1 Cet article est précédemment paru dans le no 149-150 (2009) de la revue Les Études sociales intitulé « Le Play et le monde catholique ». Nous remercions Matthieu Brejon de Lavergnée, éditeur de ce numéro thématique, ainsi qu’Antoine Savoye, directeur de la publication, de nous avoir autorisés à reprendre ce texte.
2 Sur Maurice Maignen (1822-1890), deux références incontournables : Maignen C., Maurice Maignen, directeur du Cercle Montparnasse et les origines du mouvement social catholique en France. 1822-1890, Paris, Lethielleux, 1927, 2 vol., et Corbon R., Maurice Maignen, frère de saint Vincent de Paul. 1822-1890, apôtre du monde ouvrier, Paris, Téqui, 2003.
3 Officier, prisonnier à Aix-la-Chapelle en 1870 où il fait la connaissance de René de La Tour du Pin, il est touché par les idées sociales de l’évêque de Mayence Mgr von Ketteler. À son retour en France, il participe à la répression de la Commune et à la fondation – l’idée et l’impulsion revenant incontestablement à Maurice Maignen – avec le légitimiste René de La Tour du Pin Chambly de la Charce, Maurice Maignen et quelques autres, de l’Œuvre des Cercles catholiques d’Ouvriers en décembre 1871. Il se fait ensuite connaître notamment par ses discours contre le libéralisme économique et contre-révolutionnaires (« Nous sommes la Contre-Révolution irréductible » dit-il dans le discours, préparé par Maurice Maignen, qu’il prononce à Chartres le 8 septembre 1878). On se reportera naturellement à la thèse de Levillain Ph., Albert de Mun. Catholicisme français et catholicisme romain, du Syllabus au Ralliement, Rome, École française de Rome, 1983.
4 Mun A. de, Ma vocation sociale, Paris, Lethielleux, 1908, p. 63.
5 Edme-Armand-Gaston d’Audiffret-Pasquier (1823-1905), maître des requêtes au Conseil d’État, membre du conseil d’administration des mines d’Anzin et directeur du complexe industriel de Decazeville qu’il a hérité de son père, est brillamment élu député de l’Orne en février 1871. Il devait contribuer, en mai 1873, à la chute d’Adolphe Thiers et assurer la présidence de l’Assemblée du 15 mars 1875 au 4 juin 1876, date à laquelle il est élu sénateur inamovible.
6 Voir infra. Il est donc à noter que le texte de la déposition d’Alfred Mame est publié pour la première fois.
7 Denis-Aimé-René-Emmanuel Benoist-d’Azy (1796-1880) est alors député de la Nièvre après avoir été député de ce même département entre 1841 et février 1848, puis du Gard de mai 1849 à décembre 1851. Il avait fait partie des opposants au coup d’État du 2 Décembre 1851. L’un de ses fils, Paul (1823-1898), est un fervent partisan de Le Play.
8 Charles-Ange de La Monneraye (1812-1904), député du Morbihan au Corps législatif de mai 1869 à septembre 1870, siégeant au centre-gauche, puis à la Chambre représentant du même département de février 1871 à mars 1876, cette fois dans les rangs de l’extrême-droite, demandant notamment, durant ce mandat, le rétablissement de la monarchie et signant, avec d’autres députés, une adresse de soutien au pape Pie IX. Il fut ensuite sénateur du Morbihan jusqu’en 1894.
9 Sur Armand de Melun, l’un des pionniers du catholicisme social et fondateur de la Société d’économie charitable, on lira avec profit l’ouvrage d’Andigné A., Un apôtre de la charité. Armand de Melun, 1807-1877, Paris, NEL, 1961.
