Chapitre IV. Éduquer
p. 135-164
Texte intégral
1Les républicains au pouvoir ne se contentent pas d’établir une démocratie libérale et laïque. Ils considèrent également que le progrès et l’émancipation passent par l’instruction et aspirent à une société qui assure à chacun, selon ses mérites, les moyens d’une ascension sociale1. Le nombre élevé de publications musicales pédagogiques et théoriques montre qu’un enseignement musical démocratisé jouit d’une considération presque aussi importante que celle de l’école. Les acteurs musicaux de la Troisième République concourent ainsi largement à ce volontarisme éducatif. La musique n’est pas seulement un art, mais s’avère aussi, selon Le Courrier musical, un véritable outil éducatif. Outre sa dimension rigoriste, elle développe la sensibilité et constitue une saine récréation2. Si ses formes les plus compliquées s’adressent à un public averti, ses manifestations les plus simples doivent être à la portée de tous3.
2Le XIXe siècle vulgarise la pratique instrumentale par des dispositifs originaux dont relèvent les orphéons et les sociétés musicales. Le pédagogue, compositeur et chef d’orchestre, Ernest Van de Velde, décrit, en 1899, ce phénomène dans un article où il défend une éducation musicale populaire4. Il se réjouit, en particulier, du développement des sociétés chorales et instrumentales, autant, selon lui, de « groupes civilisateurs combattant l’égoïsme et l’isolement, et prouvant que le rêve de fraternité parmi les hommes peut devenir une heureuse réalité ». Le temps que ces sociétés consacrent à l’étude de la musique détournerait la jeunesse des « plaisirs malsains ou d’une oisiveté tout aussi funeste5 ». Aussi, villes et campagnes devraient-elles accueillir encore davantage de chorales, d’harmonies et de fanfares, qui progresseraient sous l’impulsion de chefs consciencieux6.
3Ernest Van de Velde milite finalement en faveur de pratiques musicales populaires largement éprouvées sous la Troisième République. Les sociétés instrumentales concourent donc activement à la politique éducative des dirigeants républicains. Outre leur ancrage populaire, les sociétés de Maine-et-Loire se révèlent d’efficaces instruments d’éducation civique et morale. Elles jouent, en particulier, un rôle déterminant dans le développement des écoles de musique et de l’enseignement musical.
Un instrument d’éducation populaire
4La mission éducative de la Troisième République résulte de l’émergence d’une classe nouvelle, les ouvriers, affiliée au peuple et inlassablement commentée par les intellectuels des XIXe et XXe siècles7. Le peuple est, en effet, une pièce maîtresse de l’échiquier social dix-neuvièmiste8. Révélé par la Révolution française en tant qu’acteur de l’histoire, le peuple se dote, à partir du XIXe siècle, d’une existence et d’une légitimité indépendantes des aléas dynastiques. Il est sur ce quoi le pouvoir, privé de son fondement divin, s’appuie pour retrouver une légitimité9. Artistes et historiens du XIXe siècle fondent alors un « mythe populiste » au moyen de productions exaltant à la fois les vertus et les vices attribués au peuple10.
5L’art musical intègre la dynamique populaire en concevant des outils de démocratisation culturelle. Gumplowicz rappelle, à juste titre, que la « présence diffuse mais insistante du peuple dans l’histoire de la musique en France » se traduit d’abord par un intérêt et un collectage méthodique des musiques folkloriques et régionales, pour constituer, à partir de 1860, un véritable « objet d’étude spécifique aux musicologues folkloristes ». L’attrait pour les musiques populaires se poursuit ensuite par la constitution d’un répertoire et de pratiques musicales dont le peuple serait le destinataire. L’apparition des sociétés s’inscrit donc dans un élargissement des pratiques musicales au peuple11.
6Les sociétés de Maine-et-Loire participent, comme leurs consœurs, à la définition d’une culture populaire, fondée sur l’éducation, la promotion intellectuelle et la moralisation de ses acteurs12. Il nous faut cependant considérer cette allégation avec prudence. La distinction que la presse locale établit entre musiciens amateurs et professionnels, pour une pratique instrumentale qui s’inscrit pourtant, selon ses investigateurs, dans une démarche de vulgarisation musicale, a pu perpétuer l’idée d’une culture savante et élitiste en Maine-et-Loire. Nous pouvons certes appréhender ces sociétés instrumentales dans une dimension populaire, mais il faut aussi tenir compte des éventuels paradoxes générés par cette orientation.
Une référence au peuple
Un renvoi terminologique
7Les comptes rendus journalistiques des manifestations, où se produisent les sociétés de Maine-et-Loire, emploient assez souvent une terminologie populaire. Certains titres d’article s’entichent du mot « populaire » sans que le terme soit pour autant repris, voire explicité. D’autres témoignages utilisent, en revanche, les vocables de « foule » et de « population » pour désigner un ensemble d’individus anonymes assistant à un même événement. Enfin, des expressions empruntées au jargon prolétarien s’entourent d’une connotation sociale.
8Durant l’hiver 1904-1905, la Musique municipale de Saumur offre trois concerts « populaires ». Le compte rendu du second évoque la présence de spectateurs dont le profil social n’est pas précisé. Le journaliste n’y commente finalement que le déroulement et les qualités musicales de ses intervenants13. La « Troisième Soirée populaire14 » apporte davantage d’informations sans pour autant nous éclairer précisément sur leur résonance roturière. On y relate la présence d’une jeune chanteuse de onze ans dont le talent enthousiasme « toute la ville de Saumur ». La Musique municipale de Saumur semble s’y être particulièrement illustrée au point d’hériter du qualificatif d’« esthète » en opposition à un public certes « populaire », mais néanmoins sensible au talent de la société.
9Des articles évoquent le rassemblement de citadins lors de manifestations festives. En mai 1875, le 77e régiment d’infanterie fait une entrée magistrale dans Saumur, musique en tête. Une « foule sympathique » réserve alors un accueil chaleureux aux soldats en se portant au-devant de la colonne15. Durant la même année, les Saumurois assistent en nombre, malgré le mauvais temps, au concert donné par la Musique des Écoles communales à l’occasion de la fête des Récollets. Le récit de la festivité emploie également le terme de « foule » pour désigner le public saumurois.
« Malgré l’incertitude du temps, armée de parapluies, la foule se dirige vers la place des Récollets et le Jardin des Plantes pour assister au concert donné par la musique des écoles communales […]. C’est l’heure du concert, la foule monte dans les terrasses, se groupe autour des bassins et des serres pour écouter les brillants morceaux exécutés par la musique des Écoles sous la direction de M. Meyer16. »
10Le compte rendu de la fête des Récollets de 1907 insiste encore davantage sur le caractère populaire de la réjouissance familiale. Le rapporteur constate la présence d’une « foule énorme » lorsque la Musique des Écoles laïques se fait entendre au jardin des Plantes.
« Mais aussi quelle foule il y avait dans ce joli jardin où la circulation a été à ce moment plus que difficile. Cet Éden était trop petit dimanche pour contenir les familles saumuroises. La fête des Récollets est réellement une fête populaire à laquelle tout le monde prend part ; c’est ce qui en assure le succès17. »
11Enfin, une dernière catégorie de comptes rendus s’intéresse au concept de classe en déterminant l’appartenance sociale du public et des musiciens. Des articles constatent que les concerts donnés par les sociétés accueillent un public bourgeois et ouvrier, tandis que d’autres considèrent qu’un seul type de classe sociale se manifeste durant ces prestations musicales. Un certain Dualic apprécie, en 1882, que le jardin public de Cholet, dans lequel des musiques militaires et civiles se produisent régulièrement, soit un lieu où « riches et pauvres » se délassent. Les concerts de la Musique du 135e régiment d’infanterie auraient, en particulier, ce privilège d’y rassembler « tout le monde à la fois18 ».
« La robe de soie et la robe de bure, la redingote et la blouse, l’uniforme et la livrée, se croisent et se coudoient pour recueillir l’immortelle pensée de Weber qui semblent s’élancer de la baguette magique de l’enchanteur Elfrique, et monte, en notes harmonieuses, à travers les branches comme une envolée d’oiseaux19. »
12La première fête nationale célébrée à Angers dispose des mêmes atouts. La veille, le jardin du Mail accueille autant de « monde » qu’un dimanche estival où bourgeois, ouvriers et enfants se détendent en écoutant l’Harmonie angevine20.
13Cela dit, des commentateurs orientent délibérément leur propos vers une différenciation sociale. La Petite Loire milite, en 1895, en faveur de l’organisation de fêtes de quartier à Saumur, afin de soulager, un temps, la « population laborieuse » de ses tâches pénibles.
« Après les longues journées de labeur si pénibles par les chaleurs torrides que nous avons traversées, les travailleurs qui ne peuvent se payer ni les villes d’eaux, ni les expositions éprouvent néanmoins un besoin impérieux de distractions, pour chasser les préoccupations de la lutte pour la vie et les soucis de la famille21. »
14D’autres articles de presse décrivent, au contraire, la présence exclusive d’un public aisé. Le « Tout-Saumur élégant et mondain » assiste ainsi, le 29 décembre 1907, au premier concert d’hiver offert par la Musique municipale de Saumur à ses membres honoraires. La qualité du programme et des intervenants musicaux est très appréciée des spectateurs22. L’Harmonie saumuroise attire également une assistance spécifiquement féminine, dont le raffinement des toilettes relève davantage de l’univers bourgeois que du milieu ouvrier. Une foule « élégante et choisie » investit le concert donné par l’Harmonie saumuroise le 29 mai 189523. Aussi, une assistance nombreuse, celle-là même qui fréquente le Théâtre de Saumur se précipite-t-elle à ces concerts pour y admirer, et pas seulement entendre des œuvres musicales, les toilettes « vaporeuses, fleuries et pailletées24 » de la gent féminine. Il arrive même que des auditeurs rencontrent des difficultés à se placer et se voient contraints d’accepter des chaises à défaut de fauteuils d’orchestre25. Ces concerts ne semblent donc pas s’adresser exclusivement à un public populaire, mais intéressent également une population nantie qui y affiche son rang social comme à l’opéra. Le spectateur d’un concert, donné par l’Harmonie saumuroise le 19 janvier 1902, remarque dans l’assistance des « notabilités appartenant aux diverses classes de la Société saumuroise », dont le député de Saumur et président de la société, Georges de Grandmaison, ainsi que son vice-président, Jules Bouvet, représenté par le président de la Fanfare de Saint-Hilaire-Saint-Florent, André Girard. Le public féminin y est, là aussi, revêtu de ses plus jolis effets26.
