Nicolas de Séménow – écrivain russe, provençal d’adoption – et sa vision de la France
Nicolas de Séménow – Russian writer, adopted by Provence – and his vision of France
p. 193-211
Résumés
Issu d’un milieu où la culture française était à l’honneur et s’étant pris de passion pour la Provence, Nicolas de Séménow (1833-1886) a quitté la Russie pour s’installer à Avignon. Il s’y est entièrement intégré à la culture locale, n’écrivant qu’en français, se liant d’amitié avec de nombreux écrivains français et apprenant le provençal. Sa propriété des Chênes Verts devint l’un des hauts lieux du félibrige. Sa vision de la France est celle d’un étranger en quête de repères. Comme la plupart des écrivains russes, Séménow pourfend la superficialité brillante et la légèreté des Parisiens. Mais, contrairement à bon nombre d’entre eux, et en particulier aux Slavophiles, qui ont fait de l’esprit bourgeois et superficiel, un trait propre à l’Occident, il n’en fait pas un trait européen, ni français. Pour lui, l’opposition se situe entre le Nord et le Sud, ce qui lui permet de dessiner l’image pleine de charme d’une exception provençale.
Coming from a background where the French culture was in the spotlight and having a passion for Provence, Nicolas de Séménow (1833-1886) left Russia and moved to Avignon. There he was fully integrated with the local culture: he wrote in French, befriending many French writers and learning Provençal. His property Chênes Verts became a Mecca of Félibrige. His vision of France is that of a foreigner in search of landmarks. Like most Russian writers, Séménow slays the superficiality and shallowness of Parisians. But unlike many of them, and in particular Slavophiles, who made a western feature of the superficial bourgeois spirit, Séménow does not feature a European or French vice. For him, the opposition is between the North and South, which allows him to draw the image of a charming Provencal exception.
Remerciements
L’auteur tient à remercier Laura Fournier Finocchiaro et Isabel Habicht pour leur relecture attentive et les nombreuses améliorations apportées à cet article, ainsi que Michel Niqueux pour ses conseils éclairés.
Texte intégral
1Nicolas de Séménow (17 février 1833 Riazan - 31 octobre 1886 Paris) est un écrivain aujourd’hui pratiquement oublié. Plus que pour ses romans, il est surtout connu pour ses relations avec les félibres, chantres de la langue provençale. Noble russe, appartenant à la famille Semënov qui donna à la Russie maints officiers, hommes d’État et savants, Nikolaï Nikolaevitch Semënov étudia à l’Institut de Droit de Saint-Pétersbourg. Héritier d’une propriété, Nikolskoe, dans la province de Riazan (district de Ranenburg), il travailla quelque temps au Sénat, avant de quitter ce service pour raison de santé, et de partir pour la France. Il se prit alors de passion pour la Provence et s’installa à Avignon, où il reçut régulièrement ses amis, les félibres. Il écrivit plusieurs romans, une comédie et des poèmes en français. Cette œuvre, si elle ne présente guère d’intérêt sur le plan littéraire, a le mérite de correspondre parfaitement à l’objectif de notre recueil. Elle présente une certaine vision de la France, vision d’un étranger en quête de repères, qui ne cesse de confronter ce qu’il ressent de ce pays avec ce qu’il connaît par ailleurs, et en particulier l’Italie1.
2Nous ne nous arrêterons qu’assez peu sur sa vie, déjà bien décrite dans un article d’Henriette Dibon paru dans les Mémoires de l’Académie de Vaucluse en 19722, ainsi que dans un mémoire non publié de Cyril Semenoff-Tian-Chansky3. Nous nous attacherons plutôt à définir l’image qu’il se faisait de la France. Mais avant cela, nous voudrions comprendre ce qui a pu amener un seigneur russe à quitter son pays pour la France et ce qui a pu rendre possible qu’il embrasse entièrement cette culture étrangère, jusqu’à s’y assimiler. Dans ce but, il faut revenir sur ce que représentait la France dans son milieu et plus particulièrement dans sa famille.
La France chez les Semënov – une culture familiale
3La Russie n’a des relations significatives avec la France qu’à partir de Pierre le Grand qui accueille des victimes de la Révocation de l’Édit de Nantes (1685). Il embauche à sa cour des Français parmi de nombreux étrangers et dès 1720, Saint-Pétersbourg abrite une église dite « française », desservie par des pasteurs de Genève4. Sous le règne de sa deuxième fille, Élisabeth (1741-1762), l’influence française l’emporte sur l’influence allemande qui prédominait sous Anne Ioannovna (1730-1740). Le français devient alors la langue des diplomates, des gens du monde et de la cour. Enfin, sous Catherine II, princesse allemande d’éducation française, les idées et les mœurs françaises envahissent toute la haute société russe. Après les vagues de gallophobie provoquées par la Révolution française, puis par les ambitions démesurées de Napoléon, la culture et la langue françaises reprennent une place de premier plan dans la société russe instruite. Elles garderont cette place jusqu’à la Révolution russe de 1917, malgré l’attaque de la civilisation occidentale menée par les slavophiles et leurs successeurs.
4La famille Semënov (en partie devenue Semënov-Tian-Chanski par l’ajout, en 1906, du qualificatif « du Tian-Chan » au nom initial de l’explorateur Pëtr Petrovitch et de sa descendance) a eu de nombreuses relations avec la France, dont seulement certaines nous sont connues. Ces relations étaient facilitées par une parfaite connaissance de la langue et de la culture françaises. En effet, comme nous l’avons dit plus haut, depuis le milieu du XVIIIe siècle, il était de bon ton de parler français. Pour apprendre la langue, les familles embauchaient fréquemment des gouvernantes françaises. Par exemple, dans les années 1820, Pëtr Nikolaevitch Semënov (1791-1832), oncle de Nikolaï Nikolaevitch, engagea pour ses enfants une gouvernante alsacienne, Madame Brunner, veuve d’un noble alsacien ayant péri pendant la Révolution française. Le choix était judicieux, car Madame Brunner, qui passa huit ans dans la famille, connaissait aussi bien le français que l’allemand, ainsi que l’histoire et la littérature française et russe. Bien plus tard, à la fin du XIXe siècle, Dmitri Petrovitch (1852-1917), le fils aîné de Pëtr Petrovitch Semënov-Tian-Chanski (1827-1914), et donc fils du cousin de Nikolaï Nikolaevitch, recruta Mademoiselle Robert, puis plus tard Mademoiselle Charles pour s’occuper de ses enfants5, et cela en plus d’une bonne allemande. Ainsi, à trois ans, Leonid Semënov (plus tard poète, 1880-1917) et sa sœur Vera (future peintre, 1883-1984) récitaient déjà des fables et des vers en français et en allemand6. Le français faisait tellement partie de la vie familiale que même la femme de chambre de Pëtr Semënov-Tian-Chanski avait suffisamment appris cette langue pour recevoir les étrangers venus voir sa collection de peinture hollandaise, et leur montrer les œuvres les plus importantes7.
5Les femmes de la famille reçurent généralement une éducation poussée à la maison ou dans des instituts, comme l’Institut Sainte-Catherine de Moscou ou celui de Saint-Pétersbourg ; elles aussi étaient donc en mesure de transmettre leurs connaissances linguistiques à leurs descendants. Par exemple, Aleksandra Petrovna Semënov (1801-1847), tante de Nikolaï Nikolaevitch, enseigna elle-même la grammaire française (mais aussi russe et allemande) à ses enfants ; elle ne leur parlait pratiquement qu’en français et obligeait ses enfants à ne parler certains jours que dans cette langue et d’autres qu’en allemand8. Nous ignorons quel fut le rôle de la mère de Nikolaï Nikolaevitch Semënov, Lioubov Andreevna Minkh9 (1800-1894). Mais, étant très cultivée, elle connaissait sûrement le français, en plus de l’allemand10. Nous ne savons pas non plus si Nikolaï Nikolaevitch eut une gouvernante française, mais c’est plus que probable, car le statut de son père devait le permettre : Nikolaï Nikolaevitch Semënov l’ancien11 (1796-1875) avait servi dans le régiment de la garde Izmaïlovski et avait participé à la campagne de 1812 avant de prendre sa retraite et de devenir directeur du Lycée de Riazan12, puis gouverneur de Viatka.
