L’histoire universitaire de l’Anjou dans la seconde moitié du XXe siècle
p. 187-192
Texte intégral
1On peut dire que l’histoire universitaire de l’Anjou commence avec la Cinquième République. En 1958, Charles Tilly soutient à Harvard une thèse de sociologie historique consacrée à la Vendée angevine, publiée seulement à Harvard University Press en 1964 et en traduction française, chez Fayard, en 1970 (année où paraît aussi la traduction française de Chanzeaux, village d’Anjou de Laurence Wylie), et la même année Joseph Dénécheau soutient à Poitiers son DES1, La vente des biens nationaux dans le district de Vihiers : recherches sur les vicissitudes pendant la Révolution dans une région du Maine-et-Loire. En 1960, le révérend John Mac Manners publie à Manchester UP (416 p.) sa thèse sur la société ecclésiastique d’Angers au XVIIIe siècle (qu’en 1963 j’achetai à Oxford et rapportai à François Lebrun, qui en fit aussitôt un compte-rendu dans la Revue du Bas-Poitou), tandis qu’à Poitiers, l’abbé Louis Gallard soutient, sous la direction de Jacques Egret, un DES pionnier sur Le clergé saumurois de 1789 à 1795 et qu’Henri Gazeau, enseignant à l’UCO, soutient à Rennes, sous la direction d’Henri Fréville, une thèse d’État sur L’évolution religieuse des pays angevins de 1814 à 1870 (inédite). Henri Fréville dirige aussi, quelques années plus tard, la thèse de J.-Ph. David sur L’établissement de l’enseignement primaire en Maine-et-Loire, 1816-1879 (Angers, 1967). La même année 1960, le politologue B. Jeanneau publie dans la Revue française de Sciences politiques un article sur « Les élections de novembre 1958 en Maine-et-Loire », qui ouvre le temps de l’histoire immédiate de l’Anjou.
2En 1961, François Dornic, alors enseignant au collège universitaire du Mans2, publie un « Que sais-je ? » sur l’Histoire de l’Anjou, et F. Lebrun, alors professeur agrégé au lycée David d’Angers, son premier volume de « Textes d’histoire locale choisis pour illustrer l’Histoire générale » (chez Siraudeau), sous le titre L’histoire vue de l’Anjou, 1789-1914, dont le second volume (987-1789) paraît en 1963, alors qu’il a déjà entamé une carrière universitaire en devenant (en 1962) assistant d’histoire moderne à la faculté des lettres et sciences humaines de Rennes, et prépare, sous la direction de Jean Delumeau, sa thèse de troisième cycle, soutenue en 1965 (et publiée chez Klincksieck en 1967), sur le Cérémonial de l’Église d’Angers de René Lehoreau, et sa thèse de doctorat d’État (soutenue en mai 1970, devant un jury présidé par V. L. Tapié, de l’Institut, et composé des professeurs rennais J. Delumeau, P. Goubert et J. Meyer) sur Les Hommes et la mort en Anjou aux XVIIe et XVIIe siècles. Étude de démographie et de psychologie historique (publiée in extenso chez Mouton dès 1971 et en poche en 1975). Au vrai, dès 1959, il s’est déjà fait connaître du monde universitaire à la fois par une étude du syndicaliste ardoisier angevin Ludovic Ménard (1855-1935), parue dans une revue l’Actualité de l’Histoire (qui n’était pas encore Le Mouvement Social), dans laquelle, en 1962, il donne un nouvel article consacré à « Une source de l’histoire sociale : les Affiches d’Angers (1773-1789) », et par un article-bilan dans l’Information historique, « Où en est l’histoire de l’Anjou ? ». L’autre professeur d’histoire moderne à Rennes (entre 1959 et 1965), Pierre Goubert, qui entraîne F. Lebrun à la Société de démographie historique, dirige alors quelques étudiants désireux de faire leur DES sur l’Anjou de l’Ancien Régime : en 1963, Louis Michel étudie Le temporel de l’abbaye St Aubin d’Angers de 1660 à 1790, et Serge Chassagne