Maisons rurales de Haute-Bretagne au XVIIIe siècle. Les débuts d'une enquête
p. 227-240
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Texte intégral
1Le but de cette communication est de présenter une série de mémoires de maîtrises réalisés entre 1998 et 2001 à l'université Rennes 2 à partir des archives départementales de l'Ille-et-Vilaine et des Côtes-d'Armor1 L'idée de départ était de vérifier si l'habitat rural du xviiie siècle était réellement aussi repoussant que le suggèrent la plupart des descriptions faites à la fin du siècle ou dans la première moitié du xixe siècle. En effet, les peintres ne sont alors pas plus indulgents avec l'habitat que les voyageurs2, et le paysan — sale, grossier, primitif — n'est guère mieux traité que sa maison. Ceci est d'autant plus surprenant qu'au même moment, des inventaires après-décès laissent imaginer un relatif confort : literie, mobilier, objets de cuisine... difficile à imaginer dans des habitats qui ne séraient que des taudis.
2La question a été proposée ainsi à des étudiants de maîtrise : quel était l'état de l'habitat rural au xviiie siècle en basse Bretagne ? Était-il aussi sordide que le laissent imaginer la majorité des descriptions qui en ont été faites ? Les étudiants devaient tout d'abord déterminer un groupe de paroisses où l'étude était possible, c'est à dire pour lesquelles il existait suffisamment de sources détaillées. Certaines zones pour lesquelles les documents ne manquaient pas vraiment — il y a partout en plus ou moins grande quantité des actes notariés et des fonds seigneuriaux - mais n'étaient pas assez riches furent abandonnées. Ils devaient ensuite étudier ce corpus de manière quantitative et qualitative afin de produire une analyse technique des bâtiments (implantation, dimensions, matériaux, disposition des portes et des fenêtres, nature des toitures, existence ou non d'étage...) et de tenter d'évaluer leur plus ou moins bonne qualité. Afin que les conclusions de leurs recherches ne soient pas orientées par la littérature existant sur le sujet, il leur était recommandé de se garder de partir de toute typologie préalable, qu'elle soit d'ordre régional (les « pays » qui sont souvent des créations récentes des offices de tourisme) ou technique (typologie des maisons par nombre de pièces, existence ou non d'étages...). Cet article repose donc à la fois sur les conclusions de ces travaux et sur les réflexions et discussions qui ont eu lieu avec ces étudiants au moment de leur réalisation.
Localisation des régions sur lesquelles portent les mémoires utilisés

3Les mémoires seront évoqués dans le texte par le nom de la région à laquelle ils se rapportent. La référence en a été donnée à la page précédente (note 1), elle ne sera pas répétée pour ne pas alourdir le texte.
Présentation du sujet
4Cette étude de l'habitat s'inscrit dans une problématique plus vaste : celle de la confrontation entre la situation de l'Ouest de la France à la fin de l'époque moderne avec le regard porté ultérieurement sur ces sociétés par les voyageurs du xixe siècle et par les historiens du xxe siècle. D s'agit donc ici, en étudiant l'habitat, de confronter un regard et une réalité. Celui-ci est assez connu et on ne l'évoquera ici que très brièvement à travers les écrits de deux voyageurs et d'un historien.
5Jacques Cambry, tout d'abord, qui visite la Bretagne en 1794-17953 et qui y réalise un travail fort sérieux - « la mise en parallèle de ses dires et des documents d'archives (en particulier de la série L des archives départementales du Finistère) nous conduit à considérer son ouvrage comme un panorama fort précis du département tel qu'il est »4 — nous a livré sur l'habitat du district de Morlaix un texte qui a été maintes fois recopié :
« Dans la Bretagne, l'habitation des laboureurs est à peu près partout la même, presque toujours elle est située au fond d'un courtil [...]. Autour des bâtiments régnent des vergers enchanteurs, des champs et des prairies toujours entourés de fossés [...] on ne voit point dans le reste du monde de paysages plus riants, plus pittoresques. Tous les fosses sont tapissés de violettes, de perce-neiges, de roses, de jacinthes sauvages, de mille fleurs des couleurs les plus vives, d'une incroyable variété ; l'air en est parfumé, l'œil en est enchanté. Mais au milieu de ces sites délicieux vivent les individus les plus sales, les plus grossiers, les plus sauvages : leur cahute sans jour est pleine de fumée ; une claie légère la partage. Le maître du ménage, sa femme, ses enfants et ses petits- enfants occupent une de ces parties ; l'autre contient les boeufs, les vaches, tous les animaux de la ferme. Les exhalaisons réciproques se communiquent librement, et je ne sais qui perd à cet échange »5
6On pourrait aussi citer Jean-François Brousmiche qui parcourt la Bretagne vers 1830 et qui s'exprime exactement dans les mêmes termes6. Le trait est encore plus dur dix ans plus tard lorsque Louis-René Villermé (1782-1863) et Louis-François Benoiston (1776-1856) sillonnent la Bretagne :
« Il faut avoir pénétré dans la demeure d'un pauvre paysan breton, dans sa chaumière délabrée dont le toit s'abaisse jusqu'à terre, dont l'intérieur est noirci par la fumée continuelle [.. .]. C'est dans cette miserable hutte où le jour ne pénètre que par la porte [.. .] qu'il habite, lui et sa famille demi nue, n'ayant pour tout meuble qu'une mauvaise table, un banc, un chaudron et quelques ustensiles de ménage en bois ou en terre ; pour lit qu'une espèce de boite où il couche sans draps »7.
