Chapitre I. Facteurs économiques et sociaux
p. 21-51
Texte intégral
Les activités économiques
Secteur rural
1Le Baugeois, le Saumurois et la Vallée (de la Loire) accueillent la plupart des fanfares et harmonies du département. Ces régions possèdent des ressources naturelles et économiques propres. Elles se différencient les unes des autres par les activités humaines, l’habitat, l’occupation des sols, les productions végétales et minérales. Elles se caractérisent surtout par une activité agricole originale.
Une influence bénéfique
2Les observations de Célestin Port1 font apparaître, dans les années 1890, des situations agricoles diversifiées qui ont probablement influencé l’implantation et le développement des sociétés instrumentales. Les sociétés semblent se fixer davantage dans les zones économiquement dynamiques et d’habitat groupé, les espaces bocagers et d’habitat dispersé du Segréen et des Mauges, caractérisés par des activités agricoles plus traditionnelles, accueillant un nombre de sociétés moindre. Cultures céréalières, maraîchères, vergers et domaines viticoles contribuent ainsi à la richesse du Baugeois, du Saumurois et de la Vallée de la Loire. Bien qu’il soit difficile d’établir objectivement une corrélation entre une situation économique et un mouvement culturel, la dynamique humaine et les revenus générés par une activité économique influent sur le mode de vie et les divertissements de la population.
3L’exemple de la culture de la vigne est particulièrement significatif. Même si les exploitations viticoles ne sont pas directement responsables de la création d’une harmonie ou d’une fanfare, ce type de culture encourage des formes de sociabilité plus ouvertes. Les coteaux de Loire, notamment ceux du Layon et de l’Aubance, concentrent ainsi près du quart du nombre de sociétés dans un espace relativement restreint. Dans une moindre mesure, la production et le commerce de vins champagnisés, alcools et liqueurs, du Saumurois, dont le chiffre d’affaires est évalué par C. Port à 14 millions de francs en 1872, favorisent l’installation de sociétés dynamiques (fanfares de Saint-Hilaire-Saint-Florent, Turquant et Varrains). Ce phénomène est également observable dans le Beaugeois. Réputées pour leurs cultures de céréales et de chanvre, les communes de Beaufort-en-Vallée et de Baugé, et les localités environnantes abritent de nombreuses musiques soutenues activement par les autorités locales.
Une empreinte citadine
4L’impact des activités agricoles sur le développement des sociétés instrumentales reste cependant difficile à appréhender, bien que les revenus générés par des productions végétales spécifiques aient pu encourager de jeunes gens à fonder une société et susciter des formes originales de divertissement. Les sociétés implantées en zones rurales semblent davantage être influencées par un modèle urbain que par un mode de vie exclusivement rural. Cette problématique soulève la question de l’inscription du mouvement orphéonique dans une dynamique citadine. En d’autres termes, il s’agit de savoir si les musiques urbaines ont joué un rôle majeur dans la création et l’expansion des sociétés en milieu rural. Et si cette hypothèse s’avérait juste, nous pourrions considérer que les sociétés rurales établissent un trait d’union entre la ville et la campagne. Plusieurs éléments corroborent notre raisonnement.
5D’une part, parallèlement à leur activité de direction dans d’importantes harmonies citadines, des chefs de musique sont sollicités par un ou plusieurs villages voisins pour diriger la fanfare municipale. Ces directeurs « exportent » ainsi des pratiques musicales qu’ils exercent en milieu citadin et offrent leurs compétences à des ensembles instrumentaux de qualité moyenne. Auguste Gaultier, chef de l’Harmonie choletaise depuis 1895, fait accomplir à la Société de musique de la ville de Chemillé, créée en novembre 1895, des progrès à l’occasion d’un concours musical à Ancenis en 18992.
6D’autre part, les localités rurales organisent des festivals orphéoniques, qui rassemblent des sociétés vocales et instrumentales de Maine-et-Loire et des départements limitrophes, en s’inspirant des manifestations musicales citadines du même type. Vivy, petite commune située dans le Saumurois, propose, en 1894, un festival de musiques d’harmonies et de fanfares. Pas moins de neuf ensembles instrumentaux répondent à l’invitation de la municipalité et se font entendre successivement pendant un concert donné sur la place de l’église. La fête musicale se clôture par une exécution collective de l’incontournable Marseillaise, très appréciée du public venu spécialement de Saumur et de ses environs. Les rues de Vivy se parent de somptueuses décorations patriotiques, comme le ferait la ville de Saumur en une pareille occasion. Les maisons s’ornent de drapeaux et de lanternes vénitiennes, tandis que la place de l’église accueille un kiosque de verdure piqué de verres multicolores et enguirlandé de girandoles3.
7Enfin, en se rendant sur leur lieu de manœuvre, les régiments d’infanterie des 77e et 135e, installés à Cholet et Angers, font entendre leur musique dans les villages qu’ils traversent. Organisateurs occasionnels de spectacles où se mêlent musique et autres arts, les responsables militaires en profitent pour exalter les sentiments patriotiques d’une population rurale dont les divertissements sont rares. En septembre 1888, le 77e entre magistralement à Vihiers au son d’un énergique pas redoublé. La tenue et l’entrain du régiment font l’admiration de tous4.
8Ces témoignages montrent bien que les sociétés citadines exercent davantage d’influence sur les sociétés rurales que les ressources agricoles et les comportements qui en découlent. Bellier considère néanmoins que les sociétés urbaines et rurales se différencient les unes des autres par leur répertoire, leur recrutement, leurs motivations et leur état d’esprit. Les sociétés urbaines se caractérisent par un recrutement populaire et un encadrement davantage bourgeois. Elles bénéficient d’un soutien financier plus important et plus régulier qui favorise un niveau musical élevé et un répertoire de meilleure qualité. En revanche, les sociétés implantées en milieu rural relèvent d’une création plus spontanée. Le recrutement semble plus jeune et moins populaire. Le niveau musical y est aussi plus faible5. S’il est un domaine en revanche où les actions humaines façonnent les comportements et les structures des sociétés instrumentales, c’est bien celui des activités industrielles.
Secteur industriel
9Contre toute attente, les activités industrielles, textiles et minières de Maine-et-Loire participent assez peu au développement des sociétés de musique, contrairement aux régions françaises du Nord dont les industries métallurgiques et textiles génèrent une activité orphéonique florissante. L’ensemble des manufactures de toiles et tissus du Choletais et d’Angers ne possède aucune société instrumentale. Ce constat est également identique non seulement pour les exploitations d’ardoise et de pierre de taille du Segréen, mais aussi pour les ardoisières trélazéennes. Les Mauges et le Segréen accueillent ainsi un petit nombre de sociétés, et encore de manière assez dispersée géographiquement. À notre connaissance, seules deux entreprises possèdent leur propre société, les Établissements Bessonneau et la firme de vins champagnisés Bouvet-Ladubay.
La Lyre de l’Anjou
10La Société anonyme des filatures, corderies et tissages d’Angers6, dont la fondation juridique remonte au 17 décembre 1901, entretient une musique à partir de 1897, la Lyre de l’Anjou. Vitrine économique et symbole de paix sociale, la Lyre de l’Anjou s’inscrit dans cette culture d’entreprise instituée par les grands capitaines d’industrie du dernier tiers du XIXe siècle. Elle s’appuie notamment sur deux des trois valeurs énoncées par Julien Bessonneau dans ses textes fondateurs de l’entreprise : le culte du travail et de l’usine, et le paternalisme social.
11Attaché à une « réhabilitation du travail destinée à éclairer puis à gratifier l’ouvrier jusque-là accoutumé à concevoir son labeur quotidien comme une tare infamante7 », J. Bessonneau invite l’harmonie à se produire non seulement durant les soirées musicales de fin d’année devant le personnel de l’usine dans la grande salle du cirque-théâtre d’Angers, mais aussi en de nombreuses occasions festives rythmant la vie de l’entreprise, tels les vœux de nouvelle année ou encore les concerts de bienfaisance, bref soulager le labeur quotidien du travailleur par les effets « adoucissants » de l’art musical8.
12Forte de vingt musiciens à sa fondation, soixante en 1900, la Lyre de l’Anjou, sous la direction de son chef J. Garnier, « excellent musicien et critique musical érudit et consciencieux9 », participe aux œuvres sociales de l’entreprise au côté d’un service de consultations médicales gratuites mis en place en 1888 et d’une caisse de secours créée en 1889. Jusque-là, Bessonneau s’était contenté de mener son œuvre par les seuls moyens de l’administration positive. Avec la création d’une société d’usine, l’industriel promeut ses intérêts économiques et moraux au-delà des murs de son usine.
« C’est alors qu’il songea à la musique et décida la création de la musique de son usine, dont l’organisation toute militaire est certainement parfaite. M. Bessonneau assure tous les frais d’entretien […]. Elle donne des concerts tous les jeudis, pour le personnel à la sortie de l’usine. Elle se fait entendre dans les jardins publics d’Angers, pendant l’absence des musiques militaires parties en manœuvres. Elle prête son concours aux concerts de bienfaisance. Chaque année, la Lyre d’Anjou rehausse le prestige d’une grande fête familiale, dans laquelle se cimente l’union du personnel de l’usine autour du chef10. »
13Cette description semble conforter l’appartenance de la Lyre de l’Anjou aux musiques, dites d’« usine », dont l’objectif est de procurer « une agréable et saine distraction à ses ouvriers et développer en eux le goût des arts11 ». Cependant, ses modes de fonctionnements, ses pratiques musicales et son financement relèvent des musiques municipales. Sa durée de vie est par ailleurs assez courte. Fondée seulement en 1897, et donc assez tardivement dans le mouvement général des sociétés de Maine-et-Loire, elle disparaît définitivement en 1911.
La Fanfare de Saint-Hilaire-Saint-Florent
14L’histoire de la Fanfare de Saint-Hilaire-Saint-Florent témoigne de cette même ambiguïté et propose des caractéristiques assez semblables à celles de la Lyre de l’Anjou. Cette fanfare apparaît dans un environnement rural précocement marqué par une identité viticole. En effet, c’est dès 1811 que Laurance Ackerman fonde une maison de négoce des vins de la région et développe, à partir de 1820, l’industrie des vins champagnisés en adoptant la méthode champenoise pour les vins blancs de Saumur. Cette activité prend son véritable essor au milieu du XIXe siècle avec la constitution des grandes sociétés que nous connaissons encore aujourd’hui12.
