Texte, traduction et notes
p. 55-73
Texte intégral
EUSEBIUS HIERONYMUS
Vincentio et Gallieno suis salutem.
1Vetus iste disertorum mos fuit, ut exercendi ingenii causa Graecos libros Latino sermone absoluerent et, quod plus in se difficultatis habet, poemata inlustrium uirorum addita metri necessitate transferrent. Vnde et noster Tullius Platonis integros libros ad uerbum interpretatus est et cum Aratum iam Romanum <h>exametris uersibus edidisset, in Xenofontis Oeconomico lusit. In quo opere ita saepe aureum illud flumen eloquentiae quibusdam scabris et turbulentis obicibus [2] retardatur, ut qui interpretata nesciunt a Cicerone dicta non credant. Difficile est enim alienas lineas insequentem non alicubi excedere, arduum ut quae in alia lingua bene dicta sunt eundem decorem in translatione conseruent. Significatum est aliquid unius uerbi proprietate : non habeo meum quo id efferam et dum quaero implere sententiam, longo ambitu uix breuis uiae spatia consummo. Accedunt hyperbatorum amfractus, dissi militudines casuum, uarietas figurarum, ipsum postremo suum et, ut ita dicam, uernaculum linguae genus. Si ad uerbum interpretor, absurde resonat, si ob necessitatem aliquid in ordine, in sermone mutauero, ab interpretis uidebor officio recessisse.
2Itaque, mi Vincenti carissime et tu Galliene, pars animae meae, obsecro ut, quidquid hoc tumultuarii operis est, amicorum, non iudicum animo relegatis, praesertim cum et notario, ut scitis, uelocissime dictauerim et difficultatem [3] rei etiam diuinorum uoluminum instrumenta testentur, quae a septuaginta interpretibus edita non eundem saporem in Graeco sermone custodiunt. Quam ob rem Aquila et Symmachus et Theodotio incitati diuersum paene opus in eodem opere prodiderunt, alio nitente uerbum de uerbo exprimere, alio sensum potius sequi, tertio non multum a ueteribus discrepare. Quinta autem et sexta et septima editio, licet quibus censeantur auctoribus ignoretur, tamen ita probabilem sui diuersitatem tenent ut auctoritatem sine nominibus meruerint. Inde adeo uenit ut Sacrae litterae minus comptae et sonantes uideantur, quod diserti homines inter pretatas eas de Hebraeo nescientes, dum superficiem, non medullam inspi ciunt, ante quasi uestem orationis sordidam perhorrescant quam pulchrum intrinsecus rerum corpus inueniant. Denique quid psalterio canorius, quod in morem nostri Flacci et Graeci Pindari nunc iambo currit, [4] nunc Alcaico personat, nunc Sapfico tumet, nunc senipede ingreditur. Quid Deuteronomii et Esaiae cantico pulchrius, quid Solomone grauius, quid perfectius Iob. Quae omnia <h>exametris et pentametris uersibus, ut Iosephus et Origenes scribunt, aput suos composita decurrunt. Haec cum Graece legimus,
Préface de Jérôme
Jérôme à ses amis Vincentius et Gallienus, salut.
3Autrefois les lettrés avaient l’habitude, pour exercer leur intelligence, de traduire les livres grecs en latin et – ce qui est en soi plus difficile – de transposer les poèmes des hommes illustres avec la contrainte supplémentaire de la métrique. C’est ainsi que notre Tullius a traduit mot à mot des livres entiers de Platon et, après avoir publié un Aratus romanisé en hexamètres, s’est amusé avec l’Économique de Xénophon. Mais dans ce travail le cours doré de son éloquence est si souvent ralenti par des écueils et des tourbillons que ceux qui ignorent qu’il s’agit d’une traduction ne croient pas avoir affaire à du Cicéron. Il est en effet difficile à qui suit les lignes tracées par autrui de ne pas s’en écarter par endroits ; il est malaisé de conserver dans la traduction les beautés qui se rencontrent dans la langue originale. Une idée est-elle exprimée par le sens propre d’un seul mot, je n’ai pas d’équivalent pour la rendre dans ma langue et pendant que je cherche à tourner ma phrase, c’est à peine si par un long détour je viens à bout d’une courte distance. Sans compter les méandres des hyperbates, les différences des cas, la diversité des figures, le génie propre de la langue enfin, génie que j’oserais dire vernaculaire. Si je traduis mot à mot, cela sonne faux ; mais si la nécessité me pousse à modifier un tant soit peu l’ordre ou le style, j’aurai l’air de faillir à mon office de traducteur.
4Voilà pourquoi, mon très cher Vincentius et toi Gallienus, qui es une partie de mon âme, je vous prie de lire avec des yeux d’amis et non de juges tout ce qu’il y a de hâtif dans cet ouvrage, d’autant plus que, comme vous le savez, je l’ai dicté très rapidement à mon secrétaire ; vous avez d’ailleurs, pour preuve de la difficulté de l’entreprise, les Divines Écritures qui ne conservent pas leur saveur première dans la version grecque qu’en ont donnée les soixante-dix traducteurs. C’est ce qui a poussé Aquila, Symmaque et Théodotion à donner des versions presque différentes à partir du même ouvrage, car le premier s’efforce de rendre le mot à mot, le second de privilégier le sens, le troisième de ne pas trop s’éloigner des versions antérieures. Quant aux cinquième, sixième et septième versions, on a beau en ignorer les auteurs, on les tient cependant en assez haute estime pour leur avoir accordé dans leur diversité une autorité anonyme. Tout cela fait que les Saintes Écritures paraissent bien peu soignées et bien dissonantes pour des lettrés qui, sans savoir qu’elles ont été traduites de l’hébreu, n’en voient que la surface et non la moelle et rejettent avec horreur l’habit négligé du discours avant de découvrir la beauté du corps qu’il renferme. Qu’y a-t-il enfin de plus mélodieux que le Psautier qui, à la façon de notre Flaccus et du grec Pindare, tantôt court sur l’iambe, tantôt fait résonner le vers alcaïque, tantôt s’enfle du vers saphique, tantôt s’avance sur un vers de six pieds ? Qu’y a-t-il de plus beau que le chant du Deutéronome, que le chant d’Isaïe, quoi de plus solennel que Salomon, quoi de plus achevé que Job ? Tous ces livres, comme l’écrivent Josèphe et Origène, suivent en hébreu le cours de l’hexamètre et du pentamètre. Quand nous les lisons en grec, ils rendent un aliud quiddam sonant, cum Latine, penitus non haerent. Quodsi cui non uidetur linguae gratiam interpretatione mutari, Homerum ad uerbum exprimat in Latinum, – plus aliquid dicam – eundem in sua lingua prosae uerbis interpretetur : uidebit ordinem ridiculum et poetam eloquentissimum uix loquentem.