6Le français était indispensable à plus d’un titre : dès qu’une personne occupait une fonction d’une certaine importance, elle était constamment confrontée à cette langue, et ceux qui ne la possédaient pas parfaitement étaient exposés à toutes sortes d’inconvénients. Le français était notamment employé à la cour jusqu’à la Révolution et servait aussi de langue commune avec les étrangers : par exemple, la famille Semënov communiquait en français avec une correspondante hollandaise (sauf Pëtr Petrovitch et sa femme qui parlaient hollandais)13.
7La connaissance des langues étrangères, et en particulier du français, allait bien sûr de pair avec la connaissance des cultures correspondantes. La bibliothèque de Pëtr Nikolaevitch Semënov comprenait de nombreux ouvrages en français, et son fils Pëtr Petrovitch, vers onze-treize ans, lisait déjà Racine, Corneille, Molière, La Fontaine, Voltaire, Fénelon et connaissait parfaitement l’histoire ainsi que la géographie de la France14. Âgé, il prenait encore plaisir à déclamer de longs monologues de Corneille, Racine, mais aussi de Goethe, Heine, Shakespeare, chacun dans sa langue15. Notons au passage que la connaissance du français n’était nullement exclusive : la plupart des membres de la famille possédaient d’autres langues étrangères. Leur niveau de connaissance du français était sans doute variable : certains le maîtrisaient suffisamment pour écrire dans cette langue ou effectuer des traductions comme par exemple, Pëtr Nikolaevitch Semënov qui a traduit plusieurs opéras du français. Mais un accent parfait devait être chose rare, puisque le fait que Pëtr Petrovitch déclamait en français sans rouler les r est souligné comme quelque chose de remarquable par sa petite-fille16.
8Au moins depuis le début du XIXe siècle, plusieurs Semënov se rendirent en France, et comme pour les autres nobles de cette époque, ce voyage pouvait avoir divers motifs. D’après les informations dont nous disposons, le premier Semënov qui fit le voyage – contre son gré – pour se rendre en France fut Pëtr Nikolaevitch Semënov. Après la bataille de Kulm (30 août 1813), alors qu’il combattait au sein du régiment Ismaïlovski, il fut fait prisonnier des Français et emmené dans une prison du Sud de la France17. Pourtant, son séjour fut l’occasion d’un enrichissement considérable. Il put visiter la France, mais aussi l’Angleterre avant de rentrer en Russie avec des idées neuves, comme la plupart de ses compatriotes officiers. La santé est également un motif de voyage souvent invoqué : c’est le cas de Nikolaï Nikolaevitch, dont la mauvaise santé ne lui permettait pas de rester à Saint-Pétersbourg18. Ses médecins lui auraient conseillé de partir vers le Sud de la France et l’Italie, propices à le guérir par un climat clément et de nombreuses distractions. Cette thèse de la raison médicale est corroborée par la dédicace de son roman Sous les Chênes verts à ses « amis les docteurs Péan et Dujardin-Beaumetz » qui l’ont « guéri d’une terrible maladie19 », ainsi que par sa correspondance dans laquelle il se plaint souvent d’être malade et dit ne pas pouvoir rejoindre sa femme en Russie de peur que le climat ne lui soit fatal20.
9L’exemple assez ordinaire de la famille Semënov nous a permis de constater comment la gallomanie, qui se manifeste par un intérêt pour la langue, la culture et la visite de la France, était cultivée au sein des cellules familiales de la noblesse russe, sans véritable interruption du XVIIIe au XXe siècle, comme marque de leur cosmopolitisme.
La France félibrienne de Nicolas de Séménow
10Avant son mariage, Nikolaï Semënov effectua un premier voyage en Italie, en Espagne et en France. Il est difficile de dater exactement le moment où il s’est installé dans ce dernier pays. Au cours de l’un de ses passages dans le Midi, sans doute en 1864, il rencontra le poète Théodore Aubanel, grâce auquel il fit la connaissance de Frédéric Mistral et d’autres poètes provençaux. Dans une lettre du 5 avril 1865, séduit par Avignon et touché par l’amitié d’Aubanel dont il admirait le talent, il écrivit à ce dernier qu’il avait pris la décision « d’avoir un pied-à-terre près d’Avignon21 ». En novembre 1866, il acheta la propriété Le Chêne Vert, sur la rive droite du Rhône, au village des Angles, en face du palais des Papes. La même année, il épousa Maria Grigorievna Kologrivov (1842-1921), issue d’une famille de riches propriétaires terriens de la région de Kalouga22. Vers la fin de l’année, il fit construire par les frères Grivolas une villa dans le style italien, avec des terrasses et des galeries. Après l’achèvement des travaux, en 1868, les Semënov y firent de très longs séjours23.
11Nicolaï Semënov ne se contenta pas de s’installer en France, il s’y intégra assez parfaitement. Avant même son installation dans le Midi, il avait publié deux romans en français à Paris : La confession d’un poète (1859) et Une femme du monde (1862). Conformément à l’usage de l’époque, il francisa son nom (avec un w plutôt inhabituel) et y ajouta une particule ; il y ajouta aussi le titre de comte auquel il n’avait nullement droit. Peu à peu, il se fit de nombreuses relations dans les milieux littéraires français : les écrivains Alphonse Daudet (1840-1897), Alfred des Essarts (1811-1893), Stéphane Mallarmé (1842-1898), Auguste de Villiers de L’Isle-Adam (1838-1889), le critique littéraire Armand de Pontmartin (1811-1890). Mais c’est surtout avec les félibres, Théodore Aubanel (1829-1886), Frédéric Mistral (1830-1914), Félix Gras (1844-1901), Paul Mariéton (1862-1911), Joseph Roumanille (1818-1891) ainsi que le journaliste et homme politique Alcide Dusolier (1836-1918), qu’il se lia d’amitié. Preuve de son rapprochement d’avec le monde occidental, il composa une Messe mélodique, avec soli, chœurs et accompagnement d’orgue, dédiée au pape Léon XIII24. Son roman Sous les Chênes verts prouve une certaine connaissance du monachisme catholique et sa correspondance montre qu’il appréciait des offices catholiques comme ceux du Prémontré25. Est-ce à dire qu’il alla jusqu’à devenir catholique ? On peut penser que non, étant donné la législation russe très rédhibitoire à cet égard26. Sans doute voyait-il simplement peu de différences entre l’orthodoxie et le catholicisme.