15Ces témoignages contrecarrent les affirmations de Bellier qui, faute d’informations pertinentes, « se résout à ne rien savoir » sur le type de public fréquentant les festivités orphéoniques27. Les modes de représentativité sociale dépendraient, en fait, du genre de la festivité. Les défilés en plein air et les festivals musicaux attirent un public davantage populaire, tandis que les concerts « privatifs » en salle drainent une population plutôt bourgeoise, voire aristocratique. Le maire de Vivy est profondément impressionné par la fréquentation populaire du « Grand festival de musiques, harmonies et fanfares » qu’il organise en 1894 dans son village.
« Il y a eu un peuple énorme. De mémoire d’homme, jamais la grande rue des Arcis n’avait vu rouler, entre ses maisons blanches, un pareil flot humain […]. Pour moi, comme pour mes administrés, la journée du festival est restée inoubliable. Je revois cette foule grouillante au soleil de septembre qui faisait éclater la blancheur des coiffes paysannes dans la brume de poussière dorée […], et dominant les cris, les chants, les rires […], les sonorités lointaines d’une musique, bannière déployée28. »
16Le patronage Saint-Vincent-de-Paul propose, en février 1905, une soirée particulièrement réussie, durant laquelle se produisent une fanfare et un orchestre de jeunes amateurs parallèlement à des numéros de gymnastique et des représentations théâtrales. La salle, où se déroule la festivité, accueille une foule nombreuse et élégante. La comédie Mouton, de Bisson, et le « proverbe délicieux, mais si difficile à interpréter d’Alfred de Musset, L’Âne et le Ruisseau » sont magistralement interprétés par des acteurs issus de la noblesse locale29.
17Même si nous devons rester prudents en raison de faits constatés essentiellement dans la sphère saumuroise, cette différenciation sociale s’observe aussi dans le débat qui oppose les amateurs et les professionnels de la musique durant le second XIXe siècle. Cette problématique s’inscrit plus globalement dans une classification et une graduation des emplois au sein des pratiques musicales de la Troisième République. Le terme d’artiste musicien implique nécessairement, selon Joël-Marie Fauquet, la question de la professionnalisation des activités musicales30.
Amateur et connaisseur
18Le statut du musicien amateur interpelle les théoriciens et les praticiens de la musique dès la fin du XVIIIe siècle. Le concept s’affirme encore davantage quand la Révolution française fait du peuple un acteur musical majeur. C’est finalement Wilhem qui, dans son entreprise orphéonique, concède au musicien amateur une légitimité factuelle. De vives discussions contribuent alors à établir une distinction entre l’amateur et le connaisseur en des termes tantôt mélioratifs, tantôt péjoratifs31, chacun tentant de définir les qualités propres à l’une et l’autre sorte de public. Gaston Carraud dénonce par exemple, en 1907, les clichés attribués à chacune des catégories adverses et s’ingénie à spécifier leurs propriétés respectives32.
« Des esprits simplistes diront que l’amateur est un monsieur riche, bien né, bien mis, bien élevé ; le musicien professionnel, une crève de fin et un voyou. D’autres, que le second se fait payer par sa musique, et le premier paye pour la sienne. D’autres encore, qu’il faut, pour être un vrai musicien, ne rien savoir, hors la musique, et que quiconque a appris en sus seulement à lire et à écrire, ne peut être que vil amateur […]. Qu’est-ce que le nom, la condition ou la fortune d’un homme, sa façon de vivre, ses manières, ses profits peuvent faire à la valeur de son œuvre ? Plutôt que l’amateur, considérons la musique d’amateur, pour y chercher des traits à définir33. »
19Cette problématique représente un enjeu fondamental pour les sociétés. Au côté de musiques militaires et civiles dûment constituées de musiciens expérimentés et formés apparaissent des sociétés improvisées et composées exclusivement d’amateurs. Cette démarcation pose également la question de la qualité de l’interprétation musicale. En donnant la possibilité à un large public d’apprendre les rudiments musicaux, la performance instrumentale n’est plus réservée à un cercle restreint d’initiés, mais s’offre à une population jusque-là écartée de la sphère musicale savante. Proposer une formation musicale au plus grand nombre réduit immanquablement la frontière qui sépare l’amateur du professionnel. En popularisant la pratique instrumentale, c’est aussi prendre le risque d’altérer la qualité des prestations et d’un répertoire créé à cet effet.
20La notion d’amateur revêt au XIXe siècle plusieurs sens, parfois même contradictoires. Selon Charles Soullier, l’amateur se livre certes avec félicité à l’art musical, mais peut parfois y exceller autant qu’un professionnel. On peut être un amateur de musique sans même être musicien, mais seulement par instinct et goût musicaux34. Hugo Riemann35 insiste davantage sur la connotation péjorative qui lui est prêtée dès la fin du XIXe siècle. Après avoir rappelé que les professionnels et les amateurs pratiquaient indistinctement, jusqu’au début du XIXe siècle, leur art dans les Collegia musica et les « concerts populaires », la fondation, à Vienne, de la « Tonkünstler-Sozietät » en 1771, ou encore les « Professional-Concerts » créés à Londres en 1783, marquent le début de la scission entre les deux catégories de musicien. Au XIXe siècle, les sociétés symphoniques en province et à Paris rassemblent encore cependant des musiciens professionnels et amateurs, tandis que les dilettantes et les chanteurs se produisent fréquemment dans les salons et sur les scènes lyriques36.
21Les sociétés instrumentales de Maine-et-Loire accueillent volontiers dans leur rang et leur public de nombreux amateurs. La soirée offerte par la Fanfare de Cholet à ses membres honoraires, le 11 janvier 1891, en est une parfaite illustration. Durant le concert, un jeune amateur choletais joue au violon une fantaisie sur La Juive de J. F. Halévy et une Canzonetta d’Allard, qui lui valent d’unanimes applaudissements et deux rappels. Un étudiant en médecine, excellent baryton, interprète, quant à lui, un air de La Coupe du Roi de Thulé, tandis qu’il s’exécute au côté d’une autre chanteuse dans le duo de La Favorite37. Qu’ils soient compositeurs ou musiciens, les sociétés et les organisateurs de fêtes réservent en général un bon accueil aux amateurs. La Musique du 32e régiment d’infanterie joue à Angers au jardin du Mail, en juin 1872, une marche composée par un capitaine du 2e bataillon du 29e de mobiles en hommage à ses vieux camarades38, tandis qu’une retraite aux flambeaux, conduite par des musiciens amateurs, conclut la fête du quartier des Ponts de Saumur en juillet 189739. Une semblable manifestation se déroule, en septembre 1908, à Saumur dans le quartier de Nantilly, pendant laquelle une société, composée de vingt musiciens amateurs et dirigée conjointement par un peintre et un industriel viticole, se fait entendre40.
22Au côté de ces sociétés éphémères évoluent des ensembles structurés et reconnus. Financées par les élites politiques ou économiques, ces sociétés, pour la plupart « municipales », revendiquent non seulement une identité populaire, mais invitent aussi des amateurs et des professionnels réputés à se produire dans leur rang ou à leur côté. Ces sociétés cultivent donc un paradoxe en aspirant certes à réduire le fossé qui sépare l’amateur averti du connaisseur, mais en prétendant aussi à un statut professionnel. Dans un compte rendu de concert donné par la Musique municipale de Saumur, un journaliste compare élogieusement les compétences vocales d’un baryton à celles d’un chanteur professionnel, tout en reconnaissant l’exceptionnalité du phénomène.
« Ce qui est surtout à noter chez M. A…, c’est que, contrairement à ce qui arrive à beaucoup d’amateurs, il est très à l’aise et nullement emprunté et qu’on le prendrait vraiment pour un artiste de profession, à le voir se présenter devant le public41. »
23Les membres actifs de ces sociétés expérimentées ne sont pas, pourtant, des instrumentistes professionnels, bien que certains d’entre eux, comme dans la Musique municipale d’Angers, jouent aussi dans les sociétés symphonique ou de théâtre, ou enseignent la musique. La plupart de ces musiciens exercent une profession sans rapport avec le monde de la musique. Seul un plaisir musical partagé et désintéressé les réunit. Ces sociétés participent, en fait, à une sorte de hiérarchisation des compétences musicales, au sommet de laquelle se situeraient les musiques militaires. Les réjouissances populaires, où se côtoient en même temps des musiques d’amateurs spontanées et des sociétés officialisées, proposent une répartition « discriminante » des tâches musicales. Le quartier du Petit-Puy, célèbre, en août 1904, une fête annuelle où la Musique municipale de Saumur et une société instrumentale constituée exclusivement d’amateurs sont invitées à dynamiser une « partie de Saumur, qui semblait presque abandonnée et à laquelle personne n’avait songé jusqu’alors » en raison de son éloignement de la ville. La Musique municipale de Saumur fait entendre les meilleurs morceaux de son répertoire en fin d’après-midi, moment de forte influence, alors que la musique amateur se manifeste seulement pendant la retraite aux flambeaux nocturne, même si celle-ci s’acquitte fort bien de sa mission42. Ce fait n’est pas exceptionnel. Au concert donné par la Musique municipale de Saumur à l’occasion de la fête du quartier Saint-Nicolas, en juin 1899, succède une retraite aux flambeaux pendant laquelle la jeunesse saumuroise se rassemble spontanément autour d’une musique d’amateurs égayant de ses pas redoublés la marche43. Une semblable distinction, davantage nuancée, est établie à l’occasion des processions religieuses du « petit Sacre » qui se déroulent, en 1883, dans une dizaine de paroisses d’Angers. Un corps de musique, formé d’amateurs, prête son obligeant concours à trois processions, dont deux mineures, tandis que la Musique du pensionnat Saint-Julien participe aux deux principaux défilés de la ville, les processions de Notre-Dame et de Saint-Maurice44.
