La nouvelle Arcadie ou l’évolution des représentations britanniques de la France rurale au XIXe siècle
The New Arcadia: Evolving British Ideas of Rural France in the Nineteenth Century
p. 19-37
Résumés
Dès le XVIIIe siècle, les Britanniques furent nombreux à voyager en France, poussés par une admiration pour un pays qu’ils considéraient comme le centre d’une culture citadine raffinée ; Paris était donc la destination principale. Un changement fondamental se produisit vers la fin du XIXe siècle, lorsque se développèrent un intérêt nouveau et une admiration sans précédent pour la société rurale française. Ce changement, d’après notre analyse, reflète des transformations dans l’attitude de l’Angleterre vis-à-vis de ses propres traditions rurales, ainsi qu’un sentiment de crise à une époque d’urbanisation croissante et de pression économique. L’admiration nouvelle pour la France rurale s’ancrait dans l’idée que celle-ci réussissait mieux que l’Angleterre à préserver les valeurs traditionnelles et la viabilité économique. Sa réussite était attribuée à une paysannerie propriétaire terrienne vue comme le soubassement de la société et de la démocratie française. L’admiration pour la France rurale devait devenir un thème majeur de la gallomanie britannique et, dans les dernières décennies du XXe siècle, son aspect sans doute le plus important, influençant l’existence de centaines de milliers de gens qui voyagèrent en France et s’y installèrent, à la recherche de valeurs et d’un mode de vie qui semblaient avoir disparu d’Angleterre.
The British been travelling to France in considerable numbers since the 18th century, attracted by admiration of France as the centre of a civilized urban culture: Paris had therefore been the main destination. A fundamental change came in the late nineteenth century, with the development of a new interest in, and a new admiration for, French rural society. This change, it is argued here, reflects internal changes in attitudes to England’s own rural traditions, and a sense of crisis at a time of growing urbanization and economic stress. The new admiration for rural France came from the perception that it was more successful than England at preserving traditional values and economic viability. This was ascribed to its a land-owning peasantry, seen as the bedrock of French society and democracy. Admiration for rural France was to become a major theme of British Gallomania, and by the later twentieth century arguably its most important aspect, influencing the lives of hundreds of thousands of people who travelled and settled in France in search of values and a lifestyle that seemed to have disappeared from England.
Texte intégral
1Les Anglais furent la première population de l’histoire moderne à se rendre en grand nombre, pour le plaisir et pacifiquement, dans d’autres pays, avant tout en France – j’entends par là, non comme une armée d’invasion (même s’ils le firent aussi). « Il est sûr que les Anglais sont le peuple de l’Europe qui voyage le plus », nota l’abbé Le Blanc, écrivain voyageur français, au milieu du XVIIIe siècle, « leur Isle est pour eux une espèce de prison1 ». Les raisons en sont assez évidentes : l’Angleterre était l’un des pays les plus riches d’Europe, ses dirigeants n’avaient ni la volonté ni les moyens d’empêcher leurs sujets de voyager à l’étranger s’ils le souhaitaient ; et, sans manquer d’amour propre, les Anglais conservaient néanmoins un certain sentiment d’infériorité culturelle qui les amenait à penser que le voyage était une source importante de progrès personnels. Comme le très francophile comte de Chesterfield en avisa son fils au milieu du XVIIIe siècle, « tu n’es pas envoyé à l’étranger pour converser avec tes compatriotes : au milieu d’eux, en général, tu n’acquerras que peu d’érudition, aucune connaissance linguistique et, j’en ai la certitude, aucune bonne manière2 ». Ces observations restèrent valables durant au moins deux siècles, et elles le sont peut-être encore.
2Autrefois comme aujourd’hui, visiter un pays ne signifiait pas forcément se prendre d’affection pour lui : nous pouvons soutenir que le voyage en France provoquait autant de gallomanie que de gallophobie. Pour les admirateurs tels que Chesterfield, la preuve suprême de succès était de ressembler le plus possible à un Français – « afin que les Français déclarassent qu’on diroit que c’est un François3 ». Chez d’autres, le voyage confirmait l’amour pour leur propre patrie, voire leur gallophobie. Comme l’observa un auteur des années 1780, « le plus grand profit qu’un Anglais sensé tire de sa découverte des pays étrangers est la certitude qu’il acquiert par là de l’incomparable supériorité du sien4 ». En tout cas, qu’elles fussent positives ou négatives, les réactions britanniques vis-à-vis de la France avaient tendance à se concentrer sur la haute société urbaine, noyau de la civilisation française. Les Anglais se rendaient en priorité à Paris, ou dans d’autres villes à la mode. Quelques aventuriers allaient voir les Alpes ou les Pyrénées. Rares étaient ceux qui s’intéressaient vraiment à la France rurale. Un homme devint célèbre dans les deux pays pour cette raison même : le modernisateur de l’agriculture Arthur Young, qui traversa la France à cheval durant les années 1780 et eut une impression générale d’arriération.
3Un changement fondamental se produisit vers la fin du XIXe siècle, lorsque se développèrent un intérêt nouveau et une admiration sans précédent pour la société rurale française. Ce changement, analyserons-nous ici, reflète des transformations dans l’attitude de l’Angleterre vis-à-vis de ses propres traditions rurales, ainsi qu’un sentiment de crise à une époque d’urbanisation croissante et de pression économique. L’admiration nouvelle pour la France rurale s’ancrait dans l’idée que celle-ci réussissait mieux que l’Angleterre à préserver les valeurs traditionnelles et la viabilité économique. Sa réussite était attribuée à une paysannerie propriétaire terrienne vue comme le soubassement de la société et de la démocratie française. L’admiration pour la France rurale devait devenir un thème majeur de la gallomanie britannique et, dans les dernières décennies du XXe siècle, son aspect sans doute le plus important, influençant l’existence de centaines de milliers de personnes qui voyagèrent en France et s’y installèrent, à la recherche de valeurs et d’un mode de vie qui semblaient avoir disparu d’Angleterre.
La fascination des Britanniques pour une France rurale difficile d’accès, dépourvue de confort et inhospitalière
4En 1861, le journal The Times proclama fièrement : « Les Anglais sont, et ont toujours été, moins isolés que n’importe quelle autre nation du monde. Ils en savent plus sur les autres pays et leur attachent plus d’importance que n’importe quel peuple ayant jamais existé5. » On a beaucoup écrit sur le phénomène du voyage, mine d’informations pour les historiens de la culture qui s’intéressent aux perceptions des classes sociales, des rapports entre hommes et femmes, des ethnies, des personnes, des contrées et des institutions étrangères, des différences religieuses et sociales, multiples éléments contribuant à la formulation de « l’identité » par contraste avec « l’Autre6 ». Les riches Britanniques instruits étaient extrêmement nombreux à voyager pour le loisir, au point qu’ils furent le premier peuple pour lequel l’observation personnelle d’une autre société constituait une part importante de la formation culturelle. Parmi les pays visités (avant tout l’Italie, la France, l’Allemagne et les Pays-Bas), la France est devenue le plus significatif. Sa proximité géographique a joué un rôle évident, la majorité des voyageurs traversant son territoire quand ils gagnaient d’autres parties de l’Europe continentale ; en outre, la France a toujours été le point de comparaison principal pour les Britanniques, le pays dont le prestige culturel et social suscitait chez eux admiration et contrariété à la fois7.
