Lazare défiguré : Les représentations littéraires des « gueules cassées » de 14-18
p. 165-179
Texte intégral
1Les « gueules cassées » s’inscrivent dans une histoire des blessures de guerre bien antérieure à la celle de 14-18, si l’on pense, notamment, aux fameux « invalides à la tête de bois » qui peuplent déjà les récits des campagnes napoléoniennes. Mais la Grande Guerre est première dans l’atrocité de la blessure faciale1, aggravée par l’usage d’armes modernes –obus, grenades, balles explosives–, la proximité des camps ennemis dans cette guerre de tranchées et son enlisement dans quatre années de conflit2.
2Si toute une littérature a rendu compte du caractère inouï de cette première guerre moderne où l’on meurt en masse, abondent surtout dans les récits de guerre les motifs macabres des cadavres saturant les champs de bataille, des corps déchiquetés ou pulvérisés. Le corps souffrant du blessé est aussi sur-représenté. En revanche, on peut s’étonner de la relative parcimonie dont ils font preuve à évoquer les mutilés de la face. Le plus souvent à la marge du récit, à l’exception de romans récents tels La Chambre des officiers de Marc Dugain3, le seul à faire d’une « gueule cassée » son héros dans une narration inédite à la première personne, le soldat défiguré semble un point aveugle du récit de guerre qui mérite à ce titre d’être interrogé.
3Car cette économie des représentations littéraires fait sens. Elle peut s’expliquer par le déséquilibre que vérifient les statistiques entre la masse de morts aux champs d’honneur et le faible nombre de rescapés valides, même si l’importance des blessés est tout aussi impressionnante4. Sidérés par la quantité de cadavres, les écrivains de la Grande Guerre focalisent leur témoignage sur les monceaux de corps qui saturent le paysage : Le Feu de Barbusse débute par la vision d’apocalypse, celle de masses informes de soldats noyés dans la boue5 ; Les Croix de bois de Dorgelès ne cesse d’assimiler le champ de bataille à un gigantesque cimetière balisé de croix et de tombes ; Delteil comptabilise cliniquement les tués de Verdun6 ; Giono, dans Le Grand Troupeau7, se rappelle avec obsession d’une terre dégorgeant de morts.
4Cette pénurie relative des représentations des gueules cassées trahit surtout – et c’est ce qui nous intéresse ici - la difficulté de la narration réaliste à prendre en compte le monstrueux, l’innommable qu’incarne la mutilation quand elle affecte le visage. Car non seulement le blessé de la face a perdu son identité, mais dans l’épreuve de la défiguration, son humanité devient problématique. Lazare défiguré et silencieux, il se situe en outre à la frontière indécise entre les vivants et les morts. D’où une représentation extérieure, distanciée, qui, entre fascination et répulsion, est déjà révélatrice de la marginalisation du soldat défiguré.
5Se voulant à la fois contribution à l’histoire des représentations collectives et réflexion sur les limites de l’écriture dans les formes traditionnelles auxquelles obéissent les récits de guerre, cette étude des « gueules cassées » dans la littérature de l’après-guerre jusqu’aux prolongements les plus contemporains aura donc pour but de souligner combien la défiguration s’impose à la fois comme la métaphore exemplaire d’une difficile nomination de l’horreur et, paradoxalement, comme son expression même, en tant que symptôme d’une plaie toujours ouverte, celle du traumatisme collectif de 14-18.
En marge de l’humain : l’anti-visage
6La « gueule cassée » défie les limites convenues de la disgrâce physique. La laideur et la répulsion que suscite l’atroce déformation des traits ne sont pas seules en cause : la perte du visage tient d’une insupportable amputation identitaire et d’une inscription dans la chair des violences du combat moderne. Dans Gilles, Drieu la Rochelle met en scène un personnage dont le corps mutilé peut encore cacher ce qui ne se révèle que dans son intime nudité :
Ce corps était déroutant : il était mi-parti comme une figure d’anatomie. D’un côté, c’était un corps d’homme épanoui et presque athlétique, avec un cou largement enraciné, une épaule droite pleine, un sein ample, une hanche stricte, un genou bien encastré ; de l’autre, c’était une carcasse foudroyée, tourmentée, tordue, desséchée, chétive. C’était le côté de la guerre, du massacre, du supplice, de la mort8.
7La « gueule cassée », elle, ne peut qu’afficher la mutilation de façon d’autant plus choquante qu’elle s’expose et que le visage dévasté fige, tel un masque, la violence du choc auquel le corps a été exposé. Comme cet ancien combattant décrit par Remarque, rendu méconnaissable par la défiguration :
Il dit, en gargouillant : « Vous ne me reconnaissez plus, n’est-ce pas ? »
J’examine le visage, si l’on peut encore appeler cela un visage. Sur le front, court une cicatrice, large et pourpre, qui descend vers l’orbite gauche. La paupière est boursouflée, au point que l’œil paraît minuscule, enfoncé dans le creux de l’orbite. Mais il y est encore, tandis que l’œil droit est fixe : il est en verre. Le nez a disparu ; à la place, un bout d’étoffe noire. En dessous, la cicatrice reparaît et fend, en deux endroits, une bouche dont les lèvres boursouflées ont cicatrisé de biais9.