24Malgré une démocratisation de l’art musical, ces exemples montrent que les pratiques savantes et professionnelles restent des références auxquelles aspirent les amateurs. Nombreuses sont les sociétés civiles qui s’approprient et louent les qualités de leurs consœurs militaires. Les traditionnelles fêtes du Carrousel de Saumur donnent lieu à une affluence inhabituelle de visiteurs venus des communes environnantes. Le concert organisé et exécuté par la Musique du 6e régiment du génie plaît à un public nombreux qui ne ménage pas ses applaudissements. Le 7e Solo de Klosé permet aux auditeurs d’apprécier le talent et le professionnalisme du clarinettiste soliste qui parvenant à « vaincre avec son instrument les difficultés les plus grandes » du morceau. La belle facture du prélude symphonique de Messidor ne peut être en revanche appréciée à sa juste valeur que par les seuls connaisseurs. Le concert se termine par une valse de G. Wittmann, L’Ombre bleue, dont la direction savante et l’interprétation ravissante conquièrent définitivement le public45. Le témoignage suivant ne laisse aucun doute quant aux compétences musicales dont les sociétés militaires se prévalent. Rarement le public saumurois, selon La Petite Loire, a pu entendre un concert aussi réussi que celui de la Musique du 25e régiment d’infanterie donné en septembre 1912. Ce succès est attribué à un jeune chef, titulaire d’un premier Prix du Conservatoire, dont la direction sûre et magistrale a permis aux musiciens d’observer les nuances les plus délicates des morceaux exécutés. R. Wagner, Ch. Gounod, G. F. Haendel, G. Bizet, autant de grands auteurs dont le chef de musique a su dévoiler les « émouvantes harmonies, avec une ampleur et un sens artistique très développés46 ».
25Dans ce dernier exemple, l’auteur de l’article se réfère explicitement aux compositeurs de musique savante et aux atouts que recèlent leurs œuvres. Cet aspect est également évoqué dans le programme commenté des deux concerts que la Musique du 6e régiment du génie donnera à l’occasion d’un concours de gymnastique à Saumur en juillet 1908. Le journaliste ne doute pas un instant qu’un public nombreux assistera aux concerts pour y applaudir les maîtres anciens et modernes, C. W. Gluck, J.-Ph. Rameau, J. Massenet, P. Meyer et C. Saint-Saëns. Ces prestations seront un véritable régal pour les amateurs de bonne musique et rehausseront les festivités sportives47. Bien que la dynamique orphéonique revendique une dimension amateur, elle n’en exclut pas pour autant un répertoire réservé jusque-là à une élite avertie et cultivée. Les sociétés participent ainsi activement à l’éducation musicale de leur public en proposant dans leur programme des arrangements d’œuvres issues du répertoire savant. Même si finalement, au regard de ces derniers témoignages, la frontière qui sépare l’amateur du professionnel se révèle assez floue48, ces sociétés sont toutes animées par un désir d’initier leur public aux grandes œuvres classiques.
Au cœur du projet éducatif
Les élites culturelles
26La dimension éducative du mouvement orphéonique n’aurait probablement pas connu l’ampleur et les conséquences sociétales que nous lui savons s’il n’y avait eu une réflexion antérieure sur l’éducation esthétique conduite par les philosophes des Lumières.
27Au-delà de leur étonnante modernité, les Lettres sur l’éducation esthétique de l’homme49 de Friedrich Schiller posent les bases d’une éducation esthétique que les promoteurs de l’Orphéon ne pouvaient ignorer lorsqu’ils ont réfléchi à leur mouvement musical. Schiller envisage l’éducation esthétique dans une perspective politique globale. Parce que l’humanité est divisée entre raison et instinct et que ces deux dimensions de l’homme total s’affrontent, la liberté ne peut s’épanouir. Le plaisir esthétique seul peut réconcilier l’esprit et les sens, et donner naissance à une société harmonieuse et juste. L’éducation esthétique n’est pas un simple moyen de progrès qui s’ajouteraient à d’autres, mais bien le seul capable d’accomplir le destin complet de l’homme, de le réaliser totalement dans toute sa richesse et son essence50.
28Aussi, de nombreux musicologues du XIXe siècle prolongent-ils les idées de Schiller en attribuant à l’art musical des vertus éducatives. Certains insistent sur la nécessité d’une formation vocale ou instrumentale pour tous en raison de ses effets « curatifs ». Parce que la musique satisfait les inclinations les plus profondes et les plus universelles de l’homme, elle peut être considérée comme un puissant stimulant favorable à son épanouissement moral et intellectuel. À mesure que l’art musical pénètre et influence positivement les esprits, il fortifie et développe les qualités de chaque individu51.
29S’il est une manifestation musicale accessible à un large public, ce sont bien les sociétés instrumentales qui familiarisent leurs auditeurs aux œuvres lyriques et symphoniques du répertoire savant. Peu importe l’inégale qualité de ces arrangements dès lors que les sociétés s’investissent avec ardeur dans la mission éducative prônée par les élites de la Troisième République.
Une collaboration pédagogique
30La fin du Second Empire voit l’intégration à la société industrielle naissante une masse importante de travailleurs, pour la plupart sans instruction et repères sociaux. On multiplie alors à leur encontre des initiatives éducatives, certaines nécessitant la collaboration des sociétés vocales et instrumentales52. Le perfectionnement de la facture instrumentale n’explique pas à lui seul le développement des sociétés de musique. Henri Radiguer l’attribue également aux avancées de l’éducation53.
31Le mouvement orphéonique doit en partie son expansion à la conjugaison de deux phénomènes. L’enseignement obligatoire de la musique à l’école54 conduit, d’une part, à la création de fanfares dans les établissements scolaires. De nombreuses institutions scolaires de Maine-et-Loire, religieuses et républicaines, abritent une musique où jouent leurs élèves, tels l’École des arts et métiers ou encore le pensionnat Mongazon à Angers. Un journaliste rappelle explicitement, à l’occasion d’un concert donné par la Musique des écoles communales de Saumur en 1891, le rôle que l’enseignement musical joue dorénavant dans la formation du public scolaire.
« La musique occupe aujourd’hui une large place dans nos programmes et nous ne saurions trop louer le zèle, la persévérance, les efforts généreux et incessants des maîtres dévoués qui arrivent en peu de temps par une bonne méthode de solfège, à faire lire la musique à première vue aux élèves des divisions supérieures, et à leur faire exécuter avec correction sur un instrument des morceaux assez difficiles55. »
32L’action de Wilhem contribue, d’autre part, à l’accomplissement d’un idéal social défendu par des philosophes des Lumières et du début du XIXe siècle. Les saint-simoniens56 considèrent, notamment, que la culture musicale doit concourir aux progrès intellectuels de la nation57. Ce courant d’une étonnante modernité conduit Clodomir à souligner, au début du XXe siècle, le rôle éducatif que les sociétés jouent auprès des « classes laborieuses ». Une pratique instrumentale au sein de ces sociétés aide non seulement aux apprentissages scolaires, mais invite aussi à la découverte de nouveaux horizons géographiques, culturels et historiques.
« Les sociétés musicales facilitent l’instruction primaire, initient les classes laborieuses aux plaisirs de la musique ; les obligent, à l’époque des festivals, des concours, à se déplacer, à s’écarter du cercle étroit de leurs relations ordinaires, pour voyager, visiter, à frais considérablement réduits, des contrées inconnues, souvent des pays étrangers, admirer des monuments artistiques, étudier des mœurs nouvelles, et apprendre enfin, en s’amusant, les principaux événements de l’histoire58. »
33Les comptes rendus des prestations données par les sociétés instrumentales de Maine-et-Loire reprennent abondamment ces idées. L’Harmonie saumuroise et les élèves musiciens des écoles communales se font entendre durant les 25 et 26 juin 1886 au jardin des Plantes de Saumur. Le commentateur de l’événement établit clairement un parallèle entre les compétences musicales et scolaires des jeunes instrumentistes, l’apprentissage de la musique contribuant à la formation de citoyens honnêtes.
« Si ces enfants sont à l’école comme au Square, qu’ils apprennent et récitent leurs leçons comme ils apprennent et jouent de la musique, nous sommes certains qu’un jour ils seront des citoyens accomplis59. »
34D’autres notes insistent davantage sur l’imprégnation musicale que les sociétés exercent sur leur public, surtout lorsque celui-ci se montre réticent à la culture musicale, en leur faisant découvrir des œuvres et des artistes de qualité.
« De vrais et grands artistes, interprétant de vraies et grandes musiques, des gens qui comprennent, sentent, expriment et forcent un auditoire réfractaire à comprendre et sentir, dame, ça ne se rencontre pas chaque soir, même sous les pieds des chevaux de notre école de cavalerie60. »
35L’éducation artistique du peuple peut, cependant prendre parfois une tournure politique qui dénature son désintéressement initial. Au cours du mois d’octobre 1905, la ville d’Angers accueille en grande pompe le ministre de l’Instruction publique Jean Bienvenu-Martin. Cette « manifestation républicaine61 » mobilise d’importantes ressources musicales. Les sociétés vocales et instrumentales les plus prestigieuses de la cité donnent de nombreux concerts afin de témoigner de leur attachement aux valeurs éducatives honorées par un ministre sensible à la vitalité musicale de la ville. De son côté, la municipalité engage, à l’occasion de l’inauguration de l’École supérieure de garçons, une somme rondelette de près de six mille francs. Elle consacre, en particulier, huit cent cinquante-deux francs aux concerts et illuminations du kiosque et du jardin de Mail, et cent cinquante francs aux rafraîchissements des musiciens. Les sociétés instrumentales bénéficient également de mesures exceptionnelles. Quatre musiciens de la Musique municipale d’Angers sont libérés de leurs obligations militaires afin que la société soit au grand complet, tandis que les musiques du 135e et du 6e régiment du génie jouent pendant le banquet donné en l’honneur du ministre et la soirée de gala au Grand Théâtre62. C’est là une opération médiaco-politique à laquelle sont associées les principales sociétés instrumentales d’Angers. Sur le chemin qui le reconduit à la gare, le ministre se dit satisfait de l’hospitalité que les Angevins lui ont réservée durant cette journée63.
36L’impact éducatif des sociétés dépend de leur niveau musical. Un programme généreux et bien mené touche davantage un auditoire, qu’une interprétation médiocre de morceaux quelconques durant un défilé. La question de la formation des musiciens se pose donc nécessairement. Les sociétés de Maine-et-Loire semblent s’orienter vers deux directions. Certaines prennent elles-mêmes en charge la formation vocale ou instrumentale de leurs membres, tandis que d’autres participent à la création d’écoles de musique. À l’issue de leur formation, de nouveaux instrumentistes intègrent alors les rangs des sociétés.
La formation des musiciens
37Les sociétés instrumentales sont autant préoccupées par la diffusion d’une culture musicale auprès du public que la recherche de moyens assurant une qualité constante de leur prestation et le renouvellement de leurs exécutants. Sous l’impulsion des orphéons, de nombreuses sociétés de Maine-et-Loire, confrontées à des difficultés de recrutement, assurent elles-mêmes la formation musicale de leurs musiciens. Le directeur de la Société Sainte-Cécile d’Angers, A. Baumann, propose aux chanteurs volontaires, deux fois par semaine, un cours de solfège théorique et pratique gratuit au printemps 187064. Dès sa création en août 1890, l’Orphéon Sainte-Cécile de Cholet impose à ses membres fraîchement admis un cours gratuit de musique les lundi, mardi, jeudi et vendredi de chaque semaine65.