7Ceci a été relayé sans nuances par de nombreux historiens, à commencer par Henri Sée :
« À part quelques grosses fermes mieux aménagées, la plupart des maisons où logent les paysans sont construites en murs de terre, en torchis, qui reposent sur un fondement de pierre ; elles sont couvertes de chaume, de gled. Elles ne comprennent ordinairement qu'une seule chambre, basse, sans plancher, dont le sol est fait de terre battue, et qui n est éclairée que par de petites fenetres sans vitres. Souvent une simple cloison aux planches mal jointes la sépare de l'étable. Ces maisons incommodes et malsaines sont environnées de fumier [...]. Leurs habitants logent [...] dans l'eau et la boue [.. .] sans aucun souci des règles les plus élémentaires de l'hygiène. Dans toute la France l'habitation du paysan est misérable ; mais nulle part, sans doute, elle n'est plus sordide qu'en Bretagne, dans la Basse-Bretagne surtout »8.
8Ajoutons à cela tout ce que l'on sait de l'idéalisation contemporaine de la maison traditionnelle et, en particulier, de ce que l'on pourrait appeler le modèle breton de l'habitat, et on sera légitimement amené à reprendre la question posée par André Mussat : la maison rurale bretonne est-elle vraiment « la chaumière de granite couverte de chaume que magnifie la carte postale »9 ? Une première approche de la question consistait à aller voir les ressources de la bibliographie.
9Globalement, pour la Bretagne et même pour la France entière, les travaux réalisés sur l'habitat rural de l'époque moderne sont peu nombreux. Les archéologues se sont peu intéressés à une époque riche en document écrits et les historiens eux-mêmes ont travaillé d'avantage sur le Moyen Âge ou les périodes plus anciennes. Les géographes du début du xxe siècle qui cherchaient à immortaliser les modes de vie traditionnels avaient une bonne connaissance de l'habitat rural « ancien » et, après eux, les historiens n'ont pas vraiment tenté d'individualiser un état de l'habitat rural au xviiie siècle. Les spécialistes de la culture matérielle se sont beaucoup intéressés aux objets, ils s'intéressent actuellement aux vêtements, à la consommation, mais l'habitat rural commun, au moins pour l'époque moderne, est resté à l'écart de leurs préoccupations. Ceci s'explique sans doute parce que les sources, bien que riches, n'étaient pas facilement mobilisables et surtout parce que la connaissance que l'on avait de l'habitat du début du xxe et du xixe siècle, dans un pays où le patrimoine bâti a une longue durée de vie, semblait suffisante pour imaginer le cadre de vie à la fin de l'époque moderne.
10La bibliographie procède donc largement de questionnements qui ne sont pas ceux des historiens. Beaucoup de publications sur l'habitat traditionnel se composent d'une typologie micro-régionale de l'habitat rural dont les caractéristiques sont invoquées pour définir une entité particulière, région ou « pays » : elles prennent comme évidence qu'à ces entités correspondent des caractères spécifiques de l'habitat. Ceci a donné de très bons ouvrages tels ceux de la collection sur l'Architecture rurale française dirigée par Jean Cuisenier qui identifie des types de maisons et réfléchit à la manière dont ils se sont constitués10. Les services de l'Inventaire ont également produit des publications de grande qualité, en particulier sur les manoirs, mais pas (encore) sur les maisons rurales. D'autres travaux ont abordé la question de la maison rurale par le biais des techniques de construction ; les maisons en terre de la région rennaise ont été particulièrement étudiées et un travail remarquable leur a été récemment consacré11.
11Proches également des préoccupations des historiens, il y a les travaux des ethnologues, l'ouvrage fondamental pour la Bretagne étant la thèse de Gwyn I. Meirion Jones sur l'architecture vernaculaire12. Ils nous ont aussi donné des travaux intéressants sur l'utilisation et la signification sociale de certains éléments de la maison rurale tel le foyer13 ou bien les avancées des maisons de la partie nord de l'actuel département du Finistère qui furent celles des marchands-toiliers de l'époque moderne14. Et pour la région du Penthièvre, le meilleur travail sur l'habitat rural aux xviie et xviiie siècles est de loin celui de Jean Le Tallec ; il a largement servi de modèle aux étudiants qui ont réalisé ces mémoires15.
Les sources
Variété des sources
12Les sources sont très diverses, relativement dispersées, mais surtout d'un intérêt extrêmement différent. Les sources écrites proviennent essentiellement des fonds notariés et des fonds seigneuriaux, affirmation qui, pour l'époque moderne, relève de l'évidence. Mais ces sources ne sont pas homogènes. Un même type d'acte, un simple inventaire ou bien un partage par exemple, n'offrent pas partout le même degré de précision, loin s'en faut Dans telle région il faudra chercher des partages, dans telle autre des « procès-verbaux », ou bien des « titres », des « aveux », des « prises de possession », des égails de fiefs, des actes de marché, des actes de prisage et mesurage.... et ces documents n'auront jamais le même contenu dans deux endroits différents. Tout étudiant devait donc commencer par chercher si, pour tel groupe de paroisses, il existait un corpus assez riche pour commencer l'étude. Pour ce faire, le recours au contrôle des actes (série II C) s'est avéré peu efficace car les quelques lignes qui y figurent ne permettent pas de savoir si la description de l'habitat sera finalement riche ou pauvre. Il faut aller directement vers les liasses des notaires et vers celles des seigneuries (séries E et B).
13Globalement, il semble pourtant que dans la partie de la haute Bretagne sur laquelle ont porté les premières études (actuels départements de l'Ille-et-Vilaine et des Côtes d'Armor), les documents soient relativement riches, probablement plus que ce que j'avais rencontré pour la région de Laval (actuel département de la Mayenne) où les fonds des notaires renferment pourtant de grosses quantités de « montrées »16 Ces états des lieux réalisés lorsqu'un agriculteur entrait ou sortait d'une exploitation, parfois à l'occasion d'une vente (plusieurs exploitations peuvent alors être concernées), ne comportaient quasiment jamais la dimension des bâtiments. Certains fonds des Archives départementales de l'Ille-et-Vilaine et des Côtes d'Armor ont livré des documents beaucoup plus riches. Quelques exemples de corpus constitués par les étudiants en témoigneront.