15Animé par un élan philanthropique et paternaliste, Jules Bouvet se préoccupe des loisirs et du bien-être de ses ouvriers en participant à la construction du vélodrome de Saumur, en élevant un petit théâtre ouvert à tous les habitants de la commune, et surtout en permettant la création d’une fanfare constituée d’employés volontaires en 1900. Cette société s’entoure de compétences musicales avérées afin de servir l’image de l’entreprise. Marcellin Messageot en est l’un des directeurs les plus prestigieux. Né le 23 août 1864 à Quintigny (Jura), il poursuit une carrière musicale dans la Musique du 98e régiment de ligne après l’obtention d’un premier prix de cor d’harmonie au Conservatoire de musique de Lyon en 1889. De retour à la vie civile, il s’installe avec sa famille, en 1904, à Saint-Hilaire-Saint-Florent. Messageot est alors employé par la Maison Bouvet-Ladubay comme caissier-taxateur. André Girard, directeur de l’entreprise, décèle chez son employé des qualités musicales lui permettant de diriger la fanfare. Cette décision propulse, en quelques années, la Fanfare de Saint-Hilaire-Saint-Florent au plus haut niveau musical. Dans le même temps, Messageot dirige les fanfares de Varrains et de Langeais. Il joue aussi dans les rangs de la Musique municipale de Saumur, au pupitre des cornets à pistons ou des cors d’harmonie. Cette dernière fonction le conduit, en 1912, à proposer sa candidature au poste de directeur de la Musique municipale de Saumur. Craignant le départ de Messageot, Girard veut s’attacher le service exclusif du chef de musique en le menaçant d’un licenciement13. Messageot accepte malgré tout de diriger la Musique municipale de Saumur. En trois ans seulement, il parvient à renouveler la presque totalité du répertoire et des instruments. L’orchestre s’accueille également quinze nouveaux élèves14.
16Les liens qui unissent l’entreprise viticole à la fanfare sont également évoqués dans les comptes rendus journalistiques des premières festivités auxquelles participe la jeune société instrumentale. En 190115, Jean de la Reule journaliste au journal La Petite Loire, nous apprend que les quelque cinquante membres honoraires de la fanfare comprennent non seulement le fondateur de l’entreprise, Bouvet père, mais aussi son dirigeant, André Girard. Ce dernier y occupe aussi la prestigieuse fonction de président. L’article relatant le succès de la fanfare au concours musical de La Roche-sur-Yon révèle le rôle actif de Girard dans la création de la société. Fondée sous le patronage de Girard, la société réalise rapidement d’importants progrès qui lui permettent de remporter de brillants succès dans les concours16.
17Dès lors, la fanfare ne manque pas de se produire en de nombreuses occasions dans le petit théâtre de la Maison Bouvet-Ladubay, rendant ainsi hommage à ses généreux protecteurs. L’attachement et l’intérêt que porte Bouvet à la Fanfare de Saint-Hilaire-Saint-Florent font à première vue de cette société instrumentale une « musique d’usine ».
« La Fanfare de Saint-Florent ! C’était le dieu de M. Bouvet-Ladubay, cet homme, qui grâce à ses bienfaits, l’a créée de toutes pièces, en a fait une compagnie admirable et a voulu que son œuvre restât et fût toujours vivante et belle au milieu de la population de Saint-Florent qu’il aimait, qu’il adorait même. Il rêvait grand pour sa fanfare et, en 1900, quand elle marcha toute seule, lorsqu’elle s’imposa par ses propres mérites, il n’hésita pas à lui faire construire pour abriter ses “sonorités” une véritable bonbonnière qu’il installa au cœur du bourg et qui porte un nom qui rallie toute la commune comme un drapeau : la Salle des Fêtes Bouvet-Ladubay. Depuis longtemps, on me parlait de ce temple de la musique construit spécialement pour elle, mais je ne pouvais rêver quelque chose d’aussi coquet, d’aussi joli. Je savais que M. Bouvet-Ladubay n’avait rien marchandé pour faire bien, mais je ne pensais pas qu’il eût voulu dépenser l’or en quantité pour offrir un tel bijou à sa chère Fanfare et je fus ébloui lorsque j’entrai dans ce palais de la musique que tout Saint-Hilaire-Saint-Florent et… une partie de Saumur avaient littéralement envahi17. »
Un fonctionnement commun aux musiques municipales
18Comme pour la Lyre de l’Anjou, le classement de la Fanfare de Saint-Hilaire-Saint-Florent dans la catégorie « musique d’usine » mérite cependant quelques nuances. Les statuts de création, soumis aux autorités préfectorales le 12 avril 1900, font apparaître de nombreux points communs avec une musique municipale. La société circonscrit ses activités à l’étude et à l’exécution de compositions instrumentales. Elle est administrée par une commission composée d’un chef de musique, d’un président, d’un vice-président, d’un trésorier, d’un secrétaire, d’un archiviste-bibliothécaire et de quatre commissaires. Les décisions les plus importantes sont discutées et votées en assemblée générale. L’ensemble instrumental accueille également des membres honoraires et titulaires dont le recrutement et l’expulsion éventuelle font l’objet de modalités précises. Tous les membres doivent s’acquitter d’une cotisation annuelle et se soumettre à des règles de vie strictes pendant les répétitions et les concerts, faute de quoi ils s’exposent à des amendes.
19La gestion financière relève uniquement de la commission administrative. Le règlement n’évoque pas le versement de subventions par l’entreprise Bouvet-Ladubay. Seul l’article 24 du règlement concernant la gestion du parc instrumental laisse entendre un léger soutien matériel de la Maison Bouvet-Ladubay. En cas de dissolution de la société, l’entreprise viticole se réapproprie, dans un premier temps, les instruments qu’elle a prêtés, tandis que les morceaux de musique et le matériel sont entreposés dans un local en attendant le règlement des comptes. Ces effets sont ensuite vendus aux enchères ou à l’amiable, ou bien conservés pour une société reconstituée qui prendrait à sa charge la valeur attribuée à ce matériel18.
20La durée de vie de cette fanfare rappelle également celle de la Lyre de l’Anjou, celle-ci étant créée seulement en 1900, alors que l’entreprise existe depuis 1851, et semble péricliter à partir des années 1912 au moment où Messageot quitte la société pour prendre la direction de la Musique municipale de Saumur.
21Ce type de société reste donc exceptionnel en Maine-et-Loire. L’essor des sociétés du département s’inscrit dans un paysage rural marqué par un développement sans rupture et s’appuie sur un patrimoine agricole. En ce sens, l’histoire des sociétés instrumentales de l’Anjou pourrait différer assez radicalement de celle des régions du Nord de la France pleinement ancrées dans un espace industriel, minier et sidérurgique.
« Une évidence s’impose d’emblée : Angers n’a pas connu de “révolution industrielle”, si l’on entend par là l’apparition de forces productives entièrement nouvelles, filles de “l’âge carbonifère”. Tout son essor s’opère dans le cadre des activités anciennes, héritées de l’Ancien Régime, et prend appui sur les transformations structurelles du siècle19. »
22À défaut d’une infrastructure industrielle convaincante, il semble que les aménagements fluviaux, routiers et ferroviaires, dont le Maine-et-Loire bénéficie tout au long du XIXe siècle, jouent un rôle indéniable dans l’apparition des sociétés de musique.
Les infrastructures de transport
23La plupart des sociétés instrumentales apparaissent sur des axes de communication naturels ou dans des zones bénéficiant d’une infrastructure routière et ferroviaire conséquente20.
Axes fluviaux
24S’il existe en Maine-et-Loire un espace naturel qui a profondément marqué les mœurs et les activités humaines, c’est bien celui de la Loire. Les activités économiques et les échanges commerciaux du fleuve ont encouragé l’implantation de villages alignés sur la levée ou éparpillés dans les vallées adjacentes, et donc généré des lieux de sociabilité dans lesquels la population, essentiellement marinière, aspire à des divertissements culturels.
25La Loire s’est toujours révélée un « excellent moyen de transmission des nouvelles, bonnes ou mauvaises, naissances, maladies, accidents ou décès, qui arrivaient aux intéressés sous forme d’informations successives passées d’un bateau à l’autre21 ». Bien que nous n’ayons découvert aucun témoignage évoquant des échanges musicaux, via le fleuve, encore moins un répertoire instrumental spécifique ou empruntant aux chansons de mariniers, des informations musicales, tels des résultats de concours ou l’invitation à participer à un festival orphéonique, ont pu être éventuellement véhiculées d’une société à une autre par ce biais.
Axes routiers
26Le réseau routier, souvent doublé d’une voie ferrée pour les axes les plus empruntés, a probablement participé au développement des sociétés instrumentales, malgré l’absence, là aussi, de preuves tangibles. Ce type de réseau favorise les échanges économiques et humains. Le phénomène est particulièrement perceptible dans l’arrondissement de Baugé et le pays du Layon. Les distances raisonnables d’une commune à une autre autorisent la création d’un microréseau routier dense.
27Les sociétés ont pu se transmettre des informations par ce moyen, notamment dans les zones éloignées des centres urbains ou des axes fluviaux, et donc s’implanter plus aisément. L’exemple de l’arrondissement de Segré est assez révélateur de cette situation. Situé aux confins du département et comptant le nombre le plus faible de sociétés, l’arrondissement établit essentiellement les sociétés sur l’axe Angers-Pouancé. Dans une moindre mesure, ce constat est observable sur la route reliant Cholet à Saumur ou encore Cholet à Segré, via Chalonnes. Malgré la concurrence grandissante du chemin de fer, les axes routiers importants connaissent une activité accrue et facilitent l’ouverture des campagnes au monde urbain. Ce nouveau mode de locomotion fascine notamment les foules à l’occasion de compétitions sportives. On voit ainsi au bord des routes de Maine-et-Loire se rassembler un public nombreux pour suivre les rallyes, durant lesquels les phalanges locales font entendre leurs brillants accords. En 1909, la municipalité d’Angers sollicite l’ensemble des sociétés instrumentales et sportives subventionnées pour accompagner une course automobile organisée par ses soins22.