12L’aspect le plus original et intéressant de son installation en France est sans doute son amitié avec les félibres27. Ces derniers avaient pour but de faire revivre dans les lettres le provençal (la langue d’oc) qui avait été abandonné en littérature depuis le XIIIe siècle, mais avait survécu dans le parler populaire. Nicolas de Séménow admirait leurs œuvres et embrassait entièrement leur cause. Il faut dire que la renommée de l’initiateur du mouvement, Frédéric Mistral, dépassait de loin les frontières de sa région : son roman Mireille (1859), traduit en français, avait conquis Paris, avant d’être plus tard traduit en de nombreuses langues28. Nicolas de Séménow partageait son amitié pour les félibres avec un autre étranger, le poète William Bonaparte-Wyse (1826-1892)29, né en Irlande, et qui devint félibre. Comme le dit Henriette Dibon : « Wyse et Séménow s’étaient toujours sentis très proches. Leur origine étrangère, leur esprit cosmopolite, en faisaient des complices en excentricité30. » Le 14 mai 1865, Aubanel écrivait à son ami, l’avocat marseillais Ludovic Legré (1838-1904), une lettre enthousiaste sur les deux étrangers :
« Les deux dernières semaines d’avril, sont arrivés en Avignon, l’un après l’autre, mylord Wyse et le comte Nicolas de Séménow. Mistral est venu pendant ce temps, deux ou trois fois, faire fête et serrer la main aux nobles étrangers tous deux aussi fous de Provence et de provençal31. »
13Dans leur villa des Chênes Verts, proche de l’auberge des Abrieu – autre lieu de réunion félibrien – les Séménow, Nicolas et sa femme, recevaient souvent les félibres. Les lettres échangées entre ceux-ci et les Séménow témoignent de relations souvent chaleureuses où les correspondants renchérissent en embrassades et déclarations d’amitié. Les félibres appréciaient la générosité, la spontanéité et la culture de Séménow, comme on peut le lire dans une lettre d’Aubanel, qui semblait l’avoir complètement adopté :
« c’est un seigneur russe, le plus gentilhomme, le plus français, le plus raffiné, le plus enthousiaste que je connaisse. Il admire entre tout et par-dessus tout, Alfred de Musset qu’il cite à tout propos. Et nul ne me semble la personnification la plus complète d’Alfred de Musset, jeune, intelligent et fou. Il me faudrait des pages et des pages pour parler de lui32. »
14Cependant, les relations avec Nicolas de Séménow étaient parfois tumultueuses en raison de son caractère33. Au contraire, sa femme jouissait d’une admiration constante, reconnue dans de nombreux poèmes. Parmi ceux-ci, on peut citer le poème de Mistral dédié à Marie de Séménow dans son recueil Lis Isclo d’Or (Les Iles d’or) qui exalte sa beauté nordique :
« O gente comtesse,
Étoile du Nord,
Que la neige rend blanche,
Dont Amour dore les boucles,
ô petite fée blonde
Que boit le regard,
je comprends que le vent
joue dans tes cheveux34 ! »
15Roumanille écrivait à Mistral : « Je la trouve aussi agréable qu’est désagréable son mari35 », tandis que, dans deux lettres adressées également à Mistral, Aubanel, provisoirement fâché, qualifiait Séménow d’« impossible » et de « toqué36 ».
16Les félibres surent exploiter la présence de cette famille russe en Provence, qui leur offrait un cadre où développer et publiciser leurs œuvres poétiques et lyriques. Aubanel a bien rendu compte du rôle joué par les félibres lors des réceptions au Chêne Vert :
« Mistral était venu, le doux Mathieu aussi, avec un madrigal exquis qu’il a lu au dessert. Madame de Séménow, en robe de gaze, présidait la fête plus rayonnante que le soleil avec ses admirables cheveux blonds ruisselant sur ses épaules, et plus gracieuse qu’une fée. Il y avait là des proscrits espagnols qui ont fait des discours magnifiques en un français épouvantable, mais dont l’émotion profonde nous a tous empoignés. Puis est venue l’heure des chansons : de ma plus belle voix, j’en ai chanté deux à la comtesse ; un “brinde” que je te dirai plus tard, et les stances que voici, sur un air russe délicieux que Madame de Séménow eut la patiente bonté de m’apprendre au piano : [suivent des vers en provençal]37. »
17C’est au Chêne Vert que le 17 septembre 1868 ont été lus pour la première fois, devant une quarantaine d’amis provençaux et catalans (et en l’absence de Nicolas de Séménow, retenu en Russie, mais en présence de sa femme), deux cents vers du poème de Mistral « Le tambour d’Arcole38 ». Séménow lui-même devait bien connaître le provençal, puisqu’en 1866 depuis Ollioules dans le Var, il écrivait à Mistral qu’il était occupé à « donner des leçons de provençal39 », leçons qui eurent d’ailleurs peu de succès car ses élèves lui reprochaient son accent d’Avignon. Pourtant, il semble qu’il n’écrivit pas en provençal, ni ne devint jamais félibre. Après sa mort, le 31 octobre 1886 (le même jour qu’Aubanel) à Paris, sa veuve perpétua l’amitié avec les félibres : elle réunit les vers de Séménow en une plaquette préfacée par Mistral40, avec lequel elle continua longtemps à communiquer, et elle traduisit en provençal « Le Démon » de Lermontov. Le rapport des Séménov avec les félibres s’interrompit à l’annonce de la guerre de 1914, lorsque Marie rentra en Russie41.
De la gallomanie en expression française à l’assimilation
18L’ensemble de l’œuvre littéraire de Séménow, prose et poésie, est écrit en français. L’écrivain émigré n’a même jamais écrit en russe, semble-t-il. À la fin des années 1850 et au début des années 1860, plusieurs auteurs russes écrivirent directement en français dans des domaines divers : on peut citer Fëdor Tiouttchev (1803-1873)42, Vassili Kokorev (1817-1889)43, Vladimir Sollogoub (1813-1882)44, Nicolas Jerebtsov (1807-1868)45 ou encore Narkis Tarasenko-Otrechkov (1805-1873)46. Par contre, Ivan Tourgueniev, le plus célèbre des écrivains russes vivant en France à cette époque (il séjourne en France de 1847 à 1850, puis de façon continue de 1857 jusqu’à sa mort en 1883) n’écrivit qu’en russe alors qu’il aurait sans doute pu écrire en français. Son œuvre, traduite en français, connut un immense succès. Pourquoi Nicolas de Séménow décida-t-il d’écrire en français et non en russe ? D’après le critique démocrate Nicolas Dobrolioubov (1836-1861), cela aurait été par ambition :
« Il a toutes les chances de voir son nom glorifié : les meilleurs de ses compatriotes le liront en français plus vite que s’il avait écrit en russe ; suivant l’opinion de chaque Russe comme il faut, son roman gagnera 50 % déjà par le simple fait qu’il vient de Paris et, en plus de cela, les trésors de son talent d’auteur russe seront maintenant disponibles pour l’étonnement de toutes les personnes instruites d’Europe ; mais surtout ce qui est important, la nouvelle création artistique française doit provoquer les louanges de la presse parisienne, et comme on sait que les journalistes du monde entier répètent ce que l’on dit à Paris, alors le nom de monsieur Séménow sera bientôt répandu jusqu’aux extrémités de la planète47… »