5Cependant, notre sujet ici est un aspect particulier de cette importante expérience culturelle : les années où les Britanniques commencèrent à s’intéresser vraiment à la France rurale, avec ses paysages, son système social et économique, sa culture. Ainsi débuta – telle est du moins mon hypothèse – un phénomène culturel et social probablement sans équivalent. Phénomène qui amena des millions de Britanniques à consacrer leur temps libre à la découverte de la France rurale et, vers la fin du XXe siècle, des centaines de milliers d’entre eux à acheter leur propre terre dans ce pays et à s’y installer.
6Cet intérêt pour la France rurale était nouveau et différait beaucoup des habitudes de voyage ou de tourisme que nous avons évoquées précédemment : au XVIIIe siècle, la plupart des milliers de touristes britanniques qui venaient en France se rendaient à Paris, ou se contentaient de traverser le pays pour atteindre l’Italie. La naissance du tourisme de masse au XIXe siècle – qui porta le nombre d’arrivées via Calais et Boulogne de 73 000 en 1840 à 273 000 en 18728 – n’y changea rien. Le tourisme fut très lié au développement de Paris comme pôle d’attraction pour les visiteurs durant le Second Empire, surtout avec l’Exposition universelle de 1855. « L’Haussmanisation » de la capitale rétablit l’admiration britannique à l’égard de la France, mise à mal par la Révolution de 1848 et le coup d’état bonapartiste, et fit plus que jamais de Paris, capitale de la modernité, du plaisir et de la mode, un lieu à visiter. Inutile de dire que Paris demeura la principale destination de nombreux touristes de toute nationalité. Mais je ne m’attarderai pas sur Paris. Je préciserai simplement que son attrait – social, intellectuel, artistique et même sexuel – devint de plus en plus puissant pour les écrivains et les artistes habitant la Grande-Bretagne. George Du Maurier écrivit un roman à gros tirage, Trilby (1894), situé dans la bohème des étudiants étrangers inscrits aux Beaux-arts de Paris. C’était la vision de la France qu’un passionné résuma ainsi : « Le monde sentait l’absinthe, des fous pittoresques gesticulaient dans les nuages de fumée du tabac et exposaient des philosophies invraisemblables au milieu du bruit des dominos9. »
7Les voyageurs britanniques qui allaient ailleurs qu’à Paris séjournaient en général au bord de la mer – essentiellement sur la côte normande ou à Biarritz – ou, comme par le passé, traversaient la France pour gagner l’Italie, la Côte d’Azur et Nice, les centres de cure et les montagnes des Pyrénées (dont Pau constituait la base principale10) ou bien les neiges des Alpes suisses. Les vastes étendues de campagne intermédiaires restèrent longtemps inconnues et mésestimées.
8Il y avait plusieurs raisons à cela. Comme nous l’ont rappelé Eugen Weber et plus récemment Graham Robb, la pluspart du territoire français est demeurée d’un abord difficile jusque vers la fin du XIXe siècle11. Les soldats et les représentants officiels avaient encore besoin de guides et d’interprètes. Même dans les années 1880, un cinquième seulement de la population maniait avec aisance le français standard que les voyageurs anglais étaient susceptibles de comprendre. Murray’s Hand-Book for Travellers in France, le guide de voyage le plus largement utilisé, notait au milieu du siècle que « la documentation pour décrire une grande partie de la France est beaucoup plus rare que celle dont on dispose pour l’Allemagne et la Suisse », et ses éditeurs espéraient que les informations fournies rendraient le pays accessible non seulement aux visiteurs étrangers mais aux Français eux-mêmes12. Il fallait être solide et déterminé pour sortir des sentiers battus. Dans un guide de conversation figuraient les phrases suivantes : « Je crois que les roues s’enflamment » ; « Dégagez doucement le postillon de dessous le cheval » ; « Apportez-nous des draps […] je les examinerai avec soin, je vous en avertis13. » Tandis qu’il essayait de franchir les Landes à pied, un Anglais faillit mourir de soif. En 1858, deux étudiants de l’université de Cambridge qui avaient décidé d’explorer le sud-est de la France s’arrêtèrent pour manger dans une auberge des Alpes : ils ne trouvèrent ni viande ni couverts, et l’auberge ressemblait beaucoup à « une étable – sombre, en bois, imprégnée d’une forte odeur de fumier14 ». Lorsque, une génération plus tard, à la fin des années 1870, il effectua son célèbre voyage avec un âne dans les Cévennes, le romancier Robert Louis Stevenson vécut des expériences très proches. Il constata que l’auberge typique avait un sol en terre battue, que « la nourriture est parfois chiche ; j’ai dû souvent me contenter de poisson dur et d’omelette ; le vin est des plus médiocres, l’alcool, abominable » – et il pouvait y avoir un porc sous la table. Après le souper, c’était la chambre commune dans laquelle s’entassaient tous les hôtes, qui partageaient les lits – Stevenson dut insister sur sa qualité d’étranger afin d’obtenir un lit pour lui seul. En général, il comptait sur son sac de couchage en peau de mouton, fabriqué spécialement15. Il pensait aussi que c’était une bonne idée de porter un revolver – preuve qu’il ne s’attendait pas, pour le moins, à un séjour reposant.
9La France ne possédait tout simplement pas, dans son ensemble, des installations sûres et confortables pour le tourisme. C’était là un obstacle majeur pour les femmes. En premier lieu, elles devaient braver les toilettes publiques, où elles risquaient d’être « obligées d’utiliser l’affreux réduit avec ses graffitis obscènes [et] doivent […] passer tout près de l’étranger moustachu […] avec son gilet déboutonné, le cigare aux lèvres, occupé à remonter ses bretelles [ou même] assis, la porte ouverte16 ».
10La campagne française n’était pas seulement difficile d’accès, dépourvue de confort et inhospitalière. Lorsque vous l’atteigniez, si vous en faisiez l’effort, elle vous décevait, car on la trouvait bien moins pittoresque ou agréable sur le plan esthétique que l’Italie, l’Allemagne, la Suisse et, bien sûr, l’Angleterre elle-même – considération importante pour les nombreux touristes qui aimaient dessiner et peindre à l’aquarelle. Beaucoup de voyageurs la jugeaient monotone : « d’interminables plaines mornes » écrivit l’un d’eux en 187017. Comme l’affirma l’omniprésent Murray’s Hand-Book, « c’est la coutume des Anglais, qui traversent la France pour se rendre en Italie ou en Suisse, de déplorer le caractère fade et lassant de sa campagne, et de railler l’expression “La Belle France” que les Français (qui, faut-il reconnaître, ne savent souvent pas apprécier les beautés de la nature) ont l’habitude de lui appliquer18 ». Les Français, continuait le guide, employaient en fait l’adjectif « belle » au sens de « riche » et de « cultivée ». La France n’avait ni le charme romantique de la vallée du Rhin, ni les beautés sublimes de la Suisse, ni les merveilles horticoles de l’Angleterre, qui joignaient des cultures luxuriantes à une variété pittoresque. Le paysage français ne se modifiait qu’au bout de cinquante ou cent miles, prévenait le guide, alors qu’en Angleterre il changeait tous les dix miles. Une quantité d’écrivains, y compris les plus francophiles, étaient heureux lorsqu’ils rencontraient un bout de région qui ressemblait à l’Angleterre : par exemple, en 1877, Matilda Betham Edwards vanta l’Anjou pour son « aspect anglais […] de petites chaumières coquettes avec des jardins de fleurs […] l’ordre, le soin et un air de prospérité partout19 ». Mais cela était exceptionnel. Des plantations de peupliers – toutes identiques – étaient d’une insipidité complète. Les arbres plantés uniformément le long des routes portaient l’ennui à un degré intolérable. Les vignes étaient peu attrayantes, même si les Français, écrivit la célèbre Mrs Trollope, trouvaient belle n’importe quelle morne vigne bien entretenue, parce qu’ils pensaient à ses futurs fruits. Le Sud était trop chaud et poussiéreux en été. Murray’s Hand-Book déclarait que « l’œil endolori cherche en vain une tache verte où se reposer » et, hormis « un petit coin privilégié près de Cannes », la Provence était laide20. L’hiver dans le Sud (qui était surtout une destination hivernale) pouvait aussi se révéler décevant. Un certain docteur Thomas Madden démontra en 1864 que le climat de Pau, où les invalides affluaient dans l’espoir d’y trouver des conditions plus saines et clémentes, était exactement le même qu’en Angleterre, et plus susceptible de tuer que de guérir21. Dans la France rurale, la vie mondaine était limitée, voire inexistante ; des voyageurs relevèrent l’absence à la campagne d’une classe supérieure, laquelle passait son existence dans les villes, fuyant ce que Karl Marx appela, selon sa formule bien connue, l’abrutissement de la vie des champs.