« J’ai l’honneur de vous prier de vouloir bien vous rendre à l’Hôtel de Ville […], dans le but de constituer, de concert avec les sociétés angevines autorisées, un comité, qui aura pour mission de poursuivre activement l’organisation en 1909 du Grand Prix de l’A. C. F. au sujet duquel des pourparlers ont été engagés par le Syndicat d’Initiative de l’Anjou. Dans l’espoir que le circuit angevin sera choisi pour cette importante manifestation sportive, l’Administration municipale profitera de cette réunion pour faire appel au concours des diverses sociétés, en vue des fêtes qu’il serait de toute nécessité dans notre Ville pour retenir les étrangers qui la visiteront à l’occasion du Grand Prix automobile23. »
Axes ferroviaires
28Le chemin de fer se révèle davantage déterminant dans l’expansion du mouvement orphéonique. Plus que tout autre mode de locomotion, le chemin de fer domine la vie économique française durant le XIXe siècle. L’impulsion qu’il « donne à la croissance de l’industrie et à l’unification du pays », les « nouvelles relations qu’il instaure entre les hommes », les « transformations qu’il introduit dans le paysage et l’architecture », « tout démontre l’impact » de ce nouveau mode de locomotion24.
29Le Maine-et-Loire se dote d’un réseau ferré conséquent, certes inégalement rentable, mais indispensable au désenclavement des communes rurales éloignées des centres urbains. C’est à partir d’Orléans, qui accueille le premier train venant de Paris en 1843, que se tisse progressivement dans les départements de l’Ouest de la France un réseau régional puis local. En septembre 1839, le conseil général de Maine-et-Loire doit se prononcer sur le tracé à donner au chemin de fer d’Orléans à Nantes. Trois projets sont présentés, tous s’articulant sur l’aménagement des rives gauche et droite de la Loire. Finalement, après hésitations et polémiques, la ligne de Tours à Angers est solennellement inaugurée le 29 juillet 1848. Elle se poursuit ensuite, d’abord sur une seule voie, jusqu’à Nantes à partir d’août 1851. Près de vingt-deux millions de francs ont été alors dépensés en travaux pour un parcours de quatre-vingts kilomètres en Maine-et-Loire25. De part et d’autre de ces axes ferroviaires s’installent des communes dont la plupart possèdent une société. Ce mode de déplacement rapide a ainsi favorisé la pratique musicale amateur dans le département.
30En facilitant l’accès à des destinations éloignées, ce type de transport développe des formes de tourisme collectif dont relèvent les sociétés instrumentales lorsqu’elles participent à des concours et des festivals. Les prestations extérieures durant lesquelles se produisent ces sociétés sont l’occasion de découvrir des espaces culturels différents du lieu de vie habituel. Le concours terminé, les organisateurs proposent souvent aux membres actifs et honoraires, parfois accompagnés de leur famille, de visiter la ville dans laquelle leur société a concouru. Cette activité touristique est d’autant plus enrichissante que le lieu visité est éloigné. La Fanfare du IVe arrondissement (d’Angers) effectue un voyage en Belgique du 17 au 22 juillet 1909 afin de participer à un concours musical à Bruxelles. Avant de rentrer à Angers, les musiciens visitent les lieux remarquables des environs de Bruxelles. Ce qui devait être au départ un simple concours prend la tournure d’un véritable voyage pendant lequel les musiciens sont invités à découvrir les sites touristiques du pays26.
31Le train n’est pas seulement un moyen de voyager plus loin et plus vite, mais participe aussi activement à l’organisation des festivals. La mise en place de trains supplémentaires spéciaux rend accessible ce type d’animation musicale à un public nombreux et issu des départements limitrophes. Durant le concours musical des 31 mai et 1er juin 1903 qui se déroule à Saumur, les compagnies de chemin de fer mettent à la disposition des spectateurs, matin, midi et soir, pas moins de dix trains supplémentaires au départ d’Angers, de La Flèche et de Tours. Un train régulier partant de Saumur propose même de s’arrêter exceptionnellement à toutes les gares comprises entre Saumur et Angers27. En délivrant des billets à un moindre coût, le public familial peut également assister aux festivités orphéoniques.
« À l’occasion du Concours de musique qui aura lieu à Cholet les 3 et 4 juin prochains, la Direction du Réseau de l’État fait délivrer des billets spéciaux de famille pour Cholet, par les gares de ce réseau situées dans un rayon de 100 kilomètres. Ces billets ont une validité de 3 jours ; ils n’offrent pour une famille d’au moins trois personnes, des réductions notables sur les prix des billets d’aller et retour ordinaires d’autant plus importantes que la famille est plus nombreuse28. »
32Une partie du répertoire musical des sociétés témoigne de cette émergence des transports mécanisés à partir de la seconde moitié du XIXe siècle. Les titres de certaines œuvres évoquent l’univers du rail, leur contenu musical obéissant néanmoins à des stéréotypes stylistiques : Train de Plaisir, galop de Johann Strauss arrangé par H. Strobl ; Le Chemin de fer du Nord, galop de E. Brepsant. Le galop de Strauss se réfère aux trains touristiques qui « ont fait du dimanche jour de campagne et de salons verts pour les plus aisés des Parisiens29 » ou des sorties à la mer pour les Angevins dont la presse locale ne manque pas de rendre compte, tandis que la seconde œuvre fait l’objet de trois versions musicales différentes, témoignant ainsi de l’intérêt que les Français portent à ce type de transport.
33La dynamique orphéonique est donc étroitement associée aux nouvelles activités économiques et technologiques du XIXe siècle, le chemin de fer occupant une place essentielle. La Musique municipale d’Angers motive ainsi son adhésion en 1908 à la Fédération musicale de l’Ouest non seulement par les avantages pratiques que cette association apporte aux sociétés en général, mais aussi surtout la volonté de réformer et d’améliorer le chemin de fer30.
Le domaine social
Contexte démographique
34La répartition des sociétés instrumentales s’avère inégale dans le département. Les sociétés se concentrent essentiellement dans le centre et l’est de Maine-et-Loire, tandis que le Segréen et les Mauges (le Choletais) font figure de parents pauvres. Ces différences sont également perceptibles au sein même des arrondissements. L’ensemble des cantons qui constituent chaque arrondissement est inégalement pourvu en sociétés. Dans l’arrondissement d’Angers, le canton de Thouarcé compte presque autant de sociétés que ceux de Tiercé, d’Angers nord-est, d’Angers nord-ouest, d’Angers sud-est, d’Angers-est et d’Angers-Trélazé réunis. Dans l’arrondissement de Cholet, les cantons de Cholet et de Saint-Florent comptent à eux seuls la moitié des sociétés. Le canton du Lion-d’Angers comptabilise plus du tiers des sociétés de l’arrondissement de Segré. En revanche, les arrondissements de Baugé et de Saumur semblent plus équilibrés.
35Les modes de peuplement de Maine-et-Loire ont probablement joué un rôle déterminant dans l’apparition et la répartition des sociétés instrumentales. Les zones les plus peuplées, le Baugeois, le Saumurois et la Vallée, rassemblent le nombre le plus élevé de sociétés de musique, et les communes, dont la population moyenne s’élève à deux mille cinq cents habitants, abritent presque toutes de tels ensembles instrumentaux31. L’arrondissement d’Angers concentre le nombre le plus important d’habitants et monopolise à lui seul près de 40 % des sociétés du département. Ce phénomène montre néanmoins des limites dès lors que nous procédons à une analyse plus fine dans les autres arrondissements. Celui de Baugé possède vingt-neuf sociétés pour une population une fois et demie moins importante que l’arrondissement de Cholet dont le nombre de sociétés ne s’élève qu’à seize. L’arrondissement de Saumur abrite près de vingt-six sociétés pour un nombre d’habitants se rapprochant de celui de Cholet.
Arrondissement | Nombre moyen d’habitants | Nombre de sociétés |
Angers | 155 528 | 53 |
Cholet | 101 222 | 16 |
Saumur | 85 346 | 26 |
Baugé | 69 632 | 29 |
Segré | 60 287 | 11 |
36Ce constat s’accentue lorsque nous nous intéressons aux chefs-lieux d’arrondissement. Une fois de plus, Angers devance largement les autres villes avec 61 % de sociétés. En revanche, la commune de Baugé possède un nombre de sociétés équivalent à celui de Cholet pour une population moyenne de trois mille deux cent vingt-cinq habitants seulement. L’écart est encore plus élevé lorsque nous confrontons les données de Segré à celles de Saumur.
Chef-lieu | Nombre moyen d’habitants | Nombre de sociétés |
Angers | 65 785 | 16 |
Cholet | 10 905 | 3 |
Saumur | 13 008 | 2 |
Baugé | 3 225 | 3 |
Segré | 2 090 | 2 |
37Bien que convaincu de son bien-fondé, Bellier émet lui-même des réserves sur cette théorie, rapportant que certains chefs-lieux de canton, densément peuplés, comme Beaupréau, ne possèdent pas de sociétés, tandis que d’autres, faiblement peuplés, comme Montfaucon-sur-Moine, comptent plusieurs sociétés.
38Il est donc difficile de prendre en compte les seuls paramètres démographiques dans l’implantation des sociétés. Il serait aussi maladroit de notre part d’avancer des explications pertinentes à ces observations, faute d’informations et de documents déterminants34. En revanche, le contexte politique de la Troisième République se montre davantage décisif. Il s’agit dès lors de mesurer l’impact de l’environnement politique spécifique du département sur le développement des sociétés.
Contexte politique
39Le Maine-et-Loire se caractérise à la fois par un attachement aux valeurs héritées de l’Ancien Régime et par un goût pour la modernité républicaine. Dans quelles mesures les fanfares et harmonies de Maine-et-Loire échappent-elles à la neutralité politique imposée par les autorités préfectorales ? De quelles façons s’impliquent-elles dans les débats idéologiques de leur temps ? Quelles relations entretiennent-elles avec les acteurs politiques et économiques du département ? Telles sont les questions auxquelles nous allons tenter de répondre.