8Le registre de la réification, mobilisé dans cet exemple où la matière inerte (verre, tissu…) semble prendre le pas sur le vivant, suggère la déshumanisation déjà sensible dans l’expression même de « gueule cassée ».
9Expression paroxystique du corps en souffrance, mémoire vivante de l’empreinte délétère de la guerre sur les corps, le mutilé de la face est aussi fréquemment assimilé à un rebut, coupé de l’humanité par sa monstruosité10. Dans La Peur, Gabriel Chevallier évoque ce « débris humain si monstrueux que tous, à sa vue, ont reculé, qu’il a étonné ces hommes que plus rien n’étonne11 » ; Marc Dugain compare les gueules cassées de l’après-guerre à ces « résidus [qui] allaient continuer à déambuler pendant de nombreuses années. Le regard de mes concitoyens me donnait à penser qu’ils n’étaient pas encore prêts à nous accepter12 ». On retrouve chez nombre de survivants de 14-18, même ceux qui n’ont pas subi de blessures réelles, cette image du déchet : Barbusse, par exemple, « [croit] voir des files de statues de plâtre, au travers desquelles transparaissent, en sale, des restes d’humanité13 » ; Roger Vercel évoque ces anciens combattants devenus « des inutiles, des incapables, des attardés » que l’on exècre parce qu’ils « rappel[lent] de si sales souvenirs14 ».
10Tel un arrêt sur image, le masque figé de l’effroi ou de la douleur de la gueule cassée a valeur emblématique du temps traumatique de la guerre et des séquelles psychiques indélébiles qu’elle a laissées dans toutes les consciences de poilus15. Ce que traduit Cendrars en confondant les métaphores de la blessure et du masque, et en peignant sur les visages la catastrophe d’une jeunesse à jamais volée dans l’épreuve de la guerre :
En moins de trois mois, les premières horreurs de la guerre avaient déjà marqué nombre d’adolescents de flétrissures pires que des plaies béantes ou que des cicatrices, et j’avais vu plus d’un visage parmi mes jeunes camarades se fermer comme un masque sur un intolérable, un douloureux secret (je n’avais d’ailleurs qu’à m’interroger moi-même pour savoir que mon cœur n’était plus qu’un petit tas de cendres sous lequel deux, trois braises couvaient qui allaient se consumant tout en me faisant un mal mortel16).
11D’autres registres sont mobilisés dans les descriptions pour signifier ce que les traits déformés par les blessures faciales ont d’atroce. L’animalisation est fréquente et assimile le grand blessé de la face à une bête conduite à l’abattoir ou à un chien maltraité soumis aux coups de son maître, comme sous la plume de Gabriel Chevallier décrivant les mutilés entassés dans un poste de secours :
À terre sont affalés des malheureux, des blocs boueux surmontés d’un visage hagard, empreint de cette atroce soumission que donne la douleur. Ils ont le regard des chiens qui rampent devant le fouet. Ils soutiennent leurs membres brisés et psalmodient le chant lugubre monté des profondeurs de leur chair. L’un a la mâchoire fracassée qui pend et qu’il n’ose pas toucher. Le trou hideux de sa bouche, obstruée par une langue énorme, est une fontaine de sang épais. Un aveugle, muré derrière son bandeau, lève la tête vers le ciel, dans l’espoir de capter une faible lueur par le soupirail de ses orbites, et retombe tristement dans le noir de son cachot17.
12Seuls les yeux sont parfois sauvés du naufrage identitaire et se rattachent encore à l’humain, mais soutenir leur regard est toujours décrit comme une épreuve insupportable, ne permettant plus d’endiguer le pathos. Comme sous la plume de Genevoix :
Il n’a plus de nez. À la place, un trou qui saigne, qui saigne…
Avec lui, un autre dont la mâchoire inférieure vient de sauter. Est-il possible qu’une seule balle ait fait cela ? La moitié inférieure du visage n’est plus qu’un morceau de chair rouge, molle, pendante, d’où le sang mêlé à la salive coule en filet visqueux. Et ce visage a deux yeux bleus d’enfant, qui arrêtent sur moi un lourd, un intolérable regard de détresse et de stupeur muette. Cela me bouleverse, pitié aux larmes, tristesse, puis colère démesurée contre ceux qui nous font la guerre, ceux par qui tout ce sang coule, ceux qui massacrent et mutilent18.
Et nous voyons des visages dont les yeux seulement apparaissent, fiévreux et inquiets, tout le reste deviné mutilé sous les bandes de toile qui dissimulent ; des visages borgnes, barrés de pansements obliques qui laissent couler le sang le long de la joue et dans les poils de barbe19.
13Mais ce qui rend insoutenable le regard de ces corps en sursis, c’est moins l’expression d’effroi ou de douleur qu’il renvoie que la manifestation strictement physique, instinctive, corporelle, dont il relève, comme si, dans l’imminence de la mort, l’avait soudain déserté tout ce qui distingue l’être humain de l’animal :
Ce qui m’a frappé ce jour-là, au fort de la première bataille meurtrière où je le voyais jeté, c’est la pâleur et le fléchissement des traits qui altèrent instantanément leur visage, la détresse qu’avouent leurs yeux, et le désir, avec la fièvre commençante, qui les fait briller : être loin, le plus loin possible, dans le monde des autres hommes où les balles ne sifflent plus. Tout cela est d’ordre physique. C’est le corps qui comprend dans l’instant presque où il perçoit. Faute de cette participation charnelle, l’intelligence, le raisonnement ne seraient que de faible prise, la générosité guère plus20.