11Même la nourriture ne constituait pas l’attraction qu’elle devint plus tard. L’expérience commune n’était pourtant pas celle de Robert Louis Stevenson avec son omelette et son poisson dur. Beaucoup de visiteurs et de guides louaient la cuisine française. Les récits de voyage mentionnent souvent la quantité et la diversité de la nourriture fournie, et la vitesse stupéfiante à laquelle on la servait dans les auberges et les pensions. Mais ils restent assez flous sur le contenu réel des assiettes et celui-ci, bien sûr, était imprévisible. Il fallut, semble-t-il, attendre le Gourmet Guide to Europe du lieutenant-colonel Newnham-Davis et d’Algernon Bastard en 1903 pour que l’on tente d’expliquer (pas toujours avec exactitude) ce qu’il était possible de manger et où, et pour que les pratiques culinaires soient présentées comme séduisantes. Les auteurs soulignaient néanmoins que les bonnes adresses demeuraient rares hors des principaux centres touristiques et pouvaient ne pas correspondre au goût britannique, en particulier le Midi, où « il est nécessaire d’aimer l’ail et d’avoir un nez qui ne craint pas les odeurs22 ».
12En tout cas, pour un public victorien souvent assez sobre et raisonnable, la nourriture seule ne pouvait justifier un voyage. La culture, la santé, les progrès personnels étaient les motivations principales à entreprendre ce qui serait certainement pour beaucoup leur seul et unique séjour en France, et pour certains leur seul et unique séjour à l’étranger. Illustration frappante du sérieux victorien, Murray’s Hand-Book recommandait qu’une découverte minimale de la France durât cinq ou six mois23, et conseillait vivement aux futurs visiteurs de passer plusieurs mois au préalable à étudier la langue. Un autre écrivain voyageur, le révérend George Musgrave, affirmait que pour voir convenablement les tableaux de Versailles, il faudrait leur consacrer quatre heures par jour pendant deux semaines24.
13Pour toutes ces raisons, la plupart des Britanniques qui s’aventuraient dans les provinces françaises se dirigeaient vers des lieux familiers, suivaient des routes bien tracées, utilisaient des équipements touristiques (notamment les toilettes) adaptés à leurs goûts et à leur langue, fréquentaient des temples protestants, cherchaient des curiosités culturelles « valant la visite » et trouvaient des colonies de compatriotes pour se divertir – ainsi à Boulogne, Biarritz, Nice, Caen ou Pau (qui avait un Club anglais, le premier terrain de golf d’Europe et une meute de chiens courants).
14Rien n’indique que les Britanniques du milieu du XIXe siècle considéraient de façon générale la campagne française ordinaire comme un endroit où ils seraient ravis d’aller si seulement ils pouvaient y accéder. Loin de là. Par conséquent, il a fallu que quelque chose change dans les idées britanniques sur la France, dans les idées sur le voyage, et peut-être dans les idées sur la Grande-Bretagne elle-même, avant que l’histoire d’amour du XXe siècle avec la France rurale soit possible. C’est ce que nous devons identifier. Qu’était ce « quelque chose » ? Quand s’est-il produit ? Pourquoi s’est-il produit ?
La recherche d’un passé arcadien : la France rurale, alter ego de la campagne anglaise industrialisée
15L’un des facteurs fut sans doute, et de manière assez évidente, un changement au sein de la France, à la fois réel et ressenti, qui la rendit plus accessible et plus accueillante. Le chemin de fer, la modernisation de Paris et d’autres villes, la croissance économique des années 1860 et une promotion du tourisme avaient modifié le pays. La Troisième République avait effacé l’accusation d’État policier. L’Empire et la Troisième République avaient tous deux massivement investi dans le développement rural. Ils avaient construit des routes de campagne, des lignes secondaires, des bureaux de poste, des marchés et des écoles. Ils avaient asséché les marais causes de paludisme, planté des arbres sur les vieilles landes et les montagnes dénudées. La campagne avait été domestiquée : « bon nombre des paysages qui nous paraissent typiquement et éternellement français sont en réalité plus jeunes que la tour Eiffel », note Graham Robb25.
16Mais le changement ne se limitait pas au sud de la Manche. En Grande-Bretagne aussi se produisirent des transformations qui influèrent les représentations de la France et les attitudes à son égard. D’abord, il y eut l’essor d’un tourisme organisé moins onéreux, bien entendu associé à l’agence visionnaire, audacieuse et florissante de Thomas Cook, qui amena 75 000 visiteurs à Paris en 1878, parmi lesquels des ouvriers bénéficiant de billets et d’hébergements à tarif modique26. Avec la relative démocratisation du voyage, le nombre annuel de visiteurs passa de dizaines à des centaines de milliers. Ce phénomène accentua en outre une distinction déjà ancienne (ou, du moins, le désir d’établir une telle distinction) entre « touristes » et « voyageurs ». Aux yeux des voyageurs, les touristes étaient vulgaires, dépourvus de discernement, gênants. Les voyageurs, eux, s’estimaient réfléchis, intelligents et sensibles, marqués par un désir de sortir des sentiers battus, de frayer un chemin solitaire, d’entrer en contact avec la culture et les gens du pays. Donc pour les « voyageurs », l’éloignement et même l’inconfort de certaines zones rurales qui dissuadaient les « touristes » devenaient un attrait – c’était de l’anti-tourisme, selon l’expression de James Buzard27. Comme l’écrivit Stevenson, « on n’avait encore jamais entendu parler d’un voyageur de mon espèce dans le département28 ».
17Néanmoins, cela n’explique qu’en partie l’intérêt spécifique pour la France rurale. Une autre raison, visiblement, est que la France était à la fois assez semblable et assez différente pour paraître instructive aux visiteurs britanniques, anglais surtout.