38De leur côté, les sociétés ne ménagent pas leurs efforts. La mission du chef de musique ne se limite pas à la seule direction de l’ensemble instrumentale, mais consiste également en la formation musicale de ses membres. La fanfare La Concorde fait ainsi paraître dans Le Journal de Maine-et-Loire, en novembre 1908, un avis de reprise des cours élémentaires, gratuits et hebdomadaires, de solfège et d’instrument.
« Ces cours méthodiques et raisonnés seront dirigés comme par le passé par M. Chanteux, le sympathique chef de musique de la Concorde, dont la science musicale est justement appréciée. Il sera secondé dans ses efforts par le non moins sympathique sous-chef M. Cognacq, qui a déjà donné des preuves d’un talent incontestable. Tous les élèves nouveaux et anciens trouveront toujours le plus cordial accueil et les meilleurs conseils de morale pratique leur seront fraternellement prodigués66. »
39Le conseil d’administration de la Musique municipale de Saumur informe de l’ouverture d’un « cours préparatoire gratuit de musique instrumentale » afin de faciliter le recrutement de nouveaux adhérents. Tous les jeunes gens, ayant autant que possible un instrument en leur possession et pouvant justifier de notions musicales élémentaires, sont invités à prendre part à ce cours qui se déroule chaque samedi soir, sous la direction du directeur de la société, dans la salle de répétition67. Cette même société s’entoure également des services d’une harmonie juvénile, la Musique de l’école des Récollets, constituée uniquement d’enfants qui pourront intégrer les rangs de leur « grande sœur » au terme de leur apprentissage instrumental. Bien qu’encore inexpérimentés, quelques-uns de ces jeunes musiciens manifestent des prédispositions musicales qui « promettent de bonnes recrues pour la musique municipale68 ».
40L’instruction musicale suscite un tel engouement qu’elle se rencontre également chez des acteurs sociaux pour le moins inattendus. La Société de gymnastique de Cholet offre aux jeunes gens désirant s’investir dans la société, en plus des séances d’agrès, boxe, bâton, escrime et exercices militaires, des répétitions d’orphéon et des cours de solfège trois fois par semaine pendant près d’une heure trente. Cet exemple témoigne de la considération dont jouit la musique auprès des milieux populaires69.
41Certaines des sociétés citadines adoptent ainsi dans leurs statuts des dispositifs formatifs pertinents. La démarche de la Fanfare du marquis de Foucault se révèle particulièrement intéresante. La société dispense aux élèves deux cours hebdomadaires de solfège et d’instrument, animés par le sous-chef de musique. Leur fréquentation régulière et le travail sérieux qu’ils y effectuent sont une reconnaissance des avantages offerts par la fanfare. Le président soumet les élèves à un examen, tous les trois mois, afin de s’assurer des progrès réalisés et décerner aux plus méritants les récompenses qu’ils méritent. Outre leur fonction d’émulation, ces dispositions assurent à la société un recrutement régulier de membres au niveau musical satisfaisant. Sa gratuité est cependant relative dans la mesure où les élèves, parallèlement à l’instruction musicale qu’ils reçoivent, s’engagent à faire partie de la fanfare pendant deux années sans contrepartie financière.
« L’élève ayant fait son éducation musicale gratuitement s’engage sur l’honneur à faire partie de la Fanfare pendant deux années sans exiger de rétribution. Les deux années commenceront du jour où l’élève fera une partie malgré les leçons qu’il continuerait de prendre70. »
42D’autres sociétés angevines se contentent certes de directives sommaires, mais suffisamment explicites sur leur engagement éducatif. La société Angers-Fanfare déclare prêter son concours aux œuvres de bienfaisance et d’instruction, tandis que le directeur de la Fanfare d’Angers-Doutre peut non seulement nommer un membre actif comme professeur de solfège, mais aussi désigner les musiciens qui devront suivre ce cours. Parmi les nombreuses responsabilités dont le chef de musique de la Musique municipale de Baugé est investi, il a la possibilité d’imposer, en plus des répétitions supplémentaires, des séances partielles pour les musiciens insuffisamment instruits. Enfin, la plupart de ces sociétés accueillent des membres aspirants.
43Au côté de ces modestes sociétés, des harmonies plus conséquentes choisissent de militer activement en faveur de la création d’écoles de musique. Ces structures servent, en effet, davantage leurs intérêts en se révélant de véritables viviers où elles recrutent leurs instrumentistes. Sous l’impulsion des cadres de l’Harmonie angevine, la ville d’Angers relance, en décembre 1877, la constitution d’une « école municipale de musique instrumentale ». Le conseil municipal nomme alors une commission qui étudie la viabilité du projet et s’engage à remettre rapidement un rapport afin d’envisager l’ouverture provisoire de quatre classes d’instruments à vent dès le 1er janvier 1878, pour un coût de deux mille francs71. Ce rapport est remis au maire en mai 1878, puis âprement discuté au cours d’une séance ordinaire du conseil municipal, le 12 août 187872. Leurs auteurs avancent trois justifications à la création d’une école de musique à Angers. D’une part, les intérêts que présente l’étude de la musique ne sont plus à démontrer, les cours de chant et de solfège étant officiellement institués dans les écoles primaires. La musique est, d’autre part, un complément éducatif essentiel, car il offre à ceux qui s’y adonnent, outre un « délassement de l’esprit », la possibilité d’y mener une « carrière fructueuse et honorable ». Enfin, l’enseignement musical dispensé à Angers est insuffisant au regard de sa réputation dans le monde musical. Aussi doit-elle s’efforcer de conserver sa place en s’entourant de moyens financiers conséquents73.
44Grâce à la réorganisation de l’orchestre du théâtre, la commission assure pouvoir trouver à Angers des professeurs méritants et dévoués, certains jouant dans l’Harmonie angevine. L’école municipale de musique serait alors fréquentée par un public constitué de jeunes gens issus non seulement des écoles communales, mais aussi des milieux commerçants et ouvriers, voire par des musiciens du régiment. Bien que considérant cette institution nécessaire, des membres du conseil jugent sa création à un moment inopportun en raison des lourdes charges qui pèsent sur le budget de la ville. D’autres, au contraire, soutiennent activement le projet dans la mesure où il s’inscrit dans une dynamique éducative et n’empêche nullement l’accomplissement des travaux envisagés auparavant. Les conclusions du rapport de la commission sont finalement adoptées par le conseil municipal, mais l’ouverture de l’établissement est repoussée au 1er janvier 1879.
45L’ensemble de ces témoignages montre que les sociétés en général s’investissent dans l’éducation musicale de la population. Cette éducation ne se limite pas, cependant, à la transmission de techniques et d’un savoir-faire musicaux. L’éducation morale de la population intéresse autant les sociétés instrumentales que l’instruction musicale.
Un outil d’éducation morale
46Les sociétés ne se contentent pas de prodiguer une éducation musicale, mais poursuivent aussi un but de moralisation75. Le sous-préfet de Baugé encourage, à l’occasion d’un festival musical organisé à Mazé en août 1874 et réunissant près de deux cents musiciens, le développement des sociétés instrumentales, car elles représentent d’« incontestables éléments d’union et de moralisation76 ».
47Ces sociétés participent, plus généralement, à l’éducation civique de la population. Un journaliste souligne, en 1903, que la Musique de la Colonie agricole de Saint-Hilaire contribue à faire de ses jeunes musiciens des citoyens honnêtes et patriotes en leur imprimant des sentiments d’honneur et de probité77. Les sociétés de Maine-et-Loire œuvrent ainsi à l’édification morale du peuple en prenant part aux manifestations emblématiques de la Troisième République, tels la Fête nationale et le Centenaire de la Révolution française. Les exécutions excessives de La Marseillaise y décuplent le patriotisme du public78.
48Ces sociétés s’intéressent également aux questions d’hygiène sociale. Elles relaient, notamment, les politiques gouvernementales de lutte contre l’alcoolisme en détournant la jeunesse des cabarets et des cafés79. Aussi, certaines sociétés inscrivent-elles dans leur règlement des clauses visant à annihiler les comportements parfois déviants de musiciens.
Un engagement civique
La Fête nationale
49S’il est une fête qui suscite à la fois une ferveur populaire et des controverses, c’est bien celle du 14 juillet. Réjouissance républicaine et patriotique, son caractère d’unanimité militante est inséparable des débuts de la République80. Se proclamant héritière de la Révolution française, la Troisième République se devait d’adopter comme fête nationale une date mythique et fondatrice du nouveau régime. Les débats qui ont précédé le choix du 14 juillet sont la preuve d’un symbole investi d’une puissante charge émotionnelle, au moment même où la République s’enracine définitivement dans les consciences. La Fête de la Fédération symbolisant pour l’ensemble des Français la liberté et la lutte contre toutes formes d’oppression, les députés républicains déclarent, le 6 juillet 1880, le 14 juillet « Fête nationale81 ». Le 14 juillet n’est pas seulement la commémoration d’une date illustre, mais incarne aussi le temps de la fête. Dès son instauration, la réjouissance populaire propose une combinaison d’éléments festifs et ludiques qui contribuent à son succès et à son éclat. C’est donc tout naturellement que les sociétés instrumentales s’y immiscent.
50La première édition de la fête nationale à Cholet engage des moyens musicaux importants. Tandis qu’une foule nombreuse se rassemble sur le champ de foire pour assister à l’envol d’un aérostat, la Musique du 135e régiment d’infanterie fait entendre dans le kiosque du jardin public un « attrayant concert, quoiqu’improvisé ». Cette même musique se manifeste à nouveau durant la fête de la nuit au côté de la Musique municipale. Les deux sociétés exécutent alternativement de « charmants morceaux » sur la place de l’hôtel de ville éclairée, pour l’occasion, par un millier de verres colorés. Après que le feu d’artifice a été tiré, la musique militaire conclut la soirée en jouant dans les rues de la ville La Grande Retraite de Crimée. À l’occasion de ce premier 14 juillet, les édifices publics et des maisons particulières sont pavoisés de drapeaux tricolores et ornés de lanternes vénitiennes82. Cette omniprésence musicale s’affirme également durant la fête nationale de 1885 à Angers. Son déroulement accorde une large place aux sociétés instrumentales et vocales de la ville. La veille, un concert au Mail précède une grande retraite aux flambeaux où prennent part non seulement les musiques militaires du 2e pontonniers, du 12e cuirassiers et du 135e régiment d’infanterie, mais aussi la Musique municipale et la Musique de l’École des arts. Près de cent cinquante torches et tulipes illuminent le parcours des sociétés. Les musiques militaires sont à nouveau sollicitées, le lendemain matin, pendant une grande revue sur la place du Champ-de-Mars. Puis, en début d’après-midi, une représentation est proposée gratuitement au Grand-Théâtre avec le concours d’artistes parisiens, la Société philharmonique, la Société Sainte-Cécile, la Musique municipale et la Musique de l’École Chevrollier. Une cantate, les Cuirassiers de Reischoffen, est notamment chantée par la Société Sainte-Cécile, accompagnée de la Société philharmonique et la Fanfare du 12e cuirassiers. En fin de journée, un grand concert est donné dans le faubourg Saint-Michel à l’école communale, par une fois de plus la Société Sainte-Cécile, la Musique municipale et les chœurs de l’école communale. Enfin, la Musique municipale se fait entendre le soir dans le jardin du Mail illuminé par près de cinq mille lampes83.