14Ce retrait de l’humain a pour corollaire le sentiment de honte éprouvé par le soldat défiguré, comme dans le témoignage de ce poilu des Croix de bois décrivant un hôpital militaire sur le front :
Les civils n’y font plus attention ; ils disent comme ça que maintenant ils ont pris l’habitude. Les gars l’ont pas, eux, l’habitude, tu peux en être sûr… J’avais un social qui avait le bas de la tête enlevé, il n’osait pas se montrer, il avait honte21…
15D’autant que l’odeur nauséabonde qui accompagne les stigmates physiques est une constante des témoignages dans lesquels on sent poindre déjà « le cadavre [qui] menace22 ».
16Les textes nous donnent donc à lire des êtres sans visage réduits aux composantes animales du corps et de l’instinct. De telles descriptions déshumanisent leur objet, le chosifient et évacuent toute possibilité de signifier.
En marge du vivant : Lazare défiguré
17Mais c’est bien le thème du mort en sursis qui est le plus récurrent. Fréquemment relayée par la figure christique ou celle de Lazare, au même titre que n’importe quel combattant survivant, la gueule cassée tient du revenant, « médiateur entre les vivants et les morts23 », « excl[u] du monde des vivants, et pourtant pas encore dans celui des morts24 », et son évocation passe toujours par la référence implicite à la mort. Une mort sans grâce divine ni miracle, à l’inverse de ses modèles religieux, mais fruit du hasard arithmétique et de l’aléatoire statistique les plus froids, ce que rappelle Brice Parain :
L’arithmétique régnait sur eux (…). Une arithmétique obsédante, charnelle. Nous étions montés, seize cents ; nous sommes redescendus trois cents. La probabilité inexorable : j’y ai échappé aujourd’hui, demain – quel demain ? – ce sera mon tour. Et rien que la probabilité : quelqu’un en face appuie sur la gâchette, tire sur la ficelle, au même moment je me penche pour tendre du feu à mon copain assis, puis je relève la tête (…). La rencontre a lieu ou n’a pas lieu, celle de ma cervelle, de mon ventre, de mon cœur, avec la balle ou l’obus25.
18Plus proche du fantôme ou du revenant que de l’être vivant, le survivant de l’expérience limite des tranchées, marqué dans sa chair et dans son âme par l’horreur de la guerre, partage avec le soldat tué ou le grand blessé des stigmates psychiques, sinon physiques. Comme sous la plume de Dorgelès confondant rescapés et mutilés de la face en une même vision spectrale :
Ayant levé les yeux, un des officiers attablés aperçut dans l’ombre leurs rangées d’yeux en fièvre, tous ces morts casqués, et, collée à la vitre, la terrible figure du chasseur, dont le menton broyé n’était qu’un caillot noir. Il eut un haut-le-corps et se leva, très pâle. Les autres, surpris, se retournèrent et, à leur tour, ils virent les fantômes26.
19Contrairement au récit d’Er27, ce personnage de Platon revenu comme Orphée des enfers et révélant le secret des vivants et des morts, le mutisme de la gueule cassée résonne comme une inutile parole devant la capitulation de l’être face au néant et la victoire de « la maladie de la mort » sur tout poilu28.
20De ce point de vue, la frontière est ténue qui sépare le grand blessé de la face qui s’en sort de l’agonisant qui ne survivra pas à la gravité de ses blessures :
Le premier n’avait plus de nez. Il courait en baissant la tête, penchant vers les feuilles mortes ce trou béant, saignant, où éclosaient de grosses bulles roses. Le second le suivait à quelques mètres. Une balle lui avait fait sauter la moitié inférieure du visage. Une seule balle ? Je me rappelle m’être demandé si cela était possible : un minuscule lingot de métal, et aussitôt cette bouillie rouge, gargouillante ; et au-dessus les yeux, leur stupeur, leur détresse, leur regard insoutenable. (…) Un peu plus loin un grand blessé, un capitaine d’artillerie lourde, couché sur un brancard que ses porteurs avaient posé, pour un instant, dans l’herbe de l’accotement. Sa tête, bandée jusqu’au-dessous des yeux, creusait la toile profondément et le sang, autour d’elle, la ceignait d’une auréole rouge. Cette vision m’est restée. Une montée de pitié m’avait porté vers cet inconnu. J’avais senti avec une force singulière la misère, la déchéance de cet homme dans la vigueur de l’âge et que la vie était en train d’abandonner29.
21Bien plus, l’analogie établie entre les représentations des gueules cassées et celles des cadavres30 est suffisamment frappante pour que l’on se persuade du lien spécifique qu’entretiennent avec la mort les mutilés maxillo-faciaux :
Il n’avait plus de visage. Plus de bouche, plus de nez, plus de joues, plus de regard : de la chair broyée et des hérissements de petits os blancs. Il restait juste un peu de front et c’était en train de se vider dans la terre31.