18Cette dimension se manifeste dans des commentaires sur la Normandie, région de la France rurale qui fut longtemps la plus fréquentée par eux. Les voyageurs anglais ne cachent pas que la Normandie présentait tous les attraits esthétiques de l’Angleterre, à laquelle elle ressemblait beaucoup, affirmait-on. Dans A Ramble Through Normandy (1855), George Musgrave écrivit qu’elle avait « toutes les caractéristiques du pittoresque anglais […] le décor du pays natal reproduit avec des acteurs entièrement nouveaux29 ». D’après Murray’s Hand-Book, c’était « le berceau d’où vint la troupe sage et hardie de conquérants dont le règne sur l’Angleterre marqua, pour ce pays, le début de la prospérité et de la grandeur30 ». En Normandie, on observait une variante de l’Angleterre, une sorte de doppelgänger, qui offrait l’expérience cruciale d’une Angleterre ancienne, en train de disparaître ou déjà disparue : « pour moi », écrivit un visiteur dans les années 1840, la Normandie « était encore au Moyen Âge31 ». En bref, écrit Katherine Linder, la Normandie donnait aux Anglais « une image de leur propre histoire culturelle », la possibilité de « remonter le temps jusqu’à un passé arcadien32 ». Mais elle aussi était menacée par les changements, le progrès, voire la décadence qui avaient déjà altéré l’Angleterre rurale. Les voyageurs devaient donc s’y rendre au plus vite, avant qu’il ne fût trop tard et que la Normandie succombât également à la modernité. Henry Blackburn mettait ainsi en garde, dans Normandy Picturesque (1869) : « C’est une situation trop belle pour durer […] regardez la carte de la Normandie et voyez comme [le chemin de fer] déploie ses tentacules33. »
19Cette franche nostalgie, cette recherche d’un passé arcadien nous renseignent beaucoup, je crois, sur l’état d’esprit des voyageurs anglais. Au moment même où ils remarquaient et appréciaient la France agreste, ils se mobilisaient pour sauvegarder ou retrouver l’Angleterre rurale, ses valeurs esthétiques et culturelles traditionnelles. Paradoxalement, a soutenu l’essayiste Raymond Williams, il existe à l’époque moderne « un rapport presque inversement proportionnel […] entre l’importance de l’économie rurale effective et l’importance culturelle des idées rurales34 ». Ainsi l’Angleterre, pays le plus industrialisé du monde, montrait le chemin de la préservation des campagnes. « Moins l’Angleterre rurale avait d’importance concrète – écrit Martin Wiener – plus il était facile pour qu’elle représente un véritable ensemble de valeurs alternatives et complémentaires, un balancier psychique35. »
20Dans le dernier quart du XIXe siècle, l’Angleterre rurale semblait être en danger. D’un côté, des menaces venaient de la croissance démographique, du développement de la banlieue, de la modernisation économique et de l’intégration de la population campagnarde dans une culture marchande urbanisée. D’un autre côté, la « Grande Dépression » commença dans les années 1870, un soudain afflux de denrées bon marché en provenance des Amériques et d’Australasie provoquant un déclin économique. Entre 1873 et 1895, en Angleterre, le prix du blé diminua de soixante pour cent36. Une des solutions fut d’augmenter la productivité grâce à des technologies facilitant le travail. Les conséquences se firent sentir dans la communauté rurale entière, y compris dans les industries locales et l’artisanat. Les ouvriers agricoles commencèrent à former des syndicats, les fils et les filles à quitter les campagnes pour chercher du travail en ville. Des commissions parlementaires furent chargées d’enquêter sur « l’état de l’agriculture ». Bientôt, la question du protectionnisme agricole devint source de divisions politiques. Une autre réponse politique consista à rejeter le problème sur les gros propriétaires fonciers et les métayers pratiquant une agriculture marchande. Une réforme agraire favorable aux petites parcelles s’attira des soutiens de toutes les couleurs politiques37. L’English Land Restoration League du Liberal Party fut parmi les mouvements qui réclamaient une mesure de redistribution des terres sous forme de petites fermes et de jardins familiaux, afin que la population rurale demeurât sur place au lieu d’émigrer vers les villes38. Des radicaux et des socialistes comme William Morris et Robert Blatchford, dans l’opinion desquels la Révolution industrielle avait été catastrophique, s’y associèrent ; de nombreux Tories également.
21Pendant la seconde moitié du siècle, une série de groupes de pression furent créés pour protéger différents aspects de l’Angleterre rurale : la Commons Preservation Society (1865), la Society for the Defence of Ancient Buildings (1877), la Lake District Defence Society (1883), la National Footpaths Preservations Society (1884), la Society for the Protection of Birds (1889), la National Trust for Places of Historic Interest of Natural Beauty (1894), et d’autres encore39. Ce fut aussi une époque de revitalisation culturelle délibérément rurale ou traditionnelle, incarnée par divers mouvements et tendances artistiques. Le public voulait des descriptions littéraires de la vie champêtre plus « réalistes » et pénétrantes ; les romans du Wessex de Thomas Hardy, dont la publication commença dans les années 1870, furent les plus puissants et influents. Le mouvement Arts and Crafts de William Morris apparut au cours de la décennie suivante. Des tableaux réalistes de paysans et de scènes agrestes peints notamment par George Clausen dans les années 1880 et 1890 suscitèrent la controverse. Un professeur de latin de Cambridge, Alfred Edward Housman, devint célèbre grâce à l’immense succès d’un petit volume de poèmes à la nostalgie obsédante, voire morbide, A Shropshire Lad (1896), évoquant un « pays de félicité perdue ». Il fut mis en musique par une succession de compositeurs, y compris George Butterworth et Ralph Vaughan Williams qui, avec Cecil Sharpe et Percy Grainger, s’employèrent au tout début du XXe siècle à collecter et à revitaliser la musique folklorique. Sous l’influence d’écrits utopiques anglais, américains et russes, Ebenezer Howard élabora la « banlieue-jardin » et, en 1899, fonda la Garden Cities Association40. Il s’agissait de créer une « campagne urbaine » ; il en résulta l’expérience pionnière de Letchworth (1903) puis, peu après, Hampstead Garden Suburb et Welwyn Garden City. Toutes avaient en commun une architecture locale typique, influencée par le mouvement Arts and Crafts, avec des salles des fêtes, un habitat de faible densité et de la verdure – le contraire de la ville industrielle. Ces actions devaient une grande partie de leur dynamique aux libéraux et aux socialistes41.
22Pour résumer, il semble que deux évolutions en Angleterre expliquent le changement d’attitude vis-à-vis de la France rurale. D’abord, un désir chez les « voyageurs » (de la classe moyenne, instruits, souvent intéressés par l’art) d’éviter les lieux de prédilection d’un nombre croissant de « touristes ». Ensuite, un intérêt grandissant pour des traditions rurales menacées chez les citoyens d’une société de plus en plus urbaine.
La France, idéal de démocratie paysanne
23On distingue des signes nets d’un intérêt nouveau pour la France rurale avant même les années 1870. Katherine Linder affirme que les visiteurs britanniques avaient souvent « le sens de l’aventure et l’envie d’explorer42 » et que, contrairement au stéréotype, la plupart d’entre eux n’étaient ni remplis de préjugés ni privés de contact avec les habitants. De plus, la France était pour eux « davantage qu’un lieu de frivolité et de détente43 ». L’exemple du Voyage avec un âne dans les Cévennes de Stevenson semble corroborer cette vision. C’était seulement un exemple parmi de nombreux autres récits de voyage, mémoires et œuvres de fiction, écrits par des femmes et des hommes, qui commençaient à prendre pour sujet la France campagnarde. Ce qui attira Stevenson, malgré les difficultés, était son idée de la France comme d’un « lieu d’innocence et de joie primitive44 ». Voilà des termes significatifs : l’attrait réside dans l’innocence et le caractère primitif, non pas dans la beauté, le confort ou le plaisir.