14Pour la région de Redon (actuelles communes de Redon, Brains, Langon et Renac), le corpus a été composé de 256 actes répartis sur l'ensemble du xviiie siècle. Les actes notariés (soit les 4/5e du corpus) se composent de 56 partages et licitations (par exemple : 9 pieds de maison, la moitié d'une maison, 10 pieds 10 pouces d'une maison, 14 pieds dans une grange), 56 ventes (indiquant la nature de l'objet, sa localisation, ses dimensions, ses alentours), 24 contrats de ferme, 10 actes d'échange, 10 « titres » (actes présentant les biens de la personne désirant prendre l'ordre de prêtrise et fournissant des descriptions assez détaillées de l'intérieur des maisons), 6 procès-verbaux destinés à estimer l'état d'une maison (description de tous les éléments de la maison), 3 prises de possession, 3 actes de marché (engagements de construction ou de rénovation), 1 état- des-lieux. Les actes les plus détaillés sont les procès-verbaux et surtout les états des lieux ; ce sont les moins fréquents. Les archives seigneuriales ont livré moins de documents mais des documents plus précieux car plus précis : 12 inventaires après-décès, 19 prisages et mesurages, 19 partages et 9 procès-verbaux. Ce sont les procès-verbaux, les états-des lieux, les prises de possession et les actes de marchés qui donnent le plus d'informations de type qualitatif. Tous ces actes ont été rédigés pour recenser les éléments dégradés : ce sont eux qui sont décrits. Les informations générales sur la maison ne peuvent qu'être déduites de ces textes dans lesquels elles ne figurent pas directement On peut par exemple disposer d'informations de ce genre :
« ... montés dans la chambre au-dessus dudit embas lesdits experts nous ont fait voir et avons vu qu'elle est presque toute détuilée [...], que la poutre qui est au milieu est cassée et soutenue par un pilier de qui est au milieu, que les murs de la chambre ont été anciennement enduits en terre et blanchis et sont actuellement dégradés dudit enduit, que la fenêtre ouvrante sur le clos est en bon état, que celle du midi la carrée est vieille et caduque, que la terrasse au-dessus ladite chambre faisant le plafond du grenier il se trouve un trou d'environ un pied de large... »17.
15Pour la région de Vitré, les archives notariales ont livré des successions et des partages (18), des contrats de vente (3), des prises de possession (8) et des procès- verbaux (10) ; les archives seigneuriales ont livré quelques aveux et surtout un égail de fief « valant » à lui seul presque autant que toutes les autres sources puisqu'il contient la description d'une cinquantaine de maisons. Pour la région de Janzé, le corpus a été composé de 234 descriptions de maisons de consistance très diverse. Tout ou presque provient des archives notariales. Les actes les plus nombreux sont les partages de succession (137 soit 58,5 %) ; ils ne sont pas très détaillés mais ont l'avantage de consumer un fond relativement homogène. On y trouve les informations suivantes :
« premier lot consistant en un demi être de maison servant de bouge et servant à présent de demeure au fils aîné, le bout où est la cheminée bâti de pierre massonail couverte d'ardoise. Fenêtre, plancher au-dessus, contenant de long par devant 12 pieds et de laise 24. Second lot consistant en l'autre demi être à porte d'entrée, fenêtre avec barreaux de fer, bâtie de pierre massonail et couverte d'ardoises, plancher qui se sert par une échelle, contenant de long par devant 12 pieds et de laise 24. Autre être de maison servant d'étable. Plancher, sans cheminée »18
16Puis viennent les procès-verbaux (60 dont 25,6 %) et enfin 17 ventes, 10 aveux, 6 baux, 2 successions, 1 fermage.
17Pour les zones situées actuellement dans le département des Côtes d'Armor (littoral et région de Penthièvre), partiellement en zone de domaine congéable, les actes sont encore plus divers et souvent plus détaillés. Pour les paroisses du littoral, un corpus d'environ 450 actes a été constitué, composé pour les deux-tiers de partages, aveux, baux à ferme. Les fonds seigneuriaux ont fourni des aveux et des actes de ventes, les cartes réalisées à veille de la Révolution pour la réformation du duché de Penthièvre ainsi qu'une grande quantité d'actes portant des noms très variés et qui se sont souvent révélés très riches en détails de tout genre. Les « reconnaissances » et « déclarations recognitives » sont des descriptions des biens servant à en prouver et reconnaître la concession par le propriétaire ; les « contrats de nouvelle connaissance » sont rédigés quand une nouvelle concession du bien est faite par le propriétaire après des travaux ; les actes de mesurage, prisage, arpentage sont faits à l'occasion de partage. Ces derniers sont très intéressants car ils donnent souvent des dimensions :
« la maison principale du Clos Long divisée en deux lots, le bout vers le soleil levant où est placée la cheminée contenant 9 pieds de long en dedans, la poutre de séparation sera commune avec l'autre moitié, également que les porte et fenêtre et gerbière [...] ladite maison construite de pierre et terrasse, couverte en paille, contenant 19 pieds de laize [...] dans le second lot a été employé 15 pieds dans la maison principale »19.
18Les fonds des notaires renferment aussi des contrats de vente, acquêts, transactions, scellés, contrats de cens, arrentement, « déclarations d'héritage » (avant un partage), hypothèques, baux. On y trouve aussi des états des lieux (réalisés en même temps que les baux) et des prises de possession rédigées au moment de l'installation du nouvel occupant ; ce sont toujours des documents très riches comme en témoigne l'exemple suivant :
« Prise de possession faite à requête. [... une] maison au bout du couchant de celle possédée par Jean Le Granve, sous couverture de chaume, pignon mitoyen, composée de ses deux longères de maçonne, en laquelle nous avons fait feu et fumée, bu et mangé, fermé portes, remué marni (= fumier) dans la cour au devant, ainsi que pierres dans l'emplacement de l'étable au couchant, d'où nous avons passé dans le courtil avec ses fosses du côté du midi et bout du couchant... »20.