La manufacture de toiles peintes de Tournemine à Angers au XVIIIe siècle, qui l’un et l’autre transforment ensuite ce premier travail en thèse de troisième cycle (S. Chassagne, à Rennes, en 1970, publiée, sous le même titre, chez Klincksieck en 1971, et L. Michel, à Paris, en 1972, sur Les revenus du Clergé d’Anjou à la fin de l’Ancien Régime, inédite, mais résumée dans un article sur « La dîme et les revenus du Clergé d’Anjou à la fin de l’Ancien Régime », dans les Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest3, 1979) ; après le départ de P. Goubert, F. Lebrun dirige lui-même, en 1966, le DES de René Plessix, Mouliherne, paroisse angevine au XVIIIe siècle, et, l’année suivante, celui de Claudine Étienne, La population d’Angers en 1769, à l’aide d’un recensement découvert à la bibliothèque municipale4 par F. Lebrun. La même année 1963, E. Labrousse envoie une étudiante parisienne, Annick Chabasseur, étudier les structures socio-professionnelles d’Angers dans les registres de la capitation. Dans le même temps, deux chartistes consacrent aussi leur thèse à des points particuliers de l’histoire angevine : André Geoffroy (1963) à la vente des biens nationaux dans le district de Baugé, et Monique Merlet-Dosdat (1967) au péage de la Cloison d’Angers. L’histoire médiévale n’est pas pour autant délaissée : l’Angevin Yves Chauvin étudie (DES, Rennes, 1963) le cartulaire de l’abbaye Saint-Serge et le publie ensuite ultérieurement5, tandis que le Castrogontierien J. M. Bienvenu soutient en Sorbonne, en 1968, sa thèse de troisième cycle sur Le diocèse d’Angers au temps de la Réforme grégorienne et publie ensuite divers articles sur l’Anjou médiéval, tout en préparant sa thèse d’État (soutenue en 1980, inédite) sur Les premiers temps de Fontevraud (1101-1189). F. Piponnier étudie en thèse de troisième cycle à la VIe section de l’EPHE, devenue en 1977 EHESS, Le costume et la vie sociale à la cour des ducs d’Anjou, XIVe-XVe siècle (Paris, 1970), et Olivier Guillot soutient et publie, en 1972, sa thèse consacrée au Comte d’Anjou et à son entourage au XIe siècle, qui renouvelle la thèse ancienne de Louis Halphen (1906) ; plus tard, Michel Le Mené soutient, à Nantes, en 1982, la sienne sur Les campagnes angevines à la fin du Moyen Âge, aussitôt publiée. Le mémoire de maîtrise soutenu en 1983 par François Comte, L’Abbaye Toussaint d’Angers des origines à 1330, étude historique et cartulaire, est édité en 1985 par la Société des études angevines. Même l’histoire de l’art roman, suscitée par la thèse magistrale d’André Mussat, Le style gothique de l’Ouest de la France (Picard, Paris, 1963), bénéficie d’une nouvelle lecture avec les travaux de Jacques Mallet (thèse, Paris, 1984).
3Mais, si l’on excepte la thèse de sciences économiques de J. L. Ceppe (Lyon, 1964) sur L’aménagement industriel du Maine-et-Loire, et les thèses de géographie de Gilles Vergneau (Caen, 1969) sur L’élevage dans les Mauges et de Jacques Jeanneau (Rennes, 1972) sur La banlieue d’Angers (d’où il tire, en 1974, une Notice de la documentation française, Angers et son agglomération), l’histoire moderne l’emporte toujours dans les travaux universitaires. En 1970, Claude Chéreau, ancien étudiant rennais, soutient, sous la direction de P. Goubert, devenu professeur à la Sorbonne, sa thèse de troisième cycle sur Huillé, une paroisse angevine de 1600 à 1836, et Jacques Maillard, nommé à Angers après son succès à l’agrégation en 1964, soutient en 1972, à Rennes, une thèse de troisième cycle sur Le collège de l’Oratoire à Angers aux XVIIe et XVIIIe siècle (publiée en 1975 chez Klincksieck), ce qui lui permet de devenir