51Les sociétés militaires et civiles de Maine-et-Loire sont indispensables à la promotion des dispositions civiques de la Troisième République. Le préfet du Maine-et-Loire, Hermann Ligier, adresse, en 1892, une circulaire aux sous-préfets et aux maires du département dans laquelle il insiste sur le caractère festif et patriotique de la fête nationale. Le patriotisme des sociétés de gymnastique, de tir et de musique les porte à s’associer à la célébration du 14 juillet84. Le 13 juillet 1902, la ville de Cholet organise une impressionnante fête patriotique pendant laquelle un « Monument à la mémoire des Enfants de Cholet mort pour la Patrie » est inauguré en grande pompe. Les sociétés militaires et civiles participant à la manifestation sont également qualifiées de « patriotiques ». Toutes arborent un drapeau ou un étendard, et sont accompagnées par les musiques de Cholet et de communes environnantes, pendant le défilé qui les conduit à la place où va se dérouler l’inauguration. Après que le bronze a été dévoilé aux notabilités et à la foule, les musiques à nouveau réunies exécutent magistralement l’hymne national sous la direction du chef de la Musique du 77e85.
La Musique du 77e régiment d’infanterie | Les Cavaliers et leur fanfare |
La Compagnie des sapeurs-pompiers | Les Artilleurs et leurs trompettes |
Les Médaillés | L’Orphéon Sainte-Cécile |
Les Combattants | La Société philharmonique |
Les Mobiles | La Société colombophile |
Le Génie | La Société de gymnastique |
52Ces exemples montrent que le déroulement du 14 juillet répond à une organisation minutieuse et codifiée. Son contenu tourne invariablement autour de trois pôles d’activité sollicitant des ressources musicales conséquentes. La Fanfare de Cholet joue ainsi pendant près de deux heures, malgré une chaleur intense, sur la place Travot avant qu’un ballon n’emporte son aéronaute dans les airs87, tandis que l’Harmonie choletaise propose dès six heures du matin, dans divers quartiers de Cholet, un « harmonieux réveil en musique88 ». La fête nationale de Cholet débute, en 1883, par des manifestations militaires. La Musique du 77e régiment d’infanterie collabore, la veille, à une grande retraite aux flambeaux. Après une salve de vingt et un coups de canon, celui-là même qui sert aux exercices de la garnison, la société se produit à nouveau, le lendemain matin, pendant la revue du régiment sur le principal boulevard de la ville. La fête se poursuit, dans l’après-midi, par des activités récréatives. La Compagnie des sapeurs-pompiers exécute des manœuvres avec entrain tandis que la musique de la ville donne un concert sous les arbres du jardin public. Le public est également invité à participer à divers jeux et attractions, tels le Mât de Cocagne, les Bains russes ou encore le lancement d’un ballon aux couleurs nationales. Enfin, une foule compacte et calme se presse, le soir, autour du kiosque de la place Travot, brillamment illuminée, dans lequel musiciens civils et militaires jouent successivement plusieurs morceaux. La festivité se termine par un feu d’artifice tiré sur le champ de foire89. Ces réjouissances choletaises prennent parfois une tournure spectaculaire. Les musiciens du 135e réservent une nouvelle surprise au public en exécutant une retraite aux flambeaux après le feu d’artifice90, tandis qu’un ballon s’élève majestueusement dans les airs, salué par des milliers de voix et par la musique militaire91. La ville de Saumur propose, en 1906, des régates sur la Loire, organisées par le Sporting Club et la Société nautique de Saumur, dont le charme est rehaussé par la présence de la Musique municipale. La fête nationale saumuroise de 1907 est encore plus somptueuse. La retraite aux flambeaux du samedi soir, organisée par l’Union athlétique saumuroise avec le concours de la Musique municipale et la Compagnie des sapeurs-pompiers, obtient un vif succès. Une foule joyeuse et bruyante ovationne ses jeunes athlètes au son de pas redoublés entraînants. Les festivités se poursuivent, le lendemain matin, avec une revue des troupes particulièrement brillante. Un lâcher de pigeons, animé par la société colombophile Le Messager saumurois, débute les festivités de l’après-midi, tandis que la Musique municipale accompagne au même moment en musique les mouvements d’ensemble de l’Union athlétique. La société prête ensuite son concours aux joutes nautiques qui suivent, et se fait entendre, une dernière fois, malgré le surmenage auquel elle a été astreinte durant la journée, dans un concert du soir apprécié de nombreux auditeurs92.
53Les fêtes nationales d’Angers adoptent un protocole à peu près identique à celles de Cholet et de Saumur. Elles proposent, en revanche, un contenu militaire et récréatif davantage ambitieux. Nous y retrouvons certes les stéréotypes évoqués précédemment, mais mêlés à des divertissements plus originaux. Aussi, la plupart des quartiers de la ville s’attachent-ils les services de leur société durant le 14 juillet.
1889 | 1901 | 1910 | |
13 juillet | – Distribution de secours aux indigents inscrits au bureau de bienfaisance. | – Distribution de secours aux indigents inscrits au bureau de bienfaisance. | – Distribution de secours aux indigents inscrits au bureau de bienfaisance. |
14 juillet | – 9 heures : revue militaire au Champ de Mars. | – 9 heures : revue militaire au Champ de Mars. | – 9 heures : revue militaire au Champ de Mars. |
54La première édition de la fête nationale à Angers, en 1880, est particulièrement animée. À l’issue du concert la veille au soir dans le jardin du Mail, la Musique municipale prend part à une retraite aux flambeaux dont la quiétude est troublée par des jeunes gens qui, en queue de cortège, entonnent la Marseillaise et autres chants révolutionnaires94 !
55Le journaliste regrette encore que ces mêmes airs aient été répétés « mille et mille fois » le lendemain, au point d’incommoder une partie du public. En s’emparant de ses éléments les plus significatifs, les sociétés subventionnées tentent d’enrôler une population angevine encore réfractaire aux idées républicaines95. Malgré ces incidents, une foule assiste au concert donné par la Société Sainte-Cécile et la Musique municipale au Grand-Théâtre, puis à celui des musiques de l’École des arts, de l’École normale et de l’École primaire supérieure Chevrollier dans le jardin du Mail. La fête vénitienne sur la Maine remporte, cependant, tous les suffrages. De nombreux bateaux décorés et illuminés proposent un ballet nautique, tandis que la Musique municipale et des sonneurs de trompes exécutent un ultime concert sur la rivière. L’embrasement des ponts et des divertissements aquatiques égaye également la fête nocturne96.
56Enfin, les musiques militaires interviennent discrètement durant cette première commémoration. La Musique du 77e refuse de participer, dans un premier temps, à la retraite aux flambeaux en raison d’un emploi du temps régimentaire chargé. Conscientes des déceptions et des difficultés générées par cette absence, les autorités militaires reviennent finalement sur leur décision et autorisent la musique régimentaire à jouer pendant la retraite aux flambeaux, malgré la fatigue des musiciens. Le colonel du 2e régiment d’artillerie-pontonniers consent, faute d’un corps de musique officiellement constitué, à produire une modeste fanfare « improvisée », formée seulement de quelques musiciens.
« Quant à notre musique, je vous avouerai qu’elle n’existe pas ; j’ai autorisé, en attendant que le ministre de la Guerre ait fait droit à nos légitimes réclamations, quelques pontonniers à former une espèce de petite fanfare, pour conduire le régiment au terrain de manœuvre, comme on le ferait dans un lycée. Voilà tout ! Nous n’oserions donc pas nous faire entendre de la population angevine, si habituée à la bonne musique97. »
57Que ces arguments s’avèrent fondés ou non, ils témoignent du rôle capital que les sociétés instrumentales jouent dans la popularisation de la fête nationale. À partir des années 1885, la population se lasse de la célébration nationale en raison de ses poncifs et d’une déception à l’égard de la politique menée par les gouvernements républicains confrontés à une crise économique. La fête nationale de Cholet en 1888 souffre du même désintérêt. Seules la revue militaire et les courses vélocipédiques ont suscité un certain enthousiasme. Ni la distribution des prix sur le Mail, ni les coups de canon, ni les différents jeux et illuminations, ni même les concerts, bref les « clichés » habituels, ne captivent les Choletais98. Seules les sociétés parviennent encore à rendre la manifestation attractive. Cholet célèbre à nouveau une fête nationale sans transport en 1906. Les spectacles militaires réussissent à éveiller toutefois quelques « échos vibrants », tandis que les concerts donnés par l’Harmonie choletaise et l’Orphéon Sainte-Cécile sont suivis par un public nombreux qui n’y ménage pas ses applaudissements99.
58Le 14 juillet n’est pas la seule commémoration civique à laquelle s’associent les sociétés. Il en est une autre, tout aussi importante dans la diffusion des valeurs républicaines, le Centenaire de la Révolution française. Les pratiques instaurées par la fête nationale s’étendent ainsi au-delà des limites qui lui ont été assignées initialement. Les sociétés instrumentales participent à l’éducation civique de la population en investissant des manifestations telles les inaugurations de bâtiments ou de statues, espaces mêmes où s’affirme par excellence la force publique. Ces sociétés s’y révèlent d’incontournables outils de théâtralisation des idéaux républicains.
Le Centenaire de la Révolution française
59Les républicains savent que les symboles contribuent à la popularité d’un régime. C’est pourquoi, parallèlement à l’œuvre de consolidation politique, ils instaurent un ensemble de rites, de commémorations et d’hommages aux grands hommes. La célébration du Centenaire de la Révolution française est l’un deux. Par sa référence aux événements de 1789, cet anniversaire légitime l’entreprise idéologique des républicains au pouvoir et consacre leur victoire sur le boulangisme. Cet héritage révolutionnaire se traduit par de nombreuses festivités tout au long des années 1889 et 1892. La Fédération des Sociétés musicales de France organise, notamment, le 13 juillet 1889 à Paris, une fête où près de mille musiciens amateurs défilent, de la cour du Louvre au Champ-de-Mars, derrière les bannières des corporations et districts parisiens de 1790100.