5Quorsum ista ? Videlicet ut non uobis mirum uideatur si alicubi offendimus, si tarda oratio aut consonantibus asperatur aut uocalibus hiulca fit aut rerum ipsarum breuitate constringitur, cum eruditissimi homines in eodem opere sudauerint et ad communem difficultatem, quam in omni interpretatione causati [5] sumus, hoc nobis proprium accedat, quod historia multiplex est habens barbara nomina, res incognitas Latinis, numeros inextricabiles, uirgulas rebus pariter ac numeris intertextas, ut paene difficilius sit legendi ordinem discere quam ad lectionis notitiam peruenire.
Vt autem manifesto cognoscatur ad quem numerum historia quaeque pertineat, has distinctiones positas lector aduertat ut, si ad primum numerum regni primitus adnotati historia referenda est, primam litteram in explanatione historiae contempletur, et si quidem eam ex minio uiderit, illi tempori adplicandam uel anno sciat quem suggesserit numerus similiter eodem minio figuratus. Si uero numerum non puro minio, sed mixto nigro notatum esse peruiderit, secundae lineae numero debetur historia, si autem tertio numerorum ordini applicandum est quod fuerit descriptum, medium puro minio numerum et partem reliquam ex solo nigro expressam conspicabitur. Quarta numeri linea nihil habebit ex minio, sed indicio erit quod sibi historia debeatur, cum minio facta littera in principio enodationis historiae, quae etiam superioribus signis subdenda est, nihilominus apparebit nullo superius memoratorum signorum in numeris respondente. Sin uero non minio, sed mixtim nigro rubroque littera fuerit expressa, refulgens ex rubro numerus in quintam numerorum lineam poterit aduerti. Et ita sexta linea numeri ut secunda, septima ut tertia designabitur, octaua quoque ut quarta apparente littera bicolori. Cum uero nec in numeris, nec in explanatione historiae ullum illorum quae praediximus signorum fuerit, nona linea quod adnotatum fuerit uindicabit. Non tamen omnia huius modi requirenda sunt necessaria, cum minor est numerus linearum1.
6autre son, mais quand c’est en latin, ils n’ont plus aucun rapport avec leur tonalité d’origine. Si quelqu’un ne croit pas que la traduction modifie le charme de la langue, qu’il transpose Homère en latin mot à mot ; mieux encore, qu’il le traduise dans sa langue avec le vocabulaire de la prose : il verra que l’ordre des mots est ridicule et que le poète le plus éloquent sait à peine parler.
7À quoi tendent ces considérations ? Évidemment à ce que vous ne soyez pas étonnés devant les fautes que nous commettons parfois, devant la lourdeur de notre discours rendu rugueux par les consonnes ou haché par les voyelles en hiatus, ou devant la sécheresse que lui confère la brièveté même du sujet. De fait, les hommes les plus savants ont sué à la même tâche que nous et, en plus de la difficulté que nous avons alléguée et qui est commune à toute traduction, s’ajoute pour nous cette difficulté particulière que l’histoire qui nous occupe est complexe, qu’elle est pleine de noms barbares, de réalités inconnues des Latins, de chiffres inextricables, de colonnes où se trouvent réunis à la fois ces réalités et ces chiffres, si bien qu’il est presque plus difficile de comprendre l’organisation du propos que de parvenir à en saisir le sens.
Mais une marque claire permet de reconnaître à quel chiffre chaque histoire se rattache : le lecteur doit remarquer qu’on a établi un jeu de couleurs de façon que, chaque fois qu’il faut rapporter l’histoire au premier chiffre correspondant au royaume indiqué en haut de la colonne, son attention se porte sur la première lettre de la notice historique et que s’il voit cette lettre en rouge vif, il sache qu’il faut la relier à l’époque ou à l’année que signale le chiffre écrit semblablement avec le même rouge vif. Mais s’il voit que le chiffre a été écrit non pas avec un rouge vif pur, mais avec un mélange de rouge et de noir, l’histoire doit être rapportée au chiffre de la deuxième colonne. Cependant, si ce qui a été exposé doit être relié à la troisième série des chiffres, il observera que le milieu du chiffre a été écrit en rouge vif et le reste uniquement en noir. La quatrième colonne de la numérotation n’aura pas du tout de rouge, mais la marque indiquant qu’il faut lui rapporter l’histoire consistera dans le fait que la lettre rouge vif qu’on doit aussi rapporter aux signes précédents n’en apparaîtra pas moins au début du développement historique, puisqu’aucun des signes mentionnés ci-dessus ne se retrouvera dans les chiffres. Mais si la lettre ne se trouve pas écrite en rouge vif, mais avec du noir et du rouge mélangés, on pourra remarquer le chiffre d’un rouge éclatant dans la cinquième colonne des chiffres. Et ainsi de suite, la sixième colonne de la numérotation sera signalée comme la seconde, la septième comme la troisième et la huitième comme la quatrième, mais avec une lettre bicolore. Toutefois, lorsqu’on ne trouvera ni dans les chiffres, ni dans la notice historique l’un ou l’autre des signes que nous avons présentés ci-dessus, c’est la neuvième colonne qui réclamera pour elle l’information. Cependant, il n’est pas nécessaire de rechercher tous les éléments de ce système quand il y a moins de colonnes.