maître-assistant à la jeune université d’Angers, et de commencer une thèse d’État sur Le pouvoir municipal à Angers, des lendemains de la Fronde à la veille de la Révolution (soutenue à Paris, en juin 1983, et publiée la même année par les Presses de l’université d’Angers). Le professeur d’histoire moderne nommé à Angers, J. de Viguerie (1971-1985), dirige surtout ses étudiants vers des études d’histoire religieuse (résumées par exemple dans un article de la Revue historique, en 1976, sur « Les fondations de messe en Anjou aux XVIIe et XVIIIe siècle », et illustrées par plusieurs colloques tenus à Fontevraud et publiés par les Presses de l’université). Dès 1968, un professeur agrégé, alors principal du collège de la Californie, à Angers, Claude Petitfrère, commence, sous la direction du doyen Godechot à Toulouse, une thèse d’État sur les combattants de l’armée catholique et royale, à partir des dossiers de pensions établis sous la Restauration, que sur les conseils de Marc Bouloiseau, il étend ensuite aux combattants républicains, thèse soutenue à Toulouse, en avril 1977, sous le titre Les Bleus et les Blancs d’Anjou (1790-93), publiée ensuite en deux volumes distincts avec une préface de J. Godechot6, et donnant lieu ensuite à plusieurs articles historiographiques dans les ABPO (1979-1980), ainsi qu’à un volume de la collection Archives (1985). En 1973, un historien du droit angevin, Xavier Martin, dont le DES sur Le partage égalitaire dans la Coutume d’Anjou a déjà été publié (PUF, 1968), soutient à Paris 2, sous la direction de P. Timbal, sa thèse sur L’administration municipale d’Angers à la fin du XVIe et au début du XVIIe siècle (inédite). Les fouilles de la place du Ralliement et la destruction du quartier des Halles, entre les rues Plantagenet et Baudrière, en 1971-1972, relancent l’intérêt pour l’archéologie angevine : Michel Provost en tire les éléments de sa thèse (1977) sur l’Angers gallo-romain, soutenue malheureusement après la parution, en 1975, dans la collection « Histoire des Villes », chez Privat (mais la 2e édition, en 1984, en tient compte), d’une Histoire d’Angers, sous la direction de F. Lebrun, (qui ne comprend que trois auteurs, J. Mallet pour la période antique et médiévale, F. Lebrun pour la période moderne et S. Chassagne pour la période contemporaine, laquelle occupe à elle seule plus de la moitié de l’ouvrage, ce qui est inusité), et, en 1981, paraît chez Beauchesne, toujours sous la direction de F. Lebrun, une Histoire du diocèse d’Angers (qui comprend cette fois six auteurs, dont Jean-Luc Marais pour la période postérieure à 1870). Le temps des premières synthèses semble en effet alors venu.
4Pourtant, avec la nomination de Ph. Haudrère comme professeur d’histoire moderne, en 1988, puis de J.-G. Petit comme second professeur d’histoire contemporaine à Angers, en 1989, et aussi de J.-L. Marais, comme maître de conférences en 1992, l’histoire angevine bénéficie de nombreux travaux d’étudiants de maîtrise, de DEA ou de doctorat, recensés désormais régulièrement dans les ABPO. On ne saurait donc tous les citer ici, d’autant que beaucoup ont donné lieu, à partir de 1997, à des articles dans la revue Archives d’Anjou, éditée par l’Association des amis des archives d’Anjou. Mais retenons ici les thèses de Ch. Aubert La répression des manifestations séditieuses de l’opposition politique en Maine-et-Loire au XIXe siècle (publiée en 2006 sous le titre Le temps des conspirations), de G. Ratouis, La politique et la cité : Angers, Cholet et Saumur 1889-1914 (2003), de P. Houdemont, Les forçats de l’or bleu. L’univers social des ardoisiers de Trélazé, 1890-1947.