22Au cadavre de Giono semble étrangement faire écho l’évocation de cette « gueule cassée » décrite par Drieu la Rochelle que ne sépare du premier que le réflexe qui la rattache encore à l’univers des vivants, alors même que l’amputation physique rend cette mémoire du corps totalement vaine et dérisoire :
Un beau jeune homme, un grand corps, un officier, ce bras avec ce bracelet d’or. Et un visage arraché. Arraché. Une bouillie. Il n’avait plus d’yeux, plus de nez, plus de bouche. Et il était vivant ; bien vivant ; sans doute vivrait-il. (…)
Je regardais, je regardais.
Et lui, il tournait sa face de tous côtés, avec son habitude de voir. Il y avait là quelque part dans cette surface énorme, dans ce chaos de viandes, une double habitude de voir qui nous cherchait32.
23Un être sans visage est un être perdu pour toute relation avec autrui. Les analogies qu’il entretient avec le cadavre le coupent de tout lien avec ses congénères, d’autant plus que généralement privé de parole et condamné au mutisme par la gravité de ses blessures, il perd le moyen de communication qui le rattache habituellement aux vivants33, comme ce blessé décrit par Duhamel, qui remplace dans un poste de secours un cadavre à peine évacué, au point que la proximité entre ces deux anonymes fait sens :
Il est mort, et tout de suite on a mis à sa place cet homme au crâne défoncé, dont nous ne savions rien parce qu’il nous était arrivé sans regard déjà, sans parole, et sans autre histoire qu’une fiche rouge et blanche, large comme la paume d’un enfant34.
24La « gueule cassée » effraie, dans le même temps qu’elle rebute, pour ce corps dont la mutilation semble affecter l’intellect et dont les stigmates physiques contredisent le vivant, d’où la remarque du narrateur de La Comédie de Charleroi évoquée plus haut, « Et il était vivant ; bien vivant » : la conjonction à valeur concessive et la parataxe traduisent la sidération du narrateur face à ce défi aux lois de la nature. À ce titre, la gueule cassée est perçue comme emblème de la mort violente, mais aussi comme cet être qui, d’une certaine façon, n’aurait pas dû survivre, démenti vivant à la logique des choses, non-sens incarné que la Guerre de 14-18 symbolise à elle seule, à la différence des guerres antérieures.
25Au vu de ces références insistantes à un univers macabre, on pourrait penser que les auteurs de récits de guerre, tentés par une littérature édifiante, s’inspireraient de l’art funéraire du portrait pour représenter la gueule cassée. Or, il n’en est rien. Ce genre majeur de la plastique se caractérise, on le sait, par la représentation idéalisée de son sujet, le plus souvent un personnage illustre. Sa forte individualisation et sa portée spirituelle, subordonnant le physique à l’ethos, en font la représentation idéale de la figure humaine, « l’expression totale de la personnalité – corps et âme35 ». Celui de la gueule cassée lui est diamétralement opposé et s’impose au contraire comme un anti-portrait. Anonymat, d’abord, du simple soldat, dont rend compte le narrateur de La Peur : « La plupart des blessés portent le numéro de mon régiment, mais j’en fais partie depuis trop peu de temps pour les connaître, et beaucoup sont méconnaissables36 ». À propos du « débris humain » évoqué plus haut, la narration semble même hésiter à qualifier d’humain le corps atrophié, réduit au neutre et à l’indéfini de la chose innommable : « Cela, cet être, hurle dans un coin comme un dément. Notre chair soulevée nous suggère qu’il serait généreux, fraternel de l’achever37 ». Mais surtout, la dépersonnalisation imputable au visage perdu passe, semble-t-il, dans les évocations littéraires (ou littérales ?), par l’évacuation de l’âme et sa scandaleuse désertion. « Dieu est absent des champs de bataille », s’indigne Cendrars, la guerre réduisant blessés et cadavres à des « taches aussi nombreuses mais pas plus importantes que des bouses de vache dans un pré38 ». Les descriptions achoppent dès lors sur cette troublante atteinte à l’intégrité de la personnalité. D’où le topos de la viande ou de la chair sanguinolente pour décrire la catastrophe du visage emporté ou de la grande blessure de guerre. En ce sens, la gueule cassée effraie plus encore que le cadavre39 en tant que physiologie vivante que recouvre une anatomie morte. Aux frontières du vivant et du mort, elle anticipe l’état du visage à l’heure de la mort qui, selon Lévinas, « devient masque mortuaire se montr[ant] au lieu de laisser voir40 » et cesse alors d’être un visage. Toute expression y disparaît et le visage détruit cesse donc d’être porteur de sens et vecteur de relation avec autrui pour ne plus se réduire qu’à un masque de cire, autrement dit un visage mort d’où le sens a fui et qu’il faut malgré tout (d)écrire.
En marge du récit : « mais comment appeler cela41 ? »
26Or, au défaut de visage qu’appelle la défiguration correspond un défaut du dire fondamental42 sur lequel il convient désormais de se pencher. Genevoix nous avertit :
Les blessures, la mort des autres, si profondément qu’elles nous émeuvent, si approché que soit le retour sur nous-mêmes que provoque leur présence lamentable, ne peuvent être qu’autres en effet : le transfert est impossible, il y faut la blessure même43.