Un paysage politique spécifique
40S’il est vrai que le régime républicain, après les grandes révolutions du XIXe siècle, montre une appréciable stabilité, il n’en a pas moins dû affronter des crises comme le boulangisme, Panama, l’affaire Dreyfus, ou encore la séparation de l’État et des Églises36. Le projet idéologique de cette époque s’articule autour de la construction d’une identité républicaine symbolisée par l’exercice du suffrage universel. L’édification d’un système démocratique se réalise au travers de douloureuses, mais nécessaires crises, tantôt nostalgiques d’un ordre monarchique, tantôt guidées par l’idée d’un progrès républicain. À l’instabilité politique des débuts de la Troisième République succède un progressif enracinement des valeurs républicaines dans les mentalités37.
41La vitalité dont témoignent les sociétés instrumentales durant toute cette période démontre les aptitudes d’un mouvement musical à non seulement résister aux crises qui lui sont extérieures, mais aussi à marquer durablement, sur le plan esthétique, les Français. Les régimes successifs du XIXe siècle ont pu récupérer la dynamique orphéonique à des fins politiques sans pourtant en altérer sa popularité et sa spontanéité, voire son indépendance.
42S’il est un département qui catalyse, plus que tout autre lieu d’Anjou, les tensions et les paradoxes politico-religieux de la Troisième République, c’est bien le Maine-et-Loire. Jean-Louis Ormières38 analyse l’opposition droite-gauche de notre pays, « caractère exceptionnel et si singulier de la politique française39 », dans une perspective sociologique. Au cours de son exposé, il aborde la question des permanences des traditions politiques en prenant l’exemple du paysage politique de Maine-et-Loire. L’observation du comportement d’électeurs issus de trente-huit communes situées dans les Mauges lui permet d’apprécier « l’exceptionnelle fidélité des populations jadis insurgées au parti blanc40 » et de conclure à une domination hégémonique des partis de droite sur leurs adversaires de gauche de 1877 à 1902. Une frontière scinde ainsi le Maine-et-Loire, sur un axe nord-sud, en deux zones politiques, l’une, « blanche », située à l’ouest du département comprenant le Choletais et le Segréen, l’autre, « bleue », établie à l’est et moins étendue, englobant le Baugeois et le Saumurois.
43Quelles influences a pu exercer cette partition sur la répartition géographique des sociétés ? Les arrondissements de Baugé et de Saumur réunis concentrent presque autant de sociétés que l’arrondissement d’Angers. Une interrogation subsiste néanmoins. Les arguments économiques, développés au début de notre analyse, peuvent-ils expliquer à eux seuls le faible nombre et la dispersion territoriale des sociétés du Segréen et du Choletais ? Cette question nous semble pertinente dans la mesure où le Baugeois et le Saumurois rassemblent un nombre élevé de fanfares et d’harmonies par rapport aux arrondissements de l’ouest du département. Dans quelles mesures la dynamique républicaine et libérale a pu favoriser l’implantation de sociétés ? N’avait-elle pas besoin de structures associatives locales pour s’établir dans un département historiquement et majoritairement favorable aux préceptes monarchistes ? Est-ce que les communes du Choletais et du Segréen ont estimé qu’elles pouvaient se dispenser d’une musique municipale pour assurer leur assise politique ? Il nous est difficile de répondre à ces questions essentielles, faute de témoignages ou documents d’archive convaincants. En revanche, lorsque nous portons notre regard, non plus à l’échelle d’un département, mais à celle d’une municipalité, les tendances et les comportements politiques locaux s’affirment plus clairement.
L’enjeu saumurois
44Plus qu’un arrondissement, certaines villes symbolisent dans le département les contradictions et les évolutions du clivage droite-gauche. Saumur apporte un témoignage particulièrement intéressant41. D’abord attachés aux idéaux libéraux du régime de Louis-Philippe, les notables saumurois se détournent progressivement de la politique conservatrice du monarque au profit d’un radicalisme républicain, en même temps que s’anime la vie politique et se développe une presse locale indépendante. Les années 1840 voient fleurir L’Écho saumurois (1842-1939), Le Journal de Saumur (1839-1842), ou encore Le Courrier de Saumur (1838-1841). Ce libéralisme modéré se traduit déjà, curieusement, par des attitudes que les républicains revendiqueront à partir des années 1880. La bourgeoisie orléaniste saumuroise propose par exemple des initiatives sociales dans une perspective philanthropique et éducative.
45Maire de Saumur à partir de 1844, Charles Louvet se voit contraint de démissionner en 1869 au profit du parti radical qui s’installe définitivement à la tête de la ville après les élections municipales de 1870. Anticipant sur les mesures nationales, les républicains appliquent alors un programme de lutte contre l’Église catholique et de développement de l’instruction laïque. Les célébrations de la Fête-Dieu disparaissent du paysage saumurois au profit de fêtes de quartier ou républicaines, auxquelles s’associent les sociétés instrumentales de la ville. L’instruction musicale, dispensée par de « dévoués » maîtres, permet aux établissements scolaires laïques de constituer rapidement une fanfare d’élèves et d’intégrer le nouvel environnement républicain42.
46La domination de la gauche radicale et anticléricale s’affaiblit à partir de 1892. La droite gagne progressivement des sièges au conseil municipal et menace la supériorité numérique des radicaux. Le Journal de Saumur soupçonne alors Joseph-Henri Peton, maire de Saumur en 1892 et 1907, d’utiliser la Musique municipale de Saumur à des fins électoralistes, sans pour autant remettre en question l’intégrité du directeur musical et des membres du bureau administratif de la société. La presse locale accuse le maire de privilégier un quartier de la ville dans la mesure où il contraint la société à se produire pendant les fêtes de ce quartier.
« Ce qui doit surtout frapper l’esprit des habitants des autres quartiers […], c’est que la Musique municipale qui, tous les ans, a refusé de prêter son concours aux fêtes de ces quartiers pour les concerts ou les retraites aux flambeaux, exécutera, pour obéir aux ordres de M. Peton, ses morceaux les plus brillants sur le Champ de Foire, en l’honneur des habitants de Nantilly […]. Pourquoi la Musique municipale qui est subventionnée par les contribuables de tous les quartiers indifféremment, sans distinction d’opinion ni de parti, ne prête-t-elle pas son concours à toutes les fêtes organisées à Saumur et se montre-t-elle si gracieuse pour le quartier de Nantilly, alors qu’elle a refusé de participer aux réjouissances des autres quartiers43 ? »
47Il faut néanmoins considérer ce témoignage avec prudence. D’une part, le quotidien républicain s’appuie sur les manœuvres d’une opposition conservatrice qui ne cesse de convoiter le poste de maire depuis l’installation de Peton et la mollesse de ce dernier à contrarier ce contre-pouvoir. D’autre part, les membres de la Musique municipale de Saumur manifestent des positions partisanes de bon aloi quand il s’agit de remercier les autorités municipales de leur soutien logistique et moral dans l’organisation des prestations musicales ou de réclamer le versement de subventions supplémentaires. Les propos du président de la société à l’égard du maire se font particulièrement pressants lorsque ces subventions se révèlent nécessaires au bon fonctionnement de l’ensemble instrumental. Dès la création de la société en mai 1872, la commission administrative sollicite le conseil municipal en des termes condescendants pour obtenir la rémunération de deux professeurs, en plus de celle du chef de musique, gage de la réussite de l’entreprise musicale.
« Les soussignés, membres de la commission provisoire de la musique municipale en formation, sont heureux de vous témoigner toute leur reconnaissance pour le bienveillant accueil et le concours empressé que vous leur avez accordés. Encouragés par vos bonnes dispositions, ils viennent aujourd’hui, Monsieur le Maire, vous prier d’être leur interprète auprès de votre conseil municipal, pour obtenir de lui un traitement, que nous vous laissons à fixer, de deux professeurs […] qui se dévoueront à cette bonne œuvre. Non seulement il faut que chacun vive de son métier, mais encore vous aurez le droit d’exiger plus de chefs payés que de professeurs complaisants, et de cette mesure peut-être peut dépendre le succès de notre entreprise44. »
48Ce témoignage sous-entend finalement qu’une société instrumentale peut s’impliquer dans une politique municipale dès lors que ses intérêts sont satisfaits. Certaines sociétés de musique sortent même parfois de leur réserve en affichant implicitement leur préférence politique. C’est le cas de l’Harmonie saumuroise. L’histoire de cette société, constituée en octobre 1884 à Saumur, semble s’élaborer autour d’alliances et de ruptures avec les différents pouvoirs locaux. Durant les premières années de son existence, cette jeune société est confrontée à des critiques et des propos dissuasifs, orchestrés très probablement par la majorité républicaine. La société oppose malgré tout une résistance, dont se réjouit le journal conservateur, L’Écho saumurois, en continuant à donner ses concerts hebdomadaires. Le quotidien félicite la société pour sa résilience aux « provocations de mauvais ton dont elle est trop souvent l’objet ». Le public n’approuve pas non plus de son côté les « lazzis qui se débitent trop bruyamment autour du Square pendant l’exécution du programme45 ».
49Il est cependant difficile de distinguer la réelle implication politique de l’Harmonie saumuroise d’une éventuelle récupération idéologique, ce phénomène n’étant jamais explicitement affirmé par la société elle-même. D’un côté, l’engagement de personnalités saumuroises dans le devenir de la société ne laisse peu de doute quant à la couleur politique de l’ensemble instrumental. Au cours de l’assemblée générale du 29 septembre 1893, les sociétaires élisent comme président le député Georges de Grandmaison, et comme vice-président le dirigeant de l’entreprise viticole Jules Bouvet, figures essentielles du parti conservateur angevin. Après une carrière militaire, de Grandmaison s’établit à Montreuil-Bellay où il devient maire de 1892 à 1908. Député de Maine-et-Loire de 1893 à 1933, et conseiller général du canton de Saumur en 1895, il ne cesse de gagner des votes favorables à partir des élections de circonscription de Saumur de 1893 pour finalement battre les républicains en 1914.
50D’un autre côté, les comptes rendus de concerts proposés par les journaux saumurois sont agrémentés, selon leur appartenance politique, de critiques ou de compliments à l’égard du pouvoir politique en place. Ces interventions, le plus souvent sans lien direct avec le déroulement musical du concert, relativisent les positions politiques des sociétés instrumentales et rendent difficile l’évaluation de leur degré d’implication idéologique. Les quotidiens d’information semblent plutôt profiter de ce type de festivité pour exprimer leur désaccord avec une municipalité et manipuler les membres d’une société à leur insu46.