19Autre hypothèse, Séménow aimait simplement la langue française et c’était la langue dans laquelle il s’exprimait le plus volontiers : par exemple, lorsqu’il écrivait à son épouse, c’était plutôt en français. Mais il ne s’agit pas d’un rejet de la Russie, ni de la littérature russe : après avoir loué les traductions de Prosper Mérimée, Séménow ajouta en effet sa pierre à la diffusion des œuvres de Pouchkine en France et traduisit l’Histoire d’une princesse morte et de sept chevaliers48. Séménow a non seulement opté pour l’expression française, il a également choisi des sujets français, seules quelques nouvelles et son premier roman, Confessions d’un poète, faisant exception. Pourtant, les thèmes russes étaient alors à la mode49, et la littérature russe connaissait un succès important marqué par la publication, en 1886, de l’essai Le roman russe d’Eugène Melchior de Vogüé, paru auparavant sous forme d’articles dans la Revue des Deux Mondes. Des sujets russes auraient sans doute été plus faciles à traiter et lui auraient attiré un succès plus certain. Notons tout de même qu’après sa mort une traduction de Sous les Chênes Verts paraîtra dans une revue de Moscou. Son œuvre en français fut en son temps appréciée des félibres. D’après Legré, Séménow « connaissait à merveille la langue française50 ». Une femme du monde plut à Mistral, et l’écrivain préfaça la plaquette Poésie du Chêne-Vert. Aubanel le comptait pour un « écrivain français exquis51 ». Mais, en Russie, Dobrolioubov démolit totalement son roman La confession d’un poète qu’il jugeait naïf. Il cita des passages en français d’une expression banale et crue, ou au contraire inutilement recherchée. Vera Semënov-Tian-Chanski émet dans ses mémoires un jugement sévère :
« Ses nombreux romans, qu’il donnait à ses parents et amis, se distinguaient par des longueurs et des récits ennuyeux. Dans la famille, on plaisantait à propos de l’un de ses romans, Le millionnaire sentimental dont on disait qu’il agissait positivement contre l’insomnie52. »
20Les spécialistes d’aujourd’hui s’accordent à le considérer comme un auteur très secondaire53. Mais s’ils n’ont laissé aucune trace marquante, ses romans correspondaient à l’époque à une certaine demande et ne se vendaient pas mal. Ainsi, le 4 janvier 1883, Nicolas de Séménow signa un contrat avec Calmann-Lévy pour éditer Sous les Chênes Verts (le meilleur de ses romans) ; dès le mois d’août les deux tiers des mille cinq cents volumes de la première édition furent vendus et l’éditeur se déclara satisfait54. Ses romans montrent une bonne maîtrise de la langue française et on a bien du mal à y trouver des russismes55 ; en revanche, la langue y est généralement banale, par trop simpliste. Ils sont en outre un parfait exemple d’assimilation au paysage littéraire français, puisqu’ils appartiennent typiquement au genre des romans sentimentaux pour femmes, où toute préoccupation sociale (hormis la dénonciation des injustices les plus criantes envers les femmes et les pauvres) ou métaphysique est absente. La plupart reprennent le même thème : un homme qui trahit sa maîtresse pour une femme plus brillante, d’une situation sociale supérieure, alors que la première l’aimait d’un amour pur et dévoué. Ce thème permet d’évoquer deux problèmes encore très présents à l’époque : l’impossibilité d’un mariage en dehors des contraintes sociales56 et l’inégalité de la femme et de l’homme en ce qui concerne la vie sexuelle. Cependant, Nicolas Dobrolioubov jugea La confession d’un poète, seul roman qui se déroule principalement en Russie, rétrograde et machiste sous des dehors progressistes à propos de la condition de la femme. Pour lui, malgré l’emploi de la langue française, Séménow reste un aristocrate russe empreint de préjugés, préjugés que Dobrolioubov dénonce d’ailleurs à son tour à l’aide de clichés sur la femme française, égale de l’homme, libre et respectée par les hommes57.
21Séménow n’adhèra pas à cette image stéréotypée de la femme française libérée et dans un roman plus tardif, Les mauvais maris, qui se passe cette fois en France, il va même plus loin dans sa défense des femmes. Ce récit se présente comme une accusation des maris autoritaires qui peuvent, par respect des conventions, obliger leur femme à avorter ; à cause de ce pouvoir exorbitant de l’homme, il dresse un plaidoyer pour le divorce, légalisé en France en 1884.
22Si le choix du français comme langue d’expression et la prédilection de Séménow pour des sujets français peuvent donner l’image d’une gallomanie poussée jusqu’à l’assimilation, nous verrons que l’image de la France donnée par ses écrits ressort du cosmopolitisme de l’écrivain russe et laisse transparaître un jugement anti-parisien et pro-méridional.
L’identité française par comparaison
23Sans conteste, Nicolas de Séménow écrit comme un étranger qui s’efforce de comprendre la France et les Français, d’en soupeser les qualités et les défauts. D’autre part, ses descriptions combinent à la fois une observation de la société française et des connaissances livresques. Par exemple, dans Les mauvais maris, le chapitre consacré à l’acceptation de la pièce d’Henry de Bussolène à la Comédie française est sûrement la relation d’un épisode vécu, tandis que d’autres passages sont sans doute le reflet de la littérature de l’époque. Ensuite, dans plusieurs de ses romans, Séménow a recours à des procédés de comparaison pour saisir le « caractère français ». Les traits des Français sont d’autant plus outrés que Séménow décrit souvent le sentiment de héros étrangers, ou s’agissant de Paris, de provinciaux, ou au contraire s’agissant de la province, de Parisiens, et à cette occasion il donne de nombreux jugement péremptoires sur les uns et les autres. Il dresse, en particulier, de très nombreuses comparaisons avec l’Italie, qui tournent dans la plupart des cas au désavantage pour la France. C’est particulièrement vrai dans le domaine musical, comme on le lit dans Agatine, où le héros, Don Cesare, est un gentilhomme romain pauvre qui arrive comme musicien à Paris. L’Italien est vite désillusionné : « il ne pouvait savoir que la capitale du monde civilisé fût tellement peuplée d’artistes, que la plupart d’entre eux apprennent tous les jours par expérience, ce que c’est que la faim58 ». Le même Don Cesare, dans un monologue intérieur, s’étonne du succès d’un baryton français à l’Opéra Comique, qu’il juge bien inférieur à ses compatriotes :
« Elle [la Française Agatine] doit manquer de goût. Hier elle applaudissait le baryton qui ne sait ni moduler, ni faire un grupetto, sans que dans la modulation on ne sente une ou deux fausses notes. Mais il se fait bien venir, parce qu’il a une certaine mignardise, une certaine grâce très étudiée, et que de temps à autre, il donne un coup de gosier… C’est horrible… Pourtant elle l’applaudissait en confiance, – on lui avait assuré que c’était le premier baryton de France et d’Europe… Eh ! nous l’aurions sifflé, nous autre, à Milan ou à Naples59. »
24De même, dans le domaine vestimentaire, la France est dénigrée par rapport à l’Italie (et l’Angleterre) : « le lecteur n’ignore pas que, pour un élégant Italien, il n’existe, après les tailleurs de Londres, que les tailleurs florentins60 ». En Italie, Don Cesare n’ose se montrer avec ses vêtements « coupés à Paris61 » et s’empresse de commander de nouveaux habits. Il en va encore ainsi pour le logement : « Les maisons à Rome sont si vastes ! », tandis qu’au contraire à Paris « un logis spacieux62 », est une « chose presque introuvable dans le Paris moderne, où tout se mesure par centimètres carrés63 ». Pourtant, entre la bonté sans honneur de la petite grisette française et le sens de l’honneur qui pousse au meurtre l’Italien, Séménow hésite. Les deux s’opposent dans une réplique d’Agatine à Don Cesare après qu’il a tué son ex-amant :
« Je suis Française, moi ; je puis avoir mes défauts, mais au fond je suis bonne. Vous, vous êtes Italien, vous avez un grand cœur, de grandes qualités, vous avez été excellent pour moi, et je vous dois tout ; mais au fond vous êtes méchant64 ! »
25Séménow, bénéficiant de son statut d’étranger et super partes, se sert des stéréotypes nationaux sur les Français et les Italiens pour construire son drame. Notons que bien avant lui, en 1848, Nicolas Gogol avait procédé de la même manière dans sa nouvelle Rome qui dénigrait sévèrement la France parisienne par rapport à l’Italie.