Vnde praemonendum puto ut, prout quaeque scripta sunt, etiam colorum diuersitate seruentur, ne quis inrationabili aestimet uoluptate oculis tantum rem esse quaesitam et, dum scribendi taedium fugit, labyrinthum erroris intexat. Id enim elucubratum est ut regnorum tramites, qui per uicinitatem nimiam paene mixti erant, distinctione minii separarentur et eundem coloris locum, quem prior membrana signauerat, etiam posterior scriptura seruaret. Nec ignoro multos fore qui solita libidine omnibus detrahendi huic uolumini genuinum infigant. Quod uitare non potest nisi qui omnino nil scribit. Calumniabuntur in tempora, conuertent ordinem, res [6] arguent, syllabas euentilabunt et, quod accidere plerumque solet, neglegentiam librariorum ad auctores referent. Quos cum possem meo iure repercutere, ut, si displicet, non legant, malo breuiter placatos dimittere, ut et Graecorum fidem suo auctori adsignent et quae noua inseruimus de aliis probatissimis uiris libata cognoscant. Sciendum etenim est me interpretis et scriptoris ex parte officio usum, quia et Graeca fidelissime expressi et nonnulla quae mihi intermissa uidebantur adieci, in Romana maxime historia, quam Eusebius, huius conditor libri, non tam ignorasse ut eruditus, sed ut Graece scribens parum suis necessariam perstrinxisse mihi uidetur. Itaque a Nino et Abraham usque ad Troiae captiuitatem pura Graeca translatio est. A Troia usque ad uicesimum Constantini annum nunc addita, nunc admixta sunt plurima, quae de Tranquillo et ceteris inlustribus historicis curiosissime excerpsi. [7] A Constantini autem supra dicto anno usque ad consulatum Augustorum Valentis sexies et Valentiniani iterum totum meum est. Quo fine contentus, reliquum temporis Gratiani et Theodosii latioris historiae stilo reseruaui, non quo de uiuentibus timuerim libere et uere scribere – timor enim Dei hominum timorem expellit –, sed quoniam dibacchantibus adhuc in terra nostra barbaris incerta sunt omnia.
8Voilà pourquoi j’estime nécessaire de donner l’avertissement suivant : il faut conserver le texte, tel qu’il a été écrit, et jusque dans la différence des couleurs afin que personne ne considère que le système de notation n’est qu’une concession gratuite au plaisir des yeux et que, cherchant à éviter la lassitude du copiste, il ne tisse un labyrinthe où le lecteur s’égare. Ce système, en effet, a été élaboré pour que les différents règnes, dont les trames s’emmêlaient presque du fait de leur excessive proximité, se distinguent par diverses nuances de rouge : il faut donc que la copie conserve aussi au même endroit la couleur qu’indiquait le parchemin original.
9Je sais que bien des gens, cédant à leur penchant invétéré pour la médisance, vont déchirer à belles dents le présent volume. Mais seul échappe à cet outrage celui qui n’écrit rien du tout. Ils vont chicaner sur les dates, modifier l’ordre des événements, mettre les faits en accusation, passer au crible les syllabes et, comme c’est souvent le cas, imputer aux auteurs la négligence des copistes. Je pourrais bien sûr leur rétorquer légitimement que si le livre leur déplaît, ils n’ont pas à le lire, mais je préfère les laisser partir après les avoir apaisés en quelques mots de façon qu’ils convoquent l’auteur lui-même devant l’autorité des Grecs et qu’ils reconnaissent aussi, dans les passages que nous avons insérés, des emprunts faits à d’autres auteurs tout à fait sûrs. Il faut en effet savoir que j’ai rempli l’office de traducteur et aussi, en partie, celui d’auteur ; car j’ai rendu très fidèlement le grec et j’ai aussi ajouté quelques événements qui, selon moi, avaient été négligés, en particulier dans l’histoire romaine que le savant Eusèbe, l’auteur de ce livre, ne pouvait selon moi ignorer, mais qu’il lui suffisait d’effleurer parce qu’il écrivait en grec et que ses lecteurs n’y auraient trouvé qu’un intérêt limité. Ainsi, de Ninus et Abraham jusqu’à la prise de Troie je n’ai fait que traduire le grec ; de Troie jusqu’à la vingtième année de Constantin, il y a plusieurs additions et compléments que j’ai tirés avec le plus grand soin de Tranquillus et d’autres historiens illustres. De l’année susdite de Constantin jusqu’au consulat des Augustes Valens, pour la sixième fois, et Valentinien, pour la seconde fois, tout est de moi. Me limitant à ce terme, j’ai remis à plus tard la rédaction de plus amples développements historiques sur l’époque suivante, à savoir celle de Gratien et de Théodose; ce n’est pas que je craigne d’écrire librement et sans détours sur des personnes vivantes – car la crainte de Dieu chasse la crainte des hommes –, mais comme les barbares donnent encore libre cours à leur rage dans nos contrées, tout demeure incertain.
Eusebii interpretata praefatio
10Moysen gentis Hebraeae, qui primus omnium prophetarum ante aduentum Domini saluatoris diuinas leges sacris litteris explicauit, Inachi fuisse temporibus eruditissimi uiri tradiderunt, ex nostris Clemens et Africanus et Tatianus, ex Iudaeis Iosephus et Iustus ueteris historiae monumenta replicantes. Porro Inachus quingentis annis Troianum bellum antecedit. Ex [8] ethnicis uero impius ille Porphyrius in quarto operis sui libro, quod aduersum nos casso labore contexuit, post Moysen Semiramin fuisse adfirmat, quae aput Assyrios CL ante Inachum regnauit annis. Itaque iuxta eum DCCC paene et quinquaginta annis Troiano bello Moyses senior inuenitur.