51Ces deux sociétés suscitent des convoitises politiques incontestables. Il est, cependant, plus difficile d’apprécier leur niveau de complicité politique, dès lors que nous privilégions leur fonctionnement intime. En effet, le législateur de la Troisième République élabore un ensemble de règles contraignantes qui découragent les sociétés d’éducation populaire de toute contestation et organisent rigoureusement leur quotidien. Il s’agit de mesurer l’impact réel de telles mesures dissuasives sur les sociétés instrumentales et d’évaluer la sincérité de leur désintéressement musical.
Un devoir d’objectivité
52Les autorités préfectorales imposent une neutralité idéologique aux sociétés, ces dernières adoptent dans leur règlement un article leur interdisant formellement toute discussion politique et religieuse. Certaines réitèrent même cette mesure dans les buts qu’elles poursuivent. La reconstitution de l’ancienne Fanfare du marquis de Foucault, sous le nom d’Angers-Fanfare, provoque un quiproquo politico-musical, dont s’emparent les presses républicaines et conservatrices. Cette musique, accusée de s’être produite au cours d’un banquet républicain, est innocentée par le premier article de son règlement, « formellement conseillé par M. le Maire d’Angers, prohibant toute manifestation politique et religieuse47 ». On reproche finalement au directeur, non pas sa décision de faire intervenir la fanfare pendant une festivité politique, mais l’infraction qu’il a commise à l’égard du règlement48.
53Quelques jours après cet événement, la commission administrative d’Angers-Fanfare publie dans la presse une lettre ouverte dans laquelle elle éclaire l’opinion publique sur les décisions prises à l’égard de son directeur de musique. Elle explique que son action n’adhère à aucun parti pris politique et s’est effectuée dans le strict respect d’un règlement approuvé par les autorités locales.
« Monsieur le rédacteur, nous venons faire appel à votre impartialité en vous priant de bien vouloir insérer la réponse suivante aux articles parus dans la Petite France et le Ralliement de mercredi, à la suite de renseignements incomplets, et visant l’opinion politique de la société Angers-Fanfare et de la décision prise par elle à l’égard de son chef d’orchestre […]. Pour ce qui concerne l’opinion politique de la Société, nous venons répondre que la société Angers-Fanfare s’est fixée dans ses statuts, comme but unique, l’étude et l’exécution de la musique, et a eu soin par ailleurs de préciser qu’elle resterait absolument étrangère à la politique. C’est du reste, dans ces conditions nettement formulées, que nous avons reçu l’approbation de la mairie et de la préfecture. Nous n’avons donc ni la volonté ni le droit d’être la musique de tel parti contre tel autre, et nous affirmons que nous n’avons jamais tenu un langage différent aux personnes de toutes les opinions et de toutes les nuances qui ont bien voulu nous honorer de leurs sympathies49. »
54La conclusion de ce témoignage confirme que toute société d’éducation et de divertissement populaire, surtout lorsque le régime républicain affirme sa domination idéologique à partir de 1880, doit contribuer à un apaisement social en observant scrupuleusement une neutralité politique et religieuse. À l’occasion de la fête nationale du 14 juillet 1892 à Saumur, le préfet de Maine-et-Loire rappelle, dans une circulaire distribuée aux sous-préfets et maires du département, les mesures qu’il convient, à chaque localité, de prendre depuis l’instauration de cette réjouissance populaire expressément symbolique du régime républicain. Outre le pavoisement et l’illumination des édifices publics et la distribution de secours aux indigents, les sociétés de gymnastique, de tir et de musique, rassemblées sous la bannière commune du patriotisme, doivent bannir « tout esprit de parti50 » afin de prévenir conflits et contre-manifestations sous-jacents durant une période historique où les débats politiques et idéologiques peuvent se révéler virulents.
55Les maires s’exposent à des sanctions juridiques lorsqu’ils prennent des mesures disciplinaires à l’égard des sociétés instrumentales relevant de leur seule opinion politique. La cour de cassation de l’Allier rejette ainsi le pourvoi du maire de Jaligny au profit de la Fanfare de la Besbre, frappée d’interdiction de se produire sur la voie publique51. De même, si une société faillit à cette règle fondamentale de neutralité, les autorités peuvent procéder à sa dissolution. Un arrêté préfectoral ordonne, en août 1879, la dissolution des deux sociétés de Thouarcé, considérant qu’il existe « entre les deux sociétés une rivalité et un antagonisme qui ont failli, en maintes circonstances, se traduire par des scènes de désordre, notamment à l’occasion des dernières processions de la Fête-Dieu52 ». Ce conflit entretient la population dans un état de division permanent et génère des troubles préjudiciables au « bon ordre et à la tranquillité publique53 ». Le préfet justifie également sa décision par l’importance relative des ressources démographiques de Thouarcé, ne nécessitant pas l’existence de deux sociétés dans cette commune. Néanmoins, au nom d’une probable impartialité, il n’évoque pas les raisons politico-religieuses qui sous-tendent cette rixe, et laisse le soin au journal, relatant l’événement, d’en interpréter les causes selon son positionnement idéologique54.
56L’exclusion des sociétés instrumentales des débats idéologiques qui secouent la Troisième République n’illustre pas seulement la volonté d’un régime politique de contrôler et de maîtriser d’éventuelles forces subversives, mais participe aussi à une appréhension particulière de l’art musical. Les sociétés de Maine-et-Loire sont davantage préoccupées par des motivations d’ordre philanthropique que de militantisme politique. Toutes affichent dans leur règlement des objectifs éducatifs et divertissants. Il s’agit non seulement d’offrir une instruction musicale aux jeunes gens, composant une société, qui « par des études suivies, sérieuses et bien dirigées » peuvent « développer leur goût dans cet art utile et agréable », mais aussi de procurer aux sociétaires et habitants d’une même commune des distractions dans un esprit fraternel et harmonieux. Ces missions relèvent d’une idée largement répandue et admise dans la société du XIXe siècle, la musique étant un moyen d’adoucir les mœurs et d’apporter réconfort et plaisir à une population dont le quotidien est souvent rude. Dotée de vertus bienfaisantes et spirituelles, la musique s’adresse à tous et se dispense d’expression politique.
57La conquête du droit associatif tout au long du XIXe siècle a pu détourner le peuple de la tentation du politique. Les sociétés instrumentales de Maine-et-Loire, au contraire des sociétés secrètes sous l’Empire ou des associations politiques sous la Troisième République, sont rarement le théâtre d’affrontements idéologiques. Un encadrement strict où l’on prône l’attachement à la société et ses valeurs, la diffusion d’un répertoire national et contrôlé, ou encore la pratique musicale par définition rigoureuse, éloigne les membres des sociétés instrumentales et vocales des velléités politiques.
58Jusqu’à l’adoption de la loi 1901, le fait associatif conjugue prohibition et relative liberté55. Mis à part le court intermède de 1848, le XIXe siècle ignore sur le plan législatif la liberté d’association. Même si le droit d’association n’est pas cité dans la Déclaration des droits de l’homme de 1789, seule la Révolution française reconnaît implicitement la liberté d’association dans la loi du 21 août 1790 en donnant aux citoyens la possibilité « de s’assembler paisiblement et de former entre eux des sociétés libres, à la charge d’observer les lois qui régissent tous les citoyens ».
59La suspicion que les gouvernements ont invariablement témoignée à l’égard du fait associatif durant tout le XIXe siècle, craignant de voir l’association utilisée dans un but politique, a eu pour conséquence une lente et difficile reconnaissance de la liberté d’association. Le législateur du début de la Troisième République, malgré sa volonté de libéraliser le mouvement associatif, exprime encore quelques réticences, se souvenant peut-être des clubs de sans-culottes qui, au lendemain des troubles révolutionnaires de 1789, menacent les intérêts d’une bourgeoisie de notables déterminée à capitaliser les bénéfices de la Révolution. C’est dans ce contexte que se joue le sort de la loi sur le contrat d’association. Pas moins de trente-trois propositions de loi émaillent la période de 1871 à 1901, pour finalement retenir le texte de Pierre Waldeck-Rousseau, initiateur de la liberté syndicale (1884) et de la loi sur la mutualité (1898), voté le 1er juillet 1901 après plusieurs mois de délibération.
60Malgré la liberté de mouvement et d’action que les politiciens de la Troisième République concèdent aux sociétés instrumentales, plus que tout autre mouvement associatif, les sociétés subissent des enquêtes et des contrôles administratifs pesants. Avant de délivrer une autorisation de création à une société, le préfet de Maine-et-Loire soumet son règlement à la Direction de la Sureté générale du ministère de l’Intérieur. Il émet ensuite un arrêté de création officiel sans omettre de solliciter l’avis du maire de la commune où se constitue la société. Chaque société s’engage alors à fournir annuellement les listes de ses membres et des responsables du bureau, où figurent les professions et les adresses. Toute modification des statuts ou de changement de siège est aussi l’objet d’une déclaration préalable auprès des autorités municipale et préfectorale.
61Afin d’être certaines d’obtenir l’agrément préfectoral, des sociétés accompagnent parfois leur demande de création d’un courrier manuscrit dans lequel elles affirment la bonne moralité de leurs membres, tandis que d’autres échoient d’une enquête policière.
« J’ai l’honneur de vous faire connaître que les jeunes gens qui ont adressé à Monsieur le Préfet la demande ci-jointe, jouissent tous sans exception d’une excellente réputation sous tous les rapports. Ils sont tous fils de négociants ou employés bien pensants et complètement avec le gouvernement de la République56. »
62Les autorités locales disposent ainsi d’un arsenal administratif contraignant afin de prévenir les éventuels troubles à l’ordre public. L’édition de documents types, tels le formulaire de création ou les articles de règlement, est aussi un moyen d’uniformiser les sociétés dans le but de se prémunir d’éventuels conflits intersociétaux. La loi 1901 répond certes à une indispensable reconnaissance du droit associatif, mais aussi à une volonté de contrôler les agissements des associations dans un contexte anticlérical.
63Les divergences politiques des sociétés instrumentales de Maine-et-Loire, lorsqu’elles sont exprimées publiquement, traduisent avant tout des préoccupations idéologiques dans un département où le catholicisme est historiquement implanté. S’il est un domaine où les sociétés sortent de leur réserve politique, c’est bien dans les luttes qui opposent les républicains au clergé durant les années qui précèdent la loi de séparation de l’État et des Églises.