26Le regard extérieur détaché de Séménow lui permet également d’avoir un point de vue critique sur le système politique et judiciaire français. Dans le domaine politique, même si un amour de la liberté et de la justice lui fait admirer certains aspects de la République, il ne croit nullement en la sincérité des hommes politiques de la Troisième République, et semble être plutôt proche des monarchistes. Dans Les mauvais maris, il dresse le portrait d’un député versatile, et dans sa comédie Nos Candidats, il se moque de la corruption électorale : trois candidats à la députation, y compris un socialiste qui menace d’une révolution, y viennent tour à tour demander à M. Bourgeois de les soutenir dans leur campagne. Celui-ci accepte à chaque fois, offrant sa fille en mariage au vainqueur. Les électeurs, assis à la terrasse d’un café, sont régalés au compte des trois candidats dont chacun essaye de s’attirer les voix. Les élections sont ainsi présentées comme une mascarade où certains votent avec un bulletin blanc « pour ne faire tort à personne65 ». De l’autre côté, Séménow décrit les royalistes avec une admiration teintée d’ironie :
« Ces hommes francs comme l’or et braves comme leurs épées, dépensaient ainsi en émotions stériles le sang de leur cœur, qu’ils eussent versé avec joie, jusqu’à la dernière goutte, pour celui en qui ils voyaient la personnification de l’honneur et de la gloire de la France66. »
27En fait, s’il se moque du suffrage universel, il souligne à plusieurs reprises le caractère fondamentalement démocratique du peuple français. Par exemple, quand Don Cesare apprend qu’Agatine a fauté avec un commis voyageur, il est furieux à cause de la basse condition du séducteur, mais la jeune fille « élevée dans des sentiments d’égalité67 » ne comprend pas le courroux du jeune homme italien.
28Pour Séménow, comme la démocratie, la justice en France est foncièrement une justice de façade. À la fin des Mauvais maris, Henri de Busselone n’a plus d’illusion sur la justice. Celle-ci, malgré les plaidoiries d’un avocat professionnel, condamne au bagne sa maîtresse, Julia, qui, dans un geste de légitime défense, a tué son mari, un paysan avide et brutal :
« De quelle chimère ne se berça-t-il pas tant que l’affaire ne fut pas jugée en cassation ? Il s’efforçait de croire que les juges, des hommes éclairés, ne souffriraient pas qu’on exécutât un arrêt absurde rendu par des épiciers ; mais la cour suprême, qui, en matière criminelle, ne prend jamais sur elle d’examiner le fond d’une affaire, décida qu’il n’y avait aucun vice de forme et confirma la sentence68. »
29Séménow décrit ainsi une démocratie de pacotille, qui sert de toile de fond idéale à ses drames sentimentaux, sans pour autant faire preuve d’une gallophobie idéologique.
La France méridionale contre la France parisienne
30La gallomanie de Séménow est également mise à mal par son anti-parisianisme, qui s’étend parfois même à ses descriptions de la province française. Le noble étranger partage l’opinion répandue chez les Russes depuis Catherine II et Denis Fonvizine (1745-1792) sur la prétention et la médiocrité des Parisiens69. « Il n’y a que les Parisiennes pour mettre la vanité à toutes les sauces, jusque dans les sentiments70 », trouve-t-on dans Agatine. Les Parisiens sont brillants, mais superficiels :
« Il faudrait pour cela [pour accoster la jolie Agatine, grisette parisienne] avoir le brillant et l’esprit des Parisiens. Ces gens-là ont toujours au bout de la langue des mots piquants ou drôles, et, quand ils ont fait fausse route, ils trouvent encore moyen de s’en tirer par une aimable plaisanterie71. »
31Les Parisiens ont ailleurs « l’esprit de raillerie ou de dénigrement72 », contrairement au Napolitains qui « ont merveilleusement l’esprit critique73 ». Et leur politesse « n’est que raillerie constante et dissimulée74 ». En général, les Parisiens dissimulent leurs sentiments ; ils sont également intéressés par l’argent et ambitieux : « à Paris, pour arriver, il fallait avoir des coudes d’acier et puis encore l’habitude de marcher sur le corps de son meilleur ami75 ». Contrairement à cela, les Italiens sont portés à agir par amour, par pur enthousiasme. Avec de telles caractéristiques, il n’est pas étonnant que Paris corrompe ceux qui s’y installent, comme cela arrive au compositeur de la nouvelle La Carina :
« Paris m’avait bien changé. Je manquais de naïveté, de naturel, – des deux qualités sans lesquelles on ne sera jamais sympathique à quelques centaines de lieues du boulevard Montmartre76. »
32À la différence du bourgeois italien intelligent et artiste, le bourgeois parisien cumule tous les défauts :
33cet être lourd, épais, abruti par des journaux bêtes et surtout par son avidité à gagner des pièces de cent sous, […] cet être inqualifiable, présomptueux et ignorant, sans générosité, sans aucun goût pour le beau, méprisant l’art, les belles lettres, tout enfin ce qui lui est supérieur, tout ce qui est inaccessible à son épaisse intelligence77.
34Pour Séménow, cet idéal bourgeois (l’amour de l’argent) a d’ailleurs contaminé la noblesse, comme il le dénonce dans Sous les chênes verts : l’aristocratie n’a rien conservé de ses traditions hormis « une merveilleuse finesse d’esprit78 ».
35Si l’écrivain russe est caustique lorsqu’il évoque les Parisiens, il n’en montre pas moins la mesquinerie des provinciaux, qu’ils soient paysans, bourgeois ou nobles. Ainsi, dans la nouvelle Une habitude, une préfète ressent de la haine pour la mère du héros qui dans une quête au profit du pape a obtenu plus qu’elle dans une autre quête. La haine est réciproque : la mère du héros, appartenant à la noblesse, est prête à écraser l’autre, de basse extraction, « comme on écrase un moucheron79 ». En comparaison avec Paris, la province paraît privée de toute vie intellectuelle :
« Rentré à Paris, il [Norbert de Vabran] se replongeait dans une vie intelligente et se retrouvait dans son milieu, où la parole est donnée à l’homme pour exprimer une pensée, – faculté qu’en province on nie, ou qu’on traite d’incongruité et d’impertinence80. »
36Quant au milieu paysan, il est des plus primitifs. Nicolas de Séménow donne une description de la campagne perdue française qui vaut bien les descriptions réalistes de la campagne russe à la même époque : « Le village […] comptait environ trois cents âmes. Il n’y avait là ni école, ni médecin, ni curé ; c’était un coin perdu de la France81. » Il pointe notamment l’analphabétisme et le primitivisme des paysans français :
« En y venant, le Parisien ouvre de grands yeux et l’étranger fait des réflexions grosses de sarcasme sur la civilisation du pays le plus glorieux du monde. L’adjoint du maire […] ne savait presque pas écrire, et dans tout le village on ne trouvait que deux paysans aussi instruits que lui. Ils étaient tous encore plus malpropres qu’ignorants, ils mangeaient dans des écuelles creusées dans leurs tables, et quand le repas était terminé, les cochons ou les chiens de la maison venaient en prendre les restes et nettoyer ainsi cette humble vaisselle82. »
37Séménow note aussi l’athéisme fréquent chez le peuple : « Les paysans français sont pour la plupart des libres penseurs, comme l’épicier parisien qui a entendu parler de Voltaire83. » Mais cela ne les empêche pas d’aller à confesse « deux ou trois fois par an84 ».
38Sous la plume de l’écrivain russe, l’hommage rendu aux Français est rare, et quelque peu contradictoire. On en rencontre cependant quelques exemples, surtout parmi les provinciaux. En particulier, la jeune fille provinciale a un charme et une pureté absente chez la Parisienne :
« Elle [la cousine bretonne de Norbert de Vabran] a une saveur qu’on ne trouve pas à nos Parisiennes. Elle en est toute différente, comme les senteurs de nos plantes de montagnes, pleines de cigales, sont différentes de ce qui se vend dans une boutique de parfumeur85. »
39On trouve beaucoup plus rarement quelques traits positifs attribués à des Parisiens : Séménow décrit ainsi un Parisien dévoué et en conclut : « Le Parisien est peut-être insouciant ; mais jamais mesquin ou ladre. Il a en lui un fonds de bonté et de grandeur, – deux qualités inséparables du génie86. » De fait, à part cet exemple, les héros positifs de Séménow sont surtout des femmes de différentes origines sociales qui ont en commun la pauvreté, la fidélité, l’humilité, la bonté et qui meurent de tristesse délaissées par leur amant.