24Dès le milieu du siècle parurent une quantité de romans britanniques, dont les auteurs étaient généralement des femmes, sur la vie provinciale ordinaire française, situés parfois dans des régions assez reculées. Une pionnière en la matière fut Julia Kavanagh. Sa première œuvre, en 1848, s’intitulait Madeleine, a tale of Auvergne. Suivit toute une série au cours des années 1850 et 60 : Nathalie, qui se passait en Normandie ; Dora, à Rouen ; Béatrice, en Provence. De même, Katharine Sarah Macquoid publia Diane en 1875, et The Fisherman of Auge. Charlotte Louisa Hawkins Dempster écrivit Ninette (1888), situé en Provence. Kathleen O’Meara signa The Old House in Picardy (1887), Lisbeth Strahan (née Seguin) écrivit Life in a French Village, des contes ayant pour cadre le Cotentin ; et Matilda Betham Edwards proposa The Romance of a French Parsonage (1892), au titre piquant. Nous pourrions en mentionner d’autres encore. Un critique nota que les provinces françaises semblaient susciter de telles histoires, avec leurs charmants détails amoureusement racontés. Plus sévère, une récente chercheuse souligne que ces romans décrivaient « la vie française […] dans son cours le plus tranquille, presque stagnant », avec des intrigues « presque toujours pauvres, romanesques ou conventionnelles », et que leur attitude envers leur sujet était « d’une aisance bienveillante45 ». Mais pour nous ici, l’important est qu’ils témoignent d’un intérêt nouveau et soutenu à l’égard de la vie champêtre française ordinaire.
25En dehors des œuvres de fiction, il y avait les mémoires de périodes vécues dans la campagne française, lesquels apportèrent à certains de leurs auteurs une modeste célébrité. Ici, un précurseur fut Philip Gilbert Hamerton, artiste et essayiste, qui jouissait d’une petite fortune personnelle suffisante pour s’installer près d’Autun avec son épouse et y mener une existence oisive. Son livre intitulé Around My House : Notes of Rural Life in France in Peace and War (1876) visait à corriger ce qu’il considérait comme une ignorance et une incompréhension fondamentale de la France par les Anglais, dont beaucoup d’opinions étaient « précisément le contraire de la vérité46 ». Une partie importante du livre d’Hamerton accordait une attention sincère à la culture et à la société paysanne française, avec l’intention évidente de n’être ni sentimental ni condescendant. Il décrivait la paysannerie comme « une catégorie de gens dont les Anglais ne savent souvent presque rien, alors que cette classe constitue les os et les muscles mêmes de la France47 ». Il la montrait tenace dans sa résistance au changement et réglée par des us et coutumes inflexibles, d’où une autodiscipline inlassable pour défendre son indépendance de petit propriétaire terrien, dans une « simplicité tout à fait antique », avec « l’abnégation d’un philosophe stoïcien et la dignité d’un patriarche hébreu » pratiquant les vertus de « tempérance, frugalité, application, patience, maîtrise de soi et abnégation48 ». Le prix d’une telle existence incluait la quasi-absence de relations sociales en dehors de la famille proche. « Les voisins que nous réussîmes à connaître assez bien […] ne nous invitaient jamais […] et refusaient quand nous les invitions49. » Même la cuisine pour laquelle la France était célèbre se bornait aux villes, à la bourgeoisie et aux grands propriétaires fonciers : pour les paysans, c’était « exorbitant […] un luxe coûteux […] une folie qui n’était pas pour eux50 ». Leur vie s’appuyait sur l’ignorance – ignorance délibérée – du monde extérieur. Les paysans essayaient de maintenir leurs fils dans l’illettrisme : « Instruisez l’un d’eux et vous brisez une tradition vieille de mille ans ; la continuité de la vie familiale est interrompue, anéantie pour toujours, irrémédiablement51. » Pour Hamerton, ce qui sauvait cette existence dure et limitée était la dignité et l’indépendance qu’elle donnait, reflétées par l’intelligence, les bonnes manières et, tout simplement, le bonheur. À cet égard, l’héritage de la Révolution française était essentiel : « Il était esclave, et il est un homme libre ; il était pauvre, et il est nanti ; il n’avait pas plus de pouvoir que ses propres volailles, et à présent les élections sont entre ses mains52. »
26Pourtant, Hamerton voyait cette société paysanne comme inéluctablement désuète. Il annonçait la célèbre thèse d’Eugen Weber selon laquelle la Troisième République, par le service militaire, le chemin de fer, l’enseignement primaire pour tous et des communications meilleur marché, transformait « les paysans en Français ».
27Hamerton ne parcourut pas la France et n’essaya pas de brosser un tableau général de la société rurale à travers le pays. Néanmoins, il souligna un certain nombre de thèmes qui devinrent habituels dans les textes britanniques sur la vie campagnarde française au cours de la génération suivante. Les paysans étaient indépendants, fiers, dignes et intelligents ; ils défendaient une culture ancestrale, et ils bénéficiaient de l’égalitarisme post-révolutionnaire.
28On trouve des idées comparables dans une catégorie d’ouvrages un peu différents, les monographies et guides personnels de contrées provinciales méconnues. Ils étaient destinés au « voyageur » individuel plus qu’au touriste « de groupe », avec des intitulés comme « promenade », « randonnée » ou « pérégrination », termes suggérant tous une exploration individuelle.
29Une figure importante dans ce domaine durant plusieurs décennies fut la romancière Matilda Betham Edwards, au point que le gouvernement français la nomma « officier de l’Instruction publique ». Elle publia des romans, des mémoires (dont A Year in Western France), des guides de voyage (par exemple Unfrequented France) et des études générales telles que France of Today, parue en 1892. Les épigraphes de cet écrit montrent si bien d’où elle venait qu’il est intéressant de les détailler53. D’abord, une citation de l’agronome et voyageur du XVIIIe siècle Arthur Young, qu’elle admirait : « La magie de la propriété change le sable en or. » La deuxième citation était d’Adam Smith : « Le petit propriétaire qui connaît le moindre recoin de son territoire, le considère avec toute la tendresse que la propriété, en particulier la petite propriété, inspire […] est souvent le plus appliqué, le plus intelligent et le plus efficace pour le bonifier. » La troisième était signée de l’éminent critique victorien et francophile qualifié Matthew Arnold : « Le charme de la civilisation crée l’enthousiasme et la fierté passionnée vis-à-vis de la France que l’on observe chez les Français. L’existence est chose si bonne et agréable dans ce pays, et pour tant de gens. »
30Nous voyons ici, et elles réapparaîtront plus loin dans le livre, certaines opinions exprimées par Hamerton, que Matilda Betham Edwards mentionne en abondant dans son sens – quoiqu’elle présente une image d’ensemble beaucoup moins austère et nettement plus optimiste. À l’évidence, elle vante les mérites de la propriété paysanne, qui fournit une « richesse » de produits pour tous les marchés. Chaque cultivateur étant « à son compte », il n’y a « nul intermédiaire susceptible de diminuer les bénéfices », par conséquent « les fruits de premier choix sont à la portée de chacun54 » – de là l’excellence de la cuisine familiale française. Loin d’estimer la vie paysanne condamnée par la modernité, elle pense que les écoles et les musées de la Troisième République l’améliorent, eux qui répandent la civilisation « dans toutes les classes sociales ». Elle rejette aussi les « insinuations odieuses » sur la vie paysanne d’Émile Zola et consorts55. Elle affirme en effet que si l’on compare « l’ouvrier agricole du Sussex » à son homologue français, ou l’artisan anglais à l’artisan français, « ressortent sans cesse les avantages matériels dont jouit l’un et la supériorité intellectuelle de l’autre56 » – autrement dit, les travailleurs anglais ont plus d’argent, mais des qualités personnelles inférieures. Le paysan français, comme elle le résume, est « honnête, content, audacieux, travailleur, respectueux de lui-même, économe et autosuffisant57 ». Un auteur plus connu, la romancière à succès Mrs Craik, avait déjà fait cette mise en parallèle : dans Fair France (1871), elle avait comparé défavorablement l’ouvrier agricole anglais générique, Hodge, avec le paysan normand « [au] costume impeccable et [à] la physionomie intelligente58 ». Comme Hamerton, Betham Edwards jugeait que c’était la Révolution, « étoile polaire de l’histoire moderne universelle », qui avait « rend[u] enviable la condition des paysans », « êtres déshumanisés » devenus ainsi « riches et joyeux petits exploitants agricoles ». Ses seules réserves concernaient la « crédulité déchirante » et la « superstition abjecte » liées au catholicisme, et le trop grand nombre de touristes et d’invalides dans des régions telle que l’Auvergne, ce qui « démoralisait » les habitants59.