11Cum haec ita se habeant, necessarium duxi ueritatem diligentius persequi et ob id in priori libello quasi quandam materiam futuro operi omnium mihi regum tempora praenotaui, Chaldaeorum, Assyriorum, Medorum, Persarum, Lydorum, Hebraeorum, Aegyptiorum, Atheniensium, Argiuorum, Sicyoniorum, Lacedaemoniorum, Corin thiorum, Thessalorum, Macedonum, Latinorum, qui postea Romani nuncupati sunt. In praesenti autem stilo eadem tempora contra se inuicem ponens et singularum gentium annos dinumerans, ut quid cuique coaetaneum fuit, ita curioso ordine coaptaui.
12Neque me fugit in Hebraeis codicibus [9] dissonantes aetatum annos inueniri plusque uel minus, prout interpretibus uisum est, lectitari sequendumque illud potius, quod exemplariorum multitudo in fidem traxit. Verum utcumque quis uolet, computet ; repperiet Inachi temporibus, quem primus Argis regnasse aiunt, patriarcam Hebraeorum fuisse Israhel, a quo duodecim Iudaeorum tribus Israhelis uocabulum sortitae sunt. Semiramin autem et Abraham contemporales fuisse manifestum est. Nam Moyses, licet iunior supra dictis sit, ab omnibus tamen, quos Graeci antiquissimos putant, senior deprehenditur, Homero scilicet et Hesiodo Troianoque bello ac multo superius Hercule, Musaeo, Lino, Chirone, Orfeo, Castore, Polluce, Aescolapio, Libero, Mercurio, Apolline et ceteris dis gentium sacrisque uel uatibus, ipsius quoque Iouis gestis, quem Graecia in arce diuinitatis conlocauit. Hos, inquam, omnes, quos enumerauimus, etiam post Cecropem Difyen, [10] primum Atticae regem, fuisse conuincimus.
13Cecropem autem praesens historia Moysi coaetaneum ostendet et antecedere Troianum bellum annis2 CCCL. Quod ne cui dubium uideatur, sequens ratio sic probabit :
Préface de la Chronique d’Eusèbe Traduction de Jérôme
14Moïse, de la nation des Hébreux, fut le premier, parmi les prophètes qui précédèrent l’avènement du Seigneur Sauveur, à développer les lois divines par des textes sacrés. Il était contemporain d’Inachos, selon le témoignage des hommes les plus savants, à savoir, parmi les nôtres, Clément, Jules Africain et Tatien, et parmi les juifs, Josèphe et Justus qui compulsaient les archives concernant l’histoire ancienne. Par ailleurs, Inachos vécut 500 ans avant la guerre de Troie. Mais parmi les païens, Porphyre, dans son impiété, affirme, au 4e livre de l’ouvrage qu’il a composé en pure perte contre nous, que Sémiramis, qui régna sur les Assyriens 150 ans avant Inachos, vécut après Moïse. Ainsi, selon lui, Moïse se trouve antérieur de près de 850 ans à la guerre de Troie.
15Dans ces conditions, j’ai estimé qu’il était nécessaire de rechercher la vérité avec plus de soin et, pour ce faire, j’ai relevé dans un précédent opuscule, de façon à me constituer pour ainsi dire la matière pour un ouvrage ultérieur, la durée des règnes de tous les rois des Chaldéens, des Assyriens, des Mèdes, des Perses, des Lydiens, des Hébreux, des Égyptiens, des Athéniens, des Argiens, des Sicyoniens, des Lacédémoniens, des Corinthiens, des Thessaliens, des Macédoniens et des Latins qui furent par la suite appelés Romains. Dans le présent écrit, j’ai placé les durées de ces différents règnes les unes à côté des autres et compté les années de chacune de ces nations, dans la mesure où elles étaient contemporaines les unes des autres, adoptant ainsi une chronologie scrupuleuse.
16Mais il ne m’échappe pas que dans les livres hébreux, on trouve des discordances chronologiques, plus ou moins importantes selon les choix qu’ont faits les traducteurs. Il faut donc suivre de préférence le témoignage qu’accrédite le plus grand nombre d’exemplaires. Toutefois, que chacun fasse le décompte, et il trouvera que c’est à l’époque d’Inachos, qui fut, dit-on, le premier à avoir régné sur les Argiens, que vécut Israël, le patriarche des Hébreux, qui a donné son nom d’Israël aux douze tribus des juifs. Quant à Sémiramis et Abraham, il est clair qu’ils furent contemporains. Car Moïse, tout postérieur qu’il soit aux précédents, est tenu pour antérieur à tous les auteurs que les Grecs considèrent comme les plus anciens, à savoir à Homère, Hésiode et à la guerre de Troie, et en remontant beaucoup plus haut, à Hercule, Musée, Linus, Chiron, Orphée, Castor, Pollux, Asclépios, Liber, Mercure, Apollon et à tous les dieux, à tous les sacrifices et à tous les oracles des païens et même aux exploits de Jupiter en personne que la Grèce a établi dans la citadelle de la divinité. Tous les noms que nous venons d’énumérer sont ceux d’hommes qui ont même vécu après Cécrops Difyès, premier roi de l’Attique, comme nous en apportons la preuve.