60Les principales villes de Maine-et-Loire célèbrent aussi ce centenaire en y associant leurs sociétés. La ville de Cholet commémore, le 5 mai 1889, la première Séance des États généraux. La Fanfare de Cholet donne, en fin d’après-midi, un concert auquel assiste un auditoire fourni. Puis, la Musique du 77e se fait entendre, dans la soirée, sur la place Travot brillamment illuminée101. Les réjouissances de septembre 1892 s’avèrent encore plus somptueuses. La Compagnie des sapeurs-pompiers et la Société de gymnastique défilent dans les rues de Cholet, précédées de la Fanfare municipale et des enfants du collège et des écoles laïques. Le soir, la société instrumentale exécute à nouveau avec entrain plusieurs morceaux de son répertoire102. Le déroulement des festivités d’Angers rappelle certes celui de la Fête nationale, mais intègre davantage d’acteurs civils.
21 septembre | Distribution de secours aux indigents inscrits au Bureau de bienfaisance |
22 septembre | – 8 heures du matin : réunion, dans le jardin du Mail, des élèves des écoles, des Sociétés de secours mutuel et des musiques civiles. |
61La célébration républicaine se dote d’un dispositif musical conséquent. Quatre quartiers de la ville sollicitent, dès la veille au soir, leur musique respective pendant les retraites aux flambeaux. La société Angers-Fanfare accompagne un chœur d’enfants, tandis que les membres de l’Harmonie angevine se produisent revêtus du costume de 1792. Les deux autres retraites ont lieu dans le quartier de la Madelaine avec la Fanfare du IVe arrondissement et dans la Doutre avec l’Harmonie de la Doutre104. Les manifestations du lendemain matin sont tout aussi gourmandes en moyens musicaux. L’Harmonie angevine se joint, au côté de la Compagnie des sapeurs-pompiers, à un premier cortège où paradent les autorités politiques d’Angers. Puis le cortège, augmenté d’une soixantaine de sociétés civiles, défile dans les principales rues de la ville, Angers-Fanfare en tête. Durant le parcours, des hommages en musique sont célébrés devant les statues de personnalités, dont les faits ou les engagements ont servi la cause républicaine105.
62Les commémorations festives ne sont pas les seuls outils dont s’entourent les autorités républicaines pour éduquer la population. La statuaire publique se révèle un instrument pédagogique autant prisé que les grandes cérémonies. Les sociétés instrumentales participent souvent à l’inauguration de statues ou de bustes d’hommes célèbres. En octobre 1880, le maire d’Angers inaugure, en présence du ministre des Affaires étrangères, du sous-secrétaire d’État aux Beaux-Arts et du préfet de Maine-et-Loire, une statue représentant le célèbre sculpteur angevin, David d’Angers. La Société Sainte-Cécile, accompagnée de la Musique municipale, chante une cantate au moment où le voile, qui recouvrait la sculpture, est ôté106. Mais la ferveur populaire n’est pas toujours au rendez-vous. La ville d’Angers sollicite à nouveau, le 3 décembre 1893, les sociétés subventionnées pour l’inauguration de la statue de Michel Chevreul107. Après une remise de récompenses aux sapeurs-pompiers méritants, un cortège, composés de pompiers, d’enfants des écoles, de musiques et de sociétés de secours, se met tant bien que mal en marche pour s’arrêter et s’entasser auprès de la statue. D’interminables discours sont ensuite prononcés par des notabilités locales avant que le buste ne soit dévoilé au public sans grand transport108.
63Cette pratique semble témoigner, en revanche, d’une dynamique tout autre, dès lors qu’elle se pare d’ambitions patriotiques. C’est le cas des fêtes célébrées en l’honneur de Jeanne d’Arc durant les années qui précèdent la Première Guerre mondiale. L’une d’elles consacre, en 1909 à Angers, une statue de l’héroïne. Trois sociétés, la Musique municipale, la Musique du IVe arrondissement et la société Angers-Fanfare prennent part au défilé et à la cérémonie, tandis que les sociétés de gymnastique font résonner leurs tambours et leurs clairons. Les propos tenus par l’initiateur du projet s’inscrivent, sans équivoque, dans une dimension musicale.
« Aux sons de notre Hymne national, après le chant d’une gracieuse cantate, va tomber le voile qui recouvre l’image de la plus pure et de la plus prestigieuse héroïne qu’ait célébrée l’histoire de tous les pays109. »
64À l’issue du discours, la statue est révélée à la population dans une mise en scène soigneusement étudiée. Après le déchirement du voile, Jeanne d’Arc apparaît, les yeux levés vers le ciel, serrant un étendard contre sa poitrine cuirassée. Alors que des applaudissements fusent de tous côtés, les sociétés s’exécutent pendant la présentation des armes par les pompiers et l’élévation des drapeaux des sociétés d’anciens militaires. La cérémonie enchaîne ensuite sur une seconde allocution suivie d’une cantate, L’Hymne à l’Étendard, chanté par un chœur de dames, de jeunes filles et de volontaires de la Sainte-Cécile. La Musique municipale, dirigée par son sous-chef, accompagne les chanteurs. La foule écoute l’œuvre avec recueillement et applaudit chaque strophe avec vigueur. À la fin de la cérémonie, le maire d’Angers remercie chaleureusement les acteurs musicaux de leur participation110.
Un contrat moral
Des exigences inflexibles
65Les règles établies par les sociétés instrumentales ne relèvent pas seulement d’un fonctionnement disciplinaire hérité du modèle militaire. Elles concourent aussi à l’éducation morale de leurs membres qui s’y conforment dès lors qu’ils intègrent l’ensemble instrumental. En se soumettant à des habitudes et des codes, l’instrumentiste coopère à l’instauration d’un univers inédit.
« Avec son organisation, ses idéaux, sa discipline, sa tenue, la vie sociétaire appelle et forme un homme nouveau, un “aristocrate ouvrier” doté d’un comportement civique, raisonnable dans ses loisirs, économe dans ses plaisirs111. »
66L’admission dans une société répond à des critères rigoureux destinés à garantir une cohésion musicale et sociale112. Les sociétés de musique procèdent en quelque sorte à une sélection sociale en exigeant de leurs membres des compétences morales irréprochables. Certaines sociétés se soucient d’ailleurs davantage de la réputation du postulant que de ses aptitudes musicales. Aussi, la plupart s’assurent-elles de la bonne moralité du candidat par un parrainage de deux sociétaires aptes à fournir des informations sur leur filleul si la commission administrative le leur demande113. De son côté, l’impétrant s’engage « à faire preuve de bons sentiments, de fraternité et de s’efforcer de faire régner l’accord le plus parfait114 ». Les sociétés s’entourent ainsi de dispositions statutaires afin de se protéger de toute inconvenance préjudiciable à leur équilibre et leur renommée. Pour entrer dans la Fanfare Angers-Doutre, le prétendant doit non seulement parler un bon français, mais aussi produire un casier judiciaire exempt d’actes dévoyés. Cette même société peut exclure un membre en raison d’une condamnation infamante, de préjudices causés volontairement aux intérêts de la société, ou encore d’actes contraires à l’honneur115. La société Union musicale d’Angers proscrit même les jeux d’argent et exige de ses exécutants une obéissance et un respect infaillibles du chef sous peine d’amende ou d’exclusion116. L’Harmonie choletaise impose à d’éventuels membres incriminables de semblables contraintes. Tout membre actif ayant subi une condamnation correctionnelle ne peut intégrer la société, tandis que le chef de musique peut infliger une amende au musicien qui manifeste par des préludes son mécontentement durant une observation117.
67Tout manquement aux engagements moraux s’accompagne au mieux d’un rappel à l’ordre, au pire d’une sanction. En 1912, la conduite délétère d’un instrumentiste jouant dans la musique régimentaire provoque un vif émoi au sein du 6e régiment du génie. Durant son dernier mois de régiment, le musicien écope de huit jours de prison pour avoir établi une fausse permission. Puis, se voyant refuser une permission, il s’introduit par infraction dans le domicile du chef de musique et l’attend pour lui régler son compte. Le fautif est alors découvert, tapi dans les cabinets, par l’ordonnance de l’officier. Informé des faits, le colonel du régiment convoque immédiatement le musicien puis, après l’avoir interrogé, le fait conduire en prison en attendant sa présentation devant le Conseil de guerre118.
68La Musique municipale d’Angers réprimande aussi les sociétaires qui se dérobent aux prescriptions morales. Au cours d’un concert au Mail en juillet 1886, deux membres titulaires occasionnent des incidents. L’un se présente en état d’ivresse et répond grossièrement au chef qui l’enjoint à exécuter correctement sa partie instrumentale. Prétextant un défaut de partition, l’autre s’assoit et se met à fumer pendant le quadrille final. Le chef de musique parvient à lui faire éteindre sa cigarette sans pour autant le contraindre à reprendre son instrument119.
69Ces deux témoignages montrent que les sociétés instrumentales adoptent des dispositions morales soucieuses du bien-être et de l’hygiène de leurs membres. Elles s’intéressent plus particulièrement au problème de l’alcoolisme. En émettant des mesures dissuasives, les sociétés participent aux politiques gouvernementales de lutte contre l’alcoolisme.
Un souci d’hygiène
70Au XIXe siècle, la consommation de vin et d’alcool connaît, en France, un accroissement remarquable. Dans les années 1880, la Troisième République facilite l’ouverture des débits de boissons au nom de sa politique sur les libertés publiques. Certains quartiers populaires comptent en moyenne près de trois débits pour cinq immeubles. Un discours hygiéniste contrarie cependant cette libéralité en révélant les ravages que provoque l’alcoolisme dans les classes populaires. À partir des années 1890, les dirigeants républicains, sensibilisés aux conséquences dramatiques de l’alcoolisme, changent radicalement d’attitude et adoptent des mesures coercitives pour en endiguer les dangereux effets. L’alcoolisme et la fréquentation des débits sont désormais considérés comme des obstacles au progrès moral et social. Un vaste mouvement antialcoolique, auquel participent les sociétés d’éducation populaire, s’applique alors à dénoncer et combattre les méfaits de l’alcoolisme120.