19Enfin, en région de domaine congéable, on trouve des déclarations convenancières21, des « titres obligatifs » par lesquels sont faites reconnaissance de vassalité et description des biens, des « subrogations et facultés de congédier » (acte par lequel le seigneur accorde à un autre son droit de congément) et enfin des « renables » qui constituent l'équivalent d'une prise de possession, sans procédure d'utilisation de la maison22
Composition du corpus
20Pour constituer ces corpus, beaucoup de questions théoriques ont été soulevées et discutées. La première était de savoir s'il fallait choisir les actes pour déterminer à l'avance à qui appartenait l'habitat étudié. Il a vite fallu laisser cette question de côté car il n'était pas possible de ne conserver que les documents que l'on pouvait rattacher à une profession particulière, les sources sollicitées n'ayant que très peu de raisons d'indiquer des professions. Il n'était pas possible par exemple de n'étudier que l'habitat des agriculteurs, ou bien de classer les habitats en fonction d'une grille professionnelle ou de notabilité. On s'est donc borné à exclure l'habitat des bourgs ainsi que les châteaux et manoirs (qu'il n'est pas toujours aisé de différencier de grosses exploitations) ; tout le reste a été relevé.
21La seconde difficulté est apparue dès qu'il a été question d'utiliser les actes collectés car ceux-ci comportaient des niveaux de précision très différents. Certains ne donnaient que quelques informations alors que d'autres étaient forts détaillés. Aurait-on dû se limiter à ne recueillir que les actes les plus riches ? Ceci aurait été possible, mais le risque était de n'atteindre ainsi qu'un certain type d'habitat et de ne même pas être en mesure de dire précisément lequel faute de moyens de comparaison.
22Une troisième difficulté consistait à articuler une analyse quantitative avec une étude qualitative des bâtiments. Les actes très détaillés étant finalement assez rares, il était nécessaire de récolter des actes peu riches pour disposer d'une base statistique satisfaisante, même si celle-ci ne permettait de répondre qu'à des questions très générales. On a donc finalement travaillé pour chaque zone avec un double corpus : le premier regroupait tous les actes relevés, même les plus pauvres ; il a servi à connaître le nombre de pièces par maison, celui des bâtiments d'exploitation, le type de toiture, les matériaux utilisés pour les différents bâtiments... ; le second n'était composé que des actes les plus riches, ceux qui fournissaient des descriptions précises, et qui ont parfois été utilisés de manière individuelle pour présenter des maisons ou des groupes de maisons entiers.
Problèmes d'interprétation
23L'échantillon des sources ayant été construit à partir de ces principes que l'on pourra à juste raison juger assez peu stricts, il était nécessaire, avant d'en commencer l'exploitation, d'étudier a posteriori la composition de ce corpus faute d'avoir pu la déterminer par avance.
24Théoriquement, rien ne devrait échapper à l'étude car toutes les maisons sont susceptibles d'être vendues, louées, partagées, expertisées dans différentes circonstances. Sur la base de cette remarque on serait tenté de penser que chaque corpus est spontanément représentatif de l'ensemble de l'habitat d'une région. Mais qualitativement parlant, il n'en va pas de même : toutes les maisons ne sont pas décrites et surtout, toutes ne le sont pas également De même qu'une belle exploitation agricole engendre la rédaction d'un bail plus détaillé qu'une petite, un bel habitat sera souvent distingué par une description plus circonstanciée qu'une toute petite maison délabrée. Il en résulte que l'habitat de meilleure qualité a une double chance d'être sur-représenté. Ceci est évident pour la partie du corpus composée des sources les plus détaillées, celles qui servent à l'analyse qualitative de l'habitat Mais c'est également vrai pour l'analyse statistique qui repose sur tous les actes, les plus riches comme les plus sommaires. La méthode utilisée, pour cette partie de l'étude, consiste à analyser séparément tout ce que l'on peut apprendre sur les fenêtres, les escaliers, les toitures... Il est évident que l'on a plus de renseignements sur les fenêtres des grosses maisons que sur celles des petites (tout simplement parce que ces dernières ont moins de fenêtres).
25Autre problème qu'il faut souligner bien qu'on ne puisse pas le résoudre : celui de la légitimité qu'il y a à traiter de manière additive des sources qui ont des logiques internes différentes. Prenons l'exemple des fenêtres dans un état des lieux d'une part, dans un document seigneurial servant à répartir un droit dû collectivement par plusieurs habitants d'un même fief, de l'autre. Il est probable que le premier nous permettra de savoir si les fenêtres ont des vitres ou si elles se ferment avec un volet de bois ou une pierre ; par contre, l'égail de fief ne dira probablement pas qu'il y a des vitres ou des vantaux de bois, cela ne permettra cependant pas de conclure à l'absence de l'un ou de l'autre. Il a été pris comme règle de ne pas assimiler absence de mention et absence de l'objet, mais cette précaution, souvent trop restrictive, ne met pas à l'abri de toutes les erreurs.
26Un autre problème d'interprétation des sources tient aussi à l'identification précise de ce qui est décrit Ilest facile de se reporter à une bibliographie technique spécialisée sur les charpentes, les huisseries, la construction des murs... mais le savoir technique évoqué dans ces documents est celui d'une culture non écrite et il est parfois difficile d'associer précisément les choses et les mots, d'autant qu'une partie des termes relève d'usages locaux. Les étudiants qui ont travaillé sur ces sources ont eu recours à des dictionnaires de langue, à des traités d'architecture, à des glossaires des patois locaux... mais dans tous les cas, il y avait risque d'erreur à partir d'une définition extérieure au document. Les meilleurs résultats ont été obtenus en cherchant à comprendre les mots par leur contexte. À l'appui de cela, l'étude de terrain a été utilisée sous forme de reportage photographique. Il est évident qu'il ne reste nulle part une maison que l'on pourrait considérer comme une maison du xviiie siècle ; mais dans l'habitat des campagnes, il reste beaucoup d'éléments architecturaux, souvent sur les bâtiments d'exploitation, qui correspondent exactement à ce qu'évoquent les textes anciens. Les étudiants sont donc allés chercher sur le terrain les objets (charpentes, portes, seuils de porte, éléments de cheminées...) qui correspondaient exactement à des descriptions copiées dans les archives. Cette méthode a donné d'excellents résultats qui ne peuvent être évoqués en détail dans le cadre de cet article mais qui ont permis une parfaite identification de certains éléments et de certaines pratiques.