17Le présent ouvrage historique montrera que Cécrops fut contemporain de Moïse et qu’il vécut 350 ans avant la guerre de Troie. Et pour que nul n’en doute, le calcul suivant en fournira la preuve :
18XLII anno imperii Augusti Christus natus, XV Tiberii praedicare orsus est. Si quis igitur retrorsum annorum supputans numerum alterum Darii regis Persarum quaerat annum, sub quo templum Hierosolymarum, quod a Babyloniis distructum fuerat, instauratum est, repperiet a Tiberio usque ad Darium annos DXLVIII. Darii quippe secundus annus LXV olympiadis anno primo fuit et Tiberii XV in CCI olympiadem incurrit. Fiunt ergo inter Darium et Tiberium olympiades CXXXVII, anni DXLVIII, quadriennio in una olympiade supputato. Deinde secundo Darii anno LXX desolationis Templi annus expletur. A quo usque ad primam olympiadem retrorsum numerantur olympiades LXIV, anni CCLVI, [11] qui similiter supputantur a supra dicto desolationis Templi anno3 usque ad L annum Oziae regis Iudaeorum, sub quo Esaias et Osee fuerunt. Itaque prima olympias in Esaiae et reliquorum incurrit aetatem, qui cum eo profetauerunt.
19Rursum si a prima olympiade ad superiora tempora et usque ad captiuitatem Troiae proueharis, inuenies annos CCCCVI, quos et nos in priori opusculo digessimus et curiosissima Graecorum historia conscribit. Item aput Hebraeos a supra dicto Oziae anno et temporibus Esaiae profetae usque ad Sampson et tertium annum Labdon iudicis, supputabis annos CCCCVI. Sampson autem est quem in corporis robore Herculi similem ferunt posteri Iudaeorum. Et mihi uidentur non multo inter se distare tempore, siquidem ambo circa Troiae captiuitatem fuerunt.
20Post haec iterum ad priora conuertere, et cum CCC tibi et XXIX annos pes retro actus impleuerit, Graecorum Cecropem Difyen et Moysea [12] inuenies Hebraeorum. Nam a XLV Cecropis anno usque ad captiuitatem Troiae et ab LXXX aetatis Moysi, in quo populum Israhel de Aegypto eduxit, usque ad Labdon et Sampson iudices computantur anni CCCXXIX. Itaque sine ulla ambiguitate Moyses et Cecrops, qui primus Atheniensium rex fuit, isdem fuere temporibus.
21Porro iste est Cecrops Difyes indigena, sub quo primum in arce oliua orta est et Atheniensium urbs ex Mineruae appellatione sortita nomen.
22Hic primus omnium Iouem appellauit et simulacra repperit, aram statuit, uictimas immolauit, nequaquam istius modi rebus in Graecia umquam uisis. Cetera quoque quae aput Graecos mira iactantur, posteriora Cecropis annis deprehendentur, si autem Cecropis, consequenter et Moysi, qui cum Cecrope fuit. Post hunc enim scribitur diluuium sub Deucalione, incendium sub Faetonte, Erichtonius, Vulcani et Terrae filius, Dardanusque qui Dardaniam condidit, [13] de quo Homerus : « quem primum genuit caelesti Iuppiter arce4 », Liberae quoque raptus et Europae, sacra Cereris atque Isidis delubrum in Eleusina, frumenta Triptolemi, regnum Trois, « cuius di natum Ganymedem ad sidera raptum
23Le Christ est né la 42e année du règne d’Auguste et a commencé à prêcher la 15e de celui de Tibère. Si donc on cherche en remontant le cours des ans, la seconde année du règne de Darius, roi des Perses sous lequel fut restauré le Temple de Jérusalem que les Babyloniens avaient détruit, on trouvera qu’il y a 548 ans entre Tibère et Darius, car la seconde année de Darius est la première de la 65e olympiade et que la 15e de Tibère se présente dans la 201e olympiade, ce qui fait 137 olympiades entre Darius et Tibère, à savoir 548 ans, puisqu’on compte 4 ans par olympiade.
24La seconde année de Darius correspond à la 70e année depuis la destruction du Temple. De cette seconde année de Darius jusqu’à la 1re olympiade, on compte en remontant 64 olympiades, à savoir 256 ans que l’on compte également de la susdite année depuis la destruction du Temple jusqu’à la 50e année du règne d’Osias, roi des juifs, sous lequel vécurent Isaïe et Osée. C’est pourquoi la 1re olympiade tombe à l’époque d’Isaïe et des autres prophètes de son temps.
25En remontant encore, si on se porte de la 1re olympiade vers les âges antérieurs et jusqu’à la prise de Troie, on trouvera les 406 années que nous avons dénombrées dans notre précédent opuscule et que l’histoire très soignée des Grecs a conservées. De même, chez les Hébreux, de la susdite année d’Osias et de l’époque du prophète Isaïe jusqu’à Samson et à la 3e année de Labdon, le juge, on comptera 406 ans. Or Samson, à ce que rapportent les juifs qui vinrent après lui, était semblable à Hercule par sa force physique et il me semble qu’ils ne sont pas très éloignés l’un de l’autre dans le temps, puisque tous deux ont vécu à peu près à l’époque de la prise de Troie.
26Après quoi, qu’on se tourne encore vers les temps plus anciens et quand on aura reculé de 329 ans, on trouvera Cécrops Difyès chez les Grecs et Moïse chez les Hébreux. Car de la 45e année de Cécrops jusqu’à la prise de Troie et des 80 ans de Moïse, âge qu’il avait lorsqu’il conduisit le peuple d’Israël hors d’Égypte, jusqu’aux juges Labdon et Samson, on dénombre 329 ans. Il n’y a donc aucun doute sur le fait que Moïse et Cécrops, qui fut le 1er roi des Athéniens, furent contemporains.