31D’autres écrivains encore se firent l’écho d’Hamerton : Hannah Lynch, dans French Life in Town and Countryside (1901), décrivait les paysans comme « dignes, frugaux, pondérés » et ayant « l’indépendance chevillée au corps », d’où leur capacité à « endurer les privations avec patience » ; le paysan français n’avait besoin « de saluer aucun grand seigneur […] car ne possède-t-il pas son propre lopin de terre… ? » Mary Robinson, dans The Fields of France (1903), louait les paysans « travailleurs » et « infatigables ». Rowland Prothero (futur Lord Ernle), peut-être l’auteur le plus digne à l’époque, de foi sur l’agriculture et les affaires rurales, qui devait présider le Board of Agriculture pendant la Première Guerre mondiale, écrivit en 1908 The Pleasant Land of France. Il niait que les paysans français étaient « misérablement logés et mal nourris » et que la possession de leurs terres était une illusion à cause des dettes. Se faisant lui aussi l’écho d’Hamerton, il affirma :
« Il est absolument vrai que [le paysan français] est illettré ; il ne lit presque pas, voire pas du tout, de journaux […] ; mais il a une perspicacité et une intelligence remarquables. Ses facultés mentales sont aiguisées et entretenues par des marchandages répétés pour la vente ou l’achat des produits agricoles […] [Il] a une grande habitude de l’application, de l’abnégation et de la frugalité. Il est parfois pauvre mais rarement dans la misère ; il est indépendant et son sort n’est jamais désespéré. Comme citoyen, il est bien mieux pourvu que l’ouvrier agricole anglais, qui est de loin son supérieur sur le plan des lettres60. »
32Publié en 1897 dans la Contemporary Review, un article portant sur un village de Bourgogne soutenait que, grâce à la petite propriété, il n’y avait nulle indigence, nul besoin d’assistance publique, ni crime, ni mendicité, ni ivrognerie ; les paysans étaient pauvres et frustes, mais économes et heureux61. Dans leur livre très lu The Village Labourer, deux des plus influents spécialistes de l’histoire sociale de leur époque, John et Barbara Hammond, mettaient en contraste la triste condition des ouvriers agricoles anglais, dépossédés par les enclosures et tyrannisés par leurs employeurs, et la situation de la paysannerie française post-révolutionnaire, libre62.
33Il faut noter au passage que l’admiration pour une société paysanne « authentique », « préservée », se trouvait partout en Europe ; et les voyageurs britanniques en Italie s’extasiaient sur ce qui constituait, à leurs yeux, l’élévation culturelle de paysans capables de citer Dante63. Il serait intéressant de comparer les caractéristiques des différentes cultures paysannes dans l’opinion de l’époque – néanmoins, la propriété terrienne indépendante et l’égalité citoyenne étaient sans doute reconnues comme l’apanage de la France.
34Ces idées très répandues sur les paysans français tranchaient de manière frappante avec la vision commune des générations précédentes : prospérité et confort de la société rurale anglaise par opposition à la pauvreté et à l’arriération de la France. Écrivant en 1863, George Musgrave, par exemple, avait soutenu que les chaumières des ouvriers agricoles anglais ressemblaient aux habitations de la petite noblesse française et que « notre paysannerie paraît jouir d’un sort bien plus favorable que les populations des principales villes de France elles-mêmes64 ».
35Tandis que, naguère, ils reprochaient à la France rurale son manque de similitudes avec l’Angleterre, avant que le siècle ne se termine, les auteurs britanniques – les mêmes parfois – ne tarissaient pas d’éloges sur ses différences. Ainsi, dans les années 1870, Betham Edwards regrettait l’absence de gros propriétaires terriens en Bretagne, qui auraient pu donner un exemple édifiant aux paysans ; deux décennies plus tard, en revanche, elle portait au pinacle l’indépendance du paysan propriétaire d’après la Révolution. Non seulement la France rurale n’avait pas encore ressenti les conséquences destructrices de la modernisation et de la mondialisation, mais la manière originale dont elle s’était développée sur le plan politique et social semblait l’avoir mieux armée pour affronter les pressions des marchés agricoles internationaux. La Révolution, affirmait-on, avait créé une vaste paysannerie propriétaire au pouvoir électoral fort, viscéralement attachée à son indépendance sans doute frugale mais égalitaire, plus apte et résolue à défendre ses intérêts et à sauvegarder le mode de vie champêtre que ne le pouvaient les gentilshommes campagnards, les métayers pratiquant une agriculture marchande et les salariés agricoles anglais. Les paysans propriétaires, écrivit Prothero, avaient mieux supporté la dépression agricole que les fermiers qui avaient longtemps fait la fierté de l’agriculture anglaise. En définitive, comme le soutenait Betham Edwards, citant Adam Smith, les paysans propriétaires étaient peut-être plus efficaces. Ces écrivains s’accordaient largement à dire que l’attachement à la propriété et l’indépendance farouche encourageaient l’autodiscipline et le travail sans relâche, ce qui permettait de résister à la fois aux charmes culturels et aux menaces économiques de la modernité. La propriété paysanne créait des hommes intelligents et bons citoyens qui, s’ils étaient plus pauvres sur le plan matériel que les ouvriers agricoles anglais, se distinguaient par une supériorité morale et intellectuelle. Et surtout, ils étaient déterminés à conserver leur mode de vie plutôt que de partir chercher une autre profession dans les villes.
36Le dernier facteur important pour la relation des Britanniques à la France est peut-être le plus évident, un bref rappel suffira donc : je veux parler des changements dans la situation politique et diplomatique. Les années 1890 furent une période de grandes tensions politiques, ce qui se répercuta indéniablement sur l’attitude des populations des deux côtés de la Manche. L’incident de Fachoda exaspéra les colonialistes de France. L’affaire Dreyfus eut un gros retentissement dans l’opinion publique britannique, qui soutint Dreyfus, critiqua ce qu’elle estimait être la corruption du système politique et judiciaire hexagonal et se montra même agressive à l’égard de ressortissants français65. La Guerre des Boers suscita en France une montée comparable d’anglophobie et une bienveillance générale vis-à-vis des colons néerlandophones d’Afrique du Sud. Par conséquent, au tout début du XXe siècle, il y avait une vaste hostilité publique mutuelle66.