27Les étudiants ont été aussi amenés à réfléchir sur la question de la chronologie à l'occasion de ce travail. Tous les auteurs qui ont écrit sur cette question l'ont dit, et en particulier Gwyn Meirion Jones : la maison paysanne est une maison simple, une maison sans architecte ; elle ne correspond à aucun modèle théorique préexistant, c'est autant un phénomène social qu'architectural23 Elle s'explique par des usages, elle se modifie par des usages. Le principal écueil était celui vers lequel orientait la bibliographie : plaquer sans examen préalable des usages des xixe et xxe siècles sur la maison rurale de l'époque moderne. Partir des sources et non de la littérature disponible sur la question fut une des principales règles imposées aux étudiants. Cela a certainement évité de créer une maison fictive faite d'emprunts à la période contemporaine. Mais en revanche, les sources utilisées n'ont pas permis de connaître l'âge des constructions étudiées ni de réfléchir à la manière dont se construit et se modifie la maison rurale.
Quelques résultats
28Les travaux réalisés montrent que l'on peut apprendre beaucoup de choses sur l'habitat et il n'est pas possible de rendre compte de tout ici. Les informations collectées concernent les matériaux utilisés et leur mise en œuvre, la disposition des espaces intérieurs, l'environnement de la maison (les jardins, les accès, les bâtiments d'exploitation). Seuls certains de ces éléments seront évoqués ici, à titre d'exemples.
Des maisons majoritairement en pierres
29Dans la région de Vitré, les maisons d'habitation ont principalement des murs de pierres (dans 8 seulement des 109 cas étudiés est mentionné le système de colombage et terrasse) tandis que les bâtiments d'exploitation sont faits d'autres matériaux. Certaines exploitations agricoles sont cependant entièrement construites en pierres. Les murs de pierre sont épais (de 70 à 80 cm), posés sur le sol sans fondations, et construits à « double parement » ce qui signifie que deux murs sont montés en parallèle et que l'intérieur est rempli d'un blocage de moellons. Les pierres sont assemblées par un mortier de terre franche.

30Dans la région de Janzé, tous bâtiments confondus (logement et bâtiments d'exploitation), sur 178 cas, on a 153 bâtiments en pierre, 23 en terre + pierre, 2 en terre. Ceci est signalé ainsi dans les documents : « deux êtres de maison se joignant, avisagés à midi, bâtis de pierre massonnail, couverts d'ardoises. Celui vers l'orient servant de demeure. Cheminée, plancher au dessus servant de demeure, contenant de long par devant 25 pieds et de profondeur 20 pieds »24 Les indications de longueur et de profondeur sont fréquentes, par contre on ne connaît que rarement la hauteur des bâtiments et jamais l'épaisseur des murs. L'enquête sur le terrain montre qu'ils faisaient de 50 à 80 cm à la base. Ils sont, ici aussi, le plus souvent construits à double parement Pour séparer les pièces, il est assez rarement fait usage de carreaux de bois (= cloisons de planches) ; la technique dite « en terrasse et colombage » est la plus fréquente ; elle consiste en une ossature de bois et un remplissage composé de terre dans le cas du colombage, de fusées et de terre dans le cas de la terrasse.
31Dans le nord de l'Ille-et-Vilaine, les murs des bâtiments d'habitation et d'exploitation sont le plus souvent faits en maçonnail (moellons avec un mortier faisant le liant) ou de pierres sans joint (granite ou schiste). Existent aussi des murs en terre (nombreux dans les paroisses de Vignoc, La Mézière, Plesder, Pleugueneuc), des murs en terre sur fondement de pierre (nombreux dans les paroisses de Vignoc, La Mézière, Plesder, Pleugueneuc). Dans la paroisse de Mélesse, on trouve des murs en colombage : des poteaux verticaux sont posés sur un solin de pierre et les intervalles entre les poteaux et les sablières horizontales sont remplis de terre ou de torchis, garnis de Lattes de châtaigniers enduites de chaux. De nombreux bâtiments présentent des murs faits de toutes ces différentes techniques : « une maison la plus récemment bâtie... construite le devant en murs de pierres et le derrière en murs de levées de terre sur fondement de pierre » 25 ; « un bouge et chambre aspecté au midi... le tout bâti vers midi et bout d'orient en mur de terre sur fondements de pierres et le surplus en bois et terrasse »26.
32Dans la région de Saint-Malo, les murs sont essentiellement faits de pierres ; on ne trouve quelques murs de terre qu'à Hirel, le Vivier-sur-Mer et le Mont Dol. Sur le littoral de l'actuel département des Côtes d'Armor, la pierre domine également Dans les documents de cette région, le terme de longère désigne le mur gouttereau situé devant la maison et non un bloc de maisons. Ces longères sont composées en grande partie de moellons mélangés avec des blocs de pierre de taille. Il s'agit de pierre de grain, de pierre froide (schiste) et de pierre tendre ; elle est parfois désignée par sa localisation : pierre de grève, pierre de Saint Cast. On trouve aussi des murs dits ardillés ou tillassés, faits de madray et de torchis (mélange de paille et de terre). Enfin, certains bâtiments d'exploitation ont des murs mixtes : la base en est faite de pilotis de bois ou de pierre associés à de la maçonnaille ou de la terre.