40Dans le panorama de la province française, et à l’opposé des Parisiens, Séménow présente une France méridionale totalement à part, pleine de charme, largement inspirée par le mythe du jardin d’Éden, rarement utilisé par les écrivains gallomanes. Contrairement aux écrivains slavophiles ou occidentalistes et à leurs successeurs, pour Séménow la ligne de démarcation ne se situe pas entre l’Est et l’Ouest, mais entre le Nord et le Sud. Chez lui, sur le plan humain, Saint-Pétersbourg et Moscou ne se distinguent nullement de Paris. Par contre, on l’a vu, chez lui la différence entre la France et l’Italie est constamment présente. Mais en fait, ce n’est pas tellement l’Italie en tant que telle qu’il loue, mais plutôt tout ce qui est méridional, au même titre que la Provence qui l’a charmé, l’Espagne, et même l’Ukraine. Dans l’une de ses plus belles nouvelles, Pâques en Petite Russie, qui évoque une aventure romanesque en Ukraine, la petite Russie apparaît en effet comme le contraire de Paris : « Un pays sauvage, où l’on respecte encore bien des choses87. » La différence entre la Petite Russie et Moscou est calquée sur la différence entre l’Italie et Paris : « En Petite Russie, les allures sont plus franches et la fête plus gaie que chez nous. Les femmes n’ont pas la pruderie ou l’affectation de pruderie de nos femmes moscovites88. » Parmi les pays du Sud, outre l’Italie et l’Espagne, la Corse fait l’objet d’un intermède dans la vie de Séménow : il projette en effet la composition d’un opéra tiré de Colomba de Mérimée, qui restera inachevé, malgré la collaboration du librettiste Paul Milliet (1848-1924). En 1880, Séménow se rend pour cela à Ajaccio avec un livret qu’il a déjà préparé ; il est accueilli avec enthousiasme par les Corses qui l’aident à organiser un voyage à travers l’île afin d’entendre les paysans chanter pour qu’il « saisisse le rythme monotone et le caractère des mélodies corses presque toutes en mineur, mais ressemblant, moins l’allure et la gaieté, aux mélodies napolitaines89 ».
41Le meilleur des romans de Séménow, Sous les chênes Verts, rend quant à lui hommage à la Provence, « ce pays aimé du soleil90 » qu’il a adopté. Il en loue la nature dont il fait maintes descriptions poétiques, inspirées par sa propriété des Chênes Verts : « La nuit était chaude, une de ces nuits méridionales aux ineffables splendeurs91 », et le jardin des Vabran ressemblait à « un paradis terrestre92 ». Séménow apprécie avant tout le climat provençal si nécessaire à sa santé, et trouve dans le Sud de la France le pôle parfaitement opposé à la nature et à la vie en Russie, qui lui évoquent le deuil et la mort :
« dans le Midi, l’automne n’est pas le précurseur de la mort de la nature, l’hiver n’étant pour elle qu’un court sommeil, sommeil en plein soleil, sans brouillards, sans ce linceul de neige, qui vous attriste en vous faisant penser à l’éternel repos93. »
42Dans une lettre à Aubanel du 2 août 1866, postée de Ranenbourg (province de Riazan), il se plaint d’être retenu en Russie à cause de la gestion des propriétés de sa femme qu’il vient d’épouser et exprime son impatience à fuir la Russie pour retourner dans le Sud de la France :
« Je vis comme un ours et s’il ne me vient pas une bouffée de votre bon air de Provence, tout chargé de parfums du Midi, je deviendrai paysan, dans la mauvaise acception du mot94. »
43En décembre 1874, il arrive de Russie à Florence malade. Il se fait soigner à Rome et rentre au Chêne Vert en mars 1875, tandis que sa femme a dû rester en Russie pour gérer ses terres. Craignant que le climat russe ne lui soit fatal, il se refuse à retourner en Russie et s’impatiente en attendant Maria Grigorievna à qui il dépeint le spectacle à ne pas perdre des merveilles de la nature animale et végétale du printemps dans le Midi :
« Les mouches à miel chantent de si jolies chansons en butinant dans les fleurs. Toute la nature commence à s’habiller de sa jolie parure printanière. Les oiseaux se disent leurs petits secrets dans les chênes verts, et j’ai une peur affreuse que vous perdiez, en prolongeant votre absence, cette impression charmante que donne le retour du printemps95. »
44La France du Sud, par son climat agréable et ses paysages ensoleillés, est perçue comme le jardin d’Éden aux antipodes de la campagne russe.
45Séménow loue aussi le caractère des méridionaux, qu’il juge « plus artistes que les populations du Nord96 ». Ils ont un bien meilleur goût, comme c’est le cas d’Harlette dans Sous les chênes verts : « La délicatesse de son goût était exquise, et il s’y mêlait cette admirable fougue méridionale, chaude comme le soleil de Provence et irrésistible comme son vent enragé97. » Les rapports entre les hommes semblent aussi plus familiers et plus authentiques que dans le Nord. En Corse, Séménow est même charmé par les « bandits » qui lui font compagnie et lui servent de guides :
« Je quitte Ajaccio demain pour 3 jours… J’ai pour compagnon de voyage Pajanacci… Il connaît des bandits qui sont de forts braves gens et nous comptons déjeuner avec eux… Nous verrons les montagnes et les grands bois, puis les villages perdus dans ces solitudes98. »
46Le seul point faible des hommes méridionaux semble être leur caractère machiste et leur promptitude à tuer pour défendre leur honneur, ce qui en fin de compte est un trait positif pour Séménow.
47Notons que cet amour pour l’Europe méridionale n’était pas original chez les Russes à l’époque : nombreux étaient ceux qui voyageaient ou vivaient une partie de l’année en Italie ou sur la Côte d’Azur99. Plus tard, ce goût pour l’Italie et le Midi conduira d’autres membres de la famille Séménow à choisir cette zone pour émigrer. Ainsi, Mikhail Nikolaevitch Semënov (1873-1952), neveu à la mode de Bretagne de Nicolas de Séménow, fera le choix de s’installer en Italie100. Plus tard, un autre représentant de la famille, Nicolas Semënov-Tian-Chanski (1887-1974), officier de marine chassé de son pays par la Révolution, lui aussi choisira comme terre d’émigration, mais involontaire cette fois, la France du Midi, en achetant un domaine agricole à Aubagne.
Conclusion
48Prédestiné par sa culture à comprendre et à aimer la France, ayant réussi à s’y intégrer presque parfaitement et à devenir un écrivain de langue française, publié par des éditeurs français, Nicolas de Séménow reste un écrivain étranger qui éprouve sans cesse le besoin de définir les gens qu’il décrit en fonction de leur nationalité. Cela s’explique sans doute par le besoin de trouver sa propre identité dans une situation de déracinement. Hormis cette particularité, Nicolas de Séménow donne une image de la France assez peu originale par rapport à celle des écrivains de son époque. Comme Honoré de Balzac (1799-1850) qui l’a précédé ou comme Gustave Flaubert (1821-1880), il dénonce l’esprit petit bourgeois calculateur et plein de préjugés, l’ennui et les drames qu’il engendre. Comme la plupart des écrivains russes, de Denis Fonvizine à Fiodor Dostoïevski (1821-1881) en passant par Nicolas Gogol (1809-1852), Mikhaïl Saltykov-Chtchedrine (1826-1889), et Alexandre Herzen (1812-1870), il pourfend la superficialité brillante et la légèreté des Parisiens. Mais contrairement à bon nombre de ces écrivains russes souvent déçus par l’Europe, et en particulier aux slavophiles, qui ont fait de l’esprit bourgeois et superficiel, un trait propre à l’Occident101, Séménow n’en fait pas un trait européen, ni français. Pour lui, le même esprit existe en Russie et il le dénonce avec la même force. Il n’en fait pas non plus un trait propre à une classe sociale, mais un trait qui a contaminé les nobles et toutes les classes. Pour Séménow, l’opposition se situe plutôt entre le Nord et le Sud. Amoureux de la Provence, c’est là qu’il choisit son lieu de vie principal, c’est là aussi, au sein du félibrige, qu’il choisit ses amitiés. Ce choix se reflète dans l’image qu’il donne d’une exception méridionale : la Provence et la Corse font partie d’un vaste ensemble allant de l’Ukraine à l’Espagne en passant par l’Italie. Il cultive l’image d’une terre méridionale pleine de charme, au climat clément, habitée par des hommes passionnés, sensibles à l’art, au tempérament spontané et fougueux, qui évoluent dans un climat de liberté. C’est peut-être aussi surtout celle que sa personnalité sensible, parfois emportée et quelque peu immature, cherche avec ardeur pour s’y épanouir. Elle ne transparaît cependant que ça et là dans son œuvre, car même en Provence, la mesquinerie et les préjugés se mêlent au beau et au bon, et le tableau n’est pas univoque. En Provence, le réalisme l’emporte sur l’image idéale du pays étranger qui semble plus appliquée à l’Italie, prototype parfait mais artificiel de la méridionalité.