Contexte religieux
64Deux confessions religieuses se sont principalement implantées dans le Maine-et-Loire. Le Saumurois et ses environs abritent une importante communauté protestante, tandis que le Choletais et la région d’Angers se réclament du catholicisme. Les propos qui vont suivre s’intéresseront aux influences que ce contexte religieux original a pu exercer sur le développement des sociétés instrumentales de Maine-et-Loire dans une dimension davantage politique que sociale ou historique. L’apparition des sociétés « religieuses » est, en effet, essentiellement liée au processus de laïcisation mené par les gouvernements républicains sous la Troisième République. Elles participent à l’affirmation d’une identité catholique face à un anticléricalisme particulièrement marqué dans le département.
65Les autorités catholiques organisent des cérémonies et des défilés auxquels se joignent les sociétés cléricales. La commémoration de la Fête-Dieu acquiert notamment une résonance particulière. Le bourg de Doué-la-Fontaine oppose deux sociétés, l’une cléricale, l’autre laïque, dans un conflit mémorable et largement relayé par la presse locale. Les sociétés religieuses ou laïques ne manquent pas enfin de célébrer chaque année la fête de la Sainte-Cécile.
La célébration de la Fête-Dieu
66La laïcisation de l’État et la sécularisation de la société civile, conduites par les acteurs de la Révolution française, ne sont pas parvenues à détourner le peuple des lieux de cultes et des pratiques cultuelles. L’affirmation d’une politique anticléricale vigoureuse, sous la Troisième République, a certes affaibli l’autorité de l’Église catholique, mais sans pour autant enrayer la persistance du fait religieux. La population de Maine-et-Loire reste, dans sa majorité, fidèle aux sacrements et représentations du culte catholique. Cet attachement est d’autant plus marqué que l’inventaire des biens appartenant aux congrégations religieuses du département, organisé en 1906 après le vote de la loi de Séparation de l’État et de l’Église, s’est déroulé dans un climat de violence qui a fortement marqué les esprits57. La population de Maine-et-Loire, comme celle de la plupart des départements du grand Ouest, oppose une résistance à la politique anticléricale du gouvernement républicain en perpétuant des rites et des cérémonies religieux. Les autorités catholiques y voient un moyen de manifester leur attachement aux valeurs monarchiques et d’exercer un puissant contre-pouvoir à l’égard des responsables politiques locaux58.
67Les impressionnantes processions, organisées à Angers et Cholet à l’occasion de la Fête-Dieu, en sont les témoignages les plus convaincants. Les musiques paroissiales et congréganistes y sont presque systématiquement représentées. Bien que souvent mélangées aux autres participants, elles contribuent efficacement à l’édification de la foi de la population en y interprétant des œuvres musicales profanes et religieuses. Durant le défilé de la Fête-Dieu du 15 juin 1873 à Angers, la Fanfare des cuirassiers, les musiques du 32e régiment d’infanterie, de l’École normale, du petit séminaire Mongazon et de la pension Saint-Julien alternent « symphonies » et hymnes du chant liturgique59. Pendant celle du 5 juin 1904, les sociétés instrumentales redoublent même d’intensité sonore lorsque le Saint Sacrement est présenté à la foule nombreuse et recueillie.
« Au moment où le Saint Sacrement apparaît, les musiques jouent, on redouble le chant des cantiques, des milliers de chapeaux se lèvent et on acclame le Christ. C’est une admirable manifestation de foi60. »
68La Fête-Dieu, appelée également procession du Sacre, serait la plus grandiose des solennités catholiques. Établie à Angers en l’an 1019, sa magnificence aurait contribué à la renommée de la ville au début du XIXe siècle. La perpétuation de cet événement sous la Troisième République dans le Maine-et-Loire serait donc d’abord une commémoration nostalgique de la grandeur passée de l’Église catholique. L’affirmation de ses symboles les plus forts participerait ainsi au désir du rétablissement d’un ordre monarchique. Le faste et la pompe, qui accompagnent cette démonstration de force, revêtiraient alors une indéniable signification politique. En juin 1900, la procession du Grand Sacre se déroule avec la solennité habituelle dans les rues d’Angers, décorées d’oriflammes et de cerceaux. Toutes les paroisses de la ville sont représentées par leur clergé, les pensions, les congrégations, les cercles catholiques et les corporations avec leurs insignes et leurs bannières. Les pensions sont accompagnées de leurs musiques s’unissant à celles de Saint-Vincent-de-Paul et d’Angers-Fanfare. Sur tout le parcours du cortège, une foule compacte se presse pieuse et recueillie61.
69Les Choletais semblent montrer à l’égard de cette manifestation un intérêt encore plus vif que les Angevins. La Fanfare de la Ville y prête systématiquement son concours tandis que la population investit avec ferveur les reposoirs dont l’aménagement est particulièrement soigné. Une foule recueillie défile ensuite dans les rues de la ville, ornées avec soin, au son de morceaux exécutés par la société62.
70En donnant un éclat certain à la Fête-Dieu, les sociétés cléricales participent activement au nouvel élan de la spiritualité sous la Troisième République. Au côté des sociétés sportives, les sociétés musicales deviennent un maillon essentiel d’un catholicisme social promu par le pape Léon XIII à partir de 1891. Les associations sportives accueillent en leur sein des ensembles de tambours et de clairons, ou s’octroient les services d’ensembles instrumentaux plus ambitieux, qui se font entendre brillamment pendant les compétitions de gymnastique et de tir. En septembre 1902, la Musique de la Société de gymnastique du patronage Saint-Vincent-de-Paul d’Angers est invitée à soutenir les ébats sportifs de ses jeunes athlètes au château de Roche Vernaise. Près de deux cents personnes s’émerveillent des mouvements d’ensemble des gymnastes accompagnés en musique63.
71Il convient de distinguer deux catégories de sociétés cléricales. Certaines dépendent d’une paroisse, tandis que d’autres relèvent d’une institution scolaire ou d’une congrégation religieuse. La première apparition publique de l’Harmonie Saint-Pierre, créée en 1914 à Cholet, impressionne les paroissiens de Saint-Pierre. Avant que ne débute l’office, un imposant groupe de musiciens, portant une casquette noire brodée d’une lyre, apparaît soudainement au milieu des fidèles se rendant à la messe, tandis que leurs instruments « luisent au soleil d’un éclat neuf ». La société rend ainsi hommage pour la première fois « au grand apôtre qu’elle s’est choisie pour patron ». Son allure et la qualité musicale des concerts, donnés tout au long de la journée, sont particulièrement appréciées par la population64.
72Les morceaux interprétés pendant la messe dominicale remportent tous les suffrages du public. Ils attestent de l’existence d’un répertoire religieux spécifique aux sociétés instrumentales.
« Au cours de la grand’messe très solennelle, nos musiciens se firent entendre dans des morceaux d’un choix judicieux et tous fort bien exécutés. Les hautes voûtes blanches de notre église d’une acoustique parfaite vibraient délicieusement aux accents religieux du Lauda Sion ou de l’ode Plus près de toi, mon Dieu, de si mélancolique mémoire. Après quelques mois d’existence, la jeune société musicale est parvenue à de très satisfaisants résultats. Tout fut exécuté avec beaucoup d’ensemble, de mesure et souvent avec un réel souci de l’art65. »
73En permettant à une population de partager les mêmes convictions religieuses, les sociétés jouent donc bien un rôle fédérateur. Encouragées par les élites cléricales, elles contribuent à la bonne harmonie et à la dynamique associative de la communauté paroissiale. En resserrant les liens qui unissent le clergé aux fidèles, la société participe activement au développement de la vie paroissiale. Au terme de la journée, la société parvient donc à réaliser un « accord parfait » entre la population et les autorités religieuses66.
74Certaines de ces sociétés cléricales possèdent d’ailleurs un niveau musical digne de celui des musiques militaires. Le petit séminaire Mongazon procède, chaque année, à l’attribution de récompenses à ses élèves les plus doués. L’harmonie du collège, sous la direction de l’abbé Jaudoin, se fait entendre durant des intermèdes musicaux. Cet abbé semble jouir d’une réputation musicale assez remarquable à Angers. Le niveau, auquel il est parvenu à hisser cette société scolaire, lui vaut les compliments du journaliste, qui assiste à l’événement, et même la comparaison, suprême éloge, à une musique régimentaire.
« La grande fantaisie sur La Traviata lui a permis d’exercer son talent de compositeur et de nous révéler dans cette page inédite des qualités de musicien fort rares et très appréciées des connaisseurs […]. Signal d’orage, marche militaire sur la célèbre romance de Paul Henrion, et une polka pour piston, tous les deux écrits dans un genre différent nous ont montré à quel degré de perfection un professeur, comme M. l’Abbé Jaudoin, peut élever une harmonie de collège, quand il sait mettre à profit les éléments dont il dispose. Pour le rythme, la musique de Mongazon est presque arrivée à égaler celle d’un régiment67. »
75Les processions de la Fête-Dieu témoignent aussi des dissensions qui opposent les autorités cléricales à l’ordre républicain. Jusque dans les années 1880, les sociétés religieuses et laïques défilent ensemble sans qu’il se produise d’incidents.
Musiques cléricales | Musiques laïques |
Musique de la pension Saint-Julien | Fanfare des cuirassiers |
Musique du Petit-Séminaire | Musique du régiment |
Musique des pompiers | |
Musique de l’École municipale | |
Musique de l’École normale | |
Musique du lycée |
76L’absence de l’un ou l’autre parti surprend même. À l’occasion de la procession de la Fête-Dieu du 15 juin 1873, un journaliste constate l’absence de la musique municipale, son chef de musique, A. Maire, dirigeant une autre société instrumentale du cortège. Le directeur se voit alors obligé de justifier, quelques jours plus tard, ce manquement par une lettre adressée au journal, et invoque un problème d’organisation lié à un aléa climatique.