10 Parmi les quatre vice-présidents, seul Nicolas Ducarre (1819-1883), député du Rhône et qui est choisi en 1875 pour être le rapporteur des travaux de la commission (Rapport fait au nom de la Commission d’enquête parlementaire sur les conditions du travail en France : salaires et rapports entre ouvriers et patrons [2 août 1875], Lyon, Mougin-Rusand, 1877), sort du lot. Conseiller municipal à Lyon, il est franc-maçon, étant membre de la Loge du Parfait-silence de cette ville. Opposant à l’Empire de Napoléon III, il est élu député en février 1871, et siège alors avec la gauche républicaine jusqu’en février 1876, où il refuse de se représenter. Sur le rapport présenté par Ducarre en 1875, nous renvoyons à notre Maurice Maignen et la Contre-révolution. Pensée et Action d’un catholique social, 1871-1890, mémoire de maîtrise sous la direction de Michèle Cointet, université de Tours, 2004.
11 Édouard-Pierre-Michel de Cazenove de Pradines (1838-1896), député du Lot-et-Garonne de février 1871 à mars 1876, puis de la Loire-Inférieure de septembre 1884 à sa mort. Fervent monarchiste, il siège à l’extrême droite de 1871 à 1876.
12 Lucien Brun (1822-1898) est élu député en 1871. Il peut être considéré comme le principal représentant du comte du Chambord à la Chambre. Il fait partie des plus proches du dernier des Bourbons, lui servant en quelque sorte de conseiller politique. Il le pousse notamment à ne pas transiger sur les principes lors de la fameuse affaire du « drapeau blanc » en 1873. Sur ce personnage, voir Le Jariel des Chatelets G., Lucien Brun ou le légitimisme absolu. 1822-1898, thèse de doctorat d’histoire, université de Lyon III, 2001.
13 Édouard-Jean-Baptiste-Henri Morisson de La Bassetière (1825-1885), député de la Vendée de février 1871 à sa mort, siège à l’Assemblée à l’extrême-droite. Mais il se montre particulièrement sensible à la question sociale, n’hésitant pas à soutenir l’Œuvre des Cercles catholiques dès ses débuts.
14 Louis-Gabriel-César de Kergorlay (1804-1880) est député de l’Oise de 1871 à 1876, et siège dans le groupe de l’Union des Droites.
15 Marie-Camille-Alfred de Meaux (1830-1907), est député de la Loire de 1871 à 1876, siégeant au centre-droit. Il était le gendre de Charles de Montalembert, collaborant un temps au Correspondant.
16 Léonce-Raymond-Élisabeth-Alexandre de Guiraud (1829-1873), député de l’Aude de février à septembre 1870, puis de février 1871 à juillet 1873. Républicain modéré après avoir été de tendance légitimiste, il siège au centre-gauche. En décembre 1871, aux côtés d’Albert de Mun, Émile Keller, René de La Tour du Pin, Maurice Maignen et quelques autres, il fit partie des signataires de l’Appel aux hommes de bonne volonté, qui proclamait la volonté de ces hommes d’étendre à toute la France la création de cercles ouvriers, sur le modèle de celui fondé par Maignen à Paris, 126 boulevard Montparnasse. Aux dires d’Albert de Mun, c’est peut-être par L. de Guiraud qu’il avait découvert l’existence du cercle Montparnasse et de Maignen, décidant de bien des choses pour son avenir (Ma vocation sociale, op. cit., p. 61).
17 Albert-Pierre-Louis Decrais (1838-1915), avocat au barreau de Paris devient préfet d’Indre-et-Loire en 1871 avant de partir pour les Alpes-Maritimes en 1874. Il fut notamment ambassadeur de France près l’Italie en 1882, puis brièvement en 1886 à Vienne puis à Londres, député de la Gironde de 1897 à 1903 et ministre des Colonies de 1899 à 1902.