5Ailleurs aussi, et parfois loin, s’élaborent des thèses d’histoire angevine : à l’Institut catholique de Paris (avec la thèse de 3e cycle de Paul Bardon, soutenue en 1981, sur Le Clergé angevin et la reconstruction concordataire de l’Église d’Angers [1802-1809]7), à Montpellier (thèse de 1983, de Bernard Peschot sur La Chouannerie en Anjou : théories et pratiques de la petite guerre, publiée à Montpellier en 1989), à Tours (thèse, 1986, de Jacques Fénéant, Francs-maçons et sociétés secrètes en Val de Loire, aussitôt publiée à l’EHESS (thèse, en 1988, de Jean-Louis Ormières, Révolution et contrerévolution dans le Haut-Anjou, et rédaction la même année par l’auteur d’un nouveau « Que sais-je ? » destiné à remplacer celui de F. Dornic), à l’UCO (maîtrise, 1989, de B. Dezanneau sur Les Hommes et la Loire à St Clément des Levées dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, publiée à compte d’auteur), à l’université du Michigan (thèse, 1987, de Teissie Pei-Yan Liu, From Proto-industry to sweated Work : household producers, small’scale manufacturers and rural development in Southern Anjou, 1870 to 1940), à Paris X (Jean-Michel Matz, Les miracles de l’évêque Jean Michel et le culte des saints dans le diocèse d’Angers [vers 1370-vers 1560], en 1993), et surtout à Rennes 2, sous la direction de Michel Denis, puis de Jacqueline Sainclivier, les thèses en 1996 de Jacques Bouvet, Bessonneau-Angers, Les vecteurs historiques de la prospérité et du déclin d’une entreprise industrielle au XXe siècle (dont une version allégée paraît à la Société des études Angevines en 2000), en 1998 de Jean-Louis Kerouanton, (Investissement religieux et architecture des églises paroissiales en Maine-et-Loire, 1840-1940, inédite), en 1999 d’Isabelle Emeriau (Le malentendu républicain. L’exemple du Maine et Loire, 1848-1891, inédite), et en 2001 de Marc Bergère, L’épuration en Maine-et-Loire de la Libération au début des années 50 (PUR, 2004), lequel a déjà multiplié les études ponctuelles, comme celle consacrée à Jean De Geoffre (in G. Le Bouedec et D. Peschanski [dir.], Les élites locales dans la tourmente. Du Front populaire aux années 50, CNRS, 2000). À Lyon 2, sous la direction de F. Loyer, sont soutenues les thèses d’histoire de l’art de Claire Giraud-Labalte, en 1994, Les Angevins et leurs monuments, publiée par la SEA en 1996, et d’Anne Leicher, en 1999, Le château en Anjou entre 1840-et 1880 (inédite), tandis que la même année Guy Massin-Le Goff soutient la sienne à l’EPHE, Le néo-gothique civil en Anjou à travers quelques exemples (éditée en 2007 sous le titre plus explicite Les châteaux néo-gothiques en Anjou).
6Tous ces travaux aboutissent à de nouvelles synthèses : dès 1985, le volume Anjou dans la collection des « Encyclopédies départementales » chez Ch. Bonneton (auquel participe J.-L. Marais pour la période contemporaine, 1789-1981) ; sous la direction de Jacques Maillard, en 2000, l’ouvrage collectif, sous forme de dictionnaire, Angers XXe siècle ; enfin, par J.-L Marais, en 2009, chez Picard, le volume IV d’une encyclopédique Histoire de l’Anjou, dont les autres volumes sont imminents. Ainsi en un demi-siècle, dans une conjoncture de croissance globale des universités et de leurs étudiants, ont été explorés, renouvelés ou approfondis beaucoup d’aspects de la longue histoire angevine. On peut gager que le XXIe siècle sera sans doute moins fécond.
Notes de bas de page
1 Mémoire de diplôme d’études supérieures.
2 Docteur ès lettres avec une courte thèse, sous la direction de M. Reinhard, sur L’industrie textile dans le Maine et ses débouchés internationaux, 1650-1815, Le Mans, 1955, 318 p.
3 Par la suite : ABPO.
4 Maintenant aux Archives municipales.
5 Premier et second livre des cartulaires de l’abbaye Saint-Serge et Saint-Bach d’Angers, XIe-XIIe siècles, 2 vol., PUA, 1997, 891 p. ; « À propos des moulins du temporel de Saint-Serge », in D. Prigent et N.-Y. Tonnerre (dir.), La construction en Anjou au Moyen Âge, PUA, 1998, p. 217-231.
6 Les Vendéens d’Anjou, Paris, BN, 1981, 497 p., et Les Bleus d’Anjou, 1789-1792, Paris, CTHS, 1985, 531 p.
7 Utilisée par S. Chassagne., dans l’article consacré au premier préfet de Maine-et-Loire, Pierre Montault, in J.-L. Marais (dir), Les préfet de Maine-et-Loire, PUR, 2000, p. 211-233.
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