27Dans la confrontation à la gueule cassée, l’expérience de l’altérité atteint son acmé, mais elle n’est que la version hyperbolique de ce qu’éprouve tout soldat confronté aux combats, dont l’identité vacille dans l’épreuve de la guerre :
On a des figures tellement lassées que ce ne sont plus des figures ; quelque chose de sale, d’effacé et de meurtri, aux yeux sanglants, en haut de nous. Nous nous sommes vus sous tous les aspects, depuis le commencement – et pourtant, nous ne nous reconnaissons plus44.
28À ce titre, elle est à la fois une expérience repoussante de la « mort de toi » et scandaleuse anticipation de la « mort de soi », pour reprendre la terminologie de Philippe Ariès45, ce dont rend compte le narrateur de La Peur :
Pendant des années, on nous a tenus devant des corps déchirés et pourris, hier fraternels, dont nous ne pouvions nous défendre de penser qu’ils étaient à l’image de ce que nous serions demain. (…) Car pour nous, encore vivants aujourd’hui, survivants, le moment qui précède la douleur et la mort, plus terrible que la douleur et que la mort, a déjà duré des années46…
29Mais en tant que signifiant de la perte - comme la mort47 -, le visage amputé est proprement impensable. D’où les réticences des auteurs à en faire autre chose qu’un motif périphérique, décentré, anecdotique, par incapacité à le plier au cadre des formes narratives traditionnelles.
30L’impossibilité du récit que trahit la présence marginale des gueules cassées dans les textes est certes imputable à l’ensemble de la littérature de la Grande Guerre. Jean Paulhan et Hannah Arendt ont, en effet, pareillement souligné l’aporie de la narration traditionnelle à relater cet événement48. L’inadéquation du langage à l’expérience de la Grande Guerre affecte particulièrement les structures traditionnelles du récit – ordonnancement logique et causalité linéaire –, souvent jugées artificielles et du coup, inadéquates et déceptives. Mais dans le cas de la défiguration, elle se complique en ce que le visage, ce motif dans lequel se condense la perception d’un être, est littéralement absent.
31Quels dispositifs d’écriture dès lors mettre en place quand le souci de transcription authentique reste une priorité, mais que les mots se heurtent à leurs limites à figurer cette absence49 ? Comme l’écrit Lévinas : « la relation avec le visage peut certes être donnée par la perception, mais ce qui est spécifiquement visage, c’est ce qui ne s’y réduit pas50 ». « Le visage est sens à lui tout seul ». Dès lors, il ne peut être vu car « il vous mène au-delà ». Et si « le visage parle51 » de ce qui ne peut passer par les mots, la défiguration, elle aussi, engage un au-delà des mots sur lequel bute toute représentation réaliste. Bien plus, si le visage « parle en ceci que c’est lui qui rend possible et commence tout discours », le visage perdu de la gueule cassée est, lui, doublement éludé, en tant qu’expression d’une individualité, mais aussi en tant que porteur d’une signification essentielle, puisque c’est un autre visage, défiguré, dénaturé, manquant ou mort, qui s’arroge le pouvoir de traduire le sens du visage perdu, caché52. Or, quand cet autre visage ressemble à un masque atroce, c’est une tout autre signification dont il est porteur.
32Si, selon Lévinas, autrui comme autrui se révèle dans le « Tu ne commettras pas de meurtre » inscrit sur son visage53, on comprend que la gueule cassée, par les blessures insupportables qu’elle exhibe, atteste à l’inverse de la violation de ce principe biblique, de la violence faite à l’intégrité de la personne dans l’épreuve du massacre en masse, de la guerre industrielle que fut 14-18. C’est cette déperdition des valeurs humanistes et du sens – cette « désillusion », pour parler comme Freud54 –, qui confronte l’écriture de la guerre à la caducité des codes narratifs traditionnels et aux limites de l’écriture, comme le suggère l’usage de l’indéfini célinien – « À présent, j’étais pris dans cette fuite en masse, vers le meurtre en commun, vers le feu… Ça venait des profondeurs et c’était arrivé55 » – ou le rappelle aussi cette page de Claude Simon :
Non. Ce n’est pas ça
… entre le lire dans les livres ou le voir artistiquement représenté dans les musées et le toucher et recevoir les éclaboussures c’est la même différence qui existe entre voir écrit le mot obus et se retrouver d’un instant à l’autre couché cramponné à la terre et la terre elle-même à la place du ciel et l’air lui-même qui dégringole autour de toi comme du ciment brisé des morceaux de vitres et de la boue et de l’herbe à la place de la langue, et soi-même éparpillé et mélangé à tellement de fragments de nuages, de cailloux, de feu, de noir, de bruit et de silence qu’à ce moment le mot obus ou le mot explosion n’existe pas plus que le mot terre, ou ciel, ou feu, ce qui fait qu’il n’est pas plus possible de raconter ce genre de choses qu’il n’est possible de les éprouver de nouveau après coup, et pourtant tu ne disposes que de mots, alors tout ce que tu peux essayer de faire56…
33Dominique Viart abonde dans ce sens : « l’Histoire n’est plus celle d’une libération ni d’une édification mais celle d’une dissolution généralisée où se perdent, avec la vie, et le sens et la valeur57 ».