27D’ailleurs ce Cécrops Difyès est indigène et c’est sous son règne que, pour la première fois, un olivier poussa sur l’Acropole et que Minerve donna son nom à la ville des Athéniens. C’est lui qui, le premier de tous, nomma Jupiter, inventa les statues, établit un autel et immola des victimes, alors que la Grèce n’avait encore jamais rien vu de tel. Tout ce qui, chez les Grecs, passe pour prodigieux se trouvera également postérieur aux années de Cécrops, et si c’est postérieur à Cécrops, ça l’est aussi, par conséquent, à Moïse, puisqu’il fut le contemporain de Cécrops. C’est en effet après lui qu’on situe dans les récits le déluge sous Deucalion, l’incendie sous Phaëton, Erichtonios, fils de Vulcain et de la Terre, et Dardanus, le fondateur de Dardania, dont Homère dit : « Lui que Jupiter engendra le premier dans la citadelle du ciel » ; il en va de même pour les rapts de Libera et d’Europe, les rites de Cérès et le temple d’Isis à Éleusis, les céréales de Triptolème, et pour le règne de Tros, « dont le fils Ganymède, enlevé jusqu’aux astres devait, selon la volonté des dieux, verser le vin à Jupiter au cours des grands banquets ». C’est à cette époque uina Ioui magnis uoluerunt fundere mensis5 ». Quo tempore Tantalus quoque et Tityos fuerunt et Apollo natus est. Nam Latona, Iouis coniux, tunc per Titya fugit, Latonae autem et Iouis Apollo filius6. Post quos Cadmus Thebas uenit, « qui Semelen genuit, de qua pulcherrima proles Liber condignam partu tulit edita frugem7 ». Porro Liber et reliqui quos mox inferemus post CC annum Cecropis fuerunt, Linus scilicet et Zethus et Amphion, Musaeus, Orfeus, Minos, Perseus, Aescolapius, gemini Castores, Hercules cum quo Apollo seruiuit Admeto. Post quos facta est Troianae urbis euersio, quam Homerus longo sequitur interuallo. Homerus autem Solone et Thalete Milesio ceterisque qui cum his septem [14] sapientes appellati sunt, multo prior repperitur. Deinde Pythagoras extitit, qui se non sapientem ut priores, sed philosophum, id est amatorem sapientiae dici uoluit. Quem secutus Socrates Platonem erudiuit, a quo famosa<s> in partes philosophia diuisa est. Horum singulos iuxta ordinem sequentis historiae suis locis inseremus. Igitur Moyses cunctos quos supra memorauimus antecedit, quia aetate Cecropis fuisse monstratus est. Ab LXXX autem anno Moysi et egressu Israhelis ex Aegypto, rursum ad superiora conuersus usque ad primum annum Abrahae repperies annos DV, quos similiter a XLV anno Cecropis usque ad Ninum et Semiramin, Assyriorum principes, supputabis. Primus quippe omnis Asiae exceptis Indis Ninus, Beli filius, regnauit. Itaque manifestum est Abraham Nini aetate generatum, iuxta eum tamen numerum quem contractiorem editione uulgata sermo praebet Hebraeus.
28Verum in curiositate [15] ne cesses et, cum diuinam Scripturam diligenter euolueris, a natiuitate Abraham usque ad totius orbis diluuium inuenies retrorsum annos DCCCCXLII, item a diluuio usque ad Adam annos II – CCXLII, in quibus nulla penitus nec Graeca nec barbara et, ut loquar in commune, gentilis inuenitur historia. Quam ob rem praesens opusculum ab Abraham et Nino usque ad nostram aetatem inferiora tempora persequetur et statim in principio sui Hebraeorum Abraham, Assyriorum Ninum et Semiramin proponet, quia neque Athenarum adhuc urbs neque Argiuorum regnum nomen acceperat, solis Sicyoniis in Graecia florentibus, aput quos temporibus Abrahae et Nini Europem secundum regnasse ferunt. Quod cur etiam nos putemus, ex sequentibus demonstrabitur. Si enim diligenter enumeres ab ultima aetate Nini usque ad Troiae captiuitatem, inuenies annos DCCCXXXIV. Item in Sicyone a XXII anno regis Europis [16] usque ad supra dictum tempus eosdem annos inuenies DCCCXXXIV. Aput Hebraeos quoque a natiuitate Abraham usque ad Labdon et Sampson iudices Hebraeorum, qui Troianis temporibus populo praefuerunt, aeque supputabis annos DCCCXXXIIV. Item aput Aegyptios ab aetate Nini et Semiramidis, quo tempore sexta
29aussi que vécurent Tantale et Tityos et que naquit Apollon. Latone, en effet, compagne de Jupiter, s’enfuyait à travers les territoires de Tityos (?) et c’est d’elle et de Jupiter qu’Apollon est le fils. Après eux Cadmus vint à Thèbes, « il engendra Sémélé de qui sortit un très beau fils, Liber, qui apporta un fruit tout à fait digne de sa naissance ». Et même, Liber et tous ceux que nous allons citer vécurent deux cents ans après Cécrops. C’est le cas de Linus, Zéthus, Amphion, Musée, Orphée, Minos, Persée, Asclépios, des deux Castors et d’Hercule avec qui Apollon fut mis au service d’Admète. C’est après eux qu’eut lieu la destruction de Troie dont Homère rend compte bien des années plus tard. Mais on découvre qu’Homère est beaucoup plus ancien que Solon, Thalès de Milet et que ceux qui, avec eux ont été désignés sous le nom des Sept Sages. Vint ensuite Pythagore qui ne voulut pas être appelé « sage », comme les précédents, mais « philosophe », c’est-à-dire ami de la sagesse. Socrate qui se présenta après lui fut le maître de Platon qui répartit la philosophie entre les parties qu’on lui connaît. Nous placerons chacun d’eux à sa place dans l’ordre voulu par le déroulement de l’histoire.
30Moïse, donc, précède tous ceux que nous venons de mentionner, puisqu’il a été démontré qu’il vécut à l’époque de Cécrops. Depuis les 80 ans de Moïse et la sortie d’Israël hors d’Égypte, remonte de nouveau vers le passé jusqu’à la première année d’Abraham et tu trouveras les 505 années que tu compteras aussi depuis la 45e année de Cécrops jusqu’à Ninus et Sémiramis, les princes des Assyriens. De fait, Ninus, fils de Bélus, fut le premier à régner sur l’Asie entière à l’exception des Indes. C’est pourquoi il est clair qu’Abraham naquit à l’époque de Ninus, du moins selon le décompte le plus serré qu’offre le texte hébreu dans l’édition courante.