49L’image de la France du Sud, moins stéréotypée, nous permet de conclure à une gallomanie russe de Nicolas de Séménow qui sait reconnaître et accepter les vertus et les défauts du pays qui l’a accueilli et reconnu comme un des siens.
Notes de bas de page
1 L’auteur tient à remercier Laura Fournier Finocchiaro et Isabel Habicht pour leur relecture attentive et les nombreuses améliorations apportées à cet article, ainsi que Michel Niqueux pour ses conseils éclairés.
2 H. Dibon, « Les Séménow », Mémoires de l’Académie de Vaucluse, tome VI, 1972, p. 217-240.
3 C. Semenoff-Tian-Chansky, Nicolas de Séménow et le Chêne Vert, man. dactyl., le Plessis-Robinson, 1982.
4 L. Pingaud, Les Français en Russie et les Russes en France, Paris, Librairie académique Didier Perrin et Cie, 1886, p. 8.
5 Vera Dmitrievna Semenova-Tjan-Šanskaja, Memuary, Saint-Pétersbourg, Mixail Semenov-Tjan-Šanskij (ed.), man. dactyl., 2001, p. 29.
6 Ibid., p. 5.
7 Vera Dmitrievna Semenova-Tjan-Šanskaja, Memuary, op. cit., p. 72.
8 Pëtr Petrovič Semenov-Tjan-Šanskij, Memurary P. P. Semenova-Tjan-Šanskago, Detstvo i Junost’ (1827-1855), izd. Sem’i, Petrograd, 1917, p. 81.
9 Natalija Grot, Iz semejnoj xroniki: vospominanija dlja detej i vnukov, Saint-Pétersbourg, izd. Sem’i, 1899, p. 18.
10 Son père, Johan Henrich von Münch (ou Munch) était venu d’Allemagne invité par Catherine II. Cf. l’article « Johan Heinrich Munch » dans PhpGedView (http://www.ostrov.ca/drevo/individual.php?pid=I483&ged=family.ged&PHPSESSID=9h0o44k5u711pbmnj0sc0rtgf2), consulté le 1/02/2011.
11 Il était l’oncle paternel de Pëtr Petrovitch Semënov.
12 Natalija Grot, Iz semejnoj xroniki, op. cit., p. 18.
13 Ibid., p. 44.
14 Pëtr Petrovič Semenov-Tjan-Šanskij, Memurary P. P. Semenova-Tjan-Šanskago, op. cit., p. 139.
15 Vera Dmitrievna Semenova-Tjan-Šanskaja, Memuary, op. cit., p. 40.
16 Ibid.
17 Il réussit malgré tout à s’enfuir pour rejoindre les troupes russes à leur entrée dans Paris.
18 Il aurait été atteint de phtisie.
19 N. de Séménow, Sous les chênes verts, Paris, Calmann Lévy, 1883, p. de dédicace. Si l’on se fie à son roman, La Confession d’un poète, probablement en grande partie autobiographique, la maladie aurait été déclenchée par le choc de sa rupture avec sa maîtresse.
20 L’auteur remercie grandement Madame Sabine Barnicaud, Conservateur de la Bibliothèque du Palais du Roure à Avignon, qui a eu l’amabilité de lui fournir les photocopies d’une vingtaine de lettres de Nicolas de Séménow conservées dans les archives de ce musée.
21 Lettre citée par Cyril Semenoff-Tian-Chansky, Nicolas de Séménow et le Chêne Vert, op. cit., p. 8.
22 Vera Dmitrievna Semenova-Tjan-Šanskaja, Memuary, op. cit., p. 58.
23 Nicolaï continua à se rendre à Paris et à voyager en Italie, mais il ne retourna que rarement en Russie et se désintéressa de sa propriété de Nikolskoe, dont la gestion était laissée à un honnête intendant et à sa femme. Ibid., p. 57.
24 Messe mélodique, avec soli et chœurs, accompagnement d’orgue dédiée au pape Léon XIII, Paris, Le Beau éditeur, s.d.
25 Lettre de N. de Séménow à sa femme, s. d., conservée aux Archives du Palais du Roure à Avignon. Il s’agissait probablement de l’abbaye Saint-Michel de Frigolet à Tarascon que Frédéric Mistral connaissait pour y avoir fait ses études à l’époque où elle était transformée en collège.
26 Dans ses mémoires, Benjamin Semenov-Tian-Chanski dit qu’il est resté orthodoxe : V. P. Semenov-Tjan-Šanskij, To čto prošlo, t. 1, 1870-1917, Moscou, Novyj Xronograf, 2009, p. 41.
27 Le Félibrige a été fondé le 21 mai 1854 au castel de Font-Ségugne.
28 A. Dagan, Frédéric Mistral, sa vie et son œuvre 1830-1914, Avignon, Maison Aubanel Père, 1930, p. 65.
29 Petit-fils de Lucien Bonaparte, troisième des frères de Napoléon Ier.
30 H. Dibon, « Les Séménow », art. cit., p. 230.
31 Citée par Cyril Semenoff-Tian-Chansky, Nicolas de Séménow et le Chêne Vert, op. cit., p. 7.
32 Ibid.
33 Séménow se battit même une fois en duel contre un prince de Palerme et encouragea d’autres duels.
34 F. Mistral, Lis isclo d’or, écrit établie par Jean Boutière, t. II, Paris, Didier, 1970, p. 847.
35 Lettre du 8 septembre 1869, citée par Cyril Semenoff-Tian-Chansky, Nicolas de Séménow et le Chêne Vert, op. cit., p. 16.
36 Lettres du 6 mars 1869 et du 28 janvier 1870, citées par Jean Boutière, in F. Mistral, Lis isclo d’or, op. cit., p. 844.
37 Cyril Semenoff-Tian-Chansky, Nicolas de Séménow et le Chêne Vert, op. cit., p. 15.
38 Ibid., p. 16.
39 Lettre citée par Jean Boutière in F. Mistral, Lis isclo d’or, op. cit., p. 840.
40 N. de Séménow, Poésies du Chêne Vert, Paris, imprimerie de Chaix, 1892.
41 D’après les mémoires de Veniamin Petrovitch Semenov-Tian-Chanski, Maria Grigorievna ne put quitter la Russie après la Révolution russe de 1917, et elle mourut dans une extrême pauvreté dans son ancienne propriété de Volkonchtchina (province de Tula), dans l’isba de son ancien cocher qui la recueillit chez lui. D’après Henriette Dibon, elle s’éteint épuisée, en 1921, dans la gare de Toula.