34À défaut de récit58, la description se trouve revisitée. Comment la mettre au service d’une vision d’horreur telle que la « gueule cassée » ? Un des procédés les plus courants est celui de l’hypallage : l’analogie entre le visage et le paysage dévastés trouve précisément dans la métaphore de la défiguration le moyen d’approcher l’atrocité du chaos des chairs et des tranchées59. Barbusse décrit ainsi la route séparant les tranchées comme « une espèce de longue chose crevée, triste (…) défigurée » et mêle, dans une sorte d’allégorie, l’image de la défiguration à celles, latentes, de viol et de meurtre :
Elle est la grande voie échevelée parcourue seulement par les balles et par des rangs et des files d’obus, qui l’ont sillonnée, soulevée, recouverte de la terre des champs, creusée et retournée jusqu’aux os. Elle semble un passage maudit, sans couleur, écorchée et vieille, sinistre et grandiose à voir60.
35Duhamel évoque lui aussi « des campagnes défigurées où le canon règne jusqu’aux montagnes du Sud, jusqu’à l’Océan, jusqu’au rivage étincelant de la mer intérieure61 ». Giono, lui, use de la périphrase descriptive pour associer soldats et paysage dans une même vision de blessure et de plaie ouverte :
Rien que des morts, de la terre déchirée, des villages en feu. (…) De tous les trous, de tous les vals, sur le large déploiement de la plaine qui va vers Bailleul, suinte et coule dans l’herbe le grand front de troupeau des autres62.
36Ainsi confondus, visage perdu et paysage laminé pareillement dépaysent.
37Les auteurs puisent aussi souvent dans l’arsenal pictural pour traduire l’atrocité des faces convulsées. Le grotesque effrayant du personnage de Marc Dugain qui « tire la langue par le nez63 » n’est pas sans rappeler certains tableaux de Bruegel ou certaines chimères infernales de Bosch. La palette agressive des couleurs et la distorsion plastique de certaines descriptions renvoient, quant à elles, à la peinture expressionniste d’Otto Dix64, elle-même héritière des représentations de l’Apocalypse dans la Renaissance allemande :
Le premier que je vois est à genoux, ses deux mains grises de crasse cramponnées à une traverse, le cou tendu et la face tournée vers le sol. Il relève la tête au bruit de nos pas et nous montre son visage nu. Ses yeux bleus, extraordinairement pâle dans le violet noir des paupières ; et leur intense lumière flambe sur un massacre : du sang poisse les deux joues, crevées de plaies rondes pareilles à des mûres écrasées ; les moustaches pendent comme des loques rouge sombre, et l’on aperçoit au-dessous, d’un rouge vif de sang frais, un vague trou qui est la bouche. Quelque chose bouge là-dedans, comme un caillot vivant ; et de toute cette bouillie un bégaiement s’échappe, convulsif. (…) Bâillonné par sa langue coupée, il a dû avaler une grosse gorgée de sang ; il a brusquement penché la tête par-dessus la ridelle ; et maintenant, immobile, la lèvre distendue et pendante, il regarde s’étirer vers la terre un long flet de bave rouge65.
38La fragmentation narrative sert le même projet d’écriture visant à annuler la distance entre le mot et la chose pour mieux mimer son objet : dans l’émiettement et l’éparpillement des descriptions de gueules cassées, tout se passe, en effet, comme si l’écriture, par contamination, éclatait la syntaxe, accumulait les notations sèches ou approximatives, suturait les détails cliniques, en privilégiant toujours la juxtaposition et la parataxe au détriment de la coordination logique et de l’enchaînement linéaire. Substituant l’inventaire désordonné et l’accumulation disparate à l’agencement logique de la narration, le désordre des visions trahit dans le même temps le caractère lacunaire d’une description capitulant devant l’innommable, et le désir d’une écriture faite chair. Au désastre du visage aux tissus ravagés fait ainsi écho une « écriture du désastre », pour reprendre la célèbre formule de Blanchot, à la texture heurtée, aux cicatrices faites style. Si Claude Simon a excellé dans ce registre et multiplié les procédés propres à saisir l’essence de la barbarie de 14-18, des auteurs plus contemporains de l’événement, tels Henri Barbusse ou Gabriel Chevallier, ont tenté d’ouvrir cette voie vers une écriture de la chair à vif, tout en ayant conscience des limites de l’entreprise66. En se concentrant sporadiquement sur la gueule cassée, certains d’entre eux ont contribué toutefois à reléguer au musée la description édifiante des faits de guerre, et installé dans l’horizon d’attente des lecteurs l’image de « l’archipel du sens » inauguré par la Grande Guerre, image qui s’incarne dans l’hétéroclite assemblage d’éléments composites de la face mutilée. À ce titre, la représentation de la gueule cassée est bien cette métaphore d’élection qui résume combien « la guerre est un évidement de l’univers physique et cérébral. Elle entraîne avec elle un monde à l’abîme67 ».