31Mais ne va pas relâcher ta curiosité et quand tu auras parcouru attentivement la Divine Écriture, tu trouveras que, en remontant de la naissance d’Abraham jusqu’au déluge de toute la terre, on compte 942 années et que, en poursuivant de la même manière du déluge jusqu’à Adam, ce sont 2242 années au cours desquelles on ne trouve absolument aucune histoire grecque ou barbare et, pour parler simplement, aucune histoire païenne. C’est pourquoi l’humble ouvrage que voici parcourt les temps qui vont d’Abraham et Ninus jusqu’à notre époque et débute immédiatement avec Abraham pour les Hébreux, et Ninus et Sémiramis pour les assyriens, car à cette époque, on ne parlait encore ni de la ville des Athéniens, ni du royaume des Argiens, puisqu’en Grèce seuls les Sicyoniens étaient alors prospères. À l’époque d’Abraham et de Ninus, Europs, dit-on, était le second roi à régner sur eux. Nous nous rangeons nous aussi à cette opinion, pour la raison qui suit : si l’on compte en effet attentivement les années qui séparent l’extrême fin du règne de Ninus de la prise de Troie, on trouvera 834 ans. De même on trouvera également 834 ans séparant la 22e année de règne d’Europs à Sicyone de la susdite époque (de la prise de Troie). Chez les Hébreux aussi on comptera semblablement 834 ans depuis la naissance d’Abraham jusqu’aux juges Labdon et Samson qui commandaient au peuple des Hébreux à l’époque de Troie. De même, chez les Égyptiens, on fait le décompte des 834 années susdites depuis l’époque de Ninus et Sémiramis, époque de la 16e dynastie et du règne des Thébains sur les Égypdecima iam dynastia Thebaei Aegyptiis imperabant, usque ad uicesimam dynastiam et regem Aegypti Thuorin, qui ab Homero Polybus uocatur, sub quo etiam Troia capta est, colliguntur supra dicti anni DCCCXXXIV. Igitur consequenter uno eodem tempore in libelli fronte ponemus Abraham, Ninum, Semiramin, Europem, Aegyptiorum Thebaeos. Et haec quidem ita se habere, ut praefati sumus, posterior textus ostendet.
32Nunc illud in cura est, ut etiam Hebraeorum annos in quattuor tempora diuidamus, ab Abraham usque ad Moysen, a Moyse usque ad primam aedificationem [17] Templi, a prima aedificatione Templi usque ad secundam instaurationem eius, ab instauratione eius usque ad aduentum Christi Domini. A natiuitate quippe Abraham usque ad Moysea et egressum Israhelis ex Aegypto computantur anni DV, a Moyseo autem usque ad Solomonem et primam aedificationem Templi anni CCCCLXXIX, secundum minorem tamen numerum, quem tertius regnorum liber continet. Nam iuxta uolumen iudicum supputantur anni DC. A Solomone uero usque ad instaurationem Templi, quae sub Dario Persarum rege facta est, colliguntur anni DXII. Porro a Dario usque ad praedicationem Domini Iesu Christi et usque ad quintum decimum annum Tiberii principis Romanorum explentur anni DXLVIII. Itaque simul fiunt ab Abraham usque ad XV Tiberii annum anni II – XLIV. Similiter a Nino et Semiramide usque ad Moysen et Cecropem anni DV, a Cecrope usque ad captiuitatem [18] Troiae anni CCCXXIX, a captiuitate Troiae usque ad primam olympiadem anni CCCCVI, a prima Olympiade usque ad secundum Darii annum et instaurationem Templi anni CCLVI, a secundo Darii anno usque ad XV Tiberii Caesaris annum anni DXLVIII. Fiunt simul a Nino et Semiramide usque ad XV Tiberii annum anni II – XLIV, quos et ab Abraham usque ad Tiberium ostendimus supputatos. A Tiberii autem XV anno usque ad quartum decimum annum Valentis, quo interiit, numerantur anni CCCLI. Itaque fiunt omnes anni istius historiae II – CCCXCV. Et ne forte longus ordo numerorum aliquid turbationis adferret, omnem annorum congeriem in decadas cecidimus quas ex singularum gentium historiis congregantes sibi inuicem fecimus esse contrarias, ut facilis praebeatur inuentio, cuius Graeci aetate uel barbari prophetae et reges et sacerdotes fuerint [19] Hebraeorum, item qui diuersarum gentium falso crediti dii, qui heroes, quae quando urbs condita, qui de inlustribus uiris philosophi, poetae principes scriptoresque uariorum operum extiterint, et si qua alia digna memoria putauit antiquitas. Quae uniuersa in suis locis cum summa breuitate ponemus. tiens, jusqu’à la 20e dynastie et au roi d’Égypte Thuoris qu’Homère appelle Polybe et sous le règne duquel Troie fut prise. C’est pourquoi, par voie de conséquence, nous placerons à une seule et même époque au début de ce livre Abraham, Ninus, Sémiramis, Europs, et les Thébains d’Égypte. La suite du texte montrera que les choses sont conformes à ce que nous avons dit dans cette préface.
33Occupons-nous à présent de découper aussi l’histoire des Hébreux en quatre périodes : d’Abraham à Moïse, de Moïse à la 1re construction du Temple, de la 1re construction du Temple à sa reconstruction, de sa reconstruction à l’avènement du Seigneur Christ. Ainsi, de la naissance d’Abraham jusqu’à Moïse et à la sortie d’Israël hors d’Égypte, on compte 505 ans ; de Moïse jusqu’à Salomon et à la 1re construction du Temple, on en compte 479, du moins selon le décompte minimal que propose le 3e Livre des Règnes, car selon le Livre des Juges, on en compte 600 ; de Salomon jusqu’à la restauration du Temple qui a eu lieu sous le règne du roi perse Darius, on en compte 512 ; puis de Darius jusqu’à la prédication du Seigneur Jésus Christ et jusqu’à la 15e année du règne de Tibère chez les Romains, il y a un total de 548 ans. Cela donne, d’Abraham à la 15e année de Tibère 2 044 ans.