71Le Maine-et-Loire est un département particulièrement touché par l’éthylisme. La dénonciation de l’alcoolisme y est constante. Angers compte, il est vrai, un débit pour cent soixante-trois habitants en 1891 et cent soixante-cinq en 1911121. Les sociétés vocales et instrumentales font alors valoir que leurs activités éloignent les hommes des lieux de consommation.
« Ces réunions musicales ont pour résultat de retirer la jeunesse des cafés et des mauvais lieux et de leur faire contracter des habitudes de bonne convenance122. »
72Cet argument accompagne presque systématiquement les dossiers d’autorisation déposés à la préfecture, les maires et les sous-préfets, parfois les fondateurs des sociétés eux-mêmes, les utilisant pour appuyer leur demande. Le maire d’Angers soutient, en 1860, la création de l’Orphéon du Tertre en avançant que des parents préfèrent voir leur progéniture s’adonner à de « paisibles habitudes » plutôt que se corrompre dans la fréquentation de cafés et de mauvais lieux123. Le commissaire central de la ville donne également un avis favorable à la constitution de la société vocale en avançant que « tout ce qui intéresse le développement intellectuel et la moralisation des classes ouvrières mérite l’appui de l’administration ». Cet orphéon peut, en effet, donner à de jeunes ouvriers le goût du chant et de la musique, et surtout « leur faire perdre la route des cabarets et autres mauvais lieux124 ».
73Bien que les sociétés instrumentales poursuivent-ils les mêmes buts, leur engagement se montre davantage équivoque. Peu d’entre elles inscrivent dans leur règlement des mesures condamnant l’alcoolisme. Le maire de May-sur-Èvre se contente de constater que la société communale possède « toutes les garanties désirables de moralité et de bonne tenue125 ». À notre connaissance, seuls les établissements Bessonneau entreprennent de fonder une harmonie pour détourner les ouvriers des tentations malsaines et des dangers de l’alcool126. La Société philharmonique de Trélazé prévoit également, dans son règlement, une amende de dix centimes en cas d’ivresse, son montant pouvant doubler si le fait se produit pendant un service.
74Les sociétaires peuvent, en fait, consommer des boissons alcoolisées à de nombreuses occasions. Nulle fête « familiale » ou corporative ne se déroule sans l’indispensable toast. Peu de comptes rendus journalistiques y évoquent les possibles dérives éthyliques. La Fanfare du IVe arrondissement offre, en 1892, un punch pour célébrer ses succès remportés naguère au concours musical de Vimoutiers. La fête se prolonge tard dans la soirée en compagnie de notables locaux127. La société Angers-Fanfare propose, en mars 1895, à ses membres honoraires une soirée musicale suivie d’un punch. Son entrain et sa gaîté laissent aux participants un bon souvenir128. Les commentaires des banquets sont en revanche plus explicites. Le banquet annuel des membres honoraires de la Fanfare du IVe arrondissement est marqué par une succession de toasts. Le président termine son évocation des derniers voyages de la fanfare en levant son verre en l’honneur des présidents d’honneur, des membres honoraires et du directeur musical. L’un des présidents d’honneur porte ensuite un toast à la prospérité de la société et à la santé des dames présentes. Le président de la Commission des fêtes clôt enfin la série des toasts par des remerciements aux éloges qui lui ont été adressés129. Le récit du banquet de la Sainte-Cécile célébrée par l’Harmonie saumuroise en novembre 1892 insiste sur la qualité des vins servis à l’occasion d’un copieux repas130. En avril 1900, les fêtes des président et vice-président de cette même société ne dégénèrent qu’en une « raisonnable » bacchanale.
« Les auditeurs mangeaient des gâteaux, buvaient de l’excellent Bouvet-Ladubay ou fumaient des cigarettes délicieuses, car de tout cela, il y eut à profusion pendant toute la durée de la réception […]. Jusqu’à près de six heures, ce fut un continuel éclat de rire, une douce beuverie dont on usa, car le champagne était bon, mais dont on n’abusa pas pour jouir, de sang-froid, de cette vraiment belle fête131. »
75Les sociétés ne tolèrent en revanche aucun écart de conduite pendant les représentations publiques, leur image ne pouvant souffrir d’un quelconque discrédit. La Musique municipale d’Angers se montre particulièrement inflexible. Un musicien ivre est renvoyé sans ambages par le chef de musique avant que le concert ne débute132, tandis que la commission administrative sanctionne lourdement deux instrumentistes saouls par une amende de quinze francs et une suppression de l’allocation de concert133.
76Enfin, ces préoccupations hygiéniques se manifestent dans des domaines certes marginaux, mais néanmoins consignés par quelques sociétés. La Musique municipale de Saumur interdit formellement à ses membres de fumer dans la salle de répétition, tout contrevenant s’exposant à une amende néanmoins modique134. La société de Beaufort-en-Vallée adopte une disposition statutaire identique et défend également ses membres d’amener leur chien pendant les répétitions. Ces témoignages restent cependant anecdotiques et ne peuvent constituer de véritables exigences morales. Ce qu’il faut plutôt retenir des principes d’hygiène sociale défendus par les sociétés instrumentales, c’est qu’ils se traduisent davantage par des réalisations concrètes que des statuts consignés dans leur règlement.
77Nous nous sommes intéressé, jusque-là, aux seules fonctions utilitaires des sociétés, à savoir encadrer et éduquer la population. Il en reste une qui à elle seule justifie l’engouement du public et des dirigeants pour cette forme de pratique musicale. Les sociétés instrumentales sont également des outils récréatifs que les fêtes de la Troisième République sollicitent fréquemment.
Notes de bas de page
1 Mayeur Jean-Marie, op. cit., p. 111-119.
2 Landormy P., « L’enseignement de la musique dans les établissements d’instruction publique », Le Courrier musical, no 3, 1er février 1908, p. 78-80.
3 Daubresse M., « La faillite de l’Art », Le Courrier musical, nos 17/18, 1er-15 septembre 1911, p. 559 et 560.
4 Van de Velde Ernest, La musique symphonique et le peuple : l’éducation musicale du peuple (étude-conférence), Paris, Le Journal musical, 1899.
5 Ibid., p. 16.
6 Ibid., p. 22.
7 Krulic Brigitte, « Peuple et Volk : réalité de fait, postulat juridique », Sens-public. org, publication en ligne reprenant les principales communications présentées lors d’une journée d’étude organisée à l’université Paris X-Nanterre le 10 décembre 2005, février 2007, p. 3 et 4.
8 Voir Julliard Jacques, « Un siècle d’ego… et d’égaux », Le Nouvel Observateur, Spécial XIXe, le siècle de tous les possibles, no 2250/2251, 20 décembre 2007.
9 Julliard Jacques, « Le peuple », inNora P. (dir.), Les lieux de mémoires, t. 3, Paris, Gallimard, coll. « Quarto », 1re éd. 1984, édition de 1997. Deus ex machina de l’histoire contemporaine, le peuple serait, selon Jacques Julliard, un acteur légitimant et agissant de la démocratie. Agent historique et principe spirituel de la démocratie, le peuple se réfère, selon les périodes, à une catégorie sociale, ou, au contraire, sublime, au nom d’un concept politique englobant, toutes les distinctions sociales. Sa polysémie en fait donc une entité énigmatique et ambiguë dont les contours se révèlent indistincts.
10 Voir Pessin Alain, Le mythe du peuple et la société française du XIXe siècle, Paris, PUF, 1992 ; Michelet Jules, Le Peuple, Paris, Flammarion, 1846 (reprint 1974).
11 Gumplowicz Philippe, « Le rêve et la mission, La musique et le peuple en France 1789-1848 », Les sociétés de musique en Europe, 1700-1920, Structures, pratiques musicales, sociabilités, Berlin, Berliner Wissenschafts-Verlag, 2007, p. 373.
12 Corbin Alain, op. cit., p. 18.
13 La Petite Loire, 27 décembre 1904.
14 La Petite Loire, 14 février 1905.
15 La Petite Loire, 21 mai 1895.
16 La Petite Loire, 9 avril 1895.
17 La Petite Loire, 28 mars 1907.
18 L’Intérêt public, 11 juin 1882.
19 Ibid.
20 Le Journal de Maine-et-Loire, 14 juillet 1880.
21 La Petite Loire, 17 septembre 1895.
22 La Petite Loire, 31 décembre 1907.
23 La Petite Loire, 30 mai 1895.
24 La Petite Loire, 3 mai 1898.
25 La Petite Loire, 10 février 1903.
26 La Petite Loire, 23 janvier 1902.
27 Bellier Olivier, op. cit., p. 143.
28 Leroux-Cesbron Charles, Souvenirs d’un maire de village, Paris, 1898, p. 194. Cité par Bellier O., op. cit., p. 145.
29 Le Journal de Maine-et-Loire, 17 février 1905.
30 Fauquet Joël-Marie, « Les débuts du syndicalisme musical en France », La Musique : du théorique au politique, Paris, Aux Amateurs de Livres, 1991, p. 221.
31 Hector Berlioz alimente la polémique par de vibrants écrits où il fustige et encense à la fois le musicien et le public amateurs. Le compositeur ironise notamment sur le « dilettante » dès lorsque celui-ci n’a de considération que pour la musique italienne ou détermine la valeur des œuvres musicales, bien que dénué de compétences en la matière (Le Corsaire, « Les Dilettanti », 11 janvier 1824). Après une série de concerts donnés avec succès au Grand Théâtre de Lyon en juillet 1845, Berlioz remercie chaleureusement les amateurs d’un cercle musical pour leur généreuse et talentueuse contribution (Berlioz Hector, Le musicien errant : 1842-1852 (Correspondance), Paris, Calmann-Lévy, 1919, p. 108 et 109).
32 Carraud Gaston, « De la musique d’amateur », Le Courrier musical, no 4, 1er février 1907, p. 93-99.
33 Ibid., p. 94.
34 Soullier Charles, « Amateur », Dictionnaire de musique complet, Paris, Alphonse Leduc Éditeur, 1855.
35 Riemann Hugo, Dictionnaire de la Musique, 2e édition française remaniée et augmentée par Georges Humbert, Lausanne, Librairie Payot et Cie, 1913.
36 Fauquet Joël-Marie, « Amateur », Dictionnaire de la musique en France au XIXe siècle, op. cit., p. 38.
37 L’Intérêt public, 18 janvier 1891.
38 Le Journal de Maine-et-Loire, 20 juin 1872.
39 La Petite Loire, 27 juillet 1897.
40 La Petite Loire, 8 septembre 1908.
41 La Petite Loire, 18 novembre 1890.
42 La Petite Loire, 30 août 1904.
43 La Petite Loire, 27 juin 1899.
44 L’Écho saumurois, 6 juin 1883.
45 La Petite Loire, 30 juillet 1907.
46 La Petite Loire, 22 septembre 1912.
47 La Petite Loire, 14 juillet 1908.
48 Cette ambiguïté se confirme d’autant plus que les activités musicales des sociétés instrumentales civiles témoignent d’une diversité et d’une densité dignes des phalanges régimentaires. De plus, les musiciens, qui composent les musiques municipales, sont également rétribués pour les concerts et les services qu’ils effectuent.