Des toitures variées
33L'idée communément admise selon laquelle les toitures sont essentiellement faites de matériaux végétaux27 avant que les compagnies d'assurance n'aient imposé l'ardoise au xixe siècle est en partie infirmée par ces études. Dans la région de Janzé, un échantillon de 183 toitures (tous bâtiments confondus) donne 162 toits en ardoise et 21 en matériaux végétaux (gled et paille). Dans la région de Vitré, 99 % des habitations sont couvertes d'ardoise ; l'essauve (= bardeau), la paille et le genêt ne se rencontrent que sur certains bâtiments d'exploitation.
34Au fur et à mesure que l'on quitte la région de Rennes vers le nord, les couvertures végétales (chaume, jonc et roseau, genêt paille et gled, essente ou essauve) deviennent plus fréquentes. L'ardoise et la pierre sont encore bien représentées dans les paroisses de Melesse, La Mézière, Montreil, Vignoc, elles le sont moins à Combourg, Chauvigné, Romazy où existe aussi une importante proportion de couvertures dites en « tuiles rouges ». Enfin, et ce n'est pas le moins intéressant, on observe que de nombreuses toitures sont faites de plusieurs matériaux et que coexistent souvent éléments végétaux et minéraux : tuile et ardoise ou tuile et essauve pour les maisons, paille et tuile pour les bâtiments d'exploitation, ainsi que de multiples autres combinaisons... La région de Penthièvre présente les mêmes caractéristiques : un peu plus de toits minéraux que végétaux pour les habitations, plus de végétaux sur les bâtiments d'exploitation.
Les ouvertures et les accès
35Pour la région de Vitré, 52 descriptions de maisons donnent des renseignements sur cette question : 11,5 % ont une porte, 28,9 % en ont 2, 38,5 % en ont 3, 21 % en ont 4 ou 5. Lorsque les maisons ont plusieurs pièces, elles ont aussi plusieurs portes, preuve que la circulation dans les maisons se fait au moins autant par l'extérieur que par l'intérieur. Plus de la moitié des maisons ouvrent au sud ; elles ont parfois aussi des portes de l'autre côté pour accéder au jardin (54 % des maisons n'ont qu'une façade percée de portes, 46 % en ont deux). Il y a en moyenne trois fenêtres par maison : 56 % de ces fenêtres sont localisées au sud (donc il y en a aussi sur les autres côtés) ; 52 % des maisons n'ont de fenêtres que sur une seule façade, 32,7 % sur deux façades, 15,4 % sur trois. Les bâtiments d'exploitation ont une ouverture plus sommaire appelée le jour. Les chambres hautes ont des « grandes fenêtres » sur lesquelles nous n'avons que peu de renseignements. On voit que la maison à fenêtre unique n'est pas la norme. Il en est de même pour le littoral de l'actuel département des Côtes d'Armor où les maisons ont en général plus de deux fenêtres.
36On peut réfuter l'idée commune selon laquelle il n'y avait qu'une fenêtre par maison et affirmer aussi que toutes les maisons rurales n'étaient pas de sombres taudis ; mais il faut ensuite s'avancer avec prudence car on ne peut pas dire précisément quelle était l'intensité de la lumière qui pénétrait à l'intérieur des maisons. En effet, la question des vitrages est rarement abordée ; il est probable que dans beaucoup de cas cela signifie l'absence du phénomène mais on ne peut en faire une règle absolue. Pour la région de Janzé par exemple, où les fenêtres sont en général dites closes d'un volet ou ventail et défendues par des grilles de fer ; un seul acte, daté de 1783, prévoit de reconstruire une fenêtre vitrée de 60 cm sur 1 mètre. Globalement, il faut bien constater que les mentions de fenêtres vitrées sont très rares et peu de corpus en ont révélé. Sur le littoral, certaines maisons en possèdent, ce sont essentiellement les fermes des manoirs. Par contre, à côté des fenêtres, il existe, pour les bâtiments d'habitation et d'exploitation, une multitude de dispositifs pour obtenir un peu de lumière : oeils de bœuf, lucarnes, gerbières, clair-jour, turquoise....
37Les portes sont plus faciles à connaître. Dans la région de Janzé, elles sont faites de carreaux (planches) fixés par des traverses. Elles tournent sur des gonds de fer ou de bois intégré au bourdonnier (montant) de la porte ; certaines ont des serrures de bois. Quelques descriptions donnent des dimensions :
« qu'à la dite maison principale, il y a une porte d'entrée au midi, laquelle est sans clé et serrure et presque de nulle valeur, qu'il faudrait une porte neuve de trois pieds trois pouces de longueur sur cinq pieds quatre pouces de hauteur, et qu'il n'y a point d'huisset au devant de ladite porte, quoiqu'il y ait une boucle pour en attacher un au côté oriental [...] que la porte de communication entre icelle [étable] et ladite maison est en état de servir et sans clé ni serrure, que la porte au midi d'icelle étable est de nulle valeur, mais que les clés et serrures sont bonnes. Porte de communication 5 pieds et demi de haut et 3 pieds 2 pouces de largeur »28
38Ceci donne des portes de 104 et 101 cm de large et de 170 et 176 cm de haut. Les huissets sont des sortes de demi-portes placées devant la porte pour empêcher les animaux de rentrer quand celle-ci est ouverte. Enfin, signalons rapidement un fait assez connu mais qui est largement confirmé par ces travaux : l'intérêt porté aux dispositifs de fermeture des huisseries, serrures, serrures en bois avec clé, clés et clovures de bois, verrouilles, clanches, crouilles, crouilles de fer, verrous de fer, système avec crochet et chaîne de fer, mentonnet de fer dans le chassis... là encore les dispositifs sont nombreux et ingénieux faute d'être toujours efficaces.
