres des maisons particulières et des bâtiments publics s’ornent des couleurs nationales et russes, tandis que la soirée témoigne d’une « exubérance patriotique » exceptionnelle.
« La joie et le plaisir se peignaient sur les visages. On chantait, on dansait aux accents entraînants des allegros, de La Marseillaise et du Chant du Départ, comme aux journées solennelles d’autrefois141. »
82Des promeneurs circulent, dès le début de soirée, dans les rues de la ville pour admirer les illuminations et les décors improvisés des monuments, puis se rassemblent autour du Kiosque du Théâtre. Les quais et les trottoirs avoisinants sont alors envahis par une foule désireuse d’assister au concert de la Musique municipale. Sa contribution musicale exacerbe l’élan patriotique et républicain du public. Après un allegro entraînant, la Musique municipale joue l’Hymne russe acclamé par des « cris de Vive la Russie ! Vive la France ! Vive l’Alliance ! entrecoupés de ceux de Vive la République ! Vive Félix Faure ! » Le concert achevé, les pompiers de Saumur et de Saint-Hilaire-Saint-Florent organisent une retraite aux flambeaux à laquelle se joint la Fanfare de l’École de cavalerie et la Musique municipale. Tandis que le cortège s’ébranle, la foule, entraînée par les « mâles accents de La Marseillaise, du Patriotique et du Sambre-et-Meuse, manifeste un enthousiasme “délirant”142 ».
Notes de bas de page
1 Mussat Marie-Claire, La belle époque des kiosques à musique, op. cit., p. 110-115.
2 Rémond René, op. cit., p. 160 et 161 ; Bourillon Florence, op. cit., p. 137.
3 Corbin Alain, op. cit., p. 12 et 13.
4 Chamard Élie, op. cit., p. 284.
5 Romain Nadia, op. cit., p. 57-75.
6 Ibid., p. 69.
7 La Petite Loire, 2 octobre 1906.
8 La Petite Loire, 10 mai 1891.
9 L’Intérêt public, 18 janvier 1891.
10 La Petite Loire, 20 septembre 1908.
11 La Petite Loire, 14 mars 1893.
12 La Petite Loire, 5 septembre 1893.
13 La Petite Loire, 2 mai 1899.
14 La Petite Loire, 31 janvier 1911.
15 La Petite Loire, 17 juillet 1906.
16 Le Journal de Maine-et-Loire, 22 juin 1874.
17 L’Intérêt public, 15 avril 1894.
18 L’Écho saumurois, 20 juillet 1884.
19 Voir Mussat Marie-Claire, op. cit., p. 32-52.
20 Mussat Marie-Claire, « Le Kiosque », in Fauquet Joël Marie (dir.), Dictionnaire de la musique en France au XIXe siècle, op. cit., p. 647.