49 Schiller Friedrich, Briefe über die ästhetische Erziehung des Menschen, Lettres sur l’éducation esthétique de l’homme, traduction de l’allemand et préface par Robert Leroux, édition mise à jour par Michèle Halimi, Paris, Aubier, 1992.
50 Introduction à l’ouvrage sur Internet : Alain Kerlan, université de Laval « Un texte fondateur : Les Lettres sur l’éducation esthétique de l’homme », http://perso.orange.fr/alain.kerlan/Schiller.htm ; Kerlan Alain, L’art pour éduquer ? La tentation esthétique. Contribution philosophique à l’étude d’un paradigme, Québec, Presses de l’université Laval, 2004.
51 Daubresse M., « La musique considérée comme un stimulant », Le Courrier musical, no 8, 15 avril 1909, p. 267.
52 Mussat Marie-Claire, Musique et Société à Rennes aux XVIIIe et XIXe siècles, Genève, Éditions Minkoff, 1988, p. 303.
53 Radiguer Henri, « L’orphéon », Encyclopédie de la musique et dictionnaire du conservatoire, deuxième partie (pédagogie, écoles, concert, théâtres), vol. 6, Paris, Delagrave, 1913, p. 3715.
54 L’arrêté du 18 janvier 1887 prévoit notamment, pour les écoles primaires, l’apprentissage de petits chants dans la classe enfantine. L’enseignement musical se poursuit ensuite, dans le niveau élémentaire, par la lecture de notes en clé de sol, tandis que le cours moyen adjoint la dictée. Le niveau supérieur conclut cette instruction par la lecture en clé de fa, des éléments de tonalité et l’exécution vocale de morceaux à deux voix.
55 La Petite Loire, 10 mai 1891.
56 Voir Ralph P. et Locke, Les Saint-Simoniens et la Musique, Liège, Mardaga, 1992 ; Musso Pierre, La religion du monde industriel : Analyse de la pensée de Saint-Simon, La Tour-d’Aigues, Éditions de l’Aube, 2006.
57 Radiguer Henri, op. cit., p. 3715.
58 Clodomir P., op. cit., p. 134.
59 L’Écho saumurois, 4 et 5 juin 1886.
60 La Petite Loire, 14 février 1893.
61 Le Patriote de l’Ouest, 17 octobre 1905.
62 Archives municipales d’Angers, 1 I 155, documents relatifs aux visites de ministres à Angers.
63 La Petite Loire, 19 octobre 1905.
64 Le Journal de Maine-et-Loire, 4 mai 1870.
65 L’Intérêt public, 21 septembre 1890.
66 Le Journal de Maine-et-Loire, 30 novembre 1908.
67 La Petite Loire, 30 mars 1909.
68 L’Écho saumurois, 4 et 5 mai 1883.
69 L’Intérêt public, 16 avril 1893.
70 Archives départementales du Maine-et-Loire, 40 M 24, article no 19 du règlement de la Fanfare du marquis de Foucault, 20 mai 1883.
71 Le Journal de Maine-et-Loire, 13 décembre 1877.
72 Le Journal de Maine-et-Loire, 12 septembre 1878.
73 Les villes de Saumur et Cholet hébergent aussi un établissement d’enseignement musical dont la fondation ne relève pas des sociétés instrumentales. Saumur se dote, en 1807, d’un Conservatoire impérial qui devient, en 1822, une École gratuite de solfège et de chant. C’est Alexandre-Étienne Choron qui suggère cette idée au maire de Saumur à l’occasion de son passage dans la ville en décembre 1821. Le musicien entreprend, en effet, une grande tournée dans le Sud-Ouest de la France pour découvrir et recruter des élèves pour son École royale de chant. Cholet n’accueille, en revanche, une école de musique privée qu’à partir de 1921.
74 Le Journal de Maine-et-Loire, 12 septembre 1878.
75 Gumplowicz Philippe, Les Travaux d’Orphée, 150 ans de vie musicale amateur, harmonies, fanfares, chorale, op. cit., p. 170 et 171.
76 Le Journal de Maine-et-Loire, 2 septembre 1874.
77 La Petite Loire, 26 juillet 1903.
78 Amalvi C., « Le 14 juillet, du Dies Irae à Jour de fête », inNora P. (dir.), Les lieux de mémoires, t. 1, Paris, Gallimard, coll. « Quarto », 1re éd. 1984, édition de 1997, p. 423 et 429.
79 Clodomir P., op. cit., p. 134.
80 Mayeur Jean-Marie, op. cit., p. 156.
81 Amalvi C., op. cit., p. 439.
82 L’Intérêt public, 18 juillet 1880.
83 L’Écho saumurois, 11 juillet 1885.
84 La Petite Loire, 10 juillet 1892.
85 L’Intérêt public, 20 juillet 1902.
86 Ibid.
87 L’Intérêt public, 20 juillet 1884.
88 L’Intérêt public, 18 juillet 1897.
89 L’Intérêt public, 22 juillet 1883.
90 L’Intérêt public, 17 juillet 1881.
91 L’Intérêt public, 16 juillet 1882.
92 La Petite Loire, 16 juillet 1907.
93 Le Journal de Maine-et-Loire, 11 juillet 1889 et 1901, 7 juillet 1910.
94 Le Journal de Maine-et-Loire, 14 juillet 1880.
95 Cette perception de l’hymne national reste minoritaire dans le département, malgré une culture conservatrice. Comme dans la plupart des régions françaises, ce chant porte, à partir de la Belle Époque, les aspirations patriotiques de la population. Au cours de la fête nationale de 1899 à Cholet, l’exécution de La Marseillaise par l’Harmonie choletaise déclenche, pendant l’envol d’un aérostat, de frénétiques applaudissements. Les deux concerts donnés par la Musique municipale de Saumur le 14 juillet 1908 se terminent sur une Marseillaise ovationnée par le public et accompagnée de cris de « Vive la République ».
96 Le Journal de Maine-et-Loire, 17 juillet 1880.
97 Archives municipales d’Angers, 1 I 207, lettre du colonel du 2e régiment d’artillerie-pontonniers adressée au maire d’Angers, 6 juillet 1880.
98 L’Intérêt public, 22 juillet 1888.
99 L’Intérêt public, 22 juillet 1906.
100 Ory Pascal, « Le centenaire de la révolution française », inNora P. (dir.), Les lieux de mémoires, t. 1, Paris, Gallimard, coll. « Quarto », 1re éd. 1984, édition de 1997, p. 540.
101 L’Intérêt public, 12 mai 1889.
102 L’Intérêt public, 25 septembre 1892.
103 Le Journal de Maine-et-Loire, 17 septembre 1892.
104 Le Journal de Maine-et-Loire, 23 septembre 1892.
105 Le Journal de Maine-et-Loire, 24 septembre 1892.
106 L’Intérêt public, 31 octobre 1880.
107 Michel Chevreul est né à Angers le 31 août 1786. Il y commence des études de médecine et est reçu docteur à Reims en 1777. Il revint l’année suivante dans sa ville natale où il est admis comme maître en chirurgie. Il se spécialise alors dans l’art des accouchements puis l’enseigne à partir de 1778. Décoré de la Légion d’honneur en 1835, il s’éteint en 1845 à l’âge de quatre-vingt-onze ans. Ses ouvrages et ses articles sur l’accouchement font références dans le milieu médical.
108 Le Journal de Maine-et-Loire, 4 et 5 décembre 1893.
109 Le Journal de Maine-et-Loire, 28 juin 1909.
110 Ibid.
111 Gumplowicz Philippe, op. cit., p. 172.
112 Bellier Olivier, op. cit., p. 65 et 66.
113 Archives départementales de Maine-et-Loire, 40 M 24, article no 7 du règlement de la société Union musicale d’Angers, 7 janvier 1895.
114 Archives départementales de Maine-et-Loire, 40 M 26, La Lyre de Durtal, 1894.
115 Archives départementales de Maine-et-Loire, 40 M 24, articles nos 4 et 7 du règlement de la fanfare d’Angers-Doutre, 6 décembre 1897.
116 Ibid., articles nos 15 et 16 du règlement de la société Union musicale d’Angers, 7 janvier 1895.
117 Archives départementales de Maine-et-Loire, 40 M 27, articles nos 9 et 22 du règlement de l’Harmonie choletaise, 13 mars 1895.
118 Le Journal de Maine-et-Loire, 26 septembre 1912.
119 Registre de la Musique municipale d’Angers, vol. 1, 9 novembre 1886, p. 81.
120 Voir Lalouette Jacqueline, « Alcoolisme et classe ouvrière en France aux alentours de 1900 », Les Cahiers d’histoire, no 1997-1, Comité historique du Centre-Est, Lyon, 1997 ; Nourrisson Didier, Le buveur du XIXe siècle, Paris, Albin Michel, 1990.
121 Chassagne S., op. cit., p. 221.
122 Archives municipales d’Angers, 2 R 63, lettre du commissaire central de police d’Angers appuyant la demande de création de l’Orphéon d’Angers, 22 mai 1860.
123 Archives départementales de Maine-et-Loire, 40 M 24, lettre du maire d’Angers au préfet, 29 juin 1860.
124 Archives départementales de Maine-et-Loire, 40 M 24, lettre du commissaire central de la ville d’Angers au préfet, 12 avril 1864.
125 Archives départementales de Maine-et-Loire, 40 M 27, lettre du maire de May-sur-Èvre au sous-préfet de Cholet, 28 avril 1881.
126 Chassagne S., op. cit., p. 207.
127 Le Journal de Maine-et-Loire, 17 et 18 octobre 1892.
128 Le Journal de Maine-et-Loire, 10 mars 1895.
129 Le Journal de Maine-et-Loire, 1er décembre 1903.
130 La Petite Loire, 29 novembre 1892.
131 La Petite Loire, 24 avril 1900.
132 Registre de la Musique municipale d’Angers, vol. 1, 22 août 1886, p. 71.
133 Ibid., vol. 2, 7 septembre 1898, p. 22.
134 Archives départementales de Maine-et-Loires 40 M 28, article no 12 du règlement de la Musique municipale de Saumur, 6 décembre 1897.
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