39Toutefois, les limites de ce qui reste encore du registre de la description réaliste résident sans doute dans le primat conféré à l’émotion, là où l’on attendrait du symbolique. Nous conclurons sur un auteur contemporain qui, sans directement traiter de la défiguration, suggère dans une de ses nouvelles mettant en scène un artiste sculpteur en quête d’une œuvre à faire sur la boucherie de 14-18, vers quels horizons de l’abstraction, le visage perdu de la « gueule cassée » pourrait trouver des prolongements à venir :
Il se mit en quête d’une forme archaïque et symbolique et d’un matériau capables d’exprimer toute la violence des affrontements. (…) Il passait ses nuits à tenter d’assembler ces éléments hétéroclites, faisant naître des scènes d’apocalypse qui lui ôtaient le sommeil jusqu’au matin. Il comprit confusément qu’il ne lui fallait pas représenter le corps humain pour hurler la torture qu’on lui avait infligée. (…) Pas de bras, pas de jambes, pas de gestes, pas de visages qui laisseraient deviner une vie, un langage. Mais des nœuds, des crevasses, des nervures, qui racontent le temps où l’arbre était l’élément naturel et efficace. Seules les échardes, les failles, les brûlures, les entailles, témoignaient des rageuses attaques mécaniques, de la chimie du feu68.
40La défiguration comme déni à la figuration ? En tout cas, la gueule cassée s’impose dans tous les récits de guerre qui n’ont pas renoncé à l’ancrage réaliste, comme cet emblème qui à lui seul signifie ce que les mots sont impuissants à nommer : à la fois l’effondrement du sens et l’incapacité à figurer sa perte.
Notes de bas de page
1 « Aucune blessure de la guerre en Europe n’a été aussi atrocement frappante que celles touchant à la figure humaine » (extrait du New York Times, cité dans l’article de Beth Haiken, « Plastic Surgery and Beauty at 1921 », Bulletin of the History of Medicine, 1994, vol. 68, n° 3, p. 441).
2 Sophie Delaporte, Gueules cassées de la Grande Guerre, Agnès Viénot Editions, 1996, rééd. 2004, p. 33.
3 Marc Dugain, La Chambre des officiers, éditions Jean-Claude Lattès, 1998.
4 Stéphane Audouin-Rouzeau, préface du livre de Sophie Delporte, op. cit., p. 16-17.
5 Henri Barbusse, Le Feu, 1916, Flammarion, 1965, rééd. Le Livre de poche.
6 Joseph Delteil, Les Poilus, Grasset, 1926, rééd. Les Cahiers Rouges, Grasset, 1987.
7 Jean Giono, Le Grand Troupeau, Gallimard, 1931, Folio, 1972.
8 Pierre Drieu la Rochelle, Gilles, Gallimard, 1939, Folio, 1973, p. 500-501.
9 Erich-Maria Remarque, Après, 1931, traduction française, Folio, Gallimard, 1977, p. 156.
10 Jean Giono, « Je ne peux pas oublier », Refus d’obéissance, 1937, in Récits et Essais, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1989, p. 262 : « Je n’ai jamais été blessé, sauf les paupières brûlées par les gaz. (En 1920 on m’a donné puis retiré une pension de quinze francs tous les trois mois pour ce motif : « Léger déchet esthétique ») ».
11 Gabriel Chevallier, La Peur, 1930, rééd. Le Passeur, 2002, p. 90.
12 Marc Dugain, op. cit., p. 129.
13 Henri Barbusse, op. cit., p. 97.
14 Roger Vercel, Capitaine Conan, Albin Michel, 1934, rééd. Imprimerie Nationale de Monaco, 1951, p. 188.
15 Marc Dugain, op. cit., p. 66 : « Car moi, le mutilé de la face, je ne vieillirai pas. La guerre m’a fait vieillard à vingt-quatre ans ».
16 Blaise Cendrars, in Miriam Cendrars, Blaise Cendrars, Balland, 1985, p. 412.
17 Gabriel Chevallier, op. cit., p. 90.
18 Maurice Genevoix, Sous Verdun, 1916, rééd. Omnibus, 1998, p. 96-97.
19 Ibid., p. 91.
20 Maurice Genevoix, La Mort de près, Omnibus, 1998, p. 1021.
21 Roland Dorgelès, Les Croix de bois, 1919, rééd. Livre de poche, p. 373.
22 Michel Onfray, Féeries anatomiques. Généalogie du corps faustien, Grasset, 2003, p. 365.
23 Carine Trévisan, Les Fables du deuil. La Grande Guerre : mort et écriture, PUF, 2001, p. 132-135.
24 Claude Simon, La Route des Flandres, Minuit, 1960, p. 121.
25 Brice Parain, Essai sur la misère humaine, Grasset, 1934, p. 23-24.
26 Roland Dorgelès, Les Croix de bois, op. cit., p. 398.
27 Platon, La République, livre X.
28 Voir sur ce point les analyses de Carine Trévisan, op. cit., p. 134 et sq.
29 Maurice Genevoix, La Mort de près, Omnibus, 1998, p. 1034 et p. 1045.
30 Georges Duhamel, Vie des martyrs, 1914-1916, Le Mercure de France, 1917, rééd.1945, p. 101 : « Le cadavre est encore si proche de l’homme vivant que je ne peux me décider à être seul, que je ne peux me décider à penser comme quand on est seul ».