21 Ibid., p. 73.
22 Ibid., p. 75.
23 Ibid.
24 L’Intérêt public, 28 juin 1885.
25 La Petite Loire, 25 juillet 1899.
26 Délibérations municipales d’Angers, 14 février 1877.
27 Délibérations municipales d’Angers, 5 mars 1877.
28 Chamard Élie, op. cit., p. 228.
29 L’Intérêt public, 31 décembre 1876.
30 Délibération municipale de Cholet, 8 février 1877.
31 Délibération municipale de Saumur, 10 avril 1875.
32 L’Harmonie saumuroise est autorisée à se produire sous le kiosque à partir de 1884.
33 Délibération municipale de Saumur, 10 avril 1875.
34 La Petite Loire, 30 mars 1893.
35 La Petite Loire, 25 juin 1893.
36 Le Journal du Maine-et-Loire, 29 septembre 1891.
37 Ibid.
38 Le Journal de Maine-et-Loire, 27 septembre 1873.
39 L’Intérêt public, 9 août 1891.
40 Registre de la Musique municipale d’Angers, vol. 1, 3 octobre 1893, p. 300 ; 6 octobre 1895, p. 336.
41 Ibid., vol. 2, 2 octobre 1910, p. 263 ; 4 octobre 1911 ; 3 octobre 1913.
42 Ibid., vol. 1, 14 octobre 1889, p. 174 et 175.
43 Ibid., vol. 1, 29 septembre 1894, p. 320.
44 La Petite Loire, 7 juillet 1903.
45 Le Journal de Maine-et-Loire, 25 mai 1872.
46 Le Journal de Maine-et-Loire, 2 avril 1879.
47 La Petite Loire, 7 avril 1904.
48 La Petite Loire, 18 décembre 1904.
49 Le Journal de Maine-et-Loire, 1er octobre 1898.
50 L’Écho saumurois, 27 octobre 1886.
51 Le Journal de Maine-et-Loire, 29 juin 1875.
52 Le Journal de Maine-et-Loire, 25 juillet 1876.
53 L’Intérêt public, 2 septembre 1888.
54 Le Journal de Maine-et-Loire, 20 août 1890.
55 La Petite Loire, 22 juin 1893.
56 La Petite Loire, 4 octobre 1894.
57 Le Journal de Maine-et-Loire, 15 mai 1898.
58 La Petite Loire, 18 août 1903.
59 La Petite Loire, 22 mai 1904.
60 Le Journal de Maine-et-Loire, 16 juin 1874.
61 Ibid.
62 Délibérations du conseil municipal d’Angers, 19 novembre 1888.
63 Registre de la Musique municipale d’Angers, vol. 1, 3 novembre 1885, p. 8 et 9 ; 11 décembre 1885, p. 13-15 ; vol. 2, 9 octobre 1904, p. 120 ; 3 octobre 1906, p. 168.
64 La Petite Loire, 24 octobre 1899.
65 La Petite Loire, 24 mars 1903.
66 La Petite Loire, 10 février 1887.
67 L’Intérêt public, 8 mars 1908.
68 L’Intérêt public, 15 mars 1908.
69 L’Intérêt public, 23 février 1890.
70 La Petite Loire, 27 mai 1894.
71 Ibid.
72 La Petite Loire, 30 janvier 1894.
73 La Petite Loire, 10 février 1903.
74 La Petite Loire, 4 avril 1905.
75 La Petite Loire, 1er décembre 1889.
76 La Petite Loire, 12 mars 1889.
77 L’Intérêt public, 7 mars 1909.
78 La Petite Loire, 25 février 1902.
79 Le Journal de Maine-et-Loire, 21 avril 1896.
80 La Petite Loire, 18 décembre 1900.
81 La Petite Loire, 29 novembre 1904.
82 L’Intérêt public, 22 mars 1885.
83 L’Intérêt public, 23 janvier 1887.
84 La Petite Loire, 7 juillet 1892.
85 L’Intérêt public, 5 juin 1881.
86 L’Intérêt public, 5 novembre 1882.
87 La Petite Loire, 6 mars 1890.
88 L’Intérêt public, 4 février 1883.
89 La Petite Loire, 10 juillet 1892.
90 La Petite Loire, 16 juillet 1912.
91 L’Intérêt public, 10 juillet 1881.
92 Le Journal de Maine-et-Loire, 11 septembre 1894.
93 Clodomir P., op. cit., p. 162.
94 Ibid., p. 163.
95 Le Journal de Maine-et-Loire, 24 novembre 1876.
96 Certains concours accueillent des fanfares avec saxophones.
97 L’Intérêt public, 25 mai 1890. La manifestation organisée à Cholet s’adjoint d’un concours de soli ouvert aux seules sociétés instrumentales volontaires qui sont invitées à jouer un morceau de leur choix. En revanche, le concours d’honneur s’adresse également aux orphéons.
98 Les récompenses se déclinent également en couronne et palme de vermeil ou d’argent.
99 Le Journal de Maine-et-Loire, 16 juin 1892.
100 La Petite Loire, 1er mars 1903.
101 La Petite Loire, 2 avril 1903.
102 La Petite Loire, 26 février 1903.
103 La Petite Loire, 5 avril 1903.
104 La Petite Loire, 16 avril 1903.
105 La Petite Loire, 30 avril 1903 ; 29 mai 1903.
106 La Petite Loire, 28 avril 1903.
107 La Petite Loire, 2 juin 1903.
108 Ibid.
109 Ibid.
110 Ibid.
111 Le Journal de Maine-et-Loire, 11 janvier 1892.
112 La Petite Loire, 2 décembre 1902.
113 Le Journal de Maine-et-Loire, 24 août 1875.
114 Le Journal de Maine-et-Loire, 21 juillet 1892.
115 Corbin Alain, Gerome Noëlle et Tartakowsky Danièle, Les usages politiques des fêtes aux XIXe et XXe siècles, actes du colloque organisé les 22 et 23 novembre 1990 à Paris, Publications de la Sorbonne, 1994, p. 7-11.
116 Le Journal de Maine-et-Loire, 13 avril 1913. L’Harmonie de Trélazé se fait entendre pendant la kermesse du quartier Condorcet à Angers. Au son de brillants pas redoublés, la société instrumentale entraîne à sa suite les visiteurs dans les rues d’Angers. Elle divertit également le public pendant les animations de l’après-midi avec l’« exécution impeccable de morceaux artistiques et artistiquement choisis ». La société donne, enfin, un concert nocturne et encadre une retraite aux flambeaux réussie.