42 Fëdor Tiouttchev a écrit de nombreux articles et poèmes en français.
43 V. Kokorev, Coup d’œil sur le commerce européen du point de vue russe, Paris, Office du Nord, 1858.
44 V. Sollogoub, Une preuve d’amitié, comédie en trois actes et en prose, Paris, Bourdilliat, 1859 ; V. Sollogoub, Les Musiciens contre la musique, Paris, E. Chevé, 1868. Ses autres œuvres, beaucoup plus connues, ont été écrites en russe.
45 N. Jerebtsov, Un Congrès et non la guerre, Paris, Amyot, 1859 ; N. Jerebtsov (de Gérebtzoff), De l’émancipation des serfs en Russie, Paris, Amyot, 1859 ; N. Jerebtsov, Les trois questions du moment, Paris, E. Dentu, 1857 ; N. Jerebtsov, Essai sur l’histoire de la civilisation en Russie, Paris, Amyot, 1858, 2 vol.
46 N. Tarasenko-Otrechkov, De l’or et de l’argent, Paris, Guillaumin, 1856.
47 N. A. Dobroljubov, Sobranie sočinenij v trëx tomax, Moscou, Xudožestvennaja literatura, 1987, t. 3, en ligne : http://az.lib.ru/d/dobroljubow_n_a/text_0820.shtml consulté le 5/02/2011.
48 N. de Séménow, Agatine, Une habitude, La Carina, Histoire d’une princesse morte et de sept chevaliers, Pâques en Petite Russie, Paris, Calmann Lévy, 1887, p. 293-324.
49 Janine Neboit-Mombet a dénombré plus de deux cent cinquante titres de romans ou nouvelles en rapport avec la Russie entre 1859 et 1900. Cf. J. Neboit-Mombet, L’image de la Russie dans le roman français (1859-1900), Clermont-Ferrand, Presse universitaire Blaise Pascal, 2005, p. 12.
50 F. Mistral, Lis isclo d’or, op. cit., p. 844.
51 Cité par Jean Boutière, ibid.
52 Vera Dmitrievna Semenova-Tjan-Šanskaja, Memuary, op. cit., p. 58.
53 Jean Boutière, Directeur de l’Institut d’Études Provençales de la Sorbonne, estime que « ses vers et sa prose sont sans valeur » (in F. Mistral, Lis isclo d’or, op. cit., p. 844), tandis qu’Henriette Dibon déclare : « Ses romans, malgré leurs qualités, restent noyés dans la production de l’époque et n’ont pas laissé de traces marquantes dans les lettres françaises » (H. Dibon, « Les Séménow », op. cit., p. 238).
54 Ibid., p. 233.
55 On trouve parfois des expressions comme : « que je me rencontre avec elle » (N. de Séménow, Sous les chênes verts, op. cit., p. 37).
56 Par exemple, en janvier 1867, Villers de l’Isle-Adam dut renoncer à épouser Estelle, la seconde fille de Théophile Gautier, à cause de ses parents. http://fr.wikipedia.org/wiki/Auguste_de_Villiers_de_L’Isle-Adam, consulté le 5/02/2011. C’est aussi le sujet de Mireille (1859) de Frédéric Mistral.
57 N. A. Dobroljubov, Sobranie sočinenij v trëx tomax, op. cit.
58 N. de Séménow, Agatine, op. cit., p. 9.
59 Ibid., p. 38.
60 Ibid., p. 68.
61 Ibid.
62 Ibid., p. 69.
63 Ibid.
64 Ibid., p. 156-157.
65 N. de Séménow, Nos candidats, Paris, Alphonse Lemerre, 1874, p. 69.
66 Il s’agissait d’Henri V, comte de Chambord. Nicolas de Séménow, Sous les chênes verts, op. cit., p. 48. N. de Séménow a traduit du provençal en français un poème de Roumanille à la gloire d’Henri V : « Si le roy venait », 2 avril 1877, Poésies, op. cit., p. 35.
67 N. de Séménow, Agatine, op. cit., p. 80.
68 N. de Séménow, Les mauvais maris, Paris, Lacroix, Verboeckhoen & cie, 1867, p. 288.
69 Voici ce que Fonvizine écrivait en 1778 et qui est développé par N. de Séménow au fil de ses romans : « Le Français [généralisation à partir de ses observations surtout parisienne] manque de raisonnement, et le posséder serait pour lui le malheur de sa vie, car il l’obligerait à réfléchir, alors qu’il peut se divertir. S’amuser est son seul désir. Et, comme pour s’amuser, il faut de l’argent, il fait, pour l’acquérir, usage de toute la vivacité dont la nature l’a doté. […] Tromper passe chez eux pour un droit de l’esprit. […] L’argent c’est son Dieu. » D. Fonvizine, « Lettres de France (1777-1778) à Piotr Panine », in Les Russes découvrent la France au XVIIIe et au XIXe siècle, Paris-Moscou, Librairie du Globe-éd. du Progrès, 1990, p. 45-46.
70 N. de Séménow, Une femme du monde, Paris, Librairie centrale, 1862, p. 123.
71 N. de Séménow, Agatine, op. cit., p. 18.
72 Ibid., p. 92.
73 Ibid.
74 N. de Séménow, Sous les chênes verts, op. cit., p. 7.
75 N. de Séménow, Les mauvais maris, op. cit., p. 10.
76 N. de Séménow, Agatine, op. cit., p. 262.
77 N. de Séménow, Les mauvais maris, p. 148.
78 Ibid., p. 8.
79 N. de Séménow, Agatine, op. cit., p. 225.
80 N. de Séménow, Sous les chênes verts, op. cit., p. 8-9.
81 N. de Séménow, Les mauvais maris, op. cit., p. 52.
82 Ibid.
83 Ibid., p. 84.
84 Ibid.
85 N. de Séménow, Sous les chênes verts, op. cit., p. 35.
86 N. de Séménow, Les mauvais maris, op. cit., p. 203.
87 N. de Séménow, Agatine, op. cit., p. 327.
88 Ibid., p. 329-330. Après la mort de Séménow, cette nouvelle sera traduite en provençal dans le journal de Mistral, L’Aiòli (27 avril 1892).
89 Cité par H. Dibon, « Les Séménow », op. cit., p. 232.
90 N. de Séménow, Sous les chênes verts, op. cit., p. 1.
91 Ibid., p. 16.
92 Ibid., p. 72.
93 Ibid., p. 102.
94 Lettre citée par C. Semenoff-Tian-Chansky, Nicolas de Séménow et le Chêne Vert, op. cit., p. 6.
95 Cité par H. Dibon, « Les Séménow », op. cit., p. 227-228.
96 N. de Séménow, Une femme du monde, op. cit., p. 143.
97 N. de Séménow, Sous les chênes verts, op. cit., p. 211.
98 Cité par H. Dibon, « Les Séménow », op. cit., p. 232.
99 Rien que pendant l’hiver 1880-1881 on comptait deux mille cinq cents Russes ayant séjourné plus de deux mois à Nice. Cf. R. de Ponfilly, Guide des Russes en France, Paris, Horay, 1990, p. 390.
100 Mikhail Nikolaevitch Semenov le jeune (15 mars 1873 Moscou-4 décembre 1952 Naples) a été un personnage étonnant : d’abord tolstoïen, puis marxiste, il a aussi participé au mouvement symboliste. Il a émigré en Italie en 1914, où il a été administrateur des Ballets russes de Diaguilev et fréquenté de nombreuses personnalités du monde de l’art. Il est entré dans la section étrangère du Parti fasciste et est devenu agent de l’OVRA, la police secrète. Il a laissé un livre de mémoires très fantaisiste, paru sous le titre : Bacchus et les sirènes (M. N. Semenov, Vakx i sireny, Moscou, Novoe literaturnoe Obozrenie, 2008).
101 M. Niqueux, « La France et les Français vus par les voyageurs russes », La Revue russe, Paris, Institut d’Études slaves, no 6, 1994, p. 67.
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