77À partir des années 1880, l’hostilité gouvernementale manifestée à l’égard des structures religieuses, notamment enseignantes, affaiblit le catholicisme qui devient progressivement un adversaire de la République. Les mesures, arrêtées entre 1900 et 1905, vont bien au-delà de simples représailles. Elles ont pour objet de détruire le clergé comme corps social, de priver l’Église de toute possibilité d’intervenir dans la vie politique ou de se faire entendre des pouvoirs publics. Elles se traduisent, dans le Maine-et-Loire, par des arrêtés municipaux visant à limiter le nombre de processions de la Fête-Dieu dans les villes au grand désarroi d’une partie de la population angevine. Sur le plan musical, les sociétés instrumentales, subventionnées par les autorités républicaines, désertent alors ces manifestations populaires. Un journaliste regrette l’absence de « ce qui, de près ou de loin, tient à la municipalité » pendant la Fête-Dieu de mai 1880 à Angers. Ni écoles laïques et mutuelles, ni musique municipale, ni même la pension Chevrollier, subventionnée par la ville, ne sont présentes dans le cortège. Le constat est d’autant plus amer que la population était habituée à entendre plusieurs sociétés, en particulier la Musique de l’École normale, au côté des musiques des sapeurs-pompiers et du régiment69.
78La politique anticléricale, à défaut de supprimer totalement les manifestations religieuses et leurs symboles, radicalise les positions idéologiques. Au plus fort de la tourmente anticléricale, les cortèges de la Fête-Dieu deviennent des manifestations de grande ampleur pendant lesquels les participants affirment avec ferveur leur attachement au catholicisme70.
79Le conflit qui oppose, entre 1884 et 1890, une société cléricale à une société laïque dans la petite ville de Doué-la-Fontaine est particulièrement révélateur des dérives politiques, que peuvent supporter certaines sociétés. Ce cas est néanmoins assez rare dans le département. Olivier Bellier cite un autre fait similaire, et encore limité à la seule sphère rurale, le village du Puy-notre-Dame qui voit apparaître deux sociétés en 1879, l’une catholique, la Société philharmonique, et l’autre républicaine, la Société musicale. Ces deux sociétés s’affronteront pendant près de vingt ans71.
Un affrontement mémorable à Doué-la-Fontaine
80Doué-la-Fontaine possède une Société philharmonique, dont la création est antérieure à 187072. Républicains et réactionnaires s’y côtoient en bonne intelligence jusqu’en 1886. À partir de cette date, les membres républicains refusent de participer à la Fête-Dieu. Les réactionnaires fondent alors une nouvelle société concurrente, l’Union musicale, qui, malgré de nombreuses demandes et l’intervention de l’évêque, n’obtient pas d’autorisation préfectorale73.
81La préfecture n’accordera une autorisation à l’Union musicale que le 10 juillet 1890. De sa constitution à sa reconnaissance officielle, cette société cléricale connaît alors trois épisodes majeurs dans le conflit qui l’oppose à la Société philharmonique. Dès 1887, le sous-préfet de Saumur est prêt à reconnaître l’existence légale de la société afin de mettre un terme aux luttes qui divisent la commune. Il y voit surtout un moyen de contrecarrer la politique conservatrice du maire de Doué-la-Fontaine et conseiller général, Jean-Martial Bineau, en créant deux écoles laïques et républicaines. Le sous-préfet s’engage à légaliser la société instrumentale, sans attendre la décision du Conseil d’État, à condition que la municipalité accepte de mettre à la disposition de l’administration les bâtiments de l’ancien collège nécessaire à l’installation de l’école des filles et l’école maternelle74.
82Dans un souci de conciliation, le conseil municipal, réuni en séance extraordinaire, accepte non seulement la proposition du sous-préfet, mais décide aussi d’accorder une subvention identique aux deux sociétés rivales. En échange, les conseillers municipaux demandent, outre la reconnaissance officielle de l’Union musicale, la réorganisation de la Compagnie des sapeurs-pompiers dissoute en 1885. Ce dernier souhait irrite profondément le sous-préfet qui, en transmettant la proposition au préfet, émet un avis défavorable tant sur la reconnaissance de l’Union musicale que sur la reconstitution d’un corps de sapeurs-pompiers, interdisant même la société de participer au concours de Saumur75.
83Aucun des deux partis réactionnaire et républicain ne tire un avantage politique de cette tentative d’apaisement. L’un ne parvient pas à imposer la société qu’il soutient, tandis que l’autre échoue à asseoir l’autorité de l’État dans une zone gagnée à la cause conservatrice. Ce conflit rapproche, cependant, l’Union musicale de la Compagnie des sapeurs-pompiers, qui vont désormais exprimer ensemble leurs revendications. Les 8 et 9 décembre 1888, les deux sociétés mécontentes s’unissent pour célébrer la Sainte-Barbe, au grand dam de la Société philharmonique. Les Douéssins peuvent assister, la veille, à une retraite aux flambeaux, pendant laquelle sont tirées des salves d’artillerie. Le lendemain, après une messe en musique présidée par le maire et le conseiller d’arrondissement, les vingt-six musiciens de l’Union musicale défilent, bannière en tête, dans les rues de la ville. La fête se termine par un banquet chez un restaurateur où se déroulent les répétitions hebdomadaires de la société.
84Ulcéré, le secrétaire de la Société harmonique adresse au sous-préfet de Saumur un courrier dans lequel il lui fait part de son indignation. Dans un premier temps, le sociétaire se contente de relater objectivement les événements, témoins oculaires à l’appui76. Il nous informe ensuite qu’il s’est rendu à la gendarmerie et a demandé au maréchal des logis de dresser une contravention à l’encontre de la société instrumentale coupable d’avoir violé la loi. Le gendarme oppose un refus qu’il justifie par une lettre du maire autorisant la manifestation. Le secrétaire s’étonne également des relations amicales que le brigadier aurait entretenues, quelques heures auparavant, avec le chef de l’Union musicale, et craint qu’il y ait eu une « entente » à son insu. Il dénonce enfin une manœuvre électoraliste, et rappelle la brutalité avec laquelle la gendarmerie a dispersé une semblable sortie de la Société philharmonique en 1884. Il regrette également que les forces de l’ordre faillissent à leur mission de service public en se soumettant aux seules volontés de l’opposition locale.
« Vous souvient-il Monsieur le sous-préfet du jour où la Société philharmonique de Doué-la-Fontaine […], société autorisée par l’autorité préfectorale, opérant une sortie régulière, fut le 8 juillet 1884 brutalement dispersée par la gendarmerie de Doué ? Si vous voulez bien rapprocher les deux faits, vous apprécierez comment sont traités les républicains et comment les réactionnaires, et vous comprendrez aussi pourquoi la majorité vote contre le gouvernement établi dans un pays où la gendarmerie paraît chargée de faire l’opinion77. »
85Ce second rebondissement se conclut sur un nouvel affrontement politique entre le maire de Doué-la-Fontaine et le sous-préfet de Saumur. Le premier émet les mêmes conclusions que le rapport de la brigade de gendarmerie, selon lequel il ne se serait produit aucun fait de nature à troubler l’ordre public pendant cette réjouissance populaire. Le second demande à ce que le maire soit suspendu de ses fonctions. Cet épisode nous montre finalement comment un simple différend musical peut évoluer en une rixe politique qui oppose un sous-préfet républicain à un maire conservateur78.
86Ce conflit révèle les ruptures idéologiques qui sous-tendent la société de la Troisième République. Une dispute banale entre quelques membres d’une même société instrumentale évolue en un affrontement passionnel opposant deux conceptions divergentes du pouvoir. Ses motivations idéologiques et religieuses contraignent les deux sociétés à se démettre de leur neutralité, pourtant condition sine qua non à une reconnaissance légale. Dans la mesure où les responsables politiques locaux s’emparent de l’événement pour défendre leurs intérêts, les activités musicales des sociétés de Doué-la-Fontaine relèvent davantage d’une politisation forcée que d’un divertissement impartial et « bon enfant ».
Une fête consensuelle
87Il est une festivité, la Sainte Cécile, que les sociétés instrumentales ne manquent pas de célébrer quelle que soit leur appartenance cléricale ou laïque. Joël-Marie Fauquet évoquent pourtant, sans ambiguïté, l’origine chrétienne de cette réjouissance commémorée, avec faste, le 22 novembre de chaque année en l’honneur de la patronne des musiciens79. Il est donc surprenant que les sociétés laïques s’approprient elles aussi cette commémoration sans s’attirer les foudres des autorités républicaines. Dès sa remise à l’honneur, en 1847, en province et surtout à Paris, cette fête s’entoure de deux caractéristiques religieuses qui perdureront sous la Troisième République. D’une part, elle donne systématiquement lieu à une messe solennelle, au cours de laquelle le prêtre loue l’origine divine de la musique et les vertus morales qu’elle doit exalter.
« Dimanche matin, à l’occasion de la Sainte-Cécile, patronne des musiciens, l’excellente Fanfare du IVe arrondissement s’est fait entendre à la sainte messe de 10 heures à l’Église de la Madeleine […]. N’oublions pas d’ajouter qu’après l’Évangile, M. le curé est monté en chaire et, dans un langage aussi éloquent qu’élevé, a chaudement remercié et félicité les musiciens et profité de l’occasion pour adresser aux fidèles une intéressante instruction sur les richesses mélodiques et harmoniques de la musique sacrée80. »
88D’autre part, la musique y occupe une place essentielle de sorte que beaucoup de journalistes, dans leurs articles, n’hésitent pas à la qualifier de « messe en musique ». L’un d’entre eux ne manque pas ainsi de rappeler, en 1875, au côté des louanges adressées à la Musique municipale de Cholet pour son concert donné pendant la messe de la Sainte-Cécile, le caractère éminemment catholique et musical de cette fête.
89Certaines de ces messes s’éloignent même, nous semble-t-il, de leur vocation religieuse initiale, en se transformant en de véritables concerts au cours desquels divers artistes, chanteurs et instrumentistes solistes, se produisent au côté de la société instrumentale locale. L’Harmonie saumuroise propose ainsi, à chaque Sainte-Cécile, une prestation musicale dont l’envergure dépasse largement le cadre cultuel et contribue à la promotion des artistes qui s’y font entendre. Le programme musical reste néanmoins fidèle à l’esprit religieux. Notons cependant que les morceaux interprétés par la société sont joués également en des circonstances plus profanes et qu’ils appartiennent à un répertoire commun et national81.