117 L’Intérêt public, 4 avril 1886. La ville organise un carnaval imposant où pas moins de mille travestis de toute sorte défilent dans les rues. Les sociétés de musique participantes comptabilisent près de deux cent cinquante exécutants, tandis que les quelque soixante-quinze groupes comprennent six cents personnages. À l’issue du défilé, un concours-bouffe de musique est proposé aux sociétés instrumentales qui, après la distribution des récompenses, occupent divers endroits de la ville pour y exécuter un morceau de leur choix.
118 La Petite Loire, 28 mars 1909. Une cavalcade grandiose, ayant pour thème les civilisations, intègre parmi les nombreux chars ceux de la Fanfare de Varrains et de la Musique des Écoles. Les éléments équestre et militaire y sont également représentés généreusement.
119 L’Intérêt public, 17 mars 1912.
120 L’Intérêt public, 24 mars 1912.
121 Le Journal de Maine-et-Loire, 5 juin 1913. Les fêtes des Fleurs organisées à Angers répondent au représentation du Théâtre de la Nature, l’Orchestre philharmonique, la Musique municipale d’Angers et la Fanfare du IVe arrondissement.
122 La Petite Loire, 24 juin 1913.
123 L’Intérêt public, 19 juin 1892.
124 L’Intérêt public, 5 juillet 1914.
125 Zeldin Théodore, op. cit., p. 487-493.
126 Archives privées de la Musique municipale de Saumur, lettre président du Sporting-Club et Société nautique au président de la Musique municipale de Saumur, 1er avril 1910.
127 Archives municipales d’Angers, 1 I 746, lettre du général Bizot, commandant la 18e division d’infanterie, au maire d’Angers, 2 mai 1906.
128 Archives municipales d’Angers, 1 I 746, lettre du préfet de Maine-et-Loire au maire d’Angers, 17 mai 1887.
129 L’Intérêt public, 8 septembre 1872.
130 L’Intérêt public, 15 septembre 1872.
131 L’Écho saumurois, 27 mars 1887. La Musique municipale de Saumur joue pendant les intermèdes de la première compétition nautique de la saison proposée par la Société nautique de Saumur en mars 1887.
132 Archives privées de la Musique municipale de Saumur, lettre du président de l’Union athlétique saumuroise au président de la Musique municipale de Saumur, 3 juillet 1907.
133 Archives privées de la Musique municipale de Saumur, lettre du président de l’Union athlétique saumuroise au président de la Musique municipale de Saumur, 16 février 1905-13 juillet 1913.
134 Archives privées de la Musique municipale de Saumur, lettre du président de l’Union athlétique saumuroise au président de la Musique municipale de Saumur, 4 décembre 1907.
135 Archives privées de la Musique municipale de Saumur, lettre du président de l’Union athlétique saumuroise au président de la Musique municipale de Saumur, 4 juin 1908.
136 L’Intérêt public, 8 juillet 1906.
137 Winock Michel, op. cit., p. 83 et 84.
138 Le Journal de Maine-et-Loire, 16 et 17 septembre 1893.
139 L’Intérêt public, 22 octobre 1893.
140 Le Journal de Maine-et-Loire, 8 octobre 1896.
141 La Petite Loire, 2 septembre 1897.
142 Ibid.
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Les trompettes de la République
Ce livre est cité par
- Baker, Alan R. H.. (2017) Amateur Musical Societies and Sports Clubs in Provincial France, 1848-1914. DOI: 10.1007/978-3-319-57993-1_2
- Baker, Alan R. H.. (2017) Amateur Musical Societies and Sports Clubs in Provincial France, 1848-1914. DOI: 10.1007/978-3-319-57993-1_1
- Baker, Alan R. H.. (2017) Amateur Musical Societies and Sports Clubs in Provincial France, 1848-1914. DOI: 10.1007/978-3-319-57993-1_4
- Looseley, David. Mével, Pierre-Alexis. (2011) Notice Board. French Cultural Studies, 22. DOI: 10.1177/0957155811408829
- Henry, Marion. (2019) Cultures ouvrières et musiques populaires en Grande-Bretagne : le cas des brass bands miniers de 1945 au milieu des années 1970. Volume !. DOI: 10.4000/volume.7380
- (2020) Bibliographie indicative. Romantisme, n° 190. DOI: 10.3917/rom.190.0103
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