37Mais le foyer de ces tensions était urbain. Les partisans français des Boers, par exemple, concentraient leur haine sur la classe politique britannique et la City londonienne. Les Dreyfusards anglais rejetaient l’iniquité de la France sur les hommes politiques, les officiers de l’armée et la foule des villes. La vie rurale semblait rester à l’écart de ces tensions, d’autant plus que les paysans français étaient souvent décrits comme indifférents au monde extérieur, trop ignorants et confinés à l’échelle locale pour être nationalistes. La signature de l’Entente cordiale en 1904, qui suivit les visites officielles d’Édouard VII et du président Loubet, durent beaucoup faciliter l’expression d’opinions favorables sur la France dans les premières années du siècle. Il pourrait être significatif que la presse britannique ait présenté Loubet comme un agriculteur ; en outre, le roi lui offrit un taureau et une génisse de race pris dans son propre troupeau de Windsor. L’Entente cordiale semble avoir eu un véritable effet dans l’opinion publique et l’exposition franco-britannique de 1908, visant à fêter ce nouveau lien, connut un grand succès auprès de la population anglaise67.
38Un auteur qui adopta cet état d’esprit avec enthousiasme fut Rudyard Kipling. Auparavant objet d’une haine notable chez les nationalistes français en raison de son impérialisme, Kipling découvrit alors la France – les Pyrénées, pour être précis – et en tomba amoureux. La population, malgré « des habitudes incurablement mauvaises », était gentille. Il apporta son soutien à l’Entente cordiale et considéra la civilisation française comme « au moins aussi ancienne que la nôtre ». Selon son biographe David Gilmour, « la France ne tarda pas à devenir le pays préféré de Kipling, le seul amour étranger qui ne le déçut jamais68 ». Son poème À la France, publié en 1913, célèbre la longue lutte entre les deux pays, source d’une intimité et d’un respect mutuel unique, et, dans l’atmosphère d’avant-guerre où il fut écrit, exhorte la France et la Grande-Bretagne à s’unir pour combattre les puissances destructrices « du Sang et du Fer ». Nous avons sans doute ici l’une des expressions les plus inconditionnelles d’admiration pour la France en langue anglaise, et l’éloge de la France va bien au-delà de tout ce que l’auteur accordât jamais à l’Inde ou à l’Angleterre. Dans son refrain, le poème reprend l’idée de la terre et de la paysannerie comme l’une des particularités et des forces de la France : « dans le travail impitoyable,/ Terrible grâce à la force tirée de son sol inlassable69 ». Le rôle central et la résistance de la France rurale étaient devenus des thèmes familiers au point de servir dans une allusion poétique. Nous sommes loin de la représentation de la génération précédente, selon laquelle Paris seul valait la visite et la campagne constituait un fardeau sous-développé, manquait de beauté et abritait une paysannerie miséreuse et arriérée.
Conclusion
39Dans ces pages, nous avons essayé d’identifier les origines d’un important phénomène social et culturel : l’histoire d’amour des Britanniques avec la France rurale – « l’exotisme vif, accueillant et ensoleillé de gens simples, nés ici, et de lieux reculés », comme l’écrivit Henry James, cet Anglais d’adoption70. Ce n’est évidemment pas tout. Le coût des voyages devint plus abordable et leur organisation plus facile, et des installations touristiques s’implantèrent à travers une partie croissante du pays. Des styles de vie cosmopolites se répandirent dans une classe moyenne en augmentation. À une période récente, les terrains dans la campagne française sont devenus meilleur marché et davantage disponibles, du fait de l’exode rural en France et de la hausse vertigineuse des prix du foncier en Angleterre. Grâce à la libéralisation financière et aux dispositifs de l’Union européenne, vivre dans un autre pays est beaucoup moins compliqué. Enfin, bien sûr, la France est proche et accessible, les gens y parlent une langue vaguement familière, et en même temps certaines régions gardent une étrangeté et un isolement séduisant.
40Mais ces circonstances modernes – qui existent pour l’essentiel depuis une trentaine d’années – n’expliquent pas tout dans l’amour unique que les Anglais portent à la France des campagnes, et j’espère que remonter aux origines pour tâcher d’identifier quelques traits distinctifs en valait la peine. D’abord, souligner que l’admiration pour la France rurale n’est ni très ancienne ni spécialement naturelle ou inévitable. Elle s’est développée pour différentes raisons durant la dernière partie du XIXe siècle. Il y avait le désir chez les « voyageurs » d’échapper aux foules croissantes de « touristes ». Il y avait l’idée que la France constituait un vestige du passé, montrant ce qu’avait jadis été l’Angleterre. Il y avait une admiration nouvelle pour l’indépendance tenace des paysans français à une époque de changements rapides et de crise agricole en Angleterre. La France devint donc une inspiration à la fois pour les nostalgiques de la culturelle traditionnelle et pour les réformateurs agraires « progressistes » qui voulaient recréer certaines caractéristiques d’une paysannerie en Angleterre. Enfin, il y avait la conviction que la France était une démocratie paysanne, symbole de l’égalité postrévolutionnaire – perspective qui devint plus attrayante lorsque la Troisième République s’apaisa et que la Grande-Bretagne elle-même se transforma en démocratie.
41Notre but ici n’est pas d’évaluer l’exactitude des représentations britanniques de la France rurale. Il va de soi qu’elles contiennent une part de vérité et une part de déformation, et il y a de nombreux aspects qu’elles ne discernent pas ou choisissent d’ignorer – le plus évident, ce sont les tensions sociales et politiques. L’important est qu’au début du XXe siècle, il existait une vision de la France rurale bien plus nuancée et respectueuse que les opinions encore répandues cinquante ans plus tôt, et une tendance à considérer la société paysanne comme le soubassement de la prospérité et de la démocratie française – élément nouveau et capital dans les conceptions britanniques positives de la France. Il est possible qu’aujourd’hui, cette vision ait cédé la place à un simple hédonisme et à l’idée naïvement sentimentale d’une vie paysanne telle qu’elle domine dans les best-sellers, les magazines et les émissions de télévision sur l’achat de fermes dans un pays ensoleillé où les bons mets et le bon vin ne sont pas chers. Néanmoins, je le crois, il demeure le sentiment sans doute vague, mais fort, que la société paysanne hexagonale est au fondement de l’unicité française, et cela inspire des émotions que l’on ne ressent pas à l’égard d’autres pays où les gens achètent des maisons de vacances uniquement pour profiter du climat et des prix bas. Afin de comprendre pourquoi tant d’Anglais se sentent attirés par la France rurale, nous devons remonter au contexte particulier du XIXe siècle finissant, lorsque les vertus, les beautés et l’éternité de l’Angleterre champêtre semblaient décliner, mais restaient présentes dans la nouvelle Arcadie de l’autre côté de la Manche.
Notes de bas de page
1 J.-B. Le Blanc, Lettres de Monsieur l’Abbé Le Blanc, historiographe des bastiments du Roi, Amsterdam, [s. l.], 1751, p. 50.
2 Letters of the Earl of Chesterfield to his Son, C. Strachey (ed.), London, Methuen, 1932, vol. I, p. 329-330.
3 Ibid., p. 146.
4 J. Andrews, Remarks on the French and English Ladies in a series of letters interspersed with various anecdotes and additional matter, arising from the subject, London, Longman & Robinson, 1783, p. 266.
5 K. A Linder, Travel and cosmopolitanism in the Anglo-French relationship, c. 1840-1880, Cambridge PhD, 2010, p. 2. Je remercie l’auteur qui m’a autorisé à citer son important travail.