90Les sociétés voient donc dans cette fête un moyen supplémentaire de se faire apprécier de leur public habituel, et d’affirmer leur sensibilité religieuse. À l’occasion de la Sainte-Cécile, trois sociétés instrumentales de quartiers angevins offrent un concert dans leur paroisse respective, pendant lequel les musiciens sont également invités à chanter, bien que la subvention que leur accorde la ville les contraigne à se produire pendant des cérémonies laïques. La journée se poursuit par une série de divertissements musicaux où se font entendre, à nouveau, les sociétés. La fête se conclut enfin par l’incontournable banquet qui rassemble les musiciens de chaque société82.
Notes de bas de page
1 Célestin Port naît à Paris le 23 mai 1828. Après le décès de son père en 1848, il entre à l’École nationale des Chartes dans laquelle il se fait remarquer pour sa vivacité d’esprit et la qualité de son instruction. Licencié ès lettres en 1850, il obtient son diplôme de chartiste en 1853. Il intègre les fonctions d’archiviste du département de Maine-et-Loire le 4 janvier 1854, qu’il conservera jusqu’à sa mort. Dès lors, ses inventaires et publications historiques sur le patrimoine angevin seront célébrés, en particulier le Dictionnaire historique, géographique et biographique de Maine-et-Loire auquel il s’attelle dès 1859. Ce dictionnaire s’enrichit progressivement d’articles pour s’achever en 1892. Célestin Port décède le 4 mars 1901 à Angers.
2 L’Intérêt public, 9 juillet 1899.
3 La Petite Loire, 4 octobre 1894.
4 L’Intérêt public, 9 septembre 1888.
5 Bellier Olivier, op. cit., p. 31 et 32.
6 Voir Bouvet Jacques, Bessonneau Angers, Angers, Société des études angevines, 2002.
7 Ibid., p. 185.
8 Archives municipales d’Angers, 5 J 15, Archives Bessonneau père et fils – lettre de R. Huet, 2 janvier 1903.
9 Angers et l’Anjou en 1900, Angers, Association pour l’avancement des sciences, 1903, p. 481.
10 L’Orphéon, 15 janvier 1899.
11 Catalogue de l’Exposition universelle de Paris, 1900.
12 Port Célestin, Dictionnaire historique, géographique et biographique de Maine-et-Loire, Angers, H. Siraudeau et Cie, vol. 4, 1869-1878 (reprint 1996), p. 106.
13 Archives privées de la Musique municipale de Saumur, lettre de Messageot adressée au président de la Musique municipale de Saumur, 2 juillet 1912.
14 Gaudin Gérard, 130e Anniversaire de l’Harmonie de Saumur, Saumur, 2002.
15 La Petite Loire, 21 novembre 1901.
16 La Petite Loire, 8 août 1901.
17 La Petite Loire, 17 décembre 1907.
18 Archives départementales de Maine-et-Loire, 40 M 28, règlement de la Fanfare de Saint-Hilaire-Saint-Florent, 1er janvier 1900.
19 Lebrun François (dir.), Histoire d’Angers, Toulouse, Privat, 1975, p. 199.
20 Annexes, « Répartition géographique et numérique des sociétés instrumentales de Maine-et-Loire », p. 310.
21 Villiers Patrick et Senotier Annick, Une histoire de la Marine de la Loire, Brinon-sur-Sauldre, Éditions Grandvaux, 1997, p. 156.
22 Romain Nadia, Angers à la Belle Époque, Montreuil-Bellay, Éditions CMD, 2000, p. 75. Angers a abrité l’un des pionniers de l’industrie automobile, Émile Delahaye. Ancien élève de l’École des arts et métiers d’Angers, il s’intéresse à cette nouvelle technologie dès 1889. Visionnaire et ingénieur de talent, il comprend rapidement le potentiel industriel de ce mode de déplacement en créant, en 1892, une première société de construction d’automobiles. À la tête d’une entreprise comparable à celle de Louis Renault, il est l’un des premiers à lancer une automobile en 1895. On dira alors « une Delahaye » comme on dira « une Citroën ».
23 Archives municipales d’Angers, 1 I 800, lettre du maire d’Angers adressée au président du Syndicat d’initiative de l’Anjou, 1er septembre 1908.
24 Zeldin Théodore, Goût et corruption, Histoire des passions françaises 1848-1945, t. 3, Paris, Le Seuil, 1979, p. 418.
25 Sigot Jacques, Le Maine-et-Loire par Célestin Port, Montreuil-Bellay, Éditions CMD, 2001, p. 71.
26 Le Journal de Maine-et-Loire, 10 et 11 juillet 1909.
27 La Petite Loire 26 mai 1903.
28 L’Intérêt public, 3 juin 1906.
29 Corbin Alain, L’Avènement des loisirs, 1850-1960, Paris, Aubier, 1995, p. 167.
30 Registre de la Musique municipale d’Angers, vol. 2, 21 novembre 1908, p. 169 et 170.
31 Bellier Olivier, op. cit., p. 21.
32 Données démographiques obtenues d’après les recensements relevés par Célestin Port dans son Dictionnaire historique, géographique et biographique de Maine-et-Loire, op. cit.
33 Données démographiques obtenues d’après les recensements de Célestin Port (ibid.).
34 Les historiens se sont davantage intéressés aux causes et aux conséquences de la baisse de la natalité en France sous la Troisième République, qu’aux répercussions que peuvent avoir eu les modes de peuplement sur les activités humaines.
35 Données démographiques obtenues d’après les recensements de Célestin Port (ibid.).
36 Voir Lejeune Dominique, La France des débuts de la IIIe République 1870-1896, Paris, A. Collin, coll. « Cursus », série « Histoire », 1994 (reprint 2000) ; id., La France de la Belle Époque, Paris, A. Collin, coll. « Cursus », série « Histoire », 1991, 1997, 2000 (reprint 2002).
37 Parias Louis-Henri (dir.), op. cit., p. 215.
38 Ormières Jean-Louis, « Les rouges et les blancs », in Nora P. (dir.), Les lieux de mémoires, t. 3, Paris, Gallimard, coll. « Quarto », 1re éd. 1984, édition de 1997, p. 245-253.
39 Ibid., p. 231.
40 Ibid., p. 246.
41 Marais Jean-Luc, « La ville bleue : du libéralisme au radicalisme », in Landais Hubert (dir.), Histoire de Saumur, Toulouse, Privat, 1997, p. 295-307 ; Chassagne S., « Une ville provinciale à l’heure de la croissance (1815-1901) », in Lebrun François (dir.), Histoire d’Angers, Toulouse, Privat, 1975, p. 199-273.
42 La Petite Loire, 7 mai 1891.
43 La Petite Loire, 28 août 1898.
44 Archives privées de la Musique municipale de Saumur, lettre du président de la Musique municipale de Saumur, S. Milon, adressée au maire, 28 mai 1872.
45 L’Écho saumurois, 30 et 31 août 1886.
46 La Petite Loire, 11 mars 1894.
47 L’Écho saumurois, 23 novembre 1886.
48 Ibid.
49 L’Écho saumurois, 28 novembre 1886.
50 La Petite Loire, 10 juillet 1892.
51 L’Écho saumurois, 2 mars 1887.
52 Le Journal de Maine-et-Loire, 23 août 1879.
53 Le Journal de Maine-et-Loire, ibid.
54 Le Journal de Maine-et-Loire, ibid.
55 Voir Bardout Jean-Claude, L’histoire étonnante de la loi 1901, le droit des associations avant et après Pierre Waldeck-Rousseau, Lyon, Éditions Juris-Service, 2001.
56 Archives départementales de Maine-et-Loire, 40 M 24, lettre du commissariat de police du 1er arrondissement d’Angers adressée au commissaire central concernant la création de la société musicale L’Angevine, 13 janvier 1882.
57 La presse locale relate des interventions parfois musclées des sapeurs du 6e régiment du génie qui forcent, à coups de hache, les portes des congrégations catholiques récalcitrantes.
58 Voir Cholvy Gérard, Christianisme et société en France au XIXe siècle, 1790-1914, Paris, Le Seuil, 2001.
59 Le Journal de Maine-et-Loire, 16 juin 1873.
60 Le Journal de Maine-et-Loire, 6 juin 1904.
61 Le Journal de Maine-et-Loire, 18 et 19 juin 1900.
62 L’Intérêt public, 19 juin 1887.
63 Le Journal de Maine-et-Loire, 27 septembre 1902.
64 L’Intérêt public, 12 juillet 1914.
65 Ibid.
66 Ibid.
67 Le Journal de Maine-et-Loire, 31 juillet 1891.
68 Le Journal de Maine-et-Loire, 22 juin 1878.
69 Le Journal de Maine-et-Loire, 31 mai 1880.
70 Le Journal de Maine-et-Loire, 6 juin 1904.
71 Bellier Olivier, op. cit., p. 97 et 98.
72 Ibid., p. 98-102.
73 Archives départementales de Maine-et-Loire, 40 M 28, lettre adressée par les délégués provisoires de l’Union musicale au sous-préfet de Saumur, 23 août 1886.
74 Archives départementales de Maine-et-Loire, 40 M 28, lettre adressée par le sous-préfet de Saumur au préfet de Maine-et-Loire, 3 juin 1887.
75 Archives départementales de Maine-et-Loire, 40 M 28, lettre adressée par le sous-préfet de Saumur au préfet de Maine-et-Loire, 28 juin 1887.
76 Archives départementales de Maine-et-Loire, 40 M 28, lettre adressée par le secrétaire de la Société philharmonique de Doué-la-Fontaine au sous-préfet de Saumur, 12 décembre 1888.
77 Archives départementales de Maine-et-Loire, 40 M 28, idem.
78 Archives départementales de Maine-et-Loire, 40 M 28, lettre adressée par le sous-préfet de Saumur au préfet de Maine-et-Loire, 19 décembre 1888.
79 Fauquet Joël-Marie (dir.), « La Sainte-Cécile », Dictionnaire de la musique en France au XIXe siècle, Paris, Fayard, 2003, p. 1111.
80 Le Journal de Maine-et-Loire, 27 et 28 novembre 1893.
81 L’Écho saumurois, 10 septembre 1901.
82 Le Journal de Maine-et-Loire, 28 et 29 novembre 1892.
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