18 « La commission constituée pour procéder à une enquête sur les conditions du travail en France m’a adressé une série de questions sur la grande et la petite industrie. Les renseignements dont je dispose ne me permettant pas de répondre à une partie de ces questions, permettez-moi, Monsieur le Maire, d’avoir recours à votre obligeance et de vous prier de vouloir bien me mettre en mesure, en ce qui concerne la ville de Tours, de répondre à la commission » (ADIL, 10M4, Commission d’enquête sur les conditions du travail en France. 1872-1873, lettre du préfet d’Indre-et-Loire au maire de Tours, no 5510, minute, 24 août 1872).
19 Ibid.
20 « 1o Quelles sont les grandes industries du département ? – Celles qui paraissent avoir ce caractère à Tours, 1o Grands ateliers d’imprimerie et de reliure de la maison Mame » (ADIL, 10M4, Commission d’enquête sur les conditions du travail en France. 1872-1873, département d’Indre-et-Loire, mairie de Tours, secrétariat, no 2193, objet : Enquête sur les conditions du travail en France, réponses au questionnaire, 30 novembre 1872).
21 Nous ne possédons malheureusement pas la demande adressée à Mame. Le dossier des archives départementales ne contient rien de tel ; sans doute lui fut-elle envoyée directement par la commission.
22 Né en 1821, il est député de la Marne, siégeant au centre-gauche, de 1871 à 1876. Il meurt en 1889.
23 Né en 1826, il est député de la Marne, siégeant dans le groupe de la Gauche républicaine, de 1871 à 1876. Il meurt en 1899.
24 Jean-Baptiste-André Godin (1817-1888) est député de l’Aisne de 1871 à 1876, siégeant avec la Gauche républicaine. Très sensible à la question sociale, fortement inspiré par Fourier, il tente d’améliorer la condition de vie de ses ouvriers en construisant le familistère de Guise et le Palais social. Sur le familistère de Guise et la personnalité de Godin, on se reportera utilement à l’ouvrage de Lallement M., Le Travail de l’utopie. Godin et le familistère de Guise, biographie, Paris, Les Belles Lettres, 2009.
25 Archives jésuites (Vanves), papiers du P. Ramière, ERTm 65, lettre de F. Le Play à H. Ramière, 2 février 1873 (aimablement communiquée par Matthieu Brejon de Lavergnée).
26 « [T]out ce qui se pratique de nos jours pour conserver la paix et le bien-être est en vigueur chez moi. Je ne crois pas que mes ouvriers consultés aient jamais signalé une lacune » (ibid.).
27 « Second vice : le régime actuel du suffrage agite sans relâche les familles qui sont calmes en apparence et retenues jusqu’à présent dans l’obéissance. L’agitation est entretenue par les journaux (prétendus populaires) qu’elles se croient obligées de lire sans aucune satisfaction en vue de remplir avec discernement leurs devoirs civiques » (ibid.).
28 Cf. infra.
29 Léon Harmel développe son activité de filature en Champagne, au lieu-dit Le Val-des-Bois, organisant son usine sur un modèle assez semblable à la cité Mame, vivant au milieu de ses ouvriers, considérant ceux-ci comme sa propre famille. Les ouvriers possèdent très tôt leur caisse des économies et leur caisse de secours, et Harmel les fait participer à différents conseils au sein de son entreprise. Plus globalement, sur la personnalité et l’œuvre de ce catholique social, signalons, parmi les nombreuses études réalisées, les deux volumes du jésuite Georges Guitton (Léon Harmel. 1829-1915, Paris, Action populaire/Spes, 1933, 2 vol.), et les travaux de Pierre Trimouille (Léon Harmel et l’usine chrétienne du Val des Bois. 1840-1914, fécondité d’une expérience sociale, Lyon, Centre d’histoire du catholicisme, 1974).
30 Voir à l’inverse, dans les courriers de Mame cités par Édouard Vasseur, le souci de ne pas publier de textes portant atteinte à la religion : Les Études sociales, no 149-150 (2009).
31 AN, C/3026, pièce 6.
32 Ou puni, le mot étant difficilement lisible sur le manuscrit original.