34De la même façon, de Ninus et Sémiramis jusqu’à Moïse et Cécrops, il y a 505 ans ; de Cécrops à la prise de Troie, 329 ans ; de la prise de Troie à la 1re olympiade, 406 ans ; de la 1re olympiade à la seconde année de Darius et à la reconstruction du Temple, 256 ans ; de la seconde année de Darius jusqu’à la 15e de César Tibère, 548 ans ; ce qui, de Ninus et Sémiramis jusqu’à la 15e année de Tibère, donne les 2 044 ans dont nous avons fait le décompte depuis Abraham jusqu’à Tibère. De la 15e année de Tibère à la 14e de Valens – année de sa mort – on compte 351 ans, ce qui porte le total des années contenues dans cet ouvrage historique à 2395.
35Et pour que la longue succession des chiffres n’aille pas faire naître de confusion, nous avons découpé toute la somme de ces années en décades indépendantes de l’histoire de chaque nation et placées en face de l’ensemble, afin qu’il soit facile de trouver de quel Grec ou de quel barbare les prophètes, les rois et les prêtres hébreux furent contemporains et quels furent les faux dieux des différentes nations, les héros, la date de fondation des villes et, parmi les hommes illustres, les philosophes, les principaux poètes et auteurs d’ouvrages variés, ainsi que tout ce que l’antiquité a jugé digne de mémoire. Mais tous ces éléments, c’est avec une extrême concision que nous les exposerons à leur place.
Analyse de la préface d’Eusèbe traduite par Jérôme
36La préface d’Eusèbe présente avant tout les synchronismes établis par l’auteur entre les diverses histoires nationales. Ceux-ci reposant sur un certain nombre de choix, elle tente d’en rendre compte et de les justifier (choix de la Bible des Septante – qualifiée d’édition courante8 – et non de l’original hébreu pour relever la chronologie de l’histoire des Hébreux ; choix de faire débuter la Chronique à Abraham et aux règnes de ses contemporains chez les Assyriens, les Sicyoniens et les Égyptiens). Elle revêt ainsi une dimension apologétique, puisqu’elle vise à démontrer la très haute antiquité de l’histoire sacrée qui, selon Eusèbe, commence avec Adam, plus de 2 000 ans avant toute histoire païenne9 et qu’elle insiste sur le fait que Moïse, le législateur des Hébreux, est antérieur aux dieux, aux législateurs et aux philosophes de la Grèce. Comme la préface fonde l’essentiel de sa démonstration sur des arguments chronologiques et sur les synchronismes qui en découlent, il nous a semblé utile d’en faire la présentation schématique à travers les tableaux suivants qui en reprennent le mouvement.
37Ce décompte final qui apparaît au terme de la préface appelle au moins une remarque : il correspond à la période couverte par l’ensemble de la Chronique (d’Abraham jusqu’à la 20e année de Constantin) et de sa continuation par Jérôme (de cette 20e année de Constantin jusqu’à la défaite d’Andrinople où l’empereur Valens trouva la mort, dans la 14e année de son règne). Ce qui prouve que Jérôme ne s’est pas contenté de traduire la préface d’Eusèbe, mais qu’il l’a mise à jour, sur ce point, pour qu’elle corresponde à l’intégralité de l’oeuvre qu’il livrait au public latin.
Notes de bas de page
1 Tout le passage en petits caractères correspond à un § entier que l’édition Helm cite en apparat critique, comme une glose marginale. Cependant, comme ce passage se trouve dans un grand nombre de manuscrits, ainsi que dans l’édition de la PL (t. 27), il nous a semblé utile de le donner ici, d’autant qu’il expose un procédé d’indexation mis au point sinon par Jérôme, du moins par les copistes qui ont voulu respecter sa recommandation. Ce procédé, reposant sur une correspondance de couleur entre les chiffres indiquant les années et la première lettre des notices, est particulièrement utile dans la première partie de la Chronique où les histoires des différentes nations sont données en parallèle pour faire apparaître les synchronismes. Entre 819 et 777 avant J.-C., Eusèbe présente simultanément l’histoire de neuf royaumes différents dont les années de règne respectives apparaissent dans neuf colonnes juxtaposées. Ce maximum de neuf colonnes explique pourquoi le procédé ne comporte pas plus de neuf signes distincts de correspondance. Le système perd en revanche tout intérêt pour la fin de la Chronique, où ne subsiste plus que le seul Empire romain.
2 Helm donne ici « ann. » , suivant le ms. N (cod. Turonensis Berolin. Phillips. 1872), pourtant corrigé en « annis » dans la marge. On retrouve d’ailleurs « annis » dans le ms. B (cod. Bernensis 219) ainsi que dans le codex 159 d’Avranches, alors que le ms. M (cod. Middlehillensis Berolin. Phillips 1829) donne « annos » .
3 À savoir la 70e année depuis la destruction du Temple. Le génitif désigne ici le point de départ du décompte.
4 Hom., Il., 20, 215.
5 Cf. Hom., Il., 20, 231-235.
6 Cf. Hom., Od., 11, 576-582.
7 Hésiode, Théo., 940.
8 Eusebii praef. (p. 14) : « iuxta eum tamen numerum quem contractiorem editione uulgata sermo praebet Hebraeus » .
9 Ibid. : « usque ad Adam annos II – . CCXLII, in quibus nulla penitus nec Graeca, nec barbara et, ut loquar commune, gentilis inuenitur historia » .
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