L'organisation des espaces
39La plupart des sources utilisées montrent l'existence d'un terme générique au contenu parfois flou : l'aistre ou être de maison. Un être de maison est en général une partie de la maison, on dirait actuellement une pièce, mais les choses ne sont pas toujours simples. En général, les maisons décrites comportent des séparations intérieures, horizontales et verticales.
40Pour la région de Vitré, le corpus disponible pour traiter cette question est de 133 maisons qui se répartissent ainsi : 13,3 % ont un seul espace ; 46,7 % en ont 2 ; 26,7 % en ont 3 ; 13,3 % en ont 4 ou 5. On voit ici que la maison à une seule pièce n'est pas la norme la plus fréquente. Ces espaces ont des noms différents : aistre, bouge, embas, appartement, étage ; tous ne sont pas habitables et un aître peut autant constituer la cellule centrale de la maison, celle qui contient le foyer, qu'abriter les animaux ou servir au stockage bien que d'autres bâtiments (cellier, debry, décharge) soient plus précisément voués à cette fonction. En général, la pièce centrale s'appelle salle, salle de demeure, salle basse. Elle comporte une cheminée et des aménagements faisant partie du bâti : la dalle et l'évier et aussi des « fenêtres en placard », qui ne sont pas des fenêtres mais des niches de rangement intégrées dans les murs. Il n'y a pas d'organisation type de ces espaces ; les différents êtres sont séparés par des murs parfois dit de refend, mais plus souvent par des cloisons de bois et de torchis. Ces cloisons sont percées de jours ce qui suppose une circulation intérieure de l'air.
41La quasi-totalité de ces maisons a un étage (117 sur 134), un grenier le plus souvent, une « chambre haute » dans 22 cas. Dans 45 cas on connaît la manière d'y accéder : 25 ont un escalier, les autres disposent d'une trappe avec échelle dans la pièce d'habitation, dans la décharge ou dans l'étable. Les escaliers se nomment degrés ou montée de bois. Ils sont en bois ou en pierre et en spirale. Sont également mentionnés quelques escaliers situés dans une tour à l'arrière de la maison, pourvue d'une minuscule fenêtre ou fendasse, ainsi que des escaliers extérieurs en pierre. Les planchers de l'étage sont souvent sommaires : quelques soliveaux ou branches s'il s'agit d'y entreposer du foin ; les plus élaborés sont pavés de terre, de planches ou de carreaux.
42Les dispositifs sont similaires dans la région de Janzé où l'on retrouve des êtres de maison que l'on ne peut assimiler rigoureusement ni à une cellule d'habitation (ce peut être une étable), ni à l'espace délimité par 2 murs gouttereaux et 2 pignons, 2 êtres peuvent avoir le même toit et être séparés seulement par des cloisons légères ainsi qu'en témoigne le document suivant :
« Trois êtres de maison sous même faîte, [...] bâtis de maçonnerie, couverts d'ardoises, l'un servant de demeure avec cheminée, l'autre servant de chambre basse et l'autre d'étable, les trois doublés d'un plancher se servant par une échelle, contenant par devant midi 44 pieds et de laise 22 pieds et demi ; cour au devant »29
43L'existence de portes est parfois mentionnée dans les cloisons qui séparent les êtres. La maison est ainsi souvent faite de plusieurs êtres qui communiquent entre eux. Sur 227 cas : 64 sont faits d'une demeure seule (28,2 %), 95 d'une demeure et étable (41,8 %), 19 d'une demeure et chambre (8,4 %), 17 d'une demeure, chambre, étable (7,5 %), 15 d'une demeure, cellier, étable (6,6 %), 5 ont demeure, cellier, chambre et étable ou demeure, cellier, décharge et étable (2,2 %). Le moyen d'accéder à l'étage est connu pour 159 cas : il se fait pour environ 60 % des cas par un escalier (dont un sur deux est à vis) et 40 % par des échelles menant à des fenêtres gerbières. Les maisons du nord de la région rennaise et du littoral présentent des dispositifs analogues.
*
44Les recherches réalisées par les étudiants dans les archives montrent bien que l'on peut obtenir des informations très précises sur toutes les questions techniques de la composition de l'habitat rural (matériaux, dimensions, nombre de fenêtres, constitution des huisseries, nombre de pièces, disposition des bâtiments annexes...). Même si la recherche reste toujours aléatoire, ce n'est que par ces moyens qu'il est possible de connaître réellement les maisons rurales du xviiie siècle. On ne reviendra pas sur le fait qu'elles ne peuvent se ramener à un modèle unique et qu'elles étaient plus complexes et plus élaborées que cela a souvent été écrit. Par contre, il reste difficile d'apprécier le niveau de confort de ces maisons, donc de répondre de manière assurée à la question que l'on se posait au départ de cette enquête. On peut dire techniquement comment était fait l'habitat mais évoquer son confort et sa salubrité impliquerait de savoir quel usage en était fait et ce qu'en pensaient les habitants, ce qui est beaucoup plus difficile.
45Des prolongements sont indispensables à ces travaux. Ceci prendra la forme d'autres enquêtes locales mais aussi de recherches orientées dans d'autres directions et visant à connaître la disposition du mobilier, les modes de partage de la maison rurale, la taille des familles et le nombre réel d'habitants vivant dans ces maisons, l'utilisation des différentes pièces et les différents corps de bâtiments....
Bibliographie
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Notes de bas de page
1 Il s'agit des mémoires suivants : Carrel, Philippe, L'habitat rural du littoral costarmoricain au xviiie siècle, 1998, 135 p. ; Faramus, Alexandre, Étude de l'habitat vernaculaire du sud-Penthiivre au xviiie siècle, 1998, 168 p. ; Focon, David, Regard sur l'habitat rural de la région de Vitré, 1997, 210 p. ; Gigory, Véronique, L'habitat rural dans le nord de l'Ille-et-Vilaine au xviiie siècle, 2001, 97 p. ; Hosdez, Juliette, l'habitat rural paysan dans le pays de Redon au xviiie siècle, 1998, 144 p. ; Lefrand, Mélanie, L'habitat au xviie siecle à Montfort et dans sa région, 2001, 128 p. ; Poirier, Sébastien, Les maisons paysannes du pays malouin au xviie siicle, 1998, 177 p. ; Renault, Patrick, L'habitat paysan au xviie siicle dans la région de Janzé, 1998, 166 p. ; Lefrand, Mélanie, L'habitat au XVIIIe siècle à Montfort et dans sa région, 2001,128 p.