31 Jean Giono, Le Grand Troupeau, Gallimard, 1931, Folio, 1972, p. 128.
32 Drieu la Rochelle, La Comédie de Charleroi, Gallimard, 1934, Folio, 1982, p. 247.
33 Dans la déroute de son visage, la gueule cassée perd aussi les sensations gustatives et olfactives qui le rattachaient à un avant, comme le narrateur-personnage de Marc Dugain qui se souvient avec émotion et nostalgie des fragrances forestières au petit matin : « Ce parfum-là, je ne le sentirais plus jamais. Et chaque fois que j’y pensais, je m’attendrissais et il me venait des larmes. J’acceptais plus volontiers ma difformité que cette perte irrémédiable du goût et de l’odorat » (La Chambre des officiers, op. cit., p. 114).
34 Georges Duhamel, op. cit., p. 212.
35 Article « portrait dans l’art grec », Encypclopædia Universalis.
36 Gabriel Chevallier, op. cit., p. 91.
37 Ibid., p. 90.
38 Blaise Cendrars, La Main coupée, Denoël, 1946, rééd. Folio, Gallimard, p. 184.
39 Michel Onfray définit le cadavre comme « une anatomie vivante gommée par une physiologie morte » (op. cit., p. 366).
40 Emmanuel Lévinas, La Mort et le Temps, Fayard, 1982, p. 14.
41 Claude Simon, La Route des Flandres, Minuit, 1960, p. 299.
42 Jacqueline Authier-Revuz, « Défaut du dire, dire du défaut : les mots du silence », Du dire et du discours, dir. Claudine Normand et Frédérique Sitri, Université Paris X, 1996.
43 Maurice Genevoix, La Mort de près, op. cit., p. 1027.
44 Henri Barbusse, Le Feu, op. cit., p. 406.
45 Philippe Ariès, Essais sur l’histoire de la mort en Occident du Moyen Àge à nos jours, Seuil, 1975, rééd. Points/Histoire, p. 32-60. Voir aussi les analyses de Carine Trévisan, Les Fables du deuil, op. cit., p. 138-141.
46 Gabriel Chevallier, op. cit., p. 313.
47 Michel Picard, La littérature et la mort, PUF, collection « Ecriture », 1995.
48 Jean Paulhan, Les Fleurs de Tarbes ou la Terreur dans les lettres, 1941, Gallimard, 1990, Folio, p. 22-23 ; Hannah Arendt, « De l’humanité dans de sombres temps », Vies politiques, 1955, traduction française, Gallimard, 1974, rééd. Tel Gallimard, p. 30-32.
49 Antoine Prost et Jay Winter, Penser la Grande Guerre. Un essai d’historiographie, Seuil, collection Points Histoire, 2004, p. 240 : « Ceux qui patinent la vérité du brillant de la rhétorique mentent inévitablement sur la guerre ».
50 Emmanuel Lévinas, Ethique et infini, Fayard, 1982, p. 80.
51 Emmanuel Lévinas, Totalité et infini. Essai sur l’extériorité, 1971, rééd. Livre de poche, Biblio essais, p. 293.
52 Marc Dugain, La Chambre des officiers, op. cit., p. 151 : « Les gens défigurés ont ceci de particulier qu’on les remarque, qu’on ne voit qu’eux, et que, dans le même temps, on ne les voit pas. »
53 Emmanuel Lévinas, Totalité et infini, op. cit., p. 294.
54 Sigmund Freud, Considérations actuelles sur la guerre et sur la mort, 1915, in Essais de psychanalyse, Petite Bibliothèque Payot, 1981, p. 9-25.
55 Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit, 1932, rééd. Gallimard, Folio, 1981, p. 24.
56 Claude Simon, Histoire, Minuit, 1967, p. 152.
57 Dominique Viart, Une mémoire inquiète. La Route des Flandres de Claude Simon, PUF, 1997, p. 201.
58 Seul Marc Dugain, dans La Chambre des officiers, tente de saisir de l’intérieur le vécu d’une « gueule cassée ». Dans une démarche voisine de celle adoptée par Stanley Kubrick dans son film Johnny s’en va–t-en guerre, la voix off et le monologue intérieur sont les procédés stylistiques mis à l’honneur.
59 Roland Dorgelès, op. cit., p. 132 : « La guerre… Je vois des ruines, de la boue, des files d’hommes fourbus, des bistrots où l’on se bat pour des litres de vin, des gendarmes aux aguets, des troncs d’arbres déchiquetés et des croix de bois, des croix, des croix… Tout cela défile, se mêle, se confond. La guerre… »
60 Henri Barbusse, Le Feu, op. cit., p. 196.
61 Georges Duhamel, La Vie des martyrs, op. cit., p. 5.
62 Jean Giono, Le Grand troupeau, op. cit., p. 234.
63 Marc Dugain, op. cit., p. 76.
64 Voir notamment son grand cycle intitulé La Guerre.
65 Maurice Genevoix, Nuits de guerre, 1914, Omnibus, 1998, p. 333.
66 Louis Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit, 1932, rééd. Gallimard, Folio, 1981, p. 25 : « de la prison, on en sort vivant, pas de la guerre. Tout le reste, c’est des mots ».
67 Dominique Viart, op. cit., p. 215.
68 Didier Daeninckx, « Le monument », in Le dernier guérillero, Verdier, 2000, p. 22.
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