6 Voir par exemple: J. Buzard, The Beaten Track: European Tourism, Literature, and the Ways to Culture, 1800-1918, Oxford, Clarendon Press, 2001; M. Morgan, National Identities and Travel in Victorian Britain, London, Palgrave, 2001; P. Fussell, Abroad: British Literary Travelling between the Wars, Oxford University Press, 1980; J. Pemble, The Mediterranean Passion: Victorians and Edwardians in the South, Oxford University Press, 1987. Ces ouvrages traitent largement de l’identité anglaise et britannique.
7 Les historiens débattent pour savoir si la réaction prédominante était l’admiration ou la contrariété. Voir, par exemple, G. Newman, The Rise of English Nationalism: A Cultural History, 1740-1830, London, Macmillan, 1997; L. Colley, Britons: Forging the Nation, 1707-1837, Yale University Press, 1992; P. Langford, Englishness Identified: Manners and Character, 1650-1859, Oxford University Press, 2000; R. Eagles, Francophilia in English Society, 1748-1815, London, Macmillan, 2000. Selon nous, il s’agissait d’un mélange inextricable de ces deux sentiments. Cf. R. Tombs et I. Tombs, That Sweet Enemy : The French and the British from the Sun King to the Present, London, Heinemann, 2006 et La France et le Royaume-Uni : Des ennemis intimes, traduit par C. Jaquet, Paris, Armand Colin, 2012.
8 K. A Linder, op. cit., p. 13.
9 C. Campos, The View of France: From Arnold to Bloomsbury, Oxford, Oxford University Press, 1965, p. 156.
10 Cf. P. Tucoo-Chala, Pau, ville anglaise, Pau, Librairie des Pyrénées et de Gascogne, 1999, p. 23.
11 E. Weber, La fin des terroirs : la modernisation de la France rurale 1870-1914, traduit par A. Berman et B. Géniès, Paris, Fayard, 1983 ; G. Robb, Une histoire buissonnière de la France, traduit par I. D. Taudière, Paris, Flammarion, 2011.
12 Murray’s Hand-Book for Travellers in France, 3e éd., London, 1856, p. v.
13 G. Robb, op. it., p. 280 et 368.
14 The Eagle, St John’s College, Cambridge, vol. 1, 1859, p. 249.
15 R. L. Stevenson, Voyage avec un âne dans les Cévennes, traduit par L. Bury, in L’Île au trésor, Dr Jekyll et M. Hyde, Œuvres, vol. I, Paris, Gallimard, 2001.
16 Viator Verax [Rev. G. Musgrave], Cautions for the First Tour, on the Annoyances, Shortcomings, Indecencies, and Impositions Incidental to Foreign Travel, London, Ridgway, 1863, cité par J. Buzard, The Beaten Track, op. cit., p. 150.
17 S. Marandon, L’image de la France dans l’Angleterre victorienne, Paris, Armand Colin, 1967, p. 156. Cet ouvrage demeure une mine de renseignements.
18 Murray’s Hand-Book, p. XXXIII.
19 M. Betham Edwards, A Year in Western France, London, Longman, 1877, p. 76.
20 Murray’s Hand-Book, p. 437-439.
21 P. Tucoo-Chala, Pau, op. cit., p. 82-89.
22 Lieut.-Col. Newnham-davis and A. Bastard, The Gourmet’s Guide to Europe, London, Grant & Richards, 1903, p. 56.
23 Murray’s Hand-Book, p. xl.
24 K. A Linder, op. cit., p. 28.
25 G. Robb, op. cit., p. 341.
26 K. A Linder, op. cit., p. 192.
27 J. Buzard, op. cit.
28 R. L. Stevenson, op. cit., p. 115.
29 K. A Linder, op. cit., p. 111.
30 Ibid., p. 112.
31 Ibid., p. 114.
32 Ibid., p. 120.
33 Ibid., p. 133.
34 M. Wiener, English Culture and the Decline of the Industrial Spirit, 1850-1980, Cambridge, Cambridge University Press, 1981, p. 48.
35 Ibid., p. 49.
36 F. M. L. Thompson (éd.), The Cambridge Social History of Britain, 1750-1950, Cambridge, Cambridge University Press, 1990, vol. 1, p. 113-114.
37 J. Burchardt, Paradise Lost: Rural Idyll and Social Change since 1800, London, Tauris, 2002, p. 84-85.
38 Ibid., p. 79-85.
39 Ibid., p. 93.
40 Ibid., chapitre 5.
41 Ibid., p. 100.
42 K. A Linder, op. cit., p. 5.
43 Ibid., p. 13.
44 C. Campos, op. cit., p. 171.
45 S. Marandon, op. cit., p. 83-85.
46 P. G. Hamerton, Around My House: Notes of Rural Life in France in Peace and War, London, Seeley, Jackson and Halliday, 1876, p. 81. Un examen éclairant d’Hamerton et d’autres auteurs est proposé par A. R. H. Baker, « Some English images of the French peasantry, 1789-1915 », in J.-R. Pitte et A.-L. Sanguin (dir.), Géographie et Liberté : mélanges en hommage à Paul Clavel, Paris, L’Harmattan, 1999, p. 213-224.
47 P. G. Hamerton, op. cit., p. 209.
48 A. R. H. Baker, art. cit., p. 219 et 223.
49 P. G. Hamerton, op. cit., p. 69.
50 Ibid., p. 243.
51 A. R. H. Baker, art. cit., p. 222.
52 Ibid., p. 218.
53 M. Betham-Edwards, France of Today: A Survey, Comparative and Retrospective, London, Peravel, 1892, p. IV.
54 Ibid., p. 15.
55 Ibid., p. 22.
56 Ibid., p. 29-30.
57 Ibid., p. 33.
58 K. A Linder, op. cit., p. 129-30.
59 M. Betham-Edwards, op. cit., p. 11, 15, 42, 85, 88.
60 A. R. H. Baker, art. cit., p. 215-216.
61 S. Marandon, op. cit., p. 383-384.
62 J. L. et B. Hammond, The Village Labourer, nouvelle éd., Stroud, Allan Sutton, 1995, p. 240.
63 J. Buzard, op. cit., p. 9.
64 G. Musgrave, Ten Days in a French Parsonage in the Summer of 1863, London, Sampson Low and Marston, 1864, p. 89 et 92.
65 R. Tombs, « Lesser breeds without the law: the British establishment and the Dreyfus affair, 1894-1899 », Historical Journal, no 41, 1998, p. 495-510.
66 Voir par exemple M. Brisson, 1900 : quand les Français détestaient les Anglais, Biarritz, Atlantica, 2001.
67 M. Cornick, « L’exposition franco-britannique, mai-octobre 1908 », in J. Viot et G. Radice (dir.), L’Entente cordiale dans le siècle, Paris, Odile Jacob, 2004, p. 48-51.
68 D. Gilmour, The Long Recessional: The Imperial Life of Rudyard Kipling, London, John Murray, 2002, p. 215.
69 « À la France » (1913), R. Kipling, La France en guerre, traduit par J. Raimond, dans Œuvres, vol. IV, Paris, Gallimard, 2001.
70 C. Campos, op. cit., p. 174.
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Impact et réalité de la conquête spirituelle (xvie siècle)
Éric Roulet
2008
Les miroirs du silence
L'éducation des jeunes sourds dans l'Ouest, 1800-1934
Patrick Bourgalais
2008