2 Delouche, Denise, La Peinture en Bretagne, Rennes, Conseil régional de Bretagne, 2003, 89 p.
3 Jacques Cambry (1749-1807) a fait une tournée en Bretagne en 1794 et 1795 sans doute à la demande de la commission administrative du département du Finistère, à la recherche des objets précieux pour le progrès des connaissances humaines. Son texte a fait l'objet de plusieurs publications dont : Cambry, Jacques, Voyage dans le Finistère ou état de ce département en 1794 et 1795, texte édité et présenté par Dany Guiilou-Beuzit, Quimper, Société Archéologique du Finistère, 1999, 503 p. Il existe une édition antérieure de ce texte qui est également souvent citée : CAMBRY, Jacques, Voyage dans le Finistère, présentation de Roger Dupuy, Paris ; Genève, Slatkine, 1979, XIV-XIII-479 p.
4 Présentation par Dany Guillou-Beuzit, p. XLV de l'édition de 1999 (cf. ci-dessus).
228
5 Cambry, Jacques, Voyage dans le Finistère... p. 33 de l'éd de 1979, p. 38 de l'éd. de 1999.
6 Brousmiche, Jean-François, Voyage dans le Finistin : en 1829, 1830 et 1831, Quimper, Morvran, 1977.
7 Villermé, Louis René et Benoiston De Châteauneuf, Louis-François, Voyage en Bretagne en 1840 et 1841, préface de F. Elégoët, Plouguerneau, Tud ha Bro, 1982, XVI, 160 p. Citation p. 12.
8 Sée, Henri, Les Classes rurales en Bretagne, du xvie siècle à la Révolution, Saint-Pierre-de-Saleme, Montfort, 1978, XXI-544 p.
9 Mussat, André, Arts et cultures de Bretagne : un millénaire, Rennes, Ouest-France, 1995.
10 Le Couedic, Daniel et Trochet, Jean-Marie, La Bretagne, Paris, Berger-Levrault, coll. « L'Architecture rurale française » dirigée par Jean Cuisenier, 1985, 285 p. Voir l'introduction du volume.
11 Bardel, Philippe et Maillard, Jean-Luc, Architecture de terre en Ille-et-Vilaine, Rennes, Apogée / Ecomusée du pays de Rennes, 2002,159 p.
12 Meirion-Jones, Gwyn Idris, The lester rural domestic buildings of Brittany, their construction, their distribution, their evolution, thèse, université de Londres, 1977,2 vol., 510 et 320 p. Concerne surtout l'ouest et le sud de la Bretagne.
13 Simon, Jean-François, « La cheminée dans la maison traditionnelle », Ar Men, n° 11,1987, p. 45-60.
14 Simon, Jean-François, « Les maisons des « marchands et mesnagers » léonards. Une contribution de l'ethnohistoire à l'identification d'un groupe social sous l'Ancien Régime », dans : Campagnes de l'Ouest, stratigraphie et relations sociales dans l'histoire, Annie Antoine dir., Rennes, PUR, 1999, p. 317-334.
15 Le Tallec, Jean, La Vie paysanne en Bretagne centrale sous l'Ancien Régime, Spézet, Coop Breizh, 1997, 271 p. (2eme édition, revue et corrigée).
16 Antoine, Annie, Fiefs el villages du Bas-Maine au xviiie siècle : étude de la seigneurie et de la vie rurale, Mayenne, Éd. régionales de l'Ouest, 1994, 539 p.
17 Arch. dép. d'Ille-et-Vilaine, procès-verbal du 13 mars 1772, 4E 14 225.
18 Arch. dép. d'Ille-et-Vilaine, 4 E 4161, Janzé 1716.
19 Arch. dép. des Côtes d'Armor, 3 E 28-29.
20 Arch. dép. des Côtes d'Armor, 3 E 47-135, Lanloup.
21 En pays de domaine congéable, la tenue convenancière comprend des terres et des bâtiments. Le convenander est propriétaire des édifices qui sont destinés à lui être rachetés (par le propriétaire ou par le prochain tenancier) quand il quitte sa tenure ou en est expulsé. On comprend donc que les documents qui inventorient les bâtiments soient particulièrement précis et détaillés.
22 On les trouve dans la partie ouest du Trégor (et aussi dans le Léon), correspond aux procès-verbaux de l'est Le terme s'emploie par ailleurs comme synonyme d'inventaire.
23 Meirion-Jones, Gwyn Idris, « L'architecture vernaculaire de la Bretagne : un résumé », Mémoires de la Société d'Histoire et d'Archéologie de la Bretagne, LVII, 1980, p. 31-62. Voir en particulier p. 61.
24 Arch. dép. d'Ille-et-Vilaine, Saint-Martin, 1767, 4 E 4220.
25 Arch. dép. d'Ille-et-Vilaine, Plesder, an IV, 4 E 8725.
26 Arch. dép. d'Ille-et-Vilaine, Melesse, 1792, 4 E 8725
27 Brekilien, Yann, La Vie quotidienne des paysans en Bretagne au xixe siècle, Paris, Hachette, 1996, 367 p. (1ere éd. 1972). La maison paysanne du xixe siècle y est décrite comme « presque toujours couverte en chaume » p. 24.
28 Arch. dép. d'Ille-et-Vilaine, Janzé, 1775, 4 E 4208.
29 Arch. dép. d'Ille-et-Vilaine, Saint-Pierre, 1763